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Full text of "Lettres de Peiresc aux Frères Dupuy, publiées par Philippe Tamizey de Larroque"

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HANDBOUND 
AT  THE 


UNIVERSITY  OF 
TORONTO  PRESS 


COLLECTION 


DE 


DOCUMENTS   INÉDITS 

SUU  L'HISTOIRE  DE  FRANCE 

POBLlés  PAR  LES  SOINS 

DU  MINISTRE  DE   L'INSTIIUGTION   PUBLIQUE. 


DEUXIEME   SERIE. 


Par  un  arrêté  en  date  du  18  décembre  i885,  M.  Ïamizey  de  Larroque,  membre 
du  Comité  des  travaux  historiques  et  scientifiques,  a  été  cbaryc  de  publier,  dans 
la  coHeclion  des  Documents  inédits  de  l'Histoire  de  France,  les  Lettres  de  Peiresc 
aux  frères  Dupuy. 

Par  le  même  arrêté,  M.  Léopold  Delisle,  Président  de  la  Section  d'bistoire  et 
de  philologie  du  Comité,  a  été  nommé  commissaire  responsable  de  cette  publi- 
cation. 


l/i 


LETTRES   DE  PEIRESC 

AUX   FRÈRES  DUPUY, 


PUBLIEES 


PAR 


PHILIPPE  TAMIZEY  DE  LARROQUE, 

CORBESI'ONDANT    DE    L'INSTITDT, 
MEMBRE    NON    RK8IDANT    DU    COMITÉ    DES    TRAVAUX    HISTORIQUES    ET    SCIBKTIFIOUBS. 


TOME  DEUXIEME. 

JANVIER   1629  —  DÉCEMBRE    1633. 


PARIS. 
IMPRIMERIE  NATIONALE. 


M  DGCC  XC. 


p?,?,  A4- 

(€88 


LETTRES  DE  PEIRESC 


AUX  FRERES  DUPUY. 


/ 


I 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur', 
Je  ne  veulx  pas  laisser  partir  la  staffelte,  restablie  aulcunement 
depuis  la  cessation  des  courriers ,  sans  avoir  le  bien  de  vous  salliier, 
et  souliaicter  la  bonne  année  où  nous  entrons,  et  vous  dire  que  grâces 
A  Dieu  nous  sommes  encores  en  trez  bonne  santé  en  ce  pais.  Mais  nos 
appréhensions  ne  peuvent  pas  cesser,  quand  nous  apprenons  que  la 
maladie  -  est  dans  les  lieux  de  Vigile^  et  de  Fraye*,  fort  prez  de  Gre- 
noble* où  l'on  ne  se  garde  point  bien.  Et  qui  pix  est  nous  pensions  que 
le  bas  Languedoc  se  peusse  garentir  du  mal,  comme  il  avoit  faict  jus- 
ques  à  présent.  Mais  depuis  peu  Laudun**  en  a  esté  frappé,  qui  est 
prez  de  Bagnols"  et  le  S'  Esprit*,  ce  qui  luy  a  faict  perdre  l'entrée,  et 


'  Les  notes,  dans  ce  volume  et  dans  le 
suivant,  seront  beaucoup  moins  nombreuses 
que  dans  le  premier,  parce  (jue  soit  j)our 
les  noms  d'bommes  et  de  lieux ,  soit  pour 
les  choses  bibliographiques  et  philologiques , 
la  plupart  des  explications  ont  été  déjà 
données  et  qu'il  suffira  le  plus  souvent  de 
renvoyer  le  lecteur  au  commentaire  de  la 
première  partie  de  la  Cori-espondauce  de 
Peiresc  avec  les  frères  Dupuy. 

'  C'est-à-dire  la  |)esle. 

'  Vizille,  chef-lieu  de  canton  du  départe- 
ment de  l'Isère,  dont  il  a  été  question  dans 
le  tome  1 ,  p.  660. 


'  Probablement  la  localité'  appelée  au- 
jourd'hui le  Fraynès,  dans  la  commune  de 
Grolles-d'Isère,  arrondissement  de  Grenoble, 
canton  du  Touvet. 

'  Vizille  et  Crolles  sont  h  une  vingtaine 
de  kilomètres  de  Grenoble. 

'  Commune  du  département  du  Gard, 
arrondissement  d'Uzès,  canton  de  Roque- 
maure,  a  3^  kilomèti-es  de  Nimes. 

'  Bagnols-sur-Cèze,  chef-lieu  de  canton 
de  l'arrondissement  d'Uzès.  Voir  t.  I, 
p.  6o6. 

'  Ponl-Saint-Espril ,  chef-lieu  decanton  de 
l'arrondissement  d'Uzès.  Voir  1. 1,  p.  399. 


IMrRIHKKII    BltlO^lU. 


2  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

à  dix  villages  d'allentour,  qui  avoient  eu  fraischement  commerce  avec 
ceux  de  Laudun,  bien  que  le  mal  n'ayt  pas  encore  paru  en  aucun  autre 
d'iceulx  qu'à  Laudun.  Au  comté  de  Venaysin  le  mal  ne  faict  pas  de 
nouveau  progrez,  au  contraire  il  diminue  grandement.  Et  ceux  qui  ont 
usé  des  remèdes  nouvellement  mis  en  prattique  escliappent  tous.  Nous 
pensions  restablir  l'entrée  d'Avignon,  mais  il  y  aura  prou  peine  de  s'y 
resouldre  encores,  si  le  mal  du  dit  conté  cesse  tout  à  faict.  Je  n'ay  pas 
eu  de  vos  lettres  plus  fraisclies  que  de  la  fin  d'octobre,  et  vous  ay 
escript  par  toutes  les  commoditez  qui  se  sont  présentées,  mesmes  par 
la  voye  ordinaire  de  la  slaffette  de  Lyon,  ou  de  Belmont^  d'oij  c'est 
que  M"^  de  Fetan^  datte  maintenant  ses  lettres,  et  d'où  il  faict  partir 
une  despesche'  quasi  toutes  les  semaines  une  foys,  ayant  continué  de 
m'escrire  et  de  m'adresser  tousjours  quelque  lettre  de  mes  amys,  tan- 
tost  de  M''  Gassendi  tantost  d'autres,  que  nous  recevons  aprez  estre 
passées  par  le  vinaigre.  Par  la  dernière  staffette  du  dit  s""  de  Fetan  du 
18  décembre,  je  rcceus  une  lettre  de  M"'  Gassendi  du  1  2""%  qui  ac- 
cusoit  la  réception  d'une  mienne  du  1  i  novembre  que  j'avois  envoyée 
par  M''  de  Falaize  soubs  vostre  enveloppe,  dont  j'ay  esté  bien  aise,  car 
j'estois  en  peine  de  ce  pacquet.  M'  de  Fetan  ne  m'ayant  poinct  accusé 
la  réception  de  celles  que  je  luy  avois  adressées  par  le  dit  s""  de  Fa- 
laize. Mais  j'ay  esté  encores  plus  content  d'apprendre  par  le  dit  s''  Gas- 
sendi qu'il  avoit  veu  entre  vos  mains  de  mes  lettres  encores  plus 
fraisches.  Ce  qui  me  faict  conjecturer  que  ce  puissent  estre  celles  que 
j'avois  baillées  au  s'' Gollon  du  28""'  novembre.  Vous  en  aurez  depuis 
receu  du  h  décembre  que  j'avois  envoyées  par  la  staffette  dont  M""  de 
Fetan  m'accuse  la  réception.  Et  ay  encore  escript  depuis  par  un  cour- 
rier extraordinaire  du  païs  party  le  20  du  mois  passé.  Par  le  retour 


'  Commune  du  d(!partement  du  Rhône,  '  Sur  M.  de  Fetan,  voir  t.  I,  p.  98. 

canton  d'Anse,  arrondissement   de    Ville-  ^  C'est-à-dire    un  paquet  de  lettres  et 

franche,  à  17  kilomètres  de  Lyon.  Voir  p.  Ix  autres  objets  confiés  à  la  poste.  Ce  sens  du 

une  note  sur  Balmont.  S'agit-il  de  deux  lo-  mot  dépêche  n'a  été  indiqué  ni  dans  le  Dic- 

calités  différentes?  Le  nom  a-t-il  été  mal  aowmire  de  Liltré ,  ni  dans  les  dictionnaires 

écrit,  ou  a-t-il  été  mal  lu?  antérieurs. 


q 


[1G29|  AUX  FRÈRES  DUPUY.  3 

tlucjuel  je  me  promets  d'avoir  de  voz  nouvelles  Dieu  aydant.  Nous  n'en 
avons  poinct  icy  que  du  passage  des  troupes  que  le  Roy  veult  envoyer 
en  Italie,  dont  les  2,000  hommes  du  chevalier  de  la  Valette'  ont 
rompu  la  glace '^  et  commancé  à  brescher  '  noz  règlements  de  santé. 
Mais  il  n'y  a  pas  moyen  de  desobeyr  au  maistre  en  chose  si  im- 
portante au  bien  de  son  service.  On  y  apporte  toutes  les  précautions 
que  l'on  peut.  Vous  aurez  à  ce  coup  des  vers  de  M'  Viaz*  sur  la  prinse 
de  la  Hoclielle'',  et  si  la  despesche  ne  part  demain,  vous  en  aurez 
de  M'"  Hemy**.  Pour  des  fruicts  d'un  pais  qui  ne  produit  rien  de  plus 
noble  que  des  oranges  aigres,  ils  ne  seront  possible  pas  trouvez  tant 
mauvais.  Je  vouldrois  bien  qu'ils  fussent  A  vostre  goust  et  de  cez  mes- 
sieurs de  vostre  Académie.  Four  le  moings  tesmoigneront-ils  la  bonne 
volonté  des  aulbeurs  comme  de  leurs  compatrioltes.  Les  Flamands 
de  Marseille  ont  eu  roollc  des  chargements  des  despouilles  que  les 
Hollandois  ont  rapportées  de  la  flotte  d'Espagne,  mais  on  n'en  scait 
pas  les  particularités;  ce  sera  une  grande  affaire,  si  elle  est  bien 
véritable.  M'  noslre  Gouverneur''  est  venu  aujourd'huy  de  Marseille, 
aux  fins  de  concerter  la  forme  du  passage  des  troupes  du  chevalier 
de  la  Valette,  comme  je  pense.  Nous  verrons  demain  Dieu  aydant 
ce  qu'il  vouldra  dire.  Et  je  finiray  en  vous  baisant  trez  humblement 


'  Louis,  chevalier  de  la  Valette,  était  un 
enfant  naturel  de  Jean-Louis  de  Nog'aret, 
duc  d'Kpernon.  Il  devint,  en  i645,  lieute- 
nant (jéndral  de  rannée  navale  des  Vénitiens 
et  mourut  en  1 65o. 

'  C"est-ù-dirc  ont  surmonté  les  premières 
diflTicullés.  Litti-é  ne  cite,  au  sujet  de  celte 
locution,  qu'une  phrase  du  duc  de  Saint- 
Simon. 

'  Sur  le  mot  brescher,  voir  le  tome  i, 
p.  100. 

'  Sm-  Ralthazar  de  Vias,  voir  le  tome  I, 
p.  385.  • 

'  Voir  sur  ces  vers  le  fascicule  VI  des 
Corre-ipondiiiits  de  Peiresc,  i883,  p.  iiv. 

'  Sur  Ahraham  Remy,  voir  t.  I,  p.  678. 


Li  pièce  de  vers  de  Remy,  dont  une  copie 
se  trouve  dans  le  registre  XXXVFI  de  la 
collection  Peiresc  à  la  bibliothèque  d'In- 
guimberl,  est  intitulée:  Rupella  obsessa,fii- 
gali  Atiffli,  ad  tlluslrissimum  cardinalem  de 
Richelieu.  Ce  morceau  et  quelques  autres 
{Ad  liupellum.  Cal.  apritis  i6u8;  Hartii* 
moriens  ad  RupellaHO,t  obsessog;  Templum 
gloriœ  e  viiini.'s  Riipellœ  eœcitalum  Ludo- 
vico  Xlll  triumphanli)  sont  reproduits  dans 
le  petit  volume  publié  à  Paris  chez 
Jean  Libert,  iG'lS  :  Abrahami  Remmii 
eloquenliœ  professons  et  poette  regii  pœiimta 
(p.  7-.8). 

'  I.«  duc  de  Guise,  déjà  bien  souvent 
nommé  dans  le  tome  L 


4  LETTRES  DE  PEIRESG  [16-29] 

les  mains  et  à  Monsieur  du  Puy  vostre  frère  et  à  toute  l'Académie,  de- 
meurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  4  janvier  lôag. 

Je  vous  envoyé  un  catalogue  de  livres  m[anu]s[crit]s  la  pluspai-t 
grecs  où  j'estime  qu'il  y  ayt  quelque  chose  qui  mérite  de  n'estre  pas 
négligée.  Un  mien  amy  a  descouvert  cette  cache'  en  un  lieu,  où  je 
faics  ce  que  je  puis  pour  faire  valloir  un  peu  de  crédit  que  j'y  pensois 
avoir,  et  pour  faire  disposer  le  maistre  des  dits  livres  de  s'en  desfaire 
et  d'y  mettre  un  prix.  Je  ne  scay  si  j'en  pourray  venir  à  bout.  Cepen- 
dant je  serois  bien  aise  de  scavoir  de  vous  et  de  cez  messieurs  de  l'Aca- 
démie qui  y  tiennent  le  hault  bout  s'ils  y  auront  rien  trouvé  qui  arrive 
jusques  à  leur  goust,  et  combien  ils  estimeroient  à  peu  prez  que  le 
petit  recueil  se  peult  honnestement  payer. 

Si  l'on  impiime l'ordre  des  courriers  ordinaires  qui  partent  de  Paris 
toutes  les  semaines  pour  les  païs  estrangers  et  pour  les  provinces  du 
royaulme,  comme  les  années  précédantes,  je  vous  prie  de  m'en  envoyer 
un  exemplaire  à  la  première  commodité,  par  la  voye  ordinaire  de 
Lyon  ou  de  Balmont^,  car  il  n'y  aura  pas  de  danger  que  cela  passe  par 
le  vinaigre. 

On  vous  adressera  possible  quelque  lettre  de  change  de  Bordeaux 
de  la  part  des  gents  de  mon  abbayie  ^  auxquels  ay  mandé  de  le  faire, 
si  leur  commerce  est  tout  à  faict  rompu  comme  il  semble  avec  Mar- 

'  Liltré  n'a  cité  sous  le  mot  cache  que  unenotedeM.de  Cazenove  (L'/ii^erwérfiaiVe 

des    témoignages  d'écrivains    postérieurs,  des  chercheurs  et  curieux  du  ^olansicn  888, 

Molière,  La  Fontaine,  Voltaire,  Regnard,  p.  Bg).  • 
J.-J.  Rousseau.  '  L'abbaye  de  Gultres.  Voir  la  savante 

'  Balmont  est  un  lieu  dit  coteau  et  montée  monographie  publiée  par  M.  Ant.  de  Lan- 
de Bal  mont,  qui  se  trouve  entre  la  gare  de  tenay  :  Peiresc  abbé  de  Gutlres  (Bordeaux, 
Vaise  (Paris-Lyon)  et  le  fort  de  Duclieré.  i888,  grand  in-8°). 
Voir  divers  détails  sur  cette  localité  dans 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  5 

seille  à  cause  du  mal  île  Thoulouse '.  Si  cela  esl,  je  vous  supplie  de 
recevoir  ces  deniers  aux  termes  apposez  aux  dites  lettres  de  change,  et 
s'il  y  a  commodité  de  les  faire  remettre  eu  cette  ville  ou  à  Marseille 
par  Messieurs  Passart  et  Sarons,  ou  autre  de  vostre  cognoissance  h  la 
meilleure  condition  qui  se  pourra,  vous  m'obligerez  bien  fort,  si  ce 
n'est  que  quelqu'un  de  cez  commis  de  l'espargnc  baillast  bonne  rescrip- 
lion  sur  les  receptes  générales,  à  cette  lieure  que  l'armée  vient  de 
de  ça,  ou  autrement,  auquel  cas  M'  le  Peletier^  pourroit  faire  roflTice 
envers  cez  Messieurs.  Il  y  a  lieu  d'y  penser.  Mais  tousjours  suis-je 
d'advis  ([ue  vous  en  reteniez  là  ce  que  vous  jugerez  à  propos,  pour  satis- 
faire à  mes  petites  commissions  ordinaires  de  libvres.  Excusez  mes  im- 
portunitez,  je  vous  supplie. 

Je  vous  recommande  le  pacquet  de  M' Gassendi,  ensemble  celuy  de 
M'  Moreau  '  et  la  lettre  du  sieur  Naudé  '  au  cas  que  M""  Gassendi  ne 
fust  à  la  ville. 

Si  vous  voyez  M""  de  Vrys'',  je  vous  prie  de  luy  dire  ou  envoyer  dire 
par  un  des  voslres  que,  selon  son  désir.  M'  le  General  des  Galères*  l'a 
recommandé  chèrement  à  M""  l'Archevesque  de  Paris  '  en  luy  escrivant 
d'autre  chose*. 


'  La  pesle  ravngeail  alors  Toulouse  ef 
une  grande  partie  du  Ijanjjuedoc.  Voir  des 
détails  sur  ces  ravages  dans  le  fascicule  X  des 
Corrcspoiulaiits  de  Peiresc ,  «885,  Lettres  de 
Guillaume  d'Abbalia,  p.  v  et  a 5-2 8. 

'  Voir  t.  I,  p.  3oi. 

'  Sur  le  docteur  René  Moreau ,  voir  t.  I , 
p.  /ii9,  et  surtout  p.  87a. 


•  Sur  Gabriel  Naudé,  voir  t.  1,  mêmes 
lettres,  p.  4o5,  ii^,8jli. 

'  Sur  le  peintre  Adrien  de  Vries,  voir 
I.  I,  p.  5i,  782,  734,  etc. 

'  i'Iiilippe-Enimanuei  de  Gondi. 

'  Jean-François  de  Gondi. 

"  Bibliotlièque  nationale,  collection  Dii- 
puy,  vol.  717,  fol.  1. 


* 


LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 


II 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

ADVOCAT  EN  LA  COUR  DE  PARLEMENT, 

RUE  DES  POICTEVINS  DERRIÈRE  SAISI  ANDRÉ  DES  ARTS  CHEZ  M'  DE  TUOO, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
J'avois  esté  plus  de  deux  moys  entiers  sans  aulcunes  lettres  vostres, 
mais  par  la  dernière  staffette  de  M'  de  Fétan  j'en  ay  receu  tout  d'un 
coup  si  grand  nombre  que  j'en  suis  honteux,  à  sçavoir  du  6  novembre 
(soubs  une  enveloppe  de  M'  le  Peletier  du  i  o  décembre  à  M''  le  pre- 
mier présidant  d'Oppede^),  du  12,  19,  21  et  28  décembre  avec 
lettres  de  M-^  Gassendi  du  1  9™%  de  M'  de  la  Baroderie  ^  du  5""^  du 
dernier,  de  Lorraine  du  2  novembre,  du  s''  de  Vris  du  17°^  et  une 
boitte  de  plantes  du  s"^  Robin  ^,  laquelle  passa  dans  le  vinaigre  mais  si 
heureusement,  parce  qu'elle  estoit  exactement  bien  adjustée  et  clouée, 
qu'aulcune  humidité  ne  pénétra  dans  la  boitte  et  les  plantes  se  trou- 
vèrent trez  bien  conditionnées,  Vray  est  que  ce  que  vous  aviez  cotté 
dessus  de  vostre  main  du  jour  du  parlement  de  Paris  tant  de  la  dicte 
boitte  que  pacquet  de  lettres  empeschà  que  rien  ne  fust  ouvert,  et  fit 
que  l'on  se  contenta  de  tremper  au  vinaigre  les  pacquets  tout  clos,  où 
il  n'y  eut  quasi  que  les  seules  enveloppes  mouillées.  Je  vous  prie  d'user 
de  la  mesme  précaution  à  l'advenir,  car  les  autres  pacquets  que  l'on 
soubçonne  venir  de  Lion  sont  tellement  grillez  ou  bouilliz  que  tout  Se 
gaste.  Or  il  n'y  a  pas  une  de  voz  lettres  ou  je  n'aye  trouvé  de  nou- 
velles obligations  que  je  vous  ay  lesquelles  meriteroient  de  bien  plus 
grands  remerciements  que  je  ne  scaurois  faire  et  des  elïects  de  mon 
service  que  je  vouldrois  bien  pouvoir  acquitter.  Mais  il  y  faudroit  des 
responses  particulières  que  je  ne  puis  vous  faire  présentement  à  mon 

'  Anne  de  Maynier,  baron  d'Oppède,  mentionné  dans  le  tome  I.  p.  lio.  —  *  Voir  t.  1, 
p.  733.  —  '  Voir  t.  I,p.  55o. 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  7 

trez  grairl  regret,  pour  avoir  est6  constraint  inespérémenl  et  hors  de 
mon  rang  et  ordre  du  tableau  d'aller  aujourd'huy  h  la  garde  de  la  porte 
de  la  ville,  avec  un  mauvais  temps,  qui  m'a  occasionné  un  peu  de  co- 
lique et  obligé  de  me  jetter  dans  le  lict  d'où  je  vous  faicts  ce  mot  pour 
accuser  seulement  la  réception  de  voz  lettres,  et  vous  supplier  de  m'ex- 
cuser  pour  cette  foys  si  je  ne  faicts  mieux  mon  debvoir,  à  quoy  je  sup- 
pléeray  par  la  ])rochaine  staffetle  ne  trouvant  pas  de  meilleure  voye, 
quelques  bonnes  qualilez  que  puissent  avoir  tous  autres  porteurs, 
comme  vous  pouvez  voir  par  le  temps  qui  s'escoula  avant  que  vous 
eussiez  mes  lettres  ])ar  M''  de  Falaize,  qui  n'a  poinct  encores  paru  de 
par  deçà  ni  par  consé(|uent  voz  lettres  du  8"""  que  j'attends  impaliam- 
ment  puis  que  vous  m'y  renvoyez,  pour  la  response  de  mes  précé- 
dantes lettres.  On  nous  dict  icy  que  M""  le  Maresclial  d'Estrée  '  est  à 
Valance'^  puis  quelques  jours.  Nous  appréhendons  fort  ie  passage  des 
trouppes  pour  la  maladie  qu'on  dict  estre  desjà  dans  les  trouppes  de 
Montbrison^  Tout  est  en  la  main  de  Dieu.  Nous  allons  rendre  l'entrée  à 
ceux  d'Avignon;  le  mai  est  cessé  par  tous  les  lieux  du  conté  Venaissinoù 
il  estoit  foit  et  excepté  dans  Garpentras  où  il  faict  bien  du  ravage  *.  Sur 
quoy  je  finis  demeurant, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 
DE  Pëiresc. 

Vous  suppliant  que  la  presante  soit  commune  à  Monsieur  Du  Puy, 
voslre  cher  frère.  , 

k  A  Aix,  ce  ao  janvier  au  soir,  1639. 


Je  vous  recommande   trez  instamment  le  pacquet  cy  joinct  pour 
Bordeaux  d'où  j'ay  enfin  eu  des  lettres  par  Marseille. 

*  Voir  sur  la  peste  de  Carpenlras  t.  1 , 
p.  "j'ti.  Dans  le  volume  9587  du  fonds 
français  on  Ironve  (pièce  n"  5)  une  lettre 
écrite  d'Avignon  à  Peiresc,  le  27  avril 
1639,  contenant  des  nouvelles  de  Carpen- 
lras ,  où ,  dit-on ,  T  la  santé  va  s'amélioranl  -. 


'  Sur  ce-  personnagfe ,  voir  1. 1 ,  p.  777. 

'  Le  ciief-lieu  actuel  du  département  de 
la  Drônio. 

^  Aujourd'hui  chef-lieu  d'arrondissement 
du  déparlement  de  la  Loire,  à  35  kilomètres 
de  Saint-Klienne. 


8  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

Comme  aussy  le  pacquet  de  W  Guiltard  et  ceiuy  de  Robbiu  qui 
sont  voisins,  bien  niary  de  donner  cette  courvée  à  voz  gents,  mais  ii 
importe  pour  cette  foys,  sans  conséquance  '. 


m 

À  MONSIEUR,  MOÎVSIEL'R  DU  PUY, 

ADVOCAT  EN  LA  COL'R  DE  PAHLEMENT, 

BDB  DES  POICTEVIXS  PRKZ  SAIM  ANDRÉ  DES  ARTZ  CHEZ  M'  DE  THOB. 
À  PARIS. 

Monsieur, 
Par  la  dernière  stalfelte  qu'on  fit  partir  d'icy  il  y  a  dix  ou  douze 
jours  je  vous  accusois  la  réception  de  vos  despesches  venues  par  la 
mesme  voye,  tant  du  6  novembre  que  du  mois  de  décembre  jusques 
au  28""°  fors  celle  du  s''  de  Falaise  du  8"""  laquelle  est  depuis  arrivée, 
aprez  toutes  foys  voz  lettres  du  8  janvier  pareillement  veniies  par  staf- 
fette,  lesquelles  m'accusoienl  celles  tant  du  s'  Bide  que  de  vostre  petit 
courrier,  que  j'ay  enfin  receiies  peu  à  peu,  trez  bien  conditionnées,  et 
par  conséquant  le  livre  de  M""  Rigault,  et  tous  cez  autres  livrelz  et 
lettres  du  dernier  décembre  et  2"""  janvier,  sans  que  rien  de  tout  cela 
soit  passé  par  le  vinaigre.  Car  touz  nos  ordres  sévères  commancent 
maintenant  à  cesser  puis  la  venue  de  M"^  le  Mareschal  d'Estrée  et  de 
tout  son  train ,  qui  a  voulu  passer  sans  porter  aulcune  billette  de  santé 
des  lieu\de  son  passage,  non  plus  que  Bezançon  commissaire  général ^, 
un  mareschal  de  camp  qui  ne  voulut  dire  son  nom  lequel  couroit  à 
six  chevaulx,  qui  estoit  possible  le  Mareschal  DuxeP,  et  plusieurs  autres 
courriers,  tant  du  Roy,  que  des  officiers  de  l'armée.  Vostre  petit  cour- 


Vol.  717,  fol.  4.  écrivain   raconte  {ihid.,  p.  a5)  qu'en  avril 
Charles  de  Besançon ,  seigneur  de  Sou-  lôag,  à   Suse,  le  maréchal  d'Esfrées  se 
ligné,  était  commis  auv  subsistances  des  ar-  plaignit  à  Louis  XIII  de  la  conduite  de  Be- 
rnées. Bassompierre  l'accuse  d'avoir  rempli  sançon. 

sa  bourse  aux  dépens  de  la  nourriture  des  '  C'était  Jacques  du  Blé,  marquis  d'U- 

soidats  {Mémoires,  t.  IV,  p.  aSi  ).  Le  même  xelles.  Voir  t.  I,  p.  688. 


^ 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  .9 

rier  ne  partit  de  Paris  que  le  ai™,  aussy  n'arriva  il  que  dimanche 
passé.  Le  s'  Bide  m'avoit  envoyé  de  Marseille  son  pacquet  dez  le  ven- 
drcdy  au  soir,  sur  le  poinct  que  l'on  expedioit  un  niessafjer  à  Gènes 
pour  porter  les  lettres  du  vice  lé{;at  d'Avignon  pour  Ronnne  où  j'eusse 
peu  envoyer  le  TertuUian  s'il  fut  venu  par  le  dict  s'  Bide,  comme  j'en- 
voyay  l'inscription  de  M""  Rigault  au  cardinal  ',  c'est  à  dire  celle  qui 
estoit  veniie  soubs  son  enveloppe  de  luy,  et  non  l'autre  que  vous  m'a- 
viez adressée  parmy  ces  petits  livrets.  Mais  à  quelque  chose  malheur 
sera  bon,  car  si  le  TertuUian  fut  allé  dez  lors,  c'eusl  esté  sans  l'epistre 
liminaire  que  je  trouve  excellante,  et  trez  digne  d'estre  veiie  par  le 
cardinal  auparavant  la  préface,  comme  y  servant  de  grande  modifica- 
tion. Ce  qui  n'eust  peu  estre  prest  en  cette  conjoncture  que  j'estois 
si  pressé.  Maintenant  nous  verrons  si  mon  relieur  auroit  le  courage  de 
l'insérer  dans  le  volume  de  la  relieure  du  Gascon  assez  proprement 
puisque  le  dict  Gascon  se  faisoit  fort  d'en  venir  à  bout.  Sinon  au  pix 
aller,  je  ferai  achever  de  relier  l'exemplaire  que  j'en  avois  eu  au  com- 
mancement  avec  la  dicte  epistre  en  son  lieu,  et  le  ferai  couvrir  sinon 
de  ce  beau  cuir  marbré,  au  moings  du  vray  marroquin  de  Levant  ou 
du  sagrin  '^  de  Perse ,  avec  la  plus  propre  doreure  que  mon  homme  ' 
y  sçaurà  faire,  dont  je  veux  croire  qu'il  s'acquittera  aulcunementbien, 
si  ce  n'est  pour  la  tranche,  où  il  ne  scauroit  faire  la  couche  mar- 
brée. Mais  j'estime  que  cela  importe  moings  que  de  laisser  en  ar- 
rière une  si  belle  epistre  et  si  nécessaire  à  voir  conjoinctement  avec  les 
notes.  Cependant  je  vous  supplie  de  m'envoyer  quelque  autre  exem- 
plaire de  la  mesme  epistre  et  du  petit  indice  que  l'autheur  a  adjousté 
au  bout  de  ses  notes  pour  les  faire  insérer  au  livre  qui  me  demeurera, 
sans  qu'il  soit  de  besoing  que  M"^  Rigault  se  mette  en  peine  de  m'en- 


'  Le  cardinal  tout  court,  c'est  toujours 
Fr.  Bnrberini. 

'  La  forme  saffrin  reprësente-t-elle  ia 
prononciation  du  mot  chagrin  en  Provence 
au  ivii*  siècle  ?  Ou  Peiresc  tenait-il  compte 
de  l'origine  orientale  du  mot  {sagri  en  turc)  ? 


'  C'est-à-dire  mon  serviteur  et,  par 
conséquent,  Corberan,  au  sujet  duquel 
je  citerai  cette  phrase  de  la  Vie  de  Pei- 
resc par  Gassendi  (liv.  VI,  p.  543)  : 
irSimeoni  Corberano,  ingenioso  glutina- 
tori.  T) 


tUrtUIKtlS    tATlOIlAi». 


10  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

voyer  un  autre  exemplaire  de  son  TertuUian  pour  moy,  comme  vous 
me  dictes  qu'il  vouloit  faire,  estant  raisonable  que  je  me  contente 
de  l'un  de  ceux  qu'il  m'a  ja  adressez.  Mais  vous  me  ferez  plaisir  de 
m'en  achepter  une  coupple  d'exemplaires  en  blanc  bien  complets,  pour 
en  faire  part  à  de  mes  amys  de  par  deçà,  et  par  la  première  conmio- 
dité  pour  l'Italie,  j'envoyeray  le  livre  et  la  lettre  du  dict  s'  Rigault  au 
cardinal  soubs  l'adresse  de  Dom  du  Puy  afin  qu'il  les  presante  de  sa 
main,  selon  vostre  désir.  J'ay  trouvé  la  lettre  du  dict  s'  Rigault  pour 
Rome,  trez  belle  et  digne  de  son  autlieur  et  de  celuy  à  qui  elle  est  es- 
critteS  et  crois  qu'il  en  demeurera  grandement  satisfaict.  Au  reste  ce 
livre  avoit  esté  si  proprement  empacquetté,  que  quand  le  pacquet  eust 
passé  par  la  purification  du  vinaigre,  je  pense  que  rien  ne  l'auroit  peu 
endaumager.  Son  inscription  a  esté  grandement  admirée  icy  d'un  chas- 
cun  et  crois  qu'elle  ne  le  sera  pas  moings  dans  Rome;  elle  vint  bien  à 
poinct  pour  y  passer,  dont  je  lui  demeure  infiniment  redevable,  et  à 
vous  de  m'en  avoir  procuré  la  communication,  comme  aussy  de  tous 
cez  autres  livrets  tant  de  M'  Grotius  que  autres,  et  des  papiers  et  mé- 
moires de  la  Rochelle,  qui  ne  nous  ont  pas  esté  moings  nouveaux  pour 
estre  de  vieille  datte,  car  nous  n'avions  quasi  rien  apprins  des  curieuses 
remarques  et  particularitez  qui  y  sont  descriltes.  C'est  pourquoy  je 
vous  en  remercie  Irez  humblement  de  tout  mon  cœur,  ensemble  de 
cette  belle  response  au  manifeste  de  Savoye^  dont  on  nous  avoit  faict  • 
grande  feste  sans  que  nous  l'eussions  peu  voir.  Ayant  encor  esté  bien 
aise  d'apprendre  que  vous  ayez  veu  l'Italien  primitif,  car  j'eusse  creu 
qu'il  eust  esté  faict  en  France  sans  cela.  Je  n'ay  pas  encores  peu  voir 
M'  Bide  puis  son  arrivée  en  ce  païs,  mais  mon  frère  l'a  veu  à  Marseille, 
et  luy  a  faict  toutes  les  offres  d'honesteté  à  luy  possibles  de  sa  part  et 

'  Le  cardinal  de  Richelieu.  fërent  et  avec  indication  de  lieu  :  Le  mani- 

'  Réponse  nu  manifeste  de  M.  le  duc  de  feste  de  France,  envoyé  au  duc  de  Savoye, 

Sattoye,  dédiée  à  Son  Altesse;  traduit  de  l'ita-  sur  l'état  présent  des  affaires  de  France,  Man- 

lien,  impriméàFrancfort  {s.l.,  \&-28,ia-li°).  toue  et  Savoye   (Paris,   E.  Martin,  1628, 

11  y  eut  deux  autres  éditions  sous  le  même  in-8°). 

titre  dans  le  format  in-8°  en  i6q8  et  i63o,  '  Risposta  al  manifesto  del  serenissimo 

et  une  autre  édition  encore  sous  un  titre  dif-        «i«c«djSow»w( Francfort,  1628,  iu-4°). 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  11 

de  la  mienne.  H  doibt  venir  icy,  où  nous  l'attendons  en  bonne  dévotion 
pour  luy  lesmoigner  le  pouvoir  que  vous  avez  sur  nous.  Je  Tavois  veu 
par  hasard  une  autre  foys  qu'il  passa  en  cette  ville  revenant  de  la  \\o~ 
chelle,  m'estant  moy  trouvé  de  garde  à  la  porte  de  la  ville,  oCi  je  vou- 
lus faire  cognoissance  avec  luy,  mais  il  s'excusa  disant  vouloir  passer 
incognito.  Il  estoit  avec  la  Miliere'  qui  a  esté  au  gênerai  des  Galères 
et  qui  est  maintenant  à  M'  de  Mantoiie,  et  en  tout  plein  d'employ.  Il 
ne  m'a  envoyé  aulcune  lettre  de  M'  Priandi^  possible  la  reserve  il  pour 
sa  venue,  mais  je  ne  laisray  de  le  servir  cordialement  eu  tout  ce  qui 
me  sera  possible.  J'ai  veu  icy  un  M'  d'Auvillier^  qui  est  de  la  suite  de 
M"^  le  Mareschal  d'Estrée,  qui  a  l'honneur  d'estre  cogneu  de  vous,  et 
qui  monstre  d'estre  grandement  curieux.  Il  est  un  peu  incommodé  des 
jambes,  et  a  faict,  ce  dict  il,  grand  sesjour  en  Italie,  durant  l'ambas- 
sade et  expédition  militaire  de  M""  le  Mareschal.  Mais  je  fus  estonné  de 
ce  que  luy  ayant  moy  demandé  des  nouvelles  du  dict  s'  Bide,  il  me 
dict  qu'il  ne  le  cognoissoit  nullement  et  qu'il  s'en  enquerroit. 

Quant  à  voz  lettres  et  mémoires,  j'ay  veu  le  roUe  qu'il  vous  a  pieu 
dresser  de  l'employ  de  loo  libvres  dont  j'ay  esté  aussy  honteux  que 
des  précédants,  jugeant  cette  punctualilé  grandement  à  charge  à  une 
personne  de  vostre  sorte,  quoy  que  vous  puisse  faire  dire  au  contraire 
l'excez  de  vostre  courtoisie.  Et  si  vous  ne  vous  résolvez  de  vous  abs- 
tenir de  vous  donner  cette  peine,  vous  me  constraindrez  de  m'abstenir 
de  vous  employer  en  la  recherche  des  livres  et  autres  choses  du  temps, 
estant  impossible  que  vous  n'oublyez  souvent  des  articles  de  despance 
à  vostre  préjudice,  et  que  cette  peine  ne  vous  soit  plus  importune 
que  la  recherche  mesmes  des  livres.  Vous  auriez  subject  de  n'avoir 
pas  de  regret,  quand  vous  auriez  mis  dans  une  bource  à  part  l'argent 


'  J'ai  vainement  cherché  le  nom  de  ce 
personnage  dans  les  recueils  de  la  première 
moitié  (lu  xvn'  siècle ,  et  notamment  dans 
les  Mémoires  de  Bassompierre  et  les  Histo- 
riettes de  Tallemant  des  Réaux.  Il  ne  faut 
évidemment  pas  l'identifier  avec  le  sieur  de 
Minière ,  gentilhomme  de  la  maison  du  roi , 


qui  figure  dans  le  rtcueU  Avenel  (t.  V  et 
VII). 

'  Sur  cet  ambassadeur  du  duc  de  Man- 
toue,  voir  1. 1,  p.  779. 

'  Je  dirai  pour  d'Auviiiier  ce  que  je  viens 
de  dire  pour  La  Miiiière  :  je  ne  trouve  son 
nom  nulle  part. 


12  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

qu'on  vous  auroit  donné  pour  moy  et  que  vous  y  puiseriez  pour  les 
fournitures  me  concernant  tant  qu'il  dureroit,  sans  vous  astraindre  à 
l'escripture  de  toutes  ces  parties.  Et  vous  m'osteriez  l'anxiété  où  vous 
me  tenez.  Pour  l'honneur  de  Dieu  faictes  l'ainsin  dezhorsmais,  je  vous 
supplie,  et  ne  me  donnez  plus  de  telles  mortifications  qui  blessent  en 
quelque  façon  la  confiance  que  j'ay  en  vous,  et  desrogent  grandement 
à  la  liberté  de  la  correspondance  qvie  je  pensois  tenir  avec  vous,  que 
vous  me  contraindriez  d'interrompre,  si  vous  ne  me  donnez  ce  conten- 
tement, que  je  vous  ay  si  instamment  requis,  comme  je  faicts  encores 
en  toute  humilité,  espérant  que  vous  ne  m'en  vouldrez  plus  esconduire. 
Cependant  à  ce  que  j'ay  peu  juger  par  les  derniers  articles  de  ce  bor- 
dereau, il  fault  bien  que  vous  soyez  grandement  en  advance  pour 
moy,  ayant  retenu  comme  vous  avez  faict  sur  mon  conte,  et  des  livres 
d'Elzevir,  et  de  ceux  de  la  foire,  et  de  ceux  mesmes  de  Paris,  ce  que 
vous  ne  debvez  pas  laisser  si  longtemps  sur  voz  coffres.  C'est  pour  quoy 
je  vous  supplie  trez  humblement  d'envoyer  prendre  chez  la  dame  de 
Lignage  ce  que  vous  jugerez  à  propos,  estimant  qu'elle  ne  faira  pas 
difficulté  de  continuer  ses  fournitures  sur  les  lettres  de  crédict  de  Mar- 
seille où  j'escriray  qu'on  en  r'affraischisse  l'ordre.  Et  quand  il  viendra, 
soit  par  la  Hollande,  ou  par  l'Allemagne,  quelque  exemplaire  de  ce 
livre  intitulé  Marmora  Arundelliana \  j'en  suis  si  affamé,  que  vous 
m'obligerez  infiniment  de  m'en  faire  avoir  un ,  le  plustost  qu'il  se  pourra , 
m'estonnaiit  que  quelqu'un  de  voz  libraires  n'aye  prins  le  seing  d'en 
faire  venir  de  ces  lieux-là.  Car  il  y  a  longtemps  qu'on  en  a  eu  dans 
Rome.  J'ay  eu  ici  un  exemplaire  des  mémoires  de  la  royne  Marguerite  ^ 
qui  est  venu  par  Avignon  sans  passer  par  le  vinaigre;  j'ay  admiré  de 
voir  que  l'édition  ayt  esté  non  seulement  advouce  par  un  imprimeur, 
mais  par  un  privilège^.  C'est  Mon  Signor  Bagny  qui  me  l'a  envoyé,  qui 

'  C'est  l'ouvrage  publid  par  Jean  Selden  le  Manuel  du  libraire  (t.   111,  col.  i44i). 

en  i<î^8-}  6-2^ -.Marmara  Arundeliana,  sive  '  L'édition  faite  par  Anger  de  Moldon, 

saû:a  grœca  incisa  (in-4°).  Voir  sur  les  édi-  seigneur  de  Granier,  à  Paris,  chez  Ch.  Chap- 

tions  suivantes  des  inscriptions  des  marbres  pelain,  iCaS,  petit  in-8°. 

de  Parcs ,  qui  avaient  élé  achetés  par  Peiresc  '  Ce  privilège ,  qui  étonnait  tant  Peiresc , 

avant  d'être  achetés  par  le  comte  d'Arundel,  ne  reparut  pas  dans  la  réimpression  qui  fut 


[1G29] 


AUX  FRERES  DUPUY. 


13 


a  ostc  la  cause  que  je  ne  l'ay  pas  faict  passer  plus  oultre,  ju^jeanl  bien 
qu'il  l'auroit  faict  luy  mesmc.  Je  seray  pourtant  bien  aise  d'en  avoir 
quelque  autre  exemplaire  pour  mes  aniys,  et  le  livre  du  Florentin 
que  vous  dictes  avoir  esté  nouvellement  imprimé  là  si  exactement,  et 
plustost  du  beau  papier  que  du  pire.  Il  me  tarde  bien  aussy  que  nous 
puissions  avoir  cez  conciles  du  P.  Sirmond  et  le  Solin  de  M'  de  Saul- 
maise  '  où  je  me  promets  de  trouver  de  rares  observations. 

Au  reste,  c'a  esté  un  merveilleux  coup  de  partie^  que  la  prinse  de 
cette  flotte  des  Indes  occidentales  ^  Ces  peuples  se  vont  rendre  les 
raaistres  de  la  mer  en  despit  de  la  grandeur  d'Espagne.  Et  m'estonne 
que  cela  ne  constraigne  l'espagnol  à  faire  la  paix  en  Ilalie,  espérant 
que  quelque  bonne  mine  qu'il  face  quelque  temps,  il  fauldrà  enfin 
qu'il  ployé.  M'  de  Savoye  faict  tousjours  continuer  les  travaulx  de  la 
fortification  du  chasleau  de  Nice  et  du  fort  S'  Souspir. 

On  dict  que  Dom  Felice*  a  faict  une  querelle  d'Alleman '^  au  pauvre 
baron  d'Alemagnc,  gênerai  des  Galères  de  S.  A.*^,  luy  ayant  donné  un 


(loniiée,  la  même  annde,  des  Mémoires  de  la 
Roine  Marguerite  et  qui ,  sauf  celte  omission , 
est  en  tout  point  conforme  ù  l'édition  origi- 
nale. 

'  Rappelons  que  les  Conciles  du  P.  Sir- 
mond (  Concilia  antiqua  Galliœ)  parurent  chez 
Cramoisy  en  i  Gat)  (in-fol.),  et  ([ne  le  Solin 
de  Saumaise  (Plinianœ  exercilnlioncs  in  Cnii 
Juin  Solini  Pohjhistora)  parut  la  même annëe 
chez  Droiiart. 

*  Littré,  sur  cette  expression,  ne  cite  que 
deux  phrases  de  M"'  de  Sc'vigné. 

'  On  lit  dans  l'A  rtde  vérifier  1rs  dates  [Chro- 
nologie historique  de  la  Hollande ,  cdit.  in-S", 
t.XIV,i8i9,  p.  47a):  trLes  armateurs  bol- 
landais  ,  l'an  1 6a8 ,  firent  essuyer  à  cette  der- 
nière puissance  [l'Espagne],  à  la  hauteur  de 
Cuba,  en  Amérique,  une  perte  considérable 
par  l'enlèvement  de  leur  flotte,  dont  la  prise 
fut  évaluée  à  douze  millions  de  florins." 


*  \/i  Vassor  {Histoire  de  Louis XIII,  t.  V, 
p.  687)  nous  apprend  que  ce  ^Dom  Félix  1 
était  fffils  naturel  de  la  maison  de  Savoye 
et  gouverneur  de  Monlnieliani.  Dom  Félix 
est  souvent  mentionné  dans  le  recueil  Avenel 
(t.  VI,  VII,  VIII).  Le  savant  étiifeur  se  con- 
tente d'en  faire  rrun  gentilhomme  attaché  h 
la  duchesse  de  Savoie  n. 

'  Littré,  sous  cette  locution  proverbiale, 
n'a  cité  que  deux  j)hrases  de  Scarron  et  de 
M""  de  Sévigné. 

*  Nous  retrouvons  ce  personnage  dans 
une  lettre  du  cardinal  de  Richelieu  du  3i 
juillet  i636  {Recueil  Avenel,  t.  V,  p.  Sai)  : 
trLe  baron  d'Alemagne  est  employé  dans 
Testât  de  l'armée  navale  en  qualité  de  chef 
d'esca<lre  de  Provence.  1  Sur  Biaise ,  baron 
d'Allemagne  et  delà  Font,  et  sa  fille,  M""  de 
Joucques,  voir  Tallcmantdes  Réaux,  t.  VU, 
p.  Saô. 


14  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

soufflet,  et  l'autre  ayant  voulu  mettre  la  main  à  l'espée,  il  le  fit  saisir 
et  emprisonner  au  dit  chasteau.  Ce  n'est  rien  qui  n'eust  esté  predict  à 
ce  pauvre  gentilhomme,  que  je  tiens  perdu  tout  à  faict  sans  ressource 
quelquonque  et  aussy  bien  que  le  s'  d'Albiny  ^ 

Depuis  avoir  escript,  la  despesche  n'estant  partie  on  a  eu  advis  que 
la  nouvelle  de  l'emprisonnement  du  baron  d" Allemagne  n'estoit  pas 
véritable,  dont  j'ay  esté  bien  aise,  car  c'estpit  grand  daumage  de  la 
perte  d'un  si  brave  gentilhomme.  Ce  5  febvrier^. 

Je  déplore  infiniment  la  mésintelligence  d'entre  M'  l'arclievesque 
de  Thoulouze  ^  et  le  parlement  et  ne  doubte  poinct  que  cela  ne  nuise 
à  l'un  et  à  l'autre  ordre.  Je  dis  à  l'un  et  à  l'autre,  d'aultant  que  bien 
que  M"'  l'archevesque  emporte  l'advantage  à  ce  coup  selon  la  disposi- 
tion du  temps,  il  y  aura  possible  tant  de  peine  à  l'exécution  entière, 
et  tant  de  matière  de  nouvelles  brouilleries,  qu'on  vouldroit  avoir 
esté  à  recommancer.  Et  cela  sera  pour  estre  tiré  à  consequance  ail- 
leurs, et  pour  rompre  en  divers  lieux  la  bonne  correspondance  qui  y 
pouvoit  estre,  laquelle  semble  beaucoup  plus  à  prixser  que  tout  autre 
advantage  qu'on  y  sçauroit  prétendre. 

Un  navire  turquesque*  s'est  eschoiié  entre  les  isles  d'Ieres  et  la  terre 
ferme,  oii  c'est  qu'une  cinquantaine  de  Turcs  se  sont  saulvez  comme 
ils  ont  peu.  Entre  lesquels  plusieurs  esclaves  ont  trouvé  leur  liberté, 
et  deux  Turcs  l'eniez,  se  souvenant  d'avoir  esté  chrestiens  en  leur  en- 
fance, ont  déclaré  vouloir  revenir  à  l'église  et  les  a  on  mis  dans  le  cou- 


'  C'est  le  personnage  appelé  d'Albigny 
dans  les  Mémoires  de  Bassompierre  (t.  I, 
p.  84  et  a 65)  et  qui,  après  avoir  été  gou- 
verneur de  la  Savoie,  mourut  emprisonné 
en  1609. 

'  Ce  paragraphe  a  été  ajouté  en  marge, 
en  regard  du  paragraphe  commençant  par 
les  mots  :  (f  On  dit  que  Dom  Feiice ..." ,  le- 
quel a  été  biffé  de  trois  traits  de  plume. 

'  Charles  de  Montchal.  Voir  sur  ce  prélat 
le  tome  I ,  p.  888.  Une  intéressante  étude  lui 


a  été  consacrée  pr  M.  Léon-G.  Pelissier 
dans  le  fascicule  1  de  son  recueil  intitulé  : 
Les  amis  d'Holstenius  (Rome,  1886,  grand 
in-8°.  Extrait  du  tome  VI  des  Mélanges 
d'archéologie  et  d'histoire,  publiés  par  l'Ecole 
française  de  Rome). 

'  Montaigne  a  dit  :  les  armées  Turques- 
ques.  Turc  a  remplacé  Turquesqw  dans  la 
seconde  moitié  du  svn'  siècle,  et  tout  le 
monde  connaît  la  galère  turque  du  Scapiii  de 
Molière. 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  15 

vont  des  PP.  Recolez  pour  les  instruire  au  christianisme.  J'avois  un 
polit  livret  fjue  je  voulois  envoyer  à  cez  pères,  imprimé  à  Paris  in-8° 
167/1  chez  Martin  le  jeune,  soubs  le  tittre  de  Confusion  de  la  secte 
de  Mahomet,  traduict  par  Guy  le  Febvre  de  la  Boderie  '.  Mais  je  ne  l'ay 
sceu  retrouver  en  mon  estude;  si  vous  en  rencontriez  quelque  exem- 
plaire, soit  en  blanc  ou  frippé,  vous  m'obligerez  de  m'en  faire  avoir 
un,  et  de  me  l'envoyer  par  la  première  commodité. 

Quant  au  s"'  de  Vris  peinctre,  je  vous  remercie  par  un  million  de 
foys  des  caresses  et  bons  offices  que  vous  luy  avez  rendus  et  que  vous 
ne  cessez  de  luy  rendre,  mesmes  de  l'advis  qu'il  vous  a  pieu  me  donner 
que  j'ay  esté  infiniment  aise  d'apprendre,  non  sans  beaucoup  de  regret 
que  le  pauvre  homme  se  laisse  ainsin  emporter,  comme  font  quelques 
foys  les  poètes,  en  l'admiration  de  leurs  ouvrages,  et  de  leurs  heureuses 
rencontres  de  rimes,  ou  autres  cadances,  quasi  inopinées.  11  faut  qu'il 
ayt  bien  change  d'humeur,  car  il  estoit  merveilleusement  humble  en 
ce  pais  icy,  et  d'une  conversation  doulce  et  complaisante,  quasi  comme 
celle  de  M''  Rubens,  au  reste  homme  de  grande  probité  et  syncerité,  et 
grandement  timoré,  de  sorte  que  j'aurois  peine  à  me  persuader  qu'il 
se  laissast  porter  à  des  suppositions.  Il  m'escript  qu'on  avoit  trouvé  sa 
manière  si  approchante  de  celle  de  Antoine  More,  disciple  de  Titian, 
qui  vivoit  il  y  a  70  ansS  qu'on  avoit  revocqué  en  double  si  le  portraict 


'  Cet  dcrivain  naqtiil  à  In  Boderie  (Cal- 
vados) le  (jaoût  i5/ii  ely  mourut  en  iSgS. 
Voir  sur  lui  et  sur  ses  deux  frères  Nicolas  et 
Antoine  le  livre  du  comte  Hector  de  la  Fer- 
rière-Percy  :  Les  Lahoderie,  élude  sur  uiie 
famille  normande  (Paris,  iSSy,  in-8°).  Voir 
spécialement  sur  Guy  une  dtude  de  M.  F. 
Nèvc  :  Guy  le  Fèvre  de  la  Ihdei-ie ,  orienta- 
liste et  poète,  l'un  des  collaborateurs  de  ta  po- 
lyglotte d'Anvers  (186a  ,  in-S").  Le  Manuel 
du  libraire  ne  mentionne  pas  le  petit  livret 
dont  parle  Peiresc,  mais  il  n'a  pas  été  oublié 
par  La  Croix  du  Maine,  qui  nous  apprend 
que  Topuscuie  traduit  de  l'italien   par  Le 


Fèvre  avait  ëté  écrit  premièrement  en  espa- 
gnol par  Jean  André  {Bibliothèque françoise, 
édition  de  1772,  t.  I,  p.  agS). 

^  Antonio  Moro,  selon  une  note  que  \eHl 
bien  me  communiquer  M.  E.  Miintz ,  naquit 
a  Uli-echt  vers  i5i  a  et  mourut  h  Anvers  de 
1676  h  1578.  La  Biographie  universelle  in- 
dique des  dates  bien  différentes,  i5'j5  pour 
la  naissance,  i5C8  pour  le  décès.  Moro  fut 
le  peintre  de  Cliaries-Quint  et  de  Philippe  IL 
Il  excella  dans  les  portraits.  Le  Musée  du 
Louvre  en  [wssède  deux  de  cet  habile  artiste. 
(Voir  le  Catalogue  de  f Ecole  flamande.) 
Moro,  que  Ton  trouve  en  Italie  du  mois 


16  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

de  son  frère  n'esloit  point  de  cette  main  là.  Mais  il  m'allègue  en  tes- 
moings  deux  peintres  bien  galants  hommes  que  j'ay  veus  icy,  qui  le 
cognoissent  luy  et  son  frère  utérin  qui  est  représenté  en  ce  portraict. 
Bien  veux-je  croire  qu'il  l'a  si  longuement  pené\  et  tant  à  son  aise, 
son  frère  luy  prestant  le  collet  2,  qu'il  n'en  feroit  pas  si  aisément  un 
pareil,  et  de  faict  il  me  dict  que  selon  le  payement  on  faict  plus  ou 
moings  de  travail,  et  que  pour  estre  payé  à  la  douzaine  il  ne  seroit  pas 
raisonable  d'y  apporter  tant  d'art  et  tant  de  soing.  M''  Rubens  me  parle 
de  luy  en  une  de  ses  lettres  ^  et  me  dit  qu'il  a  veu  de  ses  portraicts  si 
exactement  ressemblants,  et  de  si  bonne  manière,  qu'il  le  louoit  gran- 
dement, ce  qui  me  faict  croire  qu'il  avoit  possible  veu  la  personne 
mesmes  de  son  frère  utérin  qui  est  représentée  en  ce  portraict;  tant  y 
a  que  j'en  sçauray  la  vérité,  car  j'en  feray  escrire  ces  deux  peinctres 
qu'il  m'allègue.  Et  quand  cette  pièce  ne  seroit  pas  de  luy,  tousjours 
seray  je  bien  aise  d'avoir  de  sa  main  le  portraict  de  M,  Saulmaise" 
et  quelque  autre  comme  il  m'a  promis,  et  me  contenterois  bien 
de  la  bonté  de  la  manière  qu'il  avoit  autres  foys  icy,  à  plus  forte  raison 
s'il  l'a  bonifiée  comme  il  dict.  Aydez  moy  envers  M"'  de  Saulmaise  pour 
luy  faire  donner  le  temps,  et  prester  le  collet.  Et  s'il  faict  M"'  Grotius , 
je  le  prieray  de  m'en  faire  une  coppie,  car  celuy  que  j'ay^  ressemble  si 
peu  à  mon  gré  que  j'avois  peine  de  le  recognoistre  quand  je  le  receus. 


d'avril  i55o  au  mois  de  novembre  i55i, 
ne  fut  pas  disciple  du  Titien ,  comme  l'écrit 
Peiresc;  mais  il  copia  d'une  façon  excellente 
pour  Philippe  II  la  Danaéde  l'illustre  peintre, 
et  c'est  de  là  sans  doute,  selon  l'opinion  de 
M.  Miintz,  que  vient  la  qualiOcation  d'élève 
(lu  Titien. 

'  Sous  le  mot  peitter  pris  dans  ce  sens 
qui  a  toujours  été  peu  usité,  Littré  n'allègue 
aucun  écrivain  et  se  contente  de  donner  un 
exemple  général  :  Ce  peintre  peine  beaucoup 
ses  ouvrages. 

'  C'est-à-dire  l'aidant.  Peiresc ,  on  le  voit , 
emploie  celte  locution  dans  un  sen»  tout 


contraire  au  sens  lia bituel ,  lequel  est  celui- 
ci  :  se  présenter  pour  lutter,  être  prêt  à  ré- 
sister à  quelqu'un,  à  disputer  contre  lui. 
Voir  dans  le  Dictionnaire  de  Littré  trois 
phrases  de  Bussy-Rabutin ,  de  Molière  et  de 
Destouches  où  prêter  le  collet  reçoit  cette 
dernière  acception. 

'  Cette  lettre  ne  nous  a  malheureuse- 
ment pas  été  conservée. 

'  Il  a  déjà  été  question  du  portrait 
de  Claude  de  Saumaise  dans  le  tome  I, 

F-  77- 

'  Voir  au  sujet  du  portrait  de  Grotius 

la  page  citée  dans  la  note  précédente. 


H 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  !7 

Mais  j'ay  trouvé  bien  estrange  sa  prétention  de  faire  aller  M""  de 
la  Ville  aux  Clercs'  chez  luy  pour  se  laisser  peindre,  j'aymerois 
mieux  n'avoir  poinct  de  portraict  de  mes  aniys  que  de  leur  pro- 
curer une  telle  importunité  ou  servitude,  je  luy  en  escripls  mon 
sentiment,  et  que  je  me  contenteray  plus  tost  d'un  simple  premier 
Iraict  de  ressemblance  que  de  leur  imposer  cette  servitude.  Au 
reste  il  m'escript  avoir  nouvelles  d'Anvers  qu'on  y  avoit  recouvré 
pour  moy  un  exemplaire  du  livre  de  la  maison  de  Lynden*  avec 
quelque  portraict  qu'on  luy  debvoit  bientost  envoyer  et  qu'il  es- 
toit  en  peine  de  me  le  faire  tenir;  je  luy  mande  qu'il  vous  remette 
le  tout  en  main  et  que  vous  me  ferez  la  faveur  de  prendre  ce  soing. 
Quand  vous  le  verrez,  je  vous  prie  de  l'en  semondre,  et  de  le 
faire  retirer,  attendant  qu'il  se  puisse  restablir  quelque  commerce 
sans  passer  par  Lyon.  J'attendray  impatiemment  cez  notes  de 
M'  Hcinsius  '  sur  le  nouveau  testament  *,  car  ce  qu'il  a  faict  sur 
le  Nonnus  avec  tant  de  modestie  m'a  infiniment  agréé  ^.  Son  Ovide 
et  son  Horace  ne  pourront  estre  que  trez  bons*,  tant  soit  peu  qu'il 
y  ait  contribué  du  sien,  quand  ce  ne  seroit  que  le  choix  des  meil- 
leures entre  diverses  leçons,  ou  la  correction  de  l'ouvrage  et  netteté 
de  l'édition. 

J'ay  veu  le  cathalogue  des  libvres  m[anu]s[crit]s  que  le  s''  Franc. 
Bravo  a  baillé  à  M""  Rigault  où  il  y  a  bien  des  pièces  curieuses  et  im- 
portantes, ce  semble,  mesmes  le  Fecundus  Hermianensis  dont  il  a 
fourny  la  coppie,  mais  pour  mon  goust  de  moy,  qui  ne  puis  pas  tant 
bien  me  servir  des  meilleurs  libvres,  je  vouldrois  bien  avoir  veu  cette 

'  Sur  Antoine  de  Loménie,  sieur  de  la  '  Danielis  lletnsii  Aristarchng  Saeer,  tive 

Ville-aux-Glerc8,  voir  t.  1,  p.  56.  ad  Nomi  in  lohannem  metaphrasin  exercita- 

''  Aiinales  /rénéalogtques  (le  la  maison  de  tiones  (Leyde,  1697,  in-8°). 
Lynden,  pni'  F.  Ghiistopiie  Buikens,  An-  '  L'Horace  et  VOvide  attendus  par  Pei- 

vers ,  1 6a  6.  resc  parurent  en  1 6a  9  (  Leyde ,  in- 1 6  ).  Déjà 

'  Sur  Daniel  Heinsius,  voir  t.  I,  p.  8.34.  Heinsius  avait  publié  dans  la  même  ville. 

'  L'ouvrage  ne  parut  qu'api  es  la  mort  en  161a,  une  édition  in-8°  d'Horace  qui 

de  Peiresc  :  Exercitationes  sacrce  ad  Noviim  avait  été  fort  critiquée. 
Teslamentutn  (Leyde,  1689,  in-foi.). 


f8  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629J 

histoire  ecclésiastique  de  Menegaldus  puiscp'il  a  manié  le  Trogus,  et 
qu'il  en  a  vraysemblablement  conservé  quelques  fragments  autres  que 
ce  que  nous  en  a  donné  le  Justin. 

Cez  etyinologies  aussy  d'Orion  grammaticus^  ne  pourroient  estre 
que  de  bon  usage.  Et  cette  histoire  de  Philostorgius  de  Photius^  en- 
semble cez  autres  pièces  de  l'histoire  coustantinopolitaine  de  Briamius 
et  de  Nicephore  Blemniydas^.  Gomme  j'escrivois  la  présente  on  m'a 
apporté  de  la  poste  vostre  despesche  du  1 5'™'  soubs  une  enveloppe  de 
M*"  Jacquet  du  ^h"""  passée  par  le  vinaigre,  mais  Dieu  mercy  il  n'y  a 
rien  de  si  gasté  qu'il  ne  puisse  bien  servir.  Celuy  qui  a  accoustumé 
d'estre  au  bureau  pour  la  santé,  et  qui  sçait  mon  humeur,  ne  s'y  est 
pas  trouvé  par  malheur,  car  la  cotte  du  doz  de  vostre  pacquet  de- 
voit  empescher  la  puriflcation  du  vinaigre;  on  y  a  voit  joinct  au  bureau 
de  M''  de  Fetan  un  pacquet  de  Lyon  qui  a  esté  cause  de  ce  desordre. 
Je  luy  veux  mander  de  faire  mettre  soubs  enveloppe  séparée  ce  qui 
viendra  de  Paris.  J'ay  grande  appréhension  que  cez  changements  ne 
desgoustent  M''  Jacquet,  à  quoy  beaucoup  d'honnestes  gents  feroient 
grande  perte. 

Voila  quasi  tout  ce  à  quoy  escheoit  principalement  responce  sur 
toutes  voz  lettres,  si  ce  n'est  que  je  crains  d'avoir  oublié  de  vous 
accuser  la  réception  de  la  boitte  de  cire  d'Espagne,  et  de  tout  ce 
que  vous  aviez  faict  bailler  au  petit  courrier  du  païs.  Vous  remer- 
ciant de  rechef  de  tant  de  soing  et  de  tant  de  belles  curiositez  et 
m[anu]s[cri]tes  et  imprimées  dont  nous  ne  vous  sçaurions  rendre  aul- 
cune  revanche  qui  vaille.  Et  je  suis   constrainct  de   clorre  pour  le 


'  Lexicographe  grec,  né  à  Thèbes  en 
Egypte  dans  le  v'  siècle  après  J.-C.  Son 
Etymologicum  a  été  publié  par  Sturz  dans 
le  recueil  des  Elymologica ,  dont  il  forme  le 
3'  volume  (Leipzig,  1820,  in-/i°). 

^  L'extrait  de  ÏHisloire  ecclésiastique  de 
Philostorge  (nd  en  Cappadoee  dans  le  iv* 
siècle  après  J.-C.)  que  nous  a  conservé  Plio- 
tius  fut  publié  par  J.  Godefroy  (Genève, 


i643 ,  in-4°),  et  de  nouveau,  quelques  an- 
nées plus  tard,  pr  Henri  de  Valois  (Paris, 
1673). 

'  On  a  publié  quelques  pages  de  cet  écri- 
vain ecclésiastique  du  xin'  siècle  (  Recueils  de 
Raynaldi,  de  Léo  Allatius,  etc.).  Plusieurs 
autres  ouvrages  de  Blemmidas  existent  en 
manuscrit  dans  les  bibliothèques  de  Munich, 
de  Paris  et  de  Rome. 


[1629]  AUX  FRERES  DUPUY.  19 

présent,  on  continuant  mes  voeux  pour  vostre  santé  et  contentement, 
demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  Irez  obligé  serviteur, 
DE  Peibesc. 
A  Aix,  ce  3  febvrier  lôag. 


Mon  frère  est  en  Arles  depuis  quelques  jours;  je  l'attends  à  mardy 
procliain  Dieu  aydant.  Il  vous  est  trop  obli{jé  et  à  M""  vostre  frère  de 
riioiuieur  de  vostre  souvenir  comme  je  suis  aussy  et  de  l'espérance  que 
vous  me  donnez  de  la  participation  de  ces  belles  inscriptions  antiques 
nouvellement  recueillies  par  Dom  Du  Puy. 

Celles  d'Arundel  debvroient  bien  sortir  de  quelque  coing.  Je  plains 
infiniment  le  pauvre  P.  Goulu'.  Ce  bref  avec  la  clause  Dummodo  recédai 
à  vulgari  schismate  facuUalts  est  bien  estrange,  et  s'il  s'en  void  de  coppie 
je  la  verrois  bien  volontiers.  Je  m'en  vay  voir  M""  Bide  dont  je  viens 
d'apprendre  l'arrivée.  M"'  le  mareschal  d'Estrée  revint  devant  hier  au 
soir  en  cette  ville  et  alla  incontinant  rendre  sa  visite  à  M.  le  premier 
présidant  qui  l'avoit  veu  à  son  retour  d'Arles;  mais  il  estoit  passé  oultre 
à  Marseille. 

J'entends  qu'il  se  trouve  là  des  curieux  qui  ont  coppie  de  diverees 
pièces  curieuses  de  la  façon  de  fra  Paolo  Servita^.  Mesmes  une  sienne 
version  des  cantiques,  quelques  pieux  discours  familiers,  recueillis  par 
de  ses  amys,  et  plusieurs  epistres  mesmes  à  des  persones  qualifiées 
de  delà.  S'il  s'en  pouvoit  avoir  des  coppies  vous  m'obligeriez  bien  de 
me  les  faire  faire  par  quelque  coppiste. 

Comme  aussy  de  quelques  petits  traictz  de  Scaliger  qu'on  dict  se 
trouver  pareillement  sur  quelques  chappitres  du  Daniel  et  du  Job,  si 
cela  se  trouve  en  main  de  voz  amys'.  On  m'a  dict  que  vous  avez  faict 


'  Voir,  sur  Dom  Jean  Goulu ,  le  tome  1 , 
p.  177.  Peiresc  venait  d'apprendre  la  nou- 
velle de  la  mort  du  gdndial  des  Feuillants, 
mort  urrive'e  à  Paris  le  5  janvier  i()si<). 


'  Sur  Fra  Paolo  Sarpi ,  voir  t.  I ,  p.  98 , 
55,  etc. 

'  Aucun  de  ces  traités  n'est  signalé  dans 
le  Joseph  Jusius  Scaliger  de  Jacob  Bernays 

3. 


20  LETTRES  DE  PEIRESG  [1629] 

bailler  l'armonie  céleste  de  feu  M'  Aleaulme  '  au  s'  Hardy  commissaire 
au  Chastelet^pour  la  faire  imprimer.  J'en  sçauray  volontiers  la  vérité^ 

Il  s'esloit  veu  une  lettre  du  roy  à  M.  de  Crequy  du  i  Janvier  pour 
faire  mettre  en  liberté  la  connestable ,  on  dict  qu'il  y  a  eu  arrest  du 
conseil  du  17™"=  Janviei",  pour  son  eslargissement  formel.  Vous  verrez 
icy  les  arrests  dudict  conseil  contre  nous  et  contre  Mess"  des  comptes. 
On  dit  qu'ils  avoient  esté  résolus  bien  plus  fulminants,  mais  que  cela 
fut  modéré.  Je  me  conjouys  avec  vous  de  la  publication  des  conciles 
du  P.  Sirmond,  et  vous  ay  bien  de  l'obligation  de  la  reserve  qu'il  vous 
plaict  me  promettre  d'un  exemplaire  en  fin  papier.  Je  vous  prie  d'en 
faire  autant  du  Solin  de  M''  Saulmaise. 

Je  vous  avois  prié  de  me  .mander  si  les  notaires  apostoliques  de 
Paris  ont  aulcuns  privilèges,  enquerez  vous  en,  je  vous  supplie,  et  s'il 
s'en  trouve  rien  d'imprimé,  faictes  moi  la  faveur  de  me  l'envoyer  au 
plustost  que  vous  pourrez  *. 


(BeHin,  i855,  in-8°),  ouvrage  très  exact 
au  point  de  vue  bibliographique  et  où  un 
chapitre  spécial  est  consacré  à  Ja  critique 
ecdésiasûque  {Ecclesiastische  Kriltk)  dans  les 
œuvres  du  grand  philologue. 

'  Surle mathématicienJacques Alleaunie, 
voir  t.  I,  p.  3io. 

"^  Claude  Hardy,  fils  de  Sébastien  Hardy, 
receveur  des  tailles  au  Mans,  naquit  dans 
cette  ville;  il  fut  d'abord  avocat  au  parle- 
ment de  Paris  :  il  acheta  bientôt  une  charge 


de  conseiller  au  Châtelet;  il  mourut  le  5  avril 
1678.  11  fut  l'intime  ami  de  Descartes,  de 
Gassendi,  de  Huet  qui  l'a  beaucoup  loué 
dans  ses  Mémoires.  Il  fit  imprimer  en  i6q5, 
in-i°.  Les  questions  d'Euclide(Data  Euclidis), 
avec  les  Commentaires  du  philosophe  Marin. 
Voir  Histoire  littéraire  du  Maine,  par  B.  Hau-  ' 
réau,  seconde  édition ,  t.  VI ,  1 878,  p.  72-76. 

^  Hardy  ne  fit  jamais  imprimer  ï Harmo- 
nie céleste. 

'  Vol.  717,  fol.  6. 


H 


[1629] 


AUX  FRERES  DUPUY. 


21 


IV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

ADVOCAT  EN  LA  COUR   DE  PARLEMENT, 
BUE  DES  P0ICTEVIN8  PREZ  SAINT  ANDBI^  DBS  AHTZ,  CHEZ  H'  DE  THOD. 

À  PARIS. 

Monsieur, 
La  despcsclie  est  demeurée  quelques  jours  icy  pour  attendre  quel- 
ques resolutions  que  vouloit  prendre  M""  le  Mareschal  d'Estrée  avec  les 
gents  du  païs,  sur  le  passage  des  trouppes  qui  viennent  du  Hault  Lan- 
guedoc et  du  païs  suspect  de  maladie,  lesquelles  on  expose  en  une  isle 
de  S**  Marguerite,  prez  Lyrins',  pour  quelques  jours  de  quarantaine, 
sans  les  laisser  communiquer  avec  ceux  de  cette  province.  Comme 
aussy  pour  l'embarquement  et  charroy  de  grande  quantité  de  bled  et 
de  munitions,  qui  suyvent  l'armée,  ce  qui  s'est  résolu  ce  jourd'huy. 
M'  Sanguin '^  qui  passa  en  poste  samedy,  portoit  des  ordres  si  précis 
de  passer  en  quelque  façon  que  ce  fust,  soit  que  M""  nostre  gouverneur 
fust  présent  ou  non,  remettant  à  son  arbitrage  de  passer  ou  non, 
qu'il  fut  grandement  surprins,  et  parla  cathégoriquement  qu'il  iroit 
quoy  qui  peust  arriver.  Et  c'estoit  pour  cela  qu'il  avoit  désiré  de 
voir  M"'  le  Mareschal  dimanche,  qui  s'y  en  alla,  et  en  revint  hier 
au  soir  ayant  aujourd'huy  disné  chez  M''  le  premier  présidant  d'Op- 
pede.  Et  le  s'  Bide  y  est  arrivé  de  Marseille  à  l'heure  mesmcs  qu'ils 
s'alloient  mettre  à  table  tout  à  temps  pour  estre  de  la  partie.  A  ce  soir 
j'ay  eu  l'honneur  de  le  voir  et  de  le  sallûer  de  vostre  part;  il  se  lotie 


'  L'ile  Sainte-Marguerite  fait  partie  des 
îles  de  lidrins,  vis-h-vis  de  Cannes  (Alpes- 
Maritimes). 

'  C'était  Charles  Sanguin,  alors  gentil- 
homme ordinaire  du  roi  et  plus  lard  son 
maître  d'hôtel  (i6,3o).  Il  fut  renvoyé  de  la 


cour  en  1 638.  Voir  les  Mémoires  de  Bassom- 
picrre  (t.  IV,  p.  aSg).  On  trouve  une  anec- 
dote sur  Sanguin  dans  Tallemant  des  Réaux 
(t.  II,  p.  93).  Ce  personnage  est  souvent 
mentionné  dans  le  recueil  Avenel  (t.  II,  III, 
VII,  VIll). 


22  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

grandement  de  vous,  et  m'a  faict  de  grandes  recommandations  de  la 
part  de  M'  Priandi,  à  qui  je  suis  infiniment  redevable  de  i'Iionneur  de 
son  souvenir,  et  de  m'avoir  procuré  la  cognoissance  d'un  si  galant 
homme.  M'  de  La  Falaise  s'y  est  trouvé  en  mesme  temps,  qui  s'en  va 
demain  en  Arles  pour  les  embarquements.  Un  qui  vint  hier  de  Nice 
m'a  asseuré  que  les  fortifications  y  vont  fort  laschement,  et  que  les 
soldats  y  sont  en  si  petit  nombre  qu'il  n'y  en  a  pas  3oo  d'extraordi- 
naire. Ce  qui  me  faict  conjecturer  que  M"'  de  Savoye  pourroit  bien 
sinon  estre  de  la  partie,  au  moings  se  tirer  un  peu  en  arrière  pour 
laisser  faire,  ce  qui  ne  seroit  pas  peu.  Dieu  luy  veuille  bailler  cette 
inspiration!  M''  Bide  n'est  pas  trop  esloigné  de  cette  espérance,  je  le 
serviray  de  tout  mon  cœur  en  tout  ce  qui  me  sera  possible.  Et  sur  ce 
je  finiray  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 

DE  Peiresc. 

Ce  5  febvrier  au  soir  1629. 

J'ay  aujourd'huy  escript  à  Mess.  Autin\  Poullain^  et  Du  Chesne ', 
et  vous  supplie  de  leur  faire  rendre  mes  lettres,  et  d'en  faire  demander 
la  responce.  Je  prie  M'  Autin  de  me  faire  bailler  coppie  de  quelques 
chappitres  d'un  registre  de  monnoyes  qu'il  a ,  de  feu  Lautier  ",  et  vous  ' 
supplie  de  luy  envoyer  un  coppiste,  pour  les  transcrire.  J'ay  des  cop- 
pies  de  quattre  ou  cinq  vieux  registres  des  monnoyes,  qui  seroient 
possible  de  quelque  bon  usage,  si  j'y  pou  vois  adjouster  une  coppie  en- 


'  Voir,  sur  Aulin  ou  Aultin,  1. 1,  p.  211. 

^  On  conserve  h  Carpentras,  dans  ie  cin- 
quième registre  des  minutes  des  lettres  de 
Peiresc,  plusieurs  lettres  à  M.  Poullain,  gê- 
nerai des  monnaies  à  Paris,  mais  on  n'y 
trouve  pas  la  lettre  ici  annoncée  et  qui  aurait 
été  écrite  le  5  février  1629.  l^es  lettres  de 
ringuimbertine  adressées  à  M.  Poullain  sont 
au  nombre  de  neuf,  huit  de  1612,  la  der- 


nière de  1619,  toutes  écrites  de  Paris.  Voir 
une  lettre  de  Poullain  à  Peiresc  à  la  Biblio- 
thèque nationale,  fonds  français,  vol.  95^2  , 
fol.  27,  écrite  de  Paris  te  28  août  i6i3. 

'  Sur  André  du  Cbesne,  voir  t.  I,  p.  i5. 

*  Philippe  de  Lautier,  d'Embrun,  qui 
avait  été  général  des  monnaies  de  France 
dans  le  siècle  précédent. 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  M 

tiere  de  celuy  du  dit  Laulhier,  mais  je  ne  sçay  si  ce  ne  seroit  poinct 
une  demandf!  désagréable  au  dit  s'  Autin.  Bien  l'asseurerois-je  que 
je  ne  l'imprinierois  pas,  s'il  me  permettoit  de  le  faire  transcrire,  et 
que  ce  ne  seroit  (juc  pour  mon  usage  particulier,  pour  avoir  mieux  de 
quoy  entendre  le  faict  des  monnoyes  de  ce  Royaulme.  H  ne  seroit  pas 
besoing  d'y  faire  dessigner  les  figures  du  registre  parce  qu'elles  sont 
toutes  imprimées  en  i'espreuve  qu'en  fit  tirer  M""  Aulin  dont  il  me 
donna  un  exemplaire.  Cependant  s'il  y  avoit  moyen  de  faire  transcrire 
le  registre  qu'on  appelle  Entre  deux  aiz  de  la  cour  des  monnoyes,  j'en 
serois  infiniment  aise  et  en  ferois  bien  volontiers  la  despance.  Je  crois 
qu  il  a  esté  desja  coppié  plusieurs  foys,  et  qu'il  se  trouveroit  de  vos 
amys  qui  en  auront  la  coppie,  entr'autres  M'  le  Présidant  Lauzon', 
M""  Poullain  et  autres.  Voyez,  je  vous  supplie,  si  par  quelque  moyen 
vous  le  pourriez  faire  coppier  soit  sur  l'original,  ou  sur  des  coppies;  en 
un  besoing,  M''  de  Lomenie  le  pourroit  bien  faire  tirer  pour  l'amour 
de  vous  et  de  moy,  s'il  ne  le  vouloitadjouster  à  ses  recueils  luy  mesmes 
par  niesme  moyen.  Vous  verrez  une  lettre  de  M'  Holstenius^  qu'il  ne 
fault  pas  publier,  je  luy  prépare  des  lettres  de  recommandations  aux 
consuls  de  Levant.  11  eu  fauldroit  du  roy  à  l'ambassadeur  qui  fussent 
de  bonne  ancre  ^. 


'  M.  de  Lauzoïi  est  très  souvent  men- 
tionné dans  le  recueil  Aveiiel.  Voir  passim 
t.  II ,  III ,  IV,  V,  VI ,  VII  et  VIII.  Nous  retrou- 
verons plusieurs  fois  son  nom  dans  les  let- 
tres suivantes.  Le  registre  VI  des  niiimtes  de 
Peiresc  à  la  bibliotliè({uc  de  Cai'pentras  con- 
tient (fol.  789)  une  lettre  à  M.  le  président 


de  Lauzon  écrite  d'Aiv  le  6  février  i633. 

''  Sur  Luc  Holstenius,  voir  I.  I,  p.  ôg, 
453,  etc. 

"  L'expression  écrire  de  bonne  encre  est 
dans  ['Histoire  universelle  d'Agrippa  d'An- 
bigué.  —  Vol.  717,  fol.  10. 


24  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 


À  MONSIEUR,   MONSIEUR  DU  PU  Y, 

ADVOCAT  EN  LA  COUR  DE  PARLEMENT  DE  PARIS, 
ROE  DES  POICTEVINS  DERRIÈRE  SAINT  ANDRÉ  DES  ABTZ,  CHEZ  m'  DE  THOU. 

A  PARIS. 

Monsieur, 
Vostre  lettre  du  2  Janvier  me  fut  envoyée  de  Marseille  cez  jours 
passez  de  la  part  de  M"'  Bide,  et  le  jour  mesme,  mon  frère  De  Vallavez, 
qui  se  trouvoitlors  à  Marseille,  l'allà  visiter  de  ma  part,  pour  sçavoir 
si  ce  n'estoit  pas  luy  qui  s'estoit  chargé  d'un  pacquet  vostre  selon  l'ad- 
vis  que  vous  nous  en  aviez  faict  donner  par  la  voye  de  M'  de  Fetan, 
et  luy  offrit  toute  sorte  de  service  et  pour  luy  et  pour  moy.  M'  Bide 
luy  dict  qu'il  me  l'avoit  envoyé  et  qu'il  s'en  debvoit  incontinant  venir 
icy  où  je  l'avois  attendu  en  bonne  dévotion,  pour  luy  faire  mes  com- 
pliments de  vive  voix,  et  pour  luy  tesmoigner  combien  vous  pouvez 
sur  moy  et  sur  touls  les  miens.  Il  ne  vint  qu'hier  fort  tard,  et  dès  que 
je  l'ay  sceu  à  ce  matin  je  le  suis  allé  trouver  avant  qu'aller  au  palais, 
il  n'estoit  pas  levé  et  je  l'eusse  attendu  sans  que  pour  une  affaire  qu'il 
m'avoit  envoyé  recommander  je  suis  entré  en  la  chambre,  et  l'ay  faict 
passer  à  son  contentement.  A  l'issue  je  pensois  l'aller  voir,  et  j'ay  trouvé 
un  des  siens  en  chemin  qui  me  venoit  faire  des  excuses  de  ce  qu'il 
avoit  esté  constrainct  de  repartir  en  poste  sur  le  passage  d'un  courrier 
du  roy.  Et  de  faict  M"'  le  Mareschal  d'Estrée  qui  estoit  icy  pour  quel- 
ques jours,  s'en  rêva'  demain  du  grand  matin  à  Marseille,  pour  re- 
venir icy  souper  le  mesme  jour,  aprez  avoir  conféré  avec  M'  de  Guise 
des  ordres  nouveaux  qu'il  a  eus  du  Roy.  Possible  que  le  dit  s'  Bide  re- 
viendra avec  luy,  et  je  rechercheray  tous  moyens  de  le  servir,  pour 


'  Ce  synonyme  de  s'en  va  de  nouveau  a-t-il  été  ailleurs  remarqué?  Je  n'en  trouve  pas 
mention  dans  nos  dictionnaires. 


% 


[1629] 


AUX  FRÈRES  DUPUY. 


25 


l'amour  de  vous,  et  de  M'  Guiscardi,  et  pour  l'amour  de  luy.  Si  j'en 
rencontre  des  occasions,  vous  en  entendrez  les  effects  Dieu  aydant.  H 
ne  m'a  poinct  laict  rendre  de  lettre  de  M''  Priandi,  mais  je  ne  laisray 
pas  d'agir  en  tout  ce  que  je  pourray,  et  de  servir  M""  Priandi  si  je 
puis  de  toute  mon  afFection,  vous  l'en  pouvez  asseurer.  Au  reste  le 
Tertullian  de  M"'  Rigault  est  arrivé  en  trez  bon  estât  sans  passer  par 
le  vinaigre.  J'ay  trouvé  grandement  belle  son  epistre  au  cardinal  de 
Richelieu,  non  seulement  pour  les  félicitations  de  l'Iieureux  succez  de 
la  guerre  de  la  Rochelle,  qui  ne  se  pouvoient  faire  de  meilleure  grâce 
que  cela,  mais  aussy  pour  les  interprétations  qu'il  y  a  faictes  de  la 
préface  de  ses  observations  laquelle  en  est  bien  meliorée  à  mon  advis. 
C'a  esté  de  la  peine  à  M""  Rigault  de  reparler  une  seconde  foys  de  ce 
qu'il  avoitdesjasi  dignement  traicté.  Et  je  recognois  bien  que  je  suis 
cause  en  partie  du  soing  qu'il  en  a  prins.  Mais  je  n'en  suis  pas  marry 
et  crois  bien  qu'il  en  est  maintenant  bien  aise  luy-mesmes,  puisque 
par  ce  moyen  il  contente  tout  le  monde,  et  prévient  tout  prétexte  de 
sinistre  interprétation.  Et  je  trouve  que  cez  derniers  éloges  qu'il  donne 
à  Tertullian  sont  grandement  advantageux  pour  sa  mémoire,  voire 
plus  obligeants  que  les  précédants,  espérant  qu'ils  seront  encore  mieux 
prins  d'un  chascun.  Son  inscription  pour  la  réduction  de  la  Rochelle 
ne  se  peult  assez  extoller'  à  mon  gré;  j'envoyay  au  cardinal  Barberin, 
par  la  dernière  commodité,  l'exemplaire  qu'il  m'en  avoit  envoyé  luy 
mesmes,  et  si  j'en  eusse  eu  une  douzaine  d'exemplaires,  je  les  eusse 
envoyés  en  bon  lieu.  Je  vous  prie  de  nous  en  faire  envoyer,  ensemble- 
de  son  epistre  liminaire  au  cardinal  de  Richelieu,  pour  en  faire  part  à 
noz  amys. 

M"'  le  Mareschal  d'Estrée  faict  tout  ce  qu'il  peult  pour  liaster  les 
trouppes  qui  doivent  passer  les  monts,  tant  pour  les  levées  qui  se 
iont  en  cette  ville  et  en  divers  autres  endroicts  de  cette  province,  que 
pour  le  passage  de  celles  qui  viennent  du  Languedoc  et  du  Daulphiné, 


'  Le  verbe  exloller,  du  latin  exloUere,  est  iadiquë  comme  vieux  par  ie  Dictionnaire  de 
Trévoux.  Le  mol  ne  figure  pas  dans  le  Dictionnaire  de  Richelet. 


lirilMtlK    NAtlOIAU. 


26  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

lesquelles  descendront  par  la  rivière  jus(|ues  à  la  mer,  où  l'on  les  em- 
barquera sur  des  navires  ou  autres  barques  de  mer,  toutes  celles  du 
Martigues  '  et  autres  lieux  de  la  coste  ayant  esté  arrestées  pour  cet 
effect;  la  cavallerie  est  desja  descendue  prez  d'Avignon,  d'où  elle 
prend  la  traverse  du  Conté  Venaissin ,  bien  prez  des  lieux  infectez  de 
la  maladie,  pour  passer  par  Apt'S  sur  le  pont  de  Sisteron\  et  de  là 
se  rendre  vers  Antibe  \  Car  en  ce  temps  le  passage  des  barques  de 
la  Durance  seroit  grandement  incommode,  et  cependant  on  espargne 
les  principales  villes  du  coeur  de  la  province ,  au  cas  que  les  trouppes 
laissassent  du  mal  en  passant  quelque  part,  ce  que  Dieu  garde. 
11  est  desja  arrivé  en  Arles  grande  quantité  de  bleds  et  de  mu- 
nitions pour  toute  l'armée,  descendues  par  eau  à  travers  le  canal  de 
la  rivière  de  Saône  qui  passe  par  Lyon.  Dont  l'allarme  est  bien 
grosse  de  touts  cez  peupples  icy,  estant  malaisé  de  croire  que  ceux 
qui  estoient  sur  cez  batteaux  ayent  peu  s'abstenir  de  frequanter  avec 
ceux  de  Lyon  en  passant*.  Dieu  nous  veuille  bien  garder,  nous  en 
avons  bon  besoing  en  ce  païs.  Vous  verrez  coppie  d'une  lettre  du 
Roy  à  M'  de  Grequy  pour  l'eslargissement  de  M*^  la  Connestable.  On 
dict  qu'il  y  a  eu  un  arrest  du  conseil  sur  le  mesme  subject  et  qu'il  est 
arrivé  un  exempt  à  Grenoble  pour  l'aller  eslargir  et  que  M'  de  Grequy 
avoit  voulu  remettre  à  l'arbitrage  de  M''  le  premier  Présidant  touts  les 
différants  qui  pouvoient  estre  entr'eulx.  Ge  que  ceux  de  sou  conseil 
d'elle  n'ont  pas  voulu  accepter  qu'elle  ne  fust  actuellement  remise 
en  plaine  liberté.  On  nous  [fait]  espérer  bien  tost  le  Roy  à  Valance*^. 


'  Aujourd'hui  les  Martigues,  chef-lieu 
de  canton  de  l'arrondissement  d'Aix,  à 
ko  kilomètres  de  cette  ville,  à  38  kHoraètres 
de  Marseille. 

■  Chef-lieu  d'arrondissement  du  départe- 
ment de  Vaucluse,à 55  kilomèti-es d'Avignon. 

'  Chef-lieu  d'arrondissement  du  départe- 
ment des  Basses-Alpes,  à  /io  kilomètres  de 
Digne,  au  confluent  de  la  Durance  et  du 
Buech. 


'  Chef-lieu  de  canton  des  Alpes-Mari- 
times, arrondissement  de  Grasse,  à  2.3  kilo- 
mètres de  Nice. 

'  Bassompierre ,  qui  avait  passé  à  Lyon 
le  12  février,  note  que  la  peste  y  restoit 
violente»  {Mémoires,  t.  IV,  p.  4). 

"  LouisXIIl  était  parti  de  Paris  le  i5  jan- 
vier (et  non  le  i6,  comme  le  marque  ÏArt 
de  vérifier  les  dates);  il  passa,  le  i4  février, 
à  Lyon ,  et  de  là  se  rendit  à  Grenoble ,  d'oii 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  27 

Nous  n['avons]  maintenant  d'autres  nouvelles,   et  je  finis  demeu- 
rant lousjours, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  alTectionné  serviteur, 
DE  Peuiësc. 
A  Aix,  ce  3  febvrier  1639  '. 


VI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

ADVOCAT  EN  LA  COUR  DE  PARLEMENT, 
À  PARIS. 

Monsieur, 
Je  vous  escrivis  fort  amplement  par  la  dernière  staflette  qui  s'en 
alla  vers  vous.  Celle  qui  arriva  devant  hier  m'apporlà  quelques  lettres, 
mais  non  pas  de  vostre  part,  lesquelles  ne  passèrent  par  le  vinaigre 
que  pardessus  la  commune  enveloppe.  Les  trouppes  commencent  à 
passer  et  faire  bien  des  desordres,  Dieu  sçait  ce  que  ce  sera  au  passage 
du  gros.  Pourveu  que  nous  eschappioiis  de  la  maladie,  tout  le  reste 
sera  peu  de  chose.  On  dict  que  ceux  de  Casai  ont  faict  des  merveilles 
à  une  sortie,  mais  qu'ils  sont  grandement  pressez^.  L'exemple  des 
Roclielois  leur  doibt  fournir  tant  plus  de  persévérance  et  de  patiance 
en  leurs  nécessitez.  Un  messager  extraordinaire  de  Gènes  vient  de  pas- 
ser qui  m'a  laissé  afl'orce  lettres  de  Rome,  mais  on  ne  me  donne  pas  le 


il  alla,  le  6  mars,  hëroiquement  forcer  en 
personne  les  barricades  du  Pas  de  Suse.  Il 
ne  se  rendit  îi  Valence  qne  plus  tard.  Voir 
Lettre  du  roi  à  M.  d'Haliiicourt ,  sur  son  dé- 
part de  la  ville  de  Suie  pour  venir  à  Valence 
(07  avril).  Paris,  J.  Martin,  i6:j<),  in-8°. 
'  Vol.  717,  fol.  11.  La  ilate  du  3  fc'vrier 
est  très  distinctement  inscrite  au  bas  de  la 
|)résenle  lettre,  mais  comme  il  est  très  pro- 


bable que  l'eiresc,  qui  avait  déjà  écrit  à 
Dupuy  une  assez  longue  lettre  ce  jour- 
là  (n°  III),  n'en  a  pas  ëcril  une  nouvelle 
le  même  jour,  nous  devons  considérer  le 
chiffre  3  mis  ici  comme  un  lapsus  et  le  rem- 
placer par  un  chiffre  plus  vraisemblable, 
tel  que  6 ,  7,  8  ou  9  février. 

'  Le  siège  lut  levé  sur  la   nouvelle  de 
l'approche  des  Français  (ao  mars). 

4. 


28 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1629] 

loisir  de  les  lire  pour  voir  s'il  y  a  rien  de  digne  de  vostre  entretien  ;  j'ay 
ouvert  par  hazard  une  lettre  de  Dom  Du  Puy  vostre  frère.  J'en  ay  en 
mesme  temps  ou  peu  auparavant  receu  par  la  voye  de  Grenoble  de 
la  part  de  M'  Godefroy  *  qui  m'a  retenu  le  Scaliger  De  emendatione 
temporum^  et  le  Concile^  avec  quelques  autres  pièces  de  mes  précé- 
dants mémoires*  dont  je  luy  ay  bien  de  l'obligation.  Il  se  plaint  un 
peu  de  ce  que  cez  messieurs  de  Paris  l'oublient,  n'ayant  poinct  en- 
cores  veu  le  Tertullian  de  M'  Rigault.  Et  je  trouve  qu'il  a  raison.  S'il 
y  avoit  moyen  que  vous  m'en  fissiez  tenir  deux  ou  trois  exemplaires, 
vous  m'obligeriez  bien ,  car  je  ne  m'en  puis  deffendre  de  divers  en- 
droicts  d'où  il  m'est  demandé  avec  grande  instance.  Si  vous  prenez 
de  ceux  du  petit  papier  et  les  faites  ployer  et  battre  médiocrement,  il 
en  pourra  bien  venir  une  coupple  à  la  foys,  et  les  faire  mesmes  rogner, 
pour  diminuer  daultant  le  pacquet,  encore  qu'ils  courussent  fortune 
dépasser  par  le  vinaigre,  patiance,  il  suffît  de  les  envelopper  dans 
un  bon  cartoncin  (?),  et  y  faire  coller  l'enveloppe  pardessus,  car 
on  se  contentera,  au  pix,  de  le  tremper  superficiellement.  Et  s'il  y  a 
moyen  d'avoir  aussy  quelqu'autre  exemplaire  de  ce  panégyrique  de 
Sillon  ^,  vous  ne  me  ferez  pas  une  petite  faveur  et  à  mes  amys  qui 
s'y  attendent.  Excusez  may  de  cette  importunité  et  de  la  presse  qu'on 
me  donne  qui  me  constrainct  de  clore  demeurant  tousjours, 
Monsieur, 

vostre  trez  bumble  et  trez  obligé  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  XI  febvrier  1629. 


'  Sur  ce  Godefroy  (Jacques) ,  qui  habitait 
Genève  pendant  que  son  frère  Théodore  ha- 
bitait Paris,  voir  1. 1,  p.  55. 

'  Opus  de  emendatione  temporvm  :  addita 
veterum  Grœconon  fragmenta  selecta  (Ge- 
nève, 1629,  in-fol). 

•*  Probablement  quelque  réimpression  de 
Vhtoria  del  concilio  tridentino  de  Pietro  Soave 
Polano  (pseudonyme  de  Paolo  Sarpi),  dont 


la  première  édition  avait  été  donnée  h  Londres 
en  1619. 

*  Les  mémoires  des  livres  à  acheter  pour 
le  compte  du  plus  fervent  des  bibliophiles. 

'  Sur  l'académicien  Jean  de  Silhon ,  voir 
t.  I,  p.  177,  495.  Voici  le  litre  complet  du 
panégyrique  dont  veut  parler  Peiresc  :  Pa- 
négyrique à  Momeigneiir  le  cardinal  de  Riche- 
lieu, sur  ce  qui  s'est  passé  aux  derniers  troubles 


[1629]  AUX  FRERES  DUPUY.  29 

Depuis  avoir  escript  j'ay  leu  quelqu'une  des  lettres  de  Rome, 
cntr'autres  des  vers  de  M'  Aleandro  '  qui  me  semblent  bien  gentils 
sur  la  Rochelle  '^  et  une  relation  des  cérémonies  dont  vous  aurez  coppie 
à  tout  hazard  en  cas  que  ne  les  eussiez  apprinses  si  particulièrement, 
où  vous  trouverez  quattre  vers  du  pape  sur  le  mesme  subject'  et  au- 
rez le  dernier  règlement  de  la  santé. 

Vous  accepterez  la  bonne  volonté  et  M'  Du  Pu  y  vostre  frère  que  je 
révère  comme  je  doibs.  J'attends  impatiement  quelque  bonne  espreuve 
de  l'epistre  liminaire  du  Tertullian  de  M'  Rigault  et  croyois  bien  la 
trouver  dans  la  dernière  despesche  qui  me  fut  apportée  de  vostre  part. 

Je  vous  recommande  la  lettre  de  M''  Guiltard,*. 


VU 
\  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

ADVOCAT  EN  LA  COUR  DE  PARLEMENT  DE  PARIS, 

'  RUE  DES   POICTEVINS  DERRIEAE  SAINT  ANDBÉ  DES  ARTZ  ,  CHEZ  M'  DE  THOU, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Nous  avons  aujourd'huy  receu   par  la  stalTette  vostre  pacquet  du 
1  3  Febvrier  avec  une  lettre  de  M""  de  Fetan  du  a  a  Febvrier,  qui  nous 


de  France  (Paris,  T.  du  Bray,  lôag,  iQ-4"). 
La  pièce  est  datée  du  ao  décembre  iGaS. 

'  Sur  Jérôme  Aleandro,  voir  t.  I,  p.  Go, 
6i. 

'  La  petite  pièce  d'Aleandro  (c'est  un 
dizain)  est  intitulée  :  LudovicoXIlI ,  Gallia- 
rum  reffi  Chrislinnissimo ,  de  Rupella  recopia 
et  data  Rupellensibim  renia,  Uieromjmus 
Aleantler.  On  la  trouve  h  la  Bibliollièijun  de 
Carpentras  dans  le  registre  XXXVII  de  la 
Collection  Peiresc,  fol.  5i. 

^  Les  vers  d'Urbain  VIII  sont  reproduits 
au  fol.  5 1  vei-so  du  registre  qui  vient  d'être 


mentionné  dans  la  note  précédente.  Le  pape 
est  très  gracieux  pour  Louis,  et  il  rapproche 
de  son  surnom  de  Juste  le  surnom  de  Vic- 
torieux : 

Fortis  cum  justi  nomine  nomen  babe. 

Rappelons  cjue  le  souverain  pontife  avait 
célébré  aussi  en  prose  la  prise  de  la  Ro- 
chelle :  Bref  de  N.  S.  pire  le  pape  au  roi, 
sur  la  prise  de  la  Rochelle;  arec  la  traduc- 
tion en/rançoi's(a8  novembre  i6a8).  Paris. 
E.  Martin,  iCag,  in-8°. 
•  Vol.  717,  foL  14. 


30 


LETTRES  DE  PEIHESC 


[1G29] 


donne  advis  de  son  retour  chez  lui;  il  est  passé  par  le  vinaigre  sur 
l'enveloppe,  sans  qu'il  y  ait  rien  eu  de  gasté  Dieu  mercy.  J\ous  y  avons 
trouvé  le  livre  de  Bertius  S  à  l'ouverture  duquel  je  suis  tombé  sur  la 
page  2  44  laquelle  seule  pouvoit  bien  mériter  d'en  faire  la  recherche '^ 
et  quelque  simplicité  qui  prédomine  en  ce  pauvre  bon  homme,  tous- 
jours  son  recueil  peult  servir  de  quelque  sorte  de  soulagement  aux 
curieux  de  voir  les  choses  qu'il  a  assemblées.  Je  vous  remercie  trez 
humblement  du  soing  qu'avez  eu  de  me  l'envoyer,  et  s'il  fust  arrivé 
deux  heures  plus  tost,  je  luy  eusse  faict  passer  les  monts  à  faulte 
d'autre  nouveaulté.  N'ayant  osé  envoyer  par  cet  ordinaire  d'Avignon 
le  Tertullian  de  M"^  Rigault,  sur  la  deffance  que  vous  m'en  avez  faicte 
depuis  peu,  ne  cez  mémoires  de  la  Royne  Mai-guerite  parce  que  j'en 
avois  eu  le  premier  exemplaire  de  la  part  d'une  persone  qui  l'a,  je 
m'asseure,  faict  tenir  en  ce  pais  là  plus  tost  qu'en  celui  cy. 

Le  s'  Bide  nous  rendit  dernièrement,  avec  une  lettre  de  M'  Priandi 
de  Grenoble  du  17,  voz  deux  pacquets  du  9  Febvrier,  oii  nous  trou- 
vasmes  cez  trois  ou  quattre  pièces  bien  curieuses  tant  des  dicts  mé- 
moires et  opuscules  de  Picherel  ^  et  de  la  vie  de  ce  cardinal  Alborno  en 


'  Sur  Pierre  Bertius,  voir  t.  I,  p.  5.  Le 
livre  dont  veut  parler  le  correspondant  des 
frères  Dupuy  est  celui  (]ue  le  cosmographe 
et  historiographe  du  roi  composa  à  l'occasion 
de  la  construclion  de  la  digue  par  laquelle 
Richelieu  fit  fermer  le  port  de  la  Rochelle  : 
De  uggeribus  et  pontibus  hactenus  ad  mare 
exstructis  digestum  novum  (Paris,  1629). 
L'ouvrage  a  (!té  re'impriraé  dans  le  Thésau- 
rus antiquitatum  romanarum. 

*  On  trouve  à  cette  page  une  lettre  du 
cardinal  de  Richelieu  à  l'auteur.  Cette  lettre 
en  langue  latine  [Ad  P.  Bertium,  geogra- 
phum  et  professorem  regium),  écrite  en  jan- 
vier 16a 9,  a  été  réimprimée  par  Avenel 
(t.  VII,  p.  696). 

^  Pierre  Picherel  est  un  savant  du  xvi' 
siècle  que   les   recueils    biographiques   de 


notre  temps  ont  oublié.  Il  naquit  près  de  la 
Ferté-sous-Jouarre  et  mourut  en  iSflO  dans 
un  prieuré  dépendant  de  l'abbaye  d'Es- 
somes.  C'était  un  docte  humaniste  et  aussi 
un  hébraïsant,  ce  qui  lui  a  valu  une  place 
honorable,  comme  dit  le  Dictionnaire  de 
Morért,  dans  le  Gatlia  orientalis  de  P.  Colo- 
miès.  Il  est  même  queslion  de  Picherel  dans 
la  Bibliothèque  sacrée  du  P.  Lelong  et  dans 
les  Mémoires  du  président  de  Thou,  lequel 
rapporte  que  le  jour  où  il  alla  le  voir,  le 
vieillard  (alors  âgé  de  soixante-dix-neuf  ans) 
avait  étudié  pendant  quatorze  heures.  Les 
opuscules  théologiques  de  Picherel,  écrits 
en  latin,  furent  recueillis  par  André  Rivet, 
théologien  de  Leyde,  et  imprimés  en  cette 
ville  (1639,  in-ia). 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  31 

François',  que  de  ce  wrantl  edict  du  i5  Janvier,  dont  le  dict  s'  Bide 
Icsmoijjna  d'avoir  si  (jrande  envie,  et  si  grand  besoin^  pour  s'instruire 
de  la  l'onction  de  sa  charge  d'Intendant  parmy  la  milice,  que  je  le  luv 
bailiay  de  bon  cœur  sans  en  voir  que  deux  ou  trois  articles,  et  ne  s'en 
est  veu  aulcun  autre  exemplaire  jusques  à  ce  jourd'huy  que  M' le  Pre- 
mier présidant  en  a  receu  un  par  la  staflette  qu'il  m'a  promis  me  faire 
voir  si  tost  qu'il  l'aura  parcouru,  de  sorte  que  vous  nous  obligerez  bien 
de  nous  en  envoyer  un  autre  exemplaire,  tel  que  vous  pourrez,  si  n'en 
pouvez  avoir  do  cette  première  édition.  Geluy  qui  a  envoyé  à  M""  le 
premier  Présidant  le  sien,  dict  qu'il  y  a  voit  soubs  la  presse  un  livret 
de  modifications  telles  que  le  parlement  jugeoit  y  pouvoir  escheoir,  qui 
mériteront  bien  d'y  estre  joinctes,  sf  cela  est  vray,  comme  il  ne  seroit 
pas  tant  incompatible,  puis  qu'on  l'a  voulu  imprimer  avant  qu'il  fust 
vérifié  selon  les  formes  accoustumées. 

J'avois  auparavant  eu  par  une  précédante  stalfette  voz  despesches 
du  2i,  26  et  3o  janvier  toutes  ensemble,  bien  conditionnées  et  par 
consequant  touts  les  livrets  et  papiers  qui  y  estoient  joincts,  qui  sont 
en  tel  nombre  en  toutes,  et  de  si  hault  goust  la  plus  part  que  je  ne 
vous  sçaurois  exprimer  les  obligations  que  vous  accumulez  à  toutes 
heures  et  à  tous  moments  sur  nous. 

Je  fus  si  malheureux  lors  de  l'expédition  de  la  dernière  staffette  que 
M''  le  Mareschal  d'Estrée  et  M''  le  premier  Présidant  en  firent  anticiper 
le  départ  d'un  jour  et  demy  sans  que  j'en  feusse  adverty,  de  sorte  que 
vous  aurez  esté  longtemps  sans  recevoir  de  mes  lettres,  non  sans  un 
grand  reproche  sur  moy,  car  elles  ne  vont  que  de  i5  en  i5  jours, 
dont  l'interstice  '^  est  bien  long  et  faicl  on  icy  ce  qu'on  peult  pour  les 
faire  remettre  à  une  foys  la  semaine. 

Au  reste  la  dernière  foys  que  je  vous  escrivis,  qui  fut  le  1  2  Febvrier, 
je  lus  encorcs   si   malheureux,  que  venant  de  recevoir  une  grosse 

La  vertu  ressuscilée  ou  la  rie  du  car-  nrchevêque  rie  Tolède,  mourut  le  ai  août 

ditw.1  Albornoz;  sunwmmé  père  de  l'Eglise,  1867. 

par    de    LcsmIo   (Paris,    1609,    in-S").  '  Nous  avons  dëjà  trouvé  (t.  I,  p.  iSg) 

Gil  Alvarez  Carillo  de  Albornoz,  cardinal-  -  le  mol  interstice  employé  pour  intefra/fc. 


32  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

despesche  de  Rome  je  négligeai  de  parcourir  vistement  une  lettre  que 
j'y  trouvay  sans  datte,  et  que  j'estimay  sur  les  premiers  mots  devoir 
estre  de  plus  vieille  datte  que  les  autres,  bien  qu'en  effet  elle  fust  plus 
fraische  de  huict  ou  1 5  jours.  Et  aprez  le  parlement  de  la  staffette  j'y 
trouvay  les  nouvelles  de  l'arrivée  de  M'  de  Thou  à  Raguse  en  bonne 
santé,  bien  qu'eschappé  de  deux  grandes  fortunes,  oi!i  il  avoit  perdu  son 
valet  et  son  équipage,  dont  je  fus  grandement  mortifié,  d'avoir  manqué 
l'occasion  de  vous  en  faire  part.  Car  si  bien  il  y  a  eu  de  la  perte  pour 
luy,  j'estime  le  gain  si  grand,  quand  on  s'en  lire  la  vie  sauve,  qu'il  y 
a  lieu  de  s'en  resjouyr  à  bon  essiant  attendu  que  ce  contentement  luy 
demeure  tousjours  d'avoir  veu  les  pais  et  les  singularitez  qu'il  avoit 
tant  désiré  de  voir.  Vous  aurez  maintenant  la  coppie  de  l'article  le  con- 
cernant en  cette  lettre,  qui  est  escripte  à  mon  advis  le  la  ou  le 
1 9  Janvier  qui  sont  les  jours  ordinaires  qu'on  escript  de  Rome  à  Gènes. 
Je  crois  bien  que  vous  en  aurez  eu  l'advis  d'ailleurs,  mais  à  tout  cas 
j'ay  estimé  de  vous  en  debvoir  faire  part,  quand  je  puis,  n'ayant  peu 
vous  envoyer  la  lettre  originale  à  cause  d'un  article  concernant  un 
ordre  de  recevoir  quelque  partie  d'argent  et  de  le  faire  tenir,  qui  a 
obligé  de  laisser  la  lettre  à  celuy  qui  y  estoit  intéressé. 

Or  pour  responce  à  voz  lettres,  aprez  mille  trez  humbles  remercie- 
ments (que  je  suis  constrainct  vous  réitérer  et  à  Mons.  du  Puy  vostre 
frère,  tant  au  nom  de  mon  frère,  encores  qu'il  soit  allé  à  Beaugen- 
tier,  qu'au  mien  propre)  de  tant  de  belles  singularitez  dont  il  vous 
plaict  nous  faire  part  incessamment,  et  de  la  grande  peine  que  vous 
daignez  prendre  à  nous  escrire  si  souvent,  dont  nous  ne  sçaurions  nous 
revancher  de  nostre  vie,  j'ay  à  vous  rendre  conte  en  premier  lieu  de 
ce  que  vous  desirez  tant  d'apprendre,  pour  raison  d'Orange',  pour 
raison  de  quoy  l'on  a  faict  courir  icy  plus  d'une  foys  les  mesmes  bruicts 
dont  vous  avez  ouy  parler  de  pardela.  Mais  quand  nous  le  voulusmes 
vérifier,  nous  trouvasmes  que  tant  s'en  fault  que  cela  fust  vray,  qu'au 
contraire  en  ce  mesme  temps  là,  il  y  avoit  des  commissaires  du  Prince 

'  La  ville  d'Orange  (département  de  Vaucluse). 


[1629]  AUX  FRERES  DUPUY.  33 

d'Orange  dans  la  ville  qui  faisoient  je  ne  sçay  quelles  procédures,  les- 
quels y  ont  longuement  sesjourni'!  et  je  ne  scay  s'ils  n'y  sont  poinct 
encores.  Bien  suis-jo  Irez  asseuré  ([ue  le  Gouverneur  y  est  tousjours', 
et  qu'il  y  a  la  mesnie  direction  que  de  coustume,  et  les  mesines  com- 
mandements, n'ayant  poinct  ouy  nommer  ce  Latour.  Et  pour  la  religion 
dudict  Gouverneur,  je  ne  puis  pas  sçavoir  s'il  se  lasse  d'estre  huguenot 
ou  non,  et  s'il  a  envie  de  se  faire  catholique  ou  non,  mais  pour  le 
moings  il  n'a  point  encores  faict  de  profession  publique  de  la  religion 
catholique.  Que  je  ne  pense  que  le  Roy  teroit  trez  bien  de  s'en  asseu- 
rer  s'il  pouvoit  honorablement,  je  ne  le  sçaurois  dissimuler  scaichant 
comme  je  faicts  avec  certitude  la  loiblesse  des  prétentions  de  cette 
souveraineté,  et  au  contraire  les  justes  raisons  qu'a  le  Uoy  de  se 
la  maintenir,  à  qui  que  ce  soit  que  puisse  appartenir  la  propriété 
du  fonds,  soit  au  Prince  d'Orange  dujourd'huy^,  ou  à  M"^  de  Longue- 
ville^  ou  autres.  Et  ceux  qui  conseillèrent  au  delfunt  Prince  Mau- 
rice*' de  refuser  l'homage  par  luy  deub  au  Roy  luy  firent  tort,  et  à 
tous  ceux  qui  auront  droict  et  cause  de  luy.  Car  tost  ou  tard,  il 
fauldra  vuider  le  diflcrant,  et  il  n'est  pas  pour  competer  avec  un 
Roy  de  France  qui  a  tant  de  droict  de  son  costé,  et  tant  de  moyen 
de  s'en  faire  h  croire ,  et  de  tirer  la  raison  du  tort  que  ses  devantiers 
ont  souffert  si  longuement,  tandis  qu'ils  estoient  divertis  à  autres  occu- 
pations et  pensées  plus  importantes.  Et  puis  que  vous  dictes  qu'on 
faict  recherche  des  droicts  du  Roy,  je  vous  supplie  me  mander  s'il 
est  poinct  sorty  de  coppie  de  voz  mains,  des  mémoires  que  je  vous 
avois  autresfoys  baillez  sur  ce  subject.  Voire  si  Quentin  en  pouvoit 
aller  transcrire  chez  vous  une  coppie  sur  vostre  exemplaire  je  serois  bien 
aise  que  la  luy  fissiez  entreprendre  ou  à  quelque  autre,  de  qui  vous 


'  Sur  ce  gouverneui',  le  sienr  de  Val- 
keiubourg,  voir  t.  I,  p.  3()0. 

"  Fmldric  de  Nassau. 

■'  Henri  II  d'Orlëaiis,  duc  de  Longueville , 
naquit  le  S17  avril  i5(>ii,  tut  gouverneur  de 
Picardie,  comme  son  père,  se  distingua 
u. 


dans  les  guerres  de  Franche-Goratë  et  d'Al- 
lemagne ,  ae  se  distingua  pas  moins  comme 
négociateur  à  Munster  et  mourut  k  Rouen 
le  1 1  mai  iCti3. 

*  Le  frère  et  prë<léc*sseur  de  Fn'tlëric  de 
Nassau. 


tiiriiiaïKic  vtrioxiic. 


U  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

«eussiez  prendre  quelque  confiance  chez  vous,  car  je  ne  serois  pas 
bien  aise  qu'ils  en  peussent  retenir  et  l'aire  courir  des  coppies,  s'il 
estoil  possible.  J'en  ay  bien  encores  la  minute  originale  de  ma  main^ 
mais  plus  tost  que  prendre  la  peine  à  la  chercher  entre  mes  papiei-s 
je  payerois  volontiers  la  peine  d'un  coppiste,  si  vous  l'avez  agréable, 
et  de  me  l'envoyer,  s'il  vous  plaict,  par  la  staffette,  bien  enpacquetté, 
à  diverses  foys  s'il  ne  peut  venir  en  une  seule  ^. 

J'ay  veu  dans  un  mémoire  de  Celierier  un  petit  livret  in  quarto  de 
deux  feuilles  seulement  intitulé  lingua  Samaritana;  s'il  s'en  trouve 
d'autres  exemplaires,  je  vouldrois  bien  en  achepter  trois  ou  quattre  pour 
en  envoyer  à  mes  amys  et  qu'il  vous  pleut  me  les  envoyer  dans  un  pac- 
quet  de  lettres.  Comme  aussy  verrois  je  bien  volontiers  dans  un  pacquet 
s'il  peult  venir  ployé  in  k°  seulement,  le  Tarich  de  Perse  ^,  pour  le 
joindre  à  un  discours  d'Abbas  le  Persan,  qui  règne  encor  aujourd'huy  \ 
si  j'v  trouve  aulcun  rapport  de  l'un  à  l'autre.  Il  a  esté  imprimé  à  Ve- 
nize  et  est  intitulé  Délie  conditioni  [sic)  di  Abbas  Re  di  Persia  di  Pietro 
délia  Valle^  4°  1628.  Avec  la  Généalogie  derrière  tirée  depuis  Adam 
en  79  degrez  de  père  en  fils*^.  C'est  l'autheur  mesmes  qui  me  l'a  en- 
voyé et  je  ne  l'ay  receu  que  depuis  hier,  j'ay  escript  en  Italie  pour  en 
avoir  d'autres  exemplaires.  Ce  gentilhomme  qui  estoit>  venu  de  Perse 


'  Cette  minute  originale  des  Instructions 
concernant  les  droicts  du  Roy  en  sa  souve- 
raineté d'Aurange  est  conservée  dans  le  re- 
gistre LXXVIII  de  la  Collection  Peiresc, 
à  Carpentras  :  elle  y  occupe  les  feuillets  187 
à  906,  lesquels  avaient  été  enlevés  de  ce 
registre  et  ont  été  restitués  à  la  bibliothèque 
d'Inguimbert  à  la  suite  de  la  condamnation 
.de  Libri. 

.;/';, Une  copie  des  Instructions  se  trouve 
dans  le  registre  LXXVIII ,  tout  rempli  de 
pièces  relatives  à  la  principauté  d'Orange. 

^  Tarich  Fenaï.  C'est  une  histoire  (en 
langue  turque)  des  anciens  rois  de  Perse, 
depuis  le  règne  d'Husheng  jusqu'à  l'époque 


de  la  conquête  arabe.  Le  Manuel  du  libraire 
ne  cite  qu'une  édition  de  Vienne,  gr.  in-4°, 
1784-1785. 

*  Schah  Abbas ,  surnommé  le  Grand ,  ne 
régnait  plus  an  moment  où  Peiresc  écrivait 
ceci.  Proclamé  roi  de  Perse  en  i586 ,  il  était 
mort  en  décembre  1698  et  il  avait  eu  pour 
successeur,  trois  jours  après  sa  mort,  son 
petit-fils  Sophi  II.  Voir  VArt  de  vérifier  les 
dates,  t.  V,  1818,  in-8°,  p.  287-388;  La 
Perse,  par  Louis  Dubeux,  i8ii.  in -8°, 
p.  355-358. 

'  Sur  Pierre  délia  Valle  voir  1. 1,  p.  545. 

°  L'ouvrage  fut  traduit  en  français  par 
Baudouin  (Paris.  i63i,  m-à°). 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  85 

avec  ie  filz  du  s'  Tanneur  l'esté  passé  m'avoit  promis  coppie  de  quelque 
chose  de  semblable,  mais  il  ne  s'en  est  pas  ressouvenu,  il  seroit  bon 
(lo  sçavoir  de  luy  ce  que  c'est  et  tascber  d'en  avoir  la  veiie.  Et  s'il  estoit 
en  la  mosnie  volonté  on  luy  pourroit  envoyer  un  coppiste  chez  luy,  pour 
le  deschaqjer  de  ce  soinfj  ou  bien  chez  le  lilz  de  M' le  Tanneur,  qui  en 
aura  sans  double  aultant  par  devers  luy. 

J'avois  oublié  par  mesfjarde  de  vous  accuser  la  réception  de  la  lettre 
de  M' Ilubens,  si  vous  n'en  avez  trouvé  aulcune  mention  dans  les  miennes 
comme  je  pensois  avoir  faict;  il  ne  m'escripvoit  quasi  que  la  mesme 
chose  que  ce  que  vous  m'en  touchiez  de  la  vostre,  qui  fut  la  cause 
possible  que  je  nc(]li{![eay  de  la  vous  envoyer;  seulement  il  disoit  qu'il 
n'y  '  trouvoit  aulcun  curieux  de  faire  des  recueils  d'antiquitez  et  que  le 
Roy'^  aymoit  fort  la  jieinture  et  le  venoit  souvent  voir  travailler  au 
logement  qu'il  luy  avoit  faict  donner  dans  le  palais,  où  il  avoit  faict  un 
sien  portraict  à  cheval  dont  il  estoit  demeuré  bien  satisfaict.  Et  qu'il 
s'en  venoit  à  ce  moys  de  mars  avec  la  Royne  de  Hongrie  et  faisoit  estât 
de  me  venir  voir  en  passant  et  mes  bagatelles  ^ 

J'ay  prins  grand  plaisir  de  voir  les  inscripfions  de  Transylvanie  de 
M'  Grottius  cl  qui  j'ay  bien  do  l'obligation  aussy  bien  qu'à  vous  de  la 
libérale  connnunicalion  qu'il  vous  a  pieu  m'en  faire.  Il  seroit  fort  à  pro- 
pos qu'on  en  eust  ainsin  de  tous  les  pays  qui  ont  esté  soubs  l'empire 
Romain,  car  on  y  verifieroit  une  infinité  de  belles  choses,  pour  la 
cognoissance  des  vrays  noms  des  lieux  et  spécialement  de  leurs  colonies 
dont  les  géographes  nous  laissent  si  souvent  en  doubte  ou  dont  ils  n'ont 
pas  mesmes  faict  mention  bien  souvent,  oultre  une  infinité  d'autres 
belles  choses  qui  s'y  apjirennent  de  l'antiquité. 

J'ay  escript  au  cavalier  Doni"  suyvant  ce  qu'il  vous  plaict  m'ordonner 

'  A  Mndrid ,  où  la  lettre  ici  luenlionnée  sucette  h  son  père  sur  le  trône  d'Espagne 

fut   écrite    le   a  dticembre  iGaS.   Voir    la  en  169 1,  à  l'âge  de  seize  ans. 
ti'aduction  de  cette  lettre  dans  Pierre-Paul  '  Ce  que  Poiresc  appelait  si  modestement 

Ritheits,  documents  et  lettres  publiés  et  an-  ses  bagatelles,  Rubens  l'appelait  Vabrégé  de 

notes  par  Gli.  Uuelens  (Bruxelles,  1877),  toutes    tes   curiosités   du    monde  {loc.    cit., 

p.  69.  p.  70). 

'  Philippe  IV,  fils  de  Philippe  JH,  avoit  '  Jean-Bapliste  Doni,  né  à  Florence  en 


36  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

pour  l'édition  des  inscriptions  qu'il  avoit  recueillies  ',  et  veux  croire 
qu'il  se  laisra  persuader  de  les  lascher  pour  les  laisser  imprimer  en 
HolJande  avec  l'auctarium  de  Gruterus'^  où  l'édition  s'en  fera  sans 
doubte  plus  commodément,  plus  belle,  en  plus  beau  papier  et  plus 
correcte  que  toute  autre  part,  principalement  si  l'Elsevir  s'y  vouloit 
intéresser  ^.  Je  pense  qu'ils  suivront  l'ordre  et  la  disposition  que  feu 
M"'  délia  Scala  avoit  donné  au  volume  de  Gruterus^  et  sçauray  volon- 
tiers s'ils  n'entendent  imprimer  que  l'auctarium  seulement,  ou  bien 
refaire  toute  l'édition  de  Gruterus,  ce  que  j'aymerois  bien  mieux,  afin 
que  ce  fust  en  bon  papier  où  l'on  peust  escrire,  ce  qui  est  impossible 
en  celuy  de  cette  Alemagne,  qui  a  esté  cy  devant  employé.  J'en  ay  re- 
cueilly  quelques  unes  de  cez  païs  de  deçà  que  je  bailleray  volontiers, 
mais  je  vouldrois  bien ,  en  aydant  à  la  despance,  si  besoing  est,  les  faire 
imprimer  en  cahier  à  part,  comme  on  a  faict  celles  d'Espagne ,  pour 
voir  tout  d'une  veiie  le  rapport  des  unes  aux  aultres  et  servir  princi- 
palement à  la  cognoissance  des  origines  de  nostre  pais.  Sauf  à  cez 
Mess"  de  remettre  les  mesmes  soubs  les  chapitres  de  la  grosse  oeuvre 
selon  la  disposition  de  Scaliger.  A  leur  volonté. 


iSgS,  mourut  dans  la  même  ville  en  16/17. 
Il  étudia  le  droit  à  Bourges  sous  Cujas,  fut 
ensuite  protégé  par  le  cardinal  Pr.  Barbe- 
rini,  qui  le  logea  dans  son  palais  et  en  fit 
son  secrétaire  pour  les  lettres  latines;  il  de- 
vint aussi  secrétaire  du  Sacré  Collège ,  et  il 
abandonna  la  ville  de  Bome  en  i6io  pour 
aller  occuper  une  chaire  d'éloquence  à  Flo- 
rence. Voir  sur  J-B.  Doni  l'article  de  Gin- 
guené  dans  la  Biographie  universelle.  Gas- 
sendi a  mentionné  les  relations  de  Doni  avec 
Peiresc  (p.  39/1,  année  i6a5,  et  p.  3o8, 
année  1607). 

'  L'antiquaire  Antoine -François  Gori, 
prévôt  de  la  basilique  du  Baptistère  de  Flo- 
rence, publia  en  1781  (Florence,  in-fol.) 
le  recueil  d'inscriptions  que  Doni  avait  laissé 
inédit  (  Veierum  iiiscripiionum  collectio). 


"'  Sur  Jean  Gruter,  voir  1. 1,  p.  768. 

'  L'Elsevier,  comme  dit  Peiresc ,  ne  voulut 
pas  s'intéresser  à  ce  projet,  car  nulle  publi- 
cation d'inscriptions  anciennes  ne  fut  faite 
par  la  célèbre  imprimerie.  Il  fallut  attendre 
jusqu'en  1707  pour  avoir  l'édition  aug- 
mentée et  améliorée  tant  désirée  par  le  cor- 
respondant des  frères  Dupuy  (  Amsterdam , 
U  vol.  in-fol.  publiés  par  Georg.  Grœvius). 

'  Inscripliones  antiquœ  tolius  orbis  Romani , 
auspiciis  Jos.  Scaligeri  ac  M.  lelseri;  ac- 
cedunt  XXIV Scaligeri indices  (q  vol.  in-fol., 
sans  date  et  sans  nom  de  lieu).  L'opinion 
générale  est  que  le  lieu  d'impression 
fut  Heidelberg,  mais  quant  à  la  date,  les 
avis  sont  partagés  :  Niceron  indique  1 60 1  ; 
le  Manuel  du  libraire,  1602;  Fabricius, 
i6o3,  etc. 


[1629]  AUX  FRKRES  DUPUY.  37 

M""  voslre  frère  Doni  du  Piiy  m'escript  que  le  dict  s""  Doni  avoit  desja 
preste  son  consentement,  et  qu'il  se  disposoità  moles  envoyer,  possible 
pour  faire  à  la  mode  de  son  pais  d'une  pierre  divers  coups  ',  car  quand 
ils  ont  résolu  de  faire  quelque  chose,  ils  y  demandent  par  aprez 
l'intercession  de  tous  ceux  qui  leur  en  pourroient  sçavoir  gré  aupa- 
ravant que  la  conclure  comme  je  l'ay  esprouvé  une  infinité  de  foys  en 
practiquant  avec  eux.  A  cela  ne  tienne  qu'il  ne  fasse  en  cecy  tout  ce 
que  vous  desirez  pour  le  bien  public,  et  contentement  de  M' Grolius 
et  de  ccz  Mess".  Je  luy  ai  escript  en  termes  qu'il  aura  subject  d'estre 
content  de  moy  pour  ce  regard  s'il  n'attendoit  plus  que  cela  ;  mais  pai- 
ceque  je  cognois  bien  l'humeur  du  pais,  j'estime  que  pour  l'exécution 
finale  de  ce  bon  dessain ,  et  pour  l'accellerer,  il  fauldra  que  M''  Grottius  et 
celuy  qui  se  charge  de  l'intendance  de  cette  édition  l'en  requièrent  par 
quelque  honneste  lettre,  car  je  pense  qu'aussy  tost  on  luy  fera  tomber 
les  armes  des  mains  ^.  Il  s'est  rencontré  que  nous  avions  eu  cy  devant 
quelques  propos  par  ensemble  et  de  bouche  à  son  passage  par  icy  \ 
et  par  lettres,  sur  les  didicultez  qu'il  auroit  peine  de  vaincre  s'il  pen- 
soit  faire  imprimer  cela  en  Italie,  et  il  m'avoil  advoiié  qu'il  n'y  vovoit 
guieres  de  remède,  et  que  l'on  en  viendroit  mieux  à  bout  de  pardeça. 
Il  eust  désiré  le  faire  à  Paris,  mais  je  luy  avois  faict  cognoistre  l'impos- 
sibilité de  le  faille  là  aussy  grande  quasi  qu'en  Italie,  pour  le  peu  de 
courage  de  noz  libraires,  de  sorte  qu'on  a  trouvé  la  matière  bien  dis- 
posée quand  M"'  vostre  frère  luy  a  parlé  et  que  vous  luy  avez  faict 
l'honneur  de  luy  escrire  de  laisser  faire  cela  en  Hollande,  ce  que  je  crois 
qu'il  désire  et  passionne*  plus  que  ceux  mesmes  qui  s'en  font  rechercher. 


'  Littré,  sous  le  mot  pierre,  ne  cite  au 
sujet  (le  celle  locution  qu'une  phrase  de  Di- 
flerot;  rrOn  a  fait  d'une  pierre  deux  coups.» 
Il  serait  facile  de  trouver  bon  nombre  d'au- 
tres exemples  antérieurs. 

'  Métaphore  à  rapprocher  du  vers  de 
Malherbe  : 

De  leur  inain  insolente  a  fait  tomber  ic»  armes. 

'  A  l'époque  (i6a5)  où  Doni,  accompa- 


gnant le  légat  Fr.  Barberini,  son  maître, 
reçut  l'hospitalité  à  Aix  dans  la  maison  de 
Peiresc. 

*  Littré  cite ,  sous  le  mot  passionner  pris 
dans  ce  sens ,  Mascaron  et  le  duc  de  Saint- 
Simon;  il  rappelle  que  Chiillet,  dans  sa 
Grammaire ,  avait  déclaré  que  ir  passionner 
quelque  chose  n'est  pas  un  bon  motn. 


38  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

C'est  pour  quoy  je  ne  doubte  nullement  qu'on  n'obtienne  de  luy  tout 
ce  qu'on  vouldra  en  cette  conjoncture,  avec  un  peu  de  compliments, 
comme  je  vous  ay  touché  cy  dessus. 

Pour  les  livres  m[anu]s[crit]s  j'ay  esté  bien  aise  de  voir  ce  qu'il  vous 
a  pieu  m'escrire  des  sentiments  de  M*"  Saulmaise,  et  en  ce  qui  est  du 
Pollux  j'avois  eu  un  peu  de  sa  curiosité  et  en  ayant  escript  à  celuy  qui 
m'avoit  donné  l'advis  des  dicts  livres,  pour  le  prier  de  vérifier  parti- 
culièrement ce  quecepouvoit  estre,  ensemble  de  quelques  autres  pièces 
dudict  catalogue ,  il  m'a  faict  la  responce  que  vous  trouverez  cy  joincte. 
M"^  Piigault  a  le  goust  si  friand  et  si  délicat  qu'il  n'estime  ce  semble  rien 
l'argent  parce  que  l'or  est  plus  précieux,  ne  par  consequant  la  chair  du 
boeuf  et  du  mouton,  parce  que  celle  des  perdreaux  et  des  chappons  est 
plus  exquise  et  plus  savoureuse.  Et  toutefoys  encores  que  toutes  cez 
choses  ne  contestent  poinct  la  préséance  entr'elles  selon  l'usage  de  ce 
siècle,  où  elle  est  assez  réglée,  si  est  ce  qu'on  ne  jette  poinct  l'argent 
pour  ne  garder  que  l'or,  non  plus  qu'on  ne  jette  pas  le  lard  aux  chiens 
pour  vivre  si  scrupuleusement  de  la  seule  chair  du  gibier  dont  on  se 
lasseroit  plustost  que  du  bœuf  et  mouton,  estant  bien  certain  que  ce 
qui  faict  trouver  le  sucre  meilleur,  est  la  vicissitude  et  l'entregoust  d'au- 
tres choses  qui  sont  aigrettes  et  de  différante  saveur.  Si  touts  les  livres 
estoient  d'un  mesme  style,  pas  un  ne  meriteroit  de  louange  pardessus 
les  autres,  et  ne  sçauroit  on  que  c'est  de  beaulté  de  femmes  s'il  n'y 
en  avoit  que  d'esgalement  belles. 

Quant  au  Poliœnus  j'en  ay  desja  un  m[anu]s[crit]  assez  net  que 
j'apportay  d'Italie.  Si  M''  Saulmaise  ou  aultre  de  vos  amys  s'en 
veulent  servir,  je  le  vous  envoyeray  trez  volontiers,  et  si  les  livres  de 
ce  catalogue  se  peuvent  recouvrer,  ou  desmembrer,  je  ne  laisray  pas 
eschapper  celui-là,  non  plus  que  tout  ce  qui  est  de  Proclus  que  j'avois 
destiné  à  M'  Holstenius,  lequel  a  des  desseins  particuliers  sur  cet  au- 
theur. 

J'ay  bien  de  l'obligation  à  M''  l'Evesque  d'Orléans»  de  la  double  fa- 

'  Gabriel  de  l'Aubespine.  Voir,  sur  ce  savant  prëiat,  t.  I,  p.  99. 


[16291  AUX  FRÈRES  DUPL'Y.  39 

veur  ([ii'il  m'a  (laifjn»!  faire  des  deux  exemplaires  de  son  livre  ',  dont 
j'ay  desja  parcouru  avec  plaisir  celuy  que  vous  m'avez  faict  tenir  de 
sa  part,  et  faisois  estât  de  vous  supplier  do  m'en  retenir  un  exem- 
plaire en  blanc  pour  le  faire  bien  relier,  ayant  esté  bien  aise  qu'il  vous 
en  ayt  baillé  luy  mesmes  un  autre  en  si  bon  papier  et  vouldrois  qu'il 
en  eust  faict  de  mesmes  d'un  exemplaire  qu'il  m'avoit  promis  de  ee 
beau  volume  qu'il  avoit  cy  devant  faict  imprimer^,  ofi  il  disoit  avoir  faict 
corrijjer  quelques  endroicts,  j)our  les  tenir,  avec  l'honneur  et  le  respect 
qui  leur  appartient,  l'un  et  l'autre,  entre  les  livres  curieux.  Il  fault  im- 
puter à  son  bon  naturel  ce  qu'il  luy  a  pieu  vous  dire  de  mes  services, 
car  certainement  je  ne  luy  ay  peu  rendre  aulcuns  eflects  qui  vaillent, 
mais  il  se  paye  de  la  seule  bonne  volonté  comme  Monsieur  du  Puy  vostre 
frère  et  vous,  Monsieur,  qui  n'attendez  pas  seulement  que  j'apprenne 
une  des  obligations  que  vous  acquérez  sur  moy  un  jour,  que  vous  n'y 
en  adjoustiez  une  autre  dez  le  lendemain  sans  que  j'ay  le  moyen  ne 
l'adresse  de  sçavoir  user  d'aulcune  revanche  qui  vaille,  ne  vous  faire  pa- 
roistre  comme  il  lauldroil  au  moings  ce  qui  est  de  ma  bonne  volonté. 
J'eusse  esté  bien  aise  de  vray  que  Monsieur  l'Archevesque  de  Thou- 
louse  eust  eu  agréable  de  me  despartir  un  exemplaire  de  son  factum^, 
comme  il  vous  a  dict,  pour  le  conserver  entre  les  plus  curieux  papiers 
de  mon  estude  où  il  y  en  a  dont  la  compagnie  ou  le  voisinage  n'eussent 
rien  desrogé  au  mérite  de  son  ouvrage.  Mais  un  de  ses  amys  m'escript 
qu'il  en  avoit  donné  un  exemplaire  à  M' le  Prévost  Marchier*,  et  seu- 
lement l'avoit  prié  de  me  le  faire  voir,  ce  que  le  dict  s"'  Marchier  n'a 
pas  encore  faici  depuis  son  escrire^  bien  qu'il  m'ayt  apporté  deux  aul- 
tres  livres  assez  grossetz  venus  de  Paris  dans  ses  coU'res  oultre  celuy  de 


'  De  l'ancienne  police  de  l'Égline  sur  l'ad- 
ministration de  l'Eucharistie.  Paris,  1699. 
I/oiivrage  fiit  rëimprimé  en  i655  (in-ia). 

'  De  veteribus  ecclesiœ  ritibus  (1698, 
m-k°). 

^  Au  sujet  de  la  lutte  de  Charles  de 
Montchal  contre  lo  parlomenl  de  Toulouse, 
la   Bibliothhque  historique  de   la    France  ne 


signalf!  du  pn-lat  que  deux   imprimés,  Ip  . 
Journal  de  l'Assemblée  de  Mantes  et  ses  Afe- 
moires. 

'  Sur  l'abbd  Marchier,  prévôt  de  la  ca- 
liiodrale  d'Aix,  voir  t.  1,  p.  (j5. 

'  G'est-h-dire  depuis  que   l'archevêque 
de  Toulouse  lui  avait  écrit. 


ZrO  ■  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

Monsieur  d'Orléans  que  vous  luy  aviez  baillé,  lequel  il  m'avoit  envoyé 
de  Grenoble.  Et  adjouste  de  plus  celuy  qui  m'escript,  qu'on  tient  le 
factura  fort  secret,  et  que  l'autheur  faict  estât  de  le  tenir  en  cette  ré- 
putation. Mais  si  quelque  bon  gros  moine  ou  quelque  fratte^  bien 
zeellé  en  attrappe  quelque  exemplaire ,  nous  le  verrons  bien  tost  entre 
les  mains  des  colleporteurs ,  et  encores  pensera  il  avoir  faict  de  quoy  se 
faire  canoinzer,  en  desrobant  cette  pièce  à  son  autheur.  Possible  rae 
tient  on  pour  suspect,  et  Dieu  veuille  que  vous  ne  passiez  dans  la  niesme 
cathegorie,  car  aulcuns  m'ont  imputé  d'estre  trop  parlementaire  et  j'ay 
bien  recogneu  dans  l'arrest  qu'il  vous  a  pieu  m'envoyer,  qu'on  n'a  pas 
moings  affecté  de  nous  faire  le  procez  à  nous  autres  de  pardeça  qu'à 
Mess"  de  Thoulouse,  et  vouldrois  bien  sçavoir  au  vray,  si  le  cas  estoit 
arrivé  entre  M' l'Archevesque  de  Thoulouse  et  M"  du  Parlement  d'en- 
trer en  contention  de  tous  les  chefs  qu'on  a  voulu  faire  régler,  mesmes 
pour  les  rangs  des  processions  derrière  le  poille ,  parce  qu'icy  il  y  avoit 
eu  quelque  chose  à  redire  sur  cela,  qui  n'avoitpas  neantmoings  esclatté, 
ne  paru  dans  le  monde,  l'affaire  s'eslant  estouffée  en  sa  naissance  amia- 
blement.  Et  puis  que  nous  sommes  sur  cette  matière  je  vous  prie  me 
mander  si  c'est  l'usaige  de  pardelà,  et  s'il  est  bien  vieil  ou  récent,  que 
les  prédicateurs  preschants  devant  M"'  vostre  Archevesque  adressent 
leur  discours,  non  aux  auditeurs,  mais  au  dit  s""  Archevesque  seul,  aussy 
bien  que  quand  on  presche  devant  le  Roy,  ou  les  Roynes ,  comme  il 
fut  practiqué  l'année  dernière  en  cette  ville,  sans  qu'on  s'en  voulust 
formalizer,  bien  que  ce  ne  fust  pas  bien  patiemment  qu'on  le  souffrit, 
ne  avec  tant  de  concurrance  que  de  coustume  de  Mess"  du  Parlement, 
qui  ne  voulurent  pas,  et  ne  pensèrent  pas  estre  à  propos  de  faire  de 
contention  pour  si  peu  de  chose  principalement  en  cette  conjoncture 
que  le  desadvantage  est  si  grand  de  leur  costé.  J'avois  tousjours  oublié 
de  vous  en  demander  vostre  sentiment.  On  trouvoit  je  ne  sçay  quelle 
incompatibilité  pour  ce  regard  en  la  personne  d'un  evesque,  puisque 
celuy  qui  preschoit  allant  monter  en  chaire  prenoit  sa  mission  imme- 

'  Fratte,  frère,  moine. 


[1629 1  AUX  FRÈRES  DUPUY.  ^  AI 

diate  de  luy  et  sembloit  aller  porter  la  parole  que  l'evesque  mesme» 
eust  deiib  annoncer  comme  souloient  faire  les  anciens  prélats  et  sem- 
bloit aussy  debvoir  parler  plus  tost  do  la  part  du  dict  evesque  à  son 
peuple  et  luy  faire  les  ammonitions  '  en  tel  cas  requises,  que  de  parler 
de  son  propre  chef,  et  s'adresser  au  dict  evesque  si  ce  n'est  par  quelque 
j)etite  dijjression  convenable  à  sa  personne  et  à  sa  qualité. 

Il  me  reste  un  autre  commandement  dont  il  vous  a  pieu  m'honorer, 
pour  auquel  satisfaire  je  vous  envoyé  un  extraict  de  tout  ce  qui  s'est  peu 
trouver  dans  le  couvent  des  Cordeliers  de  cette  ville  d'Aix  concernant 
la  proffession  roligieuse  et  ecclésiastique  de  frère  Gauchier  de  Volland, 
dont  on  eust  bien  eu  de  la  peine  de  rien  trouver  sans  la  recherche  qui 
en  avoit  esté  desja  faicte  il  y  a  deux  ou  trois  ans  à  la  requeste  d'un 
gentilhomme  breton  qui  se  disoit  son  parent,  lequel  emporta  un  extraict 
pareil  à  celuy  que  je  vous  envoyé,  dont  un  religieux  avoit  retenu 
coppie,  que  j'ay  faict  collationner  sur  l'original,  signer  par  le  grelTier 
du  seneschal  et  seller  du  seaul  de  la  dicte  seneschaussee  en  deiie  forme, 
estant  bien  marry  qu'il  ne  se  soit  trouvé  rien  de  plus  précis.  Mais  les 
papiers  de  ce  couvent  ont  esté  trez  mal  tenus.  Or  il  s'est  rencontré  en 
faisant  faire  cette  perquisition  que  j'ay  apprins  que  cette  affaire  touchoit 
principalement  une  femme  encores  vivante ,  la  plus  prochaine  de  parenté 
qu'eusse  le  dict  defunct  Gauchier  de  Volland,  laquelle,  si  les  biens  dont 
est  question  estoient  en  ce  pais,  en  auroit  la  succession  entière  exclu- 
sivement à  tous  les  autres  parents  plus  esloignez.  Laquelle  a  un  fds  fort 
honneste  homme  et  fort  traictable  qui  est  bien  de  mes  amys,  lequel  est 
honune  de  party,  et  possible  auroit  moyen  de  faire  taire  tous  les  autres 
parents  et  prétendants  de  ce  pais  icy,  et  pourroit  prendre  la  peine  de 
s'en  aller  sur  les  lieux  si  on  vouloit  entrer  en  traicté  avec  luy.  De  quoy 
j'ay  estimé  voys  debvoir  donner  advis,  afin  que  vous  en  puissiez  parler 
avec  celuy  pour  qui  vous  avez  demandé  cette  instruction.  A  quoy  je 
n'adjousteray  autre  chose  si  ce  n'est  que  pour  cette  succession  il  y  a 


'  Peiresc  ëcrit  le  mot  admonition  a  peu 
près  comme  l'écrivait  Olivier  de  Serres.  De 
VAmoiiilion  du   Théâtre  d'agriculture  Litlrt! 


a  rapproché  V Ammonissioti  d'un  écrivain  du 
xiii'  siècle,  Beaumnnoir. 


42  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

un  procez  formé  et  pendant  à  Paris,  contre  Monseigneur  le  comte  de 
Soissons,  qui  s'est  saisy  des  biens  comme  mouvants  de  son  fief  au  païs 
de  Maine,  si  je  ne  me  trompe,  à  faulte  d'héritiers.  Présupposant  comme 
on  dict  que  ce  Gauchier  se  soit  depuis  sa  profession  et  ordre  ecclé- 
siastique marié  en  ce  pais  là  soubs  autre  nom  et  ayant  laissé  des  en- 
fants depuis  décédez  sans  hoirs,  et  sans  pouvoir  légitimement  dis- 
poser de  ses  dits  biens  au  préjudice  des  héritiers  ab  intestat.  Si  j'en 
puis  avoir  de  meilleures  instructions,  je  ne  manqueray  pas  de  les  vous 
envoyer,  et  si  vostre  amy  trouve  à  propos  d'entrer  en  traicté  avec 
celuy  cy,  je  tascheray  de  le  servir  pour  l'amour  de  vous  en  tout 
ce  qui  me  sera  possible  et  d'employer  tout  mon  crédit  de  pardeça 
pour  luy  procurer  toute  la  satisfaction  que  je  pourray,  et  disposer  ce 
mien  amy  à  tout  ce  qui  se  pourra  trouver  juste  et  raisonable,  et  à 
toute  sorte  d'honneste  party.  J'altendray  ce  qu'il  vous  piairra  m'en 
ordonner. 

J'ay  esté  infiniment  aise  de  voir  le  mémoire  qu'il  vous  a  pieu  me 
communiquer  de  la  part  du  s"  Diodati,  pour  les  errata  de  l'édition  an- 
gioise  du  concde  de  Fra  Paolo ,  sur  quoy  je  feray  corriger  mon  exemplaire. 
Mais  je  pensois  que  ce  fussent  apostilles  de  l'autheur  qu'il  eust  adjoustées 
sur  la  dicte  édition,  de  ce  qu'il  semble  que  ce  ne  soient  que  les  faultes 
d'imprimerie,  remarquées  par  quelqu'un  qui  l'aura  conférée  sur  l'au- 
tographe sur  lequel  avoit  esté  faicte  l'édition  angloise.  Car  en  effet  j'ay 
apprins  que  le  dict  fra  Paolo  s'estoit  plainct  de  quelque  altération  ou 
interpolation  qu'on  y  avoit  faicte  contre  son  sens  et  qui  faisoit  je  ne 
sçay  quelle  contradiction  importante  au  fonds,  qui  estoit  ce  que  j'eusse 
bien  désiré  de  voir.  Mais  tousjours  luy  ay  je  bien  de  l'obligation  de 
cecy  qui  rend  la  lecture  de  la  pièce  bien  plus  facile  et  plus  agréable. 

Vous  me  faictes  grande  faveur  de  proffîtter  le  temps  du  sesjour 
de  Quentin  pour  luy  faire  coppier  cez  belles  relations  italiennes  de 
M''  de  Thou  et  du  cardinal  de  la  Cueva  ^  Encores  vous  doibs  je  de  nou- 

'  Alfonse  de  la  Cueva,  ëvêque  d'Oviëdo,  de  quatre-vingt-ti-ois  ans.  Il  avait  été  célèbre 
de  Maiaga  et  de  Paiestrine ,  devint  cardinal  en  sous  le  nom  de  marquis  de  Bedmar  ;  anibas- 
1622  et  mourut  en  i655,  le  lo  août,  âgé        sadeur  de  Philippe  III  à  Venise ,  il  fut ,  avec  le 


I 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  43 

veaux  remerciements  du  soing  qu'il  vous  a  pieu  de  prendre  non  seule- 
ment de  me  retenir  des  livres  nouveaux  curieux,  mais  aussy  de  m'en 
envoyer  les  parties  '  tant  de  Gramoisy  que  Cellerier,  ce  qui  est  plus 
tollerable,  puis  qu'il  vous  plaict  ainsin,  leur  en  laissant  tenir  les  conte- 
rolles  sur  leur  libvre  courant,  que  de  vous  donner  la  peine  et  l'im- 
portunité  de  les  tenir  vous  mesmes,  comme  vous  faisiez  autres  foys,  en 
quoi  vous  m'avez  infiniment  obligé  et  m'obligerez  bien  davantage,  s'il 
vous  plaict  vous  resouldre  pour  l'amour  de  moy,  quand  vous  recevrez 
de  l'argent  de  ma  part,-  de  le  tenir  en  un  sac  à  part  et  y  en  prendre  à 
mesure  que  vous  m'acheptercz  quelque  livre  en  dettail  ou  que  vous 
payerez  quelque  copiste,  sans  vous  mettre  en  peine  d'en  dresser  des 
parties  et  d'en  retenir  mémoire,  si  ce  n'estoit  de  quelque  pièce  dont 
le  prix  fust  si  extraordinaire  que  vous  jugeassiez  à  propos  de  le  faire 
sçavoir  à  l'advance. 

M'"  Cardon  m'escript  de  Lyon  qu'il  a  receu  pour  moy  les  Antigue- 
dades  de  Cadis^,  mais  je  ne  suis  pas  d'advis  de  le  presser  de  me  les 
faire  tenir  que  Lyon  ne  soit  achevé  de  purifier. 

M"'  Godefroy  m'avoit  pareillement  appresté  quelques  livres  que  je 
suis  bien  en  peine  de  faire  venir  seuremcnt,  parce  que  nous  n'avons 
pas  encores  peu  restablir  le  commerce  des  marchandises  avec  les  pro- 
vinces voisines  de  crainte  qu'on  y  mesle  de  celles  de  Lyon.  Si  le  Roy 
vient,  il  fauldra  les  faire  passer  comme  du  train  de  la  cour.  C'est  pour- 
quoy  je  ne  suis  pas  d'advis  que  vous  m'adressiez  mes  livres  par  Lyon, 
car  tout  y  demeureroit  ou  à  l'abandon  en  quelque  lieu  des  chemins.  Si 
M"^  le  Pelletier  venoit  et  qu'il  voulut  faire  passer  ma  balle  comme  des 
dépendances  de  ses  bardes,  il  y  auroit  plus  d'espérance  de  luy  faire 
avoir  entrée.  Mais  en  ce  cas  il  fauldroit  prendre  certificat  à  Paris,  tant 
des  officiers  du  Chastellet  que  de  l'IIostel  de  ville,  de  l'emballement 
d'icelle  et  qu'il  y  fit  apposer  en  divers  lieux  le  scel  de  plomb  du  Roy  et 


ducd'Ossoiie,  gouveriieurdeNaples,  l'auteur 
dfi  la  conjuration  de  1618.  On  lui  attribue 
un  traité  :  Squiilino  délia  lihcrta  vciteln ,  qui 
a  été  traduit  par  Ainelot  de  la  lloussaye. 


'  M(*nioires ,  riMes .  et ,  comme  nous  disons 
aujourd'hui,  factures. 

^  Ce  livre  a  dëjà  été  l'objet  d'une  note 
dans  le  tome  I. 


6. 


44  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

de  la  ville  de  Paris,  et  qu'on  priiit  certificats  des  lieux  du  passage  par 

les  chemins  par  où  on  la  conduiroit,  pour  faire  voir  qu'elle  n'auroit 

poinct  passé  par  Lyon,  ne  par  les  lieux  infectez  de  la  maladie  qui  sont 

entre  Vienne  et  Valance.  Et  en  ce  cas  on  pourroit  espérer  de  la  faire 

passer  jusques  icy.  Mais  tout  cela  est  bien  difficile,  et  au  dict  cas  la 

fauldroit  adresser  à  Valance  chez  M''  Paury ',  ou  je  l'envoyerois  prendre. 

Il  fauldrà  attendre  ce  que  le  temps  pourra  opérer,  et  tousjours  vous 

demeureray  je  infiniment  redevable,  estant  de  tout  mon  cœur, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  a  mai-s  1629. 


Vous  aurez  les  nouvelles  dans  la  lettre  de  M"^  de  Lomenie  que  je  le 
supplie  vous  communiquer. 

Je  vous  avois  supplié  de  m'envoyer  quelques  exemplaires  d'un  petit 
panégyrique  du  sieur  Naudé  sur  l'antiquité  de  l'escolle  de  Paris  8"  chez 
.Tean  Moreau  1628^.  Je  vous  en  supplie  de  rechef,  et  d'y  en  adjouster 
une  coupple  de  cet  autre  livret  du  s'  Coecilius  Frey\  dont  le  filtre  est 
Admiranda  Galliarum  8°  apud  Franciscum  Targa,  en  la  sale  du  palais*. 
Ils  pourront  venir  en  blanc  ployez  et  battus,  dans  un  pacquet,  pour  les 
envoyer  en  Italie  à  des  gents  qui  les  trouveront  à  leur  goust,  vous 


'  Ce  mol  n'est  pas  lisiblement  écrit,  et 
la  forme  ici  donnée  est  douteuse. 

'  De  anliquitate  et  dignilate  Scholœ  medicœ 
parisiensis. 

'  Jean- Cécile  Frey,  médecin  et  poly- 
graphe,  né  à  Kaiserstuhl  vers  1 58o ,  mourut 
à  Paris  le  1"  août  i63i,  après  avoir  long- 
temps professé  la  philosophie  au  collège 
Montaigu.  Voir  sa  bibliographie  dans  le 
tome XXXIV  des  JWémoire*  de  Niceron,  com- 
plétée dans  le  Morcri  de  1769.  Jean  Bales- 
dens  a  réuni  les  divers  opuscules  de  Frey  en 
deux  volumes  qui  parurent  à  Paris  en  1 6tt5 


et  i646,  in-8°.  On  a  une  lettre  de  Peiresc 
(  Minutes  de  Carpentras ,  registre  III ,  fol.  89 1  ) 
écrite  d'Aix  le  9  mars  1629  à  ^M.  Frey. 
docteur  en  médecine  à  Paris  1.  Diverses 
pièces  de  Frey  relatives  à  la  Rochelle  sont 
mentionnées  dans  le  catalogue  de  la  Bi- 
bliothèque nationale  {Histoire  de  France, 
p.  570,  n°  2619;  p.  675,  n'  9699)  :  Be- 
bellis  Rupellœ  ruina  (1698);  Panegyris 
triumphaUs  (1699,  in-i°). 

*  Le  titre  complet  est  celui-ci  :  Admi- 
randa Galliarum  compendio  indicata  (Paris, 
i6a8,  in-12). 


[1629]  AUX  FRKRES  DUPUY.  iS 

suppliant  d'excuser  la  frcquance  de  mes  importunilez.  Vous  aurez  des 
vers  de  M''  Rcmy  sur  l'accidanl  de  i'assablement  '  de  l'embouscheure  du 
Var,  qui  ne  sont  pas  à  nejjligcr,  ce  semble^.  Je  seray  bien  aise  d'ap- 
prendre  quel  ju{jeinent  on  en  fera,  et  qu'il  vous  plaise  en  envoyer  ua 
exemplaire  au  bon  P.  Vassan  •\  et  un  au  bon  homme  Bertius  de  ma 
part.  J'oubliois  de  vous  dire  pour  les  oeuvres  de  Malerbe  que  je  n'ay 
que  quelques  vers  et  alTorce  lettres  siennes  qu'il  ni'avoit  demandées 
pour  en  faire  choix,  je  les  chercheray  et  parleray  à  Mad.  sa  femme. 

J'escripts  à  M"'  de  Lomenie  pour  un  brevet  de  gentilhomme  de  la 
chambre  en  faveur  du  s''  César  de  Nostradame*.  Je  vous  supplie  d'in- 
tercéder pour  luy  et  de  faire  fournir  ce  qui  sera  nécessaire  à  M""  de  la 
Tremoliere  à  qui  j'en  escris  un  mot,  ou  à  tel  autre  que  vous  adviserez 
estre  plus  propre. 

J'aurois  encore  de  besoing  à  mesmes  fins  d'un  petit  office  de  la  Vierge 
en  grec  en  l'an  1620  chez  Jean  Hébert. 

J'escripts  à  M"'  d'Orléans  et  à  M'  le  Lectier,  vous  suppliant  de  leur 
faire  tenir  mes  lettres  et  de  prendre  soing  de  celles  du  s'  Versoris  et 
du  s""  Frey*. 


VIII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

ADVOCAT  EN  LA  COUR  DE  PARLEMENT  DE  PARIS, 
RDE  DES  POICTEVINS  PREZ  SAINT  ANDRÉ  DES  ARTZ ,  CUEZ  IM'  DE  THOU  . 

À  PARIS. 

Que  cecy  ne  se  divulgue  poinct,  je  vous  supplie. 

Madame  de  Guise  et  M""  de  Joinville  son  filz  ne  passèrent  poinct  à 

'  Pour  ensablement.  resc,  et  dont  il  paya  gt'nëreusemenl  tous  les 

'  Cette  pièce  n'a  pas  étt!  reproduite  dans  frais,  comme  nous  l'apprend  la  phrase  sui- 
tes Poemala  dëjh  souvent  cilds  ( Paris,  1 645).  vante,  voir  le  fascicule  II  des  Correspondanlt 

'  Sur  le  père  Vassan,  voir  t.  I,  p.  qo.  de  Peiresc,  p.  18  et  suiv. 

'  Voir,  sur  César  de  Nostrcdanie,  t.  I,  '  Vol.  717,  fol.  1 5. 
p.  664.  Au  sujet  du  brevet  obtenu  par  Pei- 


1^ 


46  LETTRES  DE  PEIRESG  [1629 1 

Aix  où  l'on  leur  a  voit  préparé  logis,  d'aultant  que  M''  de  Guize  dict 
que  son  filz  n'apporloit  aulcun  nouveau  pouvoir,  ains  seulement  des 
lettres  de  cachet  au  parlement  et  aux  procureurs  du  pais  pour  com- 
mander en  absance  de  M'  son  père.  Or  par  le  premier  pouvoir  qu'il 
avoit  eu  par  lettres  patentes  enregistrées  dez  l'an  1 6 1 6 ,  il  n'y  auroit  que 
la  simple  survivance,  à  condition  de  succéder  à  son  père,  et  aprez  la 
mort  d'iceluy,  sans  autres  nouvelles  provisions,  pouvoir  commander 
dans  la  province,  etc., se  reservant  ie  Roy  la  réception  de  son  serment. 
Or  n'y  est  faict  aulcune  mention  de  commander  en  absance  du  père, 
ains  seulement  aprez  sa  mort  et  je  pense  qu'on  ne  luy  a  jamais  faict 
prester  le  serment  au  Roy.  De  sorte  que  je  pense  que  M'  de  Guise, 
voyant  qu'il  n'y  avoit  aulcun  moyen  de  passer  pardessus  cez  dilficultez, 
se  résolut  enfin  d'envoyer  en  cour  pour  faire  expédier  un  nouveau 
pouvoir  de  lieutenance  en  absance,  avec  clause  pour  la  prestation  du 
serment  au  parlement,  et  cependant  l'entrée  a  esté  différée,  car  pour 
aller  chercher  le  Roy  sur  la  frontière  et  puis  le  sceau  à  Paris,  il  y  aura 
quelque  temps.  Cependant, parce  que  M''  de  Guise  vouloit  que  son  filz 
coramandast  effectuellement,  ce  qu'on  ne  pouvoit  souffrir  paisiblement, 
pour  prévenir  toute  contention,  il  fut  concerté  qu'il  s'abstiendroit  de 
son  costé  de  faire  d'acte  de  gouverneur,  et  que  le  parlement  en  feroit 
aultant  du  sien,  et  qu'on  differeroit  et  dissirnuleroit  toutes  choses  de 
part  et  d'autre  en  attendant  les  commandements  du  Roy  sur  cela. 

Madame  de  Guise  a  preste  6,ooo  escus'  à  M'  son  mary  par  contract 
publique^  devant  notaire  et  tesmoings  avant  son  parlement  pour  l'armée. 
On  avoit  emprunté  5oo  escus  pour  luy  meubler  sa  maison  d'elle  avant 
son  arrivée.  Ces  navires  ont  bien  despendu  ^,  et  bien  peu  faict  de  service 
depuis  qu'on  les  a  quittez.  Enfin  il  les  a  fallu  tous  laisser,  et  aller  par 
terre. 

Les  trouppes  qui  sont  passées  ont  faict  de  grands  ravages,  rançon- 

'  Je  remplace  par  ce  mot  une  abrévialion  ^  Despendu,  c'est-à-dire  dépensé.  Voir  au 

formée  de  deux  signes  conventionnels.  sujet  de  ces  synonymes  la  piquante  définition 

Peiresc   dit   contract  publique   comme  donnée  par  Malherbe  et  rapportée  par  Racaii 

Montaigne  avait  dit  un  debvoir  publique.  dans  la  Vie  de  co  poète. 


[1629 1  AUX  FRÈRES  DLPUY.  47 

nemeiits  et  violements,  sans  que  la  penderie  de  quelques  uns  ayt  peu 
remédier  au  mal;  leur  excuse  et  de  leurs  capitaines  estoit  que  depuis 
onze  moys  ces  pauvres  soldais  n'avoient  pas  touché  un  sol  de  leurs 
monstres,  et  qu'il  les  falloit  bien  laisser  indemniser  comme  iispouvoient. 
Bezançon'  reprocha  publiquement  à  M' le  Mareschal  d'Estrée  que  le 
Roy  n'avoit  poinct  entendu  que  les  trouppes  traversassent  la  province 
comme  elles  ont  faict,  ains  seulement  un  bout  pour  s'aller  embarquer, 
et  que  le  fonds  estoit  destiné  pour  ledict  embarquement  et  traject  par 
mer,  et  que  cela  ne  s'estoit  iaict  que  par  vengeance  de  ce  qu'on  ne 
s'estoit  voulu  laisser  persuader  de  donner  de  l'argent-. 


'  Glioilos  (le  Besançon ,  dnnt  il  a  éié  déjà 
question,  ainsi  que  du  maréchal  d'Eslrdes, 
dans  in  lettre  III  du  présent  volume. 

*  Vol.  717,  fol.  aa.  Cette  lettre  fut  écrite 
le  même  jour  que  in  précédente ,  comme  nous 
l'apprend  la  mention  inscrite  au  dos  :  9  mars 
1609.  Signalons,  dans  le  volume  9544  du 
fonds  français ,  divers  documents  transcrits 
de  la  main  des  Dupuy  et  qui  i'ornieiit  un 
petit  dossier  tfpour  estre  envoyé  à  M'  de 
Peiresc,  conseiller.  Le  premier  de  ces  docu- 
ments (fol.  84)  est  une  relation  des  événe- 
ments militai  resde  Suse ,  écrite  de  Cliaumont, 
le  mardi  6  mars  1699,  et  dont  la  dernière 
partie  seulement  a  été  conservée.  Il  y  est  ques- 
tion du  maréchal  de  Schoniberg ,  qui  n  a  receu 
une  mousquetade  si  favorable  que  la  halle 
luy  ayant  passé  entre  la  chair  et  les  costes 
du  costc  gauche  l'on  promet  sa  guarison 
entière  dans  19  joursT»,  du  commandant  de 
Valençay,  «qui  eu  a  aussi  receu  une  dans 
le  gras  de  la  cuisse,  mais  il  n'a  délaissé  pour 


cela  de  continuer  son  travail ...  1 ,  du  comte 
de  Sault  "qui  a  entièrement  delTait  un  régi- 
ment des  erjuemis  dont  estoit  maistre  de  camp 
Don  Marc  Antonio  Bellon,  Milanois,  lecjucl 
eslant  à  cheval  à  sa  teste  s'est  sauvé  plus  visle 
que  le  pas  abandonnant  ses  compagnons». 
Le  second  document  (fol.  84  \°)  est  une 
relation ,  écrite  le  même  jour  et  en  la  même 
ville,  de  l'entrevue  du  prince  de  Piémont  et 
du  cardinal  de  Richelieu,  et  de  l'enlève- 
ment des  barricades  de  Suse.  Deux  autres 
documents  (fol.  gC)  sont  relatifs  h  l'attaque 
et  à  la  capitulation  de  la  ville  de  Sose.  Ces 
derniers,  exiraits  de  lelti-es  écrites  du  camp 
de  Chaumont,  sont  datés  du  7  mars.  Le  nar- 
rateur donne,  dans  le  dernier  document,  les 
détails  que  voici  :  irLe  combat  dura  environ 
deux  heures.  J'y  cstois  et  je  vous  asseui'e 
qu'il  y  faisoit  bien  chaud.  Enûn  M' de  Savoie 
lascha  le  pied.  On  a  pris  dix  drapeaux  et 
trois  capitaines  prisonniers ...» 


àS  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 


IX  - 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 
À  PARIS. 
Monsieur, 
J'ay  receu  vostre  despesche  du  20  febvrier  depuis  quatre  ou  cinq 
jours  par  la  voye  de  la  stafTette  sous  enveloppe  de  M'  de  Fetan  du 
3  mars,  où  je  trouvay  les  imprimés  des  resjouyssances  de  Rome,  et  de 
l'apologie  pour  les  juges  royaulx  dont  je  vous  remercie  Irez  humblement, 
ensemble  de  toutes  les  autres  belles  curiositez  qui  y  estoient  joinctes, 
et  principalement  de  la  peine  qu'il  vous  a  pieu  de  prendre  à  nous 
faire  si  bonne  part  des  nouvelles  de  pardelà.  Estant  bien  fascbé  que  la 
cessation  de  noz  ordinaires  nous  empesche  de  vous  pouvoir  rien  mander 
en  revanche  de  pardeça,  qui  ne  soit  si  envieilly  que  la  grâce  en  est 
perdue.  Vous  pourrez  voir  les  deux  petits  imprimez  des  dernières 
nouvelles  de  la  cour  que  nous  avons  eu  hier  et  aujourd'huy,  ne  doubtant 
pas  que  vous  n'en  ayez  aultant  et  au  centuple  de  pardelà ,  aussy  tost  et 
plus  tost  que  nous.  Mais  pour  ne  rien  obmettre  de  ce  qu'il  vous  plaict 
me  commander,  je  ne  laisray  pas  de  vous  envoyer  tout  ce  que  nous 
pourrons  en  avoir  de  pardeça.  Ne  pouvant  y  adjouster  si  ce  n'est  que' 
la  relation  du  xu  est  d'un  gentilhomme  qui  est  au  service  de  M'  le  Ma- 
reschal  de  Crequy,  nommé  Busset.  M'  de  la  Barben,  qui  en  est  reveim 
aujourd'huy  et  qui  en  partit  le  samedy  malin  1  o""*,  ne  dict  rien  de  plus, 
si  ce  n'est  que  revenant  par  Ambrun,  il  y  lencontrà  deux  régiments 
qui  alloient  trouver  le  Roy  et  grand  nombre  de  mulletz  chargez  de 
munitions  et  provisions  nécessaires  à  l'armée;  que  l'on  preparoit  le 
convoy  de  2,000  mulletz  pour  le  secours  de  Casai,  et  qu'aulcuns 
l'avoient  asseuré  (sans  toutefoys  qu'il  en  fust  si  acertainé')  que  chascun 

'  Le  Dictionnaire  de  Trévoux  donne  de  ce  ft  vieux  mot»  celte  définition  :  asseurer,  certifier, 
et  cite  ce  vers  de  Marol  : 

Quant  au  travail,  bien  je  vous  acertaine. 


[16291  AUX  FRÈRES  DUPUY.  ~  49 

des  dits  niullclz  devoit  porter  une  couverture  de  velours  viollet  semée 
de  fleurs  de  liz  d'or,  pour  faire  que  les  Irouppcs  qui  feroient  la  scorte' 
fussent  plus  jaloux  de  les  conserver,  et  que  les  ennemys  eussent  plus 
d'a])preliensioii  de  violer  la  vénération  et  le  respect  qui  estoit  deub  à 
cette  livrée.  On  dict  de  plus  que  Senetaire^  ne  laissoit  pas  de  continuer 
le  traicté  avec  M''  de  Savoye',  et  qu'il  estoit  arrivé  le  mesme  jour  avec 
certains  articles  corrigez,  reformez  en  la  forme  qu'on  disoit  avoir  esté 
auparavant  demandée  par  le  Roy,  voire  tous  signez,  mais  je  ne  sçay 
s'ils  seront  venus  aussy  peu  à  temps,  ou  aussy  tard  que  ceux  que  disoit 
l'ambassadeur  d'Espagne  avoir  esté  signez  par  son  maistre. 

Du  coslé  de  Nice  vous  aurez  sceu  que  M'  de  Guise  avoit  envoyé 
Le  Plessis  Bezançon*  avec  un  trompeté  à  Dom  Felice  dez  le  6  de  ce 
moys,  lequel  avoit  demandé  cinq  ou  six  jours*  de  terme  pour  advertir 
son  maistre.  Le  i  2  de  ce  moys  les  trouppes  commancerent  à  passer 
la  rivière  avec  grande  facilité,  parceque  à  la  faveur  des  sables  que  la 
mer  y  avoit  jettez  dez  le  commancement  de  febvrier,  encoresque  Dom 
Felice  eust  refaict  un  nouveau  canal  artificiel,  on  s'avisa  de  subdiviser 
l'eau  de  la  rivière  un  peu  plus  liault,  et  la  ranger  en  une  vingtaine  de 
diverses  branches,  qui  la  diminuèrent  en  sorte  que  chascun  rameau  ou 
ruisseau  pouvoit  estre  saulté  et  passé  commodément  par  les  gents  de 
pied  sans  se  mouiller.  On  avoit  apporté  des  ponts  de  boys  et  autres 
engins  que  l'on  n'a  pas  laissé  d'employer  pour  le  passage  du  canon, 
qui  debvoit  bientost  passer  et  M''  de  Guise  en  mesme  temps,  lequel 
estoit  encor  à  Antibes,  la  pluspart  de  son  armée  estant  desjà  campée 
dans  la  plaine  et  les  prairies  audelà  de  l'eau.  On  dict  mesmes  que  3o  ou 


'  Peiresc  reproduit  ici  l'italien  scorla.  La 
forme  escorte  se  trouve  déjà  chez  des  écrivains 
anldrieurs. 

'  Henri  de  Senneterre  ou  Saint-Nectaire, 
'marquis  de  In  Fertd-Nabert,  était  alors  ma- 
l'échal  de  camp.  Il  mourut  le  4  janvier  1  (iCa , 
âgé  de  quatre-vingt-neuf  ans. 

■^  Sur  la  mission  de  Senneterre  auprès 
d(i   duc  de  Savoie,  voir  les  Mémoires  de 


Bassompierre  (tome  IV,  pages  i5-a4). 
*  Bernard  de  Besançon,  seigneur  du 
Plessis ,  s'était  distingué  comme  ingénieur  au 
siège  de  la  Rochelle.  Voir  sur  lui  une  note 
dans  le  Recueil  Avenel  [i.  IV,  p.  i.35).  Be- 
sançon est  plusieurs  fois  mentionné  dans  les 
Historiettes  de  Tallemant  des  Réaux  (t.  I, 
p.  i35,i36;t.II,  p.  164,173,360). 


IVPKlMtUI    «ATIOIILI. 


5»  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

ko  coureurs,  allant  recognoistre  le  païs,  trouvèrent  une  embuscade  de 
2  00  Espagnols  où  il  y  eust  un  peu  d'escarmouche,  et  quelque  pri- 
sonnier emmené,  mais  nous  n'en  avons  encores  rien  de  certain,  si 
ce  n'est  que  M""  de  Guise  receut  un  pacquet  du  Roy,  soubs  l'enve- 
loppe duquel  il  en  trouva  un  autre  accompagné  d'une  lettre  de  Sa 
Majesté  par  laquelle  elle  luy  commandoit  de  passer  un  jour  certain, 
et  aprez  estre  delà  l'eau,  ouvrir  le  pacquet  qui  y  estoit  joinct  et  non 
plus  tost  pour  mettre  lors  à  exécution  les  mandements  de  Sadicte 
Majesté. 

La  maladie  du  conté  Venaissin  est  cessée  partout  fors  Garpentras, 
où  il  y  a  eu  encores  quelque  petit  accez.  On  a  restably  l'entrée  pour 
le  commerce  quasi  par  tout  ledict  païs,  et  rouvert  les  ports  et  pas- 
sages des  rivières,  de  ce  costé  là,  et  commancé  à  souffrir  qu'on  ap- 
porte de  Grenoble  des  balles  de  bardes,  et  livres  de  persones  particu- 
lières; peu  à  peu  il  se  fauldra  apprivoiser.  J'oubliois  de  vous  dire  que 
dez  dimanche  dernier  les  cinq  galères  de  reste  qui  avoient  esté  ap- 
prestées,  suy virent  la  première,  et  firent  voile  par  un  fort  favorable 
temps  pour  aller  à  Antibes,  et  favoriser  le  passage  des  trouppes  qu'il 
nous  tarde  bien  de  voir  dans  la  terre  ennemye,  car  elles  ont  ruiné 
tout  le  pauvre  païs,  estant  incroyable  des  extorsions  et  rançonne- 
ments  qu'elles  y  ont  faict  et  des  cruaultez  exercées,  pix  qu'en  païs 
de  conqueste.  J'oubliois  encores  que  certaines  galères  de  Sicile  avoient 
abordé  à  Villefranche  et  deschargé  quelque  infanterie  espagnole  ou 
sicilienne  d'environ  i,5oo  ou  2,000  hommes  en  fort  mauvais  équi- 
page, et  qui  ne  sont  pas  en  estât  de  faire  grande  résistance  ciux 
nostres. 

Pour  respondre  maintenant  à  vostre  lettre ,  j'ay  esté  bien  fasché  du 
decez  du  pauvre  M""  Poullain.  Il  avoit  de  fort  curieuses  recherches  pour 
la  matière  des  monnoyes,  qui  meriteroient  bien  de  n'estre  pas  per- 
dues. Vous  obligerez  le  public  de  vous  en  enquérir  et  d'en  prendre  un' 
peu  de  soing,  aussi  bien  que  de  celles  de  M' Aleaume.  Il  avoit  mesmes 
de  fort  bons  libvres  bien  qu'en  petit  nombre;  s'ils  se  vendoient,  ils  me- 
riteroient d'estre  recherchez.  Il  avoit  entr'autres  ce  volume  in  fol"  des 


[1629]  AUX  FRKRES  DUPUY.  51 

opuscules  du  P.  Mariana  '  qui  est  tant  dellendu  eu  Espagne,  oi'i  est  ie 
traiclé  De  Monetis^  qui  le  Ht  tant  persécuter^.  Je  l'achelterois  bien  vo- 
lontiers, si  vous  en  rencontiiez  jamais  à  vendre  soit  ccluylà  ou  autre, 
mes  assortiments  en  cette  matière,  qui  sont  assez  grands,  estants  deffec- 
tueux  en  cette  pièce  là,  et  en  celle  de  la  Grœcia  Lazii'*  de  la  vieille  édi- 
tion en  petit  folio,  qui  est  bien  meilleure,  à  mon  gré,  que  la  dernière 
de  Francfort  en  plus  grande  forme,  mais  en  trez  chettifve  lettre  *,  et  def- 
fectueuse  d'une  espreuve  qui  y  estoit  joincte  d'un  autre  ouvrage  de 
cet  autheur,  dont  je  vous  r'alTraiscbiray  la  mémoire  à  tout  bazard,  si 
vous  le  rencontriez  jamais.  Si  j'eusse  esté  adverty  des  voyages  que  sont 
allez  faire  en  Allemagne  les  s"  Diodati  et  Gassendi*,  je  les  eusse  priez 
de  l'y  chercher  pour  l'amour  de  moy.  Cependant  je  vous  remercie  trez 
humblement  du  seing  qu'il  vous  plaict  de  prendre  de  la  transcription 
des  deux  registres  des  monnoyes  dont  je  vous  avois  prié,  tant  chez 
M' le  présidant  Lusson  que  chez  M''  Aultin,  ensemble  des  droicts  et  pri- 
vilèges des  notaires  apostoliques.  Quant  à  la  lettre  du  consul  de  l'Italie, 
je  la  vous  renvoyé  avec  mille  remerciements  trez  humbles  comme  d'une 


'  N«U8  avons  rencontré  le  nom  du  père 
Jean  Mariana  dans  ie  tome  I  (p.  i3a).  Le 
volume  dont  parle  Peiresc  est  relui-ci  :  Trac- 
talus  Vil  lum  iheofogici,  tum  historici,  vi- 
delicel  :  I.  De  advenlu  Beau  Jacobi  Apostoli 
in  llispaniam.  II.  De  edittone  vulgata  SS. 
Bihliorum,  etc.  (Cologne,  1609.  in-fol.  de 
hkU  pages). 

'  C'est  le  traité  qui  dans  le  recueil  de  1 G09 
porte  le  n°  IV  et  est  intitulé  :  De  monelœ  tnu- 
tationc. 

'  Le  père  Mariana,  accusé  du  ci-ime  de 
lèse-majesté  pour  avoir  osé  affirmer  que  le 
changement  opéré  dans  la  valeur  de  la  mon- 
naie est  condamnable,  fut  misaux  arrêts  dans 
le  couvent  des  religieux  franciscains  de  Ma- 
drid :  il  était  aloi's  âgé  de  soixante-treize  ans. 
Le  roi  d'Esj)agnc  ordonna  de  faire  acheter 
sans  bi'uit  le  plus  grand  nombre  possible 


d'exemplaires  des  sept  traités  et  de  les  livrer 
aux  flammes. 

*  Voir  sur  Wolfgang Lazius  t.  I.  p.  a  18. 
Conférer  une  note  des  Lettres  françaises  de 
Joseph  Scaliger  (1879,  p.  Q70  ). 

'■  Commentationum  rerum  Grœcarum  libri 
duo.  L'édition  de  Francfort ,  dont  Peiresc  se 
plaint,  avait  été  précédée  de  deux  éditions 
au  moins,  celle  de  Vienne  (i5.58)  et  celle 
de  Hanau  (itioS),  in-foiio  l'une  et  l'autre. 
L'ouvrage  de  Lazius  a  été  inséré  par  Grono- 
vius  dans  le  tome  VI  du  Thésaurus  antiquil. 
Grœcar. 

'  Le  voyage  projeté  ne  se  lit  pos.  Gas- 
sendi, ayant  visité  les  Pays-Bas,  revint  à  Pa- 
ris le  8  août  1639,  après  environ  neuf  mois 
d'absence.  Voir  Viede  Gassendi,  par  Bougerel , 
lequel  ajoute  (p.  64  )  que  ir c'est  l'unique 
voyage  qu'il  ait  fait  hors  du  Royaume-. 


52  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

pièce  qui  n'a-pas  laissé  de  me  bien  consoler,  encores  que  je  ne  l'aye  peu 
Hsre  sans  frémir,  parceque  j'y  ay  apprins  que  les  naufrages  dont  on 
m'avoit  escript  de  Rome  estoient  antérieurs  au  voyage  ou  arrivée  à  Seyde, 
car  on  me  les  escrivoit  en  sorte  qu'il  sembloit  que  cela  fust  arrivé  à  son 
retour*,  ce  qui  m'affligeoit  grandement,  attendu  ce  qu'on  y  adjous- 
toit  de  la  perte  de  son  équipage,  qui  me  faisoit  croire  que  toutes  les 
curiositez  qu'il  pouvoit  avoir  ramassées  en  la  Palestine  et  Œgypte 
fussent  perdues.  De  ce  que  maintenant  je  suis  en  quelque  espérance 
qu'il  ayt  saulvé  non  seulement  sa  persone,  mais  aussy  les  despouilles 
qu'il  r'emportoit  de  cez  païs  orientaux,  qui  en  sont  plus  fertiles  que  les 
contrées  de  Constantinople,  à  tout  le  moings,  plus  aiseez  à  recouvrer 
et  avec  moings  de  rançonnement. 

J'aftendois  à  ce  jourd'huy  bien  impatiemment  le  retour  de  l'ordinaire 
de  Rome,  pour  y  apprendre  des  nouvelles  plus  fraisches  du  progrez  de 
sa  pérégrination,  mais  il  n'est  poinct  encores  comparu,  et  fault  que  les 
troupes  qui  sont  sur  la  frontière  tant  d'un  costé  que  d'autre  l'ayent 
arresté,  si  ce  n'est  qu'il  n'ayt  pas  trouvé  à  Gènes  les  despesches  de 
Rome,  et  qu'on  l'y  aye  retardé  une  semaine  pour  les  attendre  comme 
ils  font  quelquefoys.  Ou  bien  que  M""  de  Guise  le  retienne  comme  on 
dict  qu'il  arreste  toute  sorte  de  commerce  de  part  et  d'autre  jusques  à 
ce  qu'il  ayt  faict  esclatter  son  dessain ,  dont  nous  serons  bientost  esclaircis 
Dieu  aydant.  Si  vous  me  pouvez  envoyer  par  la  voye  de  la  poste  un 
exemplaire  du  Tertullian  de  M'  Rigault,  pour  M' le  Premier  Présidant, 
vous  m'obligerez,  et  pour  sa  préface  je  vouldroisbienau  moings  en  avoir 
exemplaire  corrigé  en  un  endroict  où  l'imprimeur  a  laissé  je  ne  sçay 
quelle  faulte  en  la  douzième  page,  ce  me  semble,  lorsqu'il  parle  de 
l'opinion  que  Tertullian  pouvoit  avoir  conceue  du  Montanus.  Je  voul- 
drois  bien  qu'il  se  résolut  de  la  laisser  imprimer  de  rechef  à  son  libraire 
puis  qu'il  ne  double  plus  que  M"'  le  Cardinal  n'en  soit  demeuré  plaine- 
ment  satisfaict.  Je  n'ay  poinct  osé  envoyer  sans  cela  son  exemplaire  à 
M"'  le  cardinal  Barberin  et  en  attends  tousjours  sa  resolution.  Je  me  res- 

'  Peiresc  a  oublie  de  nommer  ici  François-Auguste  de  Thou. 


I 


[16291  AUX  FRÈRES  DUPUY.  5â 

jouys  que  nous  puissions  espérer  un  peu  plus  tost  que  ne  pensions  le 
Solin  de  M'"  Sauimaise,  mais  je  suis  fasché  que  ses  notes  demeurent  en 
arrière,  voire  quand  ce  ne  seroicnt  que  ses  prolégomènes',  car  Dieu 
sçaict  quand  on  les  luy  pourra  arracher  des  mains  si  l'occasion  de  cette 
édition  ne  l'y  force.  Voilà  quant  à  vostre  lettre. 

Il  me  reste  à  vous  dire  que  je  vous  envoyé  une  petite  relation 
traduite  de  l'anglois  de  Purclias*  par  le  s'  Valois',  de  deux  petits 
voyages  assez  curieux,  l'un  de  Jean  Sanderson  en  Syrie,  et  l'autre  de 
Henry  Timberley  en  OEgypte*,  m'asseurant  que  vous  ne  le  verrez  pas 
mal  volontiers.  Le  dict  s"'  Valois  avoit  prins  cette  peine  à  la  prière 
du  s'  Gassendi,  et  j'en  voulus  retenir  coppie,  avant  qu'il  luy  en  en- 
voyast  la  minutte  comme  il  disoit  vouloir  faire,  et  comme  je  pensois 
qu'il  eust  faict,  et  que  vous  l'eussiez  veiie  par  ce  moyen.  Mais  il 
m'escrivit  dernièrement  qu'il  s'attendoit  que  j'en  envoyasse  une  coppie, 
ce  que  je  faicts  maintenant  avec  prière  d'en  faire  part  au  dict 
s''  Gassendi  à  son  retour,  si  ce  n'est  qu'il  eust  laissé  ordre  de  la  luy 
faire  la  part  où  il  serà^.  Il  y  aura  icy  une  lettre  pour  luy  que  je  vous 
recommande,  comme  chose  qui  luy  importe  h  ses  affaires  particulières. 
Je  vous  envoyé  aussy  le  premier  libvre  du  Théophile  de  M''  Fabrot® 
bien  au  net,  et  en  Testât  qu'il  peut  estre  plus  commodément  imprimé 
en  trois  colonnes,  sur  l'autre  coppie  cy  devant  envoyée.  N'ayant  osé  en 
mettre  davantage  dans  le  pacquet  pour  ne  le  trop  grossir,  et  pour 
ne  laisser  en  arrière  un  petit  livret  des  Actes  du  Pape  Gains'  venus  de 
Rome  que  j'ay  creu  vous  devoir  envoyer  à  faulte  de  meilleur  entretien.  11 


'  Littré  n"a  cilë  sous  le  mot  prolégomènes 
qu'un  seul  dcrivnin,  Guez  de  Balzac  [Le 
Barbon). 

'  Sur  Samuel  Purchos,  voir  le  tome  I, 
p.  85. 

'  Il  s'agit  de  Jacques  de  Valois,  lo  tré- 
sorier de  Grenoble ,  qui ,  en  raison  de  son 
origine  écossaise,  connaissait  bien  la  laiijjue 
anglaise. 

*  Sanderson  et  Tr'niborley  ne  figurent  dans 


aucun  de  nos  recueils  biographiques  ou  bi- 
bliographiques. 

'  À  l'endroit  où  il  sera.  Litti-é  n'a  pas  si- 
gnalé cette  expression  qui  revient  souvent 
dans  les  lettres  de  Peiresc. 

'  Le  Théophile  d'Annibal  Fabrot  devait 
paraître  nruf  ans  plus  tard  (Paris,  i638, 
in-/i'). 

'  Saint  Gains,  élu  le  17  décembre  a 83, 
mourut  le  Qa  avril  agô. 


5A  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

y  aura  là  assez  de  quoy  entretenir  l'in>primeur  s'il  y  veult  mettre  la  main 
selon  sa  promesse,  en  attendant  que  par  les  ordinaires  ou  staffettes  suy- 
vantes,  je  vous  puisse  envoyer  peu  à  peu  les  autres  livres  suyvants. 
Ce  vous  sera  tousjours  de  la  peine  nouvelle,  et  nouvelle  occasion  de  nous 
obliger  nous  mesmes  en  la  personne  du  dict  s'^Fabrot,  que  nous  hono- 
rons et  affectionnons,  comme  le  seul  qui  faict  un  peu  valloir  les  bonnes 
lettres  de  pardeça.  Je  vous  recommande  cette  entreprinse  tant  que  je 
puis,  l'ayant  grandement  à  coeur,  pour  le  contantement  de  l'autheur,  et 
pour  l'honneur  de  nostre  pauvre  et  stérile  païs,  qui  doibt  faire  valloir 
le  plus  qu'il  luy  est  possible  les  fruicts  qu'il  produict,  quelque  austé- 
rité qu'il  y  ayt,  comme  les  septentrionaux  l'ont  valloir  leurs  citres^  et 
leurs  biaires,  à  faulte  de  bons  vins.  J'oubliois  que  le  passage  de  cez 
trouppes  ont  desassorty^  tous  nos  livres  de  géographie  de  la  carthe  de 
Provence,  que j'ay  esté  constraint d'arracher  de  divers  endroicts  pour  en 
accommoder  les  députez  du  païs,  qui  suy voient  les  routtes  avec  les  ré- 
giments par  divers  endroicts.  Je  vous  supplie  de  m'en  faire  achepter 
quatre  ou  cinq  exemplaires  chez  le  s""  Tavernier  s'il  est  possible  de  les 
faire  séparer  comme  je  pense,  et  une  coupple  de  celles  du  Daulphiné. 
Je  n'ay  pas  encores  peu  expédier  les  inscriptions  de  M"^  Grottius ,  mais 
ce  sera  Dieu  aydant  par  le  premier,  et  demeureray  à  jamais. 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur,  " 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  16  mars  1639'. 


'  Peiresc  écrit  le  mot  cidre  comme  l'écri-  tionnaire  de  Trévoux  cite  sous  ie  même  mot 

vait ,  au  xvi"  siècle ,  La  Noue  dans  cette  phrase  nu  quatrain  du  duc  de  Nevere. 
de  ses  Me'jnoiVe*.- B Meilleur  que  les  «ires  de  ^  Vol.  717,  fol.  28.  Voir  à  l'Appendice 

Normandie.'»  du  présent  volume,  seconde  partie  (n"  I  et 

'  Littrë  ne  cite  sous  le  mot  désassorti  II),  deux  lettres  de  Jacques  Dupuy  à  Pei- 

qu'une  phrase  de  M""  de  Sévigné.  Le  Die-  resc,  une  du  12  mars,  l'autre  du  20  mars. 


[1629] 


AUX  FRKRES  DUPUY. 


55 


[sa fis  adhessk.] 

Monsieur, 
Despuis  vostre  dernière  despesche  du  1 6"*  j'en  ay  receu  deux  des 
vostres  du  97  febvrier  et  2  mars,  soubs  une  enveloppe  de  M'  de 
Fetan  du  dimanche  xi"",  lequel  ra'escript  avoir  retenu  par  devers 
luy  un  livre  assez  grosset^  qu'il  dict  reserver  pour  me  le  l'aire  tenir 
par  le  prochain  ordinaire.  Je  pense  que  ce  soit  le  Tertullian  de  petit 
papier  dont  vous  faictes  mention,  que  nous  pourrons  avoir  environ 
dimanche  prochain  ou  lundy,  car  de  Lyon  icy  par  la  staffette  les  des- 
pesches  qui  en  partent  le  dimanche  demeurent  tousjours  8  ou  10  jours 
par  les  chemins,  s'il  ne  se  rencontre  quelque  extraordinaire  qui  les 
chasse.  Mais  si  le  Roy  vient  en  Languedoc  comme  on  dict,  ces  lettres 
viendront  un  peu  plus  viste.  Car  on  ne  songe  nullement  de  restablir 
les  ordinaires  courriers,  puis  que  M"'  de  Fetan  s'est  retiré  dans  Lyon, 
que  le  commerce  ne  soit  absolument  restably  avec  la  ville  de  Lyon,  ce 
que  je  ne  pense  pas  estre  iaisable  de  nostre  costé,  que  les  grandes 
challeurs  ne  soient  venues,  pour  descouvrir  si  la  maladie  n'y  regrillera 
poinct.  Ceux  de  la  santé  de  Lyon  avoient  faict  requérir  le  restablisse- 
mentdu  dict  commerce  et  pour  justification  de  leur  bonne  santé  avoient 
envoyé  un  estât  des  malades,  avec  certification  qu'il  n'y  niouroit  plus 
de  la  maladie  que  deux  persones  par  jour,  ce  qui  renouvella  bien 
les  allarmes  de  tout  le  monde  icy,  auquel  un  seul  accez  est  cappable  de 
donner  l'espouvante  toute  entière.  On  avoit  relasché  un  peu  de  la  ri- 
gueur du  vinaigre,  estimant  que  le  bureau  de  M'  de  Fetan  fust  hors  de 
Lyon  au  lieu  de  Balmont  d'où,  il  faisoit  datter  ses  lettres  et  brevects. 
Et  parloit  on  de  souffrir  que  les  courriers  ordinaires  peussent  aller 
d'icy  à  Vienne,  et  possible  au  dict  Balmont  dans  quelque  temps.  Mais 
cette  retraicte  de  M'  de  Fetan  a  gasté  tout  le  mystère,  et  destruict  tout 

'  Le  mot  grosset  a  été  trouvé  par  Ijtlrë  dans  le  floman  de  la  Rose,  dans  Ambroise  Paré 
et  dans  les  Mémoires  de  Saint-Simon  ;  c'est,  du  reste,  un  mot  d'origine  provençale. 


56  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

ce  que  nous  avions  advancé  pour  le  regard,  et  a-t'on  desjà  renouvelié 
beaucoup  plus  de  rigueur  que  de  coustunie,  tesmoing  les  bulles  de 
Montmajour  de  M""  de  Brèves  que  j'ay  receues  par  la  dernière  staffette, 
dont  l'enveloppe  passa  parle  vinaigre  chauffé,  et  peu  s'en  fallut  qu'elles 
ne  fussent  endauniagées,  mais  Dieu  mercy  on  y  arriva  à  temps,  pour 
empescher  qu'on  n'y  exerçast  plus  de  rigueur.  La  grosseur  du  volume 
qu'elles  monstroient  avoir,  fit  demeurer  en  arrière  vostre  livre  du  Ter- 
tullian,  comme  je  pense.  On  nous  veult  faire  à  croire  que  le  Roy  s'en 
revient  par  cette  province  en  Languedoc,  dans  3  semaines;  si  cela  est, 
il  fauldrà  faire  effort  pour  le  restablissement  de  noz  ordinaires  de 
Lyon,  et  tascher  de  les  faire  arrester  à  Vienne,  et  qu'on  leur  envove  ' 
là  les  despesches  de  Lyon,  pour  faire  cesser  les  ombrages  qu'on  a  icy 
de  la  ville  de  Lyon;  si  le  mal  qui  estoit  en  Valance  et  Vienne  est  cessé, 
nous  en  viendrons  plus  facilement  à  bout. 

J'ay  receu  dans  vostre  despesche  les  exemplaires  que  vous  y  avez 
mis  tant  de  l'inscription  de  M"^  Rigault  que  de  la  préface,  dont  je  vous 
rends  grâces  trez  humbles,  et  ne  manqueray  pas  d'en  faire  insérer  un 
dans  l'exemplaire  destiné  à  M"  le  Cardinal ,  s'il  se  peult  faire  propre- 
ment, sinon  j'y  employeray  le  mien  que  j'avois  tousjours  tenu  en 
laisse'  pour  cet  effect,  et  puis  le  feray  tenir  parla  première  commodité. 
Entr'autres  coppies  de  la  dicte  préface  la  première  que  je  maniay  me 
mit  en  grande  allarme,  car  je  la  trouvay  chastrée  de  tout  ce  qui  alloit  à  ' 
la  deffence  du  Tertullien,  et  craignois  que  toutes  les  autres  fussent  de 
mesmes,  et  qu'il  eust  prins  fantaisie  à  l'autheur  d'en  retrancher  cette 
partie  là,  qui  me  sembloit  trez  nécessaire.  Mais  je  fus  tout  consolé, 
quand  j'eus  vérifié  que  les  aultres  estoient  aussy  entières  que  la  pre- 
mière que  j'avois  veue,  et  prins  conjecture  que  la  chastrée  estoit  celle 
qui  avoit  esté  véritablement  faicte  pour  celuy  à  qui  elle  est  adressée, 
et  que  le  surplus  avoit  esté  arraché  de  la  lettre  qui  pouvoit  avoir  esté 
préparée  pour  Rome,  afin  de  l'insérer  en  ce  lieu  là,  où  elle  fict  trez 
bien;  tant  est  que  j'en  suis  gra;idement  satisfait  et  content,  et  grande- 

^  C'est-à-dire  réserver,  comme  le  chasseur  tient  en  laisse  des  chiens  dont  il  se  servira  jilus 
tard.  --  , 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  57 

ment  obligé  à  la  courtoisie  de  M' Rigault,  auquel  si  je  ne  pouvois  escrire 
cette  foys  icy,  je  vous  supplie  de  luy  faire  mes  excuses  trez  humbles  at- 
tendant de  m'en  acquitter  mieux  par  l'ordinaire  prochain,  auquel  temps 
je  verray  si  par  mesme  moyen  je  luy  pourrois faire  tenir  quelques  lettres 
de  recommandation  pour  les  juges  de  Dijon,  sinon  de  moy,  qui  n'y  ay  pas 
de  grandes  habitudes,  au  nioings  de  quelqu'un  de  mes  amys. 

Il  m'escript  que  M"'  Autin  mettroit  entre  les  mains  de  nostre  coppiste 
le  registre  de  Lautier  pour  en  transcrire  ce  que  je  luy  avois  demandé, 
qui  n'estoit  ([ue  certains  feuillets  des  monnoyes  du  temps  de  S'  Louys, 
et  s'd  ne  luy  estoit  inconunode,  toutes  celles  qui  estoient  audessus  de 
Philippe  le  Bel,  en  remontant  jusques  à  Philippe  Auguste,  en  quoy  ils 
m'ont  bien  obligé  l'un  et  l'aultre,  et  je  tascheray  de  leur  en  rendre 
toute  la  revanche  qu'il  me  sera  possible. 

Je  ne  luy  en  avois  pas  demandé  davantage,  parce  que  le  registre 
entre  deux  aiz  qui  commence  au  dict  Philippe  le  Bel  pouvoit  suppléer 
le  surplus  en  quelque  façon.  Mais  c'est  la  vérité  que  s'il  se  trouve  de 
coppiste  à  prix  honneste  qui  eust  le  courage  d'entreprendre  la  coppie 
entière  de  tout  le  dict  registre  de  M'  Aultin,  et  que  luy  ne  l'eust  pas 
désagréable,  je  ferois  de  bon  coeur  la  despance,  et  ne  ferois  pas  pour 
cela  moings  volontiers  aussy  celle  de  tout  le  registre  entre  deux  aiz.  Et 
pensois  vous  en  avoir  escript  à  peu  prez  en  ce  sens  là,  mais  je  vois 
bien  à  ce  que  vous  m'en  revocquez  en  doubte,  que  je  ne  m'estois  pas 
bien  donné  à  entendre. 

Cependant  je  vous  suis  bien  redevable  du  soing  que  vous  avez  daigné 
prendre  de  l'un  et  de  l'aultre,  comme  aussy  de  la  recherche  des  livres 
de  la  secte  Mahomelane  et  de  ceux  d'Estienne,  qu'il  vous  a  pieu  me 
retenir,  en  quoy  je  ne  puis  assez  loiier  vostre  desbonnaireté  en  mon 
endroict,  et  la  curiosité  du  choix  que  je  trouve  bien  délicat  et  cappable 
de  tenter  de  ceux  mesmes  qui  pourroient  estre  moings  curieux  que 
moy.  C'est  pour  quoy  je  seray  bien  aise  qu'il  vous  plaise  me  les  retenir 
tout  à  faict,  non  que  plusieurs  d'iceulx  ne  se  trouvent  parniy  les  miens. 
Mais  ce  que  vous  dictes  qu'ils  sont  tous  en  blanc  et  fort  nets,  m'en  a 
mis  la  salive  en  bouche,  afin  de  les  pouvoir  faire  miculx  relier  que  ne 


■HPItlitltlE    FATID'-Alt. 


S8  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

sont  ceux  quej'avoispar  devers  moy  de  plus  longue  main,  dont  quelque 
aniy  sera  bien  aise  de  s'accommoder.  Je  n'en  retrancheray  que  ce  nou- 
veau Testament  grec  i  BGg  que  j'ai  desjà  double  ou  tripple,  au  lieu  du 
quel  je  vous  prie  de  prendre  la  petite  bible  hebraïcque  in  16,  si  le  prix 
en  est  modéré,  pour  la  donner  à  un  de  mes  amys  qui  a  ce  goust  là, 
qui  la  sçait  quasi  toute  par  coeur,  lequel  en  a  une  encores  en  moindre 
forme  (je  pense  que  c'.est  le  au)  en  plusieurs  volumes,  qu'il  a  con- 
tinuellement dans  ses  pochettes,  que  je  vouldrois  bien  luyrenouveller, 
car  elle  est  fort  sallie  et  engraissée.  Mais  j'ay  oublié  la  datte.  Ce  Mys- 
tagogus  Cresolii  >  sera  tousjours  bon  à  avoir,  puisque  vous  le  trouvez 
bon ,  voire  en  fin  papier,  si  le  prix  n'en  est  pas  excessif. 

Le  sieur  de  Gastines  m'escript  de  Marseille  qu'il  avoit  renouvelle 
le  crédit  à  la  dame  de  Lignage  pour  600  l[i]b[vres]  selon  qu'il  vous 
plairra  d'en  ordonner,  et  envoyer  prendre  chez  elle  pour  mon  compte. 
Je  n'y  regrette  que  la  peine  que  ce  vous  est. 

Nostre  ordinaire  de  Rome  n'est  poinct  encores  passé  de  ce  jourd'huy, 
nomplus  que  le  vendredy  de  la  semaine  passée,  et  craignons  qu'il  ne 
soit  retenu,  avec  toutes  ses  despesches,  où  je  courrois  fortune  de  perdre 
quelque  petite  anticaille  qu'on  y  debvoit  bazarder.  Mais  ce  qui  me  le 
faict  attendre  plus  impatiemment  est  d'apprendre  des  nouvelles  de 
M'  de  Thou.  On  m'escript  de  Marseille  qu'à  son  exemple  le  filz  de 
M'  Mangot  ^  qui  estoit  à  Rome  s'est  résolu  au  voyage  du  Levant  et  s'en 
va  par  Constantinople. 


'  Ludovici  Cresollii  Annorici  e  Societate 
Jesu  Mystagogus  de  sacrorum  hominum  disci- 
plina, etc.  (Pari»,  Sébastien  Cramoisy, 
1629,  in-fol.).  Ce  recueil,  dont  on  peut 
voir  Je  litre  complet  dans  la  Bibliothèque  des 
pères  de  Backer  et  Sommervogel  (t.  I, 
col.  ii64),  reparut  à  Paris,  i638,en  9  vo- 
lumes in-li".  Le  père  Louis  Crésol,  né  en 
i568  dans  le  diocèse  de  Tréguier,  mourut 
en  i634. 

^  Claude  Mangot,  seigneur  de  Villarceau , 
Dreville ,  Oi-gèrea  et  Villeran ,  fut  tour  à  tour 


maître  des  requêtes,  procureur  général  en 
la  chambre  de  justice,  ambassadeur  en 
Suisse,  premier  président  du  parlement  de 
Bordeaux ,  secrétaire  d'État ,  garde  des 
sceaux,  etc.  Si  Ton  connaît  bien  Claude 
Mangot,  on  connaît  très  peu  le  fils  dont  il 
est  ici  question.  D'après  la  généalogie  donnée 
dans  le  Moréri,  Claude  eut  de  sa  femrae 
Marguerite  Le  Beau,  quatre  fils  et  quatre 
filles.  Je  ne  sais  lequel  des  quatre  fils 
(Claude,  Anne,  Jacques,  Malhurin)  fut  le 
voyageur  en  Orient. 


11629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  59 

J'ay  esté  bien  inarry  de  l'incontinance  du  sieur  du  Moustier  '  ;  l'ap- 
prelionsion  que  j'en  avois  eu  à  l'advance  m'avoit  induict  à  luy  escrire, 
pensant  que  pour  l'amour  de  moy  il  fist  quelque  violance  à  son  mau- 
vais naturel,  mais  il  ne  fault  pas  trouver  estrange  que  la  nature  ayl 
vaincu,  nomplus  qu'envers  l'aultre  que  vous  me  nommez.  Si  le  sieur 
de  Vris  peult  faire  quelque  autre  pièce  esgalement  elabourée  sur  per- 
sone  vivante,  il  fauldra  bien  qu'envie  se  taise.  Quoy  qu'il  en  puisse  estre, 
tousjours  en  faict  il  assez  pour  avoir  de  quoy  me  contenter  en  mon  par- 
ticulier, et  pour  mériter  qu'on  en  face  cas,  et  qu'on  ne  le  tienne  pa.s 
dans  le  commun.  Je  suis  bien  aise  ([u'il  ayt  si  bien  rencontré  au  por- 
Iraict  que  vous  dictes  de  M'  nostre  jadis  archevesque'^et  vouldrois  qu'il 
en  eust  aultant  faict  de  celuy  de  M''  de  Saulmaise.  Il  fauldrà  avoir  pa- 
tiance,  pour  attendre  sa  commodité,  ce  ne  sera  jamais  trop  tard  pour- 
veu  qu'on  ayt  les  pièces  qu'il  a  j)romises. 

La  lettre  de  M'  le  Cardinal  au  Roy^  sur  son  reffus  des  abbayes  de 

M''  de  Vendosme  *,  est  généreuse  et  digne  d'une  grande   loiiange  à 

'   Monseigneur,  en  cette  conjoncture  principalement,  qu'il  n'a  pas  trop 

de   revenu  pour  les  fraiz  extraordinaires  qu'il  est  quasi  constraint  de 

faire  ^. 

Je  vouldrois  bien  que  le  Iraicté  de  M""  de  Rohan  dont  on  vous  a  parlé 
fust  véritable  et  bien  conclu,  pour  esviter  le  passage  des  trouppes  de 
l'armée,  qui  ont  eu  commandement  de  repasser  dans  cette  province  pour 
aller  au  siège  de  Nismes  et  Usez  qu'on  dict  debvoir  estre  faicts  en  mesnie 
temps,  car  ce  pauvre  païs  estoit  quasi  riiiné  de  leur  allée,  et  s'en  va 


'  Le  célèbre  peintre  Daniel  du  Monstier. 

'  C'était  Alphonse  de  Richelieu,  devenu 
en  1 6a8 ,  d'archevêqae  d'Aix ,  archevêque  de 
Lyon. 

''  Cette  lettre  du  cardinal  Armand  de 
Richelieu  à  Louis  XllI  (i3  février  1629) 
est  dans  le  lonielIldur(;cMCiY^t;e»e/(p.  a3o- 
a3a). 

'  Les  abbayes  de  Marraoutier  et  de  Saint- 
Lucien-de-Beauvais ,  les  deux  lueilleiu-es  des 


quatre  que  possédait  le  grand  prieur,  mort 
prisonnier  au  château  de  Vincennes,  le  8  fé- 
vrier précédent. 

'  D'a[)rès  les  Mémoires  de  Richelieu ,  beau- 
coup eurent  pour  la  générosité  de  ses  senti- 
ments la  même  admiration  que  Peiresc 
exprime  ici;  «Ce  refus,  dit  Richelieu,  fut 
très  bien  pris  de  Sa  Majesté  et  loué  de 
toute  la  Cour,  où  semblables  actions  ne  sont 
pas  vues  d'ortlinaire.  » 

8. 


60  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

estre  désolé  tout  à  faict  à  leur  retour.  Les  gents  du  pais  ont  député 
mon  frère  de  ce  costé  la  malgré  luy,  pour  voir  s'il  s'en  pourra  faire  em- 
barquer une  partie  et  il  s'y  en  est  allé  par  un  trez  mauvais  temps  de 
pluye. 

La  consolation  que  nous  pouvons  espérer  en  ce  mal  quasi  inesvitable 
gist  en  l'espérance  et  au  bien  que  l'on  nous  promet  que  nous  verrons 
icy  le  Roy  dans  peu  de  jours,  et  par  mesme  moyen  quelques  uns  de 
nos  amys  qui  suyvront  à  la  file,  entr'autres  M''  le  Pelletier  et  M"'  de  la 
Hoguette,  puis  que  vous  nous  asseurez  leur  despart,  dont  je  tressaillis 
de  joye,  en  m'imaginant  desja  de  les  gouverner  un  peu  céans  et  d'y 
faire  des  voeux  pour  vostre  santé  et  de  toute  l'Académie  en  cette  bonne 
compagnie  là. 

J'oubliay  la  semaine  passée  de  voir  si  mon  homme  n'avoit  rien  laissé 
sur  ma  table  en  fesant  l'enveloppe  de  vostre  pacquet,  et  quand  la  staf- 
fette  fut  partie  je  trouvay  qu'il  n'y  avoit  rien  mis  de  cez  petites  relations 
de  la  cour  dont  je  vous  parlois.  Vous  m'en  excuserez,  s'il  vous  plaict, 
comme  de  chose  où  vous  ne  pouviez  pas  aussy  rien  apprendre  qui 
vous  fust  nouveau,  et  sur  ce,  aprez  vous  avoir  conjuré  de  me  conserver 
l'honneur  de  voz  bonnes  grâces,  je  finiray  demeurant, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 

DE  Pëiresc. 
A  Aix,  ce  vendredy  au  soir  aS  mars  1629  '. 

XI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

ADVOCAT  EN  LA  COUR  DE  PARLEMENT  DE  PARIS, 
À  PARIS. 

Monsieur, 
Depuis  avoir  envoyé  mon  pacquet  à  la  poste,  estant  au  palais,   on 
m'y  a  faict  appeller  par  un  huyssier  pour  me  rendre  un  pacquet  do 

'  Vol.  717,  fol.  97. 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  61 

M'  de  Tliou;  aussy  tost  j'ay  envoyé  requérir  mon  pacquet.  à  la  poste, 
et  conjurer  le  postillon  qui  debvoit  porter  la  stalTette  de  différer  en- 
core un  quart  d'heure,  pour  joindre  ce  pacquet  au  mien  et  cependant 
j'ay  prins  la  plume  pour  me  conjouyr  avec  vous  de  l'heureux  succez 
de  ses  perefj'rinations  jusques  à  ce  poinct  là  qu'il  n'attendoit  plus  que 
le  bon  vent  pour  s'embarquer  et  s'en  revenir  dcpardeça,  comme  j'ay 
veu  au  bas  de  sa  lettre  en  la  parcourant  laquelle  je  ne  laisray  pas  de 
vous  envoyer,  afin  de  ne  vous  pas  faire  attendre  d'y  voir  les  particula- 
ritez  qu'il  m'escript,  auxquelles  il  ne  se  sera  possible  pas  amusé  dans 
les  vostres.  Seulement  vous  supplieray-je  de  ne  pas  faire  sçavoir  ce 
qu'il  m'escript  concernant  la  ncjjociation  d'Algers  qui  pourroit  ruiner  ce 
pauvre  Sançon  '  tandis  qu'il  est  encore  engagé  de  pardelà.  Mais  qu'il 
soit  de  retour  et  qu'il  ayt  achevé  de  ramener  tous  les  esclaves,  il  n'y 
aura  pas  de  danger  d'en  dire  chascun  librement  sa  rastellée^,  sans  ap- 
préhension de  nuire  à  la  liberté  et  à  l'interestde  tant  de  pauvres  gents. 
Encor  un  coup  je  vous  félicite  de  cez  bonnes  nouvelles,  estant  de 
toute  mon  affection , 
Monsieur, 

vostre  Irez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  dernier  mars  1699. 


Si  le  pacquet  d'Alexandrie  fust  arrivé  quelqu'heure  plus  tost,  j'eusse 
peu  faire  part  de  cette  bonne  nouvelle  à  Rome,  où.  les  amys  de  M""  de 
Thou  eussent  esté  grandement  consolez. 

Vous  prendrez  plaisir  de  voir,  je  m'asseure,  la  lettre  de  M'  Holste- 
nius.  Il  n'est  pas  si  desgousté  que  M'  Rigault,   et  monstre  bien  plus 


'  Sur  Sanson  Napollon ,  voir  t.  1 ,  p.  3 1 8. 
Depuis  que  ladite  page  a  élé  iniprimëe, 
M.  Léon  Bourguès  a  iiistW.  dans  six  livrai- 
sons de  la  Revue  de  Marseille  et  de  Provence 
(mai-juin  188G  à  mai-juin  1887)  une  ex- 
cellente dtude  biographique  sur  cet  ami  et 
correspondant  de  Peii'esc. 


'  Peiresc  emploie  quelquefois  celte  ex- 
pression figurée  que  le  Dictionmire  de  Tré- 
votuc  signale  dans  Saint-Amant  et  au  sujet 
de  laquelle  Liltrë  cite ,  outre  divers  auteurs 
du  XV*  et  du  xvi'  siècle,  Scarron  et  J.-B. 
Rousseau. 


62  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

d'ardeur  aux  M[anu]s[crit]8  Grecs  dont  je  vous  avois  envoyé  l'indice, 
mais  j'ay  grande  peur  qu'ils  ne  m'eschappent;  j'y  faicts  ce  que  je  puis 
pour  en  venir  à  bout. 

Tandis  que  j'estois  au  palais,  mon  homme  avoit  entreprins  la  coppie 
du  catalogue  des  opuscules  m[anu]s[crit]s  de  Cardan  "que  je  venois  de 
recevoir;  il  s'en  va  faict,  et  j'espère  le  pouvoir  encores  mettre  dans  le 
pacquet.  Il  en  fauldra  envoyer  aultant  à  M"'  Deodati. 

Nous  ferons  demain  chanter  un  Te  Deum  à  l'église  métropolitaine 
pour  les  heureux  succez  des  armes  du  Roy  en  Italie,  sans  feu  de  joye, 
selon  les  mandements  de  Sa  Majesté  K  Je  vous  prie  de  trouver  bon  que 
je  prie  icy  M"'  vostre  frère  d'essayer  s'il  pourroit  avoir  quelques  exem- 
plaires des  vers  de  M''  Sirmond^  sur  la  Rochelle',  car  j'ay  perdu  le 
mien  qui  m'a  esté  retenu  et  en  vouldrois  bien  garder  un  dans  mon 
recueil  et  en  envoyer  delà  les  monts.  Quand  on  luy  en  iroit  demander 
pour  moy,  il  est  assez  galant  homme  pour  en  donner  s'il  ne  s'en  trouve 
plus  à  vendre  \ 

'  Défaite  du  duc  de  Savoie  au  pas  de  Suze  Deum ,  chanté  solennellement  en  l'église  métro- 

(6  mars);   conclusion  de  la    paix  avec  le  politaine  {ao  mars).   Aix,  par  E.    David, 

vaincu  (it  mars);  levée  du  siège  de  Casai  iCisg.in-S". 

(i8   mars).  On  conserve  à  la  Bibliothèque  '  Voir,  sur  Jean  Sirmoud,  1. 1,  p.  282. 

nationale  (LL"  2782)  :  Lettres  du  roi  à  sa  '  Rupclla  capta,  seu  defeliciLudovici  XIII 

cour  de  parlement  de  Provence,   sur  l'Iieu-  ad  perduelles  tiwreticos  expeditione ,  auctore 

rettx progrés  de  ses  armes  en  Italie,  où  les  JoanneSirtnondo,hisloriographo7-egio{faris, 

Espagnols  ont  été  contraints  de  laisser  ravi-  1629,  in-/i°). 

tailler  Cazal,  et  d'ôter  le  siège,  dont  ladite  "  Vol.  717,  fol.  29. 
cour  a  fait  rendre  grâces  à  Dieu  par  un  Te 


[1629] 


AUX  FRÈRES  DUPUY. 


63 


XII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DUPUY, 

ADVOCAT  EN  LA  COUR  DE  PARLEMENT 
RUE  DES  POICTEVINS  PREZ  DE  SAIffT   ANDHI^  DES  IRTZ ,  CHEZ  H'  DE  THOO, 

A  PARIS. 

Monsieur, 
Je  vous  escrivis  fort  à  la  haste  par  la  dernière  stafTelle,  laquelle 
partit  par  un  si  mauvais  temps  de  pluye,  que  je  ne  sçay  si  elle  aura 
peu  arriver  au  temps  accoustumé.  J'avois  destiné  cette  matinée  à  vous 
entretenir,  mais  un  présidant  de  la  cour  m'est  venu  surprendre,  et 
m'a  de  vive  force  enlevé  et  faicl  perdre  le  meilleur  du  temps,  mais  je 
vous  envoyé  tout  ce  que  nous  avons  eu  du  costé  de  nostre  armée,  et  de 
Constantinople,  qui  est  tout  ce  dont  je  vous  pourrois  entretenir.  Le 
sieur  Guez  de  Marseille"  y  adjouste  que  M""  du  Thou  luy  escript  du 
2  5  febvrier,  d'Alexandrie,  qu'il  estoit  prest  à  s'embarquer  sur  le  navire 
du  cappitaine  Roubau  ^  qui  n'attendoit  que  le  temps  propre  pour 
prendre  la  routte  de  Malte,  pour  de  là  s'en  revenir  par  l'Italie  et  par 
ce  païs  icy,  qui  nous  sera  un  grand  heur.  Il  me  mande  que  M'  Man- 
got  '  estant  à  Venise  eust  une  bien  favorable  rencontre  pour  son  pas- 
sage en  Constantinople  avec  le  sieur  Gedoin  sur  les  galleres  de  la 
republique  qu'elle  a  baillées  au  dict  sieur  Gedoin  jusques  à  Cataro  * 
ou  Corfu^. 


'  Jean  Guez  iiit  un  des  correspondaaU 
de  Peiresc.  On  conserve  à  Garpentras  plu- 
sieurs des  lettres  que  ce  dernier  lui  adressa 
(Minutes,  registres  III,  IV,  VI)  et  une  lettre 
écrite  de  MarseiUe,  le  17  mai  i63/i,  par 
Guez  h  Peiresc,  en  lui  envoyant  la  relation 
des  dernière  troubles  de  Constantinople 
(registre  VIII). 

'  Voir  deux  lettres  de  Peiresc  au  capitaine 
Roubau,  du  aô  juillet  1619  et  du  1"  août 


de  la  même  ann(5e  (Minutes,  registre  VI). 

'  Je  n'ai  trouvé  qu'une  seule  lettre  écrite 
par  PeirescTàMiingotiùParisiIe  93  février 
iGi3  (Minutes,  registre  IV). 

*  Cattaro  est  une  ville  de  la  Dalmatie, 
chef-lieu  de  district,  h  70  kilomètres  de 
Rai'use.  au  fond  du  golfe  appelé  Bouches 
de  Cattaro. 

'  C'est  Corfou,  une  des  plus  grandes  des 
îles  Ioniennes  (royaume  de  Grèce). 


6a  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

Je  vous  renvoyé  avec  mille  remerciements  la  lettre  de  Valkenbourg  ' 
que  j'ay  veiie  bien  volontiers  aussy  bien  que  les  autres  curiositez 
que  vous  y  aviez  daigné  joindre,  bien  honteux  de  n'avoir  de  quoy  user 
de  revanche.  Les  vers  de  M'  Borbonius^  à  part  du  livre  de  Bouguier 
ne  seront  que  les  bien  venus  pour  en  pouvoir  envoyer  de  là  les  monts, 
et  les  joindre  au  recueil  de  ceux  de  la  Rochelle.  Vous  remerciant  en- 
cores  de  ceux  qu'il  vous  a  pieu  me  retenir  du  sieur  de  S'  Amand,  et  sur- 
tout de  ceux  de  ce  jeune  Jesuitte  dont  je  voudrois  bien  sçavoir  le  nom  ^, 
à  la  lecture  desquels  j'ay  prins  un  grandissime  plaisir,  et  s'il  y  a 
moyen  d'en  avoir  d'autres  exemplaires  vous  m'obligerez  infiniment  pour 
en  faire  part  aux  amys.  J'ay  veu  avec  grand  plaisir  les  livres  dont  vous 
m'avez  daigné  retenir  l'assortiment,  entre  lesquels  j'ay  esté  bien  aise  de 
trouver  le  Typus  orbis  terrarum  du  bonhomme  Bertius  in  fol°  *  que 
je  luy  avois  autres  foys  voulu  mettre  en  teste  ^,  et  luy  proposois  de  le 
représenter  en  différantes  cartes,  selon  la  differance  des  suppositions 
des  divers  aultheurs  principaulx,  comme  Pline,  Strabon,  et  autres 
dont  nous  n'avons  pas  des  carthes.  S'il  y  a  moyen  d'avoir  de  ces  vers  de 
Barlaeus  ^  8°  pour  les  faire  passer  en  Italie  par  la  poste,  vous  m'obli- 

'  Le  gouverneur  d'Orange    déjà  men-  lente  monographie  :  Étude  sur  la  vie  et  les 

donné  dans  le  tome    I.    Voir  notamment  œuvres  du  P.  Le Moyne,  par  il.  Ghéroi(¥ans, 

p.  390.  1887,  in-8°). 

-  Sur  Nicolas  Bourbon,  voir  une  note  de  '  Sur  Pierre  Bertius,  voir  tome  I,  p.  5.  ' 

V Appendice  du  tome  I,  p.  768.  On  trouve  Le  io«  Aomjne  avait  alors  soixante-quatre  ans 

presque  toutes  les  poésies  de  cet  académicien  et  allait  mourir  six  mois  plus  tard.  Le  baron 

réunies  dans  un  volume  intitulé  :  Poematia  Walckenaer  (article  Bertius  de  la  Biographie 

exposita,  etc.  (Paris,  i63o,  in-ia).  universelle)  cite  sous  un  titre  quelque  peu  dif- 

'  Ce  jeune  jésuite  n'est  autre  que  le  père  férent  un  recueil  qui  doit  être  le  même  que 

Pierre  Le  Moyne  qui ,  né  le  5  mars  1609,  n'a-  l'ouvrage  mentionné  par  Peiresc  :  Varice  or- 

vait  que  vingt-sept  ans  au  moment  oîiPeiresc  bis  universi  et  ejus  partium  Tabulce  geogra- 

écrivait  ceci.  On  sait  qu'en  1629  parut  un  phieœ  ex  antiquis  geographis  et  historicis  con- 

recueil  de  vers  de  ce  poète  sous  le  titre  sui-  fectœ,  per  Petrum  Bertiuin,  in-/i°  oblong. 

vant  :  Les  Triomphes  de  Louys  le  Juste  en  sa  '  On  voit  que   l'heureuse  influence  de 

réduction  des  Rochelois  et  des  autres  rebelles  Peiresc  s'exerça  sur   les  travaux    du  géo- 

de  son  royaume.  Dédiés  à  Sa  Majesté ,  par  un  graphe  flamand  comme  sur  tant   d'autres 

religieux  de  la  Compagnie  de  Jésus  du  collège  travaux  de  ses  contemporains, 

de  Reims  (in-4°).  Voir  la  complète  et  excel-  '  Rappelons  que  les  vers  latins  de  Bar- 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  65 

gérez.  Je  vous  envoyé  un  duplicata  du  sieur  de  Gastines  à  la  dame  de 
Lignage  pour  le  crédit  et  vous  supplie  en  toute  summission  d'excuser 
l'importunité  que  je  vous  donne  à  toutes  heures  et  le  temps  qui  s'est 
perdu  sans  vous  renvoyer  voz  vers  du  dict  Bar]a>us,  avec  vostre  ni[a- 
nu]s[crit]  du  Mareschal  Gervasius  '  et  des  papiers  que  je  vous  debvois 
avoir  envoyez  si  long  temps  y  a,  mais  j'espère  que  les  chemins  ne  tar- 
deront pas  de  s'ouvrir,  Dieu  aydanl,  mesmes  si  le  Roy  vient  en  ce  pais. 
Monsieur  de  Lusson^  m'oblige  infiniment  de  me  vouloir  si  libéralement 
communiquer  les  extraicts  qu'il  a  de  ses  registres,  et  je  rechercheray 
tous  moyens  de  le  servir  en  revanche.  Si  j'estois  résidant  à  Paris  comme 
luy,  où  j'eusse  moyen  d'avoir  la  veije  du  registre  entre  deux  aiz', 
toutes  les  foys  qu'il  se  presenteroit  occasion  d'y  aller  vérifier  quelque 
article,  je  ne  me  mettrois  pas  tant  en  peine  d'en  faire  faire  une  coppie 
entière.  Mais  en  estant  esloigné  comme  je  suis,  et  hors  quasi  d'espé- 
rance de  retourner  de  là,  avec  mes  infirmitez\  il  ne  fault  pas  trouver 
si  estrangc  que  je  voulusse  avoir  faictla  despance  de  cette  transcription, 
s'il  estoit  loisible,  pour  y  pouvoir  avoir  recours  au  besoing  au  cas  que 
je  puisse  rédiger  par  escript  ce  que  j'ay  observé  des  monoyes  de  noz 


laeus  (Gaspnrd  van  Baerle)  ont  été  plusieurs 
fois  recueillis  sous  le  titre  de  Poctnala,  no- 
tamment en  i645  (Amsterdam,  a  volumes 
in-ia). 

'  Gervais  de  Tilbury,  maréchal  du 
royaume  d'Arles, auteur  des  Olia  Imperiatiu. 
Voir  sur  lui  le  tome  I,  p.  438. 

"  Lusson  ou  Lauson.  Rappelons  que  le 
président  de  Lauson,  déjà  mentionné,  fut  un 
des  plus  célèbres  bibliophiles  et  collection- 
neurs de  Paris.  Voir  l'article  (jue  lui  a  con- 
sacré M.  Edmond  Bonnall'é  dans  le  Diction- 
naire des  amateurs  français  du  Jtrii'  siècle 
(1,884).  Je  dois  ajouter  que  Peiresc,  en  ce 
passage  comme  en  plusieurs  autres,  a  écrit 
très  distinctement  Ltisson  et  non  Lauson. 
Quoique  le  président  de  Lusson  soit  inconnu 
et  quoique,  au  contraire,  le  président  de 


Lauson  ait  été  célèbre  et  ait  eu,  de  plus,  des 
relations  avec  Peiresc,  je  n'ose  donner  la 
sid)stitution  du  nom  de  l'un  au  nom  de 
l'autre  comme  évidente:  elle  est  seulement 
assez  probable. 

'  Le  registre  entre  deux  ais  était  un 
registre  de  la  Cour  des  monnaies,  dont, 
comme  veut  bien  me  le  rappeler  M.  L.  De- 
lisle ,  il  y  a  une  copie  aux  Archives  nationales 
Z'  35o-35 1 .  Ce  registre  devait  son  nom  h  sa 
reliui-e  faite  avec  deux  planchettes.  Littré 
cite,  au  sujet  de  cette  sorte  de  reliure,  une 
phrase  du  Cyinbalum  mwidi  de  Bonaven- 
lure  des  Périers  :  rrJe  ne  sçay  s'il  le  de- 
mande [relié]  en  aix  de  bois,  ou  en  aix  de 
papier.  » 

'  Peiresc  ne  devait,  en  effet,  jamais 
revenii'  h  Paris. 


IMraiHtKIK    BATIOSllI. 


66  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629 1 

roys,  aussy  bien  que  des  plus  antiques,  et  possible  y  auroit  il  quelque 
chose  de  plus  curieux  que  le  commun.  Mais  si  ce  livre  est  tenu  si  chè- 
rement à  cette  heure  qu'il  ne  se  communique  poinct,  comme  autres 
foys,  il  fauldrà  prendre  patiance,  et  à  tout  le  moings  s'il  est  loisible 
d'avoir  coppie  du  chappitre  concernant  les  monnoyes  d'or  du  Roy  Phi- 
lippe le  Bel ,  ce  nous  sera  encores  beaucoup  de  faveur,  et  d'apprendre 
en  quel  temps  finit  le  dict  registre.  On  me  presse  desja  tant  que  je 
suis  constraint  de  clorre  pour  ne  laisser  eschapper  l'occasion  de  la 
staffette,  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur. 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  7  avril  1629. 

Je  vous  recommande  les  lettres  cy  jointes,  et  de  faire  clorre  celle 
qui  est  à  lâche  volant  S  avant  que  l'envoyer  au  sieur  Guiltard^  pour  la 
faire  tenir,  et  m'excusez  si  je  vous  faicts  voir  mes  badineries  si  confi- 
damment,  à  faulte  de  meilleur  entretien. 

On  a  desterré  un  nouveau  marbre'  avec  une  inscription  qu'on 
soubstient  estre  antique,  bien  qu'en  termes  bien  extravagants  ou 
extraordinaires,  à  sçavoir  *  : 

BORISTENES  ALANVS  CAESAREVS  VEREDVS 

PER  AEQVOR  ET  PALVDES  ET  TVMVLOS  ETRVSCOS 
VOLARE  QVI  SOLEBAT  PANNONICOS  IN  APROS 
NEC  VU.VS  INSEQVENTEM  DEN^ 

'  Le  Dictionnaire  de  Liltré  ne  donne  pas  '  Ce  marbre  avait  été  trouvé  sur  le  terri- 
cette  expression  et  indique  seulement  l'ex-  toire  d'Apt,  et  Peirescl' avait  fait  transporter 
pression  cac/ie(  yo/ani.  La  même  observation  dans  sa  maison.  Voir   Gassendi,  liv.  III, 
s'applique  aux  Dictionnaires  de  Ricbelet  et  p.  33 1. 
de  Trévoux.  '  Gassendi  a  reproduit  (ibid.)  cette  in- 

''  Guiltard  était  un  avocat  au  conseil  du  roi,  scription  sur  laquelle  on  a  tant  disserté.  Pei- 

qui  habitait  Paris,  et  auquel  Peiresc  adressa  resc  en  a  souvent  reparlé  dans  sa  corres- 

plusieurs  lettres,  du  a 3   octobre  1626  au  pondance. 
8  avril  1697  (registre  III  des  minutes).  '  Vol.  717,  fol.  3o. 


[1629J 


AUX  FRERES  DUPUY. 


67 


XIII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

ADVOCAT  EN  LA  COUR  DE  PARLEMENT  DE  PARIS, 
À  PARIS. 

Monsieur, 
La  dernière  slalFette  de  Lyon  du  premier  de  ce  moys  m'a  apporté 
vostrc  despesclie  seulement  du  20  mars,  de  ce  que  j'y  attendois  celle 
du  mardy  suyvant  27"°%  ce  qui  monstre  que  l'ordinaire  de  Paris  du 
mardy  n'arrive  plus  à  Lyon  le  sammedy  au  soir  comme  il  souloit,  ou 
que  M"^  de  Fetan  faict  partir  la  staflette  le  dimanche  trop  matin,  avant 
que  les  lettres  soient  distribuées,  ce  qui  faict  perdre  huict  jours  de 
bonne  grâce  aux  nouvelles  que  vous  prenez  la  peine  de  nous  escrire. 
Et  si  cela  debvoit  aller  aiiisin,  il  vauldroit  mioux  que  vous  escrivissiez 
le  vendredy,  pour  avoir  dix  jours  francs  entre  Paris  et  Lyon  au  lieu  de 
i/i  qui  s'y  consument  à  cet  autre  conte.  11  fault  que  je  luy  en  escrive 
un  mot.  Il  vouldroit  que  noz  ordinaires  fussent  restablis  et  trouve  es- 
trange  que  nous  ne  puissions  nous  y  resouldre,  mais  si  la  présence 
du  Roy  ne  le  faict,  ils  courent  fortune  d'estre  bien  reculez,  tant  pour 
les  grandes  foulles  qu'a  souffert  le  pais  à  cez  passages  d'armées,  que 
pour  l'ordre  qu'on  remettra  à  la  garde  de  la  santé  aussy  tost  que  les 
trouppes  auront  achevé  de  repasser.  Car  on  ne  peult  approuver  que 
les  villes  voisines  de  Lyon  se  soient  si  tost  bazardées  d'y  restablir  le 
commerce.  J'ay  receu  par  cette  voye  de  l'ordinaire  le  libvret  de  Drebels  ' 


'  Voir  sur  Cornélius  Drebbel  et  sur  le 
livret  dont  parle  ici  Peiresc  {Petit  traité 
de  la  nature  des  éléments) ,  h  tome  I ,  p.  486. 
Complétons  les  renseigtiements  dounds  là 
(note  1)  en  disant  que  Drebbel  naquit  à  Alk- 
maar  en  1 5  7  3  et  mourut  à  Londres  eni  6  3  &  ; 
que  dans  le  registre  VII  de  la  collection 
Peiresc,  à  Carpentras,  figure  une  lettre  de 


Girard  Pielerson  Schagen  à  Adrien  Thoni- 
son,  écrite  d'Alkniaar  eu  décembre  1607, 
contenant  la  vie  et  l'éloge  de  C.  Drebbel, 
ingénieur  du  roi  d'Angleterre.  Ajoutons  en- 
core que  l'on  trouve  une  mention  de  Drebbel 
dans  Gassendi  (liv.  III,  p.  1 6a  1),  où  le 
nom  du  physicien  est  imprimé  Drebelsim. 
Voir  enfin  sur  Drebbel  une  lettre  de  linbens 

9- 


68 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1629J 


et  celuy  de  la  langue  samaritaine  dont  je  vous  remercie  trez  humble- 
ment. Il  y  avoit  d'autres  livrets  que  j'ay  veu  aussy  volontiers.  Mais 
celuy  de  la  semaine  précédante  de  ce  jésuite  de  Rheims  a  esté  trouvé 
bien  gentil,  il  fauldrà  bien  sçavoir  son  nom,  et  en  avoir  quelque  autre 
exemplaire^;  avec  iceluy  il  vint  un  petit  éloge  du  Roy,  qui  monstroit 
avoir  esté  broché,  et  lequel  avoit  esté  depressé  pour  l'envoyer,  mais  il 
y  manquoit  les  dernières  feuilles. 

Jen'ay  pas  trouvé  en  ce  discours  de  la  langue  samaritaine  ce  que 
j'attendois,  au  moings  pour  ce  qui  est  de  l'autheur,  car  il  y  a  faict 
mettre  des  Alphabets,  quivallent  mieux  que  son  discours.  C'est  pour- 
quoy,  ne  s'en  pouvant  pas  avoir  d'autre  exemplaire,  nous  prendrons 
plus  facilement  patience. 

Je  vous  remercie  des  bonnes  nouvelles  qu'il  vous  a  pieu  me  donner 
du  sieur  Gassendi  d'Aix  la  Chappelle  ^  et  du  soing  que  M' du  Puy  vostre 
frère  veult  prendre  d'intercéder  envers  M"^  de  Lomenie  pour  le  sieur 
de  Nostradame^,  comme  aussy  de  celuy  que  vous  daignez  prendre 
d'employer  Quentin  pour  l'amour  de  moy,  principalement  en  cez  re- 
gistres de  monnoyes,  en  quoy  je  vous  aurois  bien  de  l'obligation  etpar 
conséquant  à  Mess"  Autin  et  Rigault. 

Pour  M""  le  présidant  de  Lusson,  je  me  doubtois  bien  que  malaisé- 
ment pouvoit  il  estre  sans  avoir  aultant  de  ce  registre  entre  deux  aiz. 
En  quoy  il  m'obbligerà  grandement  de  m'en  octroyer  la  communica-' 
tion.  Et  pour  les  itinéraires  du  sieur  Le  Blanc*,  qu'il  ne  s'en  mette  pas 


h  Peiresc,  écrite  de  Londres  le  9  août  lôag 
{Recueil d'Emile  Gachet,  p.  2  3  3).  Rubans  parle 
avec  quelque  ironie  de  cefamosissimofloso/o. 

'  Le  P.  Pierre  Le  Moyne  mentionné  dans 
la  note  3  de  la  page  64. 

'  Bougerel  (  Vie  de  Pierre  Gassendi)  n'a 
pas  mentionné,  dans  son  récit  des  voyages 
de  son  héros  en  1629,  ce  séjour  à  Aix-la- 
Ciliapelle. 

'  César  de  Nostredame.  -Il  s'agissait  d'ob- 
tenir pour  le  poète-historien  le  brevet  de 


gentilhomme  ordinaire  de  la  chambre  du 
Roi  et  peut-être  aussi  quelque  autre  faveur. 
Voir  le  fascicule  I!  des  Correspondants  de 
Peiresc ,  passim. 

'  Le  voyageur  Vincent  Le  Blanc ,  appelé 
quelquefois  Blanc,  naquitàMarseille  cm  554 
et  mourut  à  une  époque  qui  n'a  pas  été  pré- 
cisée (vers  i64o).  J'ai  rappelé  dans  le  tome  I 
[Appendice,  p.  77a,  note  5),  que  Le  Blanc 
confia,  d'après  les  conseils  de  Peiresc ,  à  Pierre 
Bergeron  le  soin  de  mettre  au  net  ses  ma- 


[1629] 


AUX  FRERES  DUPUY. 


69 


en  peine,  car  enfin  je  me  suis  saisy  de  tout  ce  que  le  pauvre  homme 
cnavoit  par  devers  luy  par  escript,  et  qui  plus  est  on  luy  avoit  des- 
robbé  un  yrand  volume  in  Col"  que  j'ay  soubstraict  le  plus  dextrement 
du  monde  d'entre  les  mains  de  celuy  qui  le  luy  debtenoit  plus  de 
vingt  ans  y  a,  et  le  nyoit^  Je  ne  plains  que  la  [mesjllange  ^  que  le 
pauvre  homme  y  a  faicte,  de  ce  qu'il  s'estoit  laissé  persuader  à  In- 
diens'' contre  la  globosité*  de  la  terre,  s'il  est  loisible  d'ainsin  par- 
ler, en  quoy  il  se  rend  grandement  importun  et  ridicule,  mais  il  faul- 
dra  retrancher  tout  cela,  comme  M'  Bergeron  avoit  desjà  faict.  Si  le 
commerce  n'eust  esté  fermé  pendant  la  maladie  de  Lyon,  j'aurois  en- 
voyé long  temps  y  a  le  volume  au  dict  sieur  Bergeron ,  avec  un  autre 
aussy  gros  et  quelques  autres  papiers  de  l'autheur.  J'espère  que  ce 
sera  bien  tost  que  je  vous  en  envoyeray  une  cassette  oii  tout  cela  sera 
avec  d'autres  choses  qui  me  pèsent  bien  long  temps  y  a. 

Je  vous  envoyay  par  la  dernière  staflette  une  lettre  de  M'  de  Thou- 
iouse*  pour  vous  faire  voir  son  desgoust  de  son  arrest,  et  m'eschappa  de 

vous ser^  la  responce  que  je  luy  avois  faicte  ù  la  chaulde''  sur 

ce  subject,  laquelle  je  vouldrois  bien  maintenant  avoir  retenue,  et  si 
par  hazard  vous  ne  l'aviez  encor  envoyée,  vous  me  ferez  plaisir  de 
me  la  renvoyer.  Je  n'ay  pas  veu  son  factum,  et  n'ay  pas  creu  le 
debvoir  demander  à  M' le  Prévost  Marchier,  pour  bonnes  considéra- 
tions. Quelque  jour  nous  le  verrons  Dieu  aydant.  Ce  qui  me  le  faisoit 


nuscrits.  Le  recueil  parut  en  16^9  sous  ce 
titre  :  Le  Blanc  (  Vincent).  Les  voyagesfamcttx 
qu'il  a  faits  depuis  l'aage  de  douie  ans  jus- 
qu'à soixante  aux  quatre  parties  du  monde; 
rédigez.  Jidellement  sur  ses  mémoires  et  regis- 
tres par  P.  Bergeron  (Paris,  in-/i°). 

'  Connaissait-on  l'intervention  si  adroite 
et  si  heureuse  de  Peiresc  ? 

'  La  première  partie  du  mot  est  coupée. 
Le  mot  mélange  était  autrefois  des  deux 
genres  :  Amyol  et  Ambroise  Paré  ont  dit  la 
meslange. 


'  Nouvelle  petite  coupure  dans  le  manu- 
scrit. J'avais  cru  pouvoir  lire  aux  Indiens, 
mais  on  ne  lit  que  d  [Injdiens. 

*  Le  mot  globosité  n'est  ni  dans  le  Dic- 
tionnaire (le  Littré ,  ni  dans  les  Dictionnaires 
de  Richelet  et  de  Trévoux. 

'  Charies  de  Montclial. 

*  Mot  coupé.  Probablement /(lire  passer. 
'  Nous  avons  déjà  trouvé  (t.  l,p.  667) 

l'expression  sur  la  chaude,  qui  est  la  même 
que  celle-ci. 


70  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

plus  désirer,  estoit  que  je  ra'estois  imaginé  que  le  Père  Sirmond  y 
pourroit  bien  avoir  contribué  quelque  chose  de  son  chef. 

J'escriray  à  Venise  pour  le  livre  de  Pietro  délia  Valle  ',  cependant  je 
vous  envoyeray  le  mien  si  tost  que  je  l'auray  retiré  des  mains  d'un  amy, 
qui  l'a  voulu  parcourir.  J'ay  eu  des  lettres  du  sieur  Doni,  mais  il  ne 
parle  nullement  de  ses  inscriptions,  et  me  parle  d'une  chose  bien  mal 
possible  à  moy,  de  faire  agir  en  sa  faveur  les  puissances  supresmes.  Je 
pense  que  c'estoit  pour  cela  qu'il  me  r'envoyoit  l'esteuf^  sur  ce  sub- 
j«ct,  nous  verrons  ce  qui  s'y  pourra  faire. 

Voila  pour  respondre  à  la  vostre  dernière.  Les  nouvelles  de  ce  pays 
consistent  seulement  au  retour  des  trouppes  qui  s'en  reviennent  du 
costé  de  Nice  par  diverses  routtes  à  travers  la  province,  ayant  esté 
ainsin  ordonné  de  la  part  du  Roy,  avec  mandement  exprez  de  ne  les 
pas  faire  embarquer  pour  considérations  particulières,  qu'on  n'a  pas 
exprimées.  Il  est  desja  passé  par  cette  ville  quelques  cornettes  de  ca- 
vallerie  qui  ont  gaigné  le  devant  pour  s'en  aller  au  rendez  vous  à  Ta- 
rascon. 

On  attend  aujourd'huy  en  cette  ville  M""  le  Mareschal  d'Estrée,  et  à 
Marseille  M'  de  Guise  que  l'on  tient  avoir  couché  la  nuit  passée  à  la 
S''^  Baulme,  et  avoir  esté  hier  à  midy  à  S'  Maximin  pour  voir  le  miracle 
annuel  de  la  S'*'  Ampoulle.  Madame  la  duchesse  de  Crequy  s'y  trouva 
à  mesme  dessein  accompagnée  de  M""'  la  marquise  de  Canillac,  sa 
sœur. 

Le  Roy  debvoit,  ce  dict  on,  faire  la  feste^  à  Ambrun*,  pour  passer 
par  cette  province  au  temps  qu'il  avoit  cy  devant  ordonné,  et  se 
rendre  vers  le  Languedoc,  où  l'on  asseure  que  M""  de  Rohan  a  faict 
des  courses  jusques  au  S'  Esprit,  pensant  surprendre  un  convoy  de 

'  Sur  Pierre  délia  Valle,  le  grand  voya-  '  La  fête  de  Pâques,  qui,  cette  année-là, 

geur,  et  sur  ses  ouvrages,  voir  le  tome  I,  tombait  au  i5  avril. 
p.  5^5.  '  Embrun  (Hautes-Alpes).  La  nouvelle 

Sous  l'expression  figurée ,  empruntée  n'était  pas  exacte ,  car  Louis  XIII  ne  partit 

aux  joueurs  de  paume,   renvoyer   l'éteuf,  de  Suse  pour  aller  en  Languedoc  que  le 

fiittré  ne  cite  que  La  Fontaine.  <a8  avril. 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  71 

bcstail  qui  s'en  vcnoit  d'Anverfjne  en  ce  pais  icy  pour  la  provision  des 

boucheries,  mais  il  n'eusl  pas  d'assez  bons  advis.  On  attend  le  conseil 

à  Beaucaire  aprez  Pasques,  et  sur  ce  je  finis  demeurant, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur. 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  i4  avril  1629. 

Puis  que  mon  pacquet  ne  se  trouvoit  pas  {fros  à  ce  coup  cy,  j'y  ay 
adjouslé  le  second  libvre  du  Théophile  de  M'  Fabrot\  attendant  de 
vous  envoyer  les  autres  petit  à  petit  par  les  commodités  suyvantes.  Je 
vous  recommande  la  lettre  de  M""  de  Vris,  et  vous  prie  de  faire  ouvrir  le 
pacquet  de  livres  qu'il  vous  adonné,  car  il  y  debvoit  avoir  deux  exem- 
plaires du  livre  de  la  Généalogie  de  Linden,  l'un  que  M.  Gevartius 
m'envoye,  et  l'autre  que  j'avois  faict  achepter,  auquel  cas  si  M' de  Thou 
n'en  a  poinct  en  sa  bibliothèque  je  vous  supplie  d'en  retenir  un  pour 
son  assortiment.  Que  s'il  n'y  en  avoit  qu'un  dans  le  dict  pacquet,  je 
vous  prie  d'en  faire  advertir  le  dict  sieur  de  Vris,  afin  qu'il  moyenne 
de  faire  recouvi*er  l'exemplaire,  car  je  suis  en  quelque  soubçon,  qu'un 
Flamand  nommé  Cossiers  qui  s'estoit  chargé  de  l'un  et  de  l'autre  n'y 
ayt  faict  quelque  fripponnerie,  pour  gaspiller  les  8  escus  que  l'on  m'a 
faict  payer  de  l'un  des  dicts  exemplaires.  Je  vous  remercie  trez  humble- 
ment de  la  lettre  de  M'^  Gevartius  où  j'ay  apprins  avec  desplaisir  \v 
decez  du  pauvre  P.  André  Schottus*. 

L'excez  de  vostre  desbonnaireté  me  faict  excéder  en  importunité; 
nous  n'avons  pas  depardeça  des  ouvriers  qui  travaillent  si  proprement 
qu'à  Paris,  et  noz  marchands  n'y  pouvant  pas  encores  trafliquer,  nous 
ne  les  pouvons  plus  charger  des  commissions  que  nous  leur  soullions 
donner.  Si  les  dames  de  chez  vous  ont  un  jour  la  commodité  allant  à 

'  Il  s'agit  Ih  du  manuscrit  prt^paré  par  t.  III,  col.  G-Sa)   n'indique  pas  le  jour  du 

Annihal  Fabrot,  le  7'A«op/it7e  n'ayant  pani  décès  du  docte  liellëniste  et  se  contente  de 

qu'en  i638.  dire  qu'il  moumt  en  1639.  Le  DictioiiHaire 

'  La  Bibliothèque  des  écrivains  de  la  Corn-  de  .Wor^n  (17. S  y)  nous  avait   appris  (|ne 

pointe  de  Jéxus  (dernière  ëdition,  in-folio,  Schot  mourut  le  a."»  janvier  1629. 


72  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

la  riie  Aubery  le  boucher,  de  faire  commander  à  quelque  lingiere  des 
rabats  pareils  à  peu  prez  à  celuy  qui  sera  joinct  à  ce  pacquet',  elles 
me  feront  grande  faveur;  le  mal  est  que  je  ne  sçaurois  espérer  de  les 
servir  en  revanche  de  cette  peine,  comme  je  debvrois.  Je  vous  envoyai 
dernièrement  des  lettres  pour  la  dame  de  Lignage  où  il  y  aura  de 
quoy  fournir  à  cette  despance.  Excusez  moi,  je  vous  supplie,  de  cet 
importun  employ,  et  me  commandez  tant  plus  librement^. 

XIV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

ADVOCAT  EN  LA  COUR  DE  PARLEMENT  DE  PARIS , 
À  PARIS. 

Monsieur, 
Je  vous  escrivis  sammedy  par  la  stafTette  ordinaire.  Depuis  celle  de 
Lyon  est  arrivée  soubs  enveloppe  de  M'  de  Fetan  du  8"^  de  ce  moys, 
où.  se  sont  trouvées  voz  despesches  du  22°"^  demeurées  l'autre  foys,  et 
celles  du  3""^  de  celluy  cy  fort  bien, conditionnées,  avec  tous  les  lib- 
vrets  qu'il  vous  a  pieu  d'y  joindre.  Cependant  l'ordinaire  de  Rome  est 
revenu  qui  m'a  apporté  afforce  lettres  du  17  et  3o  mars,  la  plus  part 
sur  le  subject  du  decez  de  feu  M'  Aleandro  '.  Le  sieur  Suarez  *  m'a  en- 
voyé (de  la-part  de  M''  le  cardinal  Barberin,  ce  dict  il)  une  figure  d'un 
phénomène  bien  extravagant  de  5  soleils  apparus  à  Rome  sur  Saint-Pierre 
en  plein  midy  le  20  du  dicl  moys  de  mars^,  lequel  je  vous  eusse  bien 

'  Rapprochons  de  cette  demande  de  ra-  '  Voi.  717,  fol.  35. 

bats  une  demande  de  même  genre  faite  par  '  Rappelons  que  Je'rôme  Aléandre  mourut 

Peiresc  à  Malherbe  en  l'année  1607  {Lettres  le  11  mars  1G29.  Cette  date,  indiquée  par 

de  l'édition  Laianne,  t.  III,  p.  43).  Ajoutons  Crescirabeni,  à  tort  contestée  par  Niceron, 

que,  l'année  précédente,  le  poète  avait  de-  est  confirmée  par  Victorelli,  à  la  fin  de  son 

mandé  des  camisoles  à  l'archéologue  (lettre  éloge  du  cardinal  Aléandre,  imprimé  en 

du  3  octobre  1606,  ibid.,  p.  7),  et  que,  i63o,  et  est  aussi  confirmée  par  Peiresc, 

d'autre  part,  Malherbe,'  en  mai  1607,  pro-  comme  on  le  verra  plus  loin, 
cura  des  aiguillettes  h  son  correspondant  de  '  Sur  Joseph -Marie  Suarès,    le    futur 

Provence  {ibid.,  p.  38).  Les  commissions  évêque  de  Vaison,  voirt.  I,  p.  iS97. 
bien  faites  entretiennent  l'amitié.  '  Ou  possède  deux  opuscules  de  Gassendi 


|1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY,  73 

envoyé  trez  volontiers,  par  cette  voye  extraordinaire,  mais  noz  curieux 
d'icv  me  l'ont  osté  des  mains  tantosi  pour  le  voir;  ce  sera  Dieu  aydant 
pour  sammedy  prochain.  Cependant  vous  aurez  une  autre  lettre  de 
M"^  Holstenius  oi!i  il  y  a  de  bien  jolies  choses,  et  M""  Aubery  m'escript 
avoir  eu  lettres  de  M''  de  Thou  du  grand  Caire  du  5  janvier  sur  le  sub- 
ject  de  ses  pérégrinations  en  pleine  santé  grâces  à  Dieu,  en  Hieru- 
salem,  au  mont  Liban,  et  en  Damas.  Mais  vous  aurez  veu  par  les  pos- 
térieures du  a 5  febvrier,  qu'il  estoit  depuis  allé  au  mont  Sinai  et 
qu'il  nous  avoit  escript  de  cette  mesme  datte,  mais  noz  lettres  doib- 
vent  avoir  prins  le  chemin  d'Italie,  au  lieu  de  celuy  de  ce  pais  icy. 
Vous  verrez  ce  qu'il  escript  du  1 7™  sur  la  mort  du  sieur  Aleandro  que 
je  ne  puis  assez  déplorer.  Dom  du  Puy  m'en  faict  une  grande  page  qui 
m'avoit  bien  serré  le  cœur,  je  vous  envoyerois  sa  lettre  sans  qu'il  fault 
que  je  luy  responde  la  semaine  prochaine,  et  à  cez  autres  Mess". 

Je  ne  pensois  pas  vous  escrire  avant  sammedy  par  la  prochaine  staf- 
fette,  mais  ayant  sceu  que  M''  le  Premier  Présidant'  envoyoit  un  pac- 
quet  à  la  poste  extraordinaire,  j'ay  esté  bien  aise  de  vous  faire  part  de 
ces  nouvelles  de  M'  de  Thou  quoy  que  plus  vieilles  que  les  précédantes 
et  de  cette  lettre  de  M"'  Holstenius,  ensemble  d'une  relation  des  routtes 
de  cette  armée  qui  s'en  revient  du  comté  de  Nice  et  passe  en  Langue- 
doc, et  d'une  petite  relation  de  Nisnies,  qui  ne  s'accorde  pas  bien  (si 
ce  n'est  un  leurre)  avec  les  asseurances  qu'on  nous  a  données  que  le 
marquis  de  Montbrun'^  estoit  passé  vers  le  Roy,  aprez  s'estre  abouché 
avec  M' de  Rohan  ou  quelqu'autre  de  sa  part.  S'ils  sont  sages,  ils  fleschi- 
ront,  sans  attendre  l'extrémité  de  ceux  de  la  Rochelle.  M''  de  Montmo- 
rancy  bat  vivement  le  chasteau  de  Soyon  ',  résolu  de  les  faire  tous  pendre. 

Quant  à  voz  despesches,  je  vous  remercie  trez  humblement  de  tant 

sur  celte  apparition  :  Phœtwmenon   rarum  '  Vincent-Anne  de  Maynier  d'Oppède. 

Romip  observatum  ao  Martii  et  ejiu  eausarum  '  Sur  ce   personnage,  voir  le  tome  I, 

f.rplicalio ,  etc.  (Amsterdam,  1699,  in-4°);  p.  890. 

Parlwlta  scu  Soles  IV  spiirii  qui  circa  verum  '  Soyons  esl  une  romniune  du  dëparle- 

appatverunt  Rmna  die  ao  Martii  i6ag  et  de  ment  de  l'Ardèche,  canton  de  Sainl-Péray, 

eisdem  epistola  ad  Henricum  Renerivm  (Pa-  arrondissement  de  Tournon,  à  33  kilomètres 

ris,  i63o,  in-/r).  de  Priva». 

11.  to 


t«piiiif«iK    kftti««4ll. 


U  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

de  livres  curieux  et  autres  papiers  singuliers,  mesmes  de  cez  vers  de 
Borbonius  qui  méritent  bien  de  n'estre  pas  ensevelis  dans  le  livre  où  il 
les  a  confinez.  Le  livre  de  Frey  '  ne  passera  poinct  les  monts  pour  ne 
vous  esconduire  en  chose  si  juste,  quoy  qu'on  me  l'eust  deniandé  de  ce 
païs  là.  Je  n'ay  jamais  veu  cet  homme,  mais  M"'  Gassendi  fut  cause  qu'il 
m'escrivit,  et  je  creus  luy  debvoir  respondre'^;  pardonnez  moy  de  la 
peine  que  vous  y  avez  eu  à  faire  tenir  ma  lettre.  Je  n'ay  pas  cncores 
peu  voir  les  autres  livres  que  vous  y  aviez  joincts,  à  cause  du  jour 
qu'il  estoit  hier,  et  que  l'on  m'a  destourné  cejourd'huy,  si  ce  n'est  celuy 
pour  les  Minimes  de  Rome  de  F.  Ogier*,  que  je  me  fis  lisre  hier  au 
soir  aprez  soupper  avec  plaisir,  et  l'envoyay  incontinant  à  un  de  mes 
aniys  qui  l'a  emporté  hors  de  la  province  à  [c]e  jourd'huy,  de  sorte  que 
je  seray  bien  aise  d'en  avoir  un  autre  exemplaire  sans  rongneures  pour  le 
joindre  aux  autres  choses  de  mesme  calibre;  il  est  in  h"  chez  duBray*. 
Je  vous  remercie  trez  humblement  du  cahier  d'Orange^,  où  il  y  aura 
bien  à  adjouster  des  mémoires  et  pièces  que  j'avois  de  pardeça ,  et  que 
je  n'avois  pas  à  Paris  lors  que  je  le  dressay. 

J'ay  esté  bien  aise  que  M'  de  la  Baroderie  ®  se  soit  rencontré  l'un  de 
ceux  que  M'  de  Vris  a  choisis  pour  object  de  son  art,  car  il  est  homme 
de  bon  loisir,  et  bien  intelligent  en  telles  matières,  et  qui  le  sçaurà 
bien  faire  valoir,  quoy  qu'on  puisse  dire  au  contraire. 

La    dédicace  du  Solin  de  M''    Saulmaise  à    Mess"  de    Venise  lui- 
vauldra  sans  doubte  una  collana  \  comme  fit  l'Aristote  de  Scaliger  de 
M'  Maussac%  la  chaine  estant  passée  par  mes  mains  pour  la  luy  faire 

'  L'Admiranda  Galliarum  compeiidio  indi-  '  Le  cahier  déjà  mentionné  où  Peiresc 

cota  mentionné  plus  haut  (lettre  VII).  avait  réuni  bon  nombre  de  documents  rela- 

'  "Cette  lettre,  adressée  h  M.  Frey,  doc-  tifs  à  V Histoire  de  la  ville  d'Ormige. 
leur  en  médecine  à  Paris,  le  a  mars  1629,  "  Sur  ce  personnage  voir  t.  1,  p.  783. 

est  conservée  dans  le  registre  III  des  minutes  '  Un  colUer,  une  chaîne  en  or.  Sauraaise 

de  Garpenlras  (fol.  Sgi).  obtint-il  de  la  république  de  Venise  la  bril- 

"  Sur  François  Ogier,  voir  1. 1,  p.  33.  lante   récompense   que   Peiresc   souhaitait 

'  Discours  au  Roi  en  faveur  des  Minimes  pour  lui  ? 
François  du  couvent  de  la  Trinité  du  Mont,  à  '  Voir,  sur  Jacques-Phih'ppe  de  Maussac, 

Rome,  pour  la  conservation  des  privilèges  de  t.  I,  p.  10.  Voici  le  titre  du  recueil  :  Àpierlo- 

/rt  A^«(io«( Paris,  1629).  réXovs  vepi  l^énvhloplas.  Aristotelis  his- 


[1629]  AUX  FRERES  DUPUY.  75 

tenir.  Vous  m'obligerez  bien  de  m'en  retenir  un  exemplaire  en  fin 
papier.  Estant  bien  niarry  que  sur  ce  que  je  vous  avois  escript  long 
temps  y  a  vous  n'ayez  envoyé  demander  à  Madame  de  Lignage,  car 
vous  eussiez  trouvé  qu'elle  avoit  les  ordres  renouveliez  long  temps  y  a, 
et  je  m'estonne  qu'elle  mesmes  ne  vous  en  ayt  envoyé  advertir,  comme 
on  l'en  avoit  priée,  afin  que  l'ordre  demeurast  perpétuel,  et  par  le  der- 
nier ordinaire  on  m'envoya  un  duplicata  de  la  lettre  d'advis  sur  ce  sub- 
ject,  que  je  vous  adressay.  Mais  je  me  resoulds,  pour  couper  chemin' 
à  toutes  cez  longueurs,  d'envoyer  exprez  de  l'argent  à  Marseille,  pour 
le  vous  faire  payer  de  pardelà.  Aussy  bien  en  veux  je  faire  tenir  au 
sieur  Tavernier^  et  autres  et  ce  sera  la  semaine  prochaine  Dieu  ay- 
dant. 

Il  suffira  que  les  cartes  de  Provence  et  Daulphiné  soient  jointes  aux 
autres  libvres,  pour  ne  les  gaster  en  les  ployant. 

J'escripts  à  Bordeaux  à  mes  gents,  qu'ils  vous  envoyent  un  panégy- 
rique du  P.  Petiot  jésuite  ^  que  vous  ne  verrez  pas  mal  volontiers, 
celuy  que  j'en  ay  receu  m'ayant  esté  enlevé  de  vive  force  par  noz  Mess" 
du  Parlement,  car  je  le  vous  eusse  envoyé.  Excusez  moy,  et  me  com- 
mandez comme, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 
DE  Peiresc. 

A  Aix,  ce  16  avril  1629. 


tort'a  de  animalibus,  Julio  Cœsare  Scaligero 
interprète,  cum  ejusdem  commentariis ,  Phi- 
lippus  Jacobiis  Maussaeus,  in  senatu  Tho- 
losano  eomiliarius  ivgius ,  ex  bibliothtea 
patenta  opus  a  multis  ahhinc  annis  expe- 
titum  priinus  vulgavitet  restituit,  addilis  Pro- 
teffotnetiis  et  Animadversionibus  (Toulouse, 
1619,  in-fol.). 

'  L'expi-ession  «st  k  rapprocher  éa  vers 
du  Misanthrope  : 

A  tous  nos  démêlés  coupons  chemin ,  de  grâce. 


'  Voir,  sur  Melchior  Tavernier,  le  tome  I , 
p.  18. 

'  Le  P.  Etienne  Petiot  naquit  à  Limoges 
en  \ 60a  et  mourut  en  1675.  Voici  le  lilfe 
(le  ro|)uscule  :  Panegyricus  Ludovico  XIII , 
vindici  rebellionis ,  domitori  elementorum , 
œterno  triumphatori ,  pro/racta  Britaïuiia,  pro 
xubjugalo  Oceano ,  pro  tiiumphala  Rupclla , 
dictus  in  colli'gio  Burdigalensi  Societalis  Jetu 
a  Stef)hano  Petiot ,  Lemovicemi ,  episdem  socie- 
tatin ,  rhetorices  pro/essore  (  Bordeaux  ,  Pierre 
(Je  la  Court,  i6a8,  ia-8°). 


76  LETTRES  DE  PEIRESG  [1629J 

J'attends  impatiemment  des  nouvelles  de  l'affaire  du  pauvre  Nostra- 
damus  pai'ce  qu'il  est  bien  vieil  et  cassé'.  Excusez  moy  pour  l'honneur 
de  Dieu  de  cette  courvée  ^. 


XV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

ADVOCAT  EN  LA  COUR  DE  PARLEMENT  DE  PARIS, 
À  PARIS. 

Monsieur, 
Je  vous  escrivis  par  la  dernière  staffette  sammedy  passé  et  depuis 
soubs  une  enveloppe  extraordinaire  de  M""  le  Premier  Présidant  par 
laquelle  je  vous  accusay  la  réception  de  vos  despesches  du  22  mars  et 
3  avril  et  vous  fis  part  de  quelques  lettres  de  Rome.  Celle  cy  ne 
sera  que  pour  adjouster  une  coppie  de  nouveaux  vers  du  Pape  ^  qui 
m'ont  esté  envoyez  de  la  part  du  cardinal  Barberin,  ensemble  cette 
apparition  de  cinq  soleils  que  j'ay  laict  coppier,  tellement  que  vous  la 
pourrez  garder,  si  jugez  qu'elle  en  vaille  la  peine,  et  puis  que  le 
pacquet  n'est  pas  gros  à  ce  coup  cy  d'ailleurs,  vous  aurez  par  cette 
commodité  l'exemplaire  du  livre  du  Roy  de  Perse*;  je  seray  bien  aise 
que  le  trouviez  à  vostre  goust.  J'en  ay  envoyé  quérir  un  autre  pour  moy  . 
à  Venize,  que  j'attendray  tout  à  loisir  puis  que  j'y  ay  parcouru  ce  que 
je  voulois  y  voir.  L'ordinaire  de  Rome  ne  m'avoit  poinct  laissé  de  lettre 
du  cardinal^,  mais  le  vice  légat  d'Avignon  m'en  a  renvoyé  une  sitost 
que  ledict  ordinaire  a  esté  arrivé  là,  oii  il  tesmoigne  de  grandes  condo- 
léances de  la  perte  que  le  public  a  faicte  en  la  mort  du  sieur  Aleandro. 
Je  luy  avois  escript  dez  le  premier  advis  que  j'en  eus,  qu'il  debvoit  re- 

'  Si  casse  qu'il  s'éteignit  quelques  mois  '  Nous  avons  déjà  vu  que  ce  livre  avait 

plus  tard  (après  le  28  août).  été  publié  par   Pierre  deila  Valle  sous  ce 

'  Vol.  717,  fol.  35.  titre:  Relazione  délie  condiziom  di  Abbas  rè 

'  Sur  Urbain  VIII  et  ses  poésies,  voir  <it  Pema  ( Venise ,  i628,in-i°). 
1. 1,  p.  18.  'Du  cardinal  Fr.  Barberini. 


[1629J  AUX  FRÈRES  DUPUY.  77 

mettre  à  M'  Holstenius  les  mémoires  et  observations  du  dict  sieur 
Aleandro  ez  mains  du  sieur  Holstenius  pour  les  donner  au  public,  et- 
achever  ce  qui  s'y  trouveroit  imparfect,  spécialement  sur  le  calen- 
drier constantinien.  Nous  verrons  ce  qu'il  nous  respondra.  Car  quoy 
que  la  modestie  face  dire  à  M'  Holstenius  dans  sa  lettre  que  je  vous  ay 
envoyée  ',  je  ne  pense  pas  que  le  {jenie  du  cavalier  Doni  fust  assez  fort 
pour  sortir  de  cela  à  souhaict^.  Je  feray  une  recharge  la  plus  instante 
que  je  pourray  sur  ce  subject  par  le  prochain  ordinaire  de  la  semaine 
prochaine,  Dieu  aydant. 

J'oubliay  de  vous  escrire  dernièrement  l'affaire  du  sieur  Bezançon^ 
(qu'on  dict  estre  filz  du  présidant  Chevalier*,  à  tout  le  moings  qu'il 
ne  trouvoit  pas  bon  que  son  père  putatif  le  qualifîast  son  filz)  lequel 
se  voyant  embarrassé  dans  la  contestation  qu'il  avoit  eue  avec  M' le 
Mareschal  d'Eslrée^,  et  ayant  apprins  de  la  cour,  que  l'air  du  cabinet 
et  du  conseil  n'estoit  pas  pour  luy,  faignit  d'estre  griesvement  malade 
et  d'avoir  de  si  grandes  convulsions  qu'on  eut  pitié  de  luy,  et  l'envoya 
t'on  dans  une  chère  •*  à  la  prochaine  ville,  pour  faire  consulter  son  ma  , 
demeurant  tousjours  neantmoings  avec  des  gardes,  qui  ne  le  tenant 
d'assez  prez  dans  cette  confiance  de  maladie,  il  trouva  moyen  de  leur 
eschapper,  et  se  saulvà  du  costé  de  Nice,  où  l'on  dict  qu'il  est  encores. 


'  Voir  celte  lettre  dans  le  i-ecueil  de 
Boissonade,  n"  xxn,  p.  i43.  Holstenius 
répond  ainsi  (p.  ilxlt)  à  la  demande  de  Pei- 
resc  :  trNam  quod  in  Aleandri  locum  nie 
subrogare  conaris,  id  profecto  tenuitalis 
meœ  conscientia  delerritus  admitterc  non 
ausim. .  .  » 

'  Voici  le  passage  dans  lequel  Holstenius 
[ibid.)  proposait  à  Peiresc  de  charger  Doni 
de  l'achèvement  des  travaux  d'Aléandre  : 
ffQuod  et  Donium  noslrum  nna  mecuin  fac- 
turum  existimo,et  quidem  eo  magis,  quan- 
tum politioris  doctrinœ  elegantia  et  anliqui- 
lalis  cognitione  praestat.  »  Dans  une  lettre 
précédente  (du  a3  mars),  Holstenius  déplo- 


rait ainsi  (p.  i33)  la  mort  d'Aléandre  : 
(rDeCI.  Hieronymi  Aleandri  morte  puto  jam 
aliorum  literis  ad  te  nuntiatum  fuisse ,  cujus 
inlerilu  Italia  magno  lumine,  et  universa 
res  literaria  insigni  ornamento  orbala  est.  n 

'  Charles  de  Besançon,  seigneur  de  Sou- 
ligné, déjà  plusieurs  fois  mentionné. 

*  Sur  le  président  Chevalier,  voir  t.  I . 
Appendice,  p.  839. 

'  Voir  sur  cette  contestation  les  Mémoires 
de  Bassompierre ,  t.  IV,  p.  a5. 

'  C'est-à-dire  une  chaise  à  porteurs.  Nous 
avons  déjk  rappelé  (t.  I,  p.  67,  note  1)  que 
l'identité  des  mots  chaire  et  chaite  se  pro- 
longea jusqu'au  milieu  du  xvn'  siècle. 


78  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

H  est  venu  un  prevost  pour  luy  faire  et  parfaire  ie  procez  jusques  à 
sentence  exclusivement,  pour  estre  aprez  jugé  par  Mess"  les  Mares- 
chaulx  de  France,  auxquels  le  Roy  en  a  renvoyé  et  attribué  toute  juris- 
diction  et  cognoisçanceS  dont  ce  pauvre  homme  est  au  desespoir.  Les 
communes  le  regrettent  fort,  parce  qu'il  avoit  bien  empesclié  des 
desordres  au  passage  des  trouppes  encores  qu'il  s'en  soit  faict  beaucoup. 
On  adjouste  que  le  Roy  a  faict  deffences  de  plus  bailler  par  cy  aprez 
la  qualité  de  commissaire  gênerai  que  prenoit  le  dict  Bezançon,  parce 
qu'elle  sembloit  heurter  et  quasi  deslruire  la  charge  de  gênerai  d'ar- 
mée, ce  disent  cez  Mess".  On  se  plainct  fort  des  nouveaux  desordres  et 
rançonnements  que  font  cez  trouppes  par  tout  le  pais.  Vous  diriez  que 
tout  est  au  pillage,  on  dict  qu'il  y  en  a  eu  de  bien  frottez  en  quelques 
lieux  d'ici  autour  qui  ne  sont  pas  tant  regrettez,  car  ils  abusent  bien 
de  la  facilité  des  chefs.  Au  reste  on  commance  à  nous  renouveller  les 
appréhensions  de  la  maladie  qu'on  dict  faire  desjà  du  progrez  à  Gre- 
noble; c'est  pourquoy  on  a  cejourd'huy  faict  assembler  extraordinaire- 
ment  Mess" du  parlement,  pour  en  suspendre  l'entrée  et  le  commerce,' 
attendant  le  verbal  de  ceux  qu'on  a  envoyez  pour  s'en  informer  soubs 
main  '\  Et  si  le  voisinage  du  Roy  et  le  conseil  qui  est  à  Valance  ne 
nous  eust  empesché  de  frapper  coup,  nous  eussions  incontinant  inter- 
dict  le  commerce  de  tout  le  Daulphiné,  à  cause  de  la  communication 
qu'il  a  quasi  inévitable  avec  Grenoble.  Mais  si  le  Roy  est  une  foys 
passé  en  Languedoc,  on  leur  fera  de  grandes  instances  pour  agréer 
qu'on  restablisse  les  ordres  les  plus  rigoureux  que  l'on  pourra  pour  le 
regard,  de  crainte  que  le  mal  ne  nous  accueille,  qui  seroit  la  totale 
riiine  de  ce  pais,  aprez  celle  que  nous  avons  eue  aux  passages  de  ces 
trouppes,  qui  ont  desjà  cousté  plus  de  3oo  mille  escus  au  païs,  et 

On  lit  dans  les  Mhnoires  de  Bassom-  '  Littré  ne  cite,  à  propos  de  cette  expres- 

pierre  (t.  IV,  p.  53):  trLeluiidy  g""  [juil-  sion ,  que  des  écrits  postérieurs  à  la  présente 

Jet  lôag],  nous  fusmes  encor  au  conseil,  lettre,  les  Considérations  sur  lés  coups  d'Etat 

puisnous  vinmes,  M.de  Chombergetmoy,  de  Gabriel  Naudé  (1689),  ie  Soliman  de 

cheux  nioy  juger  Besançon  d'avoir  la  teste  Mairet  (1689),  etc. 
tranchée.  1 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  79 

sont  pour  en  couster  encores  beaucoup,  si  les  trouppes  du  Roy  ne  sont 
plus  rcfjlées  que  celles  que  nous  avons  veûes  jusques  à  presant.  Nous 
n'avons  rien  de  bien  certain  pour  le  temps  de  la  venue  du  Hoy  dont 
nous  sommes  en  grande  peine  '  et  de  faire  sortir  du  pais  les  trouppes 
qui  ont  le  commandement  d'aller  en  Languedoc.  Voila  tout  ce  que  nous 
avons  pour  le  présent.  Conservez  moy  l'bonneur  de  vos  bonnes  grâces, 
comme  à  celuy  qui  est  et  sera  à  jamais, 
Monsieur, 

vostre  trcz  humble  et  trez  obligé  serviteur, 

DE  Peibesc. 
A  Aix,  le  30  avril  au  soir  1699. 


J'oubliois  de  vous  dire  qu'il  est  passé  par  icy  depuis  deux  jours  uu 
ambassadeur  de  Gènes  di  casa  Lomellino  ou  Palavicino,  qui  s'en  va 
vers  le  Roy  pour  compliments  '^  11  y  a  eu  quelque  peu  de  changement 
en  leur  ville  pour  le  choix  des  persones  qui  y  sont  en  employ,  qu'on 
dict  n'estre  pas  du  tout  tant  attachées  à  l'Espagne  que  ceux  qui  sont 
sortiz  de  charge.  Vous  aurez  sceu  que  les  assiégez  de  Soyon  se  sau- 
vèrent une  nuict  fort  bien  pour  eux,  car  ils  n'eussent  pas  eschappé  la 
corde.  M'  de  Montmorancy  est  descendu  à  Beaucaire  où  Madame  sa 
femme  estoit  fort  griesvement  malade  et  en  grand  danger  de  mort. 

Un  mien  intime  amy  qui  ayme  passionément  la  musique  m'a  prié 


'  Ce  fut,  nous  l'avons  déjà  vu ,  le  98  avril 
que  Louis  XIII  paitit  de  Suse  pour  renti'er 
en  PVance.  il  ariiva  le  1  h  mai  au  «tmp  de- 
vant Privas. 

'  Bassompierre  ilil  dans  ses  Mémoires 
(t.  IV, p.  99)  :  «Il  arriva  à  Suse  un  ambassa- 
deur extraordinaire  de  Gesiies»,  et  (p.  33): 
((La  vendredy  37""  l'ambassadeur  de  Gènes 
eut  audience . . .  i>  Le  marquis  de  Ghantérac 
n'a  pas  indiqu)^  le  nom  do  cet  ambassadeur 
qu'avait  ainsi  fait  connaître  le  recueil  Avenel 
(t.  III,  p.  981):  ((Augaslin  Palavicino  fut 
envoyt!  à  Suse  pour  féliciter  le  roi  de  soi» 


glorieux  passage  en  Italie.  La  république  de 
Gènes  avait  écrit  au  cardinal  de  nichelieii 
pour  le  prier  de  disposer  le  roi  k  accueillir 
avec  bonté  leur  ambassadeur."  Richelieu, 
dans  une  lettre  ii  la  reine,  du  a 9  avril,  écri- 
vait ceci  :  (fil  a  envoie  devant,  pour  annon- 
cer sa  venue,  force  confitures  qu'il  a  fait 
passer  par  la  Savoye;  et,  pour  sa  personne  , 
il  a  creu  que  le  chemin  de  Provence  lui  se- 
roit  |)lus  favorable,  au  rebours  des  Nor- 
mands, qui  vont  par  eau  et  envoient  leurs 
procès  par  terre.  « 


80  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629J 

fort  ardemment  de  luy  faire  recouvrer  des  airs  nouveaux  s'il  y  en  a,  je 
vous  supplie  d'en  demander  quelques  uns  des  plus  modernes  et  des 
meilleurs  à  quelqu'un  de  voz  amys;  en  un  besoing  M""  du  Monstier  mon 
compère^  ne  me  les  refusera  pas  si  vous  les  luy  faictes  demander  de 
ma  part,  sçaichant  bien  qu'il  les  a  incontinant  qu'ils  sont  esclos.  Excu- 
sez mov  de  cette  peine  et  pour  l'bonneur  de  Dieu  me  commandez  tant 
plus  absolument. 

J'oubliois  de  vous  dire  que  cet  ambassadeur  de  Gènes  fut  porté  à 
Toullon  par  deux  galères  de  la  Republique  sur  lesquelles  parurent 
alTorce  gents  vestus  à  la  Françoise,  et  furent  deschargées  trente  six 
caisses  d'une  mesme  forme  que  l'on  disoit  estre  envoyées  au  Roy  par  la 
dicte  Republique  qui  furent  emportées  par  dix  huict  niullets  que  ledict 
ambassadeur  fit  demander  pour  cet  effect  sans  les  autres  qu'il  print 
pour  ses  bardes  et  pour  son  train.  Mais  on  adjouste  à  cela  une  chose 
dont  je  n'ay  pas  de  bon  garant,  scavoir  est  que  parmy  cez  caisses  la 
Republique  envoyoit  au  Roy  cinq  cents  mille  escus  en  or  de  l'argent  du 
feu  mareschal  d'Ancre,  et  veult  on  asseurer  que  le  dict  ambassadeur 
l'avoit  ainsin  asseuré  à  M'  le  General  des  Galleres  tout  hault  en  pré- 
sence de  prou  de  gents ^.  Si  cela  est  je  m'en  rapporte;  tant  est  que  se 
non  fu  bella,  fu  ben  trovata  ^.  Rien  est  il  véritable  qu'il  y  a  eu  du  chan- 
gement en  l'employ  des  persones  choisies  pour  les  principales  charges 
de  leur  republique. 

Je  ne  vous  avois  pas  dict  aussy  une  chose  bien  déplorable,  que  lors- 
qu'on voulut  se  servir  du  canon  que  l'on  avoit  faict  traisner  pour  favo- 
riser le  passage  de  la  rivière  du  Var  contre  les  galères  d'Espagne,  il  se 
trouva  que  les  boulletz  n'estoient  pas  de  calibre ,  de  sorte  qu'il  n'y  eut 
pas  de  moyen  de  le  faire  tirer,  et  fallut  que  les  pauvres  soldats  passas- 
sent à  la  mercy  du  canon  des  galères  dont  il  en  demeura  plus  de  200 

'  H  s'agit  là  du  peinire  Daniel  du  Mons-  ne  dit  pas  un  mot  de  la  grosse  somme  qui 

lier,  que  Peiresc  appelle  son  compère  parce  aurait  été  apportée  par  l'ambassadeur, 

qu'ils  étaient  intimement  liés.  '  On  cite  généralement  cette  expression 

'  Le  cardinal  de  Richelieu ,  dans  la  lettre  proverbiale  sous  une  forme  un  peu  diflfé- 

dont  un  fi'agment  vient  d'être  reproduit.  rente  :  Se  non  e  eero,  etc. 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  8! 

sur  la  place,  cl  toutel'oys  il  ne  se  vit  jamais  rien  de  si  insolent  ne  de 
si  tyran  que  ce  Buysson  qui  avoit  la  commission  de  l'artillerie  et  que 
tout  le  monde  condamnoit  en  une  l'aulte  si  inexcusable.  Il  a  bien  faict 
crier  tout  le  pauvre  monde,  qui  est  passé  par  ses  mains  soit  pour  mul- 
lels  ou  autre  attirail,  mais  cela  soit  dict  entre  nous,  s'il  vous  plaict'. 


XVI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 

Je  receus  lundy  au  soir  vostre  despesclie  du  lo  de  ce  moys,  avec  le 
TARIGH^  fort  bien  conditionné  et  un  cahier  de  remonstrances  sur  les 
rentes  de  Paris,  oii  il  y  a  de  fort  bons  mouvements  de  ce  pauvre  bour- 
geois, dont  je  vous  remercie  trez  humblement,  comme  aussy  des  par- 
ticularilez  de  la  cour,  en  revanche  desquelles  vous  en  aurez  une  petite 
relation  qui  n'est  pas  de  si  haulle  cour,  mais  encores  y  aura  t'il  pos- 
sible quelque  destail  qui  vous  pourroit  eslre  eschappé.  Vous  aurez 
par  mesme  moyen  l'autre  despesche  de  M'  de  Thou  du  Caire  laquelle 
il  accusoit  par  celle  d'Alexandrie;  vous  verrez  ce  qu'il  m'escript,  car 
j'ay  eu  loisir  de  luy  faire  response  pour  l'ordinaire  de  Rome,  depuis  que 
je  l'ay  receiie,  avant  le  partement  de  la  staffette. 

J'ay  prins  grand  plaisir  au  jugement  dont  vous  m'avez  faict  part  de 
cez  Mess"  qui  ont  l'oreille  si  sensible  sur  les  vers  des  sieurs  Viaz  et 
Remy',  et  sans  nommer  persone  j'ay  donné  un  petit  mot  d'advis  à  ce- 
luy  qui  en  avoit  besoing,  qui  n'est  point  jaloux  de  ses  ouvraiges,  et 
recognoit  fort  ingeniiement  la  vérité  ;  il  est  fort  jeune*  et  en  estât  de  se 
corriger,  comme  il  en  a  trez  bonne  envie.  Pour  la  première  syllabe  de 

'  Vol.  717,  fol.  87.  ham    Rémi   sur  la    prise   de  la  Rochelle. 
'  Ce  livre  a  été  déjà  mentionné  plus  haut  *  Là  il  est  question  de  Rémi,  lequel  n'a- 

(lettre  VII).  vait  alors  que  vingt-huit  ans,  tandis  que 

^  Les  vers  de  Balthazar  de  Vias  et  d'Abra-  Vias  avait  dépassé  la  quarantaine. 


82  LETTRES  DE  PEIRESG  [16"29| 

SYRUS,  je  pense  que  ce  qui  se  trouve  du  nom  pareil  de  ce  lieu  en 
isle  de  l'Asie  Mineure,  le  peult  avoir  trompé.  Oultre  que  pour  les  noms 
propres  il  semble  que  les  poètes  s'en  soient  fort  dispancez,  attendu 
que  les  etymologies  en  sont  communément  tirées  de  si  différantes  ra- 
cines, qu'il  n'est  pas  inconveniant  que  les  unes  ayent  des  fondements 
pour  allonger,  et  des  autres  pour  abbreger  la  prononciation  d'une  syl- 
labe et  de  faict  si  on  alloit  examiner  le  nom  de  Syrie  selon  les  origines 
Phoeniciennes  ou  Hebraiques,  où  les  principaulx  mots  et  primitifs  sont 
accompagnez  de  consonantes  fort  haspirées,  mesmes  celuy  là,  qui  es- 
toit  anciennement  monosyllabe,  comme  il  est  encor  aujourd'buy  entre 
les  Arabes  et  se  commance  à  escrire  par  une  lettre  grandement  has- 
pirée,  qui  ne  se  peult  proprement  imiter  par  les  lettres  grecques  ou 
latines  sans  en  joindre  deux  ensemble  pour  faire  TSOUR  ',  il  est  bien 
malaisé  de  le  mettre  en  vers  en  sorte  qu'il  n'y  eust  de  la  cacophonie, 
s'il  estoit  escript  et  prononcé  si  scrupuleusement  comme  aulcuns  croi- 
roient  qu'il  deubt  estre,  et  de  faict  ce  qu'aulcuns  ont  depuys  exprimé 
par  un  S  en  SYRIA,  les  autres  l'ont  exprimé  par  un  T  en  TYRUS, 
bien  qu'on  tienne  que  l'un  vienne  de  l'autre.  Voire  quelqu'un  a  tenu 
qu'ASSYRIA  ne  soit  qu'un  emprunt  de  syllabe,  pour  pouvoir  plus  com- 
modément prononcer  la  première  consonante  du  mot  de  Syrie  en  la 
redoublant,  attendu  que  les  voyelles  leur  sont  si  indifférantes  et  qu'ils 
ne  s'arrestent  principalement  qu'à  leurs  consonantes. 

Quant  à  l'autre  mot  de  Varus,  bien  que  l'usage  receu  soit  sans  ré- 
plique, si  est  ce  qu'il  ne  recevroit  pas  moings  de  difiiculté,  s'il  estoit 
examiné  selon  les  plus  vraysemblables  etymologies  et  origines  de  la 
langue  GauUoise  ou  Germanique  où  la  plus  part  des  rivières  et  ruis- 
seaux se  trouvent  avoir  retenu  des  noms  qui  viennent  d'une  seule 
origine,  bien  que  diversifiez  d'une  estrange  façon,  comme  le  Var,  le  Ga- 
ron,  le  Garin  ou  Guarin,  le  Verdon,  le  Guar,  le  Guardon,  la  Garonne, 
la  Gavarre,  le  Gavarret,  le  Gau,  le  Gappeau,  le  Gaveau,  le  Gavot, 
le  Gavardel,  le  Gavaudan,   le  Gavardon,  la  Gaverne,  la  Gavelne, 

'  Tsour  ou  Sour  est  une  ville  de  la  Turquie  d'Asie,  province  de  Syrie,  sur  la  Méditer- 
ranée, à  36  kilomètres  d'Acre.  C'est  l'ancienne  Tyr. 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  83 

l'Lfveaune,  et  une  infinité  d'autres,  que  l'on  trouve  A  touts  bouts  de 
cliamps  dans  cette  province,  et  dans  le  Languedoc,  mais  principale- 
aient  dans  cez  païs  du  Bearn,  et  autres  circon voisins,  lesquels  ont 
plus  opiniastreinent  retenu  le  Barragoïa  celtique  ou  canlabrique,  où 
j'ay  autres  foys  admiré  de  voir  quasi  touts  les  ruisseaux  qualifiez  en 
cette  sorte  et  Dieu  sçaict  si  le  nom  de  Ligeris  ne  pourroit  pas  en  estre 
dérivé  comme  les  autres,  car  les  voyelles  n'estoient  pas  gueres  moings 
arbitraires  entre  ces  peuples  là  qu'entre  les  Orientaulx,  et  de  faict 
vous  voyez  que  dans  cette  mesrae  Province  nous  avons  deux  notables 
rivières  qui  ont  retenu  les  noms  de  VAU  et  de  VERDON,  et  si  on  y 
rapporloit  les  autres  noms  de  rivières  ou  ruisseaux  qui  peuvent  avoir 
cbangé  l'V  de  la  première  syllabe  en  B  ou  en  P,  comme  il  n'est  pas 
arrivé  moings  promisciiement'  que  de  le  changer  en  G  ou  en  GV, 
vous  y  trouveriez  comprins  le  PADUS  et  un  si  grand  nombre  d'autres, 
qu'il  n'en  manqueroit  pas  dont  cette  syllabe  pourroit  avoir  esté  rendue 
breive,  soit  par  corruption  ou  autrement,  avec  la  traicte  du  temps'''; 
voire  l'ERIDANUS  n'en  seroit  pas  exclus,  n'estant  pas  nouveau  que  le 
tenq)s  retranche  des  lettres  du  commancement  des  mots  comme  d'ail- 
leurs, et  comme  d'y  en  adjouster,  tesmoing  ce  que  les  anciens  ont 
remarque  de  son  vieil  nom  BOGHERNUM,  le  CH  n'estant  pas  tant 
eslongné  du  G  pour  la  prononciation,  qu'il  ne  peult  avoir  esté  nommé 
GUERIDANUS  et  BOGUERIDANUS,  ce  qui  embrasseroitencoresnostre 
RHODANUS,  par  la  mesme  raison,  puisque  l'arbitrage  des  voyelles 
en  la  dicte  langue  celtique  l'a  faict  aussi  bien  nommer  autres  foys  par 
(juelque  autbeur  ERIDANUS,  comme  le  PO  et  quelques  autres  de  ceux 
d'autour  des  Pyrennées,  oi!i  il  s'en  voit  de  plus  apparantes  vestiges,  n'y 
ayant  rien  d'incompatible  de  faire  de  GAL'RDAN  ERIDANUS  et  RO- 
DAINUS  et  qui  plus  est  le  RHENUS  de  GUARHENLS,  les  noms  de  GUÉ 
et  de  VADUS  pouvant  fort  bien  encores  venir  de  tout  cela,  sans  qu'il 
faille  craindre  d'ofl'ancer  l'antiquité,  pour  avoir  voulu  comprendre  tant 
de  rivières  et  ruisseaux  soubs  des  etymologies  venants  d'une  mesme 

'  On  chercherait  vainement  cet  adverbe  dans  nos  dictionnaires.  —  '  C'esl-h-dire  la  suite 
du  temps. 


84  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629J 

source.  Puis  que  vous  voyez  que  dans  le  Bearn  il  y  en  a  un  nombre 
merveilleux ,  qui  ne  sont  diversifiez  qu'en  terminaison ,  diminution  ou 
ampliation  comme  peuvent  avoir  faict  les  anciens,  principalement  dans 
ces  premiers  siècles  de  plus  grande  ignorance  ou  simplicité,  car  ceux 
qui  sont  venus  par  aprez  ont  plus  scrupuleusement  voulu  faire  valoir 
les  corruptions  des  noms  propres  en  Testât  qu'ils  les  ont  trouvez,  pour 
les  mieux  distinguer  les  uns  des  autres.  Mais  que  direz  vous  de  cette 
impertinante  digression  ?  Vous  aurez  bien  du  subject  de  vous  mocquer 
de  moy,  je  vous  supplie  de  m'en  excuser,  car  toutes  cez  badineries  me 
sont  insensiblement  eschappées  de  la  plume  sans  y  avoir  pensé  quand 
je  l'ay  prinse  pour  vous  escrire,  et  ne  suis  pourtant  pas  marry  de  m'y 
estre  engagé,  car  cela  m'y  fera  possible  songer  un  jour  plus  à  loisir  et 
si  cela  estoit  examiné  par  ung  homme  commeM^'Crottius,  je  pense  qu'il 
y  trouveroit  possible  au  bout  du  compte  quelque  bonne  consequance 
à  tirer,  ayant  la  langue  de  son  pais  à  commandement,  et  la  pouvant 
joindre  aux  origines  de  la  grecque  et  latine  mieux  que  moy.  Si  vous  le 
trouvez  quelque  jour  en  humeur  d'en  prendre  la  patiance,  je  ne  seray 
pas  marry  que  luy  en  disiez  mon  imagination  quoy  que  possible  im- 
pertinante, car  je  sçay  bien  qu'il  ne  laisra  pas  de  l'interpréter  benigne- 
ment  selon  sa  doulceur  naturelle  et  nous  enseignera  de  très  belles 
choses,  s'il  veult,  sur  cette  matière. 

Au  reste  je  suis  bien  aise  qu'ayez  faict  retirer  les  4oo  livres  pour 
empescher  que  ces  gents  ne  soient  si  empeschez  à  rappeller  leur  mé- 
moire. Je  vous  remercie  du  soing  qu'avez  eu  des  libvres  de  Macé  dont 
j'ay  veu  le  roolle.  Pour  la  Bible  elle  me  semble  de  vray  un  peu  chère, 
et  puis  de  n'estre  pas  toute  en  blanc,  il  y  a  quelque  chose  à  dire,  car 
pour  la  relier  de  nouveau  tout  d'une  parure,  la  marge  en  pâtira  fort. 
Je  vous  supplie  de  me  mander  la  datte  de  l'édition ,  la  vraye  forme  et 
le  nombre  des  volumes,  car  aussy  bien  si  ce  n'estoit  la  mesme  édition 
sur  laquelle  a  faict  sa  mémoire  locale  celuy  à  qui  je  la  destinois,  je 
n'y  employerois  pas  volontiers  une  somme  notable,  cette  sorte  de  livres 
estant  hors  de  mon  usage  tout  à  faict.  J'ay  desja  envoyé  en  Espagne  le 
mémoire  des  livres  qui  y  sont  nouvellement  imprimez,  par  un  reli- 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  85 

gicux  qui  va  au  chappittre  des  Minimes  à  Barcelonne  avec  lettre  de 
crédit  d'un  marchand  de  Marseille.  S'il  s'y  en  trouve  je  pense  que  nous 
en  aurons.  Je  serois  bien  marry  que  les  occupations  du  sieur  de  Vris 
l'empescliassent  de  faire  le  portraict  de  M'  Saulmaise  '.  Je  n'ay  pas  en- 
core peu  retirer  toutes  les  lettres  de  recommandation  qui  m'ont  esté 
promises  à  Mess"  de  Dijon  pour  M"  Rigault  et  Haullin*;  entre  cy  et  la 
première  stalTette  j'cspere  de  les  retirer  toutes,  et  qu'il  y  en  aura  quel- 
qu'une de  bonne.  Si  j'eusse  sceu  les  noms  de  leurs  juges,  et  spéciale- 
ment de  leur  rapporteur,  j'eusse  plus  affecté  ceux  là  que  les  autres, 
mais  je  faicts  escrire  à  tous  ceux  que  je  puis  tant  de  la  Tournelle  que 
Grand  chambre,  parce  que  je  ne  sçay  en  quelle  chambre  il  est,  et  que 
les  procez  suivent  le  rapporteur  en  quelque  chambre  qu'il  soit  obligé 
d'aller. 

Je  vous  doibs  mille  remerciements  trez  humbles  des  bons  offices 
et  favorables  compliments  qu'il  vous  a  pieu  rendre  à  nostre  pauvre 
M"  Fabrot,  qui  est  bien  fier  de  l'honneur  que  vous  lui  faictes  et  vous 
en  sera  {\  jamais  redevable.  Je  vous  ay  adressé  le  second  livre,  et  pen- 
sois  maintenant  envoyer  le  troisiesme;  mais  puis  que  cela  ne  presse 
pas,  je  luy  feray  remettre  encor  au  net  quelque  feuille,  pour  oster 
tout  prétexte  de  doubte  aux  compositeurs  d'imprimerie.  Je  vous  re- 
mercie encores  par  un  million  de  foys  de  la  prompte  et  favorable 
expédition  des  provisions  du  bon  vieillard  le  sieur  de  Nostradame ',  en 
quoy  vous  n^'avez  infiniment  obligé,  comme  aussy  M'  de  Lomenie  et 
M""  de  la  Tremolieres,  mesmes  du  Gratis  auquel  je  ne  m'attendois  pas, 
et  les  en  remercieray  comme  il  fault.  Je  les  luy  ay  envoyées  et  crains 
que  la  joye  ne  fasse  tort  à  sa  foible  santé,  tant  il  en  a  esté  content.  Il 
eut  désiré  quelque  petit  mot  de  sa  qualité  et  de  ses  services,  mais  je 
pense  qu'il  se  doibt  contenter  de  cela. 

'  Il  a  été  déjà  plusieurs  fois  question,  telet  de  Paris,  voir  t.  I,  p.  ai  i,  où  Peiresc 

dans  cette  correspondance,  du  portrait  de  écrit  ainsi  le  nom  de  l'archéologue  :  Autin. 

Saumaisc ,  si  vivement  et  si  vainement  désii'é  '  Les  provisions  de  l'état  de  gentilhomme 

par  Peiresc.  Voir  notamment  l.  I,  p.  77.  de  la  chambre  du  roi  obtenues  pour  César 

'  Sur  ce  savant  conseiller  du  roi  au  Châ-  de  Nostredame. 


86  LETTRES  DE  PEIRESG  [1629] 

Pour  des  pièces  de  feu  M"  de  Malerbe,  je  ne  pense  pas  en  avoir  en 
vers  qui  a'ayent  esté  imprimées,  et  pour  la  prose,  j'ay  grand  nombre 
de  ses  lettres  missives  qu'il  m'avoit  autres  foys  demandées  pour  les  re- 
voir, et  en  faire  choix  de  celles  qui  se  pouvoient  imprimera  Mais  cela 
fut  interrompu  par  des  voyages  survenus  de  sa  part  et  de  la  mienne. 
Si  on  en  veult  je  vous  envoyeray  trez  volontiers  tout  ce  que  j'en 
auray.  M""  le  conseiller  Boyer  son  neveu  ^,  et  père  de  son  héritier^,  me 
demanda  l'autre  jour  la  mesme  chose,  et  je  luy  avois  faict  la  mesme 
responce,  mais  il  ne  m'en  avoit  pas  depuis  parlé. 

J'ay  trouvé  jolies  les  petites  heures  grecques  de  Libert,  ce  me 
semble,  et  vous  prie  de  m'en  faire  envoyer  un  autre  exemplaire  à 
vostre  commodité. 

M""  le  Nonce  *  m'a  faict  plainte  de  n'avoir  pas  veu  l'epistre  de  M""  Ri- 
gault  au  cardinal  de  Richelieu^;  si  j'en  eusse  eu  une  à  part,  je  la  lui 
eusse  envoyée,  mais  toutes  celles  que  vous  m'aviez  envoyées  ont  esté 
employées  aux  quattre  exemplaires  que  j'ay  eus  en  main,  l'une  en  ce- 
luy  du  cardinal  Barberin,  l'autre  en  celuy  de  M'  d'Oppedc**,  car  le 
libraire  n'y  en  avoit  poinct  mis,  la  troisiesrae  en  un  autre  que  j'ay 
envoyé  en  Italie,  et  la  quattriesme  pour  le  mien,  où  il  me  manque 


'  Ces  lettres,  dont  les  autographes  sont 
conservés  à  la  Bibliothèque  nationale,  fu- 
rent écrites  de  février  1606  au  3  avril  1698; 
elles  sont  au  nombre  de  aai,  sans  compter 
les  pièces  sans  date  ;  elles  ont  été  très  mal 
publiées  en  182a  par  le  libraire  Biaise,  et 
très  bien  publiées,  en  1869,  par  M.  Lud. 
Lalanne,  dans  le  tome  III  des  Œuvres  de 
Malherbe  (Collection  des  Grands  écrivains  de 
la  France). 

^  Jean-Baptiste  de  Boyer,  conseiller  au 
parlement  d'Aix,  était  neveu  de  la  femme 
de  Malherbe.  Ce  fut  lui  qui  édita,  en  1687, 
la  traduction  des  Épîlres  de  Sénèque  laissée 
par  son  oncle  ;  il  dédia  cette  publication  au 
cardinal  de  Richelieu.  Voir,  sur  J.-B.  de 


Boyer,  le  Malherbe  de  M.  Lud.  Lalanne 
(t.  I,  p.  XLUi;  t.  II,  p.  261,  962;  t.  III, 
p.  59,  335). 

'  Malherbe,  déshéritant  complètement 
sa  famille,  choisit  pour  légataire  universel 
son  petit-neveu  Vincent  de  Boyer,  seigneur 
d'Eguilles,  qui  fut  conseiller  au  parlement 
d'Aix ,  comme  son  père ,  et  qui  se  maria 
avec  Madeleine  de  Forbin  d'Oppède.  Voir 
les  Rues  d'Aix,  t.  I,  p.  89,  SSg. 

'  Jean-François  Bagni,  qui  avait  succédé 
en  1 697  au  cardinal  Spada.  Voir,  sur  le  car- 
dinal Bagni ,  le  tome  I ,  p.  118,  777. 

'  L'épître  dédicatoii-e  du  Tertullien. 

'  Le  premier  président  du  parlement  de 
Provence. 


11629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  87 

encores  le  quarton  de  supplt'mienl  aux  animadversions.  J'en  «vois  bien 
une  ciiiquicsnio  qui  vint  toute  la  première,  mais  il  y  avoit  quelques 
faultes  d'imprimerie,  et  n'estoit  pas  mesmes  ajustée  en  façon  qu'elle  se 
peult  jamais  relier  proprement. 

Pour  le  commerce,  je  crains  fort  que  nous  ne  soyons  encores  bien 
loing  de  le  restablir,  car  le  vicelegat  nous  vient  de  mander  que  la  ma- 
ladie s'est  fourrée  tout  fraischement  dans  un  village  nommé  Monteux 
prez  de  Carpentras  \  où  tout  d'un  coup  en  26  heures  y  a  eu  60  per- 
sonnes frappées,  et  dicl  on  qu'un  malade  par  surprinse  est  venu  passer 
à  Noves  ^  et  à  Eyragucs  ',  où  nous  avons  envoyé  en  diligence  faire 
fermer  tous  les  lieux  où  il  aura  frequanté.  Si  Dieu  ne  nous  ayde,  nous 
courrons  grande  fortune  à  cet  esté,  et  si  cez  armées  ne  prennent  autre 
chemin  que  par  cette  province  et  par  des  lieux  où  les  chaleurs  font  si 
facilement  prendre  le  mal.  La  cavallerie  qui  devoit  passer  en  Lan- 
guedoc a  rebroussé  chemin  depuis  Arles,  et  a  eu  commandement  de 
s'en  aller  suyvre  M''  de  Schomborg  du  costé  de  Lyon.  L'infanterie  doibt 
eslre  passée  depuis  hier;  le  jour  précédant  tout  estoit  desja  passé  fors 
le  régiment  du  chevalier  de  la  Valette  qui  avoit  sesjourné  un  jour 
plus  que  son  ordinaire  ne  portoit  par  les  chemins:  M'  de  Guise  à  la 
prière  du  parlement  s'en  alla  en  personne  en  Arles,  pour  les  faire  sortir 
et  faire  retenir  les  mullets  qu'ils  emmenoient  pour  plus  de  60  mill«* 
escus. 

C'est  tout  ce  que  je  vous  puis  dire  et  que  je  suis  tousjours, 

Monsieur, 

vostre  tre/  humble  et  trez  obligé  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Ail,  ce  38  avril  16^9'. 

'  Monteui  est  une  commune  du  ddpar-  Chfiteau-Rcnard ,  à  7  kilomètres  de  cette  ville, 

tement  de  Vauciuse,  canton  de  Carpentras,  '  Commune  du  même  df'partrment,  du 

à  5  kilomètres  de  cette  ville.  même  an-ondissemcnt  et  du  même  canton, 

'  Commune  du  df^parlement  des  Bouches-  à  5  kilomètres  de  Château-Renard. 

du-Rhône,  arrondissement  d'Arles,  canton  de  '  Vol.  717,  fol.  39. 


88  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 


XVII 

À   MONSIEUR,   MONSIEUR  DU  PU  Y, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
J'ay  receu  la  vostre  du  17'"''  avec  la  boitte  de  M'  Robin,  les  vers  de 
M''  Sinnond ,  les  papiers  de  M"'  de  Vend  et  autres  belles  curiositez  que 
vous  y  joignez  d'ordinaire,  dont  je  vous  remercie  de  tout  mon  cœur, 
bien  niarry  que  noz  chetives  revanches  ayent  si  peu  de  proportion  avec 
les  obligations  dont  vous  nous  comblez  à  toutes  heures.  Je  suis  bien  aise 
que  la  lettre  de  M'  Holstenius  vous  ayt  agréé.  Je  trouve  ce  personage 
grandement  universel,  et  qu'il  y  a  tant  à  apprendre  auprez  de  luy,  que 
sa  conversation  ou  correspondance  ne  se  sçauroit  assez  prixser.  Je  suis 
bien  avant  en  traicté  pour  les  m[anu]s[crit]s  grecs,  et  en  ay  desja 
offert  5 00  livres  contant  des  20  pièces  du  roolle  que  vous  avez  veu, 
on  n'en  veult  rien  r'abbattre  de  900  livres.  Nous  verrons  ce  qui  s'en 
pourra  rogner;  tant  est  que  j'auray  de  la  peine  de  m'empescher  de  les 
prendre  à  ce  priy  là  s'il  ne  se  peult  faire  mieux,  quand  ce  ne  seroit 
que  pour  bailler  à  M""  Holstenius  ses  Platoniciens,  qu'il  a  maintenant  si 
à  coeur.  Du  Pollux  il  n'y  a  que  les  deux  premiers  livres  de  l'imprimé, 
encores  ne  sont  ils  pas  complects,  mais  en  revanche  des  autres  libvres- 
de  l'imprimé,  il  y  a  en  ce  volume  m[anu]s[crit]  afforce  autres  pièces  non 
jamais  imprimées,  lesquelles  seules  m'embarqueront  possible  à  cette  ac- 
quisition, quand  il  n'y  auroit  que  cela.  On  l'a  conféré  sur  l'édition  de 
Basle  in  U°  de  l'an  i636  [sic)  ^  et  s'y  est  trouvé  la  differance  contenue 
au  mémoire  que  je  pensois  vous  avoir  envoyé,  mais  à  tout  hazard  je  le 
feray  derechef  joindre  à  la  présente.  J'ay  bien  de  l'obligation  à  Mess"  Ri- 
gault  et  Haultin,  du  registre  de  Lauthier^,  et  trouve  fort  bon  l'employ 

'  Pour  i536.  Cette  édition  de  YOnomas-  ^  C'est  probablement  de  ce  registre  qii'a- 

tica  est  la  troisième.  Les  deux   premières  vait  élé  tiré  l'ouvrage  intitulé  :  Figures  des 

sont,  l'une  de  i5o2  (Venise,  Aide,  in-fol.),  monnotes  de  France.  Paris,  161g,  in-4°.  Ce 

l'autre  de  iSao  (Florence,  in-foi.).  volume  fut  publié  par  Jean-Baptiste  Haultin, 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  89 

que  vous  y  faicles  de  Moulinot,  en  absance  de  Quentin;  il  estoit  un 
|)fiu  cslourdy  et  precipilant',  ce  me  semble,  du  temps  que  je  l'em- 
ployois;  il  n'y  aura  pas  de  dan{i[er  de  luy  recommander  un  peu  l'at- 
Icnlion  et  i'exactezze  en  ce  qui  est  des  nombres,  et  puis  qu'il  me  met 
au  taux  de  M'  de  Lomenie,  à  tout  le  moings  qu'il  ne  fasse  pas  de  dif- 
(iciilté  de  vacquer  par  aprez  à  la  collation  sur  l'original,  avec  quelque 
autre,  en  payant,  affin  qu'il  n'y  demeure  pas,  s'il  est  possible,  des 
faultes  considérables.  Si  les  livres  de  M"'  Poulain  se  vendoient,  j'acliej)- 
terois  volontiers  l'exemplaire  que  luy  avoit  donné  le  dict  sieur  Aultin, 
de  ce  qu'il  fit  imprimer  en  taille  de  boys  des  monnoyes  de  France  ■^ 
])our  le  faire  coupper  par  petits  morceaux,  et  les  faire  proprement 
placqucr  auprez  de  chascun  des  articles  de  la  coppie  du  dict  registre, 
où  il  en  est  faict  mention.  C'est  daumage  que  M""  Aultin  en  fit  im- 
jM'imer  si  peu  d'exemplaires,  qu'il  en  fut  incontinant  despourveu.  Si 
par  cette  occasion  ou  autre  de  la  vente  de  quelque  inventaire  il  s'en 
présente  à  vendre  quelque  autre  exemplaire,  je  vous  supplie  de  me 
le  faire  achepter,  pour  servir  à  cet  usage  là,  car  j'estimeray  bien  ce 
registre,  si  je  l'ay  un  jour  bien  complect,  l'une  des  curieuses  pièces 
de  mon  cabinet.  Ces  relieurs  qui  réduisent  en  libvres  les  portraicis 
d'hommes  illustres  imprimez  en  placcard  chez  le  Clerc,  colleroienl 
bien  proprement  toutes  cez  figures  de  monnoyes  chascune  en  son 
lieu  et  place,  selon  le  dict  registre.  Je  me  doubte  fort  que  vostre 
soubçon  concernant  les  oeuvres  de  Cardan  ne  soyt  vray;  je  n'ay  ja- 
mais peu  tant  gouster  cet  homme  là,  où  je  trouve,  ce  me  semble, 
beaucoup  plus  de  plume  que  de  chair',  mais  j'eusse  esté  bien  aise  d'y 
servir  M""  Deodati  et  ceux  qui  y  trouvent  leur  goust,  car  comme  j'ay 


mentionna  d.iiis  In  lellrc  précédente.  Voir  On  voit  que  précipitant  s'est  dit  encore  au 

Manuel  du  libraire,  t.  III,  col.  69.  xvu*. 

'  Litlré,  qui  rappelle  cette  piquante  dé-  '  Le  livre  dont  il  vient  d'être  question  : 

finilion  des  Français  donnée  par  Martin  du  Figiires  des  monnaies  de  France. 
Bellay  :    trLes  François   sont  bouillans   et  '  Bon  jugement  pittores<]ncnient  exprimé, 

précipitants  de  nature»,  fait  observer  que  La  locution  dont  se  sert  Peiresc  n'a  pas  été 

le  mol  s'est  dit  adjectivement  au  xvi*  siècle.  recueillie  dans  le  Dictionnaire  de  Litlrë. 
II.  la 


90  LETTRES  DE  PEIRESG  [1629] 

souvent  des  gousts  extraordinaires,  et  que  je  suis  bien  aise  que  mes 
amys  me  les  souffrent,  je  pense  estre  obligé  d'en  faire  de  raesme 
envers  ceux  qui  ont  d'autres  gousts  que  les  miens,  et  c'est  comme  cela 
qu'en  recherchant  ])our  l'amour  de  mes  amys  des  choses  que  je 
sçavois  estre  de  leur  goust  et  qui  n'estoient  nullement  du  mien,  je  m'y 
suis  laissé  neantmoings  prendre  quelques  foys  sans  y  penser,  comme  à 
la  moustarde,  et  m'y  suis  entin  trouvé  alTriandé  voulusse  je  ou  non, 
dont  je  ne  me  suis  pas  tant  repenty.  Mais  je  ne  pense  pas  pourtant 
que  cela  m'advienne,  pour  ce  chef  là,  à  mon  advis. 

Je  me  suis  un  peu  lassé  à  escrire  à  Rome  de  façon  que  je  finira  y  un 
peu  plus  tost  pour  le  coup,  remettant  le  reste  à  ce  que  j'ay  mandé  à 
M'  du  Puy  vostre  frère  et  vous  suppliant  de  me  tenir  tousjours. 

Monsieur,  pour 

-Yostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 
DE  Peiresg. 
A  Aix,  ce  4  mai  lôag. 


J'ay  eu  une  relation  d'Espagne  sur  la  réduction  de  la  Rochelle,  où 
il  n'y  a  rien  à  apprendre  pour  le  regard  que  nous  ne  sceussions  desja 
mieux  d'ailleurs,  mais  neantmoings  il  y  a  certaines  chosettes  tant  à 
l'advantage  de  la  France  que  j'ay  creu  qu'elle  meritoit  de  n'estre  pas 
négligée,  et  pour  cet  eflect  je  la  vous  envoyé  originellement'  pour  la 
garder,  et  faire  induire  deshorsmais  à  ceux  qui  escriront  de  la  préro- 
gative de  la  France  sur  l'Espagne,  comme  une  pièce  qui  vient  de  leur 
main,  tout  de  mesmes  comme  ils  affectent  tant  d'alléguer  noz  autheurs 
Fiançois  sur  tout  ce  qui  leur  peult  estre  eschappé  à  leur  advaiitage. 
Vous  la  pourrez  faire  voir  à  M"'  l'advocat  gênerai  Bignon  et  à  M'  Go- 
delroy,  qui  n'en  seront  possible  pas  marrys,  non  plus  que  d'apprendre 
de  vostre  part  que  je  suis  tousjours  leur  serviteur  Irez  humble,  bien 
fasché  de  le  leur  tesmoigner  si  mal. 

Il  y  a  un  libvret  in  8°  d'observations  de  médecine  imprimé  à  Paris 

'  C'est-à-dire  à  l'étal  d'original. 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  91 

on  i'an  1612  de  Chifflcliiis  père  et  du  filz  aussy',  que  je  recouvrerois 
volontiers,  s'il  vous  toniboit  en  main*. 


XVIII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Je  ne  pourray  pas  avoir  le  bien  de  vous  entretenir  à  ce  coup  cy 
comme  j'eusse  désiré,  {\  cause  du  decez  d'un  nostre  parent,  qui  nous 
oblige  à  des  compliments  qui  ne  se  peuvent  remettre.  Seulement  je 
vous  accHseray  la  réception  de  vostre  lettre  du  18  mars  par  le  sieur 
Pierre  Harwik  de  Hambourg,  qui  est  party  à  ce  jourd'huy  pour  aller  à 
Marseille,  et  delà  prendre  la  routte  deSuse  et  du  Piémont,  pour  s'em- 
barquer sur  le  Pô  et  s'aller  rendre  à  Padoue,  où  je  lui  ay  baillé  des 
lettres  qu'il  a  désirées  pour  le  sieur  Lorenzo  Pignoria^,  comme  aussy 
pour  divers  amys  en  divers  lieux  de  cette  province,  par  lesquels  il  a 
prias  son  destour  pour  la  curiosité.  C'est  un  trez  liortneste  jeune  homme 
et  dont  j'estime  bien  la  cognoisçance  qu'il  vous  a  pieu  me  procurer,  et 
vous  en  remercie  de  tout  mon  coeur.  Vostre  lettre  luy  vint  bien  à  propos 
à  Monpelier,  où  l'on  l'avoitarresté  comme  spie*;  elle  l'ut  ouverte,  et  fut 
ie  seul  fondement  de  sa  délivrance.  Je  receus  depuis  vostre  despesche 
du  26  avril  par  la  staffette,  avec  cette  généalogie  ridicule,  une  queri- 
monie^  des  Minimes  et  des  poèmes  d'Auberoche*,  dont  je  vous  remercie, 

'  Jean    Chifllet,  «locleur  en  médecine,  seconde  partie,  n°  III,  une  lettre  de  Pierre 

mort  vers  i(iio  h  llcsaiiçon,  sa  ville  na-  Dupny  ëcrite  à  Pciresc  le  18  mai  1639. 

laie,  avait  laiss»<  un  ouvrage  inédit  intitulé  :  '  Voir  sur  cet  érudit  le  tome  I,  p.  3. 

Singukres    ex    curalionibus    et    cadaverum  *  Pour  espion.  Littré  rappelle  que  l'an- 

seclionibim  obsenaùones ,    qui    fut    publié  cienne  langue  disait  e.?pic. 

par    son   (ils  aînt?,  Jean -Jacques,  docteur  ^  Sous  le  mot  quenmonie  Littré  cite  un 

en  médecine,  sur  lequel  on   peut  voir  le  écrivain  du  .wi'  siècle,  Calvin,  et  doux  du 

tome  I ,  p.  591.  XVII*,  Scarron  et  Saint-Simon. 

'  Vol.  717,  fol.   4 1.  Voira  l'Appendice,  '  Ce  doit  être  Pierre  d'Aulberoche,  de  la 


92  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

mais  bien  plus  des  Poemata  Barlœi,  que  j'envoyay  inconlinant  à  Rome, 
s'estaiit  présenté  un  gentilhomme  qui  s'y  en  alloit;  c'est  pour  quoy  vous 
m'obligerez  bien  de  m'en  procurer  quelque  autre  exemplaire  s'il 
s'en  peult  avoir,  pour  moy  et  pour  quelques  amys,  car  cet  homme 
est  fort  à  mon  goust.  Je  ne  plains  que  le  mauvais  caractère  qui  a  esté 
employé  à  cette  édition.  J'altendray  le  Tertullian  '  que  vous  me  pro- 
mettez par  la  prochaine  staffette  qui  viendra  tout  à  propos  pour  le 
présenter  à  M''  nostre  Archevesque^  à  qui  je  feray  lisre  l'epistre  limi- 
naire en  ma  présence  si  je  puis^,  et  puis  je  prendray  de  ses  lettres  pour 
Dijon.  Les  vers  de  ce  Gruceius  ne  semblent  pas  devoir  estre  négligez'. 
C'est  pour  quoy  je  leur  ay  faict  passer  les  monts,  en  ayant  retenu 
coppie,  au  cas  qu'il  ne  s'en  peusse  recouvrer  d'autre  exemplaire, 
comme  je  ferois  bien  volontiers,  pour  en  avoir  mon  assortiment  des 
choses  de  cette  matière  plus  complect.  J'oubliois  de  vous  remercier  du 
libvre  du  comte  de  Cramait  ^  que  M'"  nostre  Archevesque  a  voulu  voir; 


compagnie  de  Jésus,  professeur  de  rliëto- 
rique  au  collège  de  Bordeaux ,  auteur  de  di- 
verses odes  latines  publie'es  en  1626  dans 
le  rare  et  curieux  recueil  intitulé  :  La  cou- 
ronne de  Jleurs  lissée  dans  le  parterre  de  Thé- 
viis  et  des  muses  du  Parnasse  de  Guyenne, 
dediéeau  Roij  (Bordeaux,  Jacques  Millanges, 
1G9/1,  plaquette  in-4°).  Le  poète  d'Aulbc- 
roche  a  été  oublié  dans  la  Bibliothèque  des 
écrivains  de  la  Compagnie  de  Jésus  (der- 
nière édition).  Son  nom  est  imprimé  sans 
apostrophe  dans  le  Catalogue  de  la  Bibliothèque 
nationale  (t.  I,  p.  SaS),  oîi  l'on  mentionne 
ainsi  un  de  ses  poèmes  :  Urbano  octavo ,  ponli- 
fici  maxiino  ,priinogeniti  Ecclesiœfilii  Ludovici 
Justi,  christianissiini  régis ,  expeditiones  Beana 
et  Riipellana,  ad  summam  Ecclesiw  et  regni 
dignilatem  siisceplœ  perfeclœque ,  heroïco  versu 
descriptœ  a  P.  Daulberoche  (1629). 

'  Le  Terlultien  do  lligault. 

"  L'archevêque  Alphonse  de  Richelieu. 

^  L'épiire  dédiée  au  frère  de  l'archevêque 


d'Aix,  au  grand  cardinal  Armand  de  Ri- 
chelieu. 

*  Les  vers  de  La  Croix,  comme  on  le  voit 
dans  la  lettre  suivante,  étaient  consacrés  à 
la  prise  de  la  Rochelle.  Voici  le  titre  du 
poème  conservé  sous  le  n°  9 1 3  h  la  biblio- 
thèque de  la  Rocliolle  {Bibliographie  roche- 
laise,  par  Léopold  Délayant ,  1882,  p.  268): 
Jselasticon  seu  triumphus  rupellanus  Ludovici 
Justi  (Paris,  Jean  Libert,  1629,  in-8°).  Le 
catalogue  de  la  Bibliothèque  nationale  n'in- 
dique de  La  Gioix  qu'un  poème  sur  Casai  : 
Emerici  Crucei soteria  Casalœa ,  sive  expeditio 
italica  Ludovici  Justi  (Paris,  1629,  in-8°). 
lîmeric  de  la  Croix,  né  à  Paris  vers  iSgo, 
est  connu  pour  avoir  donné  une  édition  de 
Stace(Paris,  1618,  in-i°). 

''  Le  comte  de  Cramail  ou  de  Carmain 
était  Adrien  de  Monluc,  seigneur  de  Mon- 
tesquieu, prince  de  Chabaiiais,  petit-fils  du 
maréchal  Biaise  de  Monhic.  Il  naquit  en  1 068 
et  mourut  en  i646  (22  janvier).  Il  fut  ca- 


[1629] 


AUX  FRKRES  DUPUY. 


93 


c'est  pourquoy  je  ne  l'ay  pas  encore  veu,  et  je  vous  en  suis  tant  plus 
redevable.  Je  dicts  M''  iiostre  Arclicvesqiie,  parce  qu'il  faict  oncores  la 
lonction  de  premier  procureur  du  pais  aux  asseniLices  publiques,  en 
ayant  niand(i  une  solemnelle  au  16  du  présent  Nous  croyons  qu'il  sera 
icy  plus  lonjflernps  que  n'avions  pensé.  Je  suis  doublement  aise  de  ce 
qu'avez  trouvé  le  moyen  de  m'assortir  du  volume  des  vu  traictez  de 
Mariana,  et  de  ce  qu'avez  rencontré  le  propre  exemplaire  du  pauvre 
feu  M""  Poulain  qui  me  l'avoit  autres  foys  voulu  donner,  dont  je  m'cstois 
depuis  repenty,  voyant  que  je  n'en  avois  peu  avoir  d'ailleurs.  Encores 
l'auldroit  il  s'enquérir  que  sont  devenus  les  mémoires  et  papiers  curieux 
dont  il  avoit  fort  bon  nombre.  Je  les  aurois  fort  volontiers  acheptez, 
si  je  me  fusse  trouvé  là,  et  n'eusse  pas  laissé  de  conserver  au  pauvre 
defl'unt  l'honneur  tout  entier  de  ce  qui  s'y  seroit  trouvé  digne  de  voir 
le  jour.  On  me  surprend  et  me  constraint  on  de  finir.  Vous  verrez  aux 
papiers  cyjoincts  le  peu  que  nous  avons  de  nouveau,  n'y  pouvant  ad- 
jouster  si  ce  n'est  que  jeudy  M'  de  Guise  passa  par  icy  et  alla  descendre 
chez  M'"  rArcheves(|ue  et  aprezestre  venu  disner  chez  luy,  passa  oultre 
vers  Avignon,  estant  allé  voir  le  Roy  à  la  Voutte'  où  l'on  dict  qu'il  a 
prinsson  quartier.  Et  sur  ce  je  finis  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 
DE  Pëihesc. 
A  Aix,  ce  la  mny  i6ag. 

Mon  frère  s'est  tant  incommodé  en  ses  voyages  qu'enfin  il  est  tombé 
malade,  mais  grâces  à  Dieu  il  est  maintenant  sans  fiebvre,  et  debout, 
mais  grandement  alfoibly. 


|)itainc  de  cent  hommes  d'armes,  maréchal 
de  camp  des  armc'es  du  roi  et  g-ouverneur 
du  pays  de  Foix.  I.o  livra  dont  veut  parler 
Peiresc  serait-il  le  recueil  intituld  :  Les  jeux 
de  l'inconnu,  qui  parut  h  Paris,  ranndo  sui- 
vante, sous  le   pseudonyme  de  ])e   Vaux, 


mois  dont  quelques  exemplaires  auraient  été 
mis  en  circulalion  dès  le  milieu  de  tCaj? 
'  La  Voulle ,  chef-lieu  de  canton  du  ilëpar- 
tcment  de  l'Ardèche,  arrondissement  de 
Privas,  h  9 1  kilomètres  de  cette  ville,  sur  la 
rive  droite  du  llhiinc. 


94  LETTRES  DE  PEIHESC  [1629] 

Jo  vous  supplie  de  m'envoyer  par  la  voye  de  la  poste,  s'il  s'en  peut 
avoir,  un  exemplaire  de  cez  petites  heures  du  concile  d'Elzevir  soubs 
le  nom  de  Cologne',  soit  en  blanc  ou  reliées,  pour  un  amy^ 


XIX 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

À  PARIS. 
Monsieur, 
J'eus  hier  vostre  despesche  du  h  may,  avec  le  livret  de  M""  Ribier', 
les  rabas  et  les  vers  de  Cruceius  sur  la  Rochelle  que  je  trouvav  trez 
bons  à  mon  petit  goust.  Et  s'il  y  a  moyen  d'en  avoir  quelque  autre 
exemplaii'e,  me  ferez  laveur  singulière  comme  aussy  du  livre  du  dict 
sieur  Ribier.  J'avois  eu  lundy  la  procédante  despesche  du  97  avril  avec  le 
Teituliian  fort  bien  conditionné  et  le  factum  deM'Grotius  que  j'ay  ad- 
miré, et  qui  meriteroit  encores  d'en  avoir  quelque  autre  coppie,  s'il  s'en 
trou  voit,  pour  esvitcr  qu'une  si  bonne  pièce  ne  se  perde;  voire  si  l'arrest 
sur  ce  intervenu  se  recouvroit,  bien  que  contraire,  il  seroit  tousjours 


'  N'ayanl  trouvé  aucune  mention  de  ces 
petites  heures ,  pas  mémo  dans  l'ouvrage  le 
meilleur  qui  ait  été  consacré  aux  EIzevier, 
celui  de  M.  A.  Willems ,  je  me  suis  adressé  à 
l'éminent  bibliographe  et  voici  ce  qu'il  m'a  fait 
l'honneur  de  me  répondre:  (rll  m'est  impos- 
sible de  vous  procurer  le  moindre  renseigne- 
ment au  sujet  des  petites  heures  du  Concile 
dont  il  est  question  dans  la  lettre  de  Peiresc. 
Non  seulement  je  n'ai  jamais  rencontré  ce 
volume,  mais  je  puis  affirmer  qu'il  n'en  est 
■^lyneuré   trace  dans   aucun   catalogue  du 

'mps.  Ce  qui  est  plus  significatif  encore , 
st  que  le  titre  en  question,  ni  aucun  autre 

"^Z^'  analogue ,  ne  figure  dans  les  catalogues 

""laux    des    EIzevier    parus   en    i6a8 
oflTici 


et  1 638.  La  lettre  étant  de  1 629 ,  vous  pouvez 
tenir  pour  à  peu  près  certain  qu'un  livre  quel-  ' 
conque  imprimé  vers  celte  époque  par  les 
EIzevier  aurait  été  port<;  dans  l'un  au  moins 
de  ces  deux  inventaires.  Je  regrette  beaucoup 
de  n'avoir  pu  résoudre  ce  petit  problème 
bibliographique. . .  » 

'  Vol.  717,101.  Zi3. 

'  Probablement  :  Discours  sur  le  gouver- 
nement des  monarchies  et  des  principautés 
souveraines,  par  Messire  Jacques  Ribier, 
conseiller  d'État  (Paris,  Cramoisy,  i63o). 
Comme  pour  les  Jeux  de  l'inconnu  men- 
tionnés en  une  note  de  la  lettre  précédente, 
quelques  exemplaires  du  livret  de  Ribier 
purent  être  distribués  en  1629. 


[1629J  AUX  FRÈRES  UUPUY.  95 

bon,  et  encores  meilleur  si  le  faclum  contraire  se  trouvoit.  La  lettre  à  la 
Roync  estoit  bonne  à  voir,  et  tout  le  surplus,  mesnies'  la  lettre  de 
M"^  Besly  dont  je  vous  remercie  Irez  liumblemenl,  honteux  de  me  voir 
tousjours  plus  reculé  des  moyens  de  vous  rendre  aulcunc  revanche  de 
tant  de  bienfaicls  pour  lesquels  nous  ne  vous  sçaurions  rendre  que 
de  bien  chetives  paroles,  si  Dieu  ne  nous  en  ouvre  de  meilleurs  moyen» 
que  n'en  avons  peu  avoir. 

Vous  verrez  dans  les  lettres  de  Rome  cy  joinctes  les  nouvelles  r|ue 
nous  avons  de  M''  de  Thou;  il  me  tarde  bien  fort  de  le  voir  icy,  pour 
estre  en  repos  d'es])rit  de  tant  de  daiifjers  et  naufrages  dont  il  est 
eschappé  qui  luy  présagent  sans  double  i|uelque  grand  et  digne  employ, 
auquel  Dieu  le  reserve. 

Cependant  je  vous  remercie  trez  humblement  dusoing  qu'avez  prins 
pour  ce  que  je  desii-ois  du  registre  de  M""  Autin  qui  m'a  infiniment 
obligé,  et  M"  Rigault  quant  et  luy,  comme  aussy  de  l'instance  qu'il  vous 
plaict  de  l'aire  à  M"^  de  Lusson  pour  me  faire  participer  à  quelque  chose 
de  ses  recueils  de  la  ciiambre  des  nionnoyes,  dont  je  luy  serav  infi- 
niment redevable  et  cherchcray  tous  moyens  de  m'en  revancher.  Le 
sieur  Vincent  Blanc  a  un  grand  procez  sur  le  bureau  contre  le  Grand 
Maistre  de  Malte;  il  me  dict  hier  que  s'il  en  a  bonne  issiie  comme  il 
espère,  il  ira  donner  un  coup  d'csperon  à  Paris  pour  aller  satisfaire  aux 
commandements  de  cez  Messieurs  ia. 

Si  j'eusse  sceu  le  commerce  de  M^Lumaga-,  il  y  a  long  temps  que 
je  les  eusse  employez  pour  me  faire  avoir  cez  MARMORA  ARLNDEL- 
LIANA ',  car  ils  sont  de  mes  amys,  principalement  celuy  qui  eslfraische- 
ment  retiré  de  Gènes  à  Paris,  de  sorte  que  si  lalfaire  n'estoil  encores 
faicte',  il  suppléera  fort  volontiers,  si  vous  luy  en  faictes  dire  un  mot  de 
ma  part.  Je  vous  ay  néantmoings  tousjours  une  trez  grande  obligation 
de  ce  seing  qu'il  vous  a  pieu  d'en  prcndni,  et  do  me  toucher  les  par- 

'  N'oul)lioiis  pas  que  mcsmes  voulnit  alors  hlis  îi  Gênes  qui  furent  au  nombre  des  cor- 
dire  surtout.  respondanls  de  Peiresc. 

'  Ra|)pelon8quelesfrèresLnm8gn  (Marco-  "  C'est  \n  mémorable  publication  de  Jean 

Antonio  elOttavio)  étaient  dos  banquiers  t'(a-  Selden  (ifiag.  iii-Zi"). 


96  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

ticularitcz  qu'il  vous  a  pieu  m'en  escrire  qui  m'ont  bien  csmeu  la  curio- 
sité plus  ardante  de  les  voir  que  devant. 

Je  m'estonne  fort  que  n'ayez  pas  trouvé  la  figure  du  phoenomene 
du  soleil  du  2  0  mars  dernier  dans  mon  pacquet,  car  j'eusse  juré  delà 
vous  avoir  envoyée,  l'ayant  faict  copier  exprez  pour  vous,  et  ne  sçay 
comme  elle  se  peult  estre  esgarée;  j'en  fis  faire  en  mesmc  temps  une 
autre  pour  M""  Gassendi,  et  je  crains  que  mon  homme  par  inadvertance 
les  aye  mises  toutes  deux  dans  son  enveloppe,  car  elle  n'est  pas  de- 
meurée sur  ma  table.  Le  peintre  qui  l'avoit  coppiée  n'est  pas  à  la  ville; 
je  l'attends  ce  soir,  et  la  luy  feray  refaire  pour  la  vous  faire  tenir  par 
le  premier.  Un  homme  qui  se  picque  de  prédictions  a  mandé  que  ce 
signe  pronostiquoit  de  grands  changements  à  l'église  Romaine  dans 
cinq  ans  du  jourd'huy;  si  je  puis  vivre  assez  pour  le  voir,  je  le  croiray 
mieux  qu'à  cette  heure. 

Pour  le  panégyrique  du  P.  Petiot \  il  ne  me  souvenoit  pas  que 
[vous l'jeussiez  envoyé  de  Paris,  ce  qui  me  faisoit  penser  que  ne  l'eus- 
siez pas  eu.  C'estoit  pour  cela  que  j'avois  mandé  qu'on  vous  en  fist  tenir 
de  Bordeaux.  Et  puis  que  dictes  m'en  avoir  envoyé  un  exemplaire,  il 
fault  qu'il  se  soit  esgaré  d'un  paquet  qui  avoit  esté  fort  gasté  du  vinaigre, 
et  qui  fut  remis  à  mon  relieur  la  plus  part  pour  le  relaver,  et  que 
s'il  l'a  deschiré  il  ayt  eu  regret  de  me  le  remettre  devant  les  yeux,  ou 
bien  que  mon  neveu  s'en  soit  saisy  ^.  Je  veux  pourtant  en  sçavoir  la  vérité 
et  tousjours  vous  ay-je  bien  de  l'obligation  de  la  faveur  que  m'en  aviez 
faicte.  Et  de  celle  que  m'avez  procurée  envers  M""  de  la  Hoguette.  On 
nous  disoit  que  son  camarade  estoit  passé  à  Mantoûe  ou  Venize,  mais  je 
ne  vous  en  oserois  rien  asseurer;  j'attends  si  nous  serions  assez  heureux 
pour  les  voir  icy. 

J'ay  veu  ce  qu'il  vous  plaict  me  mander  de  la  Bible  des  païs  bas, 
dont  je  vous  remercie,  et  puis  que  ne  l'avez  prinse  il  n'en  sera  pas  de 
besoing  pour  à  cette  heure,  estant  assez  assorty  pour  mon  petit  besoing 
de  ce  costé  là. 

'  Voir  plus  haut,  lettre  XIV.  —  *  Le  baron  de  Rians,  déjh  plusieurs  fois  mentionné.  Voir 
notamment  1. 1,  p.  i33. 


[Ifi29]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  97 

Je  remercie  trez  humblement  les  clames  de  chez  vous  et  leur  crie 
mercy  d'e-ivoir  oubHé  de  leur  mander  le  nombre  des  coilelz  dont 
j'avois  affaire;  il  suflira  d'une  douzaine  encores,  puis  qu'il  leur  plaict, 
oullre  ceux  qui  sont  venus,  qui  ont  esté  trouvez  parfaictement  beaux 
par  les  femmes  de  céans,  ne  se  faisant  rien  de  si  propre  de  pardeça,  es- 
tant bien  marry  de  la  peine  que  je  leur  donne,  sans  leur  avoir  rendu 
aulcun  service.  J'ay  esté  trez  aise  que  l'ouvrage  de  M'  de  Vris  ayt  peu 
contenter  M'  de  la  Baroderie  '  et  crois  qu'on  s'en  contentera  tousjours 
de  mieux  en  mieux. 

Vous  verrez  les  nouvelles  que  nous  avons  h  l'imprimé  cy  joinct';  on 
dict  de  plus  qu'il  y  a  bien  600  hommes  de  morts  de  iiostre  costé',  et' 
qu'aprez  la  retraicte  des  ennemys,  les  nostres  entrèrent  dans  Calvisson* 
et  mirent  tout  à  feu  et  à  sang,  comme  n'ayant  poinct  capitulé  avec  eux 
en  haine  de  ceux  qui  y  avoient  esté  tuez  le  jour  précédant. 

Le  Roy  presse  desja  ceux  de  Privas'  qui  se  sont  laissé  prendre  les 
logements  contre  leurs  pièces  de  dehors*.  On  croid  que  la  ville  ne  tien- 


'  Adrien  de  Vries  avait  fait  le  portrait  de 
M.  de  la  Baroderie. 

'  Cet  imprimé  devait  être  lu  Relation  en- 
voyée au  roi  de  la  honteuse  fuite  de  M.  de 
Uohan ,  mec  la  défaite  entière  de  ses  troupes 
par  l'année  de  Sa  Majesté,  commandée  par 
M.  te  maréchal  d'Estrèes ,  en  Languedoc 
(1 9  mai).  1 6a() ,  in-8°.  Conférez  les  Mémoires 
du  duc  de  Roliun  (étlition  de  lySC,  t.  1, 
p.  917-Q19).  Voici  comment  se  termine  son 
l'écit  :  (f  Ainsi  se  passa  cette  affaire  oîi  peu 
s'en  fallut  que  le  duc  de  Rohan  ne  reçût  un 
échec  qui  entrainoit  sa  ruine  et  celle  de  son 
parti.  y> 

'  C'est  ce  qu'allirmn  le  duc  de  Kohan 
(p.  aiy)  :  tll  y  eut  de  morts  du  côté  des 
Reformés  cinquante  ou  soixante  et  le  double 
de  blessés;  du  côté  des  Catholi(|ae8  Romains 
il  y  en  eut  plus  de  4oo  de  morts  et  800  de 
blessés.  îi 

'  Chef-lieu  de  commune  du  département 


du  Gard,  canton  de  Sommières,  arrondisse- 
ment de  Mmes,  à  1 7  kilomètres  de  cette  ville. 
Dans  l'édition  qui  vient  d'être  citée  des  Mé- 
moires du  duc  de  Rohan,  on  a  imprimé  Ca- 
nisson  (p.  916,  919). 

'  Louis  XIII  était  arrivé  le  ta  mai  au 
camp  devant  Privas.  Le  cardinal  de  Richelieu 
vint  rejoindre  le  roi  le  19  mai. 

°  Voir  sur  le  si^e  de  Privas  les  Mémoire* 
de  Bassompierre  (t.  IV,  p.  89-43 ).  Conférei 
diverses  plaquettes  énuniéives  dans  le  Cata- 
toguede  la  Bibliothèque  nalionale(  1. 1 ,  p.  879)  : 
Lettre  envoyée  à  la  reine ,  mère  du  roi .  con- 
tenant ce  qui  s'est  passé  en  la  prise  de  Privas 
(3o  mai).  Paris,  Vitray,  1699.  in-fol. ; 
Lettre  du  roi  à  la  cour  de  parlement  de  Pro- 
vence, contenant  les  particularités  de  tout  ce 
qui  s'est  passé  au  siège ,  prise  et  embrasement 
de  la  ville  de  Privas  (3i  mai).  Aix,  E.  Da- 
vid, 1699,  in-S";  Lettre  du  roi  à  monsei- 
gneur le  duc  de  Guite ,  gouverneur  et  lieutenant 

i3 


tvrtiai  rit   ««Ti«mi. 


98  LETTRES  DE  PEIRESG  [1629] 

dra  guieres  et  pour  la  cittadelle  qu'elle  sera  tost  reduicte  en  pouldre. 

J'ay  employé  plus  de  temps  que  je  ne  pensois  à  escrire  à  M'  Rigault, 
et  seray  bien  aise  que  voyez  ma  lettre  et  m'en  disiez  vostre  advis  libre- 
ment; cela  m'excusera  si  je  ne  vous  entretiens  davantage.  M""  nostre  ar- 
chevesque  alla  hier  à  Marseille  voir  Madame  de  Guise  ^  et  emmena  mon 
frère  tout  malade  avec  un  peu  de  violance.  Il  a  tenu  son  assemblée  des 
Prélats,  Nobles  et  communautez,  du  nombre  [sic)  des  procureurs  joincts 
et  refusa  la  deputation  au  Roy,  bien  dict  qu'il  serviroit  le  païs  et  de  tout 
son  pouvoir.  On  le  nous  faict  espérer. 

M' de  Guise  est  en  Avignon,  et  presse  la  sortie  de  la  gendarmerie 
veniie  de  Suse  pour  se  rendre  aujourd'huy  à  Marseille. 

M'  de  la  Trimouille  *  passa  hier  icy  revenant  de  la  S'"  Baulme'  et 
print  la  poste  sans  s'arrester  que  fort  peu. 

Madame  de  Guise  doibt  aller  à  son  tour  en  pellerinage  à  la  S'"  Baulme 
et  dict  que  dans  le  moys  de  juillet  elle  veult  partir  pour  Nostre  Dame 
de  Lorette*  avec  deux  galleres,  pressant  de  mettre  en  estât  celle  que 
M""  de  Guise  a  faict  construire  de  nouveau. 

Et  sur  ce  je  finis  demeurant. 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  obligé  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  19  raay  1639. 

général  pour  le  tvi  en  Provence ,  contenant  les  de  la  charge  de  inestre  de  camp  de  la  cava- 

particularités ,  etc.  (Si  mai).  Aix,  E.  David,  lerie  légère  de  France.  1  J'ai  vu  une  pla- 

1629,  ia-S".  quelle  1res  rare  intitulée  :  La  conversion  de 

'  Nous  avons  déjà  vu  que  c'était  Henrielle-  M.  de  la  Trimouille  duc  et  pair  de  France, 

Catherine ,  fdle  du  maréchal-duc  Henri  de  faitte  en  l'année  du  Roy  devant  la  Rochelle  le 

Joyeuse.  18'  jour  de  juillet  mil  six  cens  vingt-huicl 

'  Henri,  seigneur  de  la  Trémoille ,  duc  de  (  Paris,  Toussaincl  du  Bray,  169  8,  petit  in-8° 

Thouars,  prince  de  Tarenle  et  delalraond,  de  i3  pages). 

né  en  1598,  raourulen  1674.  «Ayant  abjuré  '  La  grolle  de  la  Sainte-Baume,  dans  la 

la  religion  réformée  au  siège  de  la  Rochelle  montagne  de  ce  nom ,  appartient  au  départe- 

enlre  les  mains  du  cardinal  de  Richelieu,  ment  du  Var,  arrondissement  de Brignoles, 

lit-on  dans  Le  chartrier  de  Thouars ,  Documents  canton  de  Saint-Maximin. 

historiques  et  généalogiques  {Vark,  1877,  in-  "  En  Italie,  à  ai  kilomètres  d'Ancône,  à 

fol.,  p.  i35),  il  fut  investi  par  Louis  XHI  a  kilomètres  de  l'Adriatique. 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  "99 

J'oubliois  de  vous  remercier  comme  je  faicts  trez  humblement  du 
soing  de  me  retenir  le  nouveau  recueil  de  Mirœus'  donationum  Bel- 
f{icarum%  ayant  desja  deux  volumes  de  luy  de  choses  approchantes 
qui  sont  bien  curieuses^.  Je  vous  recommande  un  pacquet  des  bons 
Pères  Chartreux  de  cette  ville  et  de  M""  Marchier,  ensemble  ccluy  de 
Bordeaux  et  celuy  de  M""  Gassendy  et  surtout  celuy  du  sieur  du  Soûl 
procureur,  y  ayant  une  pistole  dedans'^. 


XX 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Vous  aurez  icy  une  lettre  que  M'  de  Thou  m'a  daigné  escrire  de 
Maltlie  du  5  avril  où.  vous  verrez  combien  heureusement  il  estoit  passé 
d'Alexandrie  en  Sicile  dans  dix  jours,  et  qu'il  luy  avoit  fallu  attendre 
plus  de  vingt  jours  la  commodité  de  passer  à  Malte,  d'où  il  faisoit  estât 
de  s'en  venir  sur  les  galères  de  la  religion.  Je  ne  crains  que  le  retar- 
dement, attendu  que  le  premier  rendez  vous  pour  le  voyage  de  l'Infante 
estoit  au  moys  de  mars,  et  nous  sommes  desja  si  advancez  en  la  saison, 
que  vraysemblablement  on  remettra  ce  passage  à  l'automne,  pour  ne 
bazarder  cette  princesse  aux  grandes  chaleurs.  Oultre  que  s'il  est  vray 
que  le  Roy  d'Espagne  se  veuille  déclarer  contre  la  France,  comme  on 
dict,  il  n'y  a  pas  d'apparance  qu'on  expose  cette  princesse  aux  dangers 
où  elle  pourroit  estre  engagée  par  un  mauvais  temps,  qui  la  constraignist 
d'abborder  en  lieu  qu'elle  cust  voulu  esviter,  principalement  cette  année 
qui  a  esté  si  desreglée,  surtout  dans  la  mer,  où  il  est  plus  arrivé  de 
naufrages,  l'byver  dernier,  qu'il  n'y  en  avoit  eu  de  ao  ans.  La  bonne 

'  Sur  le  chanoine  Aiibert  Le  Mire,  voir  '  Peiresc  veut  parler  du  ^'<Kfc.r  (ion(i/ion«m 

1. 1,  p.  870  et  87  I.  piarum,  pnesertim  Belgicanmi  (Bruxelles, 

'  Donaliones  Belgicœ.  Libri  II  (Anvere,        16a  4,  in-4'). 
1639,  in-i").  '  Vol.  717,  fol.  44. 

i3. 


100  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629J 

fortune  de  Monsieur  de  Thou  ayant  esté  si  grande,  que  le  lendemain 
de  son  débarquement  à  Saragousse  de  Sicile,  ou  le  jour  suyvant,  le 
navii*e  du  cappitaine  Roubault,  sur  lequel  il  estoit  venu  d'Alexandrie 
d' (Egypte  jusques  à  Saragousse,  fit  naufrage  au  destroict  de  Messine, 
avec  telle  perte  que  les  marchands  intéressez  croyent  qu'ils  seront  bien 
heureux  si  du  saulvé  ils  peuvent  recouvrer  jusques  à  aB  pour  cent,  au 
lieu  que  s'il  fust  venu  à  bon  port,  ils  n'eussent  pas  laissé  leur  bonne  for- 
tune à  moings  de  doubler  leur  sort,  et  d'avoir  cent  pour  cent,  en  quoy 
Monsieur  de  Thou  et  tous  ses  serviteurs  ont  bien  de  quoy  loiier  Dieu 
qu'il  fust  sorty  si  opportunément  de  ce  navire,  tout  ce  que  je  regrette 
présentement  n'est  que  la  perte  des  lettres  qu'il  y  avoit,  je  m'asseure, 
de  sa  part  pour  vous  et  pour  moy.  Car  M' le  lieutenant  de  l'admiraulté 
de  Marseille  '  m'a  dict  avoir  apprins  qu'il  y  avoit  un  pacquet  de  lettres 
du  dict  sieur  de  Thou  adressé  à  luy,  qui  s'est  perdu ,  ce  qui  me  faict 
juger  qu'il  n'y  pouvoit  avoir  pour  luy  que  la  lettre  d'adresse,  et  que  le 
reste  debvoit  estre  à  vous  Mess"  et  à  moy,  encores  qu'il  ne  les  accuse 
poinct  dans  sa  lettre  de  Malte,  s'estant  yraysemblablement  fié  que  nous 
deussions  avoir  receu  cette  despesche  longtemps  devant  la  datte  de 
cette  lettre  du  5  avril.  J'ay  envoyé  faire  la  plus  exacte  recherche  qui 
sera  possible  à  Marseille,  chez  le  dict  cappitaine  Roubault  et  son  escri- 
vain,  pour  sçavoir  au  vray  s'il  n'y  avoit  point  de  bardes  de  M'  de  Thou, 
et  quelle  sorte  de  pacquet  estoit  celuy  que  M'  de  Thou  avoit  adressé 
au  dict  sieur  lieutenant  de  l'admiraulté. 

Je  n'ay  pas  à  ce  coup  icy  de  responce  à  vous  faire,  d'aultant  que  la 
dernière  staffette  qui  vient  de  Lyon  ayant  anticipé  son  arrivée  de 
3  jours,  je  receus  voz  dernières  lettres  du  h  may  assez  à  temps  pour 
y  respondre  conjoinctement  avec  celles  du  97  avril.  Seulement  vous 
diray  je  que  maintenant  que  les  pluyes  et  inondations  ne  sont  plus  cap- 
pables  d'arrester  les  ordinaires  et  empescher  que  ceux  du  mardy  n'ar- 
rivent à  Lyon  le  sammedy,  puis  que  vous  dictes  vous  estre  indifférant 
d'escrire  le  mardy  ou  le  vendredy,  elles  viendront  plus  fraisclies  du 

'  C'était  M.  de  Valbelle,  déjà  mentionné  dans  le  tome  I,  p.  fioo. 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  lOt 

mardy,  car  M'  de  Fetan  faict  lousjoiirs  sa  despesche  de  Provence  le 
dimanche. 

Nous  avons  icy  M'  l'Evesquc  de  Coustances',  incognito  ce  dict-ii. 
qui  arriva  liier  au  soir,  venant  de  Rome,  accompagné  du  sieur  Orsel, 
que  feu  M''  d'Herbault^  avoit  despesché  au  pape  de  la  part  du  Roy,  lors 
du  traicté  de  Suse.  Lundy  passé,M''  de  la  Trimouille  y  vint  de  Marseille 
et  s'en  alla  voir  M'  l'Archevesque,  et  aprez  tira  vers  Tarascon  à  son 
rendez  vous.  Les  trouppes  de  cavallerie  sont  encores  en  cez  quartiers 
là,  au  grand  regret  de  tout  le  2)aïs  qui  y  reçoit  une  bien  grande  foulle, 
sur  quoy  il  y  a  bien  du  discours,  pour  le  mal  entendu  d'entre  ceux  qui 
avoient  creu  le  pouvoir  empesclier,  mais  cela  seroit  trop  long  et  en- 
nuyeux. Vous  verrez  ce  qu'on  escript  de  Marseille  touchant  l'interdiction 
prétend  lie  du  commerce  de  France  faicte  en  Espagne  le  i  6  de  ce  moys 
ou  environ.  J'ay  receu  une  lettre  du  P.  Jean  François,  Provincial  des 
Minimes  de  ce  pais',  qui  est  allé  au  chappittre  gênerai  à  Barcellone, 
d'oii  il  m'escript  de  la  mesme  datte  du  1 6  may,  touchant  certaines  par- 
ticularitez  de  livres  dont  je  l'avois  chargé,  et  ne  dict  rien  de  telle 
interdiction,  et  quand  on  a  envoyé  approfondir  la  nouvelle  et  qu'on  a 
interrogé  touts  les  patrons,  matelots  et  autres  qui  en  estoient  venus 
sur  plusieurs  barques,  il  ne  s'est  trouvé  personne  qui  ayt  peu  dire: 
j'ay  ouy  faire  la  publication  des  deffences  du  commerce.  Mais  plusieurs 
estoient  d'accord  en  cela  de  l'avoir  ouy  dire  à  d'autres  qui  les  avoient 
asseurez  d'avoir  ouy  publier  l'interdiction.  J'ay  pêne  de  le  croire,  parce 
qu'on  ne  commance  pas  cousturaierement  par  là.  quand  on  veult  dé- 
clarer la  guerre  en  ce  temps  icy.  On  en  sçaura  bien  tost  la  vérité. 

J'ay  veu  citté  cez  jours  passez  un  Goronides  Dorotheus*  in  synopsi 

'  Fiéonor  Goyoïi  de  Matignon ,  qui  sic^gea  fol.  876 ,  une  lellre  de  Peiresc  an  R.  P.  Jean- 

du  mois  de  juillet  iGaû   au  mois  d'avril  François,  écrite  d'Aix  le  q6  fi^vrier  1639. 
t646,  devint  ensuite  évêque  de  Lisieux  et  '  Voir  le  Manuel  du  libraire,  au    mot 

mourut  le  a4  février  1680.  Josephus  Gorionides  seii  Jossiffon,  et,  si  l'on 

'  Voir,  sur  ce  secrétaire  d'Etat,   t.   I,  veut  beaucoup  de  détails  sur  cet  historien, 

p.  81 3.  In  Bibliotheca  Uebrœa  de  J  .-Chrislophe  WollT 

'  On  conserve  dans  le  registre  VI  des  nii-  (IFand)ourg,    1715,    h    vol.   in-à",   I.   I. 

nutes,  h   la    bibliothèque  de  Carpcntras,  p.  5o8-593,  et  t.  III. p.  387-.389).  Joseph 


102  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

«hronic.  apud  Serrarium',  dont  je  ne  me  suis  pas  encores  desjuné^.  Si 
c'est  chose  qui  se  trouve,  je  vous  suppiie  de  m'en  faire  avoir  un  exem- 
plaire et  un  bon  Apulée  ^  pour  donner  à  un  amy  qui  me  l'a  envoyé 
demander  de  bien  loing.  Ensemble  un  Julius  Obsequens  et  un  Festus 
Avienus,  si  vous  en  rencontrez  et  s'ils  peuvent  commodément  venir 
par  la  poste,  il  seroit  encore  meilleur. 

Vous  aurez  sceu  la  mort  de  ce  fjrandRoy  de  Perse  qui  avoittant  faict 
parler  de  luy*.  Si  tout  ce  qu'on  en  dict  est  véritable,  il  a  voulu  cou- 
lonner  sa  vie  d'une  action  bien  estrange  et  bien  mémorable,  car  on 
dict  que  quattre  jours  avant  que  mourir,  estant  en  pleine  santé,  au 
moins  sans  mal  apparent,  il  convoqua  tous  les  grands  de  son  royaulme, 
et  en  leur  présence  déclara  son  successeur  un  filz  de  son  fdz  puisné, 
jeune  prince,  mais  fort  valeureux,  et  lequel  il  avoit  desjà  veu  bien  faire 
dans  les  armées^.  Puis  se  desmit  de  l'empire,  [en  re]vestit  ce  jeune 
prince,  et  s'estant  levé  de  son  siège,  y  fit  asseoir  son  petit  filz  et  se 
prosterna  luy  mesmes  devant  luy,  et  luy  embrassant  les  jambes  luy  fit 
hommage  comme  si  ce  n'eust  esté  que  le  premier  de  ses  subjects,  et 
s'estant  levé  se  mit  au  dessoubs  de  luy,  et  dict  aux  autres  de  venir 
recognoistre  leur  Roy,  ce  qu'ils  firent  à  l'envy,  bien  ravis  de  cette  ac- 
tion. Au  partir  de  là,  ce  vieillard  s'alla  mettre  au  lict  disant  qu'il 
se  sentoit  mourir,  et  quattre  jours  aprez  rendit  l'ame  '^.  Je  vous  prie , 


Gorionides  est  un  rabbin  qui  écrivit  en  hé- 
breu une  histoire  des  Juifs  comme  supplé- 
ment à  celle  de  Flavius  Josèphe. 

'  Nicolas  Serarius,  né  à  Rarabervillers 
(Alsace)  en  i555,  entra  dans  la  compagnie 
de  Jésus  en  1672,  fut  pendant  vingt  ans 
professeur  à  VVurtzbourg  et  à  Mayence,  et 
mourut  dans  cette  dernière  ville  en  1609. 
Voir  dans  la  Bibliothèque  des  écrivains  de  la 
compagnie  de  Jésus  (t.  III,  col.  761-766) 
la  liste  des  ouvrages  de  ce  religieux  que 
Baronius  (Annales)  appelle  la  lumière  de 
l'Eglise  d'Allemagne. 

'  Nous  avons  déjà  trouvé  l'expression  se 


déjeuner,  pour  s'accommoder,  se  délecter,  dans 
le  tome  I,  p.  389. 

^  Un  bon  Apulée  avait  été  publié  quelques 
années  auparavant  :  Apuleii  Opéra  omnia, 
cum  Ph.  Beroaldi ,  Sleirechii  et  aliorum  noti»; 
ex editione  J.  Casauboni  (Lyon,  A.  de  Harsi, 
161/i ,  2  vol.  in-8°). 

'  Nous  avons  vu  plus  haut  (lettre  VU  )  que 
Schah  Abbas  était  mort  en  décembre  1 698. 

'  Ce  petit-fils  de  Schah-Abbas  prit,  en 
montant  sur  le  trône,  le  nom  de  Schah-Séfi. 
Il  régna  jusqu'en  i64i. 

"  Ces  curieuses  circonstances  ne  sont  point 
indiquées  dans  La  Perse  de  Louis  Dubeux. 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  103 

si  ies  advis  n'en  estoient  desja  de  pardelà ,  d'en  faire  adverlir  M'  de 
la  Motte',  afin  que  s'il  escript  à  M'  Gassendi,  il  luy  en  touche  quel- 
que mol,  car  il  l'aisoit  grand  cas  de  la  générosité  et  franchise  de  ce 
Prince  là. 

Aujourd'huy  l'on  a  assemblé  les  chambres  pour  diverses  occurrances, 
entr'autres  pour  voir  l'edict  du  i5  janvier  à  l'examen  duquel  on  tra- 
vaille par  commissaires  quelque  tenqjs  y  a.  Et  si  Messieurs  du  Parle- 
ment do  Paris  font  quelques  modifications  qui  se  puissent  voir,  nous  les 
verrions  bien  volontiers. 

Il  s'est  par  mesme  moyen  parlé  d'une  grande  entreprinse  de  la 
chambre  des  comptes,  laquelle  s'est  laissé  porter  à  faire  un  arrest  por- 
tant deffances  au  Throsorier  (qui  est  payeur  des  gages)  de  payer  les 
gages  des  présidants  et  conseillers  de  la  Grand  Chambre  du  Parlement, 
à  cause  que  la  cour  pour  travailler  à  un  procez  criminel  contre  des 
officiers  de  l'armée  qui  avoient  contrevenu  aux  ordonnances,  pour 
faire  exemple,  avoit  quitté  son  audiance  du  jeudy  et  l'a  voit  remise  au 
lendemain  qui  estoit  le  jour  ordinaire  de  l'audiance  de  Messieurs  des 
comptes  et  aydes,  à  sçavoir  le  vendredy  de  la  semaine  dernière,  et  par 
mesme  moyen  les  avoit  empeschez  de  tenir  la  leur,  attendu  que  les 
mesmes  odvocats  servent  à  l'un  et  à  l'autre  tribunal. 

On  a  délibéré  que  le  procureur  gênerai  du  Roy  poursuyvroit  la  cas- 
sation de  leur  arrest  etc.  et  que  soubs  le  bon  plaisir  de  Sa  Majesté  il 
seroit  enjoinct  au  dict  thresorier  de  payer  les  gages  des  présidants  et 
conseillers  de  la  cour  aux  termes  et  manières  accoustumés;  autrement 
qu'il  y  seroit  conslrainct  par  corps  ensemble  ses  cautions.  Le  voisinage 
du  Roy  nous  a  retenus  dans  la  modération. 

Plusieurs  eussent  désiré  de  passer  plus  oultre,  et  procéder  par  cas- 
sation de  leur  arrest,  et  par  lacération  d'iceluy,  pour  reparer  raff"ront 
et  l'injure ,  voire  par  constrainte  et  saisie  des  biens  de  ceux  qui  y  avoient 
opiné. 

Mais  la  plus  douice  et  la  plus  discrète  opinion  l'a  emporté,  afin  de 

'  François  do  la  Motlie-le-Vnyer. 


104  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

les  laisser  dans  leur  tort,  et  qu'ils  ne  soient  pas  en  peine  de  poursuyvre 
la  cassation  de  nostre  arrest. 

Cependant  on  leur  a  frappé  un  coup  bien  cuysant;  ils  avoient  un 
ancien  droict  de  petits  seaux  qu'ils  avoient  conservé  depuis  le  temps  des 
comtes  de  Provence,  qui  leur  valoit  de  bons  émoluments.  On  a  donc 
faict  arrest,  portant  que  confoi'mement  aux  ordonnances  qui  abolissent 
touts  cez  petits  seaux,  on  se  pourvoiroit  [auprez  de]  la  chancellerie  du 
Roy,  avec  deffences  à  touts  officiers  [qui  resideroient]  en  la  province, 
d'exploicter  aulcunes  commissions  venants  de  leur  part  soubs  les  dicts 
petits  seaux,  et  si  elle  n'estoit  scellée  en  la  petite  chancellerie  du  Roy,  à 
peine  de  suspension  de  leurs  charges,  et  à  tous  autres  d'y  déférer  soubs 
grosses  peines.  Ce  qui  augmentera  le  i-evenu  de  la  chancellerie  de 
plus  de  6  ou  5 00  [livres]  pour  le  moings;  c'est  pour  quoy  difficilement 
pareront  ils  à  ce  coup  là  et  auront  subject  de  se  repentir  d'avoir  de 
gayetté  de  coeur,  à  si  peu  de  subject,  attaqué  le  parlement  si  mal  à 
propos. 

H  me  reste  à  vous  dire  que  n'ayant  rien  de  quoy  grossir  mon  pacquet 
à  ce  coup  j'ay  envoyé  prendre  chez  M''  Fabrot  un  autre  libvre  de  son 
Théophile  et  à  la  première  commodité  nous  envoyerons  le  surplus,  car 
le  pacquet  eust  esté  trop  gros.  Il  attend  en  bonne  dévotion  l'espreuve 
que  luy  promettoit  le  sieur  Cramoisy,  et  encores  plus  impatiemment 
d'entendre  qu'on  y  ayt  mis  la  main  à  bon  essiant,  comme  je  vous  sup- 
plie de  l'en  faire  solliciter  un  peu.  Et  sur  ce  je  finis,  n'estant  pas  bien 
gaillard,  et  demeurant, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  a5  may  1699. 

Vous  aurez  une  petite  boitte  de  Rome  veniie  par  mer  de  la  part 
de  Dom  du  Puy.  Celuy  qui  l'a  apportée  dict  qu'il  a  demeuré  un 
moys  en  chemin  à  cause  des  vents  contraires,  et  qu'on  luy  a  dict 
qu'elle  est  pleine  de  grenes,  de  sorte  que  la  saison  sera  passée  de  les 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  105 

semer,  à  mon  grand  regret.  Cez  Messieurs  la  pouvoient  bien  avoir  en- 
voyée par  l'ordinaire  d'Avignon,  car  elle  seroit  à  Paris  long  temps  y  a. 
Vous  aurez  une  autre  coppie  des  Parelies  de  Rome  '. 


XXI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

ADVOCAT  EN  LA  COUR  DE  PABLEMBNT, 

BUE  DES  POICTEVINS  PREZ  SAINT  ANDRK  DES  kHTl  , 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Comme  je  prenois  la  plume  pour  vous  escrire  par  la  staffette  de  cette 
semaine,  il  passa  un  extraordinaire  de  Gènes,  qui  m'apporta  afforce 
lettres  de  Rome,  etmedictqu'il  s'en  retournoit  dans  deux  heures, et  que 
l'ordinaire  d'Avignon  estoit  arresté  là  pour  1 5  jours,  de  sorte  que  de  trois 
semaines  nous  ne  pourrions  espérer  autre  commodité  d'escrire  h  Rome, 
et  d'y  faire  tenir  le  Tertullian  de  M''  Rigault,  puis  que  j'en  avois  main- 
tenant la  permission  et  que  mon  homme  y  avoit  fourré  l'une  de  cez 
preffaces  que  vous  m'aviez  envoyées  dernièrement,  en  sorte  qu'il  n'y  a 
rien  d'indécent.  Je  quittay  donc  vostre  despesche,  pour  ne  perdre  l'oc- 
casion de  celle  là,  et  employay  tout  le  temps  à  escrire  à  Rome,  tant  à 
mon  dict  seigneur  le  cardinal  Barberin  et  au  R.  P.  Dom  du  Puy  à 
qui  j'adressay  le  livre  suyvant  l'ordre  de  l'autheur,  qu'à  aulcuns  autrey 
amys,  n'ayant  pas  encores  peu  lire  toutes  mes  lettres  de  Rome,  ains 
seulement  celle  de  M''  Holstenius  que  j'ay  creu  vous  devoir  communi- 
quer, et  celle  du  sieur  de  Bonnaire  qui  m'escript  du  xi  mars  une  bien 
affligeante  nouvelle  du  decez  du  pauvre  sieur  Aleandro  advenu  le  9"°**, 

'  Vol.  717,  fol.  47.  mort  (l'Aleandro  une  autre  lettre  de  Peiresc 

'  D'après  ce  formel  I(*moi(Tnajjc,  Aleandro  adress«fe  h  Christophe  Dupuy,  le  37  avril 

serait  décédd  deux  jours  plutôt  que  ne  l'in-  1  Gag ,  lettre  que  l'on  trouvera  h  la  fin  du  pré- 

diquent  les  Lio{jrnphe8,  les<juels  mettent  gé-  sent  volume,  dans  la  première  partie  de 

nérnlement  sa  mort  au  1 1  mars.  Voir  sur  la  V Appendice. 

II.  ti 


■  r*l«lkll    RATIO««LL 


106  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

n'ayant  esté  malade  que  xi  jours.  J'avois  trouvé  une  sienne  iettre  dans 
cette  despesche  du  28  febvrier,  avec  un  rooHe  des  oeuvres  m[anu]- 
s[crite]s  trouvées  à  Rome,  dont  il  avoit  arresté  le  prix  pour  raoy  à  une 
5o"''  d'escus,  mais  cela  fut  traversé,  en  sorte  qu'on  l'avoit  mis  à  plus 
de  100  escus,  et  le  fou  s'estoil  sur  cette  concurrance  persuadé  qu'il  en 
debvoit  avoir  3oo,  de  sorte  qu'il  ne  fauldra  pas  de  long  temps  penser 
à  cela.  Le  traicté  de  Fato  n'y  est  pas,  mais  il  y  en  a  bon  nombre  de 
bien  curieux  non  imprimez  et  un  dont  le  subject  n'est  pas  bien  esloigné 
de  celuy  là.  Je  n'ay  pas  eu  le  temps  de  le  bien  considérer  ne  faire  tran- 
scrire; ce  sera  pour  le  prochain  Dieu  aydant.  Cependant  pour  ne  perdre 
du  tout  l'occasion  de  vous  salliier,  je  vous  ay  voulu  faire  seulement  ce 
mot  pour  vous  dire  que  le  sieur  Aubray  m'escript  que  la  nouvelle  de 
Raguse  concernant  l'arrivée  de  M' de  Thou  s'estoit  trouvée  faulse, 
et  que  par  la  dernière  stafTette,  je  receus  voz  despesches  du  2  mars,  et 
ensemble  le  fagot  des  deux  exemplaires  du  TertuHian  petit  papier  de- 
meurez de  l'autre  foys.  Mais  il  n'y  avoit  poinct  d'epistre  liminaire  ni  de 
ce  carton  cotté  Q  dont  je  n'ay  receu  qu'un  seul  exemplaire  avec  les 
préfaces  que  m'envoyastes  l'autre  jour,  lequel  exemplaire  du  carton  je 
fis  insérer  au  libvre  du  cardinal  qui  est  party  cejourd'huy  pour  l'Italie. 
Comme  je  pensois  clorre  et  remettre  à  une  autre  foys  ma  responce  à 
voz  dernières,  on  m'est  venu  apporter  voslre  despesche  du  tS""^  fort 
bien  conditionnée,  mais  je  ne  la  sçaurois  lire,  la  staffette  ne  se  pou-' 
vant  plus  arrester,  et  l'ayant  arrestée  jusques  à  présent  avec  beaucoup 
de  peine. 

Vous  m'excuserez  s'il  vous  plaict  pour  à  cette  heure,  et  je  demeu- 
re ray, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix ,  ce  3 1  mars  1629'. 

'  Vol.  717,  fol.  49. 


[1629]  AUX  FRERES  DUPUY.  107 


I  I  ji|  iipwfifffap 


XXII 
À  MOIVSIELR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Vostie  (lespesche  du  xi  may,  arrivée  fort  bien  conditionnée  avec  les 
livres  et  papiers  qu'il  vous  avoit  pieu  d'y  mettre,  m'a  apporté  une  bien 
agréable  nouvelle,  comme  vous  dictes,  d'entendre  que  M' Rubens  l'ut  de 
retour  sain  et  sauve  d'un  grand  voyage,  mais  j'en  suis  bien  demeuré 
mortifié  me  voyant  Cruslré  de  l'espérance  que  j'avois  conceiie  de  le  voir 
icy  et  de  le  gouverner  quelques  jours,  pour  y  apprendre  mille  bonnes 
choses  que  je  me  promettois  de  pouvoir  apprendre  de  luy  en  luy  ex- 
posant mes  petites  curiositez.  Je  ne  doubte  poinct  qu'il  n'ayt  retenu 
quelque  grifl'onnement  de  cez  vieilles  figures  Persieimes,  dont  j'ay  veu  un 
peu  de  description  dans  une  lettre  missive  imprimée  in  8°  d'un  certain 
nommé  Figuera,  si  je  ne  me  trompe,  que  M"'  Bignon  me  monstra  au- 
tres loys.  S'il  lust  passé  par  icy,  nous  eussions  peu  voir  cela  entre  ses 
mains.  Le  sieur  Léger  m'avoit  parlé,  ce  me  .semble,  d'une  source  de 
fontaine  ou  de  petite  rivière,  dont  la  montagne  est  quasi  toute  taillée 
et  figurée  d'une  infinité  de  belles  figures,  et  si  ce  n'est  luy,  il  fault  que 
je  l'aye  ouy  racconter  à  ([uelque  autre  de  ceux  qui  ont  faict  ce  voyage. 
C'est  sans  doubte  que  dans  ces  païs  là ,  qui  ont  autres  fois  esté  si  puis- 
sants, il  fault  qu'il  y  soit  demeuré  de  belles  vestiges  '  de  leur  grandeur. 
Et  semble  que  le  terrain  de  cez  païs  là  ne  soit  pas  si  corrosif  que  celuy 
de  deçà,  car  les  médailles  et  figures  de  bronze  qu'on  apporte  de  tout 
ce  Levant  ne  sont  quasi  poinct  rouillées,  ne  les  marbres  rongez  de 
l'air.  C'est  pour  quoy  ce  qui  n'a  esté  brisé  volontairement,  se  doibt 
estre  beaucoup  mieux  conservé  que  parmy  nous.  Et  le  deffault  d'habi- 
tation a  empesché  de  ruiner  une  infinité  de  choses  qui  seroient  de- 
perics  par  l'usage  comme  nous  voyons  advenir  tous  les  jours  de  pardeça. 

'  Je  ne  connais  [>ns  d'autre  exemple  de  remploi  du  mot  vetttge  au  fiéminin,  emploi 
condnmnd  par  IVtymolojjie  ( vesliffium). 


108  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

Il  fauldrà  laisser  un  peu  recognoistre  M''  Rubens,  et  puis  le  sonder  sur  ce 
qu'il  en  aura  peu  observer,  et  mesmes  pour  les  thiares  et  habillements 
des  princes  et  deitez  de  cez  pais  là.  Je  vous  r'envoye  sa  lettre  avec  mille 
remerciments,  vous  estant  bien  redevable  de  la  communication  et  à 
luy  de  la  continuation  de  ses  bonnes  grâces.  Je  n'ay  pas  receu  son  pol-- 
traict,  car  l'interdiction  du  commerce  l'a  enclavé  quelque  part,  et  pos- 
sible dans  Anvers  mesmes,  comme  les  livres  que  vous  avez  à  moy,  et 
les  autres  portraicts  qu'il  vous  plaict  me  garder. 

Je  n'ay  pas  encores  peu  lisre  le  livre  de  Dom  Antoine  '  et  ne  doubte 
poinct  qu'il  n'y  ayt  de  bonnes  curiositez,  cependant  je  vous  en  remercie 
trez  humblement,  ensemble  des  autres  livres  et  papiers  singuliers  qu'il 
vous  a  pieu  d'y  joindre,  comme  aussy  des  libvres  d'Elzevir  que  vous 
avez  retenus  et  mesmes  des  livres  de  musique  par  le  moyen  desquels 
je  me  suis  dellivré  d'une  persécution  d'importance.  Le  pauvre  Morel^  a 
esté  bien  simple  de  ne  se  pas  estre  pourveu  des  catalogues  de  la  foire. 
Monsieur  le  Présidant  de  Lusson  m'a  infiniment  obligé  de  me  faire 
part  si  coniidammentdeson  registre.  Quand  je  n'aurois  que  la  seulle  es- 
critture,  ce  me  sera  tousjours  une  grande  faveur  et  un  grand  advantage. 
Mais  s'il  se  trouvoit  quelque  jeune  peintre  qui  voulut  y  desseigner  les 
figures  des  monoyes  qui  y  sont  aux  marges,  il  n'y  auroit  rien  à  désirer. 
Ce  n'est  pas  une  besoigne  oij  il  soit  requis  une  main  si  excellante,  car 
il  n'y  a  guieres  que  des  lettres  et  caractères  à  contrefaire,  à  quoy  est 
besoing  quasi  de  plus  de  patiance  que  de  sciance  de  peinture.  J'y  des- 
pcndrois  volontiers  une  petite  pièce  d'argent,  comme  pou rroit  estre 
une  douzaine  d'escus  ou  environ  plus  ou  moings.  Je  ne  craindrois  que 
le  temps  et  le  fauldroit  faire  fort  presser;  à  tout  le  moings  quand  on 
feroit  portraire  les  monnoyes  d'une  centaine  des  premières  années,  on 
pourroit  dire  d'avoir  le  meilleur,  car  les  plus  modernes  sont  assez  co- 
gneiies,  et  y  a  moyen  de  s'en  passer  si  la  coustance  ou  le  temps  y  sont 

'  Briève  et  sommaire  description  de  la  vie  Louis,  second  fils  du  roi  Emmanuel;  il  na- 

et  mort  de  Dont  Antoine,  premier  du  nom  et  quiteni53i  et  mourut  à  Paris  en  août  iSgS. 

dix-huitiesme  roy  de  Portugal,  etc.  (Paris,  ^  Le  libraire  parisien  si  connu,  dont  le  nom 

1639,  in-8°).  Dom  Antonio  eut  pour  père  revient  souvent  dans  cette  correspondance. 


[1629] 


AUX  FRERES  DUPUY. 


t09 


considérables.  L'autre  petit  recueil  de  vieilles  ordonnances  des  uionnoyes 
n'est  poinct  à  refuser  non  plus,  au  moins  d'en  avoir  l'inventaire,  car 
j'en  ay  prou,  je  m'asseure,  une  bonne  partie.  Mais  quand  il  n'y  en 
auroit  que  certain  nombre  que  je  n'eusse  poinct,  je  n'y  plaindrois  pas 
les  frais  du  coppiste,  n'estant  pas  de  si  grand  volume  ne  de  si  grande 
despancc.  Soit  que  M""  d'Aubray  vienne  ou  non  le  Roy  s'approcliant  de 
nous,  j'ospore  que  nous  aurons  moyen  de  vous  faire  tenir  la  cassette 
qui  est  demeurée  si  longuement  icy  inutile  et  les  voyages  de  Blanc' 
n'y  seront  pas  obmis  asseurement.  Au  surplus  je  vous  remercie  trez 
humblement  de  ce  qu'il  vous  a  pieu  m'escrire  touchant  le  grand  edict, 
que  nous  avons  veu  les  chambres  assemblées,  et  avons  colté  bon 
nombre  d'articles  pour  y  délibérer  chascun  à  part,  aprez  la  S'  Remy, 
car  avant  les  vacations,  il  est  malaisé  d'y  rien  faire.  Cependant  s'il  y  a 
moyen  de  rien  apprendre  du  destail  de  ce  que  Messieurs  du  Parlement 
de  Paris  trouveront  bon  d'y  faire,  vous  nous  obligerez  inPinimenl. 
Comme  aussy  au  cas  que  les  arrests  de  Thoulouze  et  Bordeaux  se  peus- 
sent  voir,  on  les  vcrroit  bien  volontiers. 

Ce  libvre  de  Dom  Antonio  pourroit  bien  passer  delà  les  monts  si 
nous  n'avons  rien  de  meilleur  entre  cy  et  le  prochain  ordinaire,  au- 
quel cas  je  vous  en  demanderay  un  autre  exemplaire.  Mais  si  nous 
avions  de  ceux  d'Elzevir,  je  crois  qu'ils  seroient  encores  mieux  receus, 
et  s'il  en  vient  quelqu'un  double,  on  y  aura  bien  moings  de  regret. 
Nous  n'avons  poinct  icy  de  nouvelles  que  vous  n'ayez  plus  certaines  que 
nous  de  la  prinse  de  Privas^.  On  attend  le  Roy  ;\  Marguerites  prez  de 
Beaucaire  ^  etNismes  pour  y  faire  commancer  le  siège.  Les  chevaux  de 


'  Vincent  Blanc  ou  Le  Blanc. 

'  a8  mai.  Voir  Mémoires  de  Bassompievre , 
l.  IV,  p.  43;  Lettres  du  cardiiialde  liichelieu, 
l.  IV,  p.  3!i3.  Le  fort  de  Toulon,  près  de 
Privas,  ne  se  rendit  que  le  99.  Il  faut  donc 
corriger  ce  passage  de  VArt  de  vérifier  les 
dates  (t.  VI  de  l'édition  in-8°,  1818)  :  -rLe 
i/i  mai,  il  [le  roi]  fait  investir,  par  le  mn- 
rtSclial   de  Schomberg,  la  ville  de  Privas, 


regardée  comme  la  plus  forte  place  des 
religionnairos ,  et  la  prend,  le  97,  avec  le 
château  de  Toulon.  » 

'  Marguerittcs  est  un  chef-lieu  de  canton 
du  département  du  Gaitl,  arrondissement 
de  Ntmes,  à  10  kilomètres  de  cette  ville. 
De  Privas  [h  juin),  Ix>uis  XIII  se  rendit  à 
Alais  par  Villeneuve- de -Berg,  Bargeac, 
Salindres. 


110  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

poste  ont  esté  envoyez  à  la  traverse,  pour  les  advenues  du  lieu  où  Sa 
Majesté  se  logera.  M''  l'Archevesque  partit  hier  pour  aller  à  la  cour  et 
promit  de  revenir  dans  3  semaines  ou  un  moys,  le  Roy  s'approchant 
de  nous.  J'ay  eu  un  peu  de  fiebvre  cez  jours  passez  qui  m'a  empesché 
de  le  gouverner  comme  j'eusse  possible  faict.  J  en  suis  maintenant 
quitte  grâces  à  Dieu  ,  mais  je  suis  demeuré  un  peu  foible.  Nous  sommes  | 

en  de  nouvelles  allarmes  bien  grandes  de  la  maladie,  laquelle  a  esté  1 

portée  par  un  prebstre,  venu  de  Grenoble,  à  un  bourg  nommé  Reillane  | 

à  sept  ou  8  lieues  d'icy  S  où  il  est  mort  cinq  ou  six  persones  dans  deux  î 

jours.  Elle  a  paru  en  mesme  temps  à  un  petit  village  nommé  Chêne-  | 

rilles  à  2  lieues  de  Digne  ^,  où  il  en  est  mort  aultant  dans  6  ou  5  jours.  'J 

L'un  et  l'autre  ont  esté  bouclez^  et  assiégez  par  les  voisins  en  mesme  | 

temps.  Ce  nous  sera  une  grande  grâce  du  ciel  si  nous  pouvons  nous  | 

en  garantir  cette  année  avec  cette  guerre,  mesmes  à  cause  de  deux  y 

régiments  que  le  Roy  a  donnez  à  lever  en   cette  province,  qui  sont  | 

cappables  de  mettre  le  mal  partout  si  Dieu  ne  nous  ayde.  Sur  quoy  y 

je  finiray  demeurant,  I 

Monsieur,  i 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 
DE  Peiresc. 

A  Aix,  ce  2  juin  1629  \ 


'  Heillanne  est  un  chef-lieu  de  canton  du  le  canton  de  Mées,  arrondissement  de  Digne, 

département  des  Basses-Alpes,  arrondisse-  à  18  kilomètres  de  cette  ville, 
ment  de  Forcalquier,   à  18  kilomètres  de  '  Boucler,   c'est-à-dire  fermer  l'entrée, 

cette  ville.  On  disait  autrefois  boucler  un  port,  comme 

^  Chéneriiles  est  une  toute  petite  com-  le  rappelle  le  Dicttomtaire  de  Trévoux. 
mune  (moins  de  1 00  habitants)  située  dans  '  Vol.  717,  foi.  53. 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  .       111 


XXIIl 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

À  PARIS. 

Monsieur, 

A  ce  coup  cy  je  vous  accuseray  la  réception  de  deux  despesches 
voslres,  non  seulement  de  celle  du  18  avec  l'Ovide  d'Elzevir'  et  les 
heures  grecques,  mais  aussy  celle  du  26  qui  a  anticipé  son  arrivée  de 
3  jours,  avec  l'Horace'^  et  l'Asinus  de  Heinsius',  le  livre  de  Sabatho'' 
et  une  infinité  d'autres  papiers  et  curiositez  les  plus  gentiles  qui  se 
puissent  voir,  le  tout  venu  fort  bien  conditionné  Dieu  mercy,  nonobstant 
la  précaution  extérieure  du  vinaigre,  qui  me  faict  vous  supplier  néant- 
moings  de  vouloir  tousjours  faire  mettre  une  bonne  feuille  de  macu- 
lature  par  dessus  vostre  fagot  et  par  dessoubs  voslre  enveloppe  pour 
esviter  plus  asseurement  que  rien  ne  se  puisse  gaster. 

J'aurois  mille  choses  à  vous  escrire  en  responce  de  voz  bienfaicts  et 
trez  agréables  entretiens,  mais  il  fauldrà  que  je  le  remette  à  la  prochaine 
semaine  à  mon  trez  grand  regret,  à  cause  que  l'on  m'a  desrobé  tout  le 
jour  à  ce  destiné,  et  que  l'on  me  faict  commancer  un  bain  durant  trois 
jours  pour  lequel  il  me  fault  certaines  petites  précautions  et  j'ay  creu 
que  vous  me  pardonneriez  comme  je  vous  en  supplie  trez  humblement. 
Seulement  vous  feray  je  les  remerciments  que  je  doibs  trez  humbles 
de  tant  de  signalées  faveurs  que  je  reçois  do  vous  et  de  voz  amys,  et 

'  P«6.  Ovidii  iVasonis  Opéra.  Daniel  Hein-  i6a3.  Voir  sur  les  deux  éditions  Les  Elte' 

sius  textum  recettsuit  (Leyde,  1639,  3  vol.  vier  de  M.  Alphonse  Willems,  p.  60  et  89  , 

in-16).  n°'ai5et3i5. 

'  Quintus  Horatius  Flaccus.  Accediint  nunc  *  Disserlatio  de  Sabbatho,  sive  de  verv 
Danielis  lleinsii  de  Satyra  Horatiana  libri  sentu  nique  %su  qmrli  pnrcepli ;  auctore  An- 
duo.  . .  (Ley<le,  1639,  t  vol.  in-16  divisé  tonio  YValteo,  S.  S.  Theologite  dociore el  pro- 
en  trois  parties).  /essore  in  Academia  Luffduno-Balaca  (Leyde. 

'  Laus  Asini  tertio  parte  auelior(Le^de ,  1698,   in-S").   Le   théologien    protestant 

1699,  in-Q/4).0n  sait  que  l'édition  originale  Antoine  de  Wale  naquit  à  Gand  en  1673  et 

de  celte  facétie  de  Daniel  Heinsius  est  de  mourut  à  Leyde  en  juillet  1689. 


112  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

en  contre  eschange  d'un  mauvais  entretien  que  vous  eussiez  eu  de 
nioy,  je  vous  envoyé  une  lettre  que  j'ay  reçue  du  sieur  P"  délia  Valle  à 
qui  j'ay  escript  ce  que  vous  desiriez  concernant  ses  relations  de  la  Géorgie 
et  ses  pérégrinations,  et  ay  accepté  son  offre  du  Pentateuche  Samaritain. 
Il  fauldra  que  vous  vous  donniez  un  jour  la  peine  de  voir  le  Père 
Maurin  de  l'Oratoire',  pour  contracter  cette  affaire,  et  voir  si  ceux  qui 
entreprennent  la  grande  Bible  s'y  pourront  accommoder  en  sorte  que 
le  gentilhomme  demeure  satisfaict.  M"'  Gassendi  m'en  avoit  souvent 
escript,  mais  vous  ferez  bien  plus  si  vous  voulez  et  sans  vous  incom- 
moder, par  l'entremise  de  vos  amys.  Cependant  vous  pourrez  voir 
l'eschantillon  qu'il  m'envoye  du  dict  Pentateuche,  et  les  Alphabets 
^Egyptiens,  que  j'ay  veu  trez  volontiers  et  où  il  y  a  quelque  chose  de 
bon  à  proffiter,  ce  me  semble.  Mais  il  y  fault  un  peu  de  loisir  pour  en 
parler. 

Je  vous  envoyé  encores  une  lettre  de  M""  Holstenius  que  je  vous 
supplie  de  ne  pas  monstrer  à  d'autres,  puis  qu'il  ne  le  désire  pas,  car 
avec  vous  il  n'y  a  moyen  de  rien  celer.  Vous  y  trouverez  de  jolies 
particularitez.  Il  sera  bien  content  à  mon  advis,  car  je  suis  enfin  venu 
à  bout  de  cez  m[anu]s[crit]s  lesquels  il  avoit  tant  à  cœur,  dont  j'ay  ar- 
resté  le  marché,  quoy  qu'un  peu  cher,  et  faict  le  payement;  il  n'y  a 
que  l'interdiction  du  commerce  qui  me  tient  en  peine  pour  les  pou- 
voir faire  venir.  Je  suis  bien  aise  que  le  registre  entre  deux  aiz  se  soit 
transcript  à  si  petits  fraiz,  car  je  m'attendois  à  aultant  d'escus  que  vous 
dictes  y  avoir  de  livres.  Les  monnoyes  qui  y  sont  représentées  sont 
imprimées  avec  les  pièces  mesmes,  passées  sur  la  fumée  de  la  chan- 
delle. M""  Aultin  en  avoict  faict  une  coppie  oi!i  il  avoit  apporté  la  mesme 
punctualité.  Mais  cela  seroit  malaisé  à  faire  faire  par  autres  que  ceux 
qui  sont  spécialement  curieux  de  cette  matière  et  qui  en  ont  faict  grand 
recueil.  Si  quelque  peinctre  pouvoit  en  prendre  un  peu  de  griffonne- 
ment,  quand  il  ne  feroit  que  prendre  la  grandeur  des  espèces  et  les 
lettres  qu'il  pourroit  imiter,  avec  un  peu  de  figure  de  la  croix  et  de  la 

'  Voir  sur  ie  père  Jean  Morin  le  tome  I,  p.  536. 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  113 

pille,  il  suffiroit  et  j'y  employerois  volontiers  de  l'argent,  comme  aussy 
au  registre  de  Lauthier,  principalement  de  celles  qui  se  trouvent  n'estre 
poinct  imprimeras  au  libvre  do  M""  Aiiltin  en  taille  de  boys'. 

Le  sieur  Vris  m'a  escript  deux  foys,  mais  je  ne  luy  sçaurois  de  ce 
coup  respondre  et  vous  supplie,  si  le  voyez,  luy  faire  mes  excuses  et  à 
cez  autres  Messieurs,  luy  estant  infiniment  redevable  du  soing  qu'il  a 
prins  des  portraicts  de  M'  Saulmaise  et  de  M' le  Beauclerc. 

Mon  frère  m'escri[(t  d'Avignon  que  le  nonce  avoil  receu  coppie  de 
la  ratification  d'Espaigne  pour  les  articles  d'Italie. 

.l'ay  prins  grand  plaisir  de  voir  toutes  les  lettres  escrittes  sur  la  pu- 
blication de  la  paix  d'Angleterre  \  k  cause  de  ce  qui  s'est  passé  de 
pardeça,  par  M""  de  Guise  contre  le  Parlement,  estant  luy  allé  dans 
l'église  métropolitaine  faire  chanter  un  Te  Deum  et  prinz  place  soubs 
un  grand  day  au  mitan  du  cœur,  au  mesme  lieu  où  le  Roy  avoit  faict 
mettre  le  sien  la  dernière  foys  qu'il  fut  icy.  Il  avoit  faict  semondre  la 
chambre  des  comptes  de  s'y  trouver,  en  absance  du  parlement  qui 
n'avoit  pas  de  commandement  du  Roy  d'y  aller,  et  avoit  respondu  que 
pour  cez  actes  il  ne  recevoit  les  commandements  que  de  Sa  Majesté. 
Mais  il  en  fust  esconduit  aussy  de  Mess"  des  comtes  encores  qu'il  eust 
offert  de  prendre  une  autre  place  et  de  se  contenter  de  leur  laisser  leur 
costé  libre,  et  se  mettre  de  l'autre  costé  où  ils  creurent  qu'il  les  auroit 
précédez  en  corps.  C'est  un  fort  long  discours  que  je  ne  vous  sçaurois 
faire  maintenant.  Tant  est  que  j'ay  esté  bien  aise  de  voir  qu'en  toutes 
cez  lettres  il  ne  se  parle  poinct  de  Te  Deum.  Vous  me  pardonnerez  si 
je  remets  à  une  autre  foys  cet  entretien,  demeurant. 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 
DE  Pbibesc. 
A  Aix,  ce  g  juin  au  soir  1639. 

'  Ce  livre  (le  Jcan-Baplisle  Hauitin ,  donl  rarissime  est  corn  pose  seulement  de  planches, 
on  trouve  la  description  dans  le  Manueldu  li-  '  Le  traité  de  paix  et  d'alliance  entre  la 

braire{[.\\l,]>.6o),csl'mliiu]é:  Figures  des  France  et  l'Angleterre  avait  élé  signd  le 

monnoyesdeFrance{tùi(f, in-li°).Ge\o\ume  a 4  avril. 

II.  i5 


114  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

Orfeuil  vient  de  passer  qui  dict  avoir  laissé  le  Roy  à  Alez  '  et  que 
tout  avoit  faict  joug  au  Roy^  excepté  Nimes  et  une  autre  place;  on  n'a 
sceu  dire  si  c'estoit  Anduze^  ou  bien  Uzez*. 

Je  vous  ay  recommandé  le  filz  de  M' Ollivier,  le  conseiller  de  ce  par- 
lement^, et  vous  réitère  le  compliment  le  plus  affectueusement  que  je 
puis,  et  de  voir  s'il  y  auroit  moyen  de  luy  faire  tomber  en  main  quel- 
que jolie  cause  à  playder  avant  que  s'en  revenir  de  pardeça. 

Le  Roy  assiège  S'  Ambruy  ®,  M"'  de  Marillac  a  preste  le  serment  de 
Mareschal  de  France'. 

L'advis  de  l'interdiction  du  commerce  d'Espagne  se  trouva  faulx  et 
avoir  esté  fondé  sur  une  autre  sorte  de  publication  qui  ne  regardoit  pas 
le  gênerai  des  nations,  ains  certaines  affaires  particulières*. 


'  Chef-lieu  d'arrondissement  du  dépar- 
tement du  Gard ,  à  45  kilomètres  de  Nimes. 
Le  9  juin,  Louis  XIII  n'était  pas  à  Alais, 
mais  auprès  d'Aiais,  à  Salindres,  qui  est  a 
10  kilomètres  de  cette  ville.  Voir  les  Mé- 
moires de  Bassompierre,  t.  IV,  p.  48.  La  ville 
d'Aiais  fut  investie  le  9  et  se  rendit  le  1 6. 

^  Le  Diclionnaire  de  Trévoux  rappelle  que 
Régnier  et  Brébeuf  ont  dit  -.faire  joug,  pour 
se  soumettre.  Littré  signale  celte  locution 
dans  les  Mémoires  de  Saint-Simon. 

'  Chef-lieu  de  canton  du  département 
du  Gard,  arrondissement  d'Aiais,  à  1 4  ki- 
lomètres de  cette  ville. 

*  Chef-lieu  d'arrondissement  du  dépar- 
tement du  Gard,  à  a4  kilomètres  de  Nimes. 

'  Sur  le  conseiller  Olivier  et  sur  son  fils , 
voir  1. 1 ,  p.  7 1 . 

'  Saint-Ambroix ,  chef- lieu  de  canton 
du  département  du  Gard,  arrondissement 


d'Aiais,  à  ao  kilomètres  de  cette  ville. 
Le  roi  n'eut  point  à  assiéger  Saint-Am- 
broix, car  la  place  se  rendit  aussitôt  que 
Louis  XIII  parut  devant  ses  murs.  Voir  les 
Mémoires  de  Bassompierre  (t.  IV.  p.  47) 
et  une  lettre  du  cardinal  de  Richelieu  à  la 
reine  mère,  du  8  juin  lôag  {Recueil 
Avenel ,  t.  III,  p.  387). 

'  Louis  de  Marillac  avait  reçu  le  bâton  le 
9  juin ,  d'après  Richelieu  qui ,  le  3  de  ce  mois , 
écrit  à  Anne  d'Autriche  (t.  III,  p.  336)  :  trLe 
roi  filhierM.de  Marillac  mareschal  de  France. 
Je  puis  asseurer  Voslre  Majesté  que  sa  re- 
commandation y  a  fait  plus  qu'aucune  autre 
chose.  D  D'après  les  Mémoires  de  Bassompierre 
(t.  IV,  p.  46),  ce  fut  le  dimanche  3  que  tie 
roy  fit  mareschal'de  France  M.  de  Marillac». 
M.  de  Chanlérac  {ibid. ,  note  4)  constate  que 
les  provisions  sont  datées  du  1"  juin. 

'  Vol.  717,  fol.  53. 


[1629J  AUX   FRÈRES  DUPUY.  It5 


XXIV 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 
À  PARIS. 

Monsieur, 

Je  m'en  vay  présentement  h  Marseille  faire  la  bien  veniie  à  M'  de 
Thou  qui  y  arriva  devant  hier  en  trez  bonne  santé  de  retour  de  son 
voyage  de  Barcelonne,  Maillorque ',  Sardaigne,  Sicile,  Malte  et  du 
Levant,  dont  Je  loue  Dieu  et  nio  conjouys  de  tout  mon  coeur  avec  vous. 
Il  laisoit  estât  de  repasser  encor  en  Italie,  pour  s'acquitter  de  sa  pro- 
messe envers  cez  Mess"  de  Rome,  et  particulièrement  pour  y  aller 
reprendre  M'  Aubery  lequel  l'y  avoit  longuement  attendu,  mais  nous 
luy  ferons  sçavoir  que  M'  Aubery  en  est  asseurement  party  depuis  le 
i3"*  de  may,  et  espère  que  nous  le  destournerons  de  ce  voyage,  non 
seulement  pour  la  mauvaise  saison,  mais  aussy  pour  l'amour  de  vous, 
et  abbreger  le  temps  de  son  absance  de  chez  luy.  Nous  y  allons  en  si 
bonne  compagnie,  que  je  ne  pense  pas  qu'il  nous  en  [)uisse  desdire, 
car  c'est  avec  M'  Haligre,  conseiller  d'Estat,  M'  le  Grand,  maistre  des 
requesles,  et  M'  le  Pelletier,  lesquels  m'ont  faict  l'honneur  de  faire 
penitance  deux  ou  3  jours  céans,  et  ont  rompu  leur  voyage  qu'ils 
s'en  alloient  faire  ailleurs  du  costé  de  la  S'"  Baulrae  de  Thou- 
lon,  pour  tourner  du  costé  de  Marseille,  et  aller  rendre  ce  compli- 
ment en  corps  de  députez  de  l'Académie  à  un  si  digne  chef.  Il  eust 
fallu,  pour  comble  de  mes  souhaicts,  que  vous  eussiez  peu  estre  de  la 
partie. 

Au  reste  vous  m'excuserez  bien  si  je  ne  respons  encor  à  ce  coup  à 
voz  dernières  lettres  que  j'accusay  par  la  dernière  staffette,  puis  que 
le  temps  que  j'y  avois  destiné  se  va  divertir  en  si  bon  employ,  et  si  je 
paye  d'une  si  bonne  monnoye  que  sera,  je  m'asseure,  la  lettre  ci- 
joincte  de  M'  de  Thou,  lequel  vous  pourra  bien  avoir  escript  de  Mar- 

'  C'est  Major(|ue,  la  plus  grande  des  iles  Baléares,  en  espagnol  Mallorca. 

i5. 


116  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

seilie,  mais  s'il  a  baillé  ses  lettres  à  quelque  marchand,  elles  passeront 
possible  soubs  l'enveloppe  de  quelque  correspondance  qui  n'ira  pas  si 
viste  chez  vous  que  le  pacquet  de  M''  de  Lomenie.  Il  passa  un  courrier 
par  icy  depuis  mercredy  au  soir,  party  de  Casai  puis  trois  jours,  lequel 
disoit  que  l'empereur  avoit  remis  le  siège  devant  Casai,  avec  2 5  mille 
hommes,  qui  y  dévoient  estre  dez  lors  qu'il  en  partit,  mais  l'ordinaire 
de  Rome  passa  hier  au  soir,  avec  lettres  de  Rome  du  2  juin  et  de 
Gènes  du  9™''  où  l'on  n'en  sçavoit  encores  du  tout  rien.  Ce  sera  une 
trez  mauvaise  affaire,  si  ce  divertissement  '  obligeoit  le  Roy  de  quitter 
un  si  beau  jeu  pour  retourner  en  Italie.  Dieu  punira,  s'il  lui  plaict, 
cez  canailles  d'Espagnols,  aussy  bien  que  noz  révoltez,  de  tant  de 
mauvaise  foy. 

Dom  du  Puy  m'escript  du  dernier  may,  et  M'  de  Bonnaire  du 
2  juin  qu'ils  n'avoient  eu  aulcunes  nouvelles  de  M'  de  Thou  et  qu  ils 
en  estoient  en  extrême  peine.  Il  n'y  a  rien  de  nouveau  en  leurs  lettres 
que  la  rattification  faicte  en  Espagne,  ce  dict  on,  des  articles  de  la 
paix  d'Italie  et  que  si  cela  s'achève  on  fera  des  cardinaulx  entre  lesquels 
on  parloit  de  M'  nostre  Archevesque^.  Mais  ces  choses  auront  bien 
possible  changé  de  face,  si  ce  n'est  que  Tadvis  qu'on  a  soit  véritable, 
que  les  Espagnols  veullent  refaire  la  paix,  aux  mesmes  termes  qu'elle 
est  conclue,  pourveu  qu'on  la  leur  laisse  faire  les  armes  en  main ,  pour 
reparer  l'infamie  passée.  On  disoit  que  Spinola^  estoit  passé  à  Gènes. 
Mais  de  là  on  n'en  a  rien  escript  icy  que  je  sçaiche ,  et  sur  ce  je  finis 
demeurant, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 

DE  Peibesc. 
A  Aix,  ce  16  juin  1629. 

Cez  Messieurs  vous  ont  voulu  escrire  en  corps  d'Académie  et  m'ont 

'  Pour  diversion.  —  '  Alfonse-Louis  du  Plessis-Richelieu  fut,  en  effet,  de  la  promotion 
de  1639.  —  '  Voir  surle  célèbre  général  le  tome  I,  Appendice,  p.  863. 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  117 

à  vive  force  faict  soubscrire  où  ils  ont  voulu  aprez  que  M'  Haligre  a 
tesmoigné  désirer  passionement  d'y  estre  aggregé. 

Le  Roy  est  encor  devant  Alez,  à  nostre  grand  regret'.  M'  de  Cas- 
tille  est  en  Avignon  malade  de  (iebvre  qu'on  tient  un  peu  dangereuse*; 

En  voulant  clorre  on  m'a  apporté  vostre  despesche  du  i"  juin  fort 
bien  conditionnée,  mais  je  n'en  sçaurois  voir  que  la  datte,  pour  ne 
relarder  cez  Messieurs  qui  veullent  se  mettre  en  carrosse.  M'  Haligre 
s'est  saisy  desja  du  Marmora  Arundelliana^  pour  me  laisser  cachetter 
cette  lettre  *. 


XXV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Voz  despesches  du  8  et  1 2  de  ce  raoys  de  juin  arrivèrent  hier  au 
soir  et  furent  trempées  dans  le  vinaigre  sans  mercy,  à  cause  de  l'aug- 
mentation des  bruicts  de  la  maladie,  mais  les  livres  de  Bourdeaux 
servirent  à  deffendre  voz  papiers;  celuy  de  Seldenus  fut  un  peu  attaint, 
mais  avec  la  laveure,  les  macules  sont  disparues.  Celuy  de  M'  Rigault 
estoit  si  bien  empacquetlé,  que  quand  il  eust  esté  dans  la  mer,  il  eust 
peu  se  garentir  longuement.  Il  fauldra  deziiorsmais  y  adjouster,  soubs 
l'enveloppe,  quelque  bonne  forte  feuille  de  maculatures  pour  ne  courir 
la  mesme  fortune.  Le  Julius  Obsequens  fut  en  mesme  temps  descousu, 
et  trempé  dans  l'eau  et  mis  en  presse,  et  s'est  bien  nettoyé  par  ce 
moyen.  Je  vous  remercie  trez  humblement  de  toutes  cez  belles  curiositez 
et  du  soing  qu'il  vous  a  pieu  d'avoir  de  me  retenir  les  livres  mentionnés 
en  vostre  lettre,  en  quoy  vous  ne  debvez  avoir  aulcun  regret,  ne  se 

*  Louis  XIII  entra  dans  la  ville  d'Alais  le  '  Pierre  de  Castille,  conlrAleiir  géainl 

17  juin,  le  lendemain  de  la  capitulation  des  des  finances,  gendre  du  président  Jeannin. 

habitants.  Il  partit  de  cette  ville  le  97  du  'Le  livre  alors  tout  récent  de  Selden, 

même   mois  (  Mémoire»  de    Bassompierre ,  comme  nous  l'avons  déjà  vu . 

t.  IV,  p.  5i),  '  Vol.  717,  fol.  55, 


118  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

pouvant  Taire  de  meilleur  choix  que  le  vostre.  Il  l'auldra  prendre  un 
peu  de  loisir  pour  voir  le  catalogue  de  la  foire. 

J'attends  aujourd'huy  céans  M' de  Thou  qui  voulut  aller  accompagner 
Mess"  Haligre ,  le  Grand  et  le  Pelletier  en  leur  pèlerinage  de  la  S'''  Baulme 
et  S'  Maximin,  et  partirent  de  Marseille  mardy  aprez  disner,  pour 
aller  coucher  à  la  Ciottal'  et  le  lendemain  à  Toullon,  touts  en  bonne 
santé,  grâces  à  Dieu,  ayant  eu  advis  de  leur  passage  en  touts  ces  lieux 
là,  et  qu'ils  dévoient  partir  de  S'  Maximin  à  ce  jourd'huy  aprez  desju- 
iier.  Je  m'en  vay  monter  en  carrosse  pour  aller  au  devant  d'eux  à  une 
lieiie  d'icy  ou  environ,  ce  qui  m'empeschera  de  vous  entretenir 
comme  je  desirerois.  Seulement  vous  diray  je  que  nous  fusmes  à  Mar- 
seille 3  ou  4  jours  ensemble,  où  nous  n'engendrasmes  poinct  de  me- 
lancholie*,  encores  que  la  mer  en  esprouvast  quelques  uns,  en  allant 
voir  le  chasteau  d'If  et  la  pesche. 

Je  receus  à  Marseille  les  3  opuscules  de  Villegas  qui  seront  cy 
joincts^,  ensemble  la  vie  de  Don  Juan  d'Austria  qui  est  in  h°iort  gros*, 
et  qui  ne  pourra  aller  qu'en  deux  foys.  Cependant  nous  verrons  s'il  y 
aura  moyen  de  la  parcourir.  Celuy  de  Portugal  ne  se  trouva  pas  à  Bar- 
cellone  ^,  mais  j'ay  donné  charge  de  le  faire  venir  du  lieu  mesme  de 
l'édition.  J'ay  bien  du  regret  de  ne  vous  pouvoir  respondre  à  tant  d'ar- 
rérages, mais  vous  estes  si  bon  que  vous  m'en  excuserez  encores,  s'il 
vous  plaict,  comme  je  vous  en  supplie  de  tout  mon  coeur,  espérant' 
([ue  la  semaine  prochaine  il  y  aura  plus  de  moyen  de  m'acquitter  de 
mon  debvoir  ou  au  pix  aller  la  suyvante  que  nous  serons  tout  à  faict 
hors  de  notre  parlement. 


'  Chef-lieu  de  canton  du  département  des 
Bouches-du-Rhône ,  à  35  kil.  de  Marseille. 

'  Littrë  n'a  cité  cette  locution  que  d'après 
le  Médecin  malgré  lui  de  Molière. 

"  On  connaît  plusieurs  auteurs  espagnols 
de  ce  nom.  11  doit  être  question  ici  d'Estevan 
Manuel  de  Villegas ,  surnommé  i'Anacréon  es- 
pagnol ,  né  à  Najera  en  1 696 ,  mort  en  1 669. 
Sur  ses  divers  recueils  poétiques,  voir  le  Ma- 


nuel du  Libraire  (  t.  V,  p.  1  a  38  ) ,  Y  Histoire  de 
ta  littérature  espagnole  de  Ticknor,  traduite 
par  M.  Magnabal  (t.  III,  p.  77-79,  90-96). 

'  Historia  del  Don  Juan  de  Austria  (Ma- 
drid, 1627,  m-l>°  ) ,  par  Lorenzo  van  der  Ham- 
men  y  Léon. 

'  En  cette  ville  avait  paru,  en  1572,  la 
Cronica  del  principe  Don  Juan  de  Austria  par 
Gosliol  (in-8'). 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  119 

M' de  Bullion  •  s'en  vient  tenir  les  estais  de  ce  païs  à  Tarascon.  M' le 
Premier  Présidant^  s'en  alla  hier  à  Marseille,  ensemble  M''  le  présidant 
Se{;uiran\  pour  entendre  de  la  bouche  de  M' de  Guise  certaine  créance 
à  laquelle  ils  estoient  renvoyiez  par  le  Roy  sur  le  subject  des  dicls 
estats,  où  l'on  veull  qu'ils  se  trouvent  l'un  et  l'autre,  ce  dict  on,  et  que 
M""  de  Bullion  y  préside.  Je  ne  pense  pas  qu'ils  s'y  puissent  accommo- 
der sans  quelque  autre  précaution.  Nous  sçaurons  tantost  le  subject  de 
leur  voyage,  Dieu  aydant,  car  ils  sont  de  refour  maintenant. 

M""  le  comte  de  Moret*  est  encor  en  cette  ville,  où  il  trouve  du  di- 
vertissement qui  n'est  pas  tant  hors  de  son  goiist. 

Nous  vismes  à  Marseille  une  barque  de  ce  païs  revenue  de  Lisbone, 
sur  laquelle  les  ofiiciers  de  la  justice  de  la  dicte  ville  avoient  faict 
pendre  aux  antennes  un  cousin  de  Ravaillac ,  trouvé  saisy  d'un  coul- 
teau  d'assassin  dans  son  bas  de  chausse  avec  lequel  il  s'estoit  vanté 
de  vouloir  tiier  le  fdz  de  celuy  que  son  cousin  avoit  tiié*.  C'est  une 
furieuse  manie.  Dieu  veuille  préserver  Sa  Majesté  de  telles  mains,  et 
nous  donner  une  bonne  paix,  demeurant. 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 

DE  Pbirbsc. 
A- Aix,  ce  93  juin  1699  en  basle. 

J'ay  receu  deux  deepesches  de  M'  Gassendi  du  a/j  may  et  i  juin, 
mais  je  n'y  [)uis  respondre  à  mon  grand  regret,  de  cette  foys.  Je  vous 
envoyé  l'advis  d'un  célèbre  astrologue  sur  les  parelies  dont  je  vous  prie 
luy  .l'aire  part,  quand  vous  l'aurez  veu,  croyant  bien  que  vous  n'en 
ferez  pas  si  grand  cas  comme  l'autheur  pense  que  l'on  doibve  faire. 

'  Sur  Claude  de  Bullion,  sieur  de  Bon-  *  Snr  Antoine  de  Bourbon,  comte  de  Mo- 

nelles,  alors   membre  du  conseil  (de[)uiR  ret,  voir  le  tome  I,  p.  «89. 
iQùk)  et  bientôt  surintendant  des  (inauc«s  '  Ce  |>arcnt  du  rëgicide  n'e«t  pas  niea- 

(i63a),  voir  le  tome  I,  p.  819.  tionné  dans  l'ouvrage  consacre  par  M.  Araé- 

'  Anne  de  Maynierd'Oppède.  dée  Callandreau  à  Ravaillac  et  à  sa  famille 

'  Sur  Henri  deStîguiran,  beau-frère  de  (Paris,  t884,  in-S"). 
Peiresc,  voir  le  tome  I,  p.  89. 


I 


120  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

J'ay  quelques  lettres  pour  M'  Rigault,  que  je  vouldrois  bien  accom- 
pagner des  miennes,  mais  il  me  pardonnera,  s'il  luy  plaict,  pour  cette 
semaine.  Je  feray  pourtant  ce  que  je  pourray,  le  remerciant  cependant 
de  son  Tertullian,  tant  que  je  puis.  Il  peut  envoyer  les  autres  exem- 
plaires quand  il  vouldrà  pour  Dom  du  Puy  et  autres  que  je  feray  tenir 
seurement,  estant  bien  marry  que  M"^  d'Orléans  •  le  soit  allé  attaquer, 
et  vouldrois  l'en  avoir  peu  destourner  2. 


XXVI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

ADVOCAT  EN  LA  COUR  DE  PARLEMENT, 
À  PARIS. 

Monsieur, 
Depuis  avoir  envoyé  ma  despesche  à  la  poste,  ayant  apprins  que 
M' le  Gouverneur  avoit  envoyé  retarder  l'expédition  de  la  stafFette  jus- 
ques  à  demain  au  matin,  j'ay  bien  voulu  vous  faire  cette  appendice' 
pour  vous  donner  advis  de  l'arrivée  de  M'  de  Thou,  et  de  cez  autres 
Messieurs  Haligre,  le  Grand  et  le  Pelletier,  en  trez  bonne  santé  Dieu 
mercy,  et  que  M""  de  Thou  a  prins  une  consolation  non  pareille  à  la 
lecture  de  voz  lettres  du  8  et  1  a"^  et  des  papiers  qui  y  estoient 
joincts,  ensemble  de  la  préface  de  M'  Rigault  sur  son  Tertullian, 
où  il  a  voulu  voir  le  chappitre  contentieux  entre  luy  et  M'  d'Or- 
léans, n'estant  pas  moings  scandalizé  que  moy  d'ouyr  dire  qu'il  y 
puisse  avoir  eu  du  mal  entendu  entr'eux.  Il  a  prins  aussy  grand  plaisir 
à  cez  Marmora  Arundelliana,  où  il  fault  advoiier  qu'il  y  ade  si  notables 
époques,  que  je  ne  pense  pas  qu'il  nous  soit  demeuré  un  plus  beau 
monument  de  l'antiquité  grecque  que  celui  là.  Pour  moy,  de  ce  peu 
que  j'y  ay  peu  jetter  les  ieux  j'en  suis  demeuré  infiniment  satisfaict.  Et 

'  Gabriel  de  l'Aubespine.  lit-on  dans  le  Dictionnaire  de  Littré,  a  varié, 

'■'  Vol.  717,  fol.  56.  et  on  le  trouve  souvent  féminin  d'après  le 

'  r- Ce  mot,  qui  est  aujourd'hui  masculin  ,        latin,  n 


[1629]  AUX  FRKRES  DUPUY.  121 

les  observations*  du  sieur  Seldenus,  où  j'ay  trouvé  qu'il  a  mani»i  un 
Pentalcuque  Sainaritain  d'un  Archevesque  d'Hihcrnie,  d'où  il  tire  de 
bonnes  cl  curieuses  consequances.  H  fault  que  celuy  du  P.  Sancv^soit 
tout  le  n)esme,  et  seroit  bon  de  vérifier  sur  l'eschantillon  que  je  vous 
envoyai  dernièrement  de  celuy  du  sieur  P"  délia  Valle,  si  ce  n'est  |)a8 
aussy  la  mesme  chose,  car  ce  gentilliomine  avoit  creu  que  la  langue 
n'en  lusse  pas  purement  hébraïque,  ains  une  version  en  dialecte  sa- 
maritain. Le  P.  Morin  aura  bien  tost  esclaircy  tout  cela.  On  vient  de 
nousasseurerdc  la  réduction  de  la  ville  d'Anduse,  de  Sauve'  et  autres 
d'allentour.  On  avoit  crou  que  ceux  d'Anduse  se  fussent  voulus  saisir 
de  M'  de  Rohan,  mais  cela  ne  s'est  pas  encores  bien  vérifia.  C'eust  esté 
une  prinse  d'importance.  Sur  quoy  je  finiray  pour  aller  boire  à  vostre 
santé  avec  cez  Messieurs,  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 
i>E  Pkiresc. 
A  Aix,  ce  27  juin  1699  aa  soir'. 


XXVII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Je  vous  accusay  par  la  dernière  stalTette  la  réception  de  voz  des- 
pescbes  du  8  et  1  2  de  ce  moys  et  l'arrivée  de  M""  de  Thou  en  cette 
ville,  venant  de  la  S'*Baulme  avec  Mess"  Haligre,  le  Grand  et  le  Pel- 

'  C'est-à-dire  :  ainsi  que  des  observations.  Saint-Malo  en  t63i  et  mourut  le  90  no- 

'  C'était  Achille  de  Harlai,  fds  de  Nicolas  venibre  iG46. 

lie  Harlai,  seigneur  de  Sanci  :  d'abord  abbé  '  Chef-lien  de  canlondu  déparlement  du 

de  Saiul-Benoit-sur-Loire,  de  Villeloing-,  de  Gaiil,  arrondissement  du  Vigan,  à  4o  kilo- 

Chasteliers,  il  fut  nommé  évoque  de  Lavaur,  mètres  de  Nîmes, 

et,  après  avoir  été  ambassadeur  en  Orient,  '  Vol.  717,  fol.  58. 
il  entra  dans  l'Oratoire,  devint  ëvéque  de 

II.  16 


122  LETTRES  DE  PEIRESC  [16'29J 

ietier,  lesquels  me  firent  la  faveur  de  s'arrester  encor  icy  trois  jours, 
mais  il  n'v  eut  pas  de  moyen  de  les  retenir  plus  longuement,  quelque 
instance  que  je  leur  en  fisse,  principalement  à  M"^  de  Thou,  car  pour 
les  autres,  ils  estoient  mandez  par  M' le  Garde  des  sceaux,  et  mesmes 
M' le  Pelletier  estoit  pressé  de  se  trouver  à  la  resolution  d'aflfaires  im- 
portantes à  cette  Province  auprez  du  roy,  c'est  pourquoy  je  les  laschois 
patiemment,  mais  pour  M'  de  Thou,  il  sembloit  que  toutes  cez  consi- 
dérations cessassent  et  qu'il  ne  me  deubt  pas  refuser  7  ou  8  jours,  car 
la  presance  des  autres  m'empeschoit  de  le  gouverner  et  entretenir 
selon  son  goust  particulier  comme  j'eusse  désiré.  Il  voulut  neantmoings 
partir  en  mesme  temps  que  les  autres,  et  s'en  retourner  à  Marseille, 
m'ayant  neantmoings  engagé  sa  parole  qu'il  reviendroit  icy  pour  l'amour 
de  moy  et  me  donneroit  quelques  jours.  On  me  donne  tous  les  jours 
de  ses  nouvelles  tandis  que  je  l'attends  en  bonne  dévotion.  Je  luy  fis 
voir  voz  dernières  despescbes  auxquelles  il  print  un  plaisir  non  pareil 
et  à  quelques  uns  des  livres  que  j'ay  receus  de  vostre  main  par  la  poste. 
H  raconte  des  merveilles  de  ses  voyages,  et  s'il  en  faisoit  jamais  une 
relation,  ce  seroit  toute  autre  chose  que  tout  ce  que  nous  en  avons 
jamais  veu  jusques  à  présent.  Il  me  dict  entre  autres  choses  de  trez 
belles particularitez  de  la  mer  rouge,  et  du  mont  de  Sinai,  où  il  vid  de 
trez  beaux  livres  grecs  m[anu]s[crit]s  où  il  souhaictoitbienla  sagacité  et 
patiance  de  M"'  Holstenius,  pour  y  distinguer  ceux  qui  nous  manquent' 
en  l'Europe  de  ceux  que  nous  avons.  Et  a  grande  envie  de  s'aboucher 
avec  le  dict  sieur  Holstenius,  pour  luy  donner  sur  ce  subject  des  in- 
structions importantes,  monstrant  d'ailleurs  d'avoir  tousjours  en  l'esprit 
animum  redeundi  •  vers  l'Italie  et  Rome,  bien  qu'il  aye  promis  assez 
solennellement  à  cez  Mess"  et  à  moy  de  n'y  songer  plus,  et  qu'il  s'en 
retournera  d'icy  à  Paris,  sans  autre  destour  que  de  la  cour.  Mais  j'ay 
peine  pourtant  de  me  le  bien  persuader,  et  vous  asseure  que  sur  un 
bruict  qui  vint  cez  jours  icy  de  l'arrivée  des  galères  de  Malte  à  Mar- 
seille, pour  repasser  en  Italie,  je  trembiois  que  la  commodité  et  les 

'  Le  désir  de  revenir,  l'esprit  de  retour. 


[1629]  AUX  FRKRES  DUPCY.  123 

habitudes  qu'il  a  prinses  ne  le  r'amenassent  en  Italie.  A  faulte  de  quoy, 
il  y  a  trois  de  noz  galères  qui  ont  eu  pour  mission  du  Roy  d'aller 
charger  A  Messine  (juehpies  soyes  des  Marseillois  qui  doivent  partir 
dans  le  inoys  prochain.  S'il  l'aict  guieres  plus  de  sesjour  à  Maj-seille  el 
qu'il  en  ayt  le  vent,  il  sera  malaisé  de  le  retenir.  Car  dans  ce  temps 
là  tout  le  pire  de  la  saison  mauvaise  de  Rome  sera  expiré  et  il  se 
pourra  arrester  quelques  jours  à  Florence  et  à  Gènes,  et  par  aprez 
s'en  retourner  en  France  par  l'Allemagne.  Je  feray  touts  mes  efforts 
pour  l'en  dissuader,  mais  s'il  ne  se  peust  esviter,  il  fauldra  bien  se 
consoler  à  plus  forte  raison  que  du  voyage  du  Levant.  11  me  resteroit 
beaucoup  de  choses  à  vous  dire  en  responce  de  voz  lettres  tant  les 
dernières  que  les  précédantes,  mais  nous  sommes  au  desgel  de  nostre 
parlement',  de  sorte  que  pour  expédier  quelques  pauvres  gents  qui 
sont  demeurez  en  arrière,  il  fault  que  je  remette  à  ce  moys  de  juillet, 
que  j'esperç  n'estre  poinct  de  service,  m'asseurant  que  vous  m'en  excu- 
serez cependant,  seulement  vous  diray  je  que  se  présentant  occasion 
pour  Rome ,  j'ay  envoyé  à  Monseigneur  le  Cardinal  Laus  Asini  de  Hein- 
sius  avec  ses  autres  opuscules,  attendant  d'en  avoir  quand  nous  pour- 
rons, comme  aussy  la  vie  de  Dom  Ant[onio]  de  Portugal,  qui  se  rem- 
placera bien  plus  facilement.  Je  n'ay  pas  veu  le  lieu  de  Serrarius  où  il 
citte  le  Goronides  Dorotheus  in  synopsi  chronicorum ,  mais  je  l'ay  veu 
allégué  à  la  marge  du  Chronicon  Alexandrinum,  en  divers  endroicls 
de  l'édition  de  Raderus^  in-^"  Monachii  1626,  page  869  où  il  cotte  la 
page  997  de  Serrarius  ad  Machabœos  et  ailleurs,  ce  me  semble,  car 
je  ne  le  sçaurois  maintenant  vérifier.  Nous  eusraes  icy  hier  M'  de  Bul- 


'  Si  je  comprends  bien  cette  métaphore , 
Peiresc  veut  dire  que  le  Parlement,  nprès 
avoir  dlé  un  peu  engourdi ,  s'est  remis  au 
travail  avec  bcaucotip  d'activité  et,  en  raison 
du  retard  (|ui  avait  été  apporté  à  l'expédition 
des  affaires,  est  plus  occupé  que  jamais. 

-  CÀrouicoH  alexandrinum,  ùleiHffiic aslro- 
nomicum  et  ecclesiaslicum. .  .  opéra  et  ttudio 
Mattk.  Raderi.  La  première  édition  est  de 


Munich,  161 5,  pet.  in-lt'.  L'éditeur  du 
Chronicon  Alexandrinum  ou  Chronicon  pat- 
chale ,  le  jésuite  Matthieu  Rader,  naquit  dans 
leTyrol,  à  Inichingen ,  eu  i56i  el  mourut  h 
Munich  en  déc"mbre  i634.  Voir  un  impor- 
tant article  sur  cet  érudit  dans  la  Biblio- 
thèque des  écrivains  de  la  Comptignis  de  Jésut 
(L  m,  in-foL,  1876,  col.  6-11). 


t6. 


124  LETTRES  DE  PEIRESC  [1G-29J 

lion,  qui  y  tinct  le  lict  tout  le  jour  disant  avoir  des  fiebvres  et  la  goutte, 
mais  il  n'a  pas  laissé  de  partir  à  ce  matin  pour  Marseille  oii  il  s'en  va 
voir  M'  de  Guise  qui  a  mandé  les  Estats  du  pais  à  Tarascon  au  i  o""'' 
où  M'  de  Bulion  a  charge  de  porter  la  parole  de  la  part  du  Roy.  L'on 
avoit  mandé  aux  deux  premiers  présidants  des  deux  compagnies  sou- 
veraines de  s'y  trouver  à  l'ouverture,  et  M"'  de  Bullion  entendoit  d'y 
présider  comme  plus  ancien  conseiller  d'estat.  Mais  on  n'a  pas  trouvé 
que  cela  fust  nécessaire  ne  tollerable,  n'ayant  jamais  esté  practiqué  en 
ce  pais,  que  le  premier  présidant  y  ayt  esté  précédé  par  autre  que  par 
le  gouverneur,  ne  qu'autre  y  ayt  porté  la  parole  que  luy  en  sa  pre- 
sance  hors  de  quelques  mots  que  le  gouverneur  a  de  coustunie  d"y 
prononcer  pour  compliments  au  commancement,  et  pour  attester  que 
ce  que  leur  va  dire  celuy  qui  le  suit  est  par  exprez  mandement  du  Roy; 
les  autres  qui  y  assistent  sont  coustumierement  des  trésoriers  de 
France  et  receveurs  des  deniers  du  Roy  aprez  celuy  qui  porte  la  pa- 
role. On  A  despesché  en  cour  sur  cette  dilliculté,  et  je  crois  que  noz 
premiers  présidants  seront  tenus  pour  excusez,  si  M'  de  Bulion  s'y 
trouve.  Sa  maladie  fut  honneste  prétexte  à  luy  de  ne  pas  sortir,  et  à 
M"' le  Premier  Présidant  de  l'aller  visiter  charitablement.  Je  m'y  trouvay, 
et  il  dict  à  M' le  Premier  Présidant  lors  qu'il  Ée  reliroit  qu'il  ne  n)an- 
queroit  pas  de  l'aller  voir  chez  luy.  Je  ne  scay  pourtant  s'il  l'a  veu  à  ce 
matin  avant  que  partir.  Au  reste  nous  sommes  tous  en  grande  al- 
larme  de  ce  que  la  maladie  a  commancé  de  paroistre  dans  la  ville  de 
Digne  et  en  deux  ou  trois  autres  villages  d'allentour',  de  sorte  que  l'on 
vient  de  faire  arrest  pour  les  faire  blocquer,  et  de  suspendre  pour  vingt 
jours  le  commerce  de  touts  les  lieux  circonvoisins  qui  sont  à  trois 
lieues  à  l'entour  des  uns  aux  autres,  pour  voir  s'il  n'y  aura  poinct  eu 
de  communication  qui  eust  peu  apporter  du  mal  ailleurs.  Dans  le  vil- 

'  Sur  la  peste  qui  ravagea  celte  ville  el  pitre  vi  intitulé  :  De  l'air  et  de  la  pesle  de 

les  environs,  voir  le  récit  de  Gassendi  dans  iGaQ,  est  très  curieux  et  très  émouvant, 

sa  Notice  sur  l'église  de  Digne,  traduite  par  Gassendi  déclare  qu'il  tenait  les  détails  qu'il 

Firmin   Guichard   (Digne,    i845,   in-ia,  fournit  sur  le  fléau,  du  savant  docteur  Lau- 

p.  ii-ig).  Ce  récit,  qui  remplit  tout  le  eba-  taret,  lequel  donna  ses  soins  aux  pestiférés. 


|1029|  AUX  FRÈRES  DUPUY.  125 

liifjc  (l(!  Ghenerilles  qui  fut  attaint  le  moys  pass^;,  tout  y  est  mort  ii 
trois  seules  [lersones  prez  et  médecins  et  cirur}fiens  et  tout  sans  remis- 
sion. A  Reillane  il  y  a  desja  plus  de  soixsante  morts  de  la  maladie;  ce 
sera  un  {jrand  miracle  si  tout  ce  pauvre  pais  ne  s'embrase  avec  celte 
convocation  des  Estats  sans  laquelle  nous  avions  de  besoing  de  sus- 
pendre la  communication  de  lieu  à  autre  quasi  par  toute  la  province 
pour  laisser  paroistre  le  mal  là  où  il  peult  avoir  esté  porté  insensible- 
ment. Jamais  la  j)aix  ne  vint  plus  à  propos  que  fera  celle-cy,  dont  on 
nous  donne  tant  d'espérance.  Je  prie  à  Dieu  de  la  vouloir  accellerer  le 
plus  que  faire  se  pourra,  et  sur  ce  je  finis  demeurant. 
Monsieur, 

vostrc  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  39  juin  au  soir  1699  '. 


XXVIII 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Celle  cy  sera  encor  aussy  courte  que  mes  précédantes  et  faicte 
aussy  à  la  liaste,  pour  ne  rompre  guieres  la  compagnie  que  je  doibs  à 
IW'  d'Aubray  et  h  M'  de  la  Hoguette  ([ui  arrivèrent  céans  devant  liier 
fort  opportunément  l'un  par  le  chemin  d'Avignon  et  l'autre  par  celuy 
do  Tarascou,  sans  sçavoir  l'un  <le  l'autre.  Je  ne  vous  sçaurois  exprimer 
le  contentement  que  ce  m'a  esté  ne  combien  cela  a  servi  à  me  consoler 
du  tort  que  M''  de  Thou  nous  avoit  faict  à  trez  touls,  en  meslant  noz 
plaintes  communes  et  particulières,  car  M'  d'Aubray  le  venoit  voir  icy 
pensant  le  trouver  encores  céans.  Il  croid  que  ce  pourroit  bien  estre 
quelque  vœu  faict  dans  les  dangers  du  voyage  de  Levant  qui  poinToit 

'  Vol.  717,  fol.  59. 


126  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

avoir  engagé  M'  de  Thou  à  ce  voyage  de  Rome  avant  que  se  retirer. 
Pour  moy  je  ne  l'impute  qu'à  un  scrupule  de  s'acquitter  de  sa  parole 
envers  cez  Mess".  Au  reste  la  douceur  de  la  conversation  de  mes  hostes 
est  telle  que  rien  ne  la  sçauroit  esgaler  ou  meliorer  que  si  nous  avions 
l'honneur  de  vous  y  pouvoir  tenir  l'un  ou  l'autre.  Cependant  nous 
vous  V  avons  bien  souhaicté,  et  ce  n'a  pas  esté  sans  parler  de  l'acadé- 
mie ,  et  implorer  du  ciel  toutes  ses  grâces  pour  vostre  santé  et  pros- 
périté. 

M'  de  la  Hoguette  fut  un  peu  surprins  quand  je  luy  dis  que  M'  Gra- 
nier'  songeoit  à  donner  au  public  cez  escripts  du  chancellier  Baccon, 
et  me  dict  qu'il  vous  en  escriroit  pour  vous  conjurer  de  l'empescher, 
n'estimant  pas  que  cela  soit  tollerable  pour  ne  prostituer  la  réputation 
de  l'autlieur,  qui  s'en  estoit  fié  à  luy  et  ne  luy  avoit  baillé  que  des 
choses  informes  et  non  digérées.  Je  luy  ay  remonstré  que  cela  se  pou- 
voit  aulcunement  reparer  par  un  adverlissement  au  lecteur  qui  tes- 
moignast  le  larrecin  en  la  forme  qu'il  a  esté  faict,  mais  il  ne  s'en  paye 
pas,  et  crois  que  vous  luy  ferez  grand  plaisir  d'enipescher  ce  coup  la. 

M"  nostre  Gouverneur  partit  hier  de  Marseille  pour  aller  voir  le 
Roy,  sans  passer  par  cette  ville,  croyant  trouver  Sa  Majesté  à  Beau- 
caire.  On  assure  que  ceux  de  Nismes  ont  enfin  crié  vive  le  Roy;  si  cela 
n'est,  je  crois  bien  qu'jl  ne  sçauroit  tarder^  puis  que  les  autres  sont  à 
leur  debvoir,  qui  n'est  pas  un  petit  miracle,  aussy  bien  que  de  voir  que 
la  maladie  ne  se  soit  poinct  encores  mise  dans  l'armée  du  Roy.  Nous 
ne  sommes  pas  si  heureux  en  ce  pais  icy  où  elle  faict  bien  du  progrez 
du  costé  de  Digne,  en  sorte  que  nous  allons  mettre  des  bornes  à  la  ri- 
vière de  Verdon  et  de  Durance,  pour  exclurre  le  commerce  de  tout  ce 
qui  est  au  delà,  avec  le  reste  de  la  province,  et  Dieu  sçait  si  nous 

'  Auger  de  Mauléon,  sieur  de  Granier,  let]  les  desputés  de  Nismes  vindrent  trailter 

l'éditeur  des  Mémoires  de  Villeroy,  des  Mé-  tout  le  matiu  avec  Monsieur  le  Cardinal. .  . 

moires  de  Marguerite,  des  Lettres  du  car-  Le  jeudy  5"'  Monsieur  le  Cardinal  et  M'  de 

dinal  d'Ossat,  etc.  Voir  sur  lui  le  tome  I,  Montmorency  ammenèrent  les  desputés  de 

|).  355.  Nismes  quy  (irenl  leurs  soumissions  au  Roy- 

*  On  lit  dans  les  Mémoires  de  Bassom-  Le  vendredy  6""  on  publia  la  paix  à  Msmes 

pierre  (t.  IV,  p.  52)  :  «Le  mardy  3""  [juil-  et  y  fit-on  les  feux  de  joye. " 


(1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  127 

nous  en  pourrons  garentir.  Cependant  M'  d'Aubray  se  charge  de  la 
cassette,  pour  la  faire  tenir  comme  des  choses  du  train  de  ia  cour  eu 
voz  quartiers. 

Je  vous  envoyé  une  lettre  du  cardinal  Barberin  toute  de  sa  main 
où  vous  verrez  ce  qu'il  me  respond  à  la  proposition  que  je  luy  avois 
faicte  de  subroger  M'  Ilolstenius  au  soing  de  la  publication  des  pos- 
tumes  du  feu  sieur  Aleandro,  et  une  lettre  du  dicl  sieur  Holstenius 
bien  gentile  aussy.  Jene  les  avois  pas  receues  par  l'ordinaire  d'Avignon, 
ains  par  celuy  de  Lyon,  de  sorte  que  le  tout  passa  dans  le  vinaigre, 
avec  le  livre  que  le  cardinal  y  avoit  faict  joindre  des  Hymnes  cor- 
rigez, lequel  je  vous  euvoyeray  par  le  premier  ordinaire,  afin  d'y  pou- 
voir un  peu  jetter  les  yeux  entre  cy  et  là  si  tost  qu'il  sera  sec,  car  il 
l'a  fallu  relaver  à  cause  du  vinaigre.  Je  crois  bien  que  vous  aurez  en 
reconnnandation  les  lettres  cy  joinctes  que  je  vous  envoyé  de  Mess" 
d'Aubray  et  de  la  Hoguette  sans  autre  semonce,  ils  sont  aprez  à  les 
clorre.  Et  ne  me  veullent  pas  accorder  de  s'arrester  encores  demain, 
pour  attendre  mon  frère  qui  doibt  estre  de  retour  d'un  petit  voyage 
qu'il  estoit  allé  faire  depuis  sa  veniie  de  la  cour,  vers  M'  de  Guise  à 
Marseille  et  de  là  à  Beaugentier.  J'espère  pourtant  de  les  retenir,  veuil- 
lent ils  ou  non  et  de  boire  encores  à  vostre  santé  avec  cez  Mess",  mon 
frère  estant  de  la  partie,  sur  quoy  je  finis  demeurant, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  samedy  au  soir  7  juillet  1699  en  haste. 

J'oubliois  de  vous  dire  que  le  sieur  Suarea  m'escript  de  la  mesme 
datte  du  1"  juin  que  les  vers  de  Borbonius  et  de  Sirmondus'  ont  esté 
veus  par  le  Pape  et  le  Cardinal'^  à  Castel  Gandolfo^,  lesquels  les  ont 
trouvez  excellants,  et  me  mande  que  le  dict  sieur  Cardinal  m'envoye 
cez  Hymnes  sacrez  par  commandement  de  Nostre  Saint  Père  et  y  ad- 

'  Les  vers  sur  la  prise  de  la  Rochelle.  —  '  Urbain  VIII  et  Fr.  Barberini.  —  '  A  1 7  ki- 
lomètres de  Rome,  sur  le  lac  Albano. 


128  LETTRES  DE  PEIKESC  [1629] 

jousle  un  distique  iaicl  par  Sa  Sainteté  sur  ceux  qui  joiient  de  la  harpe 
et  chantent,  en  cez  termes  : 

Pierios  modulos  digili  sine  voce  loquunlur 
Duni({ne  canunt  certaiis  provocat  ora  inanus. 

Je  ne  vous  envoyé  pas  sa  lettre  à  ce  coup  afin  de  pouvoir  respondre 
au  préalable  h  tout  plein  de  divers  chefs  qu'il  y  a  auxquels  eschoit  res- 
ponce.  Il  dict  entr'autres  que  M"'  Holstenius  me  vouloit  escrire  concer- 
nant le  mot  TRITVRHI,  mais  qu'il  doubte  s'il  le  pourroit  faire  lors, 
estant  fort  affairé  depuis  la  nouvelle  qu'il  avoit  eue  de  l'heureuse  issiie 
de  la  prevosté  d'Ambourg  à  luy  conférée  par  Nostre  Saint  Père  à  la  re- 
queste  de  Monseigneur  le  Cardinal,  la  recommandation  duquel  avoit 
esté  si  puissante,  que  l'Empereur  sans  avoir  esgard  aux  prétendants 
trez  nobles,  l'a  préféré  et  agréé,  dont  je  pouvois,  dict  il,  me  resjouyr 
avec  luy.  Je  crains  que  cette  occasion  ne  le  fasse  retirer  de  Rome,  dont 
je  ne  serois  pas  tant  marry,  s'il  avoit  au  préalable  veu  un  peu  à  sou- 
haict  les  m[anu]s[critjs  du  Vatican,  possible  sera  ce  pour  le  mieux. 

11  me  reste  à  vous  adresser  les  papiers  de  ce  gentilhomme  de  Ma- 
dame la  Comtesse,  à  qui  je  pensois  faire  responce,  mais  la  lettre  qu'il 
m'avoit  escritte  s'est  esgarée  entre  mes  papiers,  en  sorte  que  je  ne  la 
sçaurois  retrouver  maintenant.  Je  tascheray  de  la  retrouver  pour  y  sa- 
tisfaire; cependant  vous  luy  pourrez  faire  rendre  ce  qui  le  touche  afin 
que  le  temps  ne  luy  nuise,  et  l'asseurer  de  mon  service,  aussy  bien 
aurois  je  peine  de  l'entretenir  à  ce  coup.  L'homme  de  qui  je  luy  avois 
parlé  l'a  servy  fort  franchement  et  fidèlement,  et  mérite  qu'on  y  ayt 
esgard  selon  qu'il  a  daigné  l'en  asseurer. 

Je  ne  sçaurois  non  plus  escrire  à  Madame  de  Rreves,  à  laquelle  je 
vous  prie  de  faire  cependant  tenir  le  paquet  et  lettre  cy  joincte  ^ 

'   Vol.  717,  fol.  62. 


[1629]  AUX  FRÈRRS  DUPUY.  129 


XXIX 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 
À  PARIS. 

Monsieur 
Ce  mot  à  la  haste  dans  les  incommoditez  de  la  cour  en  logement 
emprunté,  n'est  que  pour  accompagner  la  lettre  cy  joincte  de  M'  Gas- 
sendy  laquelle  debvoit  accompagner  un  fagot  de  ses  escripts,  lequel  je 
baillay  fort  inopinément  à  M""  Haligre  et  à  M' le  Pelletier  sans  y  pou- 
voir adjouster  une  lettre  de  deux  lignes,  à  quoy  je  satisferay  mainte- 
nant par  une  commodité  de  l'un  des  siens  que  je  viens  de  rencontrer 
inopinément,  lequel  s'en  va  le  suyvre.  Mais  je  ne  vous  sçaurois  entre- 
tenir, d'aultant  que  l'homme  veult  partir.  Seulement  vous  prieray  je 
de  faire  advertir  M"^  l'Huillier  ou  M'  de  la  Motte  en  son  absance,  que 
vous  avez  ce  pacquet  du  dict  sieur  Gassendy  et  que  vous  estes  prest 
d'en  suyvre  les  ordres  que  M""  Gassendy  en  aura  donnez.  Et  si  le  dict 
sieur  l'Huillier  s'en  alloit  en  Flandres,  il  les  pourroit  porter;  sinon  il 
fauldra  attendre  les  commoditez  qui  vous  pourront  estre  indiquées  par 
le  dict  sieur  Gassendi.  Car  cez  pièces  luy  sont  si  chères,  que  je  ne 
suis  pas  d'advis  de  les  confier  à  autre  qu'au  dict  sieur  l'Huillier,  s'il  n'y 
en  a  ordre  bien  précis.  Excusez  moy  de  cette  peine,  ^ious  avons  veu 
icy  M""  de  la  Hoguette,  qui  est  tousjours  le  plus  courtois  et  le  plus  obli- 
geant homme  du  monde,  et  M'  Sanguin,  vostre  parent,  qui  nous  est 
venu  si  à  propos  que  sans  luy,  qui  nous  a  desparty  son  logement  par 
pitié,  tous  noz  députez  du  Parlement  qui  estoient  venus  pour  sallûer 
le  Roy  demeuroient  logez  dans  les  rues.  Et  il  ne  se  contenta  pas  de 
nous  céder  son  logis  et  son  lict,  mais  il  nous  y  fit  apporter  de  chez 
le  Roy  de  quoy  vivre  et  à  disner  et  à  soupper  le  premier  jour  de  nostre 
arrivée,  si  magnifiquement  qu'il  ne  se  pouvoit  rien  faire  de  plus  ex- 
quis. II  est  merveilleusement  honneste  et  bien  faisant,  et  est  bien 
vostre  parent  de  ce  costé  là.  Le  Roy  entra  en  cette  ville  mardy  au 
II.  17 

IWBlHEftlS    UTIABAIC, 


f30  LETTRES  DE  PEIRESG  [1629] 

soir  S  et  croid  on  que  les  députez  de  Nismes  le  viendront  aujourd'huy 
prier  d'aller  voir  la  leur  et  qu'il  s'y  en  ira  demain  ^.  M'  le  conte  est 
tousjours  bien  mal,  et  si  Dieu  ne  faict  résister  et  agir  puissamment  la 
jeunesse,  il  court  grandissime  fortune  de  la  vie^.  Je  receus  avant  que 
partir  d'Aix  vostre  despesche  du  26  juin  fort  bien  conditionnée,  mais 
je  differeray  d'y  respondre  par  l'ordinaire;  aussy  bien  ne  crois  je  pas 
que  cette  lettre  puisse  aller  guieres  viste,  et  sur  ce  je  finis  demeu- 
rant, 

Monsieur, 

vostre  Irez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Uzez,  ce  12  juillet  1639  en  haste  '. 


XXX 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Nous  voicy  enfin  de  retour  sains  et  sauves  du  petit  voyage  de  la 
Cour  que  nous  sommes  allez  faire  du  costé  d'Uzez  et  de  Nismes  où 
Mess"  de  nostre  compagnie  voulurent  que  je  me  trouvasse  entre  leurs 
députez  pour  salliier  le  Roy  et  Mess"  les  Ministres.  On  nous  avoit 
rendu  à  l'advance  de  mauvaises   charilez,  mais  nous  ne  laissasmes 


'  On  lit  dans  les  Mémoires  de  Bassom- 
pierre  (t  IV,  p.  53 ,  54)  :  (rCeux  d'Usés  vin- 
drent  [à  Beaucaire]  prier  le  Roy  d'aller  en 
leur  ville,  à  quoy  il  se  résolut.  .  .  Le  mardy 
10"*  M'  de  Ghomberg  et  nioy  vînmes  le  ma- 
lin à  Uses  pour  donner  les  ordres  nécessaires. 
Le  Roy  y  arriva  le  soir,  s 

'  Nous  lisons  dans  les  mêmes  Mémoires 
(p.  54):  ffLe  vendredy  1 3'°' nous  eûmes  les 
ostages  de  Nismes,  et  leurs  députés  vindrent 


supplier  le  Roy  de  vouloir  honorer  leur  ville 
de  sa  présence.  Le  samedy  1  k°"  le  Roy  vint 
h  Nismes;  il  fut  fort  bien  reçu;  puis  il  alla 
voir  les  arènes.  » 

'  Ce  fut  le  13  juillet,  selon  Bassom- 
pierre  (ibid.),  que  Louis  de  Bourbon ,  comte 
de  Soissons,  rrfut  à  l'extrémité  de  sa  ma- 
ladie». Il  commença ,  le  dimanche  1 5 ,  à  aller 
mieux. 

'  Vol.  717,  fol.  64. 


[1629] 


AUX  FRERES  DUPUY. 


131 


pas  (l'y  trouver  Irez  bon  accueil.  Je  vous  escrivis  par  M'  d'Haligre  el 
vous  adressay  un  petit  fafjol  des  papiers  de  M'  Gassendi  et  crois  que 
vous  l'aunîz  vcu  à  Paris  avec  M''  le  Pelletier,  avant  la  réception  de  ia 
presante.  J'escripvis  encor  un  mot  à  M'  de  Lomenie  avant  que  partir 
d'Uzez  à  l'indication  que  me  fit  M'  Lucas'  d'une  commodité  extraordi- 
naire d'un  gentilhomme  qui  s'en  alloil  en  poste  à  Paris,  et  luy  envoyay 
coppie  de  la  première  érection  d'LJzez  en  tittre  desimpie  Duché*.  Mais 
ce  iust  si  à  la  haste  que  je  n'eus  pas  de  moyen  de  vous  escrire.  Devant 
hier  au  soir  nous  arrivasmes  icy,  et  y  trouvasmes  voz  depesches  du 
•29  juin  et  3  juillet  bien  conditionnées,  avec  le  Habbi  Elclia,  et  les  deux 
opuscules  d'Erycius  Puteanus^,  dont  je  vous  remercie  trez  humblement 
ensemble  M''  de  Vris.  Le  Tertullian  pour  Dom  du  Puy  est  aussy  venu 
en  trez  bon  estât,  et  je  ne  manqueray  pas  de  le  faire  tenir  à  Rome  par 
la  première  commodité,  ensemble  le  pacquet  pour  M'  de  Thou,  de  qui 
je  receus  hier  une  lettre  de  Gènes  par  l'ordinaire  de  Rome  et  une  autre 
de  Maillorque  laquelle  estoit  demeurée  en  arrière.  Vous  y  verrez  ce 
qui  estoit  de  ses  premiers  desseins,  et  ce  qui  a  depuis  prevallu.  Il  faut 
trouver  bon  tout  ce  qui  luy  plaict  et  espérer  que  le  tout  sera  pour  le 
mieux  Dieu  aydant,  ne  doublant  poinct  que  tous  ses  voyages  et  diver- 
tissements ne  luy  soient  grandement  utiles,  tost  ou  tard,  et  qu'il  n'en 
demeure  beaucoup  plus  satisfaict  et  beaucoup  mieux  instruict,  pour 


'  Voir  sur  Lucas  le  lonie  I,  Appcitdice, 
p.  818. 

'  La  vicomte  d'IIzès  fut  érigée  en  du- 
ché (mai  i565)  en  faveur  d'Antoine  de 
Crussol. 

'  Henri  Dupuy  (nom  francisé  d'Hendrik 
vau  Put),  né  à  Venloo  en  iSyi,  mourut 
en  i646  h  Louvain,  où  il  avait  succédé  à 
Juste-Lipse  dans  la  chaire  de  belles-lettres 
(1606),  qu'il  occupa  jusqu'h  sa  mort.  Un 
des  deux  opuscules  envoyés  à  Peiresc  (Ery- 
cius  Putcamis  en  laissa  98 ,  dont  on  peut 
voir  la  liste  dans  le  tome  XVH  des  Mémoires 
de  Niceron)  devait  être  :  De  S.  Flavia  Do- 


mililla.  Martyre,  Observatiuneula  epistolica, 
ad  locum  Marlytvlogii  lioinaiii  Nonis  Mai» 
(Louvain,  1629,  in-'i°).  Voir  sur  H.  Dupuy 
le  curieux  article  du  Dictionnaire  de  Bayle 
(t.  XII,  p.  363-373).  On  a  deux  lettres  de 
Peiresc  k  (tM.  Erycius  Puteauus,  professeur 
royal  en  l'université  de  Louvain»  :  l'une 
écrite  d'Aix  le  16  août  i6a6,  l'autre  écrite 
(fde  Boisgency,  le  ao  novembre  1639»  (Mi- 
nutes de  Carpentras.  registre  V,  fol.  894 
et  395).  Ce  dernier  document  a  été  pu- 
blié, avec  d'intéressants  commentaires,  par 
M.  C.  Kuelens  dans  le  Bulletin  Rubens,  4'  li- 
vraison de  1889 ,  p.  «68  et  saiv. 

«7- 


132  LETTRES  DE  TEIRESC  [1629J 

se  rendre  plus  cappable  des  plus  grandes  affaires  du  royaulme  où 
j'eslime  que  ses  mérites  nom  pareils  l'appelleront  un  jour,  pour  le  bien 
de  Testât. 

Le  mesme  ordinaire  de  Rome  m'a  rendu  une  lettre  de  M'  Holste- 
nius  grandement  honneste  à  son  accoustumée  sur  le  subject  de  ses 
Platoniciens.  Mais  par  un  bien  grand  malheur  le  bruict  de  la  maladie 
du  lieu  où  ils  estoient  prévint  de  deux  jours  seulement  l'arrivée  de 
l'homme  que  j'envoyois  pour  les  prendre,  qui  n'eust  pas  le  courage  d'y 
entrer,  de  peur  de  faire  quarantaine  à  la  sortie,  et  depuis  le  mal  s'y  es- 
tant estendu,  il  n'y  a  plus  de  moyen  d'y  pourvoir  que  l'on  ne  voye  ce 
que  deviendra  cette  ville,  et  qu'elle  soit  bien  et  deiiement  purifiée.  Ce- 
pendant j'ay  mis  ordre  qu'on  les  fit  bien  emballer,  et  séquestrer  en  lieu 
qui  fust  hors  de  commerce  dans  la  maison  où  ils  sont.  Ce  sera  une 
grande  mortification  à  M'  Holstenius  et  à  moy  ne  sera  gueres  moings 
grande  pour  n'avoir  moyen  de  satisfaire  assez  tost  à  sa  curiosité  pour 
ce  regard  et  à  la  parolle  que  je  luy  en  avois  donnée.  Tousjours  prendrez 
vous  plaisir,  je  m'asseure,  de  voir  sa  lettre. 

Comme  j'en  estois  arrivé  jusques  icy,  j'ay  receu  vostre  despesche 
du  9""=  avec  le  g'^Mibvre  de  M''  d'Orléans',  l'antidote,  la  remonstrance 
de  M'  l'evesque  de  Montpelier^  et  autres  choses  dont  je  vous  rends 
grâces  très  humbles.  Il  y  avoit  une  autre  lettre  pour  M'  de  Thon, 
que  je  joindray  au  précédant  pacquet,  et  les  adresseray  à  Rome  à 
M""  de  Ronnaire,  qui  m'escript  en  avoir  receu  un  grand  nombre  de 
toutes  parts  pour  ledict  sieur  de  Thou,  lesquelles  il  luy  garde 
jusques  à  ce  qu'il  repasse  à  Rome,  ou  qu'il  luy  donne  autre  ordre  de 
les  luy  faire  tenir  ailleurs. 

J'ay  aussy  receu  une  seconde  lettre  de  M""  l'Huillier,  qui  estoit  en 

Un  nouveau  fragment   de    VAnctenne  de  ce  prélat  ante'rieure  de  plusieurs  années 

police  de  l'Eglise,  ouvrage  ici  plusieurs  fois  à  l'époque  où  nous  place  la  présente  lettre  : 

mentionné.  Remontrance  au  Roi  contre  les  duels,  pro- 

'  C'était  Pierre  de  Fenouillet.  Oa  men-  noncée  au  nom  du  clergé  de  France  à  la  tenue 

lionne  dans  la  Ribliothèque  historique  de  la  des  Etats,  le  aô  janvier  16 15. 
France  (t.  I,  n°  20953)  une  Remontrance 


[1629] 


AUX  FRÈRES  DUPUY. 


133 


peine  de  la  première,  à  cause  du  retardement  de  ma  responce,  mais  il 
l'aura  meshuy  receiie,  et  ne  tardera  pas  de  recevoir  les  papiers  qu'il  at- 
tcndoit  de  M''  Gassendi,  lesquels  je  vous  ay  adressez,  par  M'  d'Halijjro 
et  Pelletier,  qui  partirent  en  carrosse  de  Tarascon  le  mercredy  xi  de 
ce  moys,  et  ne  pensoient  pas  sesjourner  en  chemin  plus  d'une  quinzaine 
de  jours  ou  environ,  de  sorte  qu'ils  ne  tarderont  pas  d'estre  là. 

J'ay  esté  bien  aise  d'apprendre  que  vous  ayez  receu  la  coppie  du 
m[anu]s[crit]  de  Jacques  de  Lalain ',  que  j'avois  faict  transcrire*  sur 
un  exemplaire  du  sieur  Chitllet^,  n'ayant  pas  sceu  que  M"'  Godefroy  ne 
M''  Chrestien'*  en  eussent  de  semblables,  car  j'eusse  eu  recours  à  eux 
pluslost  qu'au  dict  sieur  Ghilllet,  mais  H  importe  peu  d'où  que  la  coppie 
en  vienne,  pourveu  qu'elle  soit  bien  correcte.  Cependant  je  vous  re- 
mercie de  l'advis  de  cez  deux  autres  exemplaires,  pour  m'en  pouvoir 
prévaloir  en  la  collation  si  besoing  estoit. 

Les  alphabets  et  mémoires  samaritains  et  cophtites  ne  pressent 
nullement,  non  plus  que  la  lettre  du  sieur  Pietro  délia  Valle  que  l'on 
m'escript  de  Home  s'estrc  marié  depuis  peu  à  une  Arménienne  qu'il 
avoit  emmenée  du  Levant  avec  sa  defuncte  femme*. 

J'ay  veu  à  Nismes  le  sieur  Samuel  Petit  ^,  professeur  en  théologie 


'  Jacques  de  Lalaing,  dit  le  bon  chevalier, 
naquit  vers  i4î!a,  et  fut  tu<Ç  le  4  juillet 
1^53.  C'est  le  hëros  d'une  chronique  long- 
temps altribuëe  h  Georges  Chastelnin  et 
qui  a  pour  auteur  Jean  I.c  Fèvre,  seigneur 
de  Saint-Remy.  (Voir  la  Notice  sur  cet  ëcri- 
vain  mise  [)ar  François  Morand  en  ttMe  du 
touie  II  de  la  Chronique  publide  pour  la 
Société  de  l'histoire  de  France  en  i88i.) 
Uffiitoire  du  bon  chevalier,  Jacques  de  Fm- 
lain,  parut  du  vivant  de  Peiresc  par  les 
soins  de  Jules  Chifllet,  fds  aine  de  Jean- 
Jacques  Chifllet  (Bruxelles,  iC3/i,  in-4°). 
L'ouvrage  a  élé  n'imprimé  par  liuclion  dans 
les  CÀroniquex  nationales  françaises  et  dans  le 
Panthéon  littéraire. 

'  Cette    transcription    est    conservée  à 


l'Inguimbertine  (Carpenlras)  d.ins  le  re- 
gistre XVIII  de  la  collection  Peiresc,  h  la 
suite  de  la  transcription  des  mémoires  de 
Robert  de  la  Marck ,  seigneur  de  Fleuranges. 

'  A  la  fin  de  la  copie  que  Peiresc  avait  fait 
prendre ,  on  lit  cette  note  écrite  et  signée  de 
la  main  de  J. -J.  Chifllet  :  it(À)neordal  eum 
ms.  originali  lyjunii  tC-jg.  yi 

'  Sur  Claude  Chrestien,  (ils  de  Florent 
Chrestien,  voir  le  tome  I,  p.  887. 

'  Voir  sur  le  second  mariage  de  Pierre 
délia  Valle,  l'article  d'Ey ries  dans  la  Biogra- 
phie universelle.  Cet  académicien  donne  de  bien 
piquants  détails  sur  la  première  femme  du 
voyageur,  laquelle  était  une  Orientale, 
comme  la  seconde,  dont  elle  était  la  parente. 

'  Samuel  Petit  naquit  le  -lù  décenibn' 


134  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

prétendue,  fiiz  d'un  Parisien  proche  parent  de  M''  Perrot,  vostre  allié, 
et  demeuray  grandement  satisfaict  de  la  douiceui-  de  sa  conversation 
et  de  sa  rare  érudition.  Il  nie  nionstra  un  petit  travail  qu'il  a  faict  sur 
iecompute  des  Samaritains  aprez  Scaliger',oii  il  monstre  combien  peult 
son  esprit  aprez  celuy  de  ce  grand  personage,  et  me  dict  avoir  faict 
quelque  travail  d'importance  sur  la  chronologie.  Je  luy  montray  les 
Marmora  Arundelliana  que  j'avois  dans  ma  maie ,  où  il  prinl  un  extrême 
plaisir.  11  me  fit  voir  trois  libvres  d'observations  trez  curieuses  sur 
Athénée,  sur  les  mesmes  m[anu]s[crit]s  que  Casaubon  avoit  maniez,  où 
il  faict  comme  M'  Saulmaise  sur  le  Suétone.  11  les  veult  mettre  soubs 
la  presse  à  ce  moys  de  septembre  Dieu  aydant  qu'il  espère  d'aller  faire 
un  voyage  à  Paris  pour  cet  effect,  dont  j'ay  extorqué  parolle  de  luy. 
11  a  faict  de  bonnes  notes  sur  le  Martial.  Mais  il  en  a  de  bien  plus  utiles 
et  nécessaires  sur  tout  le  Plante  où  il  est  allé  si  avant  qu'il  a  inter- 
prété tout  le  Punique  qui  y  estoit  le  plus  heureusement  du  monde-, 
et  v  a  trouvé  un  sens  relatif  au  latin  du  devant  et  du  derrière,  qui  lie 
trez  bien  les  noms  propres  qui  y  sont  entremeslez  dont  il  rend  les 
raisons  trez  apparantes,par  le  rapport  des  règles  de  cez  langues  orien- 
tales qui  sont  dérivées  les  unes  des  autres,  et  lesquelles  divertsifioient 
si  fréquemment  les  voyelles.  Il  est  arrivé  jusques  à  ce  poinct  que  d'in- 
terpréter le  plus  heureusement  qu'on  eust  sceu  imaginer,  quelques 
noms  propres  de  lieux  insérés  en  la  Saincte  Escripture  par  ces  fiagments 
de  la  langue  Punique,  ce  que  pas  un  des  anciens  Pères  n'avoit  encores 
sceu  faire.  Au  reste  c'est  un  homme  le  plus  humble,  le  plus  modeste. 


1894  à  Saint- Ambroix ,  fut  à  Nimes  pas- 
teur, professeur,  principal  du  collège,  et 
mourut  le  12  décembre  i643  dans  sa 
maison  de  campagne  de  Courbessac,  près 
de  Nîmes.  Sur  cet  e'rudit,  voir  Colo- 
miès  [Gallitt  orientalis,  p.  169-175),  la 
France  protestante,  et  surtout  l'excellente 
et  en  grande  partie  nouvelle  notice  bio- 
graphique publiée  par  M.  Georges  Mau- 
rin   on   tête  du   1  /i'  fascicule  des   Corres- 


pondants de  Peiresc  (Nîmes,  1887,  in-8°). 

'  Voir,  sur  ce  travail  et  les  autres  travaux 
de  Samuel  Petit,  les  lettres  à  Peiresc  in- 
sérées dans  le  fascicule  cité  en  la  note  pré- 
cédente. 

*  Le  bon  Peiresc  juge  ici  beaucoup  trop  fa- 
vorablement la  tentative  de  Samuel  Petit.  La 
vérité  est  que  ce  philologue  échoua  dans  son 
interprétation  comme  tant  d'antres  l'avaient 
fait  avant  lui  et  l'ont  fait  après  lui. 


[1G29J  AUX  FRKRES  DUPUY.  135 

et  de  la  pins  doulce  liiimeui'  c|ue  j'aye  veii'.  Je  parlay  de  luy  i^  Mon- 
seigneur le  Garde  des  Sceaux*  et  à  M' le  Surintendant'  lequel  en  parla 
à  Monsei{{neur  le  (jardinai  de  lîiclielieu  pour  le  faire  tirer  de  là  et 
l'appointer  à  Paris,  En  <[uoy  je  trouvay  tout  plein  de  bonne  disposition. 
Si  nous  en  venons  à  bout,  je  pense  qu'il  feroit  des  merveilles  à  l'édition 
de  ce  Pentateuque  Samaritain.  J'en  parlay  aussy  à  M"' le  Grand,  maistre 
des  requestes,  pour  le  {gouverner  un  peu  durant  le  sesjour  qu'il  a  à 
faire  ci  Nismes.  Il  me  monstra  un  {jrand  Homère  de  l'édition  de  Budee 
in  folio  en  deux  volumes  \  tout  apostille  de  la  main  propre  du  dict 
Budee''  et  enluminé  en  divers  endroicls  des  armoiries  et  devises  du 
dict  Budee.  Il  a  une  |;rande  passion  de  vous  offrir  son  service,  tenant 
vostre  vertu  en  sinjjuliere  vénération.  J'estime  que  vous  y  aurez  bien  du 
contentement.  11  a  une  belle  et  curieuse  bibliothèque,  où  il  a  bien  bou- 
quiné ses  livres"  durant  i  a  années  qu'il  s'est  tenu  dans  cette  misérable 
ville,  et  a  une  mémoire  nompareille.  11  le  fault  ayder  à  s'en  tirer. 

Je  vous  remercie  trez  humblement  de  l'exacte  relation  qu'il  vous  a 
pieu  faire  de  ce  que  vous  avez  apprins  du  P.  Morin  et  du  sieur  le  Jay^ 

'  Ce  bel  ('loge  complète  admirablement  '  M.  E.  de  Biidé  donne  pour  les  apostilles 

un  collabonileur  à  Guillaume.  «Se»  marge», 
dit-il ,  ëtaieiil  littéralement  couvertes  de  sco- 
lies  manuscrites  de  la  main  de  Guillaume  et 
def^ouis,  son  frère.» 

•  Bouquiner  est  pris  ici  dans  le  sens  de 
constdter,  sens  ainsi  indique  dans  la  dernière 
édition  du  Dictionnaire  de  l'Académie  fran- 
çaise :  trll  se  dit  aussi  en  parlant  de  l'Iiabi- 
ludc  de  lire  de  vieux  livres  :  il  s'aninse  tout 
le  jour  h  bouquiner  dans  ton  cabinet. -^  {.'Aca- 
démie, Littré,  les  auteurs  du  Dictionnaire  de 
Trévoux,  etc.,  n'ont  indiqué  le  verbe  bou' 
fuiWrque  comme  verbe  neutre. 

'  Guy-Michel  Ijù  Jay,  d'abord  avocat  au 
parlement  de  Paris,  puis  prêtre  et  doyen  de 
Véielay,  était  né  h  Paris  eu  1 588 ;  il  momul 
en  juillet  1675,  selon  le  Dictionnaire  de 
Morèri,  en  juillet  167/1  ^"  \a  Biographie 
uniremelle. 


tout  ce  que  les  contemporains  de  Samuel 
Petit  ont  dit  do  ses  rares  (jualités. 

'  Michel  de  Marillnc. 

^  Antoine  Coi(Tier-Ruzé,mar(juis  d'ElTial. 

*  (îuillnumé  lUidé,  tour  h  tour  secrétaire 
de  Charles  VIII,  prévôt  des  marchands, 
maître  des  re<[uétcs,  garde  de  la  librairie  du 
roi,  naipiit  h  Paris  en  1667  et  mourut  le 
a.*?  août  i5^io.  Peiresc  n"a  pas  voulu  parler 
d'une  (-dition  d'Homère  due  à  Budé,  mais 
bien  d'une  édition  possédée  par  ce  grand 
érudit.  Voir,  sur  l'exemplaire  de  l'édition 
princeps  d'Homère  (l^'lorence,  1/488),  qui 
était  le  plus  beau  joyau  de  la  bibliolh(''que 
de  Budé,  les  détails  fournis  par  un  de  ses 
descendants,  M.  Kugône  de  Budé,  dans  son 
ouvrage  intitulé  :  Vie  de  (juillamne  Budé, 
fondateur  du  Collège  de  France  (Pans,  Didier, 
i88'i,  iii-i Q,  p.  196-iioii). 


136  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

touchant  cez  bibles  \  et  les  serviray  si  je  puis  trez  volontiers  l'un  et 
l'autre  soit  dans  Rome  ou  ailleurs,  pour  faciliter  sinon  les  approbations 
qui  y  seroient  nécessaires,  au  moins  la  tollerance  et  abstinance  de 
censure  dont  on  se  peult  lionestement  passer.  J'avois  veu  avec  grand 
plaisir,  dans  la  préface  du  Seldenus,  ce  qu'il  y  dict  de  ce  pentaleuque 
samaritain  de  l'evesque  d'Irlande,  mais  j'ay  eu  grand  desplaisir  d'ap- 
prendre en  ce  voyage  que  le  pauvre  Seldenus  soit  prisonnier  d'estat, 
pour  avoir  trop  librement  parlé  dans  la  dernière  assemblée  du  Grand 
parlement  d'Angleterre,  etseroisbien  niarry  qu'il  luy  mesadvint^,  estant 
son  amy  et  son  serviteur  de  longue  main,  et  ayant  eu  fort  souvent  de 
ses  letlres. 

Je  plains  le  P.  Sirmond  de  s'en  aller  à  Rome  en  ce  grand  aage'  et 
de  quitter  l'air  où  il  a  esté  norry  la  pluspart  de  sa  vie.  Mais  j'ay  esté 
bien  aise  d'apprendre  qu'il  se  soit  rangé  du  costé  de  M""  Rigault  avec  le 
cardinal  de  Berule  contre  M"'  d'Orléans.  Je  n'avois  encores  peu  exa- 
miner la  difficulté,  mais  à  cette  heure  que  j'ay  les  escripts  de  part  et 
d'autre,  et  que  nous  serons  un  peu  plus  en  repos,  j'auray  meilleur 
moyen  de  le  faire.  Je  verray  bien  volontiers  ce  que  M"'  Saulmaise  mé- 
dite sur  le  concile  eliberitain,  mais  je  vouldrois  bien  qu'il  se  voulust 
abstenir  de  toute  sorte  de  termes  d'aigreur  envers  qui  que  ce  soit. 

Je  ne  m'estonne  pas  que  le  cardinal  Bentivoglio  veuille  supprimer 
l'édition  de  ses  relations*,  car  je  sçay  qu'il  desiroit  qu'elle  fust  différée 
jusques  aprez  son  decez.  On  imprime  certainement  aujourd'huy  toutes 
choses  avec  un  peu  trop  de  liberté  et  trop  peu  de  respect.  Le  pauvre 

li  s'agit  là  de  la  Bible  polyglotte  qui  années  auparavant  pour  les  mêmes  motifs 

porte  te  nom  de  Le  Jay  et  qui  parut  en  dix  (162a). 

volumesin-fol.(i6a8-i6à5).  On  trouve  par-  '  Le  P.  Sirmond  avait  ators  bien  prés  de 

tout  des  détails  sur  la  belle  publication  à  soixante-dii  ans. 

laquelle  Le  Jay  consacra  sa  fortune  et  sa  vie.  '  Belazioni  varie  faite  in  tempo  délie  nun- 

Gitons  seulement  l'article  sur  Le  Jay  fourni  ziature  di  Fiatidra   e  di  Francia  (Anvers, 

par  l'abbé  Labouderie  à  la  Biographie  uni-  1699,  in-4°).  Le  recueil  fut  réimprimé  dans 

verselk.  le  même  format  en  1 6  3o  à  Cologne ,  en  1 63 1 

"  Selden  fiit  mis  en  liberté  l'année  sui-  à  Paris,  en  i633  à  Venise, 
vante.  Il  avait  déjà  été  emprisonné  quelques 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  137 

M''  de  la  Hogiiellc  est  en  {jrando  colore  conlro  M'  Grariier  pour  les 
fragments  du  chancellier  Baccon,  sur  lesquels  il  vouloit  travailler  luy 
niesmes,  h  ce  que  j'ay  peu  conq)rendre,  en  ce  voyage  de  la  cour,  où 
je  l'ay  reveu.  C'est  pourquoy,  si  pouviez  rompre  le  dessein  de  celle  édi- 
tion, je  pense  que  vous  l'obligeriez  grandement. 

J'ay  piins  grand  plaisir  à  ce  petit  leuillet  des  arreslz  sur  les  9  ar- 
ticles du  code  Micheau  ',  et  le  recevrois  bien  plus  grand  si  quelque  jour 
on  pouvoit  l'aire  transcrire  chez  vous  mesmes  le  verbal  journalier  sur 
ce  subject.  L'autlicur  nous  dicl  que  l'interest  des  greHiers  avoil  faict 
l'aire  le  plus  grand  bruict. 

Sur  ce  je  finis  estant  pressé  de  clorre,  demeurant. 

Monsieur, 

vostre  Irez  humble  et  Irez  obligé  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  samedy  21  juillet  1699. 

Nos  Estais,  voyant  la  grande  surcharge  qu'on  leur  jetloit  sus,  oultre 
les  dernières  riiines  du  passage  des  Irouppes,  et  l'entretien  de  trois  ré- 
giments qu'on  y  faict  mettre  en  garnison,  et  la  peste  qui  nous  menasse 
de  tous  costés,  ont  voulu  revocquer  l'establissementdes  ordinaires  pour 
se  prévaloir  du  fonds  qui  y  estoit  destiné,  dont  j'ay  esté  bien  marry. 
Mais  noz  lettres  ne  laisront  pas  d'aller  tousjours  comme  elles  pourront 
soubs  les  précautions  du  vinaigre  tant  que  le  mal  durera.  M'  Guiltard 
m'a  laissé  le  factum  de  M'  de  Thoulouse  pour  le  voir  et  le  luy  renvoyer, 
comme  je  feray;  ce  (jue  j'en  ay  veu  est  d'importance,  et  je  crois  bien 
que  le  père  Sirmond  y  a  contribué  du  sien  prou  de  bonnes  choses, 
M''  le  Beauclerc  vous  fera  part  des  nouvelles,  comme  je  l'en  prie,  estant 
surprins,  et  ne  pouvant  vous  en  escrire  autre  chose.  Vous  verrez  aux 
lettres  de  M'  d'Agut  Testât  de  la  santé,  qui  va  mal  dans  la  montagne; 
nous  allons  mettre  pour  barrières  la  Durance  et  le  Verdon  et  possible 
surseoir  la  contmunication  de  lieu  à  autre  dans  la  province  aussytost 

'  La  fameuse  ordonnance  que  le  garde  des  sceaux  Michel  de  Marillac  fil  enre^slrer  nu 
commeiicenient  de  l'aiint^  i(ia<)- 

II.  18 


UIPklHKBIC    «ATlOIAtt. 


138  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

que  les  régiments  seront  achevez  de  passer  pour  estre  aux  escouttes  et 
voir  si  le  mal  paroistroit  en  quelque  autre  lieu  '. 


XXXI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Depuis  l'expédition  de  la  dernière  staffette  par  laquelle  je  respondi» 
à  voz  lettres  du  3,  5,  9  juillet,  celles  de  la  semaine  suyvante  n'estant 
pas  encor  arrivées,  je  vous  diray  que  j'ay  veu  le  livre  de  M"'  d'Orléans, 
et  particulièrement  ce  qu'il  a  voulu  escrire  contre  M"^  Rigault,  où  j'ay 
trouvé  grandement  à  redire,  et  si  bien  sa  conception  me  semble  bonne 
en  ce  qu'il  estime  que  le  cas  de  l'absance  ou  empeschement  des  prélats 
se  puisse  entendre  du  temps  des  persécutions,  je  ne  vois  pas  pourtant 
qu'on  en  doibve  exclure  celuy  des  navigations  en  terres  barbares  et 
destituées  du  christianisme.  Vous  pouvez  voir  ce  que  j'en  escripts  à 
M''  Rigault,  que  je  plains  grandement  en  cette  occasion  pour  l'inquié- 
tude d'esprit  que  cette  rencontre  luy  peult  avoir  apporté;  mais  ayant 
la  raison  de  son  costé,  il  ne  s'en  doibt  pas  tant  mettre  en  peine,  ce  me 
semble.  Et  crois  qu'il  fault  bien  plaindre  davantage  M'  d'Orléans  pour 
le  tort  qu'il  s'est  faict  à  soy  mesraes  en  touts  cez  discours,  qui  desro- 
gent  sans  doubte  grandement  à  tout  plein  d'autres  bonnes  pensées  qui 
se  trouvent  dans  ses  escripts  et  observations  et  desquelles  il  pouvoit 
espérer  de  l'honneur,  dont  il  a  grandement  diminué  la  créance  et  l'au- 
thorité,  s'estant  prins  si  mal  à  propos  à  un  tel  personage  que  M""  Ri- 
gault, et  s'estant  voulu  opiniastrer  à  chose  si  mal  compatible  avec  le 
sens  commun,  et  faire  tant  de  bruict  de  chose  qui  pouvoit  au  bout  du 
compte  passer  pour  indifférante,  puis  que,  généralement  parlant,  la 
Doctrine  du  Tertullian  n'est  poinct  approuvée  par  l'église,  ains  plus- 

'  Vol.  717,  fol.  65. 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  139 

tost  censurée  et  condamnée.  J'altcndray  avec  impatiance  la  lettre  du 
dict  sieur  Rijjault  A  Monseigneur  le  cardinal  Barberin,  me  promettant 
qu'il  ne  laisra  pas  en  Iraictaiit  celle  dillicullé  de  se  contenir  dans  cette 
modération  (pii  luy  est  si  nalurelle  et  si  recommandable  et  ia(}uelle 
a  tant  d'advantaye  sur  toute  sorte  d'aigreur,  quoy  qu'aulcuns  ayent 
peu  dire  et  practiquer  au  contraire,  lesquels  ne  se  sontguieres  nioings 
faict  de  tort  à  eux  mesmes  par  ce  moyen  qu'à  leurs  antagonistes.  Je 
luy  escripts  concernant  l'inscription  d'une  bague  antique  trouvée  en 
Arles  depuis  peu  laquelle  j'y  aclieptay  en  revenant  de  la  cour,  et  la- 
quelle inscription  semble  assez  curieuse  estant  conceiie  en  cez  termes, 
+  TFXLA  VIVAT  DEO  CUM  MARIÏO  SEO.  et  peult  avoir  esté  au- 
tres loys  Yannulus  pronubus,  et  avoir  passé  pour  arra  ffenialis  '.  Il  ne 
fault  pas  que  vous  le  laissiez  en  repos  qu'il  ne  m'ait  faict  responce,  et 
dict  son  advis  sur  ce  subject.  Je  seray  bien  aise  que  vous  preniez  la 
patiance  de  voir  ce  que  je  luy  en  escripts,  encores  qu'il  y  ait  bien  des 
extravagances  et  possible  des  resveries,  afin  que  vous  m'aydiez  à  les 
faire  excuser  et  supporter,  aullant  que  nostre  familiarité  les  peult 
rendre  tollerables,  estant  d'humeur  de  ne  pas  considérer  tout  ce  qui 
seroit  requis,  quand  il  est  question  de  fournir  de  la  matière  à  cez 
grands  personages  d'exercer  leur  bel  esprit,  et  d'aller  fouiller  dans  leur 
grande  lecture  des  choses  non  communes,  pour  en  arracher  des  notices 
auxquelles  ils  n'auroient  pas  quelque  foys  daigné  penser,  si  on  ne 
les  avoit  chastouillez  de  la  sorte,  ce  qui  m'a  autres  foys  reussy  fort  à 
souliaict  envers  feu  M'  de  la  Scale,  et  autres  grands  hommes  de  lettres. 
M'  Saulmaisc  etM''Groltius  en  diroient  bien  aussy  de  trez  bonnes  choses 
silsvouloient,  et  possible  queM'Besly,  s'il  se  renconlroit  là ,  à  ce  retour 
de  la  cour,  fourniroit  quelque  observation  de  la  vieille  langue  Fran- 


'  Gassendi  semble  avoir  eu  90US  les  yeux  eruditis  disseruit,  occasione  inscriplionis  : 

le  récit  de  Peiresc,  tant  son  propre  récit  TEGLA  VIVAT  DEO  CUM  MARITO  SEO.» 

rosspinhle  à  celui  de  son  héros  (p.  335):  Voir,    dans    le   Diclionnaire  des    antiquités 

(rAreialc  ciini  redirel,.  . .  aajuisivitque  an-  grecques  et   romaines  de   M.   Edm.    Saglio 

nulum  (juendam  Pronubun»,  seu  Arrliam  (fascicules  ii  et  m),  les  articles /4««m/m  et 

genialem,  de  (jua   plura   per  iiteras  cuiu  Arra. 

i8. 


lâO  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

çoise,  qui  n'y  seroit  pas  inutile,  comme  aussy  Mess"  Godefroy  et  du 
Ghesne,  auxquels  je  vous  supplie  de  faire  mes  trez  humbles  recom- 
mandations. Je  vous  envoyay  la  semaine  passée  des  lettres  de  M'  de 
Tliou,  maintenant  vous  en  aurez  une  d'un  marchand  de  Marseille  qui 
me  donne  advis  de  l'arrivée  de  ses  hardes  d'^Egypte  saulvées  du  nau- 
frage de  Messine,  lesquelles  j'ay  envoyé  demander,  pour  voir  s'il  y 
aura  moyen  de  saulver  encores  quelque  chosette  de  la  rouille  et  de 
la  pourriture;  j'en  attends  des  nouvelles  à  ce  soir,  mais  je  ne  sçay  s'il 
ne  ("auldra  pas  clorre  la  despesche  avant  que  je  les  aye.  Nous  venons 
d'apprendre  par  un  honneste  homme  venu  de  Mompelier  que  M"'  le 
Gardinal  y  fit  son  entrée  à  cheval  en  gênerai  des  armées  du  Roy  ',  trois 
mareschaulx  de  France  marchants  devant  en  un  rang'\  puis  M""  le 
Duc  de  Montmorancy,  avec  M''  le  Duc  d'Uzez^  en  un  autre  rang,  et 
aprez  eux  M''  le  Gardinal  seul  avec  le  cappitaine  de  ses  gardes  un  peu 
en  arrière ,  et  ses  vallets  de  pied ,  et  que  M""  le  Comte ,  se  portant  mieux  *, 
s'estoit  desja  acheminé  vers  Paris,  dont  tout  le  monde  est  grandement 
aise.  On  a  enfin  expédié  et  exécuté  un  edict  de  reunion  de  la  Ghambre 
des  comptes  de  Mompelier  avec  la  Gour  des  aydes^,  ce  qui  avoit  au- 
tres foys  esté  empesché  avec  tant  d'ardeur,  et  en  mesme  temps  on  leur 
a  presanté  l'edict  d'eslahlissement  des  esleus  d'Aix  en  tout  le  Langue- 
doc qui  est  passé  nemine  discrepante  *^.  On  en  avoit  auparavant  faict 


'  Bassompierre  ne  dit  rien  de  celle  pom- 
peuse entrée  du  cardinal  de  Richelieu.  Il  se 
contente  de  nous  donner(  t.  IV,  p.  ,55  )  les  indi- 
cations que  voici:  rrLe  mercredy  18'  [juillet] 
nousarrivamesà  Montpellier. . .  Le  jeudy  1 9"" 
Monsieur  le  Cardinal  nous  festina,  puis  nous 
mena  vers  le  jardin  des  simples  du  Roy.  ..■". 

^  Ces  trois  maréchaux  étaient  Bassom- 
pierre ,  Marillac  et  Schomberg. 

^  Emmanuel  de  Crussol ,  duc  d'Uzès. 

'  Bassompierre  dit  (t.  IV,  p.  55):  (tLe 
vendredy  ao'"*  [juillet]  M'  de  Longueville 
arriva  qny  nous  asseura  que  M'  le  Comte 
estoil  hors  de  danger.  1 


'  Citons  encore  les  Mémoires  de  Bassom- 
pierre (t.  IV,  p.  55)  :  «Le  samedy  21  ""  on 
fit  la  réunion  de  la  Court  des  aydes  à  la 
Chambre  des  comptes,  -n  Conférez  la  note  de 
l'éditeur  (même  page). 

'  Peiresc  était-il  mal  informé?  Bassom- 
pierre, qui  était  sur  les  lieux,  raconte  les 
faits  tout  différemment  (t.  IV,  p.  56)  :  rrLe 
mercredy  95°"  [juillet]  on  apporta  le  refus 
que  les  estais  avoint  fait  de  vérifier  l'édit 
des  eslus.  Monsieur  le  Cardinal  envoya 
rompre  les  estais  et  leur  deffendre  de  se 
plus  assemblera  lad  venir.» 


[1629]  AUX  FEtÈRES  DUPUY.  141 

l'adresse  au  parlement  de  Thouloiise  oTi  peu  s'en  fallut  qu'il  ne  passast, 
car  il  ne  tint  qu'à  une  ou  doux  voix  qui  firent  la  plus  {jrande  opposition 
au  reject.  On  leur  avoit  parlé  d'une  jnssion;  mais  cette  voye  icy  a  esté 
plus  briefve.  Et  l'importance  est  ((u'on  nous  asseure  que  celte  province 
ne  sera  pas  plus  favorablement  traictée,  voire  que  M'  de  BuUion  doibt 
arriver  lundy  h  Marseille  avec  M'  d'Aubray,  et  que  M' de  Guise  les  doibt 
mener  icy  le  mardy  suyvant,  pour  faire  le  raercredy  quelque  chose  de 
semblable.  Dieu  veuille  disposer  toutes  choses  au  bien.  Vous  verrez  la 
coppie  d'une  lettre  que  je  vous  prie  ne  pas  laisser  voir  concernant  ce 
qui  s'est  passé  aux  derniers  estats,  qui  a  mis  le  monde  en  grande  con- 
sternation. Au  reste  je  vous  envoyé  touts  les  cahiers  que  j'avois  de  reste 
du  Théophile  de  M'  Fabrot  jusques  à  la  fin,  que  j'avois  bien  du  re- 
gret de  n'avoir  envoyé  avant  mon  petit  voyage  de  la  cour.  Mais  j'avois 
tousjours  esté  si  pressé,  que  je  n'avois  pas  eu  le  loisir  de  les  chercher. 
Enfin  je  les  ay  retrouvez  bien  opportunément  pour  cette  occasion,  et 
vouldrions  bien  que  l'imprimeur  se  résolut  d'y  mettre  la  main  à  bon 
essiant,  et  de  nous  en  envoyer  bientost  la  première  espreuve.  Je  vous 
supplie  trez  humblement  de  l'en  faire  presser,  et  luy  faire  cognoislre 
que  je  luy  en  auray  de  l'obligation,  estimant  que  ce  soit  tousjours 
M""  Vitray  ',  qui  m'a  tesmoigné  d'avoir  tout  plein  de  bonne  volonté  pour 
moy,  dont  je  tascheray  de  me  revancher  en  son  endroict  quand  je  le 
pourray.  La  maladie  ne  faict  pas  du  progrez  dans  la  ville  de  Hiez  grâces 
à  Dieu,  parce  que  l'ordre  y  est  bien  observé,  mais  dans  Digne  le  ra- 
vage y  est  furieux  et  cez  jours  passez  ils  ont  voulu  forcer  les  gardes, 
en  sorte  que  les  villages  voisins  au  son  du  tocsain  coururent  au  secours, 
et  faillit  à  y  avoir  bien  du  desordre.  On  faict  ce  qu'on  peult  pour  se 
conserver  depardeça.  Et  sur  ce  je  fiin's  demeurant. 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  Irez  obligé  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  saniedy  98  juillet  1639. 

'  Antoine  Vitray  ou  MM,  un  des  plus        à  Paris  vers  i.'jçiS  et  mourut  dans  cette  villf 
«tîlèbres  iniprimeiirs  du  xvii'  si^ie,  naquit        on  1674.  Absorbe  pr  l'tHlition  de  la  Poly- 


142  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

Jl  y  a  dans  la  bibliothèque  du  Roy  un  m[anu]s[crit]  de  Theodorus 
Hermopolites^  derrière  lequel  il  y  a  un  petit  traicté  du  dict  Theodorus 
Hermopolites  sur  le  tit.  de  Reg.  Jur.  ^.  Il  n'est  pas  de  la  contenance  de 
plus  d'un  feuillet  ou  deux  tant  seulement.  Et  je  vouldrois  bien  en  avoir 
coppie,  je  vous  supplie  de  me  la  faire  faire,  et  aprez  l'avoir  faict  col- 
latiouer  exactement  me  la  faire  tenir  s'il  vous  plaict  le  plus  tost  que 
vous  pourrez,  croyant  que  M''  Rigault  n'y  fera  pas  de  la  difficulté. 

On  a  enfin  veu  les  articles  de  la  paix  d'Alez  ',  qui  eussent  faict  un 
peu  plus  de  mal  au  cœur  à  prou  de  gents,  si  on  n'eust  veu  entrer  le 
Roy  dans  Nismes  et  Uzez  et  desabuser  cez  pauvres  peuples,  qui  ne 
seront  pas  dezhormais  si  revesches  et  si  portez  à  suyvre  les  chefs  de 
faction  et  de  rébellion*. 


XXXII 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Voz  despesches  du  1 3  et  17  de  juillet  arrivèrent  en  bon  estât  mardy 
dernier,  jour  fatal  à  cette  pauvre  ville,  d'aultant  que  la  nuict  précé- 
dante, la  maladie  avoit  commancé  d'y  paroistre  et  joiier  son  personage^, 


glotte  de  Le  Jay,  il  ne  put  se  charger  de 
l'impression  du  Théophile.  Voir  à  la  suilr 
de  la  Notice  sur  la  vie  de  C.  A.  Fahrol,  par 
Ch.  Giraud,  parmi  les  Pièces  justificatives 
(p.  20i-ao4),  une  lettre  de  Vitré  h  Peiresc, 
du  22  juillet  i63o,  et  une  lettre  de  Peiresc 
à  Vitré,  du  8  novembre  1689. 

'  Voir  sur  cet  obscur  auteur,  oublié  dans 
i  a  plupart  des  recueils  biographiques  et  dont 
l'époque  est  incertaine,  un  assez  vague  petit 
article  de  Fabricius  {Bibl.  gi-œca,  édition 
Harles,  t.  X,  p.  897 ). 

=  Ms.  grec  i358,  fol.  867  et  358  :  Ilepi 


SixaiOffwvvs  rôfxou  xai  ■nrepi  prj^éxaiv  arj- 
fiaaias,  x.t.A.  Le  manuscrit  i358  provient 
de  l'ancienne  bibliothèque  de  Fontainebleau. 
(Communication  de  M.  H.  Omont.) 

'  Articles  de  la  grâce  que  le  roi  a  voulu 
faire  au  duc  de  Rohan  et  au  sieur  de  Soubise, 
aux  habitants  des  villes  d'Andtize,  Sauve,  etc. 
(97  juin). 

"  Vol.  717,  fol.  67. 

'  Littré  a  retrouvé  celte  métaphore  dans 
les  Essais  de  Montaigne ,  dans  la  satire  xi\ 
de  Régnier,  et  dans  plusieurs  des  grands 
écrivains  du  xvn'  siècle. 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  143 

par  la  mort  d'un  bon  Père  trinitairc  qui  fut  suyvie  le  lendemain  de 
celle  de  son  compagnon,  avec  lequel  il  estoit  allé  chez  une  femme 
(lecedée  quelques  jours  auparavant  de  la  pierre,  comme  on  a  voit  abu- 
sivement creu,  car  ses  deux  filles  furent  tost  aprez  attaintes  de  la  ma- 
ladie, dont  Tune  est  depuis  morte,  ensemble  un  garçon  tailleur  qui 
y  estoit  allé  porter  un  corps  picqué  '.  A  la  suitle  de  quoy  il  y  a  eu  trois 
ou  quattre  autres  personnes  mortes  soudainement,  soit  d'ell'roy  ou  de 
la  vraye  maladie  contagieuse.  De  sorte  que  nous  voilà  en  bien  pileux 
estât,  si  Dieu  n'appaise  son  courroux.  Toute  la  consolation  que  le  pauvre 
peuple  ressentit  en  son  malheur,  fut  de  ce  qu'il  avoit  paru,  ce  leur 
senddoit,  bien  opportunément,  peu  d'heures  auparavant  l'arrivée  de 
M'  le  Gouverneur  qui  s'y  en  venoit  mener  M"^  d'Aubray,  chargé  de 
l'edit  des  eslectious  avec  commission  à  luy  et  aux  sieurs  de  Rullion  et 
d'Aubray  de  l'aller  faire  enregistrer  en  la  Chambre  des  comptes  et  Cour 
des  aydes.  De  quoy  M'  de  Bullion  s'estoit  desja  excusé,  pour  ne  con- 
trevenir aux  boiuies  paroles  qu'il  avoit  données  icy,  pour  l'entretien 
des  privilèges  et  prérogatives  de  la  province.  Comme  ils  arrivèrent 
donc  à  la  porte  de  la  ville,  et  qu'Hs  furent  accertainez  de  la  vérité  du 
bruicL  de  la  dicte  maladie,  qu'ils  avoient  desja  apprins  à  quelques 
lieiies  d'icy,  ils  lirent  scrupule  d'entrer  dans  la  ville,  et  jugèrent  qu'inu- 
tilement mesmes  ils  en  feroient  l'enregistra tion,  si  l'establissement  ac- 
tuel ne  pouvoit  estre  faict  en  mesme  temps.  Kt  disnerent  au  fauxbourg, 
et  puis  s'en  retournèrent  à  Marseille,  où  le  dict  sieur  d'Aubray  fut  re- 
tenu jusqucs  à  hier  en  attendant  de  se  mieux  esclaircir  du  faict  de  la 
dicte  maladie,  et  si  les  ordres  qu'on  y  mettoit  en  pourroieut  arrester 
le  cours  et  l'eslaindre  à  bon  essiant,  mais  ayant  veu  les  suitles.  M'  de 
Guise  donna  son  carrosse  et  de  ses  gardes  au  dict  sieur  d'Aubray  pour 
le  conduire  jusques  hors  de  la  province,  et  de  faict  il  passa  hier  à 
une  lieue  d'icy  et  s'en  est  allé  ce  jour  d'huy  coucher  à  Orgon-.  Comme 
je  fus  adverty  de  leur  arrivée  à  la  porte,  et  que  M'  le  premiei*  presi- 

'  Un  corsnge.  Je  ne  retrouve  pns  l'expression  corpt  piqué  dans  nos  dictionnaires.  — 
'  Chef-lien  de  canton  du  dëpnrlemenl  des  Bouclies-dn-Rliône,  arrondissement  d'Aries,  h 
ia  kilomèlres  d»  cette  ville. 


144  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

dant  d'Oppede  y  estoit  allé  pour  salliier  M'  de  Guise,  je  m'y  en  allay 
aussy,  pour  voir  ledit  sieur  d'Aubray,  et  le  voyant  en  cette  resolution 
de  s'en  retourner  bien  tost  à  Paris,  je  voulus  luy  bailler  le  m[anu]s[crit] 
du  Polybe  et  caetera  que  je  voulois  envoyer  tirer  de  vostre  cassette  avec 
vostre  coppie  du  concile,  me  voyant  exclus  du  moyen  de  luy  faire 
porter  la  dicte  cassette,  comme  nous  avions  arresté  dez  la  première 
veniie  icy,  que  je  la  luy  envoyerois  à  Tarascon  lors  qu'il  seroit  en  estât 
de  partir  pour  Paris.  Mais  il  s'en  excusa  sur  ce  qu'il  n'avoit  pas  icy  du 
train,  dont  je  fus  bien  marry,  et  luy  eusse  bien  baillé  homme  pour  le 
suyvre  et  les  porter  aprez  lui  jusques  au  bout  de  la  province,  sans  que 
je  craignis  qu'il  ne  fit  luy  mesme  quelque  scrupule,  sur  le  mal  qui  es- 
toit  desja  dans  la  ville.  Ce  qui  me  fut  une  bien  grande  mortification , 
et  ne  fut  guieres  moindre  le  soir  ensuyvant  que  l'on  m'apporta  de  Mar- 
seille le  coffre  (ou  corbeille  couverte  de  cuir)  de  M'  de  Thou,  qui 
n'avoit  peu  estre  tiré  plus  tost  dessoubs  les  balles  de  marchandises  qui 
estoient  venues  par  le  mesme  navire  qui  l'a  apporté  de  Messine  à  Mar- 
seille. Car  oultre  le  desplaisir  que  j'ay  eu  depuis,  de  voir  le  daumage 
que  i'eau  de  la  mer  a  faict  à  la  plus  part  des  beaux  livres  qu'il  y  avoit 
mis,  ce  m'estoit  un  regret  nom  pareil  de  le  voir  engagé  icy  entre  mes 
mains,  liors  d'espérance  de  m'en  pouvoir  descharger  de  longtemps,  si 
Dieu  n'a  pitié  de  ce  pauvre  pais.  En  quoy  j'admiray  la  fortune  de  cez 
pauvres  livres  d'avoir  esté  tirez  avec  tant  de  peine  des  mains  des  bar-  ' 
bares  qui  les  possédoient,  et  puis  des  ondes  de  la  mer  qui  les  a  voient 
englouttis  et  retenus  dix  jours  entiers,  à  ce  que  m'escript  le  cappitaine 
Roubault  et  autres,  et  aprez  des  mains  des  volleurs  (car  le  dict  Rou- 
bault  asseure  qu'on  l'avoist  destourné  au  sortir  de  l'eau  de  la  mer  pen- 
sant qu'il  eust  des  choses  bien  précieuses,  et  qu'on  le  surprint  entre 
leurs  mains,  lorsqu'ils  l'avoient  desja  ouvert  et  commencé  de  se  le 
partager)  et  maintenant  de  le  voir  engagé  en  une  ville  interdicte  de 
tout  commerce  ])our  la  maladie  et,  s'il  se  peult  dire,  à  la  mercv  de  la 
maladie  et  des  desordres  qui  l'accompagnent  bien  souvent.  Mais  je 
faicts  estât  de  me  retirer  dans  la  sepmaine  prochaine  Dieu  aydant  à 
Beaugentier,  où  j'ay  desja  envoyé  toute  la  famille  à  i'advance,  et  y  feray 


I 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  U5 

porter  ledicl  coiïre  quant  et  nioy,  pour  voir  quels  moyens  le  temps 
nous  pourroit  fournir  de  le  vous  faire  tenir  aprez  les  quarantaines  ac- 
coustumées,  si  Dieu  nous  préserve  de  mal,  comme  nous  l'espérons,  à 
quoy  on  contribue  touts  les  soings  et  ordres  «jui  se  peuvent  liumaine- 
nient  apporter.  Mais  il  faull  que  Dieu  les  bénisse  et  fasse  reuscir,  autre- 
ment nous  avons  beau  faire.  Entr'autres  choses  il  est  desja  sorty  plus 
de  1 5  mille  persones  de  cette  ville  qui  ont  prins  leur  retraicte  dans  le 
terroir  '  des  villages  circon voisins  où  l'on  se  contient  en  quarantaine, 
pour  aprez  estre  admis  dans  les  dicts  lieux.  On  a  mis  les  mandiants 
dehors  dans  des  huttes,  où  l'on  les  faict  norrir  aux  despans  de  la  ville 
au  deflault  des  aumosnes.  On  loge  d'un  autre  costé  les  gents  de  basse 
condition  non  mandiants,  mais  nécessiteux,  pareillement  dans  des 
huttes,  pour  les  y  entretenir  de  mesmes  aux  fraiz  du  public.  La  peine 
n'est  qu'aux  paisans  travailleurs,  qui  sont  en  grand  nombre  et  qui 
seroient  gents  à  mettre  la  ville  au  pillage,  en  cas  de  plus  grand  mal- 
heur, si  la  ville  se  trouvoit  destituée  des  magistrats  et  gents  de  créance 
cappables  de  les  contenir  en  debvoir.  C'est  ce  principalement  qui  y  re- 
tient encores  la  cour,  ou  du  moings  la  chambre  des  vacations  où  je 
suis  de  service.  Mais  je  tascheray  de  m'en  faire  excuser,  non  que  jap- 
prehende  le  mal ,  mais  bien  le  peu  d'obéissance  qu'on  y  trouveroit  au 
bout  du  compte,  oultre  que  mes  infirmitez  et  foiblesses  ordinaires  ne 
peuvent  pas  promettre  grand  service  en  telles  occurrances  où  il  fault 
des  gents  bien  robustes.  Dieu  mercy  le  mal  n'est  poinct  encores  saullé 
dans  hostre  cartier  de  ville,  et  s'est  contenu  dans  celuy  qu'on  nomme 
des  Augustins,  qui  est  assez  esloigné  de  nous^,  pour  encores.  Je  m'en 
vay  faire  enfermer  touts  mes  livres  dans  une  ou  deux  chambres,  elles 
faire  murer  à  choux  et  sable,  tandis  que  l'air  n'y  est  poinct  infecté,  et 
en  retiendray  fort  peu  pour  emporter  quant  et  moy,  afin  d'avoir  de 
quoy  m'amuser  aux  champs.  Cependant  il  ne  me  manque  pas  de  la 

'    Terroir  est  employé  ici  dans  le  sens  de  publiëes  par  M.  Lud.  Lalanne,  t.  1 ,  p.  4o4. 
leniloire.  Malherbe  s'est  servi  de  la  même  '  Sur  le  quartier  des  Augustins,  voir  Le* 

expression  dans  sa  traduction  du  XXX II  r  li-  rues  'd'Aix,   par    Roux    Alpheran,   t   I, 

vre  de  Tite-Live.  Voir  les  Œuvres  compiles  p.  3Ao. 

n.  «9 


I7i6  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

besoigiie  pour  disposer  toutes  choses  comme  elles  doivent  demeurer  dans 
la  maison.  Ce  qui  m'empeschera  de  vous  pouvoir  entretenir  comme 
j'eusse  désiré  et  de  respondre  comme  ii  fauldroit  punctueilement  à  voz 
lettres,  seulement  vous  remerciray  je  irez  humblement  des  curiositez 
qu'il  vous  a  pieu  m'escrire  et  des  livres  et  papiers  courants  qui  v  es- 
toient  joincts,  et  que  j'emporteray  pour  les  voir  plus  à  loisir,  mesmes 
les  factons  de  M"'  Rigault,  à  qui  je  m'advisay  d'escrire  un  mot  lundy 
parce  que  j'avois  oublié  l'autre  jour  de  luy  demander  son  porlraict.  Je 
suis  bien  aise  qu'ayez  renvoyé  à  Rome  les  pacquets  de  M'  de  Tiiou;  je 
luy  en  ay  donné  advis  ce  jour  d'huy  par  l'ordinaire  d'Avignon,  et  ay 
faict  tenir  le  livre  de  M''  Rigault  adressé  à  Dom  du  Puy.  Je  ne  l'atten- 
dois  plus,  croyant  bien  que  le  bruict  du  mal  de  cette  ville  estoit  allé 
jusques  là  assez  à  temps,  mais  ilscreurent  que  ce  fust  une  fourbe  con- 
trouvée  pour  s'opposer  aux  edicts,  encores  que  le  mal  ne  soit  que  trop 
vray,  quoy  qu'on  en  aye  nettoyé  la  ville  et  renvoyé  au  dehors  le  plus 
tost  qu'on  a  peu  toutes  les  familles  qui  en  avoient  esté  attaintes.  Si 
cette  commodité  m'eust  manqué,  il  m'estoit  bien  malaisé  de  faire  tenir 
ledict  livre  si  ce  n'est  par  mer,  au  cas  que  les  villes  de  la  coste  puissent 
conserver  le  commerce  avec  l'Italie,  ce  que  je  ne  crois  pas.  Le  pix  est 
qu'on  a  advis  à  Marseille,  que  la  santé  n'est  poinct  trop  bonne  en  Italie 
et  qu'on  se  meurt  à  Ligourne  et  autres  lieux  de  la  coste  de  fièvres 
chaudes  qui  expédient'  le  monde  dans  trois  jours,  et  met  on  en  qua- 
rantaine à  Marseille  les  barques  qui  en  viennent,  en  estant  arrivé  une 
depuis  sept  ou  8  jours  de  Patron  Varendo ,  venu  de  Rome,  sur  laquelle 
sont  morts  deux  passagers  en  chemin  faisant,  ce  que  j'ay  apprins  à 
cause  de  quelques  miennes  petites  curiositez  dont  il  s'estoit  chargé  à 
Rome.  On  attend  d'heure  à  autre  les  galères  qui  ont  porté  M'  de  Ro- 
han*,  et  sont  passées  à  Messine,  d'où  elles  me  doivent  apporter  le  livre 

Sous  le  mot  earpédier  pris  dans  le  sens  trOn  doona  cent  mille  escus  au  duc  de  Ro- 
de tuer,  le  DiWwHMaîre  de  Littré  ne  cite  que  han,  qui  en  devoit  plus  de  quatre-vingts 
des  écrivains  postérieurs  à  Peiresc,  tels  que  mille  :  mais  le  roi  déclara  qu'il  ne  vouloit 
La  Fontaine,  Molière,  Pascal,  etc.  pas  le  voir,  et  l'on  convint  qu'il  sortiroitdu 

On    lit   dans  VHistotre   du   règne   de  royaume ,  et  qu'il  iroit  demeurer  à  Venise 

Louis  XIII ,  par  le  P.  Griffet  (t.  I,  p.  676):  jusques  à  ce  qu'il  plût  à  Sa  Majesté  de  le 


[1629]  AUX  FRÈRKS  DUPUY.  147 

des  inscriplions  de  Sicile,  dont  vous  estes  en  peine  à  tort.  Au  surplus 
il  ne  iault  pas  que  je  ferme  cette  lettre  sans  vous  dire  que  si  bien  la 
mer  a  fort  endaumajjé  les  livres  de  M"^  de  Thou,  il  y  en  a  pourtant 
plusieurs  qui  ne  seront  poinct  Lors  d'usage.  Les  coplitites  seulement 
sont  les  plus  gastez,  et  sont  ceux  neanlmoings  dont  j'eusse  esté  quasi 
plus  jaloux.  Car  le  papier  où  ils  sont  escripts  estoit  trop  collé,  et  la 
colle  d'un  feuillet  s'est  attachée  si  fort  contre  l'autre,  qu'il  semble  que 
ce  soit  tout  un  seul  carton,  qui  ne  se  peult  quasi  diviser,  sans  emporter 
la  pièce.  Il  y  fauldra  chercher  quelque  remède.  11  y  a  des  médailles 
à  ce  que  j'ai  peu  recognoistre  en  courant,  qui  seront  bien  bonnes  à 
garder,  et  en  ay  rencontré  de  bien  curieuses,  et  bien  de  mon  goust.  Il 
n'y  a  qu'un  mal,  c'est  que  l'eau  de  la  mer  leur  a  donné  un  certain 
verd,et  faulx  lustre,  si  desadvantageux,  que  ceux  qui  ne  sont  bien  as- 
seurez  à  recognoistre  l'antique,  les  jugeroient  toutes  modernes,  mais 
je  veux  essayer  si  quelque  laveure  ne  pourroit  poinct  oster  ce  faulx 
lustre.  Il  y  a  quattre  graveures  antiques,  dont  l'une  est  une  onyce  bieii 
gentile  quoy  que  la  gi'aveure  soit  de  golfe  main.  Il  y  a  une  Victoire  et 
cette  inscription  VTERE  PELIX,  j'estime  qu'il  veult  direVTERE  FELIX 
Victoria  partti,  et  qu'à  la  mode  de  l'oriant  il  employé  et  prononce  leP 
comme  ÏF  ou  le  PII,  si  ce  n'est  que  ce  fut  comme  le  PHOEMGIEN 
converty  en  PVNIQ.  Mais  il  y  a  une  grande  amethiste  où  se  void 
une  figure  de  Mercure,  ce  semble,  toute  escriple  quasi  comme  celle 
que  le  Baronius  '  a  donnée  au  n  Tome  pour  un  des  dieux  de  Basi- 
lides*.  Mais  icy  les  inscriptions  sont  toutes  différantes,  et  j'en  ay 
desja  deschilTré  de  prim'abbord  plus  de  la  moitié.  Il  fault  l'esprit  plus 


rappeler.  Le  loi  lui  donna  monsieur  île  la 
Valette  pour  le  conduire  en  sûrel*;  jusque» 
h  Marseille,  et  de  là  une  galère  pour  le  me- 
ner à  Livourne.  »> 

'  Sur  le  cardinal  Gësar  Baronius,  voir  le 
tome  1,  p.  70/1.  J'ajoute  (|ue  l'on  peut  con- 
sulter, au  sujet  des  relations  de  l'eia>sc  avec 
Baronius  à  Home  en  1600,  Gassendi,  liv.  I, 
p.  37. 


'  Trèsjeune encore,  Peirescs'étaitoccupë 
de  l'histoire  de  Basilide  et  du  gnosticisme 
en  étudiant  divei-ses  médailles  et  pierres 
gravées.  Il*  avait  ainsi ,  avant  sa  vingtième 
année,  pu  jeter  beaucoup  de  jour  sur  les 
pages  du  loini"  II  du  Recueil  de  Baronius 
relatives  à  Basilide  et  i)  l'école  dont  cet  héré- 
tique fut  le  chef  à  Alexanilrie.  Voir  Gassendi . 
liv.  I,  p.  37-38. 

•9- 


Iâ8  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

quiet'  pour  essayer  d'enlever  le  demeurant.  11  y  a  de  l'Hébreu,  du  Grec, 
et  du  Latin,  et  peult  estre  de  l'^Egyptien  antique  à  quoy  il  fault  une 
disquisition  un  peu  exacte,  et  le  Gophtite  y  viendroit,  je  m'asseure ,  bien 
à  propos.  Il  y  a  encores  deux  ou  trois  médailles  d'or  du  bas  empire 
bien  jolies.  Et  hors  du  coffre  une  grande  peau  de  crocodyle,  mais  la 
mouilleure  de  l'eau  de  nier  l'a  i'aict  corrompre  et  remplir  de  vermine, 
de  façon  qu'il  y  aura  bien  de  la  peine  de  la  conserver;  on  y  fera  ce 
qui  sera  possible.  Et  sur  ce  je  finiray  demeurant. 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur 
et  à  M''  du  Puy  vostre  frère. 
DE  Peiresc. 
A  Ai}b,  ce  vendredy  au  soir  3  aoust  1639. 

Si  vous  ne  m'avez  renvoyé  une  coppie  de  lettre  que  je  vous  envoyay 
dernièrement  concernant  la  tenue  de  noz  derniers  estais,  je  vous  prie 
de  la  bailler  à  M""  le  Pelletier,  pour  la  faire  voir  à  M""  le  Beauclerc  qui 
vous  la  rendra  par  aprez,  car  je  seray  bien  aise  de  la  retirer  et  brusler, 
si  elle  peult  revenir  jusques  à  nous.  Je  dicts  si  elle  peult  revenir,  et 
de  faict,  dezhorsmais  les  despesches  courront  beaucoup  plus  de  fortune 
que  de  coustume,  tant  que  la  cour  sera  encor  icy,  car  si  elle  en  sort, 
les  despesches  l'iront  chercher  la  part  où  elle  se  retirera,  auquel  cas 
il  me  sera  plus  aisé  de  les  retirer.  Il  ne  fauldra  plus  bazarder  de  pièces 
uniques  ne  dont  on  peult  appréhender  la  perte  jusques  à  ce  que  nous 
voyions  quel  sera  le  succez  de  ce  malheureux  fléau  que  Dieu  veuille 
destourner  de  sur  nous. 

Depuis  avoir  escript,  la  despesche  ayant  esté  retardée  par  M' le  Pre- 
mier Présidant  jusques  à  ce  jour  d'huy,  7  aoust,  je  vous  diray  que  l'on 
me  vient  d'advertir  que  le  pacquet  de  Lyon  de  cette  semaine  est  ar- 
rivé, et  que  l'on  a  mandé  les  intendants  de  la  santé,  pour  l'aller  faire 

Sous  ce  mot,  qui  figure  encore  dans  vieux),  Litlré  cite  seulement  une  phrase  de 
la  dernière  édition  du  DicUonnaire  de  l'Aca-  Montaigne  et  une  phrase  de  saint  François 
demie  française  (il  est  vrai  avec  la  note:        de  Saies. 


11629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  U9 

passer  par  le  vinaigre,  de  sorte  que  nous  voila  hors  de  peine  pour  celuy 
ià  Dieu  mercy.  Mais  j'ay  bien  une  meilleure  nouvelle  à  vous  dire,  c'est 
que  voicy  au  jour  d'iiuy  le  cinquiesme  jour  qui  s'est  passé,  sans  qu'il  se 
soit  descouvert  aulcun  nouveau  mal  dans  la  ville  ne  dehors,  grâces  à 
Dieu,  et  que  de  ceux  mesmes  qui  avoient  esté  envoyez  à  la  maladerie, 
il  n'en  est  poinct  mort  depuis  les  trois  premiers  jours  durant  lesquels 
.  se  descouvrirent  tous  les  inconveniants  et  accez  qui  firent  tant  d'al- 
larme. 

Vous  aurez  icy  l'un  des  livres  du  coffre  de  M'  de  Thou  que  j'ay  ha- 
zardé  afin  que  vous  en  ayez  quelque  eschantillon,  attendant  que  le 
commerce  nous  soit  restahly.  Je  l'ay  iaict  relaver  et  recouidre  par  mon 
relieur,  pour  remédier  aux  macules  de  l'eau  marine  qui  s'en  sont  bien 
allées. 

Pour  les  lettres  de  Malerbe,  j'en  dois  avoir  diverses  liasses,  je  n'en 
ay  trouvé  qu'une  bien  vieille,  je  chercheray  plus  exactement  et  en  tout 
cas  vous  envoyeray  celle  là  par  la  première  commodité  '. 


XXXIII 

À  MONSIEUR,   MOiNSIEUR  DU  PUY, 
À  PARIS. 

Monsieur, 
J'ay  receu  vostre  pacquet  du  9  4"'*  avec  le  libvre  de  vita  et  morte  Mosis 
du  sieur  Gaulmin^  fort  bien  conditionné  nonobstant  le  vinaigre,  dont 
je  vous  remercie  Irez  humblement  ensemble  des  autres  pièces  et  pa- 
piers qui  y  estoient  joincts.  J'ay  veu  et  admiré  comme  vous  l'espitre 
liminaire  à  M''  le  cardinal  de  Berule,  et  ne  pense  pas  qu'il  la  puisse  ne 
doibve  souffrir  en  façon  du  monde,  ne  doubtant  poinct  qu'il  n'y  ayt 
de  grandes  resveries  dans  cez  traditives  rhabinesques*,  mais  j'estime 

'  Vol.  717,  fol.  69.  ci  :  Liber  rabbinicu*  de  vita  et  morte  Mo$i$ 

'  Voir  sur  Gilbert  Gaulmiii  le  tome  I,        e»m  noh»  (Paris,  1629,  in-8*). 
p.  36.  Le  V(5ri(ab!e  titre  du  livre  est  celui-  '  Ce  mot  n'est  ni  dans  Richelet  ni  dans 


150 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1629] 


pourtant  qu'il  y  aura  quelque  chose  à  profliter  dans  les  observations 
de  l'interprète.  Il  est  vray  qu'il  y  fauldra  du  loisir.  Je  suis  fort  aise  que 
l'advis  soit  arrivé  à  temps  de  la  part  de  M'  de  la  Hoguette,  pour  em- 
«pescher  M'  Granier  de  mettre  soubs  la  presse  cez  œuvres  postumes 
du  chancellier  Baccon,  car  comme  je  vous  ay  depuis  escript,  je  des- 
couvris que  le  dict  sieur  de  la  Hoguette  avoit  quelque  dessein  d'y  tra- 
vailler à  son  loisir,  s'il  en  pouvoit  trouver  la  commodité  ^  C'est  un 
personage  certainement,  dont  le  mérite  et  recommandables  parties 
surpassent  tout  ce  qui  s'en  pourroit  jamais  dire;. il  n'y  auroit  qu'une 
seule  chose  à  désirer  en  luy,  pour  mon  humeur,  qu'il  fust  un  peu 
moings  excessif  en  cez  cérémonies,  car  il  ne  vous  aui'oit  pas  donné  la 
peine  que  vous  avez  prinse  à  me  redonner  de  cette  eau  benitte  ^  si 
abondamment  comme  vous  avez-faict,  tant  de  son  chef  que  du  vostre, 
comme  si  je  ne  debvois  pas  aux  uns  et  aux  autres  au  centuple  de  tout 
ce  que  j'ay  jamais  faict  et  que  je  sçaurois  faire  de  ma  vie.  Je  ne  vous 
en  ose  pas  dire  davantage  pour  n'encourir  les  mesmes  reproches, 
sçaichant  le  plaisir  que  vous  prenez  d'obliger  voz  serviteurs,  et  le  des- 
plaisir que  vous  recevez  d'en  ouyr  parler,  parce  que  vous  vouldriez 
tousjours  faire  davantage  que  ^  vous  n'en  faictes.  Vous  aurez  veu  par  mes 
dernières  le  desastre  qui  a  rompu  uoslre  partie,  et  nous  a  empesché  de 
vous  faire  tenir  la  cassette  avec  les  hardes  de  M' d'Aubray,  dont  je  suis 
bien  mortifié.  Mais  au  bout  du  compte  il  me  fault  resouldre  à  la  pa- 
tiance  pour  ce  regard,  aussy  bien  que  pour  celuy  des  hardes  de  M'  de 
Thou  qui  ne  me  tiennent  pas  moings  en  peine  que  le  reste. 

Tout  ce  qui  me  console  le  plus,  est  que  grâces  à  Dieu,  la  cessation 


Trévoux.  On  trouve  dans  ce  dernier  recueil 
te  mot  rahbinique  au  sujet  duquel  Littré  cite 
Bossuet  et  Voltaire. 

'  La  Hoguette  n'a  rien  publié  des  œuvres 
posthumes  du  chancelier  Bacon. 

■  Nos  dictionnaires  mentionnent  ïcau  bé- 
nite de  cour,  mais  aucun  ne  semble  connaître 
l'expression  figurée  plus  simple  employée 
par  Peiresc.  


^  C'est  ici  l'occasion  de  citer  une  ob- 
servation de  Littré  :  rLes  grammairiens 
modernes  ont  décidé  que  davantage  ne  pou- 
vait être  suivi  de  que.  Toutefois  cette  déci- 
sion est  en  contradiction  avec  l'usage  des 
meilleurs  écrivains.»  Littré  cite,  à  ce  su- 
jet, Descartes,  Malherbe,  Molière,  Pascal, 
Bossuet,  La  Bruyère,  Massillon,  J.4.  Rous- 
seau. 


[1629]       "*  AUX  PMIÈRES  DUPUY.  151 

du  mal  qui  nous  avoit  doiitié  l'aliarme  si  chauldc  continue  tousjours. 
Et  la  santé  ne  fut  de  longtemps  meilleure  qu'elle  est  en  cette  ville, 
où  nous  comptons  au  jour  d'Iiuy  le  xr  jour  qu'il  n'y  a  eu  mal  quei- 
quonque,  tant  soit  peu  subjcct  à  soubçon;  voire  on  commance  à  re- 
vocquer  en  doubte  si  les  9  ou  i  o  persones  qui  moururent  dans  les 
3  premiers  jours  sont  mortes  attaintes  de  la  vraye  maladie  contagieuse, 
attendu  que  la  pluspart  estoient  gens  gastez  et  pourris  de  verolle  et  de 
desbausche,  qui  pouvoit  bien  avoir  dégénéré  en  espèce  de  peste,  mais 
non  pas  tant  communicable  '  que  la  vraye  peste,  et  pour  les  autres  la 
frayeur  en  a  certainement  tiié  quebpies  uns,  comme  il  s'est  trez  bien 
vérifié,  dont  les  corps  n'avoiont  aulcune  vraye  marquo  de  peste,  bien  - 
que  la  mort  y  eust  esté  fort  soubdaine.  Mais  pourtant  on  ne  laisse  pas 
d'y  apporter  toutes  les  précautions  qui  se  peuvent  bumainenient,  et 
tout  de  mesmes  comme  si  le  mal  avoit  esté  le  pire  qu'on  cust  peu  ap- 
préhender, afin  d'en  exclurre  la  suite  et  communication.  Si  Dieu  vou- 
loit  permettre  que  nous  en  fussions  (juittes  pour  ce  que  nous  en  avons 
eii,  ce  seroit  un  grand  lieur.  Cependant  M""  le  Gouverneur  n'a  jfas 
laissé  de  faire  diverses  ordonnances  pour  exclurre  tout  commerce  de 
cette  ville  icy,  non  seulement  avec  Marseille,  et  puis  avec  toutes  les 
villes  de  la  coste,  mais  aussy  en  faveui- d'Aubagne '^  disant  qu'il  le  veult 
reserver  pour  sa  retraicte,  en  faveur  de  Lambesc'  et  Orgon  dont  il  est 
propriétaire,  et  en  faveur  de  Berre*  où  sont  les  greniers  à  sel*,  dont 
la  closture  met  en  desarroy  toute  la  Province  et  partout  il  envoyé  des 
quasaques  de  ses  gardes  pour  s'opposer  et  éluder  toute  sorte  d'arresfs 
du  parlement.  Il  avoit  une  foys  demandé  conferance;  on  luy  a  député 
M''  de  Boyer,  conseiller",  pour  cet  elfect,  mais  ils  n'ont  rien  conclu  et 
tout  est  en  la  mesme  mésintelligence  que  devant,  ce  qui  produira  un 

'  Le  Dictionnaire  de  Utlré  cite  sous  le  *  Chef-lieu  de  canton  de  rarrondissement 

mot  communicable  une   lettre  de  Guez  de    '    d'Aix,  h  26  kilomètres  de  celte  ville. 
Balzac  et  les  Mémoire»  de  Saint-Simon.  '  Chacun  a  entendu  parler  des  immenses 

'  Voir  sur  Aulwgne  le  tome  1,  p.  109.  salines  exploitées  sur  les  bords  de  l'étanj»  de 

'  Chef-lieu  de  canton  du  département  des  Berre. 
Bouclies-du-Rhône,  arrondissement  d'Aix ,  h  "  Jean-Baptiste  de  Boyer,  seigneur  d'É- 

ai  kilomètres  de  cette  ville.  guilles,  plus  haut  mentionné  (^lettre  XVI). 


152  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

jour  de  pernicieux  effets.  On  a  esté  constraiiit  de  resouldre  une  depu- 
tation  vers  le  Roy,  pour  en  aller  porter  les  plaintes  à  Sa  Majesté.  La 
retractation  de  M"'  de  Rouen  ^  est  bien  estrange  et  mérite  d'estre  veiie 
en  son  temps.  J'ay  de  l'obligation  à  M' l'Huillier^  du  beau  libvre 
qu'il  luy  a  pieu  me  despartir.  J'en  verrois  volontiers  les  premières 
teuilles  si  l'imprimeur  en  veult  despartir,  pour  ne  desassortir  mon 
exemplaire,  et  pour  voir  à  peu  prez  ce  que  c'est  en  attandant  que 
le  commerce  puisse  estime  r'estably,  qui  n'est  pas  besoigne  preste.  Mais 
j'ay  bien  plus  d'impatiance  de  ce  beau  siège  de  Grosle  de  M''  Grottius, 
et  d'entendre  que  le  succez  de  Bosleduc  ^  l'oblige  à  le  descrire  comme 
l'autre.  Je  suis  iort  aise  que  le  sieur  Noël  médecin  soit  en  la  bonne 
ville  de  Paris,  mais  puis  qu'il  a  tant  différé  je  luy  conseillerois  de  tem- 
poriser encor  un  peu,  pour  voir  que  deviendra  tout  ce  mal,  car  en- 
cores  que  nous  soyons  en  trez  bonne  espérance  pour  cette  ville  icy,  le 
mal  est  neantmoings  desja  bien  grand  en  la  ville  d'Arles,  et  s'il  faict 
du  progrez  ailleurs,  il  n'auroit  pas  de  contentement  en  ce  pais  icy,  où 
les  villes  sont  desja  toutes  désertes,  non  seulement  pour  cette  ville  icy 
et  Arles,  mais  pour  celle  mesmes  de  Marseille,  où  la  terreur  n'a  esté 
guieres  moindre  qu'icy,  y  ayant  eu,  quoy  qu'on  le  nye,  des  accidents 
aussy  suspects  que  ceux  d'icy.  Que  si  le  dict  sieur  Noël  faisoit  estât  de 
se  venir  offrir  à  servir  pendant  la  maladie,  en  ce  cas  ce  seroit  la  vraye 
saison  de  venir,  car  il  sera  le  trez  bien  veneu,  etreceu  avec  toute  sorte 
d'applaudissement,  attendu  les  difficultez  que  faisoient  noz  médecins 

'  L'archevêque   de    Rouen    était    aloi-s  longtemps  il  [Frédéric -Henri  de  Nassau] 

François  II  de  Harlay,  lequel  siégea  de  la  fin  méditait  le  siège  de  Bois-le-Duc,  l'une  des 

de  161 5  à  la  fin  de  1 65 1.  plus  fortes    places    du    Brabant.   L'archi- 

'  François  Lu  illier,  le  grand  ami  de  Gas-  duchesse  gouvernante,  apprenant  le  des- 
sendi.  sein  du  prince ,  n'oublia  rien  pour  le  faire 
Hugonis  Grotii  obsidto  Grollce,  cum  an-  échouer.  Elle  leva  une  armée  considérable. 
nexis  anno  i6ay  (Francfort,  1629,  in-fol.;  Mais  l'habileté  de  ses  généraux  et  la  va- 
Amsterdam,  1639,  in-fol.).  Dans  VArt  de  leur  de  leui-s  troupes  ne  purent  empêcher 
vérifier  les  dates,  où  n'est  pas  mentionné  Bois-le-Duc  de  capituler  'e  i4  septembre 
le  beau  siège  célébré  dans  les  vers  la-  [i6a8].i  Voir  sur  Bois-le-Duc  et  le  siège 
tins  de  Grotius,  on  raconte  ainsi  (t.  XIV,  de  jôag  une  note  du  recueil  Avenel,  t.  IV, 
p.  178),  le  siège  de  Bois-le-Duc  :  Depuis  p.  lui. 


[1629]  AUX  FRKRES  DL'I'UY.  158 

ordinaires  qui  ont  bien  aydé  à  augmenter  l'allarnie  pour  rançonner 
incontinant  la  ville.  On  en  a  arresté  quattre  à  cinquante  pistoles  par 
n»oys,  dont  on  leur  faict  l'advance  de  cent  pistoles  de  deux  movs  en 
deux  moys,  et  ils  s'obligent  de  servir  la  ville  durant  tout  le  mal,  sii  y 
fin  a,  à  cette  condition.  Les  cyrurgiens  se  faisoient  fort  tirer  l'oreille,  et 
n'avoient  pas  de  honte  de  demander  des  dix  mille  francs,  mais  on  en  a 
faict  venir  de  dehors,  qui  leur  ont  passé  la  plume  par  le  bec',  et  se 
sont  contentez  de  la  raison  et  du  debvoir. 

J'ay  receu  un  gros  fagot  de  Rome  de  la  part  du  cardinal  où  est  ce 
libvre  délia  congiura  dcl  Ficsclio  in  /i"  -  dont  parloit  Dom  du  Puv, 
ensemble  la  vie  de  Sylvesti-e  11  de  Bzovius  in-f"^;  la  vie  de  saint  Adal- 
bertus*  escripte  par  le  dict  Sylvestre  II*,  adjoustée  par  appendice  à  la 
précédante,  et  les  sull'rages  des  cardinaulx  et  evesques  adsistants  au 
consistoire  lors  de  la  canonisation  de  saint  André  Corsini,  evesque  de 
Fiesoli,  prez  de  Florence  ^  in  8".  Je  n'ay  pas  encores  veu  ce  que  c'est 


'  Voir  l'explication  que  le  Dictionnaire  de 
Liltré  (au  mot  Bec)  donne  de  celle  locution 
qui  a  élé  employée  par  Molière  et  par  le  duc 
de  Saint-Simon. 

*  La  congiura  del  conte  Luigi  de' Fieschi , 
descr.  da  Agost.  Mascardi  {\en\se,  1639, 
in-/i°).  Voir  sur  Aujjustin  Mascardi  une  noie 
dans  le  tome  I  des  Lettres  de  Jean  CItapelain 
(p.a27). 

'  Sylvesler  II  pontifex  maximns  (Rome, 
1699).  Abraham  Bzovius,  dominicain  po- 
lonais, naquit  en  1667  et  mourut  le  3 1  jan- 
vier 1687.  Ce  fut  un  des  continuateurs  dos 
Annales  de  Baronius  (tomes  XIII à  XXI,  im- 
primés à  Cologne  de  1616  h  i63o). 

'  Saint  Adalbert ,  né  h  Lobnik  en  960 ,  fut 
le  second  évêque  de  Prague  (1 9  février  98a  )  ; 
il  mourut  le  28  avril  997.  Voir  Répertoire 
des  sources  historiques  du  moyen  âge ,  par  l'nbbé 
Ulysse  Chevalier  (fascicule  i,  col.  17). 

'  Le  savant  bibliographe  cité  dans  la  noie 
])récédenle   mentionne,  au   sujet  de  saint 


Adalbert,  un  grand  nombre  d'auteurs,  mais 
il  ne  signale  ni  Bzovius,  ni  Silvestre  II.  Du 
reste,  ce  serait  h  fort  que  l'on  aurait  mis 
sous  le  nom  de  ce  pape  la  Vie  que  lui  attri- 
bue Pciresc,  si  l'on  en  croit  un  des  plus 
doctes  de  tous  les  Boliandistes,  Henschcnius 
i^Acta  Sanctorum ,  .Apribs.  t.  III,  p.  176), 
lequel  rappelle  que  Baronius,  en  ses  An- 
nales, cite  sous  le  nom  de  Silvestre  II  la 
Vie  de  saint  Adalbert,  d'après  un  manu- 
scrit de  la  bibliothèque  du  Mont  Ca.s$in.  U 
rappelle  aussi  que  Bzovius  a  publié  cette 
Vie  en  1629.  Lui-même  la  reproduit  parmi 
les  documents  i-elatifs  ii  saint  Adalbert 
(p,  178-187). 

'  Saint  André  Corsini,  né  à  Florence 
le  3o  novembre  i3oa,  carme  en  tSig, 
évêque  de  Fiesolo  en  i36a,  mort  en  i37-3 
le  G  janvier,  fut  canonisé  par  le  pape  Ur- 
bain VIII  en  1629,  y o\r  Répertoire  de  l'abbé 
U,  Chevalier  (fasc.  i,  col.  u4). 


ao 


154  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

et  ne  sçay  s'il  y  aura  rien  qui  vaille,  ne  qui  meritast  de  vous  estre  en- 
voyé, si  ce  n'est  possible  cette  vie  de  s^  Adalbert  pour  estre  pièce  du 
temps,  et  d'un  siècle  assez  stérile.  Je  la  parcourray  mais  que  je  sois 
aux  champs  Dieu  aydant,  et  puis  je  pourrois  bien  la  vous  envoyer  et 
celle  de  Sylvestre,  en  un  ou  deux  pacquets,  car  quand  bien  en  les 
ployant  ils  se  gasteroient  il  n'y  auroit  pas  grande  perte.  Si  les  libvres 
arabes  m[anujs[crit]s  deM'"deThoun'estoient  si  gros,  je  les  hazarderois 
volontiers  par  la  poste  les  uns  aprez  les  autres,  attendu  que  je- sçay 
qu'il  y  a  une  bible,  et  que  le  sieur  le  .lay  ni'escrivit  dernièrement  qu'il 
en  desiroit  avoir  une  de  Rome  en  quelque  façon  qui  iust  bien  entière. 
Et  encores  ne  sçay  je  si  la  grosseur  un  peu  trop  disproportionnée  ne 
pourroit  empescher  de  les  bazarder,  car  tousjours  ne  sont  ils  qu'in  k" 
et  plus  tost  il  y  auroit  moyen  de  les  envoyer  en  deux  foys  chascun  des 
deux  plus  gros  volumes.  Mais  j'appréhende  avec  cez  nouveaux  bruicts 
de  peste  de  ce  costé  cy,  que  Mess"  de  Lyon  ne  se  veuillent  vanger 
des  rigueurs  que  nous  avons  exercées  sur  eux  et  sur  leurs  pacquets 
maintenant  qu'ils  penseront  avoir  représailles  sur  nous,  et  qu'ils  ne 
veuillent  faire  passer  comme  nous  par  le  vinaigre  tout  ce  qui  viendra 
de  pardeça.  C'est  pourquoy  j'attendray  ce  que  M""  de  Fetan  me  man- 
dera depuis  l'advis  de  nostre  allarme,  touchant  l'ordre  qu'ils  auront 
prins  pour  cela. 

L'une  des  choses  qui  me  feroit  iiaster  de  vous  envoyer  lesdicts  libvres 
seroit  pour  vous  donner  moyen  d'y  employer  voz  excellants  relieurs,  à 
tascher  d'en  séparer  les  feuilletz  qui  se  tiennent  la  plus  part  les  uns 
contre  les  autres,  n'y  ayant  osé  employer  le  mien  cou)me  .inexpéri- 
menté en  cez  besoignes  si  dilficiles.  Or  cez  petits  libvres  ^Egyptiens  ou 
Gophtites  sont  si  mal  accommodez  qu'à  peine  se  peuvent  ils  ouvrir  en 
cinq  ou  six  endroicts  du  volume,  et  je  plaindrois  grandement  s'il  ne  se 
trouvoit  quelque  remède  à  cela.  Il  y  avoit  cinq  petits  feuillets  de  vellin, 
de  ceux  que  M"^  de  Thou  disoit,  ce  me  semble,  avoir  faict  venir  de  la 
mosquée  du  vieil  Cayre  et  dont  j'eusse  bien  faict  grand  cas,  comme  luy, 
s'ils  se  feussent  peu  conserver  en  leur  entier,  mais  comme  cela  esloit 
destaché  et  n'estoit'pas  en  libvre  ne  soubs  aulcune  couverture,  je  ne 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  155 

sçay  si  la  mer  y  a  plus  exercé  de  tyrannie,  ou  si  ceux  qui  les  ont 
maniez  au  sortir  de  l'eau  ne  les  ont  pas  bien  gouvernez;  tant  y  a  qu'il  y 
en  a  de  louts  yastez  et  perdus;  il  y  en  avoit  un  seulement  qui  estoit 
plus  conservé  que  les  autres,  lequel  je  fis  mettre  entre  deux  ais  un  peu 
cliaufl'ez  où  il  s'est  lort  bien  remis,  et  par  où  j'ay  jugé  que  l'escritture 
est  arabique,  la  plus  part  enrichi  de  fleurettes  d'or  ou  de  miniature, 
avec  des  gloses  interlineaires,  et  semble  estre  arraché  de  quelque 
libvre  en  forme  bislongue  comme  ceux  de  musique,  possible  pour 
plus  de  commodité  à  chanter  dessus  dans  la  dicte  mosquée,  si  ce  n'estoit 
pour  les  chrétiens  arabes.  Or  j'estime  que  cela  soit  bien  vieil,  et  le  juge 
de  ce  que  aulcuns  autres  des  dicts  feuillets  sont  percez,  ce  semble,  à 
l'endroict  où  avoit  esté  l'ancre  corrosive,  comme  cette  vieille  Genèse  m[a- 
nu]s[crite]  d'Angleterre  que  vous  avez  veiie  autres  foys,  dont  les  lettres 
estoient  quasi  à  jour,  et  à  pièce  enq>ortée.  Si  nous  avions  la  liberté  du 
commerce  de  Marsedle,  j'eusse  envoyé  quérir  l'interprète  du  Koy,  pour 
voir  s'en  scroit  rien  deschiffré.  Mais  cela  ne  se  pouvant,  si  je  ne  trouve 
à  Toullon  quelque  Turc  qui  m'y  puisse  servir,  je  le  vous  envoyeray 
là,  pour  les  mettre  ez  mains  de  cez  Maronites,  qui  de  leur  grâce  me 
gardent  encores  sans  jamais  m'avoir  voulu  rendre  un  petit  libvret 
escript  en  caractères  cophtites,  qu'un  cordelier  de  ce  pais  icy  m'avoit 
donné,  lequel  je  leur  avois  mis  en  main  pour  voir  s'ils  en  sçauroient 
rien  deschilTrer,  et  parce  que  je  ne  m'advisay  pas  de  le  leur  redeman- 
der qu'aprez  le  decez  de  feu  Monseigneur  le  Garde  des  sceaux  du  Vair, 
ils  me  voulurent  faire  à  croire  que  le  dict  seigneur  le  leur  avoit  donné, 
qui  estoit  une  imposture  Arabesque  à  la  mode  de  leur  païs,  n'ayant 
pas  moy  de  quoy  vérifier  là  le  contraire  ni  beaucoup  de  volonté 
de  me  tourmenter  de  si  peu  de  chose,  mais  leur  mauvaise  foy  me 
blessa  grandement,  et  m'a  depuis  empesché  de  les  employer  jamais, 
au  moins  celuy  qui  est  encores  là,  car  pour  l'autre  qui  s'en  retourna 
en  Levant,  je  ne  pense  pas  qu'il  eust  esté  perfide  pour  si  peu  de  chose. 
4u  reste ,  comme  j'avois  escript  jusques  icy,  M""  Valois  ^  m'est  venu  voir. 

'  Le  trésorier  de  (irenoble. 


156  LETTRES  DE  PELKESC  [1629| 

revenant  de  Suse  et  de  Turin,  envoyé  en  ce  pais  par  M' le  Mareschal  de 
Crequy.  11  m'a  conté  afforce  nouvelles  de  libvres  bien  curieux,  mesmes 
du  Glossarium  archaiologicum  Spelmanni,  qu'il  a  veu  cz  mains  de 
l'ambassadeur  d'Angleterre  à  Turin,  qui  est  sans  doubte  cbose  excel- 
lante, et  dont  l'autheur'  m'a  envoyé  les  20  premiers  cahiers  plus  de 
dix  ans  y  a,  oiî  j'ay  apprins  des  merveilles  de  cez  langues  septentrio- 
nales et  origines  de  mots  anciens  qui  en  sont  descendus.  Il  fauldra  bien 
tascher  d'en  avoir  un  exemplaire  complet.  Il  m'a  dict  avoir  veu  aussy 
un  autre  livre  d'un  Herveus  anglois-,  imprimé  à  Francfort  in  U°  de 
motu  cordis  et  sanguinis^,  qui  est  chose  trez  exquise  au  rapport  qu'il 
m'en  a  faict  et  qui  sera  bien  du  goust  de  M""  de  la  Hoguette  comme  ce- 
luy  des  veines  lactées,  car  il  veult  prouver  une  circulation  perpétuelle 
du  sang  par  le  cœur,  des  artères  aux  veines,  et  des  veines  de  rechef 
aux  artères,  etc.  11  y  a  encores  d'Angleterre  une  Historia  navalis  qui 
sera  sans  doubte  curieuse  dans  la  suitte  plus  qu'en  ses  commance- 
ments  ''.  Il  parle  d'un  Italien  qui  faict  de  Gravibus  qui  s'imprime  à 
Turin,  qui  est  trez  curieux^,  d'un  autre  qui  se  faisoit  à  Padoiie  de 
quadratura  circuli  promota  '',  dont  les  figures  de  boys  se  tailloient  aux 


'  Henii  Spelman.  Voir  sui'  cet  érudit,  le 
Du  Gange  de  l'Anglelerre,  le  tome  [,  p.  30  et 
•2 1 .  Voici  le  titre  complet  de  son  célèbi  e  l'e- 
cueil  :  Glossarium  archaiologicum  :  conlinen-s 
latino-barbara ,  peregrina,  obsolela  et  uovulœ 
niguificatioms  cocabulu.  Ce  lut  la  première 
partie  du  Glossaire  (jusqu'à  ia  lettre  L)  qui 
])artil  en  1629.  L'ouvrage  complet  ne  fut 
publié  que  vingt-trois  ans  après  In  mort  de 
l'auteui-,  en  i664  (in-fol.) 

'  il  s'agit  là  de  l'illustre  mtklecin  Guil- 
laume Harvey ,  né  a  Folkslone  en  avril  1578, 
mort  en  juin  i658.  Voir  sur  Harvey,  outre 
le  livre  mémorable  de  Flourens  (  Histoire  de 
la  découverte  de  la  circulation  du  sang ,  Paris, 
i854,  in-19),  un  article  du  docteur  A.  La- 
boulbène  dans  la  Revue  scientifique  du  96  no- 
vembre 1 887  :  Harvey  et  la  circulation  du  sang. 


'  Exercitalio  analomica  de  motu  cordis  et 
saiiguinis  in  animalibiis  (Francfort,  1628, 
iu-'i°). 

'  Peiresc  veut  sans  doute  parler  des  pre- 
miers chapitres  d'un  ouvrage  ainsi  indiqué 
dans  le  Nouveau  manuel  de  bibliographie 
universelle  de  Ferdinand  Denis,  Pinçon  et  de 
Mai  tonne  :  Th.  Rivio,  Hisioria  navalis  unti- 
qua,  libri  quatuor  (Loudini,  i633). 

*  Des  recherches  fuites  pour  moi  en  Italie 
par  d'obligeants  et  savants  amis  n'ont  pu 
me  procurer  le  moindre  renseignement  sur 
l'auteur  et  le  livre  dont  il  est  ici  question. 

'  C'était  l'ouvrage  intitulé  :  Curvi  ac  reeti 
proportio  a  Bartholonueo  Sovero  Friburgensi 
in  Gymnasio  Patavino  Malheseos  pro/essore 
promota,  libri  sex  (Palavi,  i63o,  in-/i°). 
Voir,  sur  l'auteur  de  ce  livre,  né  à  Frilwurg 


(1629J  AUX  FRÈRES  DUPUY.  «7 

despens  du  cardinal  de  Savoye  '.  Mais  l'aulheur  est  mort  sans  que 
i'odition  fust  achevée.  Finalement  il  me  parloit  de  l'autheur  de  l'anti- 
Tycho  ^  qui  a  faict  un  lihvre  ex  prolesso  de  tribus  novis  steliis  contre 
Tyciio,  Keplei-us  et  tous  les  modernes,  qu'il  fauldra  tascher  d'avoir  en 
son  temps  ^. 

Mais  pour  les  nouvelles  il  dicl  (|ue  l'empereur  occupe  et  fortifie  non 
seulement  la  Valteline,  mais  tous  les  Grisons,  excepté  fort  peu  de 
chose,  que  la  paix  d'Italie  est  meshuy  achevée  d'exécuter,  mais  il  y  a 
là  un  gros  os  à  ronger*  dans  cez  Grisons.  Que  Monseigneur  le  Cardinal 
a  mandé  à  M''  le  Mareschal  de  Grequy  qu'au  moindre  advis  qu'il  aura 
de  luy,  il  luy  envoyera  sur  le  champ  3o  mille  hommes  pour  s'en  faire 
à  croire.  Que  le  Duc  de  Savoye  s'est  entremis  fort  avant  par  son  ambas- 
sadeur, |)our  commancer  un  traicté  do  paix  entre  l'Angleterre  et  l'Es- 
pagne; (pnin  ecclesiasti<[ue  envoyé  pour  cet  effect  vers  la  Koyne 
d'Angleterre  par  l'Infante,  avec  afforce  reliques,  ayant  salifié  le  Koy 


vers  1J77,  iiiofl  le  «3  jiiillel  itiaij,  el  sur 
ses  ouvrages,  deux  litudes  do  M.  le  profes- 
seur Antonio  Fnvarn  publiées  dans  le  Biil- 
iettino  di  Liljlioffvnjia  dclle  ncienie  malem.  de 
j88â  el  i88(i,  el  doul  il  aél^l'uit  un  tirage 
à  pari  (Rome,  in-i",  60  et  18  pages).  — 
Coiuniunicalion  de  M.  le  baron  Manno, 
membre  de  l'Acaddniie  des  sciences  de  Turin 
et  secrétaire  de  la  royale  d^putation  pour 
l'Iiistoire  de  la  patrie. 

'  Le  cardinal  Maurice  (^voirl.  I,  p.  8o3) 
se  piquait  de  faire  le  Mécène  et  avait  une 
cour  de  savants. 

*  L'auteur  de  r.l(i//-7yc/io  est  Scipion 
Chiai'amonti ,  né  à  Césène  le  a  a  juin  i565, 
mort  le  3  octobre  i65a.  Voir,  sur  les  nom- 
breux ouvrages  de  ce  nialhénialicien ,  le 
tome  XXX  des  Mémoires  de  Niceron.  Ghia- 
rarnonti  esl  plusieurs  l'ois  mentionné  <lans 
les  Lettres  de  (labricl Nniidé  ((ascmi\e  XU  des 
Correspondants  de  Peiresc),  1887,  p.  3o- 
3i,  76.  Adrien  Baillet  (Des  satyres  person- 


nelles, a  la  suite  du  Jugement  des  Savants, 
I.  VII,  in-  /i",  i7aa,  p.  ag'i  -  agS)  a 
donné  d'abondants  détails  sur  la  querelle 
soulevée  par  la  publication  à  Venise  (iBai, 
iu-i')  du  l'Anli  -  Tycho  Scipionù  CUra- 
moiilii,  in  quo  advenus  Tychonem  Brahe  et 
nonmdlos  alios,  rationibus  eorum  ex  opttcis  et 
geometricis  principiis  solutis ,  demonstralw 
cometas  esse  sublunares ,  non  eœlettes. 

'  De  tribus  novis  stcllis  qtiœ  annis  lôyj, 
lOoo  et  j6'oi  comparuere,  in  (/uibus  de- 
moiistratur  rationibus  ex  parullaxi  pnetertim 
ductis  stelliis  fuisse  sublunares  et  non  calestes 
adversus  Tychônem ,  Gemmam .  Mastlinum  , 
Diggesseuin ,  Hagecium,  Samucium,  Kep- 
pterum  uUosque  plures  quorum  rationes  w 
contrarium  adducl(r  solvuntur  (  Césène ."  1 6  a  8 , 
in-Zi"). 

'  Lilti"é  a  reli-ouvé  cette  locution  dans  les 
lettres  de  M"'  de  Sévigné  et  dans  les  lettres 
de  Voltaire. 


r58  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

d'Angleterre,  estant  dans  un  batteau  pour  aller  salluer  la  Royne  d'An- 
gleterre, accompagné  du  dict  Ambassadeur  de  Savoye  et  d'un  sei- 
gneur Anglois,  le  batteau  se  renversa  soubs  le  pont  de  Londres,  et  ce 
pauvre  prebstre  se  noya,  les  autres  estant  eschappez  comme  ils 
peurent.  Mais  que  M'  Rubens  y  est  allé  à  mesmes  fins,  et  y  est  tous 
les  jours  mené  en  carrosse  par  le  conte  de  Garlile  ',  et  qu'on  en  est  venu 
si  avant  que  le  premier  jour  de  ce  moys  il  debvoit  partir  d'Espagne 
un  ambassadeur  et  d'Angleterre  un  autre  pour  aller  sur  les  lieux  vé- 
rifier si  les  propositions  laictes  sans  charge  seront  advouées,  mais  que 
le  dict  Ambassadeur  d'Angleterre  en  Savoye  disoit  que  si  le  Roy  vou- 
loit,  il  romproit  bien  tost  tout  ce  traicté  en  sa  naisçance.  Voila  des 
nouvelles  de  bien  loingtain  pais  pour  venir  d'un  lieu  assiégé  comme 
celuy  cy,  et  interdict  comme  M"^  nostre  Gouverneur  vouldroit  faire  de 
tout  secours  et  raffraischissemens.  Vous  en  devez  bien  sçavoir  là  de 
meilleures  et  plus  seures  nouvelles,  et  particulièrement  de  celles  des 
livres,  mais  vous  me  pardonnerez  si  je  me  suis  ainsin  donné  carrière, 
à  ce  coup,  sans  consequance,  puis  que  nous  avons  si  peu  de  moyen  de 
vous  rendre  la  pareille  de  tant  de  bonnes  et  curieuses  recherches  dont 
il  vous  plaict  nous  faire  part,  et  que  vous  m'excuserez  tousjours  comme 
je  vous  en  supplie  trez  humblement,  faisant  la  profession  que  je  faicts 
d'estre  toute  ma  vie, 

Monsieur, 

voslre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 

DE  Peiresc. 

A  Aix,  ce  sammedy  au  soir  xi  aoust  1629,  ix°'  de  la  cessation  de  tout  mal  soub- 
çonneux  '  en  cette  ville,  qui  est  un  miracle ,  aprez  trois  jours  entiers  de  progrez. 
Du  dimanche  matin,  il  n'y  avoit  rien  d'altéré  non  plus. 

J'ay  retrouvé  quelque  autre  liasse  des  lettres  de  feu  M""  de  Malerbe, 
que  je  feray  porter  aux  champs  quant  et  moy,  pour  en  faire  choix  de 
quelques  unes,  car  il  y  en  auroit  qui  ne  meriteroient  pas  d'estre  en- 

'  Sur    le   comte   de  Garlisle,  voir  t.  I,        réunis  par  Liltré  sous  le  mot  soupçonneitx 
Appendice,  p.  908.  sont  tous  empruntés  à  des  auteurs  du  nu' 

'  C'est-à-dire    suspect.    Les   exemples        et  du  xiv'  siècle. 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  U9 

voyées  d'icy  à  Paris,  iioiiplus  que  d'estre  imprimées,  et  le  fagot  seroit 
trop  {{l'os  pour  la  poste. 

Mais  je  me  suis  erilin  résolu  de  liazarder  les  deux  petits  volumes 
en  lanjTue  cophtite,  sur  la  proposition  (|ue  mou  relieur  m'a  faicte  de 
les  couvrir  proprement  avec  de  la  toille  cirée;  ils  sont  si  petits  qu'ils 
escliapperont  plus  facilement,  et  si  nous  trouvons  que  cela  reuscysse, 
nous  tasclierons  de  nous  descliar(jer  peu  à  peu  de  tout  ce  que  nous 
pourrons  pour  ne  tant  lanjjuir  en  l'attente  du  coffre  entier'. 


XXXIV 
À  MONSIlilR,   MONSIEIR  DIJPLV, 

A  PAIUS. 

Monsieur, 
Vostre  despesclie  du  dernier  du  passé  est  venue  un  peu  plus  tard 
que  decoustumc,  mais  s'est  fort  bien  conservée,  nonobstant  la  rigueur 
du  vinaigre,  ensemble  le  livre  et  epistre  de  M'  de  Rouan '\  à  cause 
des  niaculaturos  qui  l'enveloppoient,  lesquelles  ont  porté  toute  la 
inouilleure,  dont  je  vous  remercie  trez  humblement.  J'ay  veu  cette 
epistre  et  suis  bien  de  vostre  advis,  ne  pouvant  quasi  me  persuader 
que  l'autheur  ayt  bien  songé  à  ce  qu'il  faisoit  aussy  peu  dans  la  dicte 
epistre  qu'en  son  livre*,  au  moings  à  ce  que  j'en  ay  peu  voir  jusques 
à  cette  heure,  car  il  ne  m'a  pas  manqué  de  divertissemens,  oultre  que 
le  labeur  n'est  guieres  attrayant.  Je  ne  sçay  s'il  ne  penseroit  point 
qu'en  se  faisant  tenir  on  luy  pourroit  offrir  ce  que  le  cardinal  Aleaudro* 

'  Vol.  717,  fol.  7a.  sëvère.  Tous  les  ciiliques  ont  blâme  rincou- 

'  François    de    llnrlay,     iritScoiileiil    de  venonaî  dr>  l'i^crivaiii,  el  Tfll>araii<i,  dans  la 

s'être  vu  pré('<irei',   pour  k  (■{irdinulnl,   lui  Bic^cn/)Aie  i«/n'iwse//e,  s'esl  élové  contro  la 

simple  prêtre ,  dans  la  personne  du   I'.  de  dureté  et  l'emportement  avec  les«piel8  l'arabi- 

Bérulle,    publia    eu     lôaç)    une    sorte   de  lieux  pn'Inl  fit,  au  lieu  d'une  liistoire  de 

])amplilel  rouiro  In  cour  de  Home  sous  le  l'Église,  une  satire  de  la  papauté, 
titre  de  Ecckxiasiiac  hittorite  liber  primas.  '  JërAme  Alf'andrc.  né  en  février  1 48o. 

'  L'appréciation  de  Psiresc  n'est  pas  tmp  fui  nonre  de  Léon  X  en  Allemagne  (ifitç). 


160 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1629] 


offroit  autres  foys  à  Luther  pour  le  faire  taisre'.  Il  y  a  des  esprits  cap- 
pables  de  toutes  les  extravagantes  pensées  qui  se  puissent  imaginer. 
Je  suis  trez  aise  que  le  fagot  de  M""  Gassendi  soit  arrivé  sain  et  saulve, 
et  de  la  resolution  qu'avez  faicte  de  le  luy  garder  jusques  à  son  retour, 
puis  qu'il  est  si  prest  à  revenir  à  Paris.  Monsieur  le  Pelletier  flatte  le 
day  ^  et  ne  dict  pas  tout  ce  qu'il  pense  et  tout  ce  qu'il  a  veu  et  souffert 
d'incommodité  quand  il  vous  veult  persuader  tant  de  bonne  chère,  qui 
ne  gisoit  principalement  qu'en  bonne  volonté.  Des  lettres  de  feu  M"^  de 
Malerbe,  je  vous  escrivis  la  semaine  passée  ce  que  j'en  avois  trouvé.  Je 
suis  bien  aise  que  vous  ayez  eu  des  nouvelles  du  recueil  que  feu  M''  de 
Malerbe  avoit  faict  d'aulcunes  de  ses  lettres  plus  considérables  et  autres 
pièces  dont  il  m'avoit  autres  foys  parlé  et  m'avoit  mesmes  demandé 
mes  liasses  des  lettres  qu'il  m'avoit  escrittes  pour  y  en  insérer  quelques 
unes.  Je  craignois  que  cela  fust  perdu,  car  M' le  conseiller  de  Boyer,  qui 
est  héritier  ou  père  de  l'héritier'  du  dict  feu  M""  de  Malerbe,  ne  l'ayant 
pas  trouvé  entre  ses  papiers,  estoit  bien  en  peine  où  il  pouvoit  avoir 
recours.  Je  m'estonne  fort  que  le  sieur  Icard*  luy  ayt  voulu  celer  cela, 
puis  qu'il  estoit  dépositaire  et  comme  fideicommissaire  de  tous  les 
livres  et  papiers  du  deffunct  pour  remettre  le  tout  au  dict  sieur  de 


bibliothécaire  du  Vatican  (1020).  dé- 
nient VII  lui  donna  l'archevêché  de  Brindcs, 
le  nomma  nonce  en  France,  puis  en  Alle- 
magne (!53i).  Paul  m  le  revêtit  de  la 
pourpre  en  i536.  Méandre  mourut  à  Home 
le  1"  février  1.549. 

'  Peiresc  avait  deviné  juste.  Fr.  de  Har- 
lay,  dans  la  lettre  de  soumission  qu'il  écrivit 
à  Urbain  VIII ,  déclara  qu'il  garderait  désor- 
mais le  silence  jusqu'à  ce  qu'il  plût  au  pape 
de  lui  ouvrir  la  bouche,  indiipinnt  par  ces 
mots,  selon  la  remarque  de  Tabaraud,  qu'il 
aspirait  toujours  à  la  dignité  de  cardinal. 

'  Sous  celte  expression,  qui  signifie  adou- 
cir, déguiser  quelque  chose,  Littré  ne  donne 
aucune  citation. 


^  Nous  avons  déjh  vu  (lettre  XVI)  que 
le  conseiller  J.-B.  de  Boyer  était  le  père  de 
l'héritier  de  Malherbe,  Vincent  de  Boyer. 
futur  conseiller. 

'  M.  Lud.  Lalanne,  qui  a  reproduit  une 
partie  de  cette  lettre  dans  la  Notice  biblio- 
graphique [Œuvres  complètes  de  Malherbe, 
t.  I,  p.  xciv),  dit  au  sujet  d'Icard  :  rrC'était 
l'homme  d'affaires  de  Malherbe,  autant  du 
moins  que  je  puis  le  conjecturer  d'après  la 
corres|)ondance  du  poète  avec  Peiresc.  où 
il  en  est  parlé  plusieurs  fois.i  Une  lettre 
d'Icard .  écrite  de  Bordeaux  le  1 3  juillet  1 63o. 
est  transcrite  dans  le  registre  I  des  minutes 
de  la  correspondance  de  Peiresc,  Inguim- 
bertiiieiie  Carpentras  (fol.  ao). 


[1629J  AUX  FRERES  DUPUY.  161 

Boyer,  à  qui  il  a  en  effect  rendu  les  livres  et  quelques  papiers,  mais  à 
ce  que  je  voids,  il  a  voit  soubstraict  le  meilleur.  Il  n'y  a  voit  que  deux 
jours  que  M' de  Boyer  estoit  party  de  cette  ville  pour  aller  du  costé  de 
Tollon,  quand  je  receus  vostre  advis,  mais  à  son  retour  je  luy  com- 
muniqueray  l'advis  et  feray  que  luy  en  escrira  comme  il  fault  au  dict 
sieur  Icard,  auquel  je  feray  mesmes  escrire  par  M'  le  Premier  Prési- 
dant et  par  le  Marquis  d'Oraison  ',  qui  sont  ses  meilleurs  patrons  et 
amys  et  qui  aymoient  bien  le  pauvre  Malerbe.  Je  n'y  ay  pas  du  cre- 
dict  pour  mon  particulier,  pour  certaines  petites  galanteries  qui  m'a- 
voient  esté  faictes  de  sa  main  en  affaire  bien  importante.  Mais  je  le 
feray  prendre  de  tant  de  costez  qu'il  aura  bien  de  la  peine  à  se  parer 
de  ce  coup  où  je  seray  bien  aise  d'agir,  pour  l'amour  du  pauvre  M'  de 
Malerbe  que  j'ay  aymé  comme  mon  propre  père  '\  et  pour  l'amour  aussy 
de  M''  Granier  h  qui  j'ay  de  l'obligation  sans  l'avoir  jamais  servy,  dont  je 
serois  bien  aise  de  me  pouvoir  revanclier,  mais  principalement  pour 
l'amour  de  vous,  Monsieur,  puis  que  vous  vous  en  meslez  si  charita- 
blement. Je  verray  aussy  par  mesme  moyen  s'il  y  auroit  moyen  d'ar- 
racher de  mon  dict  sieur  le  Premier  Présidant  et  de  M"'  le  Marquis 
d'Oraison  ([uelques  unes  des  lettres  que  le  dict  sieur  de  Malerbe  leur 
escripvoil^,  dont  j'en  ay  autres  foys  veues  de  trez  bonnes.  M'  de  Boyer 
m'avoit  dict,  ce  me  semble,  tost  aprez  le  decez  du  sieur  de  Malerbe, 
que  le  deffunct  avoit  laissé  quelques  siens  escripts  en  depos  ez  mains 
d'un  sieur  de  Porchères  son  parent*  (autre  que  le  célèbre  courti- 


'  François  d'Oraison,  d'abord  viconilo 
de  Cadenel,  puis  marquis  d'Oraison  (mars 
i588),  est  mentionne  dans  cette  plirase 
d'une  lettre  de  Malherbe  h  Peiresc,  du 
19  février  tôio  (t.  III,  p.  i4o):  irVous 
m'avez  vu,  ce  me  semble,  quelques  couplets 
d'une  ni(k:bante  cbanson  que  j'avois  com- 
mencé h  faire  sur  un  air  que  m'avoit  baillé 
M.  le  Marquis  d'Oraison ...»  Le  premier 
président  (baron  d'Oppède)  avait  épousé 
Marguerite  d'Oraison.  Malherbe  parle  très 
galamment  d'elle  dans  une  lettre  h  Peiresc 


des    ^13-35    niai-s  t6io    (ibid.,  p.  aSo). 

'  Témoignage  bien  remarquable  et  au 
sujet  duquel  il  est  bon  de  rappeler  qae 
Malherbe,  de  son  côté,  eut  toujours  potu- 
Peiresc  une  affection  dans  laquelle  il  entrait 
quelque  chose  de  respectueux. 

'  On  n'a  conservé  aucune  des  lettres 
adressées  par  Malherbe  au  baron  d'Oppède 
et  au  marquis  d'Oraison. 

'  Malherbe  l'apjKille  rM.  de  Porchères 
Arbaut»  dans  une  lettre  à  Peiresc  du  3  avril 
i6a8(t.  III,  p.  578).  C'était  son  parent  par 


tapimiBit   HAfiMAU. 


162  LETTRES  DE  PEIRESG  [1G29] 

san  ')  pour  prendre  le  soing  de  les  faire  revoir  et  imprimer  ;  je  croyois  que 
cefust  luy  qui  eust  remis  à  M'  Granier  ce  qu'il  en  avoit  et  qui  luy  eust 
aussy  remis  le  privilège  dont  j'avois  autres  foys  ouy  parler.  Il  sera  bon 
de  s'en  esclaircir  et  m'en  escrire,  s'il  vous  plaict,  au  plustost  que  vous 
pourrez,  pour  s'asseurer  si  c'est  autre  chose  que  le  recueil  que  le  dict 
sieur  Icard  se  trouve  aujourd'huy  saisy.  Voila  tout  ce  que  je  puis  vous 
dire  en  responce  de  vostre  lettre,  si  ce  n'est  pour  vous  remercier  comme 
je  faicts  trez  humblement  des  relations  de  Bosleduc,  de  la  pretendiie 
généalogie  de  Gogneux,  que  je  n'admire  pas  moings  que  celle  de 
Brèves  ^.  En  revanche  de  quoy,  je  n'ay  ri«n  à  vous  envoyer,  n'osant 
bazarder  la  bible  arabique  de  M"^  de  Thou ,  sans  avoir  des  nouvelles 
de  M""  de  Fetan  depuis  l'advis  qu'ils  auront  eu  de  nostre  allarme.  En- 
cores  que  le  mal.  Dieu  mercy,  n'ayt  pas  eu  de  suitte  dans  la  ville,  ains 
seulement  sur  ceux  qu'on  avoit  mis  dehors,  pour  avoir  eu  communica- 
tion avec  les  premiers  touchez  de  maladie  suspecte.  Tout  est  en  la  main 
de  Dieu. 

Au  reste  à  faulte  d'autres  nouvelles  du  monde  je  vous  diray  qu'il 
s'est  desterré  en  ce  païs  depuis  peu  un  petit  larmoir'  de  plomb  sur 
lequel  est  escript  GLAVDI  WVOOIS,  un  mot  se  lisant  à  droict  sens  sur 
un  costé  du  larmoir,  et  l'autre  à  contresens  de  l'autre  costé,  sur  quoy 


alliance;  car  François  d'Arbaud  et  M"'  de 
Malherbe  (M"*  de  Coriolis)  étaient  cou- 
sins, la  mère  de  l'une  et  la  grand'mère  de 
l'autre  appartenant  à  la  même  famille,  la 
famille  d'Escalis.  François  d'Arbaud,  trop 
souvent  cojifondu  avec  son  demi-homonyme , 
son  compatriote  et  son  confi-ère  à  l'Acadé- 
mie  Laugier  de  Porchères,  naquit  à  Bri- 
gades en  1690  et  mourut  dans  la  Cham- 
pagne en  16/18.  Voir  une  très  intéressante 
élude  de  M.  L.éon  de  Berluc-Perussis  :  Lau- 
gier de  Porchères  et  Arbaud  de  Porchères, 
deux  des  quarante  premiers  de  IWcadémie  fran- 
çaise (  Forcitlquier,  1880,  in-8°). 

'  Honoré  Laugier  de  Porchères,   né  h 
Forcalquier  le  8  juin  1 57a  ,  fut  genliihomrae 


de  la  chambre  et  intendant  des  fêles  de  la 
cour.  11  mourut,  comme  nous  l'apprend  la 
Muse  historique  de  Loret.en  octobre  i65.3. 
Voir  son  historiette  dans  Tallemanl  des 
Réaux  (t.  IV,  p.  Sai),  mais  en  tenant 
compte  des  observations  rectificatives  du  sa- 
vant critique  cité  dans  la  note  pn'cédenle. 

-  Déchirnre  du  papier. 

'  Ce  mol  ne  se  trouve  ni  dans  le  Dicliou- 
iiaire  de  Trévoux,  ni  dans  les  divei's  autres 
recueils  lexicographiques  qu'il  m'a  été  donné 
de  pouvoir  consulter,  la  forme  lacrymatoire 
ayant  prévalu.  Larmoir  était  le  nom  d'un 
petit  vase,  d'une  sorte  de  liole  que  les  pleu- 
reurs on  pleureuses  de  profession  employaient 
dans  les  funérailles. 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  1«S 

il  y  a  bien  à  resver  à  mon  avis,  ne  me  pouvant  perauader  que  c'est 
que  veull  dire  '  ce  mot  de  SICGAM,  si  ce  n'est  une  espèce  de  surnom 
ou  de  patrie  de  ce  Claudius,  car  elle  eust  deub  plus  tost  estre  muitte  de 
larmes  que  seichée;  toutefoys  cez  Mess"  de  Rigault,  Saulmaise  et  Grot- 
tiiis  en  pourroient  bien  dire  possible  (pielque  chose  de  bien  relevant 
avec  les  notices  qu'ils  ont  de  cez  anciennes  coustumes  sepulchrales  que 
je  n'ay  pas  observées  ou  retenues  comme  eux,  n'ayant  mémoire  quel- 
quonque  de  cez  choses  que  je  n'ay  veues  de  si  long  temps  oultre  que 
je  n'en  ay  gueres  veues  de  celles  qu'il  fauldroit,  principalement  dans 
les  poètes  Grecs  que  je  n'ay  guieres  maniez.  Je  vous  prie  de  les  en  en- 
quérir et  me  tenir  tousjours, 
Monsieui', 

vostre  trez  humble  et  Irez  obligé  serviteur, 
OR  Feiresc. 
A  Aix,  ce  18  aousl  1699. 

On  vient  de  m'advertir  du  passage  d'un  courrier  de  M'  de  Mantoue, 
qui  va  vers  le  Roy,  et  dict  avoir  rencontré  la  nuict  dernière  six  galères 
d'Espagne  qui  tenoienl  la  routte  d'Italie,  lesquelles  portent  le  Marquis 
Spinola,  et  que  le  Valstain  '\  se  trouvant  hors  d'employ  par  la  paix  de 
Danemarc,  passe  en  Italie'  avec  grande  armée  contre  M'  de  Mantoue. 

Je  vous  adresse  le  pacquet  cy  joinct  pour  le  sieur  Guiltard,  pour  le 
luy  garder  jusques  à  ce  qu'il  soit  arrivé  à  Paris,  car  il  est  allé  passer 
par  l'Auvergne  avec  M'  le  Grand  Prieur  de  France.  Et  ay  laissé  l'enve- 
loppe à  cachept  volant,  afin  que  vous  puissiez  jetter  les  yeux,  si  vous 
voulez,  sur  les  papiers  qu'on  m'a  envoyez  de  Marseille  pour  luy  faire 
tenir,  et  en  retenir  copie  ou  mémoire  de  ce  que  vous  vouldrez,  mais  je 


'  Ce  que  veut  dire.  Gomme  Peiresc ,  Baêsompierre  met  l'article 

'  On  a  i«coniui  Albert  Wenceslas  Eu8èl)e ,  devant  le  nom  de  Waldstein .  qu'il  écrit  Wa- 

cointe  de  Waldsleiii ,  duc  de  Meckiembourg,  lestein  (t.  IV,  p.  1  h-j  ). 

de  FriinllaDd ,  de  Sagan .   né  au  ckâleau  '  Le  célèbre  capitaine  ne  passa  point  en 

d'Hernittuic,  en  Bohême,  le  i5  sejHembre  Italie. 

i583,  assassiné  h  Ëgra  le  9 5  février  i63â. 


164  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629J 

vous  prie  de  ne  les  pas  laisser  voir  à  d'autres,  et  recachepter  le  pacquet 
avant  que  le  luy  envoyer'. 


XXXV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DUPUY. 

À  PARIS. 

Monsieur, 
J'ay  aujourd'huy  seulement  receu  voslre  despesche  du  7"°*^  fort  bien 
conditionnée,  nonobstant  qu'elle  ayt  passé  bien  avant  dans  le  vinaigre, 
parce  que  vous  iuy  aviez  faict  la  caresse  ^  d'une  bien  forte  enveloppe ,  et 
ay  trouvé  trez  beaux  cez  petits  livrets  de  dévotion  d'Amsterdam,  dont 
je  vous  rends  mille  trez  humbles  grâces.  ïls  viendront  bien  à  poinct  au 
mauvais  temps  où  nous  sommes  à  présent,  puis  qu'il  plaict  à  Dieu. 
Durant  lequel  je  n'oserois  en  avoir  envoyé  à  Rome,  pour  le  soubçon 
de  maladie,  comme  j'eusse  faict  sans  cela.  Hier  nous  l'econtions  le  Ix" 
jour  de  cessation  du  mal  pour  la  seconde  foys  tant  dedans  que  dehors 
la  ville,  mais  cette  nuict  il  y  a  eu  quelque  nouvel  accez  en  la  persoune 
de  la  femme  d'unhonnesle  bourgeois,  qui  renouvelle  bien  les  allarmes 
(bien  qu'il  n'y  ayt  pas  encores  de  certitude  que  ce  soit  contagion), 
parce  qu'on  ne  sçait  pas  quelle  dépendance  peult  avoir  cet  accidant 
avec  les  précédants ,  auquel  cas  on  seroit  sans  regret.  Au  terroir  de 
Marseille,  à  une  lieue  de  la  ville  du  coslé  d'Aubagne,  à  un  certain 
petit  hameau  ou  assemblage  de  Bastides  nommé  des  Caillaux^,  il  y  est 
mort  un  homme  de  la  maladie,  qui  fit  une  telle  terreur  dans  cette 
pauvre  ville  là,  qu'encores  que  plus  d'un  tiers  des  habitants  eussent 
prins  retraicte  aux  champs  dez  le  commancement  de  ce  moys,  par 
précaution,  il  en  sortit  hier  une  infinité  d'aultres  familles,  et  une  infi- 
nité de  charges  de  meubles.  Ils  faisoient  fort  les  renchéris  à  nous  souf- 

'  Vol  717,  fol.  75.  '  Aujourd'hui  les  Caillols,  localité  de  près 

'  Crtreïse  est  pris  ici  dans  le  sens  de  fa-        de  5oo  habitants,   dans    la    commune  de 
veur.  Marseille. 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  165 

frir  aulcune  sorte  de  communication,  mais  ils  sont  pour  avoir  auitant 
et  beaucoup  plus  de  besoing  du  secours  de  cette  ville  icy,  que  celle  cy 
d'eux.  Car  l'ordre  (ju'on  y  a  mis  a  esté  si  ponctuel,  que  grâces  à  Dieu, 
de  tous  les  malades  qui  ont  esté  portez  à  la  maladerie,  il  n'en  est  mort 
que  cinq  en  tout,  et  hier  à  la  visite  qu'on  y  envoya  faire,  touts  les 
malades  sortirent  sur  le  pied  en  estât  de  garison  toute  apparente, 
exceptée  une  seule  femme  qui  estoit  la  dernière  veniie.  Le  cirurgieii 
avoit  été  prins  avec  son  vallet,  le  vallet  mourut  incontinant  et  fut  un 
des  cinq.  Mais  le  maistre  est  hors  de  danger,  et  sera  tant  plus  hardy  à 
penser  et  secourir  les  aultres  dez  hors  mais.  Voila  toutes  les  plus  im- 
portantes nouvelles  que  nous  vous  pouvons  dire  à  présent,  et  crains 
bien,  comme  vous,  que  nous  n'ayons  plus  de  moyen  durant  quelque 
temps  d'entretenir  nostre  commerce  de  lettres,  car  M'  Jacquet  m'es- 
cript  du  1  2""*  qu'il  n'avoit  poinct  encores  eu  la  despesclie  qui  partit 
d'icy  dez  le  29™"  du  passé,  qui  estoit  i5  jours  entiers,  et  qui  pix  est, 
le  maistre  de  la  poste  vient  de  m'apporter  deux  lettres  qu'on  luy  escript 
du  S'  Esprit  et  d'Avignon,  portant  que  les  despesches  ne  peuvent  plus 
passer  sur  le  chemin  de  Lyon  parce  que  tout  y  est  desja  infecté  de  la 
maladie,  et  que  tous  les  maistres  de  poste  sont  retirez  aux  champs,  de 
sorte  qu'à  grande  peine  les  pacquets  du  Roy  pourront  aller  et  venir.  Je 
ne  seray  pas  en  repos  d'esprit  que  je  n'aye  advis  de  M'  de  Fetan  de  la 
réception  de  cette  despesche  là,  avec  laquelle  j'avois  joinct  le  /«'""  libvre 
du  Théophile  de  M'  Fabrot,  et  de  trois  aultres  despesches  que  j'ay 
mises  à  la  poste  durant  ce  moys  du  6"%  12°°*  et  19™  de  ce  moys,  ou 
bien  qu'on  les  nous  aye  renvoyées  icy.  Car  avec  icelles  je  vous  ay  en- 
voyé de  bonnes  curiositez,  et  à  bonne  foy,  voyant  venir  les  lettres  de 
Lyon  icy,  et  pensant  que  le  réciproque  deubt  réussir,  j'avois  hazardé 
entr'aultres  choses,  par  celle  du  12"°",  doux  petits  ni[anu]s[crit]s  en 
langue  cophtite  tirés  du  coffre  de  M' de  Thon,  pour  essayer  avec  voz 
relieurs  plus  expers  de  remédier  au  daumage  qu'ils  avoient  receu  dan» 
la  mer,  car  je  n'avois  pas  eu  le  courage  d'y  faire  toucher  par  le  mien 
et  regrettois  infiniment  que  cela  fust  hors  d'usage.  Par  la  précédante 
despesche  je  vous  envoyois  un  libvre  in-^°  de  quelques  opuscules  grecs 


166  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

imprimez  en  Constantinople  soubs  les  armes  du  Roy  d'Anj^lelerre  et 
dans  la  dernière  y  avoit  des  papiers  importants  que  je  plaindrois  grande- 
ment. Peu  s'en  fallut  que  je  ne  hazarday  la  Bible  Arabique  m[anu]s[crit]e. 
Mais  un  bon  {renie  me  retint,  pour  attendre  le  conseil  de  M"' Jacquet 
sur  cela,  dans  cette  conjoncture  de  nouvelle  nécessité  qui  me  met  en 
tel  estât,  que  je  crains  que  pour  faire  tenir  le  coffre  de  M'  de  Thou, 
il  ne  faille  prendre  la  voye  de  la  mer  par  Rouen,  auquel  cas  il  fauldra 
laisser  passer  la  quarantaine  aux  champs,  dans  laquelle  je  vouldrois 
bien  avoir  sur  cela  vostre  resolution;  autrement,  je  ne  sçay  s'il  ne  faul- 
dra pas  attendre  des  années,  pour, laisser  repurjjer  les  chemins  d'icy  à 
Lyon  et  restablir  le  commerce  qui  est  si  descousu  et  si  ruiné. 

Pour  mes  livres  de  delà,  ne  vous  en  mettez  poinct  en  peine,  car  ils 
sont  mieux  là  qu'icy  asseurement,  où  il  me  fault  abandonner  tous  les 
miens  à  la  mercy  et  discrétion  d'un  peuple,  qui  pourra  faire  de  grands 
desordres  si  la  maladie  y  faict  du  progrez,  auquel  cas  malaisément  les 
gents  de  qualité  vouldront  ils  tenir  pied.  De  sorte  que  si  je  les  retrouve 
à  nostre  retour,  et  que  Dieu  nous  fasse  la  grâce  de  pouvoir  revenir,  il 
me  semblera  qu'on  me  les  aura  donnez.  Et  ce  sera  assez  à  temps  si 
nous  avons  lors  les  vostres  qui  ne  courront  pas  la  mesme  fortune  chez 
vous.  Si  cependant  le  temps  nousfaisoit  voir  que  la  santé  se  peult  con- 
server à  Tollon,  avec  quelque  commerce  de  Roiien,  comme  il  y  en  a 
souvent,  possible  tenterions  nous  cette  voye  là  sans  tant  d'apprehen- 
Mon ,  maintenant  qu'on  ne  craint  rien  du  costé  des  Anglois,  et  que  la 
crainte  n'est  pas  si  grande  aussy  du  costé  d'Algers.  Mais  pour  la  voye 
de  Lyon  je  pense  qu'il  ne  fault  plus  rien  bazarder,  dont  on  puisse  re- 
gretter la  perte,  je  veux  dire  des  pièces  originelles,  ains  seulement  des 
coppies,  ou  des  imprimez  qui  se  puissent  remplacer,  et  dont  la  perte 
ne  soit  pas  considérable,  afin  que  si  quelque  chose  eschappe,  on  ayt 
encores  quelque  consolation  en  cez  exils  où  nous  courons  fortune  de 
nous  aller  confiner  pour  longtemps.  Mesmes  qui  mettroit  les  lettres  à 
part  des  livres,  il  ne  seroit  possible  que  bon,  afin  que  si  la  grosseur 
des  livres  faisoit  difficulté  au  passage,  les  lettres  puissent  venir  plus 
facilement. 


[1G2'JJ  AUX  FRÈRES  DUPUY.  .  1« 

Or  pour  respondre  h  la  vostre,  j'ay  encore»  des  renierciineiits  à  vous 
faire  du  soin{{  que  vous  avez  eu  de  me  faire  transcrire  le  verbal  de 
l'ordinaire,  et  de  me  faire  part  des  bonnes  nouvelles  de  l'enlreviie  du 
Roy  avec  la  Royne  refjnanle  (d'oîi  tous  les  gents  de  bien  attendent  un 
Danlpliin  dans  l'an  comme  vous'),  et  de  la  retenue  ou  conlinance  '  de 
MoiisicMir,  de  n'estre  poinct  sorty  hors  du  Royaulme,  dont  on  esloit  un 
peu  en  peine.  Quant  aux  ouvrages  de  Cardan  ^  m[anu]s[crit]s,  c'estoit  le 
pauvre  M'  Aleandre  deduiict  qui  m'en  avoit  envoy<';  l'indice  et  qui  avoit 
entreprins  de  les  m'achepler,  mais  il- ne  tarda  guieres  aprez  cela  de 
mourir  et  je  suis  bien  empesclié  par  qui  je  pourrois  faire  reprendre  ce 
traicté.  M""  de  Tfiou  eust  mieux  faict  cela  que  persone,  si  on  eust  sceu 
son  dessein  d'y  retourner,  et  si  je  me  fusse  advisé  de  luy  en  escrire  der- 
nièrement par  le  dernier  ordinaii-e  d'Avignon  qui  passa,  le(|uel  n'est 
poinct  revenu  en  son  temps,  et  je  me  doubte  qu'on  luy  fasse  faire 
quarantaine  quelque  part,  et  que  nous  n'en  ayons  plus  par  celle 
province. 

J'avois  escript  à  Rome  deux  jours  aprez  son  j)assage,  par  la  voye  de 
Lyon,  du  septiesme  de  ce  moys,  sous  l'enveloppe  de  M'  de  Fetan,  mais 
je  crains  fort  que  cette  despesche  ne  soit  demeurée  en  chemin  entre 
cy  et  Lyon,  comme  je  vous  disois  tantost,  et  que  nous  ne  soyons  dez- 
hors  mais  exclus  de  tout  commerce  de  ce  costé  là.  En  un  besoing  vous 
en  pourriez  escrire  un  mot  à  M""  de  Thon,  qu'il  s'en  enquisl  du  cavalier 
de!  Pozzo  et  de  M''de  Bonaire.  Pour  le  bon  M'  Samuel  Petit,  nous  n'au- 
rons pas,  jem'asseure,  guieres  plus  de  moyens  d'entretenir  aulcune  cor- 
respondance avec  luy  de  quelque  temps,  attendu  qu'on  nous  asseure  de 
Tarascon  que  la  pcst'e  est  à  Nismes  bien  forte ,  et  que  tout  commerce 
est  rigoureusement  exclus  de  ce  costé  là  de  la  rivière,  ainsin  que  nous 

'  On  sait  que  l'nspc'rance  de  tous  le»  gens  propro  dn  sa  lenir  au  rnilieii .  n'y  mamtmir. 

de  bien  fut  trompée  et  que  le  dauphin  tant  Nos  dictionnaires  n'ont  pas  indiqnë  ce  sens 

attendu  ne  naquit  que  près  de  dix  ans  pins  du  mot  continence. 
lard  (5  octobre  1 6.38).  '  Voir  sur  JërAme  Cardan  le  lorne  I. 

'  \/!  mot  continence  est  pris  ici  dans  un  Appendice,  p.  898. 
sens  bien  rarement  employé,  dans  le  sens 


168  .  LETTRKS  DE  PEIRESC  [1629] 

a  asseuré  un  député  de  Tarascon,  venu  pour  implorer  secours  (sans 
resource  neantmoings)  sur  ce  que  M' le  Surintendant  a  taxé  leur  ville 
à  6000  escus  pour  les  desmolitions  des  fortifications  de  Nisnies,  sans 
aultre  formalité.  Mais  s'ils  sont  quittes  de  la  maladie  de  leurs  voisins 
de  Beaucaire  et  d'Arles  (oii  elle  faict  de  grands  progrez),  ils  seront  bien 
heureux  de  n'avoir  pas  de  plus  grand  daumage.  Et  vauldra  mieux 
pour  eux  de  payer  les  6000  escus,  que  d'y  envoyer  des  hommes  qui 
eussent  peu  apporter  la  peste  dans  leur  ville  à  leur  retour.  Nous  pen- 
sions que  tout  commerce  fust  desja  bouclé  sur  cez  bruicts,  mais  il  passa, 
l'aultre  jour,  un  gentilhomme  Breton,  qui  disoit  venir  attendre  le  Che- 
valier d'AUincourt'  pour  passer  en  Italie  quant  et  luy,  lequel  estoit 
venu  de  Hollande  depuis  peu,  où  il  disoit  qu'un  Professeur  en  langue 
Arabique  estoit  revenu  depuis  peu  du  Levant  où  les  Estats  l'avoient 
envoyé  avec  si  gros  fonds  de  credict,  qu'il  en  avoit  rapporté  3  ou  600 
volumes  Arabes  entre  lesquels  il  y  avoit  d'excellentes  pièces  non  en- 
cores  veùes,  d'Archimede,  Euclyde,  Ptolemée,  Appollonius  Pergasus^, 
et  aultres,  mesmes  de  Platon  et  d'Arislote,  et  qu'il  y  avoit  des  Tables 
astronomiques  d'un  Roy  du  Catay  ^,  et  des  observations  continuées  en 
cez  pais  là  durant  plusieurs  siècles,  qui  doivent  eslre  de  grands  thre- 
sors.  Il  le  nommoit  M'  Joly,  et  je  pense  que  ce  soit  celuy  dont  M'  Ca- 
merarius*  m'avoit  aultres  foys  escript,  par  vostre  entremise.  Je  serois 
bien  marry  si  M'  Gassendi  estoit  passé  si  viste  en  cez  pais  là  qu'il  n'eust 
pas  eu  le  moyen  d'en  voir  quelque  chose.  Cez  peuples  septentrionaux 

'  Le   chevalier    d'AUincourt   (et  mieux  '  C'est  Apollonius  de  Perga,  géomètre, 

d'Halincourt)  ëtait  un  des  fils  de  Charles  de  qui  vivait  à  Alexandrie  sous  Ptoldniëe  IV. 
Neufville,  mar(juisd'Halincourt,seigneurde  '  Nom  que  l'on  donnait  autrefois  à  la 

Villeroy,  gouverneurde  la  ville  de  Lyon , etc.,  Chine. 

et  de  sa  seconde  femme    Jacqueline    de  '  Le  registre  III  des  minutes  de  la  cor- 

Harlay.  Il  portait  le  prénom  de  François,  respondance  de  Peiresc  (à  Carpentras)  ne 

était  chevalier  de   Malte;  il  fut  tué  h  la  contient  que   deux  lettres   à   Camerarius, 

tête  du   régiment  de  Lyonnois,  au  siège  une  écrite  d'Aix   le  3o  novembre  1637, 

de   Turin,  en  i64o.   Voir  Le  dernier  des  l'autre  écrite  de  Toulon  le  12  juin  i63i. 

Villeroy  et  sa  famille,  par  Aimé  Vingtri-  Voici    la    suscription    des   deux   lettres    : 

nier  (Paris,  1888,  brochure  grand  in-8%  frM.  Camerarius,  chez  son  père,  ambassa- 

p.  35).  deur  de  Suède.» 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  169 

ont  des  génies  njerveilieusement  nobles  et  généreux  d'envoyer  chercher 
si  loing,  et  à  si  grands  fraiz,  de  si  belles  et  dignes  recherches  comme 
sont  celles  là,  et  celles  d'Angleterre.  Il  faiildroit  que  M""  Holstenius  eust 
les  rains  aussy  forts  que  ceux  là,  pour  y  profïitter  aussy  bien  qu'eulx. 
S'il  y  a  moyen  de  luy  escrire,  il  luy  fauldra  donner  cet  ad  vis  là,  pour 
le  tenir  en  bonne  haleine.  J'oubliois  que  ce  gentilhomme  nous  dict 
que  ce  M'  Joly  avoit  faict  un  voyage  oïli  il  ne  fit  que  marquer  les 
choses,  et  puis  s'en  revint  quérir  lettres  de  crédit,  avec  lesquelles 
il  alla  rafiler  '  tout  ce  thresor  là  en  fort  peu  de  lieux.  Ce  que  j'y  trouve 
de  bon  est  que  cez  Messieurs  n'en  frustreront  pas  le  public  et  seront 
bien  aises  de  faire  sortir  cez  pièces  si  précieuses  de  leurs  imprimeries. 
M'  Scaliger  manquera  bien  maintenant,  qui  y  eust  faict  un  merveil- 
leux proffit.  Mais  quelque  aultre  sortira  de  quelque  coing  pour  sup- 
pléer son  deffault.  Sur  quoy  je  finis  demeurant. 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 
DE  Pbiresc. 
A  Aix,  ce  aS  aoust  1699. 

M'estant  trouvé  un  peu  de  loisir  hier  au  soir,  je  vous  avois  faict  cette 
lettre  à  l'advance,  pensant  l'envoyer  dimanche  prochain  par  la  staffette 
au  hazard.  Mais  il  vient  de  se  présenter  une  commodité  extraordinaire 
d'un  honneste  homme  qui  veult  partir  en  poste  dans  demy  heure,  à 
qui  j'ay  mieux  aymé  la  donner,  et  en  un  besoing  j'en  feray  brocher  un 
duplicata  à  mon  homme,  s'il  peult  estre  faict  à  temps,  pour  l'envoyer 
dimanche,  et  pour  servir  au  cas  que  ce  courrier  ne  trouvast  pas  le 
moyen  de  passer,  qui  ne  sera  pas  sans  peine.  Je  l'ay  fort  prié  de  se 
charger,  en  passant,  s'il  peult,  de  pacquets  demeurez  aux  bureaux  des 
postes  sur  son  chemin  cottez  de  cette  ville,  ce  qu'il  m'a  promis  faire 
s'il  le  peult,  qui  seroit  un  grand  secours.  Le  mal  est  qu'on  me  persé- 
cute d'un  aultre  costé,  et  qu'on  ne  me  laisse  pas  escrire  comme  j'eusse 

'  Sous  le  mot  rafler  on  ne  trouve  dans  le  Dictionnaire  de  Littré  que  des  citations  ein- 
prunt^B  h  des  auteurs  du  xvui'  siècle,  Lesage  et  Voltaire. 


S9 


i 


17©  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629J 

faict  volontiers  à  M""  Gassendi ,  sur  ce  subject,  pour  luy  dire  que  le  sieur 
Taxil,  son  amy  de  Digne',  se  porte  bien,  et  M'  l'Evesque  aussy^,  et 
que  M''  le  Prieur  de  la  Valette^  est  à  Rians^  avec  le  conseiller  Gautier 
son  neveu  ',  où  je  leur  envoyeray  sa  lettre  et  la  mienne  ce  jour- 
d'huy  26  aoust.  Dieu  aydant,  et  respondray  dimanche  à  luy  et  à 
M''  d'Aubery,  bien  fasché  de  ne  le  pouvoir  à  cette  heure  dans  cette 
presse.  Cependant  j'ay  faict  joindre  icy  une  lettre  pour  M'  Rigault,  que 
mon  homme  oublia  par  mesgarde  sur  sa  table  en  faisant  mon  pac- 
quet  dimanche  passé. 

Tout  présentement  je  viens  de  recevoir  la  despesche  de  l'ordinaire 
de  Rome  veniie  par  Marseille,  où  il  l'avoit  laissée;  je  n'y  ay  pas  trouvé 
de  lettre  de  M"'  de  Thou,  ne  de  M""  Holstenius,  non  plus  que  du  car- 
dinal, mais  vous  verrez  ce  que  m'escrivent  de  l'arrivée  de  M'  de  Thou 
le  R.  P.  Dom  du  Puy  et  M'  de  Bonnaire.  Et  par  mesme  moyen,  verrez 
le  peu  de  fondement  qu'il  y  a  aux  espérances  que  le  sieur  Dony  avoit 
données  de  fournir  son  recueil  d'Inscriptions,  sur  quoy  il  ne  m'a  ja- 
mais faict  de  responce,  bien  qu'il  ayt  punctuellement  respondu  à  toutes 
aultres  choses,  qui  est  une  vraye  marque  qu'il  a  de  l'aversion  à  cela, 
quelques  offres  qu'il  en  eust  faict  autres  foys  au  dict  P.  Dom  du  Puy. 
Ce  gentilhomme  de  Hambourg  nommé  Hartwic  m'escript  de  Padoiie'', 
et  se  loiie  fort  des  caresses  du  sieur  Pignoria. 


'  Le  chanoine  Nicolas  Taxil  fui  le  succes- 
seur de  Gassendi  dans  les  fonctions  de  pré- 
vôt du  chapitre  de  Digne.  Ce  fut  lui  qui 
prononça  l'oraison  funèbre  de  son  ami  dans 
l'ëglise  cathédrale  de  Digne  le  1 4  novembre 
i655.  Voir  sur  Nicolas  Taxil,  mort  le 
94  septembre  1682,  la  nouvelle  édition 
donnée  de  cette  pièce  (Digne,  1882  ,  in-8°). 
Conférez  les  Documents  inédits  sur  Gassendi 
(Paris,  1877,  in-8°),  oîi  a  été  publiée 
(p.  35-36)  une  lettre  de  l'orateur  à  Habert 
de  Montmor,  en  même  temps  que  l'oraison 
funèbre  (a  janvier  i656). 

'  Raphaël  de  Boulogne  ou  de  Bollogne 


déjà  mentionné  dans  le  tome  I ,  p.  19,  note  3. 
Ajoutons  que  l'on  trouvera  une  petite  notice 
biographique  sur  ce  prélat  dans  l'édition 
qui  vient  d'être  citée  de  VOraison  funèbre 
de  Gassendi  (à  l'Appendice,  p.  85,  note  1). 

^  Sur  Joseph  de  Gaultier,  prieur  de  la 
Valette,  voir  le  tome  \,  p.  921,  note  a. 

*  Rians  était  la  ville  natale  du  prieur  de 
la  Valette. 

'■  Voir  sur  le  conseiller  Gaultier  le  fasci- 
cule IV  des  Correspondants  de  Peiresc,  con- 
sacré au  prieur  de  la  Valette  (p.  42). 

°  Je  ne  trouve  aucune  trace  de  la  cor- 
i-espondance  de  Peiresc  avec   Hartwic,  ni 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  171 

Le  sieur  Pietro  délia  Valle  m'escript  que  le  P.  Morin  luy  accuse 
la  reccpUoii  des  eschantillons  de  Samaritain,  et  luy  a  inandt'-  qu'il  avoit 
Tort  bien  entendu  et  interprété  les  Chappitres  dont  il  luy  avoit  en- 
voyé coppie,  et  qu'il  estoit  prest  d'envoyer  son  original  soubs  les  pré- 
cautions offertes,  mais  cez  interdictions  de  commerce  viennent  bien 
mal  à  propos,  et  s'il  ne  proflite  la  commodité  du  refour  de  M' de  Thou, 
malaisément  s'y  pourra  il  pourvoir  de  longtemps,  au  moings  n'y  pour- 
ray  je  plus  intervenir  de  ce  lieu  cy  descrié. 

Le  dict  sieur  Pietro  délia  Valle  adjouste  que  les  relations  de  ses 
voyages  et  pérégrinations  ne  sont  guicres  bien  prestes,  et  qu'il  est 
lort  desgousté  de  ce  (jue  son  Abbas  roy  de  Perse  a  esté  mal  receu  dans 
Home,  et  (|u'on  ne  l'y  a  pas  voulu  vendre  en  façon  quelquonque.  Mais 
il  laull  mesnager  cela  avec  un  peu  de  temps.  Je  ne  vous  envoyé  pas  sa 
lettre,  pour  luy  respondre  si  je  puis  en  avoir  de  commodité,  et  puis 
si  je  ne  vois  de  santé  sur  le  chemin  de  Lyon,  je  vous  en  envoyeray  la 
coppie ,  pour  ne  la  bazarder,  car  encores  y  a  il  de  jolies  particularitez 
sur  les  caractères  cophtites  et  sur  son  humeur  et  liberté  particulière. 

On  m'escript  de  Mantoùe  du  î>.o  juin  (|ue  le  sieur  Possevin  estoit 
decedé  peu  auparavant",  et  qu'il  avoit  laissé  un  Tacite  avec  les  sup- 
pléments et  des  commentaires  gros  comme  la  Bible,  dont  on  faict  une 
merveilleuse  estime,  que  c'estoit  un  ouvrage  de  3o  ans,  que  l'on  estoit 
aprez  à  faire  imprimer^.  Je  voudrois  bien  là  dessus  voir  l'advis  de 
M'  Guiscardi. 

On  pendit  hier  icy  un  des  séditieux  du  Marligues,  qui  avoient  si  in- 


dans le»  minutes  de  la  bibliolhèque  de  Car- 
pentras,  ni  dans  les  manuscrits  des  biblio- 
thèques d'Aîx  et  de  Paris. 

'  Sur  Antoine  Possevin ,  neveu  du  «^lèbre 
Jésuite,  voir  le  tome  1,  p.  8i.  Avant  sa 
mort,  Antoine  avait  eu  le  temps  de  doiuier 
une  seconde  édition  de  son  histoire  en  latin 
des  Gunzague ,  ducs  de  Mautoue  et  de  Mout- 
ferrat  (1698,  in-&°),  mais  il  n'avait  pu 
publier  son  histoire  (également  en  latin)  de 


la  gueiTe  de  Montferrat  de  1612  i  i6i8 
qui  parut  à  Genève  en  1 63 1 ,  et  non  en 
t6ai ,  comme  l'indique  la  note  de  la  page 
précitée.  Puisque  l'occasion  s'en  présente, 
taisons  h  la  même  note  une  autre  rectiljcii- 
tion  :  les  mots  due*  de  devaient  être  mis 
non  devant  Gonzague,  mais  devant  Mantoue 
et  Montferrat. 

*  Ce  Tacite  n'a  jamais  été  imprimé.  Le 
travail  si  considérable  (par  sou  étendue) 


172  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629J 

solemment  parlé  à  un  commissaire  de  la  cour  qui  s'estoit  présenté  à 
la  portg  de  leur  ville  pour  l'exécution  d'un  arrest  de  la  cour,  et  qui 
avoient  esmeu  une  grande  sédition  dans  la  dicte  ville,  et  menasse  du 
mesme  traictement  qu'on  avoit  faict  à  Sisteron,  où  ils  traisnerent  par 
la  ville  feu  M"^  le  conseiller  de  Brez  '. 

Du  38"^  Le  parlement  de  ce  courrier  ayant  esté  retardé  (et  peult 
estre  son  voyage  rompu  tout  à  faict),  ensemble  celuy  de  la  staffetle, 
j'ay  eu  le  loisir  d'escrire  à  M""  Aubery  et  à  M""  Gassendi.  Cependant  on 
tint  hier  la  conferance  entr'Aix  et  Marseille  et  leurs  députez,  où  M'  le 
Gouverneur  se  voulut  trouver,  et  tesmoigna  un  grand  ressentiment  de 
l'homme  qui  avoit  esté  pendu,  ne  voulant  pas  croire  qu'il  eust  tenu  des 
parolles  si  séditieuses  que  celles  qui  résultent  des  informations,  et  qu'il 
en  vouloit  avoir  la  raison,  et  pour  cet  effect  se  trouver  le  3"°*  septembre 
à  Lambesc  qui  est  à  trois  lieues  d'icy,  où  il  a  donné  rendez  vous  aux 
trouppes  qui  sont  delà  la  rivière  de  Durance,  pour  s'en  faire  à  croire. 
Mais  il  aura  loisir  de  se  r'appaiser  dans  ce  temps  là.  S'il  en  venoit  à  ce 
jeu ,  il  se  verroit  d'estranges  folies.  Car  cez  peuples  icy  ne  sont  pas  si 
endurants  qu'en  autres  païs^. 

d'A.  Possevin  n'est  pas  même  mentionné  mont,  l'un  conseiller,  l'autre  auditeur  à  la 

par  Daunou ,  dans  l'article  TacîVe  de  la  Bio-  Cour  des  comptes.  Voici  comment  M.  de 

graphie  universelle,  oîi  sont  ënumérés  tant  Laplane  raconte  la  mort  du  conseiller  qui 

d'autres  travaux  sur  le  grand  historien.  s'était  réfugié  dans  l'hôt-ellerie  de  la   Têle- 

'  M.    de    Laplane,    dans    son    Histoire  d'Or,  en  face  de  la  Fontaine  Ronde  :  ^De 

de  Sisteron,   t.  II,   p.    iSS-ig.S,   fait  un  Brez  veut  s'échapper  par  la  fenêtre:  il  est 

émouvant  récit   de  k   sédition  excitée  en  pris ,  battu ,  foulé   aux  pieds ,  dépouillé   et 

cette  ville,  le  i4  juillet  1617,  par  l'arrivée  traîné  au-dessous  de  la  fontaine,  dans  un 

des  commissaires  chargés  d'établir  un  nou-  cloaque  où  il  est  laissé  pour  mort  ;  et  comme 

vel  impôt ,  la  traite  foraine.  Ces  commissaires  si  le  crime  qui  venait  de  lui  arracher  la  vie 

étaient  François  Alby,  sieur  de  Brez  (  terre  ne  suffisait  point  pour  assouvir  la  rage  de 

située    près    de    Rognes,    arrondissement  ses  bourreaux,  on  vit  des  femmes,  l'op- 

d'Aix ,  et  qu'il  ne  faut  pas  confondre ,  comme  probre  de  leur  sexe ,  se  jeter  sur  son  cadavre 

on  Va  fait  trop  souvent,   avec  la  terre  de  et  lui  faire  subir  les  outrages  les  plus  révol- 

Bresc,  près  de  Fox-Amphoux,  arrondisse-  tants.  .  .  » 

ment  de  Brignoles)  et  Jean-Pierre  de  Beau-  '  Vol.  717,  fol.  77. 


[1629] 


AUX  FRERES  DUPUY. 


173 


XXXVI 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 
À  PAnis. 

Monsieur, 

Voslre  despesclie  du  i3°*  arriva  hier  au  soir  par  la  stcifFette  eiicor 
à  propos  pour  vous  en  accuser  la  réception,  et  vous  oster  de  la  peine 
où  nous  estions  que  les  noslres  du  2 g  juillet  ne  fussent  demeurées  en 
chemin,  ensemble  la  suyvante  du  7  aoust,  que  M' de  Fetan  nous  dict 
avoir  enfin  rcceiie.  Il  me  tardera  grandement  d'apprendre  qu'il  ayt  eu 
pour  le  moings  encores  celle  dapprez  du  1  a"»",  parce  que  j'y  avois 
joinct  des  ni[auu]s[crit]s  ^Egyptiens  de  M'  de  Thou,  espérant  qu'elle 
aura  passé,  tost  ou  tard,  puis  qu'on  ne  la  nous  a  pas  renvoyée  avec 
vostre  dernière  ensemble  les  suyvantes  du  19  et  29  du  passé. 

J'ay  donc  à  vous  remercier  trez  humblement  de  la  continuation  de 
riionneur  de  vostre  souvenir  et  de  voz  soings  en  tout  ce  qui  me  con- 
cerne, niesmes  en  la  communication  de  ce  verbal,  que  je  seray  trez 
aise  de  voir  tout  à  loisir,  ensemble  de  cette  lettre  du  Persan  (où  l'on  a 
oublié  le  nom  propre  du  |)rince  au  non»  de  qui  elle  est  escripte)  et  de 
ce  petit  traicté  de  Septalius  que  j'ay  aultres  loys  cogneu  en  passant  par 
Milan,  et  qui  estoit  en  grande  réputation  '.  J'ay  encores  à  vous  renjei-^ 
cier  comme  je  faicts  aussy  du  soing  que  vous  avez  daigné  prendre,  non 
seulement  de  faire  tenir  à  Bordeaux  les  lettres  que  je  vous  adresse, 


'  Scplaliiis  est  le  nom  ialinisé  de  Louis 
Setlala,savoiitint'decin,ndù  Milctnen  i55si, 
mort  dans  cette  ville  le  la  septembre  i633. 
Le  petit  traité  dont  Peiresc  veut  parler  ne 
peut  pas  être  le  De  nœvis  (envies  ou  tiiclies 
de  naissance),  dont  la  première  édition  est 
de  Milan ,  1 6o5 ,  el  dont  une  nouvelle  édition 
lut  donnée  à  Padoue  en  i6a8,  car  c'est  un 
ouvrage  divisé  en  neuf  livres.  On  trouve  un 
autre  opuscule  du  docteur  Settala  publié  en 


1698:  De  tnorbis  ex  mucronata  cartilagme 
evenientibus  liber  (  Milan ,  in-8').  Gassendi  n'a 
pas  manqué  de  rappeler  qu'en  l'année  iGoa 
Peiresc  fut  fêlé  îi  Milan  par  le  docteur  Set- 
lala,  par  le  frère  de  ce  dernier  et  par  plu- 
sieurs autres  savants  au  milieu  desquels  on 
distinguait  le  cardinal-archevêque  Frédéric 
Horromée,  fondateur  de  la  bibliothèque  Am- 
brosienne  (liv.  I,  p.  77). 


174  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

mais  aussy  d'y  escrire  vous  mesnies  à  ceiuy  qui  s'est  chargé  de  mes 
affaires  particulières,  dont  je  vous  suis  trop  redevable.  11  aura  depuis  eu 
de  quoy  se  satisfaire  si  ces  despesclies  que  je  vous  ay  adressées  le  moys 
d'aoust  sont  passées  jusques  c^  Lyon  et  à  vous. 

Mais  la  peine  que  vous  avez  voulu  prendre  pour  l'édition  du  Théo- 
phile de  M"'  Fabrot  oblige  le  public  quant  et  nous.  Je  le  feray  sçavoir 
au  dict  sieur  Fabrot,  aux  fins  qu'il  vous  tesmoigne  de  sa  part  l'obliga- 
tion insigne  qu'il  vous  a  de  tant  de  soing,  sans  lequel  je  pense  qu'il 
luv  fauldroit  attendre  bien  longtemps  la  dicte  édition  qui  se  fera 
mal  aisemeut  comme  je  pense  par  le  sieur  Vitré  parmy  les  extraordi- 
naires divertissements  que  luy  donne  sa  grande  Bible.  C'est  pourquoy 
j'approuve  fort  le  dessain  d'y  employer  quelqu'atdtre,  s'il  est  possible. 

Nous  serons  attendans  en  bonne  dévotion  la  coppie  de  la  lettre  de 
M"'  Rigault  avec  le  cardinal  Barberin ,  et  la  responce  qu'il  nous  promet 
sur  l'anneau  de  TECLA,  ayant  esté  bien  aise  que  M''  Saulmaise  se  soit 
trouvé  chez  vous  lors  de  la  lecture  de  ce  que  je  luy  en  avois  touché, 
vous  advouant  ingénument  la  foiblesse  de  mes  conjectures,  comme  je 
pense  que  dez  lors  jen'aurois  pas  oublié  d'en  prolester.  Mais  pourtant, 
par  les  lettres  que  j'ay  depuis  escriptes  au  dict  sieur  Rigauit,  il  aura 
veu  ce  que  j'ay  rencontré  pour  fortifier  sinon  toutes  mes  conjectures, 
au  moings  celle  qui  regarde  simplement  l'interprétation  de  l'inscription 
RA'.TE  par  l'authorité  mesmes  du  Piaule,  qui  introduict  un  perso- 
nage  qui  ayuioit  mieux  dire  RABO  que  ARHABO  comme  les  Prenes- 
tins  de  son  temps  disoient  CONIA  pour  CICONIA  par  abus  commu- 
nément receu,  dont  je  ne  m'estois  pas  advisé  du  commancement  que 
je  luy  en  escrivis,  daultant  que  je  l'avois  faict  trop  précipitamment, 
sans  m'estre  encores  peu  souvenir  du  lieu  oi!i  il  me  sembloit  tousjours 
avoir  veu  la  preuve  de  cet  usage  ou  de  cet  abbus.  Car  je  ne  vous  ose- 
rois  quasi  confesser  ma  dapoccagine  '  qu'il  y  a  une  bonne  trentaine 
d'années  que  je  n'avois  remis  le  nez  dans  mon  pauvre  Plante,  et  j'ay  la 
plus  misérable  et  chestive  mémoire  du  monde,  surtout  des  choses  qui 

'  Ma  fainéantise,  ma  négligence. 


[1629]  AUX  FRERES  DUPUY.  175 

ne  se  trouvent  pas  dans  quelqu'une  de  mes  curiositez  particulières, 
auquel  cas  je  n'ay  poinct  de  peine  h  retenir  ce  que  je  voys,  quand 
niesmes  il  ne  me  soussieroit  pas  d'en  conserver  la  mémoire.  J'atten- 
dray  aussi  puisqu'il  vous  plaict  la  coppie  de  ce  petit  feuillet  du  Theo- 
doius  Herniopolites,  ostaiit  bien  marry  que  vostre  bon  escrivairi  Grec 
soit  decedé.  En  un  besoing  Ruelle  (qui  avoit  aultre  foys  escript  pour 
M'  de  Lomenie  et  dont  on  pourroit  apprendre  des  nouvelles  de  M'  de 
la  Tremolliere,  ou  au  collège  de  Clermont)  prendroit  bien  volon- 
tiers celte  peine  pour  l'amour  de  moy,  puisque  l'ouvrage  n'est  pas 
de  longue  baleine.  Au  reste  je  me  resjouys  grandement  du  voyage  de 
M""  de  Saulmaise  i\  Dijon,  principalement  pour  les  intérêts  de  M' Ri- 
gault,  et  puis  pour  l'espérance  qu'il  donne  (bien  que  je  double  un  peu 
s'il  en  pourra  desrober  le  temps  en  ce  lieu  la  aussy  commodément  qu'à 
Paris)  d'y  achever  son  ouvrage  sur  le  Pline,  qui  meriteroit  certaine- 
ment d'estre  bien  peigné  de  la  main  de  M'  Rigault  et  ['de  la  sjienne. 
Je  suis  marry  que  n'ayez  ouvert  la  lettre  de  M'  Rubens''  et  vous  prie 
d'en  user  ainsin  h  l'advenir  quand  vous  en  recevrez  pour  moy  de  sa 
pari,  et  do  gents  curieux,  car  je  sçay  bien  que  vous  n'aurez  pas  deza- 
grcable  d'y  voir  ce  qu'il  m'escripl,  oCi  il  entremesle  tousjours  quelque 
galanterie  digne  de  n'estre  pas  négligée.  Si  mon  homme  en  peult  des- 
chiiïrer  une  coppie  à  temps,  je  la  feray  joindre  icy,  reservant  l'original 
pour  luy  respondre  un  peu  plus  h  loisir,  et  pour  ne  l'exposer  au  dan- 
ger des  chemins  dans  l'incertitude  où  nous  sommes  encores  si  les  des- 
pescbes  continueront  de  passer  ou  non.  Il  m'escripl  de  la  debtention 
du  pauvre  Seldenus  que  je  plains  grandement',  et  dicl  que  le  sieur 
Bosweld''  luy  avoit  faict  feste  de  cez  suppléments  du  Procope  que  vous 

'  Dëchirui'e  du  papier.  réimprimer,  recensilum  iierum  et  auetiu: 

'  LeUre  écrite  de  Londres  le  9  août  1 699  Mais  je  voudrais  bien  qu'il  se  reofermAt  dan» 

et  publiée  dans  le  recueil  d'Lmile  Gacbet  les  bornes  de  la  science,  sans  aller  se  mêler 

(p.  339-a34  pour  le  texte  italien,  p.  a35-  h  tous  ces  désordres  politiques  qui  ront 

a38  pour  la  traduction).  privé  de  sa  lil)erté,  ainsi  que  |>Uisietirs  an- 

'  Voici  ce  que  Rubens  écrivait  à  Peiresc  très  membres  du  parlement,  accusés  d'avoir 

au  sujet  (le  Selden  :  ir  Vous  aurez  sans  doute  agi  contre  le  Roi  dans  la  dernière  session.» 

vu  son  traité  De  diisSyrU,  qu'on  vient  de  '  Voir  sur  ce   personnage   le  tome  I, 


176  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

avez  veuz,  lesquels  il  luy  fauldroit  envoyer  en  tont  cas,  si  on  ne  les  luy 
avoit  communiquez  en  ce  païs  là.  Il  me  reste  à  vous  remercier  des  nou- 
velles du  monde,  que  j'ay  veiies  volontiers,  principalement  celles  du 
mariage  de  M'  le  baron  d'Acheres',  et  vouldrois  bien  sçavoir  si  c'est 
avec  la  damoiselle  que  M'  de  Préaux  avoit  une  foys  voulu  espouser,  ou 
si  c'est  une  aultre  sœur^  souhaictant  que  cette  alliance  puisse  servir  à 
l'aflermissement  de  la  fortune  de  cette  maison  et  à  la  conservation  de 
cette  grande  charge  qui  y  est^  De  cez  quartiers  icy  nous  ne  vous  sçau- 
rions  escrire  que  des  fascheuses  nouvelles  du  progrez  de  la  maladie, 
laquelle  commance  de  s'estendre  en  divers  endroictsde  la  ville,  et  faire 
suitte  dans  les  familles  que  l'on  met  dehors  aussy  tost  qu'il  y  a  eu  quel- 
qu'un de  frappé.  Il  se  fauldra  enfin  resouldre  de  gaigner  la  clef  des 
champs*,  la  place  n'estant  plus  guieres  tenable  pour  ceux  qui  ne  .sont 
pas  assez  robustes  pour  résister  à  des  grands  maulx.  Car  encores  que 
le  courage  n'y  soit  pas  inutile,  il  ne  sert  pourtant  de  guieres,  quand 
les  forces  y  défaillent  pour  l'accompagner  au  besoing.  Vous  verrez  en 
la  coppie  d'une  lettre  escripte  à  un  de  nostre  compagnie  ce  qui  s'est 
passé  depuis  peu  avec  M'  le  Gouverneur  qui  ne  se  veult  pas  encores 


p.  90.  On  lit  dans  la  lettre  déjà  citée  de  Ru- 
bens  :  cril  y  a  encore  ici  le  cavalier  Gotton ,  an- 
tiquaire ,  fort  remarquable  par  la  variété  de 
ses  connaissances,  et  puis  le  secrétaire  Bos- 
wel,  tous  personnages  que  vous  devez  par- 
faitement connaître  et  avec  lesquels  vous 
êtes  même  probablement  en  correspondance , 
ainsi  que  vous  prenez  soin  de  le  faire  avec 
tous  les  hommes  distingués  du  monde.  Ce 
dernier  m'a  appris,  ces  jours  passés,  qu'il 
avait  à  sa  disposition  et  qu'il  me  communi- 
querait même  divers  passages  de  l'histoire 
anecdotique  de  Procope,  touchant  les  dé- 
bauches de  Théodora,  qui  manquent  dans 
l'édition  d'Alemanni,  ayant  été  supprimés 
par  modestie  et  par  pudeui-  sans  doute,  et 
qui  ont  été  retrouvés  dans  un  manuscrit  du 
Vatican,  n 


'  Michel  le  Beauclerc,  baron  d'Acheres. 
épousa  (voir  les  Historiettes  de  Tallemant 
des  Réaux,  t.  I,  p.  469)  Marguerite,  fille 
de  Jean  d'Estampes,  seigneur  de  Valençay. 

'  Je  ne  puis  répondre  à  la  question  adres- 
sée par  Peiresc  à  Dupuy.  Tout  ce  que  je  puis 
dire,  c'est  que  la  baronne  d'Acheres  eut 
deux  sœurs:  l'une  Elisabeth,  mariée  avec  le 
maréchal  de  la  Ghastre;  l'autre.  Gharlotte, 
mariée  avec  Pierre  Brusiart,  marquis  de 
Puisieux. 

'  La  charge  de  secrétaire  d'Etat  alors 
possédée  (depuis  le  5  février  1626)  par 
Charles  le  Beauclerc,  frère  de  Michel. 

'  Au  sujet  de  cette  locution  figurée,  le 
Dictionnaire  de  Litlré  ne  cite  que  des  écri- 
vains venus  après  Peiresc,  Pierre  Corneille 
et  La  Fontaine. 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  177 

laisser  vaincro,  bien  qu'il  se  trouve  assez  empesché  à  l'exécution  de  ce 
qu'il  a  dict  vouloir  faire.  Le  mal  est  que  le  peuple  qui  estoit  sorty  de 
la  ville,  pour  diminuer  la  matière  sui-  laquelle  le  mal  pouvoit  agir,  et 
qui  se  trouve  espars  dans  les  villages  voisins,  ou  dans  les  granges, 
parle  de  se  venir  pluslost  retirer  dans  la  ville  à  la  mercy  de  la  maladie, 
que  de  demeurer  aux  champs  exposé  à  la  mercy  des  soldats,  ce  qui 
adjonstera  bien  du  boys  au  feu  ',  et  sera  pour  enflammer  grandement 
le  mal,  et  pour  augmenter  la  dilliculté  de  trouver  de  quoy  vivre,  dans 
la  difTiculté  qu'il  y  aura  de  faire  passer  à  travers  la  soldatesque  les 
danrées  nécessaires  à  ce  peuple  pour  ses  aliments.  Ce  qui  seroit  pour 
produire  quelques  grands  desordres,  et  pour  réduire  le  monde  à  l'es- 
preuve  des  trois  fléaux  tout  ensemble ,  peste ,  famine  et  guerre ,  à  quoy  les 
autheurs  auroient  possible  au  bout  du  compte  peu  d'avantage,  et  beau- 
coup de  regret  et  de  reproches  auprez  du  Roy,  qui  n'entend  pas  que  ses 
peuples  soient  ainsin  traictez.  Je  crois  tousjours  qu'il-  reviendra,  et  qu'il 
ne  se  vouldra  pas  charger  de  cez  reproches  et  sur  ce  je  finis  demeurant. 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  3  septembre  lôag*. 

XXXVII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

ADVOCAT  EN  LA   COUR  DE   PARLEMENT, 
À  PARIS. 

Monsieur, 
Vous  recevrez  ce  mot  de  lettre  par  les  sieurs  Gobert  et  le  Jeune*, 
architecte  et  peintre  respectivement,  de  ceux  de  Fontainebleau  que 

'  Nos  dictionnaires  ne  donnent  pas  cette  '  Vol.  717,  fol.  79. 

expression  (igurëe.  *  On  possède  une  lettre  de   Peiresc  à 

'  Le  duc  de  Guise,  gouverneur  de  la  irMonsieiu"Lejeune,undespeinti-es  duRov" 

Provence.  dans  le  registre  des  minutes  de  Carpeiitras 

II.  «3 


m  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

le  sieur  Fouquiere  '  avait  emmenez  icy,  pour  l'adsister  à  prendre  le 
plan  et  prospective  ^  de  la  ville  d'Aix,  par  mandement  du  Roy.  Ce  sont 
des  plus  honnestes  hommes,  et  des  plus  discrets  que  j'aye  veu,  et  des 
plus  officieux,  et  reconimandables  en  leur  vocation.  Si  vous  pouvez  faire 
quelque  chose  pour  eux  selon  les  occasions,  vous  n'y  aurez  pas  de  re- 
gret, quand  les  aurez  cogneus,  et  prendrez  plaisir,  je  m'asseure,  de 
les  obliger,  comme  je  vous  en  supplie,  bien  marry  de  n'avoir  eu  leur 
cognoisçance  de  meilleure  heure,  dont  je  me  serois  mieux  prevallu,  et 
ne  les  aurois  pas  laissé  partir  du  pais  maintenant,  sans  tirer  de 
leur  main  de  bonnes  choses,  pour  les  desseins  des  mazures  antiques 
de  cette  province,  mais  la  maladie,  qui  s'espand  desja  fort,  m'a  faict 
faire  scrupule  de  les  y  retenir.  S'ils  reviennent,  il  fauldra  suppléer  à  ce 
deffault;  cependant  je  vous  supplie  de  les  aymer  pour  l'amour  de  leur 
vertu,  et  pour  l'amour  de  moy,  estant  tousjours. 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Âix,  ce  i3  septembre  i6a9\ 

XXXVIH 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Enfin  voz  despesches  du  28  aoust  nous  ont  osté  de  la  crainte  où 
nous  estions  que  les  nostres  du  7  et  1 2  ne  fussent  demeurées  en  che- 

qui  contient  la  correspondance  avec  les  frères  ''  Je  ne  retrouve  le  mot  prospecÙKe  nulle 

Dupuy  (fol.  253).  Cette  lettre,  datée  du  uutrepart.LePoussin,dansunede  sesletlres, 

1 1  juillet  1682, est  précédée  (fol.  2 Sa)  d'une  a  employé  la  forme prospecl.  Du  reste  le  mot 

lettre  de  la  même  date  adressée  à  ff  M.  Engo-  perspective  ne    semble  avoir   été   employé 

bert,  vallet  de  cbambre  du  Roy  à  Fontaine-  qu'un   peu  plus  tard.   Le  Dictiomiaire  de 

hleaiUii.  Gel  Engobert  serait-\\  le  même  que  Littré  ne  le  signale,  an  \vu*  siècle,  que 

le  Gobert  de  la  présente  lettre  ?  dans  les  écrits  de  Pascal  et  de  l'abbé  de  Ma- 

'  Jacques  Fouquières,  né  à  Anvers  en  rolles. 
j58o,  mourut  à  Paris  en  iCSg.  '  Vol.  717,  fol.  81. 


1629]  AUX  FKÈRES  DUPUY.  179 

min,  et  celle  de  M'  de  Fetan  du  2  septembre  nous  a  accusé  la  récep- 
tion de  l'aultre  que  je  vous  avois  faictc  du  19"'.  Le  reste  que  je  vous 
ay  adressé  est  allé  par  voyes  extraordinaires  à  cause  de  la  rupture  des 
chemins.  On  mande  que  le  Pont  S'  Esprit  est  fermé,  de  sorte  qu'il  y 
aura  de  grands  et  fascheux  destours  <i  faire  à  l'advenir.  En  mesme 
temps  que  j'ay  eu  le  plaisir  de  voir  de  voz  nouvelles,  j'ay  eu  une  petite 
mortification  en  ce  que  j'ay  esté  sommé  de  respondre,  mais  si  à  la 
haste,  qu'à  peine  me  donne  on  le  loisir  de  vous  en  accuser  la  récep- 
tion et  ne  pense  pas  qu'on. me  permette  d'achever  de  lisre  les  aultres 
lettres  qui  estoient  joinctes  à  la  vostre  de  M""  du  Plessis  ',  de  M'  Gas- 
sendi et  aultres,  parce  que  me  voicy  aux  champs,  où  je  suis  enfin  venu, 
et  pour  ne  perdre  l'occasion  de  la  présente  staffette  qui  partira  d'Aix 
demain  au  poinct  du  jour,  un  homme  qui  s'y  en  va  exprez  aura  de  be- 
soing  d'employer  la  nuict  pour  y  eslre  à  temps.  La  toille  cirée  est  veniie 
bien  à  propos,  car  M"^  le  Gouverneur  avoit  envoyé  un  de  ses  gardes  à 
Orgon^  qui  voulut  ouvrir  la  première  enveloppe  de  l'ordinaire  tant  de 
Marseille  que  d'Aix,  disant  avoir  le  commandement  pour  prendre  les 
lettres  de  son  maislre  et  les  luy  porter  en  diligence,  ce  qu'il  ne  fit  pas 
neantmoings  aprez  avoir  faict  l'ouverture,  mais  cela  fut  cause  que  la 
despesche  estant  mise  toute  ouverte  dans  le  vinaigre,  il  eut  moyen  de 
pénétrer  plus  avant,  et  devant  qu'elle  ni'ayt  esté  apportée,  il  y  a  eu 
encores  plus  de  temps  perdu.  Ce  qui  est  cause  que  le  livre  du  Facun- 
dus'  a  esté  un  peu  attaint  par  la  marge  d'en  bas,  un  coing  de  la  toille 


'  On  possètle  dans  le  registre  I  des  mi- 
nutes de  Cni'penlras  (foi.  5i3)  une  lettre 
écrite  de  Belgentier,  le  6  novembre  1629, 
à  ttM'  Duplfssis,  advocat  en  parlement, rue 
Trnversiere,  prez  les  Cordeliers,  à  Paris »i. 
Voir  d'antres  lettres  au  môme,  du  a5  oc- 
tobre iCîa  {ibid.,  fol.  5^9),  du  1"  août 
i633  {ibid.,  fol.  55»),  du  ay  mars  i635 
(registre  IV,  fol.  708),  des  i  et  8  mars 
i63G  (ibid.,  fol.  yao-yai). 

'  Nous  avons  déjh  trouvé  ( lettre  XXXII) 


le  nom  de  ce  clief-iieu  de  canton  de  l'arron- 
dissement d'Arles. 

'  Facnndus  est  le  nom  d'un  évêque  d'Her- 
miane  (en  Afrique)  qui.  selon  les  biogra- 
phes, se  distingua  sous  le  règne  de  Jusli- 
nien  par  le  rôle  qu'il  joua  dans  les  disputes 
lliéologiques  au  sujet  des  trois  chapitrt*. 
L'ouNTage  dont  veut  parler  Peiresc  est  inti- 
tulé :  Faeundi  episcopi  Uermianennis  Pro- 
viiiciiV  Africaniv  pro  defeiuione  trium  capitu- 
loi-um  coneilii  Calchedoiiensis  libri  xii.  Ad 
aS. 


ISO  LETTRES  DE  PEIRESG  [1629] 

cirée  s'estant  brisé,  mais  je  ie  r'envoye  présentement  à  mon  relieur 
pour  le  laver,  croyant  que  ce  ne  sera  rien.  Dieu  aydant.  Aussy  vous 
suis  je  bien  redevable  du  soing  qu'il  vous  a  pieu  de  prendre  de  me 
faire  voir  cette  pièce,  qui  ne  peult  estre  que  trez  bonne  en  ce  siècle  là 
si  stérile  de  bons  autheurs,  et  venant  de  si  bonne  main  que  celle  du 
P.  Sirmond  qui  a  bien  opportunément  prévenu  les  aultres  qui  en 
avoient  d'aultres  coppies,  et  qui  l'eussent  possible  donné  bien  tost,  ou 
ez  Pais  bas  ou  ailleurs. 

Nous  avions  apprins  comme  vous  des  nouvelles  de  l'arrivée  de  M"'  de 
Thou  à  Rom€,  d'environ  par  cette  datte,  comme  vous  aurez  peu  voir 
par  mes  précédantes.  Ses  bardes  sauvées  du  naufrage  n'estoient  poinct 
dans  une  cassette  ne  dans  un  coffre,  ains  dans  une  espèce  de  corbeille 
recouverte  de  cuir  bouilly,  qui  estoit,  je  m'asseure,  trez  bon  pour  la 
mouilleure  momantanée,  mais  quand  on  y  eust  mis  pardessus  une 
toille  cirée,  je  ne  pense  pas  que  la  mer  n'eust  tout  pénétré  durant  dix 
jours  entiers  qu'elle  l'a  tout  englouttie,  puis  que  vous  voyez  que  la 
vostre  n'a  pas  peu  absolument  garentir  du  vinaigre  ie  pauvre  Facini- 
dus.  Vous  ])ouvez  asseurer  M""  le  .lay  que  la  Bible  arabi(jue  n'est  pas 
ainsi»  mal  traictée,  et  l'alcoran  est  encores  mieux,  car  il  n'y  a  rien 
d'attaché,  ne  mesmes  de  maculé,  si  ce  n'est  dans  les  marges,  ou  fort 
peu  avant  dans  l'escriture.  Il  fault  que  le  papier  en  fust  nioings  collé  . 
que  celuy  des  livres  coplitites,  ou  bien  que  ceux  qui  les  ont  faict  seicher 
au  sortir  de  la  mer  n'ayent  pas  eu  le  soing  de  les  ouvrir  aussy  tost 
que  les  aultres,  et  de  bien  diviser  les  feuilles,  tandis  que  la  mouilleure 
n'estoit  ne  trop  grande  ne  trop  petite,  pour  estre  bien  disposée  à  la 
séparation.  Pour  les  médailles,  il  est  véritable  que  la  courtoisie  de 
M'  de  Thou  va  jusques  où  vous  dictes  et  iroit  plus  avant  si  elle  pou- 
voit  passer  plus  oultre,  tant  il  y  a  de  l'excez  en  son  honnesteté  aussy 
bien  qu'en  la  vostre,  dont  j'ay  desja  tant  veu  d'effecls,  et  dont  vous 
me  donnez  tout  de  nouveau  de  si  bonnes  preuves,  par  les  offres  qu'il 
vous  plaict  me  faire  des  antiques  qui  vous  pourroient  tomber  en  main, 

Justinianum  imperatorem.  Jac.  Sirmoiidi  Soe.  lucem  edili  itolixque  Hlmtrati.  (Paris,  Séb. 
Jesu  presbyteri  cura  et  studio  numprimum  in        Gramoisy,  16-29,  in-8*.) 


[1629J  AUX  FRÈHES  DUPUY.  181 

dont  je  vous  remercie  d'aussy  bon  cœur,  et  vous  demeure  aussy  obligé, 
que  si  vous  m'en  aviez  donné  des  plus  rares  et  des  plus  précieuses  <jui 
se  puissent  voir.  Mais  les  mesmes  loix  de  la  courtoisie  qui  vous  por- 
tent à  cez  bienfaicts  obligent  voz  serviteurs  à  ne  pas  accepter  si  géné- 
ralement tant  de  choses  curieuses  ensemble.  Ce  n'est  pas  que  je  veuille 
tant  faire  le  délicat,  que  je  ne  sois  trez  aise  d'en  accepter  quelques 
unes,  sçaicliant  de  combien  bon  cœur  M'  de  Thou  s'est  daigné  m'en 
faire  les  offres  si  réitérées  et  si  obligeantes.  Car  mesmes  je  ne  vous 
sçaurois  desadvoiier,  qu'il  y  en  a  qui  m'ont  prins  par  le  nez  comme  la 
nioustarde,  à  ce  qu'on  dict  communément.  Mais  le  mal  est  que  ce  sont 
de  celles  que  je  faicts  plus  de  scrupule  d'accepter,  crainte  d'encourir 
le  blasme  d'indiscrétion,  sinon  en  l'endroict  de  M' de  Tbou  et  au  vostre, 
au  moings  envers  le  reste  du  monde  de  nostre  cognoisrance  qui  juge 
sans  préoccupation  d'alfection.  Car  pour  les  médailles  de  cuivre,  je 
n'ay  pas  fait  de  difficulté  d'en  retenir  j)lus  d'une  douzaine  qui  peuvent 
estre  plus  ou  moings  bonnes,  et  toutes  servir  à  quelque  petit  assorti- 
timent,  tel  que  sont  ceux  que  me  fournit  ma  bizarrie ',  et  mon  goust 
trop  vaste.  Mais  l'importance  est  des  graveures.  Car  si  je  puis  un  jour 
venir  à  bout  de  l'inscription  de  l'Amethiste  comme  j'en  ay  desja  des- 
chiffré la  meilleure  partie,  je  pense  que  vous  n'aurez  pas  désagréable 
que  je  vous  eu  mande  mon  sentiment,  ce  que  je  n'oserois  encores  faire , 
crainte  que  vous  m)  trouvassiez  pas  mes  conceptions  assez  bien  fondées. 
H  y  fault  avoir  un  j)eu  de  repos  d'esprit,  que  je  n'ay  pas  encores  eu 
loisir  de  trouver  depuis  la  première  veiie.  Je  vouidrois  bien  que  ce 
qu'on  vous  mande  du  prochain  retour  de  M'  de  Thou  fut  si  certain, 
<|u'il  fust  desja  prez  de  vous,  et  me  contenterois  qu'il  ne  le  differast 
pas  plus  loing  que  le  terme  que  vous  luy  donnez  de  la  Sainct  Martin. 
Car  je  crains  fort  (ju'ayanl  passé  les  chaleurs  dans  Rome,  il  n'y  ayt  de 
la  peine  à  l'en  l'aire  partir,  et  que  pendant  cela  il  ne  puisse  naislre  des 
dangers  des  chemins  du  costé  de  rAllemagne  si  les  choses  rompent 

'  Nous  avons  ili-jà  vu  celle  expression  dans  le  tome  I,  ji.  436.  De  iiiénie,  pour  la  lo- 
cution figurée  «jiu.-  nous  veuons  de  trouver  {preitdre  par  le  uez  comme  la  moulante),  voir 
le  tome  I,  p.  tgti. 


182  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

comme  on  est  à  la  veille,  ce  semble,  estant  passé  depuis  deux  jours 
un  courrier  de  M""  de  Crequy,  pour  r'appeler  en  diligence  les  trouppes 
de  cette  Province,  lesquelles  on  avoit  faict  venir  autour  de  la  pauvre 
ville  d'Aix,  et  depuis,  par  remors  de  consciance,  on  les  en  avoit  tirées, 
pour  les  envoyer  à  la  marine  oià  elles  ne  font  qu'arriver.  Je  n'oublie- 
ray  pas  meshuy  les  lettres  de  feu  M''  de  Malerbe  que  j'avois  envoyées 
icy,  en  mesme  temps  que  le  coffre  de  M'  de  Thou,  avec  quelques 
libvres  et  papiers  pour  me  servir  d'amusement  aux  champs,  durant 
une  petite  sécession.  Je  suis  marry  qu'il  n'y  ait  chose  plus  digne  de 
voir  le  jour,  mais  c'est  par  obéissance  que  je  le  faicts. 

Le  sieur  Noël'  est  en  Provence,  mais  il  a  esté  arresté  en  quaran- 
taine à  la  frontière  du  Rhosne,  où  il  a  esté  une  quinzaine  de  jours 
avant  que  nous  l'ayons  sceu,  car  nous  luy  envoyasmes  incontinant  des 
chevaulx  pour  l'aller  prendre  avec  dispense  des  formalitez  par  arrest 
de  la  cour,  mais  nostre  homme  le  trouva  party  comme  à  la  desrobée 
et  venu  au  terroir  d'Allençon^  oii  il  continoit  sa  quarantaine,  mais  je 
pense  qu'on  l'envoyera  prendre  là  de  rechef,  et  qu'il  se  resouldra  de 
servir  le  public  en  cette  occasion  de  maladie,  auquel  cas  il  sera  le  trez 
bien  venu,  et  fort  opportunément,  car  depuis  Imict  ou  lo  jours,  soit 
pour  le  desordre  du  peuple  revenu  des  champs  à  cause  des  gents  de 
guerre,  soit  pour  le  decours  de  la  lune,  tant  est,  qu'il  y  a  eu  plus  de 
80  persones  frappées,  et  plusieurs  troussées'  fort  soudainement.  Un 
conseiller  de  la  cour,  nommé  de  Penesfort,  est  enfermé  etplattiné^ 
dans  sa  maison,  pour  s'estre  sa  femme  trop  librement  laissé  porter  à 
aller  chez  un  sien  voisin,  qui  est  depuis  mort  de  la  maladie,  bien  que 
les  médecins  eussent  longtemps  opiniastré  que  ce  ne  l'estoit  pas.  De 
mesmes  que  M''  le  Prévost  Marchier,  de  qui  le  lacquay  avoit  esté  mis 


'  Le  médecin  dont  il  a  été  question  un  '  Sous  le  mot  trousser,  employé  dans  le 

peu  plus  haut.  sens  d'enlever,  de  tuer,  le  Dictionnaire  de 

'  Sic.  Faut-il  lire   Alleins,   nom  d'ime  Littré  ne  cite  que  des  écrivains  d'une  époque 

commune  du  département  des  BoucUes-du-  postérieure ,  Dancourt  et  Voltaire. 
Rhône,    arrondissement    d'Arles,     canton  *  Le  mot  p/aHin«r  n'est  donné  dans  aucun 

d'Ëyguières,  près  de  Lamhesc?  de  nos  dictionnaires. 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  18S 

en  lieu  séparé  de  l'infirmerie  comme  ayant  auitre  mal  que  la  peste, 
et  a  esté  assez  lonjjtemps  en  estât,  qu'on  le  tenoit  pour  exempt  tout  à 
l'aict  non  seulement  de  ce  venin,  mais  aussy  de  danger  de  mort,  et 
toute  foys  depuis  deux  jours  il  a  eu  d'aultres  accidants  plus  malins, 
qui  font  attribuer  les  commancements  à  la  maladie,  dont  j'ay  esté  bien 
fasché,  car  on  estoit  à  la  veille  de  finir  la  closture  de  son  maistre,  qui 
ira  à  la  quarantaine  entière,  si  ce  garçon  empire  tant  soit  peu.  On 
n'a  pas  icy  faulte  d'hospital  ne  de  gents  pour  y  servir  et  traicter  les 
malades,  à  quoy  on  espargne  si  peu,  qu'il  y  a  desja  plus  de  ta  mille 
escus  de  despendus  par  le  corps  de  ville.  Mais  c'est  que  le  mal  de  ce 
païs  ne  ressemble  pas  si  fort  celuy  de  Paris,  non  plus  que  nostre 
soleil  n'est  pas  le  vostre  si  absolument  que  les  effects  n'en  soient 
grandement  diflerants.  Ce  qui  me  faisoit  ne  pas  négliger  l'Histoire  na- 
vale de  Rivius,  estoit  en  partie  le  nom  de  l'autheur,  qui  a  tesmoigné 
ailleurs  de  bonnes  intentions,  et  en  partie  l'espérance  de  la  continuation 
jusques  aux  derniers  siècles,  qui  sont  principalement  ceux  qui  peuvent 
estre  à  désirer  de  sa  main.  Je  vous  remercie  trez  humblement  du  soing 
qu'avez  eu  de  me  recouvrer  l'Herveus  de  Motu  cordis,et  leClaromon- 
tius\  mais  si  l'Herveus  pouvoit  passer  soubs  l'enveloppe  de  la  poste, 
il  seroit  bien  plus  à  désirer  que  l'aultre,  lequel,  allant  contre  mon  sens, 
et,  si  je  ne  me  trompe,  contre  le  sens  commun '^  ne  peult  pas  gueres 
bien  réussir  à  mon  advis.  Le  livre  du  P.  Sirmond  '  ne  passera  pas  les 
monts  de  ma  part,  puis  mesmes  qu'il  est  desdié  à  Home.  Ce  seroit  pes- 
cher  contre  la  discrétion,  et  en  ce  temps  icy,  je  ne  sçay  si  on  prendroit 
plaisir  qu'on  leur  adressast  des  livres  de  ce  païs  icy  et  spécialement  de 
la  ville  d'Aix  tant  que  j'y  ay  esté  pendant  le  mal.  Je  vous  remercie  en- 
core» trez  humblement  du  soing  que  vous  daignez  continuer  pour  le 
Théophile,  et  des  nouvelles  de  Vesel,  que  je  tiens  grandement  impor- 
tantes, et  bien  employées  à  cez  gents  qui  au  lieu  de  se  deffendre  vien- 
nent troubler  le  gros  de  la  chrestienté  et  obliger  nostre  Uoy  i\  repas- 

'  Les  livres  df'jà  mentiomids  de  Giiillnnine        ment  était  aussi  jmle   que  vÏTeraent  ei- 
Harvey  et  de  Scipioii  Chiarainonti.  priiut'. 

"  Peiresc  ne  se  trompait  pas  et  son  juje-  '  L'éditionihitrailrfdeFévêqueFacundus. 


184  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

ser  les  monts  pendant  ce  temps  de  maladie,  qui  est  si  généralement 
espandiie.  Mais  Dieu  le  garantira  et  confondra  ses  ennemis,  et  je  de- 
meureray, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 
DE  Peibesc. 
A  Boysgency,  ce  16  septembre  1639. 

Je  VOUS  supplie  de  faire  mes  excuses  à  cez  Messieurs  si  vous  les 
voyez,  attendant  que  par  le  prochain  ordinaire  je  puisse  mieux  satis- 
faire à  mon  debvoir. 

J'oubliois  de  vous  dire  que  l'on  tient  qu'il  y  a  eu  un  accez  de  la  ma- 
ladie dans  l'Hostel  Dieu  d'Avignon,  et  deux  dans  Pertuys,  qui  est  à 
trois  lieues  d'Aix  S  ce  qui  faict  grandement  craindre  que  le  mal  ne  soit 
gênerai. 

J'envoye  ma  despesche  à  Aix,  sans  clorre  l'enveloppe,  pour  y  ad- 
jouster  les  lettres  qui  y  pourroient  avoir  esté  apportées  pour  les  amys 
en  mon  absance,  si  aucunes  en  y  a^. 


XXXIX 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 
À  PARIS. 

Monsieur, 
Aussytost  que  je  fus  retiré  à  la  campagne  en  nostre  petite  maison  \ 
je  ne  faillis  pas  de  vous  en  donner  advis,  mais  depuis  je  n'ay  peu 

'  Pertuisest  un  chef-lieu  de  canton  du  sa jwftJe  maiso».  C'était ,  au  contraire ,  une  très 

département  de  Vaucluse,  dans  Varrondis-  belle  maison,  presque  un  château,  comme 

sèment  d'Apt,  à  7a  kilomètres  d'Avignon.  ie  prouve  une  gravure  d'Israël  Silvestre  qui 

'  Vol.  717,  fol.  81.  fait  partie  de  la  magnifique  collection  de 

'  C'est  par  modestie  que  Peiresc  parle  de  M.  Paul  Arbaud  (à  Aix  en  Provence)  et  qui 


I1629J  AUX  FRÈRES  DUPUY.  185 

continuer  iiosln;  petit  commerce  de  lettre»,  tant  pour  un  peu  d'indis- 
position que  j'avois  apportée  de  ia  ville  (que  je  ne  pou  vois  vaincre, 
selon  l'advis  des  médecins,  sans  m'abstenir  de  toute  sorte  d'exercice  de 
l'esprit),  que  ])our  avoir  esté  sevrez  de  la  commodité  de  recevoir  et  en- 
voyer des  lettres  du  coslé  d'Aix,  afin  de  laisser  en  repos  les  esprits  de 
cez  peuples  de  deçà,  qui  appreliendoient  que  ce  commerce  l'ust  capable 
d'altérer  le  bon  estât  de  leur  santé,  et  s'imafjinoient  (fue  cela  leur 
pouvoil  apporter  la  maladie  dont  la  jalousie  les  tenoit  en  de  si  grandes 
delliances,  qu'encores  que  je  me  lusse  renfermé  dans  l'enclos  de  nostre 
parq,  et  que  je  m'abstinsse,  et  tous  les  miens,  de  toute  communication 
avec  ceux  du  village,  les  aullres  voisins  n'ont  pas  laissé,  deux  ou  trois 
foys,  d'interdire  ce  village  icy  de  tout  commerce  avec  eux,  ce  qui  a 
bien  donné  de  ia  peine  à  restablir^  et  a  fallu  enfin  que  j'aye  achevé  une 
quarantaine  toute  entière  dans  cette  continanro.  Mais  depuis  que  je 
l'ay  achevée,  la  cour  de  Parlement  avant  esté  constraiiite  de  céder  à  la 
\iolance  du  mal  de  la  pauvre  ville  d'Aix,  et  s'estant  retirée  à  Sallon ', 
nous  avons  trouvé  le  moyen  par  voyes  indirectes  de  faire  venir  de  là 
les  despesches  qui  estoient  venues  de  vostre  part  quasi  toutes  en- 
semble, tant  le  desordre  est  grand  sur  le  chemin,  tout  infecté  au  long 
delà  rivière  du  Rhosne.  Cependant  je  me  suys  trouvé  Dieu  mercy  fort 
bien  remis. à  ce  bon  air  natal,  où  j'ay  recouvré  plus  de  vigueur  que 
n'en  avois  eu  de  longtemps,  et  y  ay  reparé  grandement  les  foiblesses 
cl  aultres  iiicommoditez  d'une  espèce  d'oppression  de  poitrine  et  d'un 
grand  desgoust  qui  me  travailloient  depuis  quelque  temps,  de  sorte 
qu'à  quelque  chose  malheur  a  esté  bon.  car  sans  cette  occasion  je  ne 

représente  sa  maison  de  Belgealier  et  ses  (96  octobre  1699-1"  septembre  jOSo)  du 

admirables  jardins  tels  qu'ils  existaient  dans  parlement  ou,  pour  mieux  dire,  de  la  pre- 

ia  seconde  moitid  du  xvn'  siècle,  quand  ils  mière  chambre  du   parlement,  car  l'autre 

appartenaient  «u  baron  de  Rians,  le  neveu  chambre,  sous  la  conduite  du  président  de 

de  i'eiresc.  Coriolis,   sieur    de   Corbièi-e.   se    relira    à 

'  Salon  est  aujourd'hui  un  chef-lieu  de  Pertuis,    voir  les  C'Aro«iV/«e«  de  la  vUle  de 

canton  du  département   des    Bouelies-du-  ^/on,  par  l^ouisGimon  (Aix,  i88»,in-8*, 

Rhône,  dans l'airondissement d'Aix,  h  33  ki-  p.  477-678). 
lomètres  de  cette  vdie.  Sur  le  séjour  à  Salon 


186  LETTRES  DE  PEIRESC  .  [1629] 

sei'ois  pas  icy,  ou  du  moings  je  n'y  aurois  pas  peu  faire  tant  de  sesjour. 
Le  principal  est  que  j'y  ay  recouvré  l'appétit,  qui  me  donne  plus  de 
moyen  de  me  fortifier  en  peu  de  jours,  que  je  ne  ferois  dans  un  long 
espace  de  temps  sans  cela.  Je  ne  m'y  suis  amusé  durant  toute  la  qua- 
rantaine et  au  delà  qu'à  jardiner  et  à  restablir  du  plant,  au  lieu  de 
celuy  que  le  froid  nous  avoit  tiié  l'année  précédante  parmy  noz  orangers. 
En  sorte  que  si  cet  hyver  icy  n'est  trop  rigoureux,  j'espère  que  ce  lieu 
aura  bientost  recouvré  sa  première  gentilesse'.  Et  nostre  présence  ne 
luy  nuira  pas  pour  faire  conserver  ce  nouveau  plant,  tandis  que  le  peu 
qui  restoit  du  vieil  nous  donne  encores  quelque  satisfaction,  noz 
jossemins^  d'Espagne  estants  encores  à  présent  touts  couverts  de  Heurs 
au  long  d'une  allée  de  60  toises  qui  en  est  bordée  en  palissade  et 
nostre  parterre  de  niyrthe  ayant  une  odeur  un  peu  plus  agréable  que 
ceux  de  bouys^  dans  voz  quartiers;  il  est  accompagné  d'une  bordeure 
d'orangers  de  la  Chine,  qui  l'enrichit  grandement,  et  qui  est  réussie 
beaucoup  mieux  que  nous  n'avions  espéré  lorsque  nous  la  fismes  planter 
et  bazarder  comme  chose  que  nous  n'osions  nous  promettre  de  con- 
server guieres longtemps,  et  toutefoys  cette  race  de  plant  a  mieux  résisté 
au  froid  que  les  aultres  du  pais,  et  faict  une  verdure  beaucoup  plus 
noble,  dans  laquelle  les  fleurs  et  les  fruicls  paroissent  beaucoup  plus 
que  sur  les  aultres.  Nous  y  avons  aussy  faict  mettre  en  terre  afîorce  . 
belles  tulipes,  narcisses,  liyacintbes,  anémones  et  aultres  plantes 
curieuses,  et  y  avons  eu  jusques  à  cette  heure  en  fleur  le  Jossemin 
jaulne  des  Indes,  qui  a  l'odeur  beaucoup  plus  suave  que  l'aultre. 
Maintenant  j'ay  faict  porter  dans  ma  chambre,  pour  esviter  les  rosées 
malignes,  un  pot  de  l'Hyacinthe  tubéreuse  des  Indes,  qui  embaulme 
toute  la  maison,  et  qui  est  pour  durer  encor  en  fleur  plits  de  trois 

'  Peiresc  écrit  le  mot  conformëment  h  «La  prononciation  bouts  est  un  provincia- 

l'ortbpgraphe  de  la  langue  provençale  :  geii-  lisnie  et  contraire  au  bon  usage.  C'était  l'in- 

tileza.  verse  du  temps  de  Ménage,  qui  remarque 

'  Ronsard  écrivait  josmin  et  Olivier  de  que  bouts  est  la  prononciation  de  la  Cour  et 

Serres  jessemin.  la  bonne,  et  buis  celle  de  la  province.»  Dans 

'  Olivier  de  Serres,  lui  aussi,  écrivait  ftoMi.?  leDiciionMa/rede  Richelet(i759)on  renvoie 

pourims. On  litdansleDicij'wmajredeLittré:  .de  Buis  h  Botiis. 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  187 

semaines  ou  un  nioys,  comme  il  fit  l'anni^e  passée,  ayant  faict  ses  pre- 
mières fleurs  en  juillet  et  aoust,  et  poussant  maintenant  comme  une 
seconde  saison  automnale,  dont  les  fleurs  durent  beaucoup  plus  long- 
temps sur  le  pied  qu'en  esté,  et  semblent  plus  estimables  pour  le  peu 
d'aultres  fleurs  qu'on  a  en  celte  saison.  Enfin  il  ne  manque  pas  de 
ranuisement  à  un  faysneant  tel  que  l'ay  esté  depuis  près  de  deux  moys 
en  çà.  Mais  j'espère  que  si  j'ay  reculé,  j'en  pourrav  un  peu  mieux 
saulter,  comme  on  dict',  et  en  auray  Dieu  aydant  à  l'advenir  tant  plus 
de  moyen  de  m'acquitter  de  mon  debvoir  envers  nos  bons  seigneurs  et 
amvs  et  surtout  envers  toute  vostre  maison,  qui  est  ce  que  je  doibs  avoir 
plus  à  cœur,  vous  estant  si  redevablecomme  jesuis,et  me  trouvant  tous 
les  jours  engagé  en  de  nouvelles  obligations  que  vous  ne  cessez  jamais 
d'acquérir  sur  nous  avec  tant  de  surabondante  courtoisie,  et  avec  tant 
de  sollicitude  et  de  peine,  que  je  suis  tout  confus,  voyant  bien  que  je  ne 
sçaurois  avoir  de  quoy  vous  en  rendre  jamais  de  revanche  qui  vaille, 
jie  qui  ayt  de  la  proportion  avec  ma  redevance.  Mais  vous  seriez  bien 
moings  contant  si  vous  aviez  moings  d'advantage  sur  vos  serviteurs, 
que  vous  voulez  tousjours  tenir  comblez  de  voz  faveurs  et  gratifications. 
C'est  pourquoy  il  vous  fault  laisser  vaincre,  et  attendre  patiemment  les 
moyens  que  Dieu  nous  vouldra  donner,  de  vous  tesmoigner  au  moings 
nostre  recognoiscance  et  nostre  bonne  volonté. 

Les  despesches  qu'on  nous  a  faict  tenir  de  voz  quartiers  depuis  celle 
du  28°'*=  aoust,  que  je  vous  avois accusée ,  sont  du  6,11.18  et  9 5  sep- 
tembre, et  du  a  octobre,  et  sont  venues  assez  bien  conditionnées  pour 
estre  passées  par  le  vinaigre  pour  le  moings  deux  foys  cbascune  en 
divers  lieux.  Mais  les  libvres  du  sieur  Berger'^  contre  les  duels',  et  du 


'  Le  Dictionnaire  de  Liltré  cite,  au  sujet 
de  celte  locution.  Le  Pédant  joué  du  Cyrano 
de  IJerjjerac  et  le  Don  César  d'Avalos  de 
Tiionias  CurDeille. 

'  Peiresc  a  écrit  Bei-gei-  pour  Bergère. 
Jacob  de  (Jassion,  seigneur  de  Bergère,  fut 
n)an<c))al  des  camps  et  arnires  du  roi,  lieu- 
tenant de  la  ville  et  citadelle  de  Coudrai, 


et  mourut  &  Paris  en  16A7.  C'était  un  OU 
du  conseiller  d'Etat  Jacques  de  Gassion  et 
un  frère  du  maréchal  Jean  de  Gassion.  né. 
comme  lui,  à  Pau.  Voir  ce  que  Tallemant 
des  Réaux  raconte  de  Bei^eré  dans  l'histo- 
riette sur  le  maréchal  (t.  IV,  p.  i8t>-i88). 
^  Invective  ou  discours  satyrique  contre 
les  duels  (Paris,  I.ibert  16*9,  in-8*). 
th. 


188  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

jesuitte  de  Reims',  sont  demeurez  entre  les  mains  de  M'  INoel,  qui 
est  venu  laire  sa  quarantaine  à  deinye  lieiie  d'icy,  de  qui  nous  les  reti- 
rerons quand  il  l'aura  achevée,  car  ils  avoient  esté  si  mal  traictez  à  la 
première  trempe  du  vinaigre, que  tout  l'ust  demeuré  en  pièces,  s'il  les 
eust  fallu  retremper  une  seconde  foys.  Cependant  nous  avons  eu  touts 
les  aultres  papiers,  où  nous  avons  prins  \in  bien  agréable  divertis- 
sement, car  nous  en  estions  bien  alJ'amez,  durant  tant  de  temps  que 
nous  en  avions  esté  sevrez.  Le  pis  est  que  je  crains  grandement  que  nous 
n'en  soyons  dezhorsmais  frustrez  possible  tout  à  faict,  ou  pour  long 
temps.  Car  bien  que  mesbuy  il  ne  soit  plus  de  besoing  que  les  des- 
pesches  aillent  passer  par  Aix  où  il  n'y  a  plus  de  commerce  du  tout, 
elles  courront  neantmoings  grande  fortune  de  Sallon  seulement  jusques 
icy,  parce  que  les  villages  d'entre  deux  commancent  à  s'infecter,  et 
perdre  le  commerce,  de  sorte  que  pour  aller  d'ici  là,  il  fauldra  aller 
faire  de  grands  destours.  Je  suis  pourtant  aprez  d'establir  un  petit  com- 
merce à  la  desrobée,  par  des  larjuays  d'icy  à  Rians  une  foys  la  semaine, 
et  d'aultres  delà  à  quelque  village  prez  de  Sallon,  auquel  M"'  le  Premier 
Présidant  ou  M''  d'Agul  me  pourront  envoyer  les  lettres  par  quelqu'un 
des  leurs  soubs  les  précautions  du  vinaigre.  C'est  pourquoy  il  sera 
nécessaire  que  par  cy  aprez  mes  lettres  viennent  soubs  une  enveloppe 
à  M""  le  premier  présidant  d'Oppede,  qui  me  promet  de  prendre  le 
soing  de  me  les  faire  tenir,  ou  du  moings  il  fauldra  mettre  une  petite 
apostille  à  un  coing  de  la  suscription  de  mes  pacquets  pour  les  recom- 
mander à  mon  dict  sieur  le  premier  présidant  d'Oppede  et  à  M""  le 
conseiller  d'Agut.  Et  alin  qu'il  le  face  avec  moings  de  regret,  si  vous 
trouvez  bon  de  faire  mettre  (jueKjue  petit  feuillet  de  nouvelles  soubs 
la  dicte  enveloppe  hors  delà  mienne,  il  y  prendra  grand  plaisir,  sans 
vous  astraindreà  luy  escrire.  Mais  pour  estre  plus  asseuré,  il  lauldroit 
envoyer  voz  despesches  à  M"^  le  Pelletier,  qui  les  feroit  mettre  sous 
l'enveloppe  de  celles  du  Roy  et  de  M' le  Reauclerc;  aultrement  ce  sera 
grande  merveille  s'il  ne  s'en  perd  quelques  unes.  Car  le  maistre  de  la 

'  Le  P.  Le  Moyne,  déjà  piiiKÏeiii'g  fois  mentionné. 


[1629]  AUX  FRKRES  DUPUY.  189 

poste  d'Aix  qui  est  de  mes  amys  n'exerce  plus,  à  cause  d'un  accidant 
de  peste  qui  survint  chez  luy,  et  qui  fit  remettre  ses  chevauix  à  un 
auitre  qui  n'entend  rien  à  ce  niestier.  Et  je  ne  st^ay  s'il  se  sera  soucié 
de  transférer  son  bureau  à  Sallon,  d'aultant  (ju'il  sembloit  s'eslre  lassé 
de  la  vacation,  et  hors  de  luy  je  n'ay  personc  là  à  (|ni  je  voulusse  confier 
mes  lettres,  si  ce  n'est  M''  h;  Premier  Présidant  et  M'd'Agut  tant  qu'ds 
y  seront.  Que  si  la  guerre  d  Italie,  dont  on  parle,  faisoit  passer  les  cour- 
riers du  Moy  dans  cette  province,  comme  M'  de  Fctan  me  le  mandoil 
dernièrement,  l'adresse  du  dict  sieur  de  Fetan  sulTiroit,  mais  il  fauldroit 
que  les  despesches  fussent  adressées  au  sieur  Henest,  maistre  de  la  poste 
du  lieu  de  Tourves,  qui  n'est  qu'à  quattre  lieues  d'icy,  sur  le  grand 
chemin  d'Italie',  car  il  est  fort  de  mes  amys,  etaprez  les  avoir  receiies 
par  le  vinaigre  me  les  feroil  tenir  icy  bien  seurement.  Je  luy  en  es- 
criray  un  mot,  et  le  prieray  de  vous  en  donner  advis,  afin  (pie  cela 
manquant,  vous  recouriez,  s'il  vous  plaid,  à  M' le  Beaurlerc  ou  M' le  Pel- 
letier, avec  l'adresse  de  M'  le  Premier  Présidant  à  Sallon.  Et  sur  le  dos 
du  papier  des  nouvelles,  vous  pourrez  cotter  que  c'est  pour  m'estre 
envoyé  avec  le  paquet  y  joinct,  à  cette  (iti  (|u'il  ne  le  retienne,  et  qu'il 
suffise  d'une  seule  coppie  pour  luy  et  pour  moy.  Auquel  cas  il  n'y  auroit 
pas  de  (langer  d'envoyer  quérir  Quenlin  tous  les  mardy  matins,  pour 
transcrire  les  dictes  nouvelles  sans  vous  en  donner  la  surcharge,  ou  bien 
'un  jour  à  l'advance  pour  avoir  loisir  de  faire  tenir  vostre  despesche  à 
mon  dict  sieur  le  Beauclerc.  Si  j'estois  asseiiré  que  M'd'Aglit  tinst  pié  à 
Sallon,  je  luy  ferois  volontiers  mes  adresses  parce  qu'il  est  fortofiicieux, 
et  fort  exacte  à  obliger  ses  amys,  et  auroit  plus  de  soing  que  M'  le 
Premier  Présidant  de  m'envoyer  exprez  de  ses  laquays;  mais  je  me 
double  qu'ayant  servy  quelques  moys,  il  vouidra  s'aller  reposer  aux 
cliampsà  son  tour;  maintenant  que  la  cour  ne  peult  pas  faire  de  grand 
travail,  hors  de  quelque  cause  criniinclle  où  Ion  na  que  faire  de  moj, 
ou  bien  de  quelque  exécution  de  règlements,  oh  trois  persones  peuvent 
aultant  faire  que  cinquante,  c'est  pour»(uoy  je  ne  me  hasleray  pas  tant 

'  Aujourrrhiii  commune  du  di'pnrlcinnnl  du  Vnr,  iirrondisseraenl  et  ranton  de  Brignolefi. 
à  I  -1  kllomèti-os  de  ceUe  ville,  h  58  kilnmèlres  de  Di-ngiiigiinii. 


190  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

d'aller  servir  à  Salion,  pour  fortifier  de  tant  mieux  ma  foible  santé, 
laquelle  avoit  certainement  besoing  de  ce  peu  de  relasche. 

Vous  aurez  possible  apprins  que  tant  que  la  dicte  cour  de  Parlement 
trouva  de  quoy  espérer  d'apporter  du  remède  en  la  ville  d'Aix,  elle  y 
tint  pied  vertueusement  pour  y  establir  de  bons  ordres,  mais  au  de- 
cours  de  la  dernière  lune,  y  ayant  eu  des  journées  de  cinquante  per- 
sones  mortes  ou  frappées  de  la  maladie,  manquant  toute  ressourcée  la 
prudance  humaine,  ils  firent  une  procession  solemnelle  avec  touts  les 
reliquaires,  sans  y  souffrir  aulcun  concours  ne  suitte  de  peuple,  et  aprez 
résolurent  soubs  le  bon  plaisir  du  Roy  leur  translation  en  la  ville  de 
Salion,  qu'ils  choisirent  comme  la  plus  commode,  pour  de  là  pouvoir 
secourir  les  villes  d'Aix,  d'Arles,  et  si  le  malheur  le  portoit  ainsin, 
celle  de  Marseille ,  car  elle  est  comme  au  centre  d'icelles.  Et  partirent 
d'Aix  en  corps  le  jeudy  2  5'"'=  du  moys  passé,  non  sans  un  grand  des- 
plaisir de  ce  peu  de  monde  qui  restoit  à  Aix.  Et  envoyèrent  un  Pré- 
sidant à  Pertuys,  pour  avec  ceux  de  la  compagnie  qui  estoient  delà  la 
Durance  tenir  une  chambre  par  forme  de  grands  jours  sans  plus  grand 
ressort  que  de  ce  qui  est  delà  la  rivière  avec  Digne.  Messieurs  des 
Comptes,  ayant  apprins  que  plusieurs  de  leur  compagnie  sestoient 
jetiez  dans  la  ville  de  Toulon  ou  ez  environs,  où  ils  avoient  esté  re- 
ceus  les  uns  après  les  aultres  aprez  avoir  faict  leurs  quarantaines  par- 
ticulières, leur  envoyèrent  commission  expresse,  pour  y  ouvrir  leur 
séance,  et  y  firent  couller  un  de  ceux  qui  avoient  preste  le  serment  à 
la  Saint  Denys  dans  Aix,  pour  recevoir  le  serment  du  Doyen  (qui  s'y 
estoit  retiré  longtemps  devant),  lequel  par  aprez  receut  le  mesme  ser- 
ment de  tous  les  aultres,  et  y  présida.  Mais  M''  nostre  Gouverneur  en 
fut  si  fasché,  qu'il  fil  oster  l'entrée  et  le  commerce  de  Toullon  dans 
Marseille,  et  puis  voyant  que  cela  ne  satisfaisoit  pas  à  ses  sentiments, 
s'en  vint  en  persone  à  Toullon  disant  que  c'estoit  pour  faire  sortir  de 
là  Messieurs  des  Comptes,  lesquels  enfin  seront  possible  constraincts  de 
chercher  retraicte  à  Brignole^  ou   ailleurs.  Le  Prince  maintenant  se 

'  Chef-lieu  d'arrondissement  du  département  du  Var.  ■• 


[1629]  AUX  FREKES  DUPUY.  191 

picque  do  peu  de  chose;  l'aullre  jour  dans  Marseille,  lors  de  l'élection 
des  Consuls  ou  Eschevins,  il  se  rendit  en  l'Hostel  deVille,  et  sur  quelque 
bruict  qui  se  faisoit  hors  la  porte  du  dict  Hostel  de  Ville,  il  sortit  et 
donna  des  coups  de  plat  d'espée  à  un  qui  tranche  du  gentilhomme 
bien  que  filz  d'un  marchand,  dont  il  faillit  à  y  avoir  grand  bruict,  car  on 
commença  à  crier  tue  tue,  et  grande  quantité  de  peuple  saulta  aux 
armes,  y  ayant  eu  une  espèce  de  miracle  qu'il  ne  s'en  soit  ensuivy 
quelque  grand  excez.  On  avoit  dict  que  sa  venue  à  Toullon  estoit  pour 
y  faire  embarquer  le  régiment  de  Rambures,  qui  y  estoit  descendu  de- 
puis peu,  et  pour  le  faire  passer  en  Italie,  mais  il  n'y  a  gueres  d'aj)- 
parance,  car  le  passage  luy  eust  esté  plus  aisé  du  costé  de  Suse  tandis 
qu'il  estoit  à  Sisteron.  Si  cela  est  qu'on  les  embarque,  je  m'imagine 
que  ce  sera  pour  les  jetter  aux  Isles  d'Ieres,  afin  d'y  empescher  une 
descente  de  l'Hespagnol,  maintenant  que  l'on  faict  plus  de  bruict  que 
devant  de  la  guerre  d'Italie,  où  l'on  dict  estre  entré  grand  nombre  de 
trouppes  Allemandes,  et  que  tout  le  Monlferrat  est  de  rechef  occupé 
excepté  Casai,  oi!l  M'  de  Toiras'  s'est  retiré  y  ayant  eu  quelque  conflict 
à  Alessandria  de  la  Paglia^  mais  cela  n'est  pas  creu  absolument,  parce 
que  la  nouvelle  vient  de  la  part  d'un  personage  qui  prend  plaisir  de 
dire  des  mensonges. 

On  me  vient  de  dire  que  Messieurs  des  Comptes  ont  faict  arrest, 
portant  surceance  pour  un  moys  de  toutes  affaires,  pendant  lequel 
temps  ils  disent  avoir  à  travailler  pour  le  Roy,  et  que  cela  aura  aul- 
cunement  satisfaict  M'  le  Gouverneur;  ils  en  auront  esté  quittes  à 
bon  marché,  si  moyenant  ce  ils  peuvent  se  maintenir  dans  Tollon,  car 
aussy  bien  y  a  il  surceance  au  Parlement  de  toutes  affaires  particulière 
hors  le  criminel  et  la  police.  D'Aix  nous  ne  voyons  pas  de  nouvelles 


•  Nous   avons  dt^jà   rencontré   dans   le  Tanaro,  à  80  kilomètres  «le  Turin.  On  prt^ 

lome  I  le  nom  de  Jean  de  Saiiit-lJomiel,  tend  que  ren)|K;reiir  Friîdéiic  iSarberousse 

seigneur  de  Toiras,  qui  allait  bientâl  rece-  opi)cla  par  dérision  ceUe  ville  Altxandrie  Je 

voir  le  bâton  de  maréchal  de  France  pour  la   Paille,    parce  que   ses    murs   n'ëlaient 

sa  magnifique  défense  de  Casai.  formés  que  de  paille  et  do  bois  enduits  de 

'  Ville  du  Piémont,  sur  la  rive  droite  du  terre. 


192  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

beaucoup  pires  que  devant,  attendu  qu'il  y  a  si  peu  de  inonde,  que  ie 
mal  ne  trouve  quasi  plus  de  matière  sur  quoy  il  puisse  agir.  Il  n'y  a  que 
le  pauvre  Assesseur  des  consuls  de  la  dernière  année,  qui  s'est  laissé 
surprendre  au  mal,  et  dict  on  qu'il  a  esté  bien  tost  despesché,  et  que 
cela  est  arrivé  dez  le  dernier  jour  de  consulat  qui  expiroit  le  jour  de 
la  Toussains,  ce  qui  aura  donné  grande  terreur  dans  la  ville. 

Or  pour  respondre  à  voz  lettres  en  destail ,  j'ay  receu  et  veu  avec 
un  indicible  plaisir  la  coppie  de  la  lettre  de  M"^  Rigault  à  Me'  le  car- 
dinal Barberin,  ayant  esté  infiniment  aise  d'entendre  que  le  différent 
eust  desja  esté  jugé  à  Rome  en  sa  faveur,  où  la  présence  de  M"^  de  Thou 
ne  luy  aura  pas  nuy.  Il  fault  advoiier  que  c'est  un  bel  esprit,  et  que 
son  style  a  des  rares  délicatesses,  et  son  génie  un  grand  advantage  pour 
persuader.  J'ay  honte  de  la  peine  qu'il  a  daigné  prendre  luy-mesmes 
pour  transcrire  de  sa  main  cez  petits  fragments  du  Michael  Attaliota, 
derrière  le  Theodorus  Hermopolites,  et  luy  en  suis  bien  redevable  quant 
et  vous,  ayant  grand  regret  de  la  peine  que  vous  donne  ce  Théophile', 
ou  plus  tost  Vitray,  dont  je  pense  qu'il  seroit  bon  de  dire  un  mot  à 
M'  le  Jay  qui  l'emploie  à  cette  Bible,  aux  0ns  que  s'il  estime  que  cez 
deux  ouvrages  soient  incompatibles,  on  ne  s'attende  plus  à  Vitray; 
sinon,  qu'il  interpose  son  authorité  et  son  intervention,  luy  qui  est 
plus  souvent  chez  luy,  pour  le  luy  faire  entrepreiidie.  Il  aura  peult 
estre  bien  à  parler  à  nous  dez  hors  mais,  car  j'attends  d'heure  à  aultre 
de  Marseille  une  grammaire  samaritaine  que  l'on  m'a  apportée  de  Le- 
vant, et  à  laquelle  j'avois  faict  l'amour  il  y  a  une  vintaine  d'années^, 
l'ayant  eiie  lorsque  je  n'y  esperois  du  tout  rien.  L'importance  est  que 
l'on  m'a  achepté  en  mesme  temps,  et  par  un  bien  plus  grand  heur,  un 
Pentateuque  en  trois  langues,  escrittes  par  colonnes  è  regione  l'une 
de  laultre, toutes  trois  en  caractères  samaritains,  et  toutefoys  en  langue 
hébraïque,  samaritaine  et  vulgaire  antienne  que  les  uns  jugent  Ara- 
bique, les  aultres  Syriaque,  pour  la  meslange  qu'il  y  a  des  termes  de 
l'une  et  de  l'aultre.  Mais  pour  me  laisser  de  la  mortification  parmy  le 

'  LiC  Théophile  d'Auuibai  Fabrot.  —  '  Cbarniante  expression  bien  digne  de  celui  qui  eut 
à  un  s(  haut  degré  la  passion  des  livres  et  des  manuscrits. 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  193 

plaisir  de  celte  acquisition,  ceux  qui  en  avoient  la  charge  n'ont  pas  eu 
assez  de  resolution  pour  me  l'envoyer  en  mesme  temps  que  la  gram- 
maire, soubs  prétexte  de  quelques  feuillets  d'imperfection  sur  la  fin, 
qu'ils  font  transcrire  d'un  aultre  exemplaire  imperfect  quasi  partout, 
excepté  aux  lieux  qui  defTailletit  eu  l'aultre,  et  lequel  ils  eussent  peu, 
je  m'asseure,  achepter  avec  la  mesme  facilité  que  l'aultre  pour  les  en- 
voyer tous  deux  ensemble,  ou  plustost  ils  debvoient  faire  marquer  les 
lieux  imperfects,  pour  les  faire  suppléer  à  loysir,  sans  retardation  '  de 
l'envoy  de  mon  original.  Il  fault  prendre  de  la  Providance  divine  tout 
ce  qui  luy  plaict,  et  louer  Dieu  encores  quand  nous  n'aurions  que  la 
grammaire  qui  est  arrivée  en  cette  cosle  sur  une  barque  qui  passa  hier 
devant  Tollon  avec  fort  beau  temps  pour  se  rendre  à  Marseille,  où  j'ay 
despesché  en  diligence,  pour  recouvrer  ma  caisse  dans  laquelle  on 
m'envoye  par  mesme  moyen  un  nouveau  testament  en  Syriaque,  un 
volume  de  conciles  Grecs  m[anu]s[crit]  qu'on  dict  estre  bien  beau,  et  un 
libvre  Arabe  grandement  ancien  et  aultres  choses,  mesmes  afl'orce  mé- 
dailles antiques  et  aultres  curiositez,  qu'il  me  tarde  bien  de  voir.  Tant 
est  qu'il  y  aura,  je  m'asseure,  de  quoy  donner  de  l'exercice  au  R.  P.  Mo- 
rin ,  pour  qui  je  ne  manqueray  pas  d'escrire  au  sieur  Pietro  délia  Valle 
par  la  première  commodité  concernant  sa  Grammaire  égyptienne  puis 
qu'il  le  veult  ainsin,  bien  qu'il  y  ayt,  je  m'asseure,  beaucoup  plus  de 
crédit  que  moy.  J'oubliois  de  vous  dire  que  l'on  m'escript  de  Levant 
que  cez  barbares  qui  firent  courir  tant  de  fortune  à  M'  de  Thou  prez 
de  Nazareth '\  y  rançonnèrent  celuy  qui  s'estoit  chargé  de  mon  ar- 
gent pour  y  faire  toutes  ces  employtes,  lequel  hors  quelques  basto- 
nades  en  fut  quitte  assez  à  bon  marché  Dieu  mercy,  mais  qu'aprez  le 
despart  de  M'  de  Thou  du  païs,  il  fallut  que  pour  expier  l'arquebusade 
tirée  par  son  homme,  le  couvent  de  Saint-Salvadour  en  payast  cent 
piastres  au  Bascha  de  Napoulouse'.  Vous  verrez  icy  les  dernières  nou- 

'  Sous  le  mot  retardation  le  Dictionnaire  '  Aujourd'hui  Nasra ,  dans  la  province  de 

de  Littré  cite  seulement   un  écrivain  du  Galilée,  à  i3o  kilomètres  de  Jérusalem. 

XVI*  siècle  (Ambroise  Paré)  et  deux  écrivains  '  Naplouse,  ville  de  la  Turquie  d'Asie, 

du  xvni",  Buiïon  et  Bailly.  dans  le  pacbalik  de  Damas,  h  60  kilomèU-es 

11.  •i 


194  LETTRES  DE  PEIRESG  [1629] 

velles  que  nous  avons  eiies  d'Algers.  Je  crois  que  vous  aurez  depuis 
faict  rendre  chez  M'  Guittard  les  papiers  qui  luy  estoient  adressez  pour 
les  luy  faire  tenir  à  Fontainebleau,  où  il  s'estoit  arresté. 

Je  n'eusse  pas  jugé  que  la  lettre  du  Roy  de  Perse  eust  esté  du  det- 
funct\  si  vous  ne  me  l'eussiez  mandé,  d'aultant  qu'il  sembloit  qu'il 
n'eust  jamais  escript  au  Roy^,  si  je  ne  me  trompe,  car  je  ne  l'ay  pas 
reveiie  depuis,  ettoulefoys,  l'an  1601,  je  pense  que  l'Ambassadeur  de 
Perse  qui  passa  en  France  et  en  Angleterre  j)orta  des  lettres  du  mesme 
Prince  au  feu  Roy,  et  me  sembloit  avoir  ouy  dire  qu'il  avoit  escript 
au  Roy  à  son  advenement  à  la  couronne. 

J'ay  prins  grand  plaisir  à  ce  peu  que  j'ay  veu  du  Facundus  du 
P.  Sirmond,  et  serois  bien  aise  de  sçavoir  les  noms  des  aultres  au- 
theurs  qu'il  a  sur  la  presse,  s'il  est  loisible,  car  je  sçay  bien  qu'il  n'est 
peult  estre  pas  aisé  de  l'apprendre  tant  il  aprehende  d'eslre  prévenu 
en  ses  desseins.  Je  suis  marry  de  n'avoir  veu  le  P.  Dominique  des 
Carmes^,  et  son  beau  recueil  d'inscriptions;  il  fauldra  que  le  temps 
nous  en  donne  un  jour  la  communication,  s'il  se  peult  resouldre  de  les 
donner  au  public.  On  m'en  envoyé  quelques  unes  de  Levant  qui  ne 
sont  que  des  colonnes  miliaires  de  la  VIA  ANTONINIANA  de  Cara- 
calla  prez  de  Sayde^  et  Barut^,  dont  je  ne  manqueray  pas  de  vous  faire 
part  en  son  temps.  11  me  reste  à  vous  remercier  du  soing  qu'il  vous  a 
pieu  de  prendre  de  me  faire  transcrire  les  funérailles  de  feu  Madame"^. 
11  est  vray  que  j'en  avois  une  relation ,  mais  celle  cy  sera  vraysembla- 
blement  différante  de  la  mienne ,  puis  que  vous  dictes  que  M""  de  Lo- 
menie  l'avoit  fraischement  recouvrée,  et  quand  elle  seroit  double  il  n'y 

de  Jërusaleni.  C'est  l'ancienne  Sichem  qui  d'Aix,  lei"niaii634(r«gi«treIV,  fol.  66a). 

de\int  ensuite  Neapolis.  '  SurSaide  ou  Seide  (l'ancienne  Sidoti), 

'  Abbas  I",  mort,  comme  nous  l'avons  voir  le  tome  I.  p.  ^i4a. 

vu,  en  i6a8.  '  Ba«ro«<ouBeî/ro«(A,  ville  de  la  Turquie 

'  Au  roi  Louis  XIII.  d'Asie,  en  Syrie,  à  100  kilomètres  de  Damas. 

•'  Peiresc  a  écrit  deux  lettres  an  P.  Do-  "  Marie  de  Bourbon,  duchesse  de  Monl- 

minique  de  Jésus ,  canne  déchaussé  :  une  pensier,  puis ,  par  son  mariage  avec  Gas- 

d'Aix,  le»  1  août  1638  (registre  III  des  Mi-  ton,  duchesse  d'Orléans,  morte  le  4  juin 

nutes   de    Carpentras,   fol.    167);    l'autre  1697. 


[1629] 


AUX  FRERES  DUPUY. 


195 


auroit  pas  f  rand  inconveniant.  Je  m'imagine  que  M«"*"  le  Prince',  qui  a 
eu  le  soing  de  rendre  tant  d'Iionneurs  à  feu  Madame  la  Princesse  sa 
mere'^  vouldra  par  mesme  moyen  que  la  cérémonie  en  soit  escripte, 
et  qu'un  cliascun  la  puisse  voir.  Et  je  seray  bien  aise  de  l'avoir  aussv 
en  son  temps,  s'il  s'en  faict  rien  par  escript  comme  je  n'en  double 
poinct.  Les  advis  de  Madrid,  de  Milan  et  de  Modena  estoient  bien 
curieux,  je  vous  en  remercie  de  tout  mon  cœur,  et  vouldrois  bien 
avoir  de  quoy  vous  en  rendre  quelque  revanche,  yant  admiré  la 
resolution  de  ce  pauvre  Duc  de  Modena,  beaucoup  plus  que  celle 
de  M""  de  Ventadour,  que  nous  croyions  estre  allé  à  l'oratoire',  mais 
à  ce  que  je  voids,  puis  que  Madame  sa  femme*  a  affecté  d'entrer 
aux  carmélites  d'Avignon,  qui  ne  recognoissenl  pas  les  PP.  de  l'Ora- 
toire, comme  celles  de  France,  il  a  voulu  par  mesme  moyen  choi- 
sir ceux  de  l'oratoire  d'Avignon,  qui  font  aussy  bande  à  part*  de 
tout  le  reste  du  Royaulme,  et  qui  se  sont  rendus  religieux  formels, 
soubs  la  primitive  dénomination  de  Pères  de  la  doctrine  chrestienne, 
instituée  parle  Beat*  P.  Bus""  dont  on  monstre  le  corps  comme  une  mer- 
veille pour  estre  si  conservé  comme  il  est  sans  avoir  esté  embaumé*. 
Il  me  reste  à  vous  remercier  comme  je  faicts  trez  humblement  des 
bonnes  nouvelles  qu'il  vous  plaict  me  donner  de  l'arrivée  de  Monsieur 


'  Henri  II  do  Bourbon ,  prince  de  Condë. 

'  GliarloUe-Calherine  de  la  Tnimoille, 
seconde  femme  de  Henri  I"  de  Bourbon , 
morle  le  98  août  lOay. 

"  Sur  Henri  de  Levis,  duc  de  Ventadour, 
voir  le  tome  I,  p.  695.  D'après  l'article  Levis 
du  Dictionnaire  de  Moréri ,  le  duc  de  Venta- 
dour devint  (rchanoine  de  l'église  de  Paris». 

'  Liesse  de  Luxembourg,  fille  de  Henri, 
duc  do  Luxembourg,  et  de  Madeleine  de 
Montmorency,  dame  de  Thord. 

'  Litlré  ne  fait  suivre  ces  mots  d'aucune  ci- 
tation [kB(tnde)  et  il  ne  donne  (à  Port)qn'une 
phrase  de  Bossuet  où  le  mot  secte  remplace 
le  mol  bande. 


'  Beat  pour  bienheureux. 

'  Gësar  de  Bus,  né  h  Cavaillon  le  3  fé- 
vrier 1 56i ,  fonda  la  congrégation  de  la  Doc- 
trine chrétienne  en  1  Sgi  ,  et  mourut  à  Avi- 
gnon le  i5  avril  1607.  Voir  une  excellente 
notice  sur  César  de  Bus  dans  le  Dicùonnaire 
histor. ,  biogr.  et  bibliogr.  du  département  de 
Vaucluse,  par  le  docteur  Barjavel  (t.  I, 
p.  3o3-3o8). 

'  Le  P.  Théophile  Haynaud,  dans  son 
traité  De  incorrupt.  cadaver.,  p.  sA6-r)So, 
signale  l'état  d'incomiplion  dans  lequel  on 
trouva  en  1608  le  cadavre  de  César  de  Bus. 
et  en  conclut  que  celni-ci  était  saint. 


a5. 


196  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629| 

le  Grand,  maistre  des  Requestes,  dont  je  me  conjouys  de  bon  cœur 
avec  vous,  et  avec  toute  l'Académie,  comme  du  recouvrement  de  l'un 
de  ses  plus  dignes  supports,  vous  suppliant  de  m'entretenir  en  l'hon- 
neur de  ses  bonnes  grâces,  comme  son  plus  desvoiié  serviteur.  Il  vous 
debvoit  bien  porter  des  nouvelles  du  pauvre  M'  Samuel  Petit.  Je  n'ay 
encores  eu  aulcun  moyen  d'entreprendre  aulcun  travail  ;  c'est  pour  quoy 
les  lettres  de  M"'  de  Malerbe  sont  encores  demeurées  en  arrière;  aussy 
bien  n'avions  pas  maintenant  de  commodité  de  les  vous  faire  tenir, 
mais  ce  sera  Dieu  aydaut  la  première  occupation  que  je  prendray  et 
ce  seront  les  premiers  papiers  que  je  manieray.  Vous  en  pouvez  asseurer 
M'  Granier,  et  que  je  suis  son  serviteur.  Cette  maladie  nous  est  venue 
Tort  mal  à  propos;  car  j'eusse  eu  de  bonnes  pièces,  de  M' le  Marquis 
d'Oraison,  de  M"  d'Espagnet\  et  de  M'  le  Premier  Présidant,  qui 
s'excusent  sur  l'incommodité  du  temps  présent.  Sur  quoy  je  finiray  de- 
meurant, 
Monsieur,- 

vostre  trez  iiumble  et  irez  obligé  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Beaiigentier,  ce  7  novembre  1629. 

On  me  vient  de  mander  de  Marseille  qu'un  P.  Observantin  venu  de 
Rome  asseuroit  que  M'  de  Thon  s'en  revenoit  par  icy,  et  qu'il  y  deb- 
voit estre  dans  sept  ou  huict  jours.  Je  serois  marry  des  incommoditez 
qu'il  trouveroit  sur  les  chemins  du  Rhosne,  où  tout  est  en  piteux  estât, 
mais  je  serois  merveilleusement  aise  de  le  pouvoir  gouverner  icy  quel- 
ques jours  en  plaine  liberté,  bien  que  destitué  de  l'entretien  de  mon 


'  C'était  Marc- Antoine  d'Espagnol,  né  à  (t.  I,  p.  35 1),  composa  en  son  honneur  une 

Aix  le  17  juin  1545  ,  mort  en  la  même  ville  pièce  de  vers  intitulée  :  Sur  le  trespas  et  le 

le  a  septembre  i6ai.  Il  fut  conseiller  au  tombeau  [dans  la  cathédrale  de  Saiut-Sau- 

parlement  de  Provence,  comme  l'avait  été  vcur]  de  feu  Monsieur  Marc-Antoiiie  d'Es- 

son  père.  C'était  un  grand  ami  de  Malherbe  pagnet,  sénateur  très  magnifique,  conseiller 

et    de    César   de   Notredame.  Ce  dernier,  ou  parlement,   le  phénix  des  amys  et  des 

comme  le  rappelle  l'auteur  des  Rues  d'Aix  hommes. 


[16i29]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  197 

cher  cabinet',  el  le  conseiHerois  de  passer  droict  à  Sisteron  et  Gre- 
noble, où  il  y  a  nioings  de  danger,  et  de  prendre  des  besles  de  somme, 
pour  empoi'ter  son  colTre  et  celuy  de  M'  Aubery,  avec  vostre  caisse,  telle 
que  nous  la  pourrions  refaire.  Si  les  livres  de  Levant  arrivent,  comme 
je  l'espère,  je  les  luy  consignerois  volontiers.  Je  ne  suis  en  peine  que 
de  voir  si  les  dicts  livres  respondront  à  l'opinion  qu'en  ont  prinse  ceux 
qui  me  les  ont  procurez. 

Je  pense  que  cette  despesche  sera  portée  par  un  gentilhomme  de 
M'  le  General  des  Galères  nommé  M'  de  Bailiibault,  qui  doibt  partir 
demain  de  Toullon  pour  aller  en  cour  où  je  l'adresseray  à  M'  le 
Beauclerc^ 


XL 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Nous  n'eusmes  pas  le  moyen  de  nous  prevalloir  de  la  commodité  du 
passage  de  M""  de  Bailiibault  en  cour  ainsin  que  nous  pensions  pour 
vous  faire  tenir  la  despesche  que  je  vous  avois  faicte  sur  cette  espé- 
rance, parce  que  inopinément  le  commerce  nous  fut  interdict  sur  ce 
poinct  là,  pour  divers  accidanis  arrivez  en  divers  lieux  autour  d'icy  qui 
donnoieiit  des  soubçons  de  la  maladie,  et  (|ui  pourtant  n'ont  esté  la 
plus  part  que  terreurs  paniques,  et  faulx  ombrages,  si  ce  n'est  pour  les 
lieux  du  Gastellet'  et  de  Tourves,  qui  ne  sont  l'un  qu'à  trois  lieues 
d'icy,  et  l'aultre  à  quatre,  où  il  y  a  eu  des  accez  ou  de  peste  ou  d'aultre 
chose  qui  en  approche  fort.  Mais  nous  avions  faict  mettre  de  si  bonnes 
barricades  et  grosses  gardes  aux  advenues  des  dicls  lieux,  que  ceux  de 


'  Nous  avons  vu  que  Peiresc  avait  laissé  ^  LeChaslcIlet.communeduiléparteineut 

à  Aix  presque  tous  ses  livres.  <lo  Var,  arroiulissemeiit  tle  Toulon,  caiitou 

'  Vol.  717,  fol.  86.  de  Beiiussel.  à  40  kilomètres  de  Toulon. 


198  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

TouHon  en  sont  demeurez  assez  bien  édifiez  pour  s'en  contenter  et 
rendre  l'entrée  de  leur  ville  à  ceux  de  ce  lieu  cy.  Cependant  cette 
bonne  commodité  de  vous  escrire,  ou  plu^  tost  de  vous  faire  tenir  les 
lettres  que  nous  vous  avions  escrittes  dernièrement,  nous  est  eschappée 
à  nostre  grand  regret.  Et  la  datte  de  noz  pauvres  lettres  s'est  envieillie 
icy  bien  mal  à  propos,  veu  le  long  temps  que  vous  avez  esté  sans  rece- 
voir de  noz  nouvelles.  Mais  le  temps  où  nous  sommes  traisne  cet  in- 
convénient parmy  plusieurs  aultres  qui  sont  bien  plus  grands,  et  dont  le 
récit  ne  vous  seroit  qu'à  importunité;  c'est  pourquoy  je  ne  vous  y  amu- 
seray  pas,  pour  vous  faire  sçavoir  qu'aprez  toutes  cez  rigueurs  enfin 
nous  sommes  venus  à  bout  de  deux  choses  que  j'avois  bien  à  coeur  : 
l'une,  dé  pouvoir  mettre  hors  d'icy  les  coffres  de  M''  de  Thou  et  de 
M""  Aubery,  pour  les  disposer  à  pouvoir  prendre  le  chemin  de  Paris; 
l'aultre,  de  retirer  icy  ma  cassette  de  Levant.  J'ay  donc  obtenu  permis- 
sion du  bureau  de  la  santé  de  Toullon  d'y  envoyer  les  dicts  coffres 
jusques  prez  de  leur  ville  pour  y  faire  quarantaine  en  une  bastide  du 
dernier  consul  qui  me  l'a  prestée  pour  cet  elfect,  et  en  mesme  temps 
je  les  y  ay  envoyez  avec  un  homme,  pour  les  ouvrir  en  présence  des 
Intendants,  et  pour  aérier^  de  nouveau  tout  le  contenu  aux  dicts 
coffres,  tant  qu'il  plaira  à  cez  Messieurs,  et  aussytost  qu'ils  auront  li- 
berté d'entrer  dans  la  ville,  je  les  feray  charger  pour  Marseille,  pour 
de  là  prendre  la  routte  de  Lyon  et  de  Paris.  J'ay  converty  la  corbeille 
turquesque  de  M''  de  Thou  en  un  coffre  assez  long  pour  y  loger  son 
espée  d'acier  de  Damas  tout  de  son  long ,  et  parce  que  le  contenu  de  sa 
corbeille  n'eust  pas  bien  contrepesé  la  demy  charge  de  mullet  qui  es- 
toit  nécessaire,  pour  l'assortir  avec  le  coffre  du  dict sieur  Aubery,  oultre 
toutes  les  bardes  et  curiositez  de  mon  dict  sieur  de  Thou,  dont  vous 
aurez  le  roolle  cy  joinct,  j'y  adjouslay  d'aultres  choses  jusques  à  la  con- 
currance  du  poids  qui  pouvoit  estre  nécessaire,  entr' aultres  un  petit 
fagot  de  Rome  pour  le  sieur  Le  Maire,  une  des  boittes  d'Antiquailles 
du  dict  sieur  Aubery,  le  m[anu]s[crit]  du  Gervasius^  de  M'  de  Thou, 

'  Je  ne  trouve  pas  ailleurs  la  forme  aérier,  mais  dans  le  langage  provençal  on  emploie  le 
mot  ayreiar.  —  '  Gervais  de  Tilbury. 


[1G291  AUX  FHKRES  DUPUY.  199 

vostre  extraicl  du  concile  de  Trente,  voz  cahiers  des  poèmes  de  Bar- 
laBus  en  cette  hfdle  édition',  les  volumes  des  Mémoires  de  Vinceiis 
Blanc,  pour  M'  Bergeron ,  qui  occupeïit  bien  de  la  place,  et  où  il  trou- 
vera bien  à  retrancher,  s'il  en  venlt  faire  rien  qui  vaille, ailn  que  Mon- 
sieur le  présidant  de  Lusson  ne  nie  reproche  pas  que  je  luy  ay  manqué 
de  parolle,  puis  qu'il  vous  avoit  tesmoigné  de  le  désirer,  et  finalemenl 
mon  grand  volume  des  eclogues  de  l'Empereur  Constantin  Porphyro- 
genete,  que  je  me  suis  résolu  de  hazarder,  pour  ne  vous  l'aire  tant 
languir,  en  l'attente  de  meilleure  saison  et  plus  seures  conmioditez,  de 
crainte  que  vous  ne  trouviez  pai-  aprez  ((ue  la  chose  ne  le  meritast 
pas,  de  quoy  je  commançois  d'avoir  grande  honte.  Je  ne  l'ay  pas 
laict  couldre,  ains  l'ay  faict  passer  par  des  longs  Glletz  tendus  d'une 
ti'anchefile  à  aultre,  pour  chascun  cahier,  selon  l'ordre  que  je  l'avois 
rangé  dez  la  permiere  foys  que  j'y  mis  le  nez  et  que  je  le  fis  descouldre, 
pour  r'abiller  les  transpositions,  qui  y  estoient  manifestes,  la  vieille 
rellieure  ayant  esté  si  mal  endossée  '\  que  la  plus  part  des  cahiers  avoient 
esté  aultres  fois  pourris  par  le  doz,  et  les  feuilles  mesmes  fendues,  et 
puis  recousiies  sans  ordre,  car  il  n'y  avoit  poinct  eu  de  reclame,  lors- 
qu'il fust  escript.  Je  crois  bien  avoir  rencontré  ou  plusieurs  lieux  la  vraye 
suitte  et  des  cahiers  et  des  feuillets  transposez,  et  y  avoir  suppléé  les 
reclames  qu'il  y  falloit,  mais  il  y  en  a  d'aullres,  où  je  pense  m'estre 
equivocqué,  et  toutefoys  je  n'eus  pas  le  loisir  depuis  de  le  mieux  par- 
courir et  examiner,  pour  ne  pas  y  laisser  du  regret,  principalement 
aux  eclogues  tirées  du  Nicolaiis  Damascenus  que  j'eusse  bien  voulu 
pouvoir  bien  distinguer  d'avec  le  reste,  car  le  commancement  y  manque. 
H  fauldra  que  quelqu'un  de  cez  Messieurs  de  delà,  qui  ont  plus  de 
cognoisçance,  de  practique  et  de  loisir  que  moy,  s'en  donne  la  peine, 


'  Ces  cahieri  devaient  être  ceux  qui  for- 
iiièreiit  l'édilioii  rlztWirienne de  1 63 1  ( Leyde, 
petit iu-i  a)  :  Gasparis  B<wl(ei Poemntum  edilio 
nova ,  priore  cailigatior  et  altéra  parte  auc- 
tior.  A  l'appui  de  l'éloge  donnd  par  Peiresc 
h  ces  frajrments  de  la  belle  édition  de  1 63 1 , 
je  citerai  cette  appréciation  de  M.  A.  Wil- 


lems  {Les  Eltevier,  p.  38)  :  «Ijc  principal 
mérite  de  ce  recueil  consiste  dans  m  beiie 
exécution  typo{jraphi(|ue.x 

'  Peiresc  emploie  l'expression  technique , 
car,  dans  la  langue  du  relieur,  «ndoster 
c'est  faire  le  dos  du  volume  en  prépa- 
ration. 


200  LETTRES  DE  PEIRESG  [1629] 

et  j'ay  pensé  que  personne  n'en  auroit  mieux  la  commodité  que 
M'  Grottius;  c'est  pourquoy  je  luy  en  escriray  un  mot  par  cette  voye 
cy,  et  l'en  supplieray,  me  promettant  que  vous  fortifierez  mes  prières 
par  les  vostres,  et  l'y  feray  resouldre.  Car  je  n'ay  pas  creu  qu'il  y  eust 
de  l'apparence  de  divertir  pour  cela  M'  Rigault  de  ses  exercices  ordi- 
naires et  des  beaux  desseins  qu'on  met  à  présent  sur  le  tapis,  pour 
l'Histoire  du  siège  de  la  Rochelle,  que  je  vouldrois  bien  voir  un  jour 
de  sa  façon'.  Encores  moings  M''  Saulmaise,  pour  ne  le  destourner 
de  son  Pline,  puis  qu'on  nous  le  faict  espérer  tost  ou  tard  aprez  son 
Solin.  Que  si  M'  Grottius  ne  pouvoit  vacquer  à  tout  ce  qu'il  y  pourroit 
avoir  affaire,  conjurez-le  pour  le  moings,  je  vous  supplie,  de  me  faire 
le  Nicolaus  Damascenus,  que  je  serois  merveilleusement  aise  de  voir 
de  sa  main;  ce  ne  peult  pas  estre  un  travail  de  longue  haleine.  Et  je 
m'asseure  que  vous  trouverez  prou  d'aullres  galants  hommes,  qui  ne 
seront  pas  marrys  de  s'occuper  à  ce  qu'il  y  pourroit  avoir  à  glaner  dans 
les  eclogues  tirées  du  Polybe,  du  Dion  Cassius,  de  l'Appian,  et  aultres. 
Et  possible  que  M'  Aultin  sera  bien  aise  de  voir  cez  eclogues,  de  cez 
deux  ou  troys  petits  moynes  ou  chronologistes  Chrestiens,  tant  du  lo- 
hannes  Antiochenus  que  du  lohannes  Malela ,  et  de  ce  Georgius  Syn- 
cellus  qui  est  celuy  dont  il  cherchoit  les  commancements  au  dessus  de 
Pompée.  Je  serois  merveilleusement  fier,  s'il  s'y  estoit  trouvé  de  quoy 
servir  utilement  le  public.  J'y  eusse  volontiers  mis  dans  le  mesme  coffre 
un  exemplaire  du  dict  Georgius  Syncellus  qui  ne  commance  qu'à 
Pompée  avec  le  Theophanes  en  suitte,  que  j'avois  recouvré  à  Nismes 
du  sieur  Samuel  Petit  avec  ce  dessein,  mais  encores  que  je  l'eusse  mis 
en  la  pille  des  libvres  que  je  voulois  qu'on  m'apportast  icy,  noz  gents 
l'ont  neântmoings  laissé  en  arrière,  à  mon  grand  regret,  encores  que 
difficilement  y  pouvoit-il  avoir  rien  de  plus  qu'aux  exemplaires  de  la 
Bibliothèque  du  Roy  qui  sont  en  bon  vellin  bien  ancien ,  car  celuy  cy 
n'est  qu'en  papier,  et  je  sçay  que  M"^  Aultin  en  a  eu  encores  d'autres 
exemplaires  de  feu  M''  de  Fontenay  et  d'ailleurs.  Je  pensois  aussy  vous 

'  Rigault  n'a  malheureusement  pas  donne  l'histoire  du  mémorable  siège  de  la  Rochelle. 


[1629]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  201 

envoyer  d'.iultres  cliosettes  dont  je  ne  uie  sçaurois  maintenant  ac- 
quitter, aulciines  estant  demenrdes  à  Aix,  et  les  aultres  ne  vailants  pas 
la  peine  de  vous  faire  une  caisse  à  part,  de  moindre  poids  que  d'une 
demy  charge,  en  ce  temps  icy,  car  celle  que  je  vous  avois  apprestée 
fut  dczassortie  dans  Aix,  pour  ne  pouvoir  lors  envoyer  la  caisse  entière 
et  ne  pas  dill'erer  de  l'envoyer  jusques  à  un  aultre  voyage  de  noz  mui- 
lets  et  pour  en  distribuer  les  livres  en  divers  coffres  avec  d'aultres 
bardes  et  einmeublenients'  que  l'on  emporloit  en  cette  desroutte,  avec 
tel  desordre,  qu'il  est  demeuré  prou  de  choses  de  ce  que  j'eusse  le  plus 
affecté  d'avoir,  et  en  est  venu  d'aulcunes,  que  je  n'avois  nullement 
pensé  d'apporter,  n'ayant  peu  estre  presant  moy  mesmes  à  tout.  De 
sorte  que  vous  n'aurez  pas  maintenant  le  registre  du  Hoy  de  Cypre  ne 
les  Assises  de  Hierusalem  et  Cypre  en  François  du  Vatican ,  ne  celles 
en  Italien  de  Venize,  comme  je  pensois  vous  les  envoyer,  ne  les  rela- 
tions du  cardinal  Bentivoglio,  vray  est  que  si  elles  sont  imprimées  aux 
Pais  bas  connne  vous  disiez,  vous  ne  vous  en  seriez  guiercs  servy.  Il 
y  avoit  aussy  quelques  libvres  inq)rimez  qui  s'estoient  trouvez  dou- 
bles entre  les  miens,  aulcuns  desquels  eussent  possible  esté  de  vostre 
goust,  et  par  malheur,  parce  qu'on  avoit  cotté  sur  quelque  enveloppe 
que  c'estoit  livres  doubles,  celuy  qui  m'envoyoit  mes  balles  creut  que 
cela  m'estoit  inutile,  et  ne  se  soussia  pas  de  les  faire  charger,  ne  qui 
pix  est  des  aultres  livres  d'importance,  qui  estoient  auprez  de  ceux  là, 
de  sorte  qu'ils  rejetterent  le  tout  dans  mon  estnde.  Et  je  crois  bien 
que  vous  me  tiendrez  pour  excusé  de  cez  manquements,  qu'il  fauldr» 
reparer  quelque  jour,  si  nous  pouvons,  et  si  Dieu  nous  permet  de  re- 
tourner chez  nous.  Cependant,  pour  ne  laisser  M'  Autin  en  peine  de  cet 
exemplaire  de  Syncellus,  en  ayant  trouvé  icy,  entre  les  papiers  que 
j'emportay  par  hazard,  un  petit  mémoire  des  filtres,  commencements  et 
finales  paroles,  j'ay  creu  le  vous  debvoir  envoyer  pour  le  dict  sieur 
Autin.  qui  recognoi.stra  bien  par  là  si  c'est  chose  qui  luy  puisse  .servir. 

'  On  lit  dans  le  Dictionnaire  de  Trévoux,  au  mot  ameubteineni  :  "•Quelques-uns  (lisent  mal 
emmeublemcnt.  n  La  forme  emmeubleiiient  est  doimëe  par  Cotgrave,  Uudin.  lia  (^urm  de  Sointe~ 
Pulaye. 

II.  a6 


203;  LETTRES  DE  PËIRESC  [1629] 

Quant  à  ina  cassette  de  Levant,  nous  n'y  avons  pas  trouvé  de  si  belles 
choses  que  les  factures  faisoient  paroistre,  mais  tousjours  y  a  il  de  quoy 
n'avoir  pas  de  regret  à  la  despance  qui  s'y  est  faicte.  Le  volume  qu'on 
s'estoit  imaginé  estre  des  conciles  ne  s'est  trouvé  contenir  que  i  5  ou 
i6  Homélies  de  S'  Grégoire  de  Nazianze  dont  vous  aurez  icy  l'indice  des 
tiltres  de  chascune,  pour  pouvoir  conférer  sur  l'imprimé  et  voir  (si  vous 
voulez)  s'il  y  en  auroit  quelqu'une  non  encores  publiée,  ce  que  je  n'es- 
père pas,  me  souvenant  d'en  avoir  veu  aulcunes  dans  mon  exemplaire 
qui  est  demeuré  à  Aix.  Mais  le  m[anu]s[crit]  est  d'assez  bonne  marque 
en  vellin  in  fol"  de  cinq  à  6oo  ans  d'antiquité  et  y  a  tout  à  la  fin  dix 
ou  douze  feuillets  d'un  scholiaste  anonyme  qui  est  celuy  mesmes  qui  a 
faict  les  scliolies  sur  ces  oraisons  du  mesme  S'  Grégoire  de  Nazianze  in 
Julianum  Parabutem  imprimées  en  Angleterre  in  6°  ce  me  semble',  car  il 
les  allègue  en  celles  icy,  et  y  avoit  mis  un  filtre  qui  a  fourny  le  subject 
de  l'équivoque  de  ceux  qui  s'estoient  persuadez  que  ce  fussent  des  èon- 
ciles  par  l'homonymie^  des  premiers  mots,GTNAri2rH  K'  ESHrHCIC 
que  vous  trouverez  au  bas  du  dict  indice.  Les  aultres  volumes  sont 
touts  en  cez  langues  orientales.  Et  des  Arabes  je  ne  vous  puis  rien  dire 
si  ce  n'est  que  je  n'y  ay  pas  recogneu  d'apparance  de  si  grande  anti- 
quité que  l'on  m'en  avoit  faict  de  feste;  il  fauldra  attendre  un  inter- 
prète. Des  Syriaques  il  y  a  deux  exemplaires  du  nouveau  testament, 
l'un  in-lx°  en  papier  de  Damas  d'environ  200  ans,  qui  est  tout  eom- 
plect  en  deux  langues  è  regione  l'une  Syriaque  et  l'aultre  Arabique, 
et  toutefoys  l'une  et  l'aultre  escriptes  en  caractère  Syriaque  ordinaire, 
sinon  les  premiers  mots  des  livres  et  les  noms  propres  plus  importants, 
et  l'aultre  in  fol"  en  vellin  de  cinq  à  600  ans  qui  est  impeifect  à  la 
fin,  et  en  quelque  aultre  endroict,  mais  il  a  de  plus  les  concordances 
de  chappittres  des  fi  evangelistes,  et  des  enlumincures  et  figures  chres- 
tiennes  d'assez  bonne  marque  et  /est  escript  en  caractère  majuscule 
Syriaque  ancien  tel  qui  se  void  aux  commancements  des  livres  et  aux 

'  L'édition  anglaise  ost  intitulée  :  S.  Grc-        lis. . .  studio  II  Monlagu  (  Etonee,  1610,  in-4'). 
gorii  Naziameni  in  Julianum  invectivœ  duœ,  '  Le  Diclionwiire  de  Littré  ne  cile  aucun 

grœce,  cum  scholiis  grœcis  nunc  primum  edi^-      écrivain  sous  le  mot  homonymie. 


[1629J  AUX  FUÈHES  UUPUY.  203 

noms  propres  ])lus  importants  dans  l'aultre  exemplaire.  Un  {jentilhomme 
de  ce  pais  icy  curieux  de  cette  longue'  avoit  désiré  avec  j)assion  d'en 
voir  un  exemplaire.  Je  pense  qu'd  y  trouvera  de  quoy  contenter  sa  cu- 
riosité, et  aprez  si  ils  pouvoient  servir  à  la  grande  bible  de  M'  Le  Jav, 
il  y  aura  moyen  de  les  luy  fournir  pour  la  grammaire  Samaritaine;  ce 
n'estoit  ])oinct  un  volume  formé,  ne  cousu  ne  rangé,  ains  des  cahiers 
espars  en  si  grande  coidusion  et  transposition  que  je  n'esperois  pas  d'ab- 
bord  d'en  rien  tirer  qui  vallust,  mais  apprez  y  avoir  un  peu  resvé 
dessus,  j'en  tiray  dix  cahiers  presque  louts  entiers  chascun  de  dix  feuil- 
lets dont  je  Irouvay  fort  bien  les  suitles,  qui  semblent  contenir  un  dic- 
tionnaire, en  cette  langue  Samaritaine,  rangé  sellon  l'ordre  de  l'al- 
phabet qui  y  est  tout  entier  ou  peu  s'en  fault,  hors  des  deux  premières 
lettres,  les(juelles  contenoient  deux  aultres  cahiers  semblables,  tout  le 
volume  monstrant  avoir  esté  de  douze  cahiers  seulement,  et  semble 
que  chasque  mot  soit  interprété  eu  deux  difl'erantes  langues,  mais  tout 
en  caractère  Samaritain,  ce  qui  me  faict  conjecturer  que  seront  pos- 
sible les  mesmes  trois  langues  de  la  Bible  Samaritaine  qui  est  en  Hé- 
breu, Samaritain  et  Syriaque  ou  possible  vieil  Arabe,  à  quoy  je  vous 
déclare  que  je  n'entends  du  tout  rien  ou  bien  peu  s'en  fault.  Tant  est 
que  la  pièce  pourra  tousjours  estre  de  quelque  usage,  nonobstant 
l'imperfection  du  commancement  du  livre,  et  de  quelque  aultre  feuillet 
ailleurs.  Le  surplus  consiste  en  sept  ou  huict  aultres  petits  cahiers  qui 
n'ont  guieres  de  suitle,  et  qui  ne  peuvent  estre  (jue  fragments  do  la 
grammaire  de  cette  langue  puis  qu'on  les  a  vendus  pour  cela,  dont 
je  ne  vous  sçaurois  rien  garantir,  en  ayant  trop  peu  de  cognoisçance 
pour  en  parler.  Bien  ozerois-je  vous  dire  que  tels  qu'ils  sont,  je  pense 
que  feu  M'  délia  Scala  en  auroil  sans  doubte  tiré  de  bonnes  obser- 

'  Ce  genlilhnmme  provençal  ëlait  Fran-  (l'une  Ireiitaine  de  lettres  qui    lui  furent 

çois  Galaup  de  Chastetiil ,  qui  fut  si  célèbre  écrites  par  Peiresc  (du  8  août    1 609  au 

souB  le  surnom  de  Solitaire  du  mont  Liban.  9o  août  i635).  Je  publierai  quelques-unes 

Il  naquit  à  Aix  le  1 9  août  1 .588  e(  mourut  des  réponses  du  savant  orientaliste  dans  un 

au  monastère  deMar-Klicha  le  i5  mai  166&.  des  prochains  fascicules  de  la  collection  dw 

On  conserve  à  Carpenlras  (registre  III  des  Corretpondanls  de  Peirete. 
minnt«s,   du  foi.  &33  au    fol.  A 46)  près 

■«. 


204  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

valions,  fondements  et  consequances,  puis  qu'il  s'estoit  donné  cette 
torture  de  forger  une  espèce  de  grammaire  en  cette  langue  là,  sur 
la  seule  comparaison  du  Psaultier  qu'il  en  avoit  recouvré  avec  le  texte 
Hébreu,  et  pour  l'achever,  il  desiroit  avec  grande  passion  de  voir  le 
Pentateuque  en  la  mesme  langue,  pour  en  faire  la  mesme  compa- 
raison. Si  M''  Heinsius  vouloit  fournir  ce  que  le  dict  sieur  de  la  Scala 
en  avoit  rédigé  par  escript,  cela  joinct  à  cez  fragments  icy,  possible 
que  le  P,  Morin  en  tireroit  quelque  chose  de  plus  solide.  Vous  advi- 
serez  si  trouverez  bon  de  luy  en  parler.  Car  pour  moy  je  fourniray 
fort  librement  tout  ce  que  j'ay,  et  tout  ce  que  je  pourray  avoir  cy  aprez, 
croyant  que  les  deux  versions  du  Pentateuque  serviront  grandement  à 
cela,  et  à  beaucoup  d'aullres  choses  importantes  à  l'ancienne  chrono- 
logie, selon  que  feu  M"'  délia  Scala  se  le  promettoit.  Cependant  je  n'ay 
pas  laissé  de  l'escrire  desja  en  Levant,  pour  faire  exacte  recherche 
d'une  aultre  grammaire  mieux  assortie,  et  d'un  autre  Lexicon,  en 
cette  langue,  ou  des  suppléments  de  ce  qui  nous  en  manque,  si 
faire  se  peult.  Il  fauldra  voir  ce  qui  en  pourra  reuscir  d'une  façon  ou 
d'aultre,  et  ayder  le  public  de  tout  ce  qui  nous  sera  possible.  Atten- 
dant pour  cet  effect  en  grande  impatiance  l'aultre  navire  qui  me 
doibt  apporter  ce  Pentateuque  en  trois  langues.  Je  ne  vous  amuseray 
pas  à  vous  entretenir  des  médailles  antiques  venues  dans  cette  cas- 
sette, où  il  y  a  encores  de  bien  jolies  curiositez,  celuy  que  j'y  ay 
employé  ayant  esté  merveilleusement  heureux  à  rencontrer,  sans  s'y 
cognoistre,  plusieurs  pièces,  et  de  libvres  et  de  médailles,  que  je 
luy  avois  tesmoigné  désirer  d'avoir  de  ce  païs  là.  Il  y  a  rencontré  un 
aultre  de  ma  cognoisçance  un  peu  plus  intelligent  que  luy,  lequel 
luy  a  bien  aydé,  et  lequel,  y  sesjournanl  encores  quelque  temps,  s'est 
chargé  de  continuer  encores  plus  exactement  cez  recherches  à  l'ad- 
venir  pour  l'amour  de  moy,  et  ce  sera  luy  que  j'employeray,  pour 
voir  de  recouvrer  les  suppléments  des  defl'ectuositez  de  ce  Lexicon 
et  de  cette  grammaire,  tandis  que  nous  attendrons  ce  que  l'aultre 
aura  peu  ramasser  en  ^Egypte  et  en  Constantinople,  par  où  il  s'en 
revient  se  rendre  à  Rome  où   il  me  mande  de  luy  adresser  de  mes 


[1629]  AUX  FHKRKS  DUPUY.  205 

lettres.  VoilA  tont  ce  que  je  vous  en  diray  pour  le  présent,  demeurant 
tousjours, 
Monsieur, 

voslre  irez  humble  et  obligé  serviteur, 
DK  Peiresc. 
A  Beaugenlier,  ce  18  novembre  1639. 

J'onbliois  de  vous  dire  que  pendant  mon  sesjour  icy,  noz  galères,  qui 
sont  revenues  de  Messine,  m'ont  rapporté  un  exemplaire  du  libvre  de 
Georgius  Gualtlierus  des  inscriptions  de  ce  pais  là',  où  il  ne  manque 
n'en  que  l'espistre  liminaire  dont  la  deffectuosité  ne  m'est  pas  considé- 
rable, mais  le  marchand  qui  l'a  faict  tenir  à  un  aultre  marchand  de 
Marseille  luy  mande  que  touts  les  exemplaires  sont  ainsin  deffectueux, 
et  que  c'est  par  ordre  du  sénat  de  ce  pais  là  que  l'epistre  a  esté  sup- 
primée. Ce  qui  me  faict  présumer  qu'elle  debvoit  avoir  esté  adressée 
à  quelqu'un  du  pais,  que  la  jalousie  des  aidtres  n'a  peu  supporter,  et 
que  celle  qui  estoit  en  rexenq)laire  que  je  vous  envoyay  de  M'"  de  Thou, 
adressée  au  Grand  Maistre  de  Malte,  doibt  avoir  esté  faicte  depuis  cez 
delîances  pour  protliter  l'occasion  de  faire  cet  honneur  à  un  nouveau 
patron.  Toutefoys  je  m'en  rapporte  et  pense  qu'il  n'y  aura  pas  de 
danger  que  Quentin  transcrive  l'epistre  du  voslre  en  papier  de  mesme 
grandeur  de  l'édition  que  je  feray  insérer  à  sa  place  dans  mon  exem- 
plaire, pour  l'amour  de  l'autheur,  et  pour  le  bon  gré  que  je  luy  sçay 
d'avoir  faict  ce  recueil  pour  ayder  le  public,  avec  tant  de  peine  et  de 
soing  quoy  que  mal  recogneu^. 

'   Le  livre  est  ainsi  mentionné  dans  le  sanœ ,  apud  Pelnim    Bream ,    tèûh,    pelit 

Manuel  du  libraire  :  Siciliœ  ohiacentium  in-  in-S").  Le  nom  de  lauleur  ne  tigure  pas 

sularum  et  Brutliorum  anliquœ  labulœ,  cum  dans  nos  recueils  biographiques. 
animadversionibus   fieorgii    (îualteri    {Mes-  '  Vol.  717,  fol.  90. 


206  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

XLI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

ADVOCAT  EN  LA  COUR   DE  PARLEMENT  DE  PARIS, 
A  PARIS. 

Monsieur, 
Je  viens  de  recevoir  un  grand  déplaisir,  pour  ne  dire  affront  de  ia 
part  de  M''  de  Thou ,  qui  non  contint  d'estre  passé  si  prez  de  nous  sans 
se  laisser  voir,  a  sesjourné  quelques  jours  à  Marseille  sans  me  laisser 
advertir  de  son  arrivée,  pour  m'oster  le  moyen  de  l'aller  voir  là, 
comme  j'eusse  faict,  dont  je  suis  si  oultré  et  si  mortifié,  que  je  ne  sçay 
par  oià  commancer  les  plaintes  que  je  vouldrois  bien  vous  en  faire,  et 
que  j'aurois  bien  de  la  peine  à  retenir.  Non  que  je  me  doibve  présumer 
de  tant  que  de  prétendre  '  qu'un  personnage  de  sa  sorte  se  deubt  donner 
de  l'incommodité  pour  un  homme  si  chetif  que  moy,  car  je  n'ay  garde 
de  me  mescognoistre  jusqu'à  ce  poinct  là.  Mais  puis  qu'il  s'y  estoit  aul- 
cunement  engagé  de  paroUe,  c'estoit  une  espèce  de  contract  plus  obli- 
gatoire, pour  ung  seigneur  de  sa  condition,  et  de  la  proffession  qu'il 
faict,  que  s'il  eust  esté  submissionné ^  à  toutes  les  rigueurs  de  la 
chambre  rigoureuse  que  nous  avions  autrefoys  en  ce  païs  icy.  Et  si  les 
persones  n'en  valloient  pas  la  peine,  possible  que  le  lieu  et  les  choses 
qui  s'y  trouvoient  dez  lors  eussent  peu  fournir  quelque  supplément  ad- 
missible de  noz  deffaults.  Car  encores" qu'il  semble  bien  désert  et  de  peu 
de  considération,  et  possible  moings  encores,  tout  ce  qu'il  sçauroit 
produire,  ou  qu'on  y  pourroit  avoir  apporté  jusques  à  présent,  si  ne 
crois  je  pas  que  M'  de  Thou  ayt  trouvé  en  tous  ses  voyages,  jusques  à 

'  Forme  si  rarement  employée  qu'on  ne  portes  et  Montaigne  avaient  dit  aussi  :  pré- 

retrouve  se  présumer  de   dans  aucun   des  sumer  de. 

exemples  du  Dictionnaire  de  Littré.  Deux  '  5ui»us«ion««  (pour  «ouwi's)  n"a  été  ad- 
des  contemporains  de  Peiresc  cités  dans  le  mis  dans  aucun  de  nos  dictionnaires,  mais 
savant  recueil,  Corneille  et  Malherbe,  ont  on  trouve  submission  dans  Malherbe,  Cor- 
dit  :  présumer  de.  Au  siècle  précédent.  Des-  neille,  Vaugelas ,  ce  dernier  cité  parRichelet. 


[1G-29|  AUX  FRÈRES  DUPUY.  207 

la  mer  Rou{i[e,  des  singularitez  que  je  luy  eusse  peu  faire  voir,  et  peult 
estre  bien  admirer  icy.  Et  oserois  je  quasi  faire  une  bonne  gageure, 
qu'il  n'est  pas  si  peu  curieux,  que  si  estant  au  mont  de  Sinay,  il  eust 
apprins  qu'il  y  eust  moyen  de  voir  de  telles  raretez  à  dix  lieues  pardelà, 
il  n'y  eust  voulu  aller  en  persone  à  travers  tous  les  dangers  qu'il  y  cou- 
roit  bien  plus  grands  que  ceux  de  la  maladie  de  Provence.  Et  pense  bien 
que  feu  Monsieur  le  Présidant  son  père,  qui  avoit  tant  prins  de  peine 
pour  aller  grimper  sur  les  Pyrénées',  ne  luy  auroit  pas  facilement  par- 
donné l'obmission  de  cette  recherche,  pour  en  pouvoir  parler  comme 
tesmoing  occulaire,  attendu  la  grande  difiiculté  qu'il  y  a  bien  souvent 
de  s'imaginer  les  choses  telles  qu'elles  sont,  et  de  les  croire  si  admi- 
rablement comme  elles  sont,  sans  les  avoir  veûes  sur  les  lieux  mesmes. 
De  quoy  je  n'eusse  pas  voulu  m'eslre  vanté  à  l'advance,  pour  les  Iny 
faire  trouver  plus  belles  quand  il  les  verroit  inopinément,  en  Testât 
qu'on  m'avoit  apporté  peu  de  jours  auparavant  un  Tripos"^  d'Ap- 
poUon  de  bronze  antique,  fraischement  desterré,  non  gueres  loing 
d'icy^,  et  en  Testât  que  je  luy  avois  fait  conserver  et  apprester  une 


'  Jacques-Auguste  de  Thou  a  raconté  son 
voyage  de  l'annfîc  tSSa  aux  Pyrénfe  dans 
le  iivre  II  de  ses  Mémoires.  Voir  la  traduc- 
tion qui  en  a  été  donnée  en  tête  de  Vlli.ttoire 
universelle  ( Londres ,  1 7.V1 ,  in-/i',  p.  65-66  ). 

*  Il  s'agit  là  du  fameux  tn'pied  trouvé 
auprès  de  Fi-éjus  et  au  sujet  duquel  on  peut 
voir  divers  détails  dans  Gassendi  (livre  IV. 
année  i63o,  p.  356-358).  On  trouvera  plus 
de  détails  encore  dans  la  Disaerlatiûn  sur  un 
trépied  niiiiquepar  M' de  Peiresc  insérée  dans 
le  \'  volume  des  Mémoires  de  littérature  et 
d'Itisttire,  publiés,  de  1726  h  1781,  par 
lo  père  Desinoicts.  Voici  les  premièri^s  lignes 
de  la  dissertation  :  rrLo  Tri|)os  ou  Tii-pié  de 
bronze  antique  déterré  sur  la  cAle  maritime 
de  Provence,  en  l'an  i6a(),  dans  les  ruines 
et  masures  d'un  vieil  Temple,  et  Irtt  après 
apporté  au  sieur  de  Peiresc  pemlant  son  sé- 


jour de  Boisgency,  est  assez  bien  conservé 
pour  faire  connoltre  (pi'il  est  de  manière 
grecque ,  vraisemblablement ,  et  que  l'ouvrier 
qui  l'a  forgé  et  élabouré  semble  y  avoir  af- 
fecté en  la  structure  et  aux  proportions,  or- 
nements et  enrichisseraens,  certaines  petites 
particularitez  qui  en  rendent  la  symmétrie 
fort  gentille,  et  fort  convenable  h  l'usage 
auquel  telles  pièces  étoient  communément 
employées  ou  destinées,  et  ii  la  primitive 
origine  et  introduction  d'icelles  dans  les  mys- 
tères fatidiques .  .  .  ^ 

'  D'après  A.-L.  Millin  (Biographie  uni- 
verselle, article  Antelmi  [Pierre]),  ce  fui  cet 
ai-clK'ologue,  neveu  du  savant  chanoine  Jo- 
seph .\ntelmi,  (pii  donna  h  IViresc  le  l)eau 
trépied  de  bronze  trouvé  aux  environs  de 
Fréjus,  ville  où  l'oncle  et  le  neveu  avaient 
formé  une  riche  collection  d'antiquités. 


208  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

caverne  dans  laquelle  on  venoit  de  trouver  inespérement  des  merveilles 
de  la  nature  si  exquises,  qu'en  touts  mes  voyages  il  ne  m'estoit  poinct 
ari'ivé  de  rien  voir  de  semblable,  et  dont  M''  de  la  Hoguette  et  M'  Gas- 
sendy  eussent  bien  mieux  faict  leur  prolïict,  et  tenu  plus  de  compte, 
que  luy  n'a  daigné  faire.  Car  il  y  avoit  des  pétrifications  nompareilles 
d'une  infinité  de  différantes  espèces  de  feuilles,  trez  bien  recognoissa- 
bles,  que  j'ay  depuis  esté  constraint  de  faire  tirer  du  lieu  où  elles 
avoient  esté  ainsin  transformées,  pour  ne  les  pas  laisser  à  l'abandon, 
ce  qui  leur  a  osté  une  grande  partie  de  la  grâce  qu'il  y  eust  trouvé. 
Mais  pourtant  elles  n'en  ont  pas  tant  perdu,  qu'elles  ne  se  fassent  gran- 
dement admirer  de  tous  ceux  qui  les  voyent,  comme  aussy  d'aultres 
sortes  de  pétrifications  maritimes  de  grand  nombre  de  coquillages  tant 
petits  que  grands  et  d'une  monstrueuse  grandeur,  la  plus  part  fort  big- 
gearres  '  et  fort  incogneus,  et  que  nostre  mer  Méditerranée  ne  produict 
nullement,  et  plusieurs  aultres,  que  l'on  sçaict  asseurement  estre  touts 
semblables  à  aulcuns  des  plus  précieux  qui  se  trouvent  au  ionds  des 
Indes  Orientales,  là  où  se  peschent  les  perles,  et  non  ailleurs.  D'où  l'on 
peult  tirer  de  merveilleuses  consequances  et  de  bien  curieuses  notices 
de  plusieurs  choses  que  les  anciens  n'ont  peu  cognoistre  comme  il  falloit, 
et  particulièrement  Pline  et  les  aultres,  quand  ils  ont  voulu  descrire 
les  pierres  figurées  en  forme  des  cornes  d'Ammon,  et  aultres  de  pareille 
nature,  bien  que  de  fort  différantes  figures,  pour  raison  de  quoy  nous 
avons  bien  trouvé  icy  de  quoy  enchérir  sur  tout  ce  qu'ils  en  avoient 
peu  descouvrir.  Les  seuls  arbrisseaux  et  plantes  que  produisent  les  lieux 
plus  incuits  ^  des  collines  qui  nous  environnent  seroient  cappables  de 
donner  de  bien  agréable  divertissement  à  ceux  qui  ne  vouldroient  pas 
mespriser  de  voir  la  gomme  de  mastic  sur  nostre  lentisque,  celle 
du  Styrax,  trez  odorante  et  suave,  sur  un  arbrisseau  qui  faict  la  fleur 
comme  l'oranger,  et  la  feuille  comme  le  coignier  ',  dont  la  race  n'est 

Voir  t.  I,  p.  21 5.  mol  inculle,  aucun  aui«ur  qui  ne  soit  posté- 

"  La  forme  iiicult  n'est  pas  donnée  dans  le  rieur  à  Peiresc  (  Bourdaloue ,  Fcnelon ,  Saint- 

Dictionnaire  de  Littré.  Ce  r.cueil  ne  nous  Evremond,  \'oitaire). 
offre,  du  reste,  parmi  les  exemples,  sous  le  '  C'était  autrefois  le  nom  du  cognassier. 


[1629]  AUX  FRÈRKS  DUPUY.  209 

espendiie  qu'icy,  el  à  une  lieiie  aux  onviroris  tant  seulement.  Oullre 
une  infinité  d'aultres  siugularitez  en  matière  de  plantes,  que  nous 
lournit  ce  petit  terroir,  et  la  colline  d'Anis  qui  nous  est  limitrophe, 
où  les  plus  curieux  arboristes  '  trouvent  plus  de  choses  exquises  qu'en 
tout  le  reste  de  la  Province,  et  possible  du  Royaulme.  Que  si  cez  choses 
sont  communément  négligées,  elles  n'en  vallent  pourtant  pas  moings 
parmy  ceux  qui  les  sçavent  prixser,  comme  les  pierres  précieuses,  et 
semble  qu'il  nous  doive  estre  loisible  de  nous  en  vanter  maintenant, 
plus  que  nous  n'eussions  faict,  si  on  n'eust  pas  tenu  si  peu  de  compte 
de  nous  et  de  noz  hermitages,  afin  que  cette  petite  jactance,  avec  un 
peu  de  reproche,  nous  vange  aulcunement  de  l'injure  qu'on  nous  a 
faicte,  et  que  si  une  aultre  foys  l'envie  prenoit  à  M' de  Thou  de  n'en 
passer  pas  loing  (comme  il  nous  en  menasse,  bien  que  possible  en  se 
mocquant) ,  il  voye  qu'il  y  avoit  de  quoy  attirer  un  curieux ,  et  que  toute 
la  peine  n'eust  pas  esté  perdue  pour  luy,  et  pour  ceux  de  sa  compagnie, 
qui  n'estoient  possible  pas  si  desgoustez  qu'ils  n'y  eussent  patiemment 
sesjourné  quelque  peu.  Et  hors  de  tout  cela  encores  avois  je  emporté 
quant  et  moy  sortant  d'Aix,  bien  qu'en  desordre,  et  comme  d'une  es- 
pèce d'incendie  et  de  uaulrage,  sinon  un  Palladium,  au  moings  quelque 
petite  layette,  remplie  d'autres  petites  curiositez  et  galanteries  cappa- 
bles  de  donner  quelque  heure  d'agréable  amusement  à  ceux  qui  n'ont 
pas  en  horreur  les  merveilles  de  la  nature,  et  les  vénérables  reliques 
de  l'antiquité.  Quand  mesmes  nous  n'aurions  faict  que  visiter  et  exa- 
miner ensemble  les  raretez  de  son  coffie  d'Egypte,  que  nous  eussions 
faict  revenir  de  la  puiificalion  de  Tollon ,  et  ce  que  jeu  avois  retenu 
par  devers  moy,  il  y  eust  bien  eu  de  bonnes  fieures  de  passe  temps, 
qui  ne  luy  eusse  pas  esté,  je  m'asseure,  si  dezagreable.  Mais  ne  pou- 


Ori  trouve   coigner  dans   les    auteurs    du  toutes  les  (^itious  dmuiëes  par  La  Fontaine 

\n'  siècle,    notamment    dans    Olivier    de  lui-même,  et  que  cV'tait  le  titre  pris  par  Ves- 

Serr'S.  Le  Dictionnaire  de  ï'womx  indique  pasicn  itobin,  <tarboriste du r-ii  Louis  XIIN. 

les  trois  formes  :  coignassier,  ou  coifimssier.  Il   ajoute  que  cette  forme  ancienne  rejetée 

ou  eognier.  par  l'usage  est  conservée  encore  parmi  le 

'  Littré  rappelle  (\\x  arboriste  Ugure  daus  peuple. 

u.  »7 


2tO  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

varit  exercer  ma  vengeance  sur  aultre  chose,  puis  que  je  n'en  tiens  plus 
que  cela ,  je  ci-ains  qu'il  fauldra  que  j'y  passe  ma  fantaisie  tout  à  faict,  et 
que  je  les  garde  plus  que  je  n'eusse  faict.  Car  si  je  les  luy  eusse  laschées 
en  mesrne  temps  que  je  luy  en  aurois  peu  desduire  mes  conjectures  et 
resveries,  que  j'aurois  peine  de  coucher  par  escript  aussy  librement 
comme  je  les  luy  eusse  dictes. 

Sans  cette  mortification  qui  m'a  esté  si  sensible,  ma  joye  eust  bien 
esté  plus  grande,  au  bruict  de  la  promotion  des  cardinaulx,  où  cer- 
tainement j'ay  esté  grandement  aise  de  voircomprinsMe™"Bagny',àqui 
j'en  escripts  un  mot  de  felicitation ,  et  Ms"""''  de  Lyon  ^,  à  qui  j'en  escripts 
pareillement,  mais  pour  celuy  cy  j'en  faicts  l'adresse  à  M''Gassendy,  qui 
est  familier  chez  luy  ^.  Vous  rendrez,  s'il  vousplaict,  celle  de  M8"'''""Bagny, 
et  y  ferez,  je  vous  supplie,  les  suppléments  de  mes  deffectuositez,  car 
j'estois  en  assez  mauvaise  humeur  pour  rendre  cez  compliments  bien 
à  mon  gré,  et  avois  le  cœur  si  gros,  que  vous  voyez  comme  je  me  suis 
laissé  transporter  jusques  à  vanter  mes  coquilles*,  ce  qui  ne  m'est  guieres 
ordinaire,  et  que  je  vous  supplie  pardonner  en  moy,  encores  que  je  ne 
l'eusse  pas  mérité,  à  la  charge  que  ce  sera  sans  consequance,  et  que.je 
ne  vous  rompray  pas  dezhormais  la  teste  de  pareilles  importunitez,  si  je 
puis,  commançant  à  recognoistre  que  j'ay  possible  abusé  de  vostre  pa- 
tiance.  Mais  j'espère  pourtant  que  vous  m'en  excuserez,  et  implore,  si 

'  Comme  nous   l'avions  déjà  remarqué  vier  1 6.3o.  Le  nonce  Bagni  i-eçut  la  barretle 

dans  une  note  du  tome  I  (  [).  6 1  a  ) ,  Jean-Fran-  le  même  jour  et  il  dîna  a\ec  Louis  XIII. 

çois  Bagni  (on  a  toujours  écrit  en  Italie  ce  '  Voir,  sur  les  excellentes  relations  du 

nom  sans  y,  comme  m'en  avertit  un  bien  cardinal  de  Lyon  avec  Gassendi,  les  Docu- 

savant  et  bien  aimable  bibliophile  de  Rome ,  meiits  inédits  de  1877  déjà  plusieurs   fois 

M.  le  marquis  Gaeiano  Ferrajoli),  ne  devint  mentionnés  (p.  ai,  a4). 

pas  cardinal  en  1627,  mais  seulement  en  *  Si  Peiresc  parle  ici  au  ligure,  je consla- 

1629.  L'erreur  esta  corriger  dans  une  foule  lerai  que  l'exprt'ssion  dont  il  se  sert  n'est 

de  livres.  pas  donnée  par  nos  dietiomiaii-es ,  où  l'on 

Alphonse-Louis   du  Plessis-Ilicheheu,  trouve  seulement  bien  vendre  ses  coquilles, 

dont  il  a  été  et  dont  il  sera  encore  si  souvent  faire  valoir  ses  coquilles,  etc.  Mais  peut-être 

question  en  toute  calte  correspondance.  Le  Peiresc  par  coquilles  entend-il  tout  simple- 

frèredupremierministrereçutlabarretledela  ment  les  pétrifications  quïl  regrette  lanl  de 

main  du  roi  dans  la  chapelle  du  Louvre  le  7Jan-  n'avoir  pu  faire  admirer  à  F.-A.  de  Thou. 


[1629]  AUX  KHKHES  DUPUY.  211 

jujîcz  qiio  l)o«oiri{{  soit,  la  secoural)le  intercession  de  M' de  la  Ho{»uelte, 
({ui  vouidroil  bien  avoir  veu,  jfe  rn'asscurc,  ccz  métamorphoses,  car 
l'aspect  du  lieu  peult  {grandement  ayder  à  comprendre  les  voves  que  la 
nature  a  leniies  pour  y  parvenir,  et  qui  se  concevroicnt  beaucoup  plus 
fliflicilcment,  quand  on  ne  verroit  que  les  seuUes  pétrifications  arrachées 
de  leur  assiette  et  fra|jmentées.  Je  n'en  sçavois  pas  tant,  lorsqu'il  nous 
fit  l'Iioniiour  de  nous  venir  voir,  comme  nostre  presant  sesjour  nous  en  a 
laict  dcscouvrir,  car  je  l'y  eusse  ammené ,  ou  faict  conduire,  si  je  n'eusse 
peu  marcher  pour  lors,  bien  asseuré  qu'il  n'y  eust  pas  plaint  son  temps 
ne  sa  peine,  quelque  presse  qu'il  eust  de  retourner  en  cour.  Salluez  le, 
je  vous  supplie,  de  ma  part  quand  vous  le  verrez,  ou  que  vous  luy 
escrirez.  Si  je  puis  me  donner  la  patiance  de  rédiger  un  peu  de  rela- 
tion de  cez  pétrifications  et  coquillages,  je  la  feray  volontiers  pour 
l'amour  de  luy,  et  la  vous  adresseray,  comme  je  faicts  celle  que  vous 
trouverez  cy  joincte  de  ce  trepié'  à  la  charge,  s'il  vous  plaict,  quelle 


'  Le  père  Desmolels,  dans  Y  Avertissement 
de  la  Dissertation  de  Peiresc,  dit  ceci  :  rrLa 
trop  vaste  érudition  de  M.  de  Peiresc  faisoit 
qu'il  ne  finissoit  aucun  ouvrage,  et  qu'il 
n'étoit  jamais  content  de  ce  qu'il  avoit  écrit 
sur  les  matières  qui  se  préseiitoient;  aussi 
n'a-l-il  jamais  rien  fait  imprimer:  mais  l'es- 
time que  les  sçavans  faisoient  de  tout  ce 
qu'il  écrivoit,  en  multiplioit  les  copies.  C'est 
ce  qui  est  arrivé  à  la  dissertation  que  je 
publie  auJDurd'Iiuy,  dont  je  suis  redevable 
au  R.  P.  Oudin,  de  la  Conq)agnie  de  Jésus, 
connu  dans  lo  république  des  lettres  par  son 
éloquence  et  son  profond  sçavoir;  car  il  me 
marque  qu'il  en  a  trouvé  plusieurs  copies 
manuscrites  dans  la  seule  ville  de  Dijon. 
Spon  en  avoit  eu  communication;  il  avoue 
lui-même  h  la  fin  de  son  traité  de  Triimdibus 
qu'il  l'a  presque  tout  tiré  de  la  dissertation 
de  M.  de  Peiresc.  Le  sçnvant  Père  du  Mou- 
linet, chanoine  régulier  et  bibliothéquaire 
de  Sainte-Geneviève,  semble  insinuer  dans 


la  description  du  cabinet  de  celte  abbaye, 
où  ce  trépied  est  conservé,  que  l'original 
de  cette  dissertation  se  trouve  dans  un  vo- 
lume manuscrit  des  ouvrages  de  M.  de  Pei- 
resc ,  qui  est  à  la  bibliothèque  du  Roy.  La  ma- 
ladie et  la  mort  de  M.  Boivin,  garde  des 
manuscrits  de  cette  bibliothètjue,  universel- 
lement regretté  de  tous  les  sfavnns,  k  qui 
il  n'étoit  pas  moins  cher  |>our  sa  politesse  qne 
pour  sa  profonde  érudition,  m'ont  empêché 
de  pouvoir  éclaircir  ce  fait,  etde  conférer  ma 
copie  avec  l'original.  J'aurois  fait  graver  la 
figure  du  trépied  dont  M.  de  Peiresc  a  fait  la 
description ,  si  elle  eût  été  nécessaire  pour  l'in- 
telligence de  la  pièce.  Ceux  qui  souhaiteront 
l'avoir'devant  leurs  yeux  en  la  iisant .  peuvent 
avoir  recours  h  la  planthe  53  du  second  tome 
de  \'Anti(piité  expliquée,  etc..  du  R.  P.  de 
Montfuiicon.  ou  à  la  dissertation  de  Spon  de 
Tripodibus,  ou  enfin  à  la  description  du 
Cabinet  deS"-Genevièvc  par  le  R.  P.  du  Mou- 
linet ,  où  se  trouve  l'empreinte  de  ce  trépied,  n 
«7. 


212  LETTRES  DE  PEIRESG  [1629] 

ne  sorte  poiiict  de  voz  mains,  et  que  vous  ne  la  monstriez  poinct  qu'aux 
aniys  plus  confidants,  et  qui  peuvent  mieux  excuser  mes  sottises,  et 
vous  m'obii|i[eriez  encores  plus  de  ne  la  monstrer  qu'à  M"^  de  Thou 
seulement,  pour  flatter  ma  petite  vengeance,  et  de  vous  en  servir  seu- 
lement, pour  enquerre  '  sur  les  chefs  que  vous  jugeriez  plus  à  pro- 
pos Mess'' de  Saulmaise,  Rigault,  Grottius,  Gassendi  et,  en  un  besoing, 
M'"Bignon.  Mais  pour  le  dessein  vous  en  pourrez  faire  ce  que  bon  vous 
semblera,  car  il  suffira  pour  fournir  de  la  matière  aux  curieux  qui  en 
vouldront  discourir.  Au  reste  je  me  fie  tant  de  mon  bon  droict,  et 
me  tiens  si  asseuré  d'avoir  mis  M""  de  Thou  en  son  tort,  que  je  me  pro- 
mets que  vous  serez  de  mon  costé  contre  luy,  et  que  vous  m'ayderez  à 
luy  faire  de  justes  reproches  qui  peuvent  escheoir,  à  cette  précipitation 
non  forcée,  ne  si  absolument  nécessaire,  comme  on  nous  a  voulu  faire 
accroire,  et  comme  nous  eussions  creu  volontiers  en  toute  aultre  oc- 
casion que  celle  cy,  quand  il  ne  tiendroit  qu'à  cela  pour  faire  plaisir 
à  un  amy  qui  ne  touchast  pas  d'affection  et  vénération  si  estroite 
comme  luy  nous  touchoit.  Il  en  fera  un  jour  la  réparation,  s'il  luy 
plaict,  et  voulust  û  ou  non  je  ne  laisray  pas  destre  son  serviteur 
suddilo graliss"  (comme  on  dict  au  paiis  d'ofi  il  vient)  et  qui  cède  tous  ses 
propres  interests  à  ceux  de  son  patron,  comme  je  luy  cède  les  miens 
de  bon  cœur,  hors  de  cette  liberté  françoise  de  m'en  plaindre,  jusques . 
à  tant  qu'il  y  ayt  apporté  quelque  sorte  de  satisfaction,  laquelle  atten- 
dant je  finiray  par  mes  supplications  qu'il  vous  plaise  pardonner  mes 
foiblesses  et  maladies  d'esprit  et  de  corps,  et  me  tenir  tousjours. 
Monsieur,  pour 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Boysgency,  ce  i5  décembre  1699. 

Je  ne  sçaurois  maintenant  escrire  à  M"'  du  Fuy  vostre  frère  comme 


'  Enquérie  est  l'ancien  infinitif  que  nous  disons  enqHérir,  comme  le  rappelle  Litlré,  qui 
renvoie  à  l'historique  de  ce  dernier  mot. 


[1630]  AUX  FRÈRES  DUl'UY.  218 

j'eusse  désiré,  me  trouvant  touldestraqué  ',  mais  ce  sera  par  le  premier, 
Cependant  il  trouvera  icy  mes  trez  iiumbies  recommandations,  et  me 
fera,  s'il  luy  plaid,  la  faveur  d'avoir  soinj;  de  faire  tenir  le  pacquet  à 
M""  Rubens  promtement  par  (juelque  voye  bien  asseurée,  s'il  est  pos- 
sible, d'amy,  de  crainte  que  par  la  poste  la  voicture''  n'en  fust  de  trop 
jjrand  prix,  qui  diminuast  la  f^race  des  desseins  du  Tripos  dont  je  luy 
envoyé  un  duplicata,  et  ceux  de  l'anneau  de  Tecla^,  et  aultres  ba^^a- 
tellos  (jui  ne  méritent  pas  d'estre  payées  si  chèrement  que  la  poste  les 
feroit  payer,  si  ce  n'est  qu'il  peut  aller  soubs  l'envelope  de  cet  amy 
qu'il  avoit  au  faulxbourjj  S*  Michel.  Je  luy  reconmiande  encores  les 
aultres  lettres  pour  les  amys,  et  particulièrement  celles  de  Lorraine,  et 
le  supplie  et  vous  aussy  d'excuser  l'excez  de  mes  importnnitez*. 


XLII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

À  PARIS. 

é 

Monsieur, 
Je  vous  avois  cy  devant  accusé  la  réception  de  toutes  voz  despesches 
jusques  au. 2  octobre  inclusivement  et  puis  avois  demeuré  longtemps 
sans  en  recevoir  aulcunes,  quand  l'homme  que  M"  d'Agut  avoit  envoyé 
exprez  à  Lyon  rompit  la  glace^,  et  m'en  rapporta  nue  du  19  no- 
vembre toute  pucelle®  sans  estre  passée  au  vinaigre,  laquelle  fut  bien- 
tost  suyvie  de  cinq  autres,  du  9,  16,  a3,  3o  octobre  et  6  novembre 
qui  vindrent  quasi  en  mesme  temps  bien  que  par  diverses  voyes,  les 
unes  du  costé  de  Marseille,  les  aultres  du  costé  de  Sallon,  et  les  deux 


'  LiUrén'acité.sousleinotrfeVcflyuer,  que  partie  de  Y  Appendice ,  n°  IV.  une  lettre  de 

deux  écrivains  postérieurs,  M°"  de  Sévigne'  Clu-isloplie  Dupuy  ù  Peiresc  t'crite  de  Rome 

et  Voltaire.  le  i"  janvier  i63o. 

'  G'est-h-dire  le  transport.  '  Voir  ci-dessus,  lettre  I,  p.  .3,  note  ». 

'  Voir  ci-dessus ,  lettre  XXXI.  '  Le  mot  s'employait  alors  communé- 

'  Vol.  717,  loi.  93.  Voir  à  la  seconde  ment  à  la  place  du  mot  i  lerye. 


214  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630] 

plus  vieilles,  et  neantnioings  les  plus  tardives,  du  costé  d'Aix,  où  elles 
m'estoient  allé  chercher  à  contre  temps,  lesquelles  furent  suyvies  de 
prez  de  deux  aultres  du  Zi  et  18  décembre,  veniies  pareillement  l'une 
par  Marseille  et  l'aultre  par  Salion,  avec  lesquelles  nous  eusmes  de  si 
beaux  livres  et  si  curieux  papiers,  et  si  bonne  part  des  nouvelles  du 
monde,  qu'il  nous  sembla,  aprez  une  longue  absence,  estre  tout  d'un 
coup  retournez  au  milieu  du  Louvre,  et  de  l'académie',  bien  qu'en 
etfect  nous  en  fussions  si  esloignez,  et  quasi  confinez  au  milieu  d'un  dé- 
sert. Ce  qui  estoit  merveilleusement  doulx  en  Testât  que  nous  nous 
trouvions,  et  d'une  merveilleuse  consolation,  comme  vous  l'avez  trez 
bien  preveu,  et  dont  nous'avions  bon  besoing  dans  ce  qui  nous  reste 
des  objects  de  la  maladie,  laquelle  ne  se  peult  encores  desraciner  de 
nostre  ville,  bien  qu'elle  soit  sur  le  déclin,  ce  semble,  depuis  quelques 
jours,  mais  principalement  dans  le  crevé  cœur  que  nous  avoit  laissé 
M"'  de  Thou,  par  son  passage  précipité,  sans  avoir  voulu  souffrir  que 
nous  fussions  advertis  de  son  arrivée  à  Marseille,  craintte  que  nous 
ne  l'allassions  visiter  jusques  là,  comme  nous  eussions  faict  sans 
doubte,  ce  qui  est  bien  loing  de  la  mesure  et  de  l'aulne  à  laquelle  vous 
le  mesuriez  par  vos  dictes  lettres,  quand  vous  nous  donniez  advis  de 
la  routte  qu'il  vouloit  prendre  par  icy,  et  que  le  mal  y  seroit  bien  grand 
s'il  l'empeschoit  de  nous  venir  voir  jusques  en  nostre  Hei'mitage,  où 
il  eust  possible  trouvé  quelque  chose  de  plus  que  ce  qu'il  pensoit  et 
dont  le  regret  qu'il  en  pourroit  concevoir  quelque  jour,  me  vangera,  s'il 
plaict  à  Dieu,  du  tort  et  du  mauvais  traiclement  qu'il  nous  a  faict  en 
se  desrobant  de  la  sorte.  Estimant  qu'il  en  a  desja  eu  quelques  remors 
de  consciance,  quelle  mine  qu'il  tienne,  à  ce  que  je  puis  comprendre 
d'une  lettre  qu'il  escrivit  de  Lyon  à  Marseille  au  sieur  de  Gaslines,  où 
il  advouoit  d'avoir  bien  paty  par  les  chemins  de  Marseille  à  Lyon,  et 
de  n'avoir  peu  esviter  un  bien  fascheux  object^  des  cabanes  et  mala- 
deries  des  pestiferez  en  plusieurs  heux,  ce  qu'il  n'eust  ])as  trouvé, 


'  N'oublioQS  pas  que  ce  mot  désigne  toujours  ie  cabinet  des  frères  Dupiiy.  —  ^  Dans  le 
sens  d'aspect. 


[1630]  AUX  FRÈRKS  DUPUY.  215 

s'il  eust  prins  le  destour  tie  quelques  lieues  qu'il  y  avoit  de  Marseille  icy, 
par  un  chemin  Tort  net,  et  fort  esloigné  des  lieux  infectez,  qui  le  pou- 
voit  mener  d'icy  à  Lyon  par  Sisterou,  tousjours  fort  loing  de  tout 
soubçon  de  maladie,  mais  nous  n'en  vallions  pas  la  peine,  et  tousjours 
faut  il  que  je  luy  demeure  hien  redevable  des  recommandations  qu'il 
m'a  faicl  faire  par  le  dict  sieur  de  Gastines,  et  du  soing  (ju'il  avoit  eu 
de  me  faire  advertir  par  luy,  qu'il  avoit  recogneu  ù  la  poste  de  Lyon 
un  pacquet  pour  moy  venant  de  vostre  main,  qui  estoit,  je  m'asseure, 
celuy  du  U  décembre  puis  que  luy  escript  du  xi"".  Cette  satisfaction 
est  neantmoings  bien  petite  eu  esgard  à  la  gravité  du  coup  que  nous 
avions  receu  de  sa  part,  dont  il  n'est  pas  encores  (juille,  et  ne  m'est  pas 
encor  escliappé  pour  tout  cela.  El  si  vous  vous  joignez  à  moy,  comme 
je  l'esperc,  puis  que  vostre  parolle  y  estoit  engagée  comme  la  sienne, 
je  le  metlray  à  la  raison  lorsqu'il  y  pensera  le  moings,  et  luy  feray  ad- 
voiier  son  tort  voulust  il  ou  non  devant  tous  les  juges  qu'il  sçauroit 
choisir,  s'il  me  laisse  former  ma  juste  plainte,  dont  j'ay  grande  peine 
de  me  taisre,  encores  que  j'aye  desja  bien  descliargé  mon  coeur  tant 
en  celle  que  je  luy  escrivis  à  la  chaude  cez  jours  passez  qu'à  celle  que 
je  fis  à  M'  du  Puy,  vostre  frère,  laquelle  commaucera  de  me  vanger  de 
luy,  quoy  qu'il  puisse  faire  ou  dire  au  contraire. 

Or  pour  revenir  à  voz  dcspesclics,  il  y  a  bien  à  déplorer  le  desordre 
des  postes,  qui  les  a  faict  venir  si  tard  et  parloys  assez  mal  adressées, 
principalement  ces  deux  de  plus  vieille  datte  qui  m'allerent  chercher 
encor  à  Aix  bien  à  contre  temps.  Vray  est  que  je  pense  que  cela  avoit 
esté  artiticieusement  affecté,  à  cause  que  celle  du  iC"™  octobre  fut  ou- 
verte à  l'entrée  de  la  Province,  et  quelques  lettres  retenues,  mais  non 
pas  de  ce  qui  estoit  soubs  vostre  enveloppe,  ains  quelques  aultres  qui 
y  estoienl  joinctes,  dont  j'ay  bien  faict  du  bruict,  car  j'en  a  vois  eu  le 
vent;  enfin  la  vostre  fut  jettée  dans  Aix,  et  rendue  miraculeusement  à 
mon  relieur'  qui  est  demeuré  chez  nous  en  bonne  santé  jusques  icy 
grâces  à  Dieu ,  lequel  avec  prou  peine  trouva  moyen  de  la  faire  ressortir 

'  Corberan,  comme  nous  l'avons  (idjù  vu  plus  haut,  lettre  II!,  p.  9. 


216  LETTRES  DE  PEIRESG  [1630] 

et  me  la  faire  retomber  en  main,  quoyque  par  la  seconde  rigueur  du 
vinaigre,  ayant  retenu  seulement  les  opuscules  du  P.  Sirmond  ',  crainte 
que  le  second  vinaigre  ne  l'achevast  de  gaster,  car  il  avoit  eu  peine,  en 
la  relavant,  de  le  remettre  en  estât  de  porter  une  honneste  relieure,  à 
laquelle  il  se  voulut  amuser  pendant  son  loisir,  mais  il  abandonna  la 
comédie  des  comédies^  dont  je  ne  fus  pas  marry,  car  le  vinaigre  où 
elle  fut  trempée  un  cahier  aprez  l'aultre  n'empescha  que  je  n'y  aye  prins 
un  entretien  des  plus  plaisants  que  j'eusse  eu  de  longtemps;  certai- 
nement l'autheur  primitif  de  toutes  cez  conceptions  avoit  de  si  mal 
tollerables  jactances^  qu'il  meritoit  de  trouver  une  chausseure  à  son 
poinct  aussy  juste  que  celle  la,  et  aussy  bien  convenable  *. 

Le  livre  de  motu  cordis  et  l'aultre  qui  y  estoit  joinct  de  cette  pro- 
digieuse grossesse  furent  bien  du  goust  de  M'  Noel^  qui  s'est  retiré 
en  ce  lieu  cy  à  la  sortie  d'Aix,  aprez  une  exacte  quarantaine,  lequel  se 
sent  bien  redevable  de  l'honneur  de  vostre  souvenir,  et  vous  supplie  de 
le  tenir  pour  vostre  serviteur  et  de  tous  les  vostres.  Pour  moy  je  n'ay 
pas  encores  peu  lire  cez  libvres  depuis  leur  arrivée,  mais  à  ce  peu  que 
j'en  ay  veu  de  l'Anglois*,  je  le  trouve  bien  agréable,  et  plains  grande- 
ment le  decez  d'un  cirurgien  anatomiste  d'Aix  nommé  Payen  que  la 
maladie  a  frappé  si  souvent  qu'enfin  il  luy  enacousté  la  vie,  car  M'  Gas- 


'  Opuscula  dogmatica  velerum  quinque 
scripforum,  qui  ante  annos  m.  ce.  clarueninl 
(l'aris,  Séb.  Cramoisy,  i63o,  iii-8°). 

*  La  Comédie  des  Comédies,  traduitte  de 
l'italien  en  langue  de  l'orateur  françois ,  par 
L.  S.  D.  P.  [le  sieur  Du  Pescliier],  Paris, 
1699,  in-8°.  Le  nom  de  Du  Peschier  avait 
été  pris  par  Rend  de  Barry,  qui ,  selon  Sorei 
{Bibliothèque  française,  1667,  p.  ia6), 
était  un  gentilhomme  auvergnat.  Celte  pièc;' 
eut  beaucoup  de  succès;  il  s'en  fit  coup 
sur  coup  quatre  éditions.  De  nos  jours, 
elle  a  été  réimprimée  dans  V Ancien  théâtre 
françain ,  t.  IX.  p.  a6l  {Bibliothèque  ehévi- 
rienne). 


^  Cet  auteur  si  malmené  par  Peiresc 
est  Balzac.  La  Comédie  des  Comédies,  dont 
on  chercherait  en  vain  l'original  italien, 
comme  nous  en  avertit  Quérard  {Les  super- 
cheries littéraires  dévoilées,  t.  I,  p.  71 4), 
est  un  centon  des  passages  les  plus  am- 
poulés de  Balzac,  dont  on  fait  ressortir  le 
ridicule. 

*  Littré  ne  cite  aucune  autorité  au  sujet 
de  la  locution  figurée  :  trouver  chaussure  à 
son  point ,  ou  à  son  pied. 

'  Le  docteur  déjh  mentionné  précédem- 
ment. 

°  C'est-à-dire  de  William  Harvey  dont  il 
a  été  fait  mention  plus  haut,  lettre  XXXIIL 


[1630]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  217 

sendy  vous  dira  une  curieuse  observation  (ju'il  avoil  faicte  au  coeur, 
dont  l'aullieur  de  ce  livre  eut  eu  grand  besoing'  et  eust  bien  eu  de 
quoy  s'exercer.  Je  n'a  y  [)as  non  plus  considéré  comme  il  fault  les  ca- 
hiers du  chancellier  Baccon,  qui  méritent  de  l'attention,  et  de  plus 
grands  renicrcirnents  que  je  n'en  sçaiirois  faire  à  M''  de  la  lloguette*  et 
à  vous  aussy  de  la  peine,  vous  suppliant  de  les  luy  faire  de  ma  part  à 
la  première  veiie,  et  l'assurer  que  je  suis  tout  à  luy.  Le  Mercurius 
Gallobelgicus  nous  apprend  encores  d^s  particularitez  d'Allemagne 
que  nous  n'eussions  pas  sceiies  sans  luy,  et  au  catalogue  de  la  foire,  ii 
n'y  sçauroit  jamais  si  peu  avoir,  qu'il  n'y  faille  donner  un  coup  d'œil. 
C'est  pourquoy  ce  nous  est  tousjours  de  l'obligation  qu'il  vous  ayt  pieu 
nous  en  faire  part,  et  de  cette  action  de  Filcsac  ',  ou  nous  avons  encores 
veu  des  particularitez  de  sa  fabrique  lesquelles  nous  ignorions,  comme 
aussy  des  vers  du  sieur  Grammont*,  oii  nous  apprismes  la  promotion 
de  M'  de  Champigny*  qui  n'estoil  pas  encore  venue  jusques  à  nous  plus 
tost.  Je  luy  escripts  un  mot  de  felicitation  en  suitte  de  l'honneur  que 
me  faisoit  aultrc  foys  ce  bon  homme  de  me  tenir  pour  son  serviteur*. 
Mais  je  l'ay  adressé  à  M'  Gassendy  à  cause  de  la  parenté  de  M'  L'IIuil- 
lier,  et  des  offres  qu'il  m'avoit  faict  faire  auprez  de  luy.  Mais  surtout 


'  Rappelons  que  l'ouvrage  de  W.  Harvey 
est  intitula  :  E.vercilatio  anatomica  de  inotu 
cordis. 

'  Voir  dans  les  Lettres  méditei  de  Forliit 
de  la  lloguettc  (la  Rochelle,  1888,  grand 
in-8°)  divers  passages  relatifs  aux  manuscrits 
du  chancelier  Bacon  communiqués  à  Peiresc. 

'  Jean  Filesac.  docteur  en  Iht'ologie,  le 
9  avril  i5iio,  inoiu-ut  à  Paris,  sa  ville  na- 
tale, ie  37  mai  i638.  doyen  de  la  faculté 
de  théologie.  Il  avait  été  professeur  au  col- 
lège de  la  Marche,  curé  de  Saint-Jean-en- 
Grève  et  recteiu'  de  l'Universilé.  Voir  la  liste 
de  ses  ouvrages  dans  la  Table  des  auteurs 
(  tome  V  de  la  lUbliothl^que  historique  de 
France,  p.  517). 

*  ie  suppose  qu'il  s'agit  lii  de  l'écrivain 


provençal  Scipion  de  Gramonl,  sieur  de 
Saint-Germain ,  secrétaire  de  la  Chambre  du 
roi,  sur  lequel  on  peut  voir  un  article  du 
Morért  de  1769,  où  est  complété,  surtout 
au  point  de  vue  bibliographique,  et  surtout 
à  l'aide  des  Remarques  de  l'ahbé  L.-J.  le  Clerc , 
l'article  Gramont  du  Dictionnaire  critique  de 
Bayle. 

'  Jean  Bochart,  seigneur  de  Champigny, 
premier  président  au  parlement  de  Paris. 

*  On  a,  dans  le  registre  III  des  minutes 
il  Carpcntras(fol.  56),  une  lettre  de  Peiresc 
h  "M.  de  Champigny  ii  i'aris»  du  90  janvier 
i63o.  C'est  celle  dont  il  est  ici  question. 
Deux  autres  lettres  (ibid.,  fol.  55)  sont 
datées  d'Aix  (a8  décembre  t6i9  et  a3  fé- 
vrier 1 6 1 3). 

»8 


218  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630] 

ay  je  prins  un  plaisir  nornpareil  à  ce  traicté  de  M"'  de  Rohaii ,  sur  le 
subject  duquel  je  vous  envoyé  un  certain  advis  d'un  Espagnol  qui  pré- 
suppose je  ne  sçay  quoy  de  ce  costé  là.  C'est  le  dict  sieur  Noël  qui  me 
l'a  baillé,  et  tel  qu'il  est  à  faulte  de  rien  de  meilleur  il  fauldra  que 
vous  le  preniez  en  gré.  La  lettre  de  M'  Gevartius'  qui  estoit  en  la  mesme 
despesehe  est  un  peu  ternie  du  vinaigre  réitéré,  dont  j'ay  esté  bien 
marry  pour  l'amour  de  vous  et  de  luy  mesmes,  tout  ce  qui  vient  de  sa 
part  méritant  d'eslre  cherenlent  conservé,  mais  j'ay  creu  que  vous 
l'aymeriez  encores  mieux  recouvrer  en  Testât  qu'elle  est  que  par  la 
coppie  que  j'en  ay  retenue,  ayant  regretté  la  perte  de  tant  de  genls  de 
lettres  dont  il  y  a  cotté  le  decez,  et  particulièrement  du  pauvre  Hos- 
weidus  ^,  qu'il  n'eust  préalablement  donné  au  public  cez  bons  autheurs, 
et  grands  recueils  des  vies  de  Saincts  qu'd  promettoit^.  Mais  je  crois 
que  cet  Hugonius*  est  encores  plus  à  plaindre,  car  il  y  avoit  du  plaisir 
à  lisre  ce  siège  de  Breda-'  et  aultres  opuscules  qui  estoient  sortys  de 
ses  mains*.  Je  ne  plaignois  que  de  le  voir  attacbé  à  l'Espagne \  au  lieu 
que  j'eusse  désiré  qu'il  eust  employé  une  si  gentile  plume  pour  la 
■France.  Je  verray  bien  volontiers  ce  qu'on  promet  de  luy  la  foire  pro- 

'  Voir,  sur  J.-G.  Gevaerls,  le  tome  I.  entra  dans  la  compagnie  de  Jésus  en  i6o5, 

p.  i3.  fut  prof.'sscur  d'humanités  à  Anvers,  préfet 

'  Héribert  Roswei<lc,   iîc  à   Utrecht   en  des  études  à  BriL\elles,  devint  l'aumônier 

1669,  entra  dans  la  compagnie  de  Jésus  du  général  Ambroise  Spinolo  et  mourut  de 

en  J589,  professa  la  philosophie  et  la  théo-  la  peste,  le  lo  septembre  1629,  dans  le 

logie  à  Douai  et  k  Anvers,  et  mourut  dans  camp  de  l'armée  espagnole,  à  Hhinberg. 

cette  dernière  ville  le  5  octobre  1629.  Voir  '  Obsidio   Bredana    armis    Philippi  JV  : 

la  Bibliothèque  de  la   Coinpaffnie  de  Jésus,  Auspiciis  Isabeltœ  ductu  Ambr.  Spinolœ per- 

I.  III,  in-fol.,  col.  36o-368.  fecta  (Anvers,  imprimerie  Piaiitin,  1629, 

'  On  sait  que  le  P.  Rosweide,  qui  avait  ~ in-fol.). 
publié  en  1607  :  Fasti  Sanctorum  quorum  *  Voir  la  liste  de  ces  autres  opusciJes 
mtœ  in  Belgicis  bibliothccis  manuscriptœ  as-  dans  la  Bibliothèque  des  écrivains  de  la  Com- 
servantur  (1607,  in-8°),  fut,  en  quelque  pngiiie  de  Jésus,  t.  II,  col.  220-223. 
sorte,  le  premier  des  Boilandistes ,  car  ce  '  Le  P.  H.  Hugo  avait  suivi  en  Espagne 
fut  lui  qui  forma  le  plan  des  Acta  sanctonim  le  duc  d'Aschot,  qui  l'avait  nommé  son  con- 
te! (jue  devaient  le  sm'vre  Bollandus  et  ses  fesseur.  Attaché  ensuite  comme  aumônier  à 
continuateurs.  Spinola,  il  le  suivit  dans  toutes  ses  expédi- 

"  Hei-man  Hugo,  né  à  Bruxelles  en  1 588,  lions  militaires. 


[1C30]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  219 

chaîne  De  militia  equestri  anliqua  et  nova'.  Encores  faut-il  regretter 
le  pauvre  bonhomme  Bertius^elsa  géographie  chrestienne,  bien  que 
le  tout  soit  comprins  dans  les  desseings  de  M""  Holstenius  qui  s'en  pourra 
bien  mieux  acquitter,  mais  toiisjours  son  édition  n'eust  point  esté  inu- 
tile, et  eiist  possible  iaict  haster  celle  de  M'  Holstenius,  induisant  se» 
patrons  à  la  luy  faire  mettre  au  jour  plus  test.  La  harangue  de 
M'  de  Léon  ^  et  la  relation  de  M'  des  Hayes*  m'ont  esté  bien  agréables, 
pour  voir  Testât  des  affaires  courantes  parmy  cez  sortes  de  gents  dont 
ils  parlent,  et  l'edict  des  maisons  régulières  est  bien  notable  de  la  main 
d'où  il  vient;  il  fauldra  voir  ce  règlement  du  conseil  dont  on  faict 
feste,  et  s'il  pourra  estre  mieux  observé  que  les  précédants.  J'ay  esté 
bien  aise  d'apprendre  que  M'  Deodati  se  porte  bien  et  soit  prez  de  vous; 
s'il  y  est  encores  à  l'arrivée  de  la  présente,  vous  m'obligerez  de  l'as- 
seurer  de  mon  humble  service  et  de  l'obligation  que  je  luy  ay  d'un 
exemplaire  de  sa  dernière  édition  du  concile^,  qu'il  a  dict  me  voidoir 
despartir.  Mais  j'ay  esté  tout  transporté  de  joye  à  la  nouvelle  de  l'arrivée 
du  sieur  Samuel  Petit  de  par  delà,  à  cause  delà  grande  peine  où  j'avois 
esté  de  luy  pendant  les  bruicts  qui  couroient  de  la  maladie  de  Nismes, 
où  l'on  m'avoit  donné  de  grands  ombrages  qu'il  ne  luy  fust  mesadvenu, 
ce  qui  m'avoit  grandement  r'engregé  la  douleur  que  me  donnoient  les 
maux  de  noz  quartiers.  Je  loiie  Dieu  de  le  voir  eschappé,  et  luy  sou- 
haicte  aultant  de  santé,  do  repos  d'esprit  et  de  contentement  qu'à  moy 
mesmes.  Ayant  prins  un  singulier  plaisir  d'entendre  le  goust  que  vous 
ont  donné  les  eschantillons  qu'il  vous  a  mis  en  main  de  son  Plante, 
qu'il  faut  luy  faire  donner  au  public*,  et  moyenner  de  luy  faire  re- 


'  De  militia  equestri  antiqua  et  nova  ad  '  Sur  Cliarios  Bi'ulart,  prieur  de  Ijéon. 

llegem  Philippum  IV  libri  quinque  (Anvers,  voir  t.  I,  p.  4. 

i63o,  iii-fol.).  On  possi'dnit  df'jà  de  cet  ou-  '  Sur  le  voyageur  Des  Hayes,  twron  de 

vrago  une  ddilion  qui  avait  i!té  faite  éga-  Gormenin,  voir  t.  I,  p.  Sag-SSo. 
lemenl  in-folio  h  Bruxelles  en  1698.  '  Il  s'agit   de  l'iiistoire  du  Concile  de 

'  Rap|)elons    cjue    Pierre    Bertius    ('(ait  Trente  par  Paoio  Sarpi. 
mort  le  3  octobre  16a 9,  kgé  de  soixante-  *  Le  Plante  de  Samuel  Petit  ne  devait 

quatre  ans.  jamais  voir  le  jour. 

■8. 


220  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630] 

mettre  les  plunietifs^  de  feu  Passerai^  qui  estoient  ez  mains  du  feu  li- 
braire MoreP,  car  il  en  retirera  sans  doubte  ce  que  d'aultres  ne  sçau- 
roient  deschiffrer,  sçaichant  comme  il  sçaict  par  coeur,  s'il  fault  ainsin 
dire,  le  fonds  de  cet  autlieur.  Je  suis  bien  fasché  que  l'homme  qu'il 
m'envoyoit  ne  peult  passer,  car  il  m'eust  oslc  d'une  grande  peine  où 
j'ay  esté  jusques  à  présent,  et  mes  lettres  eussent  peu  arriver  plus  à 
temps  pour  ce  qui  est  de  la  cour,  dont  je  crains  bien  l'esloignement  de 
Paris  plustost  qu'il  ne  faiildroit  pour  luy.  Mais  à  tout  hazard  je  ne 
laisse  pas  de  luy  en  envoyer  quelques  unes,  bien  que  là  où  vous  estes, 
il  ne  m'appartienne  pas  de  m'en  mesler,  veu  la  commodité  que  vous 
avez  dans  l'académie,  sans  bouger  do  chez  vous,  de  luy  procurer  toute 
sorte  d'entrée  et  défavorable  accueil  partout  où  il  voudra  s'introduire, 
comme  je  m'asseure  que  vous  aurez  desja  faict.  J'escripts  enlr'aultres  à 
Ms'  le  cardinal  Bagny  qui  m'en  demandoit  des  nouvelles,  et  le  verra 
fort  volontiers*.  H  fauldrà  que  vous  le  luy  meniez  un  jour  si  faict  n'a 
esté,  et  que  luy  fassiez  trouver  bon  de  le  faire  quand  on  l'en  vouldroit 
divertir.  Car  d  luy  importe  plus  qu'il  ne  pense  de  faire  ce  coup  là,  dont 
il  n'aura  jamais  de  subject  de  s'en  repentir.  Ce  que  vous  m'escrivez 
de  cette  promotion  et  de  l'applaudissement  avec  quoy  elle  a  esté 
receije  en  cour  m'a  esté  fort  agréable.  On  en  escript  aullant  de  Rome, 


'  G'esl-à-dire  les  brouillons,  les  notes. 
On  sait  que  le  mot  plumetif  (aujourd'hui 
plumitif)  désignait  le  papier  sur  lequel  on 
écrivait  les  notes  d'audience  destinées  à  pré- 
|)arer  le  jugement  définitif. 

'  Empruntant  une  note  au  fascicule  XIV 
des  Correspondanls  de  Peiresc  (Samuel 
Petit,  p.  60) ,  je  redirai  :  rr  Jean  Passerat,  né 
à  Troyes  en  i534,  mort  à  Paris  en  1609, 
est  trop  célèbre  h  la  fois  conmie  poète , 
comme  érudit ,  comme  professeur,  pour  que 
je  ne  me  contente  pas  de  saluer,  en  passant, 
sa  triple  renommée.  » 

'  Dans  la  lettre  de  S.  Petit  h  Peiresc  a 
laquelle  se  rattache  la  note  que  je  viens 


de  citer,  lettre  datée  du  28  septembre 
i63i,  on  lit  ceci  :  «...avant  lequel  [re- 
tour] je  me  seray  entretenu,  Dieu  aydant, 
avec  M'  Morel,  qui  est  maintenant  à  Franc- 
fort, touchant  le  Plaute  de  Passei-at». 
Le  More!  nommé  en  cette  phrase  était 
Charles  Morel,  imprimeur  du  roi,  fils  de 
Claude,  iiussi  imprimeur  du  roi,  et  pelil- 
lils  de  Frédéric,  qui  fut  également  impri- 
meur du  roi.  Voir  sur  cette  dynastie  d'im- 
primeurs le  tome  I,  p.  117. 

'  Sur  les  relations  de  Samuel  Petit  avec 
le  cardinal  Bagni ,  voir  le  fascicule  XIV  des 
Correspondants  de  Peiresc,  p.  ao,  ai,  Sa, 
36,  etc. 


L1630]  AUX  FREUES  DUPUY.  2J1 

et  s'il  peult  vivre,  j'estime  que  son  mérite  est  pour  le  porter  au  su- 
prême degré  d'honneur,  où  sont  portez  les  gents  de  son  mérite  et  de  la 
condition  où  il  est  parvenu.  Celle  de  M""  nostre  Archevesque  m'est  bien 
aussy  venue  à  souhaict;  je  ne  suis  marry  que  de  ce  qu'il  quille  nostre 
pauvre  église,  laquelle  s'en  seroit  bien  ressentie  s'il  y  eust  demeuré  un 
peu  davantage.  Mais  ce  qui  diminiie  bien  nostre  joye  est  de  voir  que  la 
maladie  nous  descrie,  en  sorte  qu'il  ne  fault  pas  espérer  qu'ils  veuillent 
passer  en  ce  pais  en  prenant  la  routte  de  Home  l'un  et  l'aultre  où  je 
crois  bien  qu'ils  ne  tarderont  pas  d'aller  et  que  cela  nous  ostera  les 
moyens  de  les  voir  en  passant  de  pardeça,  comme  nous  en  eussions 
l'aict  sans  double. 

Pour  le  surplus  de  voz  lettres,  ce  n'est  pas  là  seulement  qu'il  se  parle 
des  miracles  du  cardinal  de  Berule';  on  luy  a  faict  et  rendu  des  vœux 
à  Aix,  bien  ([ue  sans  Tozer  nommer  ne  divulguer,  dont  il  se  prépare  des 
verbaux  d'importance,  mais  que  la  maladie  présente,  qui  s'estoit  jettée 
dans  l'oratoire,  soit  hors  de  la  ville,  comme  elle  n'est  plus  en  cette 
maison  là. 

Puis  que  l'édition  des  œuvres  de  feu  M""  de  Malherbe  est  si  preste  de 
sortir  au  jour'^,  j'estime  qu'il  sera  bon  de  l'attendre,  car  aussy  crois-je 
bien  qu'elle  ne  tardera  pas  d'estre  debittée,  et  possible  nous  espar- 
gnera  elle  de  la  peine  de  bailler  des  pièces  recueillies  de  longue  main, 
que  l'on  aura  possible  eiies  do  pardelî»  meilleures  ou  retouchées  par  l'au- 
theur,  et  nous  serons  plus  asseurez  de  ce  que  nous  pourrons  lournir 
de  nouveau  s'il  y  a  rien  qui  le  vaille.  Je  suis  bien  aise  que  Wostreman' 

'  Pien-o  delJérulledtaitmorlsiibitenienl,  '  LucaR-Emiie  Vorslermnii ,  lit' h  Domine» 

en  disant  In  messe,  le  ao  octobre  1639.  (Pays-Bas)  en  iSgS,  inscrit  sur  les  registres 

Plusieurs  le  regardèrent  comme  uu  saint.  des  bourgeois  d'Anvers  le  98  août  iGso. 

'  Les  poésies  de  l'nmi   de  Peiresc,  qui  cultiva  l'art  de  la  gravure  sous  la  direction 

n'avaienl  point  été  réunies  de  son  vivant,  pa-  de  Rubens  et  devint  l'un  des  piincipaux  iii- 

rureiil  pour  In  première  fois  en  i63o,in-4°,  terprètes  do  l'œuvre  de  l'illustre  maître:  la 

sous  ce  titre  :  Les  Œunres  de  messire  Fran-  Dewenle  de  croix,  la  Balaille  des  Amazone*, 

çoit  de  Malherbe  (Paris,  Ch.  Chn])pelain).  Sutanne,  etc.,  sont  des  œuvres  de  premier 

Celte  édition  fut  donn(^>  par  le  cousin  du  onire.  Il  grava  pour  Rubens  les  deux  c«- 

poèle,  poète  lui-même,  Fr.  Arbaud,  sieur  mées  h  peu  près  découverts  par  Peiresc, 

de  Porchères.  celui  de  la  Sainte-ChapeUe  et  celui  de  Vienne. 


222  LETTRES  DE  PEIRESG  [1630] 

se  soit  trouvé  là  pour  tailier  son  poitraict  '  et  vouldrois  bien  que  Gra- 
moisy  luy  eust  faict  tailler  celuy  de  feu  M^  le  garde  des  sceaux  du 
Vair^,  ne  doublant  pas  aussy  qu'il  n'en  fasse  d'aultres  éditions,  où  il 
seroit  bien  employé.  Je  serois  bien  aise  de  sçavoir  ce  que  coustent  de 
telles  plancbes,  et  crois  que  M' l'Evesque  de  Lisieux^,  qui  a  l'original  du 
dernier  portraict  qui  en  fut  faict  de  la  main  de  Porbus'*,  ne  refuseroit 
pas  de  le  prester  à  si  bonne  occasion.  Pour  les  images  qu'il  tient  en 
vente,  vous  m'avez  faict  plaisir  singulier  d'acbepter  cez  beaux  portraicts 
d'hommes  illustres.  Mais  pour  ce  qui  est  des  desseins  de  M'  Rubens, 
où  il  va  tant  d'argent,  il  n'y  a  poinct  de  mal  d'avoir  différé  à  un  aultre 
temps,  qu'il  fauldra  faire  le  recueil  bien  entier  et  bien  assorty,  pour  le 
mettre  en  libvre.  Je  vouldrois  qu'il  luy  eust  prins  fantaisie  de  graver 
comme  cela  les  tableaux  du  dict  sieur  Rubens  de  la  Galerie  de  la  Royne 
mère.  Les  desseins  primitifs  que  M""  de  S'  Ambroise^  a  par  devers  luy 
viendroient  bien  à  propos  à  cela,  et  la  Royne  en  feroit,  je  m'asseure, 
la  despence  plus  volontiers  que  l'on  ne  pourroit  penser.  En  la  dernière 


Vorsterman  habita  quelque  temps  l'Angle- 
terre et  la  France.  De  retour  à  Anvers 
en  i63i,  il  y  mourut  en  1667.  Voir  sur 
ce  grand  artiste  le  Pierre-Paul  Rubens  de 
M.  Ruelens,  1877,  p.  87-98. 

'  M.  Ludovic  Lalanne  a  publié  dans  le 
tome  I  des  Œuvres  complètes  de  Malherbe, 
à  la  suite  de  la  Notice  biographique,  une 
excellente  ëtude  sur  les  Portraits  de  Malherbe. 
Ten  détache  ces  lignes  (p.  cxxvii)  :  irC'est  le 
portrait  fait  pom-  Peiresc  [par  Daniel  Du- 
monstier]  et  représentant  Malherbe  à  l'âge 
d'environ  cinquante-trois  ans,  qui  fut  gravé 
après  sa  mort,  d'abord  par  Vorsterman  pour 
orner  la  première  édition  de  ses  œuvres 
(i63o),  puis  par  Briot.  Ces  deux  gravures, 
fort  belles,  ont  servi  de  types  h  cette  multi- 
tude de  porti-aits  de  toute  grandeur  pubUés 
depuis  le  xvii"  siècle,  et  qui,  altérés  succes- 
sivement ,  ont  fini  par  devenir  complètement 
méconnaissables.  Le  portrait  qui  accompagne 


notre  édition  est  une  reproduction  fidèle  de 
la  gravin-e  de  Vorsterman.» 

'  Sur  les  portraits  de  Guillaume  du  Vair, 
voir  la  Liste  de  portraits  des  François  illustres 
dans  le  tome  IV  du  recueil  Lelong-Fon- 
telte,  p.  978.  Un  des  plus  remarquables 
portraits  du  grand  ami  de  Peiresc  est  celui 
de  Finsonius  (Louis  Finson,  de  Bruges), 
gravé  par  Gundier  en  1794. 

'  Guillaume  AHeaume ,  neveu  et  succes- 
seur sur  le  siège  de  Lisieux  de  Guillaume 
du  Vair  (i699-i634).  Voir  sur  ce  prélat  le 
tome  I ,  p.  9  0 1 . 

'  Franz  Porbus,  dit  le  Jeune,  naquit  h 
Anvers  en  1670  et  mourut  à  Paris  en  1699. 
Le  Musée  du  Louvre  possède ,  entre  autres 
belles  toiles  de  ce  peintre ,  le  portrait  dont  il 
est  ici  question. 

'  Sur  Claude  Maugis,  abbé  de  Saint- 
Ambroise  de  Bourges,  voir  le  tome  I, 
p.  7.H9. 


[1630]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  223 

lettre  que  je  leceus  de  M'  Hubens,  il  tesraoignoit  désirer  de  voir  cez 
petits  suppléments  des  Anecdota  de  Procope  dont  le  sieur  Bosweld  luy 
avoit  laict  grande  leste'.  Si  j'en  eusse  eu  icy  ce  que  j'en  avois  retenu 
sur  mon  exemplaire,  je  luy  en  eusse  envoyé  coppie  et  [>ense  que  vous 
ferez  bien  de  la  luy  envoyer,  pour  luy  en  faire  passer  l'envie  au  cas 
qu'il  ne  l'eust  encore  eiie.  Il  me  laisse  encores  quelque  espérance  de 
repasser  en  Italie,  et  de  se  laisser  voir  icy  comme  il  m'a  voit  cy  devant 
promis^,  et  crois  qu'il  l'eusse  bien  plus  asseurement  faict  que  M' de  ïliou , 
s'il  eust  passé  à  3o  lieues  dicy.  Mais  je  n'estois  pas  digue  de  ce  con- 
tentement, non  plus  que  de  celuy  que  j'eusse  eu  si  M' de  Tliou  nous 
eust  bonoré  de  sa  visite  en  ce  lieu  cy.  J'ay  apprins  fort  volontiers  ce 
qu'il  vous  plaict  m'escrire  de  l'arrivée  en  bonne  santé  des  sieurs  Gobert 
et  le  Jeune,  dont  j'avois  bien  esté  en  peine,  et  leur  sçay  bien  bon  gré 
de  tant  do  bonne  volonté  qu'ils  vous  ont  tesmoigné  d'avoir  encores  pour 
moy.  Le  sieur  Gobert  lu'avoit  comniancé  des  plans  et  desseins  de  cer- 
taines fabriques^  antiques,  enclavées  dans  nostre  Palais  d'Aix,  où  il 
manqiioit  eiicores  la  principale  pièce  qui  estoit  de  l'elevatioa  eu  per- 
spective de  toute  la  fabrique  d'une  seule  veiie,  laquelle  il  me  promit 
de  faire  à  sa  première  commodité  sur  les  plumelifs  qu'il  en  a  retenus*. 
Je  vouldrois  bien  qu'il  le  fil,  et  s'il  vous  revient  en  rencontre  ou  que  le 
puissiez  envoyer  quérir,  vous  m'obligerez  grandement  de  l'en  semondre 
et  plus  tost  luy  oiTrir  quelque  escu,  afin  que  le  reste  du  travail  que 


'  Lettre  déjà  citée,  du  9  avril  1639,  d'ii près 
le  recueil  d'Eiiiilo  Cachet  où  le  texte  est 
publié  (p.  aSa-aS/i)  et  où  ia  Iriidiii-tioii  est 
dounée  (p.  a35-:i38).  Rubens  aiinouce  que 
le  secrétaire  Boswel  a  promis  de  lui  coiu- 
nnuiiquer  des  fragments  de  l'histoire  anec- 
dotique  de  Procope,  touchant  les  déhanches 
de  Théodorn ,  fragments  omis  dans  l'i-dition 
d'Alcmamii,  (tpar  modestie  et  par  pudeur 
sans  doute ,  et  que  l'on  a  retrouvés  depuis  et 
extraits  d'un  manuscrit  du  Vatican". 

'  Ou  lit  dans  la  lettre  citée  ù  la  note  pré- 
cédente (p.  987  du  Recueil  Cachet)  :  -rJe 


n'ai  point  perdu  l'espoir  d'accomplir  mon 
pèlerinage  en  Italie  ;  mon  désir  ne  fait  même 
que  s'accroître  d'he>w«  ei»  hfure,  rt  je  vouii 
a»3ure  que  si  la  fortune  ne  me  le  pecaiet 
pas,  je  ne  saurais  mourir  content.  Vous  pou- 
vez être  sur  qu'en  allant  ou  en  revenant ,  mais 
plutôt  en  allant,  je  viendrai  vous  présenter 
mes  civilités  dans  voir»'  fortunée  Provence, 
et  ce  sera  le  plus  grand  bonheur  qui  puisse 
m'arriver  eu  ce  monde.  » 

'  Fabni/ues ,  c'est-à-dire  construclious. 

'  Plumctif  signilie  ici  croquis,  rapides 
traits  de  plume. 


22A  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630] 

j'ay  de  luy  sur  ce  subject  qui  est  grand  ne  soit  pas  deffectueux  de  cette 
pièce,  qui  est  de  plus  d'apparance  que  tout  le  reste.  Ils  doivent  bien 
louer  Dieu  d'estre  sortis  d'Aix,  car  la  maladie  se  fourra  dans  la  maison 
d'ofi  ils  sortirent,  dans  huit  ou  dix  jours  aprez  leur  partement,  et  ils 
auroient  tant  paty  et  estoient  si  mal  habituez,  qu'ils  n'en  fussent  jamais 
eschappez,  les  pauvres  gents.  En  un  besoing  le  dict  sieur  Lejeune  pour- 
roit  contretirer  le  dessein  dont  je  vous  escrivis  quelque  temps  y  a,  de 
la  cène  représentée  en  forme  de  cigma  en  la  basse  marge  d'un  Nou- 
veau Testament  Grec  m[anu]s[crit]  de  la  bibliothèque  du  Roy.  Si  ce 
n'est  que  le  sieur  Perdreau  peinctre,  à  qui  j'escrivis  lors  pour  cet  effect  •, 
et  qui  hante  fort  chez  M'  Aubery,  l'aye  faict  luy  mesmes,  ou  faict  faire 
par  aultre  de  ses  amys. 

Mais  j'ay  bien  de  l'obligation  au  dict  sieur  Aubery  de  la  double 
coppie  de  son  registre  de  Léon  X ,  qui  est  une  grande  surcharge  aprez 
une  infinité  d'aultres  obligations  dont  il  m'a  comblé  en  mille  façons, 
avec  des  livres,  papiers  et  anticailles  des  plus  curieuses  sortes  que  je 
pouvois  avoir,  de  façon  que  je  suis  en  toutes  les  peines  du  monde  à 
trouver  quelque  moyen  de  revanche,  et  si  soubs  main  vous  pouviez  des- 
couvrir quelque  chose  de  son  goust,  soit  libvres,  ou  tableaux  ou  aul- 
tres,  vous  m'obligeriez  infiniment  d'y  faire  employer  de  l'argent,  et  le 
luy  faire  donner  de  ma  part;  j'envoyeray  r'affraischir  les  lettres  de  credict 
tout  exprez,  vous  suppliant  de  croire  que  vous  ne  sçauriez  me  rendre 
de  meilleurs  offices,  ne  plus  à  mon  gré  que  seroit  celuy  là,  estant 
descontenancé  comme  je  suis  de  ne  sçavoir  comme  entrer  en  quelque 
partie  d'acquittement  de  si  grosses  debtes.  Que  si  vous  descouvriez  aussy 
que  de  ce  costé  de  deçà  il  y  eust  moyen  de  luy  envoyer  chose  de  son 
goust,  vous  m'obligeriez  bien  de  m'en  advertir. 

Au  reste  j'ay  esté  scandalizé  d'apprendre  qu'en  l'édition  des  conciles 
de  France  ^,  on  ay t  supprimé  et  chastré  des  choses  non  ignorées  regar- 

'  Dans   le   volume    de    l'Inguimbertine  «à     M'    Perdreau,     peintre,    à     Paris», 

qui   renferme  les  minutes   des  Lettres  de  ^  Concilia  antiqua  Gallim ,  très  in  toinos 

Peiresc    aux    frères    Dupuy,    on    trouve  ordine  digesta. .  .  opéra  et  studio  Sirmondi 

{ fol.  aoi)  une  lettre  du  ao  novembre  lôag  (Paris,  Séb.  Cramoisy,  lôag,  3  vol.  in-fol.). 


[1630]  AUX  FKERES  DUPUY.  225 

fiants  la  grandeur  do  noz  Roys,  et  aurois  bien  doubtr-  que  cela  fust  fai- 
sable dans  les  pièces  rn[anu|s[crite]s  dont  les  orijjinaulx  se  pouvoicnt 
brusicr,  mais  en  ce  <|ui  se  Irouvoit  ailleurs,  je  ne  trouve  pas  qu'il  soit 
pardonnable,  bien  qu'aux  rn[anu]s[crit]s  niesnies,  ce  soit  une  espèce  de 
sacrilège  (|ui  lest  ou  tard  se  peult  descouvrir  et  vérifier,  attendu  que 
souvent  on  pense  avoir  des  m[anu]s[crit]s  uniques  dont  il  se  trouve 
bien  des  co|)pies  avec  le  temps.  Le  bon  P.  Morin  est  bien  plus  louable 
de  n'avoir  rien  desguisé  de  la  vérité,  et  me  tardera  bien  de  voir  son 
Constantin',  niais  je  ne  pense  pas  qu'il  y  faille  penser  de  cette  anm^e 
si  ce  n'est  par  la  voye  de  la  mer,  et  par  le  destroit  de  Gibraltare.  Veu 
mesmes  qu'on  asseure  depuis  peu  que  la  maladie  y  a  regrillé'-  durant 
la  foire  des  Roys  dernière,  aussy  bien  qu'à  Narbonhe,  ce  qui  tiendra 
le  monde  en  detfiance  toute  l'année,  et  tant  que  l'on  verra  l'air  de  deçà 
disposé  à  la  contagion.  Toutefoys  j'ay  escripl  (pour  trouver  une  voye 
plus  briefve)  de  faire  venir  un  petit  ballot  de  Genève  que  M'  Godefroy 
m'avoit  retenu  dez  l'année  dernière,  avec  cliarge  de  le  faire  emballer, 
et  sceller  par  dessus  de  la  balle  de  plond)  de  la  republique  de  Genève, 
et  d'y  joindre  un  certificat  du  dict  emballage  et  scellé,  ensemble  de  son 
partement  pour  venir  par  Lyon  sans  y  estre  desballé,  et  descendre 


'  Histoire  de  la  délivrance  de  l'Eglise 
chrétienne  par  l'empereur  Constantin  et  de  la 
grandeur  et  souveraineté  temporelle  donnée  à 
l'Eglise  romaine  par  les  rois  de  France  (Pa- 
ris, Moreau,  iG3o,  iii-fol.).  Dans  V Essai 
de  bibliographie  oralorienne,  par  le  père 
A. -M. -P.  Ingold  (Paris,  1889),  on  lit 
(p.i  i3)cellenoleemprunléeaiix  nianuscrils 
de  Batterel  :  trLe  Pape  et  les  Romains  furent 
blessés  de  en  litre  et  plus  encore  de  la  vi- 
(f nette  qui  est  à  la  tête,  où  Ion  voit  Gliarle- 
niagne  présentant  une  «trte  de  l'Italie  au  pa[x> 
Léon  III  en  lui  disant  :  Ilalos  parère  jubebo , 
et  la  réponse  de  Léon  h  qui  l'on  ^ait  dire  : 
Tu  mihi  quodewnque  hoc  regni.  Ils  ne  pou- 
vaient non  plus  dijTeier  ee  qu'il  dit  du  hnp- 
lême  de  (Innstantin  qu'il  met  non  ù  Home  et 


dans  Saint-Jean  de  Litrnn .  mais  a  iNicomédie. 
\jf  cardinal-neveu  Bar()erin  lui  en  fit  faire 
des  reproches.  Le  P.  Morin  eut  beau  pro- 
tester de  son  di-vouemenl  pour  l'hoimeur  du 
Saint-Siège  sur  le(juel  il  prétendait  avoir  fait 
des  preuves  suffisamment.  Les  Romains,  qui 
savent  mieux  que  personne  de  quelle  va- 
leur sont  les  lielli  s  paroles,  ne  s<>  payèi-eiil 
|>oint  de  celle  monnaie  et  i.e  fiirent  pas 
contents  ipie  le  P.  Morin  n'eût  promis  de 
salisfai;e  par  des  effets  et  des  changements 
i-éels  h  la  première  édition  de  son  livre, 
mais  cette  deuxième  édition  est  encore  à 
Caire.  1 

'  L'expression  regriller,  pour  redoubler, 
sr  renforcer,  n'a .  ce  me  semble ,  été  re- 
cueillie dans  aucun  de  nos  dictionnaires. 

»9 


tHFIIHIMt    SlTieiiâl.>. 


226  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630] 

par  la  rivière  du  Rosne  jusques  à  la  mer,  et  puis  aller  demeurer  aux 
isles  de  Marseille  entre  les  mains  des  intendants  de  la  santé  et  purifi- 
cateurs' de  marchandises  venants  de  lieux  suspects,  aultant  de  temps 
qu'il  leur  plairra,  et  aprez  nous  les  envoyerons  quérir  là.  Si  cette  voye 
peut  reuscir,  je  vous  prieray  de  faire  venir  ce  que  j'ay  à  Paris,  soubs 
les  mesmes  précautions  et  adresses,  mais  il  faull  attendre  encores  un 
peu,  pour  voir  comment  cecy  pourra  succéder,  car  aulcuns  m'en  blas- 
ment  desja,  comme  estant  fort  dangereux  que  le  tout  ne  se  gaste  et 
qu'il  ne  s'en  perde  une  partie.  Mais  encores  faut  il  hazarder  quelque 
cliose  en  la  nécessité.  J'ay  veu  le  roolle  des  livres  de  la  foire  qu'il  vous 
a  pieu  me  retenir,  que  je  trouve  choixsis  trez  tous ^  de  trez  bonne  main, 
et  où  il  n'y  a  rien  à  retrancher,  n'ayant  pas  le  Cremonin^,  et  pour  les 
aphorismes  d'Hippocrate,  l'édition  d'Elzevir  a  droict  de  preferance  sur 
toutes  les  aullres  que  l'on  sçauroit  avoir*.  Je  ne  plains  que  le  temps 
qu'il  nous  les  fauldra  attendre;  cependant  je  verrois  volontiers  un  exem- 
plaire de  cez  deux  feuilles  in  fol"  des  Additions  de  Keplerus  aux  Tables 
Rudolphines,  Car  bien  qu'elles  se  gastassent  un  peu,  la  perte  n'en  se- 
roit  pas  comparable  au  plaisir  de  les  voir  s'il  y  a  rien  de  notable 
comme  il  y  a  apparance.  Et  si  cette  epistre  de  Keplerus  in  1)°  en  vault 
la  peine  ^,  on  l'y  pourroit  joindre.  Je  sçaurois  volontiers  par  mesme 
moyen  oii  va  chercher  les  origines  de  la  Généalogie  d'Autriche,  cet 

'  Sous  le  mol  purificateur  Lillré  n'a  cite  générale),  etc.  Dans  ce  dernier  recueil  ou 

qu'une  phrase  de  Voltaire.  Lie  mot  ne  se  trouve  une  ample  liste  d'auteurs  à  co:isulter 

trouve,  du  reste,' ni  dans  le  Dictionnaire  de  sur  Créinoiiini.  Je  ne  puis  dire  lequel  des 

Richelet,  ni  dans  le  Dictionnaire  de  Tri'voux.  très  nombreux  ouvrages  du  philosophe  Pei- 

"  Cette  sorte  de  nuperiatif  du  mot  tous  resc  avait  désird.  Quatre  ans  ])lus  tard,  les 

n'a  pas  lita  indiqviée  par  Litlré.  Je  ne  le  i-e-  Elzevier  devaient  publier:  Qesar  Cremoiiinus 

trouve  pas  dans  les  recueils  de  SL's  devanciers.  Centensis  de  Calido  intiato,  et  semine,  pru 

G^sar  Crénioiiiiii  naquit  à  Ccnto ,  dans  Arislolek  adversus  Galenum  {Leyde ,  i634. 

le  ducht-  de  Modène,en  i55o,  professa  la  in-.3a). 

philosophie  à  P'errare,  puis  à  Padoue,  et  '  Aphorisini  Hippocratis.  Ex  vecognilionc 

mourut  de  la  peste  dans  cette  dernière  ville  A.  Vorstii{he\Ae,  1628,  in-24). 
en  i63i.  Voir  sur  cet  écrivain  Bayle  {Die-  ^  Ad  epistolam  Jacohi  Bartschii  prœfixam 

tionnaire  critique),    Ginguenu    {Biographie  Ephemeridi  aimi  i6ag  ,  responsio  de  Compu- 

universelle),  J.  ïissot  {Nouvelle  biographie  tatioiw  Ephemeridum  {Sagan,  1629,  in-/i°). 


1()30J  AUX  FRÈRKS  DIPUY.  -227 

Oclavius  Strada  ',  et  s'il  a  rien  descouvert  dt;  nouveau,  doiitM'Godelroy 
et  M''  du  Cliesue  seront  desja  esclaircis,  si  vous  leur  en  parlez  comme 
je  vous  en  supplie,  et  de  leur  en  faire  mes  trez  humbles  recommanda- 
tions. Je  suis  bien  aise  qu'avez  aussy  priiis  le  siège  de  Grolle,  et  quand 
trouveriez  ce  petit  itinéraire  d'Elzevir  Godefredi  Hegenitii,  etc.  18,  qui 
est  au  catalogue  de  Francfort,  il  n'y  auroit  poinct  de  mal*.  Et  le  traicté 
des  Schismes  ((jui  estenroollé  au  mesmc  cha|)itre  d'Auspourg)  in  8",  et 
le  Petronius  d'Aiit.  Gonsal.  de  Salas,  de  Francfort  Ix"^  avec  ce  volume 
Rerum  German.  Septentrionalium  Erpoldi  Lindembrogi,  ibid.^  fol"  (si 
ce  n'est  chose  vieille  refaicte  seulement  pour  le  premier  feuillet,  comme 
font  souvent  cez  libraires  quand  ils  ne  peuvent  s'en  deflaire) ,  et  les  II chro- 
niques de  Trilhemius  ^  de  Freherus^  si  c'est  auitre  chose  que  ce  que 
nous  avons.  Monumenta  Sepulchralia  Brabantiœ  de  Swertius  8",  cet 
auitre  Petronius  tant  de  Loticchius*  que  de  Brassianus  et  aultres,  car 


'  Genealogia  et  séries  Auslrice  ducum,  ar- 
chiducum ,  rcffum  cl  iinperatorum  a  liudolplio  I 
ad  Ferdiiimiduni  (Frnncfort,  161 5). 

'  Golf.  Heffeniti  itincrarimn  Frisio-Uottaii- 
dicum,  et  Abr.  Ortetii  itinerarium  Gallo-Bra- 
banticum.  In  quibiis  quw  visu,  quœ  lectu 
di/fiia  (Leyde,  i63o,  iii-18). 

'  L'tyition  de  Salas  a  été  Burlout  a|>- 
préci(«  à  cause  du  commentaire  que  l'on  a 
reproiluif  dans  l'éditiou  du  Sali/ncoit  donni'e 
par  Uurinanit  (Amsterdam,  17^48,  9  vol. 
in-i"). 

*  Ce  recueil  avait  paru  pour  la  première 
fois  en  lôgô  (Hand)ourg,  in-fol.).  Une  nou- 
velle édition  l'ut  donnée  au  comnicnernicnt  du 
XVIII*  siècle  :  Scriplores  rerum,  rtc. ,  cum  novo 
auctario,  J.  Alb.  Fabricii  (Hambourg',  1706, 
in-fol.).  Erpold  Lindebrog  naquit  à  Itiénie 
vers  i54o,  fut  chanoine  au  chapitre  luthé- 
rien de  Hambourg  et  mourut  le  30  juin 
i6i6. 

'  Les  deux  chroni(jues  de  Jean  Tritlième, 
abbé  de  Spanheiiu,  sont  la  Chronique  d'IIir- 


saufje  et  la  Chronique  de  Spanheim.  Voir,  sur 
ces  ouvrages  et  sur  les  autres  ouvrages  d 
Trithènie,  l'excellent  article  de  Dannou  dans 
la  Bioffraphie  universelle. 

"  Marquard  Freher  a  reproduit  les  deux 
chroniques  de  Tritlième  et  sept  autres  ou- 
vrages de  ce  polygrapho  dans  un  recueil 
intitulé  Opéra  hislorica  (Francfort,  1601, 
in-fol.). 

'  Le  titre  réel  de  l'ouvrage  de  Swcert  est 
celui-ci  :  Monumenta  »epulcralia  et  iruerip- 
tiones  Ducalus  Rrabanliœ  (Anvers,  161 3, 
in-8»). 

'  On  lit  dans  \'Hi»toirt  littéraire  de  la 
France,  par  les  Bénédictin?  (t.  I,  p.  ao'i): 
frCe  que  l'on  avoit  déjà  vu  en  it>i8,  on  le 
vit  encore  en  1 699  :  deux  éditions  de  notre 
auteur  tout  à  la  fois.  Pit-rri'  Liotichius  prit 
soin  d'en  pubher  une  h  Francibrt  chez  Wolf- 
gnng  llofinan  en  un  volume  in-4'  avec  les 
Conmientaires  di'  Joseph-Antoine  Gonsale 
de  Solas  (sic).  L'autre  a  été  faite  chez  Jean 
Mercier,  imprimeur  à  Genève  [par  Théodore 

•9. 


228  LETTRES  DE  PEIRESG  [1630] 

on  m'a  emporté  tous  ceux  que  j'avois,  tout  d'un  coup.  Et  finalement 
cette  Philologia  sacra  Bartol.  Mayeri  Lipsiae  8°'  à  cause  de  cez  vocables 
/Egyptiens  qu'il  dict  y  avoir  recueillis.  Car  je  ne  pense  pas  que  ce  gros 
volume  de  Venise  fondes  Conclaves  soit  arrivé  à  Paris,  ni  ce  Philopo- 
nus  gr.  1.  sur  la  Genèse,  de  Vienne '^  nom  plus  que  cette  II  partie  Annal. 
Bojorum  Andreae  Bruiner^  dont  vous  m'avez  envoyé  la  première  que  je 
vis  volontiers,  ne  cez  8  libvres  d'Astrologie  de  Gampanella*  de  qui  il 
semble  qu'il  ne  tault  rien  négliger.  Mais  quand  le  Phil.  Lansbergius^ 
de  motu  terife  h°  sortira"^,  il  le  fauldra  bien  voir  s'il  est  possible  et  si  ce 
ne  vous  est  trop  d'importunité,  et  ce  Diarium  Joannis  Schmidii  Norirn- 
bergae  12"^  Car  pour  l'Optat  de  M""  d'Orléans  qui  est  sur  le  dict  cata- 
logue, je  crois  bien  que  vous  le  nous  eussiez  envoyé  sans  attendre  que 
je  le  demandasse,  s'il  eust  esté  achevé  d'imprimer,  comme  il  ne  l'est 
pas,  ainsin  que  je  fay  apprins  par  uae  lettre  que  l'autheur  m'a  enfin 
escripte  aprez  sept  ou  huict  moys  de  silence,  à  laquelle  j'ay  creu  devoir 
faire  la  responce  que  vous  pourrez  voir,  et  puis  la  faire  cachetler  et 
rendre  soubs  main  comme  bon  vous  semblera. 

H  me  reste  encor  une  prière  à  vous  faire  en  matière  de  livres.  C'est 


(le  Juges].  V  Jean-Pierre  Loticli ,  professeur  de 
médecine  à  l'université  de  Rintelu,  mourut 
en  1669.  Voir  les  éloges  donnés  au  Pétrone 
de  Lolichius  par  Guy  Patin  dans  une  lettre 
à  M.  de  Tournes,  marchand  libraire,  du 
1"  avril  1667  (édition  Reveillé -Parise, 
t.  I,  p.  903).  Conférez  une  lettre  à  Charles 
Spon,  du  7  février  i648  {ibid.,  p.  875). 

'  Philolofftœ  sacrœ  pars  I  seu  prodromus 
Clialdaismi  sncri  (  Leipsick ,  1699,  in-S'  ). 

'  Joannis  Philoponi  in  cap.  1.  Geneseos  de 
Mundi  creatione  libri  seplem .  .  .  hilerprele 
Ballhazare  Corderio ,  Anluerp. ,  etc.  (Vienne, 
i63o,  in-4°).  Voir  sur  Ralthazar  Corder 
(né  h  Anvers  en  159a,  mort  à  Rome  en 
l65o)  la  Bibliothèque  des  auteurs  de  la 
Compagnie  de  Jésus ,  t.  1,  in-fol. ,  col.  1875. 

^  Voir  sur  le  jésuite  André  Brunner,  notre 


tome  I,  p.  86.  I^a  première  partie  des  Anna- 
lium  virtutis  et  fortmuB  Boiorum  avait  pani 
en  1626.  La  seconde  partie  parut  en  1629. 

'  Astrologicorum  libri  VI  (Lyon,  1699, 
in-li'). 

'  Philippe  I.,ansberg,  mathématicien  et 
astronome,  naquit  en  1061  dans  la  Zélande; 
il  mourut  en  novembre  1689. 

°  Peiresc  veut  parler  de  :  Commentationes 
in  molum  terrœ  diurnum  et  annumn,  et  in  ve- 
rum  adspectabilis  coeli  typum,  1629,  traduit 
du  hollandais  en  latin  par  Martin  Hortensius 
(Middelbourg,  iG8o,  in-i°)  et  en  français 
par  N.  Goubard  {ibid.,  i638,  in-fol.). 

'  Le  titre  complet  est  :  Diarium  historicum 
(Nuremberg,  1680).  Peiresc  attribue  au  vo- 
lume le  format  in-i  9  ;  d'autres  lui  attribuent 
le  format  in-8°. 


|16:50|  AUX  FIIÈHKS  DUPUY.  229 

cju'il  vous  plaise  me  faire  achepter  jusqucs  àqiiallre  exeinplaireit,  si  aul- 
lanl  s'en  peuvent  trouver,  d'une  petite  Bible  Hébraïque  de  Leydeu  des 
hoirs  de  liaphelengius',  qui  est  in-i8  ou  possible  plus  petite,  et  se 
souloit  vendre  ù  Lyon  jusques  à  quattre  francs  pièce.  Mais  il  y  en  avoit 
des  feuilles  mal  imprimées,  dont  l'ancre  avoit  esté  mal  empreinte.  C'est 
un  de  mes  amys  qui  en  a  besoing,  lequel  je  vouidrois  bien  servir  à 
son  goust,  s'il  esloit  possible,  et  il  vouldroit  esviter,  s'il  pouvoit,  qu'il 
n'y  eust  de  cez  feuilles  ainsin  mal  marquées;  sinon,  encores  les  aymera- 
t-il  mieux  ainsin  que  de  n'en  avoir  poinct.  Que  si  Elzevir  les  a  réim- 
primées, comme  je  le  pense''',  et  que  l'on  tienne  l'impression  meil- 
leure, il  en  fauldroit  prendre  un  exemplaire,  et  les  trois  aultres,  de 
l'édition  de  Rapbelengius  qui  est  de  l'année  870  au  compute  des  ra- 
bins.  Et  s'il  ne  s'en  trouvoit  poinct  de  ladicte  édition  de  Raphelengius, 
il  vaudroit  mieux  prendre  les  U  exemplaires  de  la  récente  d'EIzevir. 
Mais  comme  ils  sont  petits,  et  que  c'est  pour  envoyer  ailleurs,  on  au- 
roit  besoing  de  les  recevoir  par  la  poste  si  faire  se  peult,  les  envoyant 
à  diverses  foys,  soubs  des  bonnes  enveloppes  de  petit  cartoncin,  pour 
les  defl'endre  du  vinaigre  tant  que  faire  se  pourra,  et  surtout  fauldra 
les  faire  collationner  exactement,  qu'il  n'y  ayt  pas  de  deffecluosité, 
espérant  que  dezhorsmais  les  despesches  iront  et  viendront  plus  ré- 
gulièrement qu'elles  n'ont  faict  l'année  dernière,  principalement  si  on 
peult  venir  à  bout,  comme  l'on  est  aprez,  de  la  translation  de  la  poste 
ordinaire  du  costé  de  Sallon,  où  M""  le  Premier  Présidant  retiendra  les 
miennes  conjoinclement  avec  les  siennes,  et  les  remettra  à  M'  d'Agut, 
qui  de  sa  grâce  a  commancé  un  petit  commerce  avec  moy  d'un  laquay 
qu'il  m'envoye  toutes  les  semaines  jusques  à  Rians,  à  jour  certain,  au- 
quel je  luy  envoyé  un  des  miens,  et  promet  de  continuer,  tant  que 
nous  demeurerons  ainsin  séparez,  au  moyen  de  quoy  nous  n'aurons  plus 

'  François  Rnpheienjjius ,  né  h  Lnnnoy,  '  Peiresc  se  trompait  :  les  Elievier  ne 

près  (le  Lille,  le  -.(7  février  lôSg,  mourut  h  réimprimèrent  pas  la  Bible  hébraïque,  car 

Leyde  le  ao  juillet  1597.  Nul  n'ignore  que  ce  on  n'en  trouve  pas  mention  dans  le  recueil 

gendre  et  associé  de  Christophe  Plnnlin  fut  de  l'impeccable  M.  Alphonse  Willems. 
aussi  habile  imprimeurque  savant  orientaliste. 


230  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630] 

à  appréhender  les  inconvénients  passez ,  et  fauldra  louer  Dieu  de  ce 
qui  est  eschappé,  et  de  ce  que  nous  en  sommes  quittes  à  si  bon  marché, 
en  une  telle  occasion  de  temps  de  malheur,  que  voz  principales  lettres 
sont  enfin  sorties  quoy  que  tard  des  barrières  oii  l'on  affectoit  de  les 
retenir,  et  de  ce  qu'elles  sont  arrivées  en  assez  bon  estât  pour  s'en  con- 
tenter, non  obstant  la  formalité  du  vinaigre,  y  ayant  de  l'apparance 
que  nous  ne  serons  plus  tant  exposez  à  la  discrétion  des  espies  et  des 
envies  qui  ne  pouvoient  supporter  la  consolation  que  nous  apportoient 
en  cet  exil  les  lettres  de  noz  amys,  et  surtout  les  vostres,  sans  les- 
quelles nous  ne  sçaurions  rien  qui  vaille  des  choses  du  monde,  et  en- 
cores  moings  des  livres,  nom  plus  que  si  nous  estions  dans  les  sables 
de  Libye,  de  ce  qu'au  contraire  bien  que  nous  soyons  comme  au  milieu 
d'un  désert,  bien  esioignez  de  tout  commerce  et  communication,  voz 
lettres  arrivants  nous  transportent  en  un  moment  jusques  au  milieu  de 
vostre  académie,  voire  du  cabinet  du  Louvre,  qui  n'est  pas  une  petite 
félicité  pour  ceux  qui  ayment  mieux  estre  dans  une  grande  tranquilité 
d'esprit  plus  tost  loing  que  prez  de  la  Cour,  et  qui  ont  neantmoings 
assez  de  curiosité  pour  en  apprendre  volontiers  des  nouvelles  si  cer- 
taines comme  sont  celles  qui  viennent  de  vostre  main.  Le  mal  est  que 
nous  ne  sçaurions  rendre  aulcune  revanche,  tout  estant  envieilly  et 
trop  desguisé  avant  qu'il  parvienne  jusques  à  nous.  Mais  ce  nest  pas 
pour  le  retour  aussy  que  vous  distribuez  voz  bienfaicts  à  voz  serviteurs, 
et  estes  accoustumé  à  vous  contenter  de  leur  seule  bonne  volonté 
(laquelle  ne  manquera  jamais  en  nous)  aultant  que  si  les  effects  y  es- 
toient  joincts,  comme  nous  les  y  joindrions  de  bon  cœur  si  nous  le  pou- 
vions. Il  suffira  donc  à  l'advenir  dadjouster  sur  noz  enveloppes  un 
petit  mot  de  recommandation  à  M"^  le  conseiller  d'Agut,  et  je  prieray 
M"^  Jacquet  de  les  faire  mettre  soubs  l'enveloppe  de  M' le  premier  pré- 
sidant d'Oppede.  Si  ce  n'est  qu'il  vous  pleut  (suyvant  la  prière  que  je 
vous  en  avois  desja  faicte)  d'y  faire  adjouster  vous  mesmes  une  enveloppe 
au  dict  seigneur  Premier  Présidant,  sans  vous  astreindre  à  luy  escrire 
pour  tout  cela,  car  il  ne  le  trouvera  pas  mauvais.  Que  si  vous  pouviez 
quelques  foys  faire  mettre  entre  son  enveloppe  et  la  mienne  quelque 


[1630]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  2ii 

petit  mémoire  des  nouvelles  qui  se  peuvent  escrire  communément  et 
que  Quentin  pourvoit  aller  transcrire  tous  les  iundys  (en  un  besoin^ 
M""  Gassendy  le  feroit  volontiers  pour  vostre  soulagement  tant  qu'il  sera 
de  pardelà,  car  sans  mentir  j'appréhende  fort  la  surcharge  de  noz  im- 
portunitez  si  fréquentes,  principalement  au  cas  [que  Dieu  ne  veuille) 
que  le  mal  s'estendit  et  nous  empeschat  de  rechef  de  vous  pouvoir 
faire  tenir  noz  lettres,  car  il  ne  laisroit  pas  de  continuer  tousjours  de 
nous  escrire  sans  regret),  cela  seroit  bien  de  meilleure  digestion',  et 
fauldroit  cotter  au  doz  du  dict  mémoire  que  c'est  pour  estre  envoyé  à 
nioy,  ce  que  IV^  d'Oppede  feroit  volontiers  conjoinctement  avec  voz  pac- 
quets.  Mais  j'abuse  bien  de  vostre  patiance  et  de  vostre  desbonnairelé, 
je  vous  en  crie  mercy  et  demeure, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  oteyssant  serviteur, 
DE  Feiresc. 
A  Boysgency,  ce  «7  janvier  i63o. 

Je  n'ay  pas  veu  dans  toutes  voz  lettres  que  vous  ayez  cotté  d'avoir 
faict  rendre  les  papiers  que  j'adressois  à  M'  Guiltard,  qui  se  plaignoit  de 
ne  les  avoir  pas  receus ,  et  je  crains  bien  qu'ils  ne  luy  ayent  faict  faulte  *. 


XLIII 
À   MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

RJJB  DBS  P0ICTEVIN8  PRBZ  SAINT  ANDR^  DES  ARTZ  CHEZ  M'  DB  THOD, 

À  PARIS. 
Monsieur, 
Je  ne  laisray  pas  eschapper  cette  commodité  sans  vous  escripre,  par 
l'un  des  houunes  de  M'  Aubery  qui  s'en  revenant  de  Rome  a  prins  la 

'  Liltré  ne  donne  aucun  exemple  de  celle  les  noms  de  (rois  de  nos  plus  grands  et  plus 

locution (Igurëe.Eti  revanche,  il  cite  plusieurs  pillore8<iues  écrivains,  le  cardinal  de  Reti, 

emplois  de  la  môme  locution  en  sens  con-  M"'  de  Sévignë  et  le  duc  de  Saint-Simon, 
traire,  mctlonl  sous  les  mois  dure  digesUon  '  Vol.  717.  fol.  gS. 


232  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630] 

peine  de  nous  venir  voir  icy,  oiî  il  nous  a  apporté  des  lettres  de  Dom 
du  Puy  du  1  de  ce  moys,  et  de  M'Holstenius  du  i"  décembre  comme 
il  estoit  sur  son  despari  pour  la  Pologne  où  il  s'en  est  allé  porter  le 
bonnet  au  cardinal  Santa  Croce ',  s'estant  chargé  de  voir  en  passant 
tontes  les  plus  belles  bibliothèques  qu'il  trouvera  à  son  chemin,  pour 
en  rendre  compte  au  cardinal  son  maistre^,  qui  est  une  commission 
bien  à  son  goust  à  mon  ad  vis,  cependant  il  aura  moyen  de  voir  l'em- 
pereur^, comme  il  desiroit  long  temps  y  a,  et  rapportera  sans  double 
de  belles  notices  et  singularitez  de  ce  voyage  nonobstant  l'incommodité 
de  la  saison  qui  ne  luy  nuira  poinct  Dieu  aydant,  estant  robuste  comme  il 
est''.  Il  m'escriptun  secret,  que  je  ne  vous doibs  pas  taire  à  vous,  pourl'in- 
terest  du  public  et  pour  le  vostre  particulier,  avec  prière  de  ne  le  poinct 
révéler  à  contretemps,  s'il  vous  plaict,  à  sçavoir  qu'il  a  laissé  en  depos 
à  Dora  du  Puy  vostre  frère  louis  ses  m[anu]s[crit]s  avec  charge  expresse, 
au  cas  que  Dieu  le  voulut  appeller  à  soy  en  ce  voyage,  de  les  faire 
tenir  aux  amys  qu'il  a  dans  Paris,  afin  qu'ils  puissent  un  jour  estre  mis 
en  lumière,  ce  qui  regarde  principalement  vostre  persone,  qui  ne 
veillez  continuellement  qu'à  procurer  du  bien  pour  le  public,  et  la 
postérité.  C'est  pourquoy  il  importoit  que  vous  en  fussiez  adverty  par 
moy  puis  qu'il  m'a  faict  l'honneur  de  m'en  escrire,  aussy  bien  que  par 
le  dépositaire ,  qui  me  mande  qu'il  est  si  scrupuleux  qu'encor  que  le 
fagot  luy  ayt  esté  remis  sans  eslre  cachette,  avec  prière  de  le  visiter, 
il  est  neantmoings  résolu  de  n'y  poinct  toucher  pour  le  luy  rendre  à 
son  retour,  tout  pulceau  et  tel  qu'on  le  luy  avoil  remis.  En  quoy  l'excez 
de  sa  modestie  et  de  son  scrupule  n'est  pas  excusable,  ce  me  semble, 
aussy  me  suis  je  résolu  de  luy  escrire  par  la  première  commodité,  en 
termes  couverts,  et  intelligibles  pourtant,  qu'il  doibt  en  user  avec  plus 


'  Antoine  de  Sainle-Groix ,  frère  de  Silvio 
de  Sainte-Croix ,  archevêque  d'Arles ,  fut  gou- 
verneur de  Viterbe,  accompagna  en  France, 
en  i5a5,  le  cardinal-légal  Fr.  Barberini, 
alla  comme  nonce  à  Varsovie  en  1637,  de- 
vint cardinal  en  1699,  puis  archevêque  de 


Chieli  et  d'Urbin;  il  mounit  le  9  5  novembre 
i64i. 

^  Fr.  Barberini. 

'  Ferdinand  III  (1695-16/17). 

'  Savait-on  que  L.  Holslenius  eût  un  aussi 
vigoureux  tempérament? 


[1630]  AUX  FRKRES  DL'PUY.  288 

de  liberté,  puis  que  c'est  l'intention  du  maistrc,  et  puis  pour  louts  bons 
respects,  il  importe  que  vous  sçaciiicz  par  le  menu  en  quoy  consistent 
tous  les  dicts  ni[anu]s[crit]s  et  que  vous  en  ayez  un  rooUe  que  je  le  prie 
de  dresser  pour  le  vous  envoyer,  ce  qui  ne  peult  jamais  nuire  ains  plu» 
tost  servir  de  beaucoup,  et  cela  n'empeschera  pas  que  luy  revenant 
sain  et  sauve,  comme  je  le  souhaicte  de  tout  mon  cœur,  et  l'espère  de  la 
bonté  divine,  on  ne  luy  rende  le  tout  bien  facilement,  pour  luy  mesmes 
])ourvoir  ci  la  publication  de  ce  qui  luy  plairra.  11  se  promet  plus  de 
loisir  dans  les  poésies  d'Aleniagne  qu'il  n'y  en  pourra,  je  m'asseure, 
trouver,  et  de  ne  pas  oublier  de  nous  escrire  de  cez  pais  la  qui  sera 
vraisemblablement  soubs  vostrc  adresse  à  Paris.  Je  m'imagine  qu'il  y 
trouvera  des  merveilles.  Il  a  trouvé  dans  un  cabinet  d'un  gentilhomme 
curieux  dans  Rome  He  fonds  d'un  vase  de  verre,  ot  sont  représentées 
deux  images  de  mary  et  femme  avec  une  petite  figure  entre  deux  d'un 
christ  qui  les  couronne  l'un  et  l'aultre  avec  le  mot  CRISTVS,  et  à  l'eii- 
tour  est  escnpt  LL  CIFER  VIVAS  CUM  TUIS  FELICITER  ZESES 
SIRTCA  '■',  ce  qui  semble  à  peu  prez  estre  du  mesme  siècle  que  mon 


'  Ce  gentilhomme  élail  le  clievalier  Fran- 
cesco  Gualdi,  de  Uiinini,  qui  avait  formé  à 
Rome  une  collection  d'antiquitës  de  tout 
genre,  dans  latjuelle  llgiiraient  notamment 
divers  monuments  du  moyen  Age  (voir  Bat- 
taglini  dans  Atti  dell'  Accad.  Rom.di  archeo- 
logia ,  1. 1 ,  p.  1 3 1 , 1 3a  ).  La  lettre  de  Holste- 
nius  h  Peiresc  où  est  mentionné  le  vase  en 
question  est  datée  du  5  décembre  iCag 
(voir  Luc.  Ilolstenii  epistolœ  nd  diverses,  1817, 
|).  176-177,  avec  deux  notes  du  docte  édi- 
tem',  une  sur  Gualdi  [vulgo  Gualdo,  comme 
dit  Boissoiiade]  et  l'autre  sur  l'inscription 
reproduite  par  Peiresc). 

'  M.  le  commandeur  de  Rossi  a  daigné 
me  fournir  sur  ce  point  les  éclaircissements 
suivants,  dont  je  lui  suis  d'autant  plus  re- 
connaissant (|uo  j'ai  ainsi  la  bonne  fortune 
de  rapprocher  du  texte  de  celui  qui  fut  un 


des  premiers  archéologues  de  son  temps  le 
précieux  commentaire  de  celui  qui  est  un 
des  premiers  archéologues  de  notre  temps  : 
crLe  verre  avait  été  trouvé  par  Bosio  dans 
les  catacombes  de  la  voie  Salaria  nova,  et 
donné  par  lui-même  au  chevalier  Gualdi 
{Roma  sott.,  p.  609;  n"  m).  Le  dessin 
publié  par  Bosio  (ibid.)  fut  reproduit  par 
Aringhi  {Roma  suhterranea,  lib.  IV,  édition 
de  Borne,  i65i,  t.  Il,  p.  a65),  par  Bottari 
{Roma  sott.,  t.  III,pl.GXCVIII)elpard'au 
très.  L'original  existe  encore  aujounl'hui 
dans  la  bibliothèque  Vaticane;  le  P.  Gar- 
rucci  {Vetri,  a*  édiL,  pi.  XXX,  3;  Art. 
Crist.,  pi.  GXCVIII,  3)  en  a  donné  un  bon 
dessin.  —  Li  lecture  de  Holslenius  n'est  pas 
exacte  quant  h  la  série  des  noms  et  des  pa- 
roles de  l'acclamation.  I^  nom  SIRTG.\  qui 
a  été  rais  par  Holslenius  à  la  queue  de  l'ar- 

3o 


tarusaui  ■«tto«u«. 


234  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630J 

anneau  de  TECLA,  dont  il  fauldra  advertir  Monsieur  Rigault,  et  par 
mesme  moyen  luy  baiser  trez  huinhlenieut  les  mains  de  ma  part,  s'il 
vous  plaict,  comme  je  vous  en  supplie,  et  de  me  tenir  à  jamais. 
Monsieur, 

vostre  trez  huniLle  et  trez  obligé  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Boysgency,  ce  a  i  janvier  1 63o. 


Vous  aurez  sceu  une  nouvelle  qui  aura  esté  portée,  je  m'asseure, 
par  courrier  exprez,  du  rapt  commis  par  le  chevalier  de  la  Valette', 
vendredy  dernier^,  en  la  persone  de  la  fdle  du  feu  présidant  Aymar  qui 
avoit  esté  maistre  des  requestes^,  petite  fille  de  M''  de  Solliers',  qui  fut 
enlevée  en  présence  de  son  grand  père^  et  de  tous  ses  plus  proches 
parents  et  de  toute  la  ville  de  Toullon ,  qui  en  est  demeurée  grandement 
scandalisée  et  aflrontée*^.  Ayant  abusé  cette  pauvre  fille''  soubs  pre- 


clamalion  doit  être  au  contraire  placii  en  tête 
de  toute  l'inscription.  Elle  est  adressée  aux 
deux  ëpoux  SIRTGA,  LUCIFER;  à  chacun 
desquels  on  accli.mc  :  VIVAS  GVM  TVIS 
FELICITER,  ZESES.  Les  deux  noms  cor- 
respondent aux  deux  têtes  représentées  dans 
le  dessin  sur  feuille  d'or.  Fabretti  {Inscr. 
doinest. ,  p.  691)  a  lu  Sirica,  jugeant  que 
le  T  dans  les  lettres  de  ce  nom  est  un  simple 
I,  dont  la  barre  (apex)  supérieure  aurait  été 
trop  allongée.  Le  P.  (larrucci  voudrait  lire 
Syrtica.  Ce  nom  est  très  rare  :  Sirica,  plus 
usité,  est  par  consécjuent  plus  probable.  Il 
faut  cependant  avouer  que  l'artiste  a  dessiné 
très  nettement  la  lettre  T  dans  le  nom  in- 
scrit sur  la  tête  de  l'épouse,  n 

'  Louis  de  la  Valette,  (ils  naturel  du  duc 
d'Epernon,  déjà  mentionné  en  ce  volume 
(lettre  I). 

'  C'était  le  18  janvier.  C'est  donc  bien 
inexactement  que  l'événement  (jui  va  être  ra- 
conté est  placé  nu  mois  d'octobre  1699  par 


l'auteur  des  Remarques  historiques  el  chrono- 
logiques sur  la  baronnie  de  Chùteaurenard ,  Jo- 
seph d'Aimar,  sieur  de  Brès,  fils  d'un  cousin 
germain  de  l'héroïne  du  récit,  remarques  iné- 
dites donllloux  Aipheran  possédait  une  copie 
qu'il  cite  dans  Les  rues  d'Aix  (t.  1,  p.  281; 
t.  II,p.  53i). 

^  Honoré  d'Aymar,  sieur  de  Montsallier, 
président  au  parlement  d'Aix,  mort  en  1 61  S. 

*  H.  d'Aymar  avait  épousé  Eléonore  de 
Forbin  Soliès,  fille  de  Gaspard  de  Forbin, 
sieur  de  Soliès  (ailleurs  Solliers),  gouver- 
neur de  la  ville  de  Toulon. 

'"  François  d'Aymar,  sieur  de  Sainte-Ca- 
therine ,  président  en  la  Chambie  des  comptes 
et  Cour  des  aides  de  Provence. 

'  Littré  n'a  pas  indiqué  ce  sens  du  mol 
affronter.  Je  ne  le  vois  |)as  indiqué  davan- 
tage dans  nos  anciens  dictionnaires. 

'  Gabrielle  d'Aymar,  dame  de  Montsal- 
lier, n'avait  alors  que  treize  ans,  s'il  faut  en 
croire  .son  ravisseur  (note  autographe  con- 


[1630 1  AUX  FRKRES  DUPIIY.  28S 

texte  d'aller  faire  chanter  iiiic  messe  nouvelle,  et  d'estre  la  marraine  et 
luy  pariaiu',  et  pour  cet  ell'ect  l'ayant  prinse  souhs  le  Lras  pour  ïat- 
c^mpagner  tout  au  premier  rang  de  la  compagnie  qui  estoit  grande  et 
lionnorable  et  comme  il  passoit  sur  le  cay  au  long  du  port  pour  aller  à 
l'Église  01*1  se  debvoit  dire  la  messe,  il  traisna  soudainement  cette  da- 
moiselle  dans  le  cahic^  de  sa  galère,  qu'il  avoit  a|»post6^,  et  incontinani 
mit  la  main  à  l'espée  avec  ses  vallets,  et  cria  liberté  à  buict  forçats  qui 
y  estoient  dedans,  avec  lesquels  il  gaigna  si  promtcment  son  navire 
prest  il  faire  voiile,  qu'il  n'y  eust  aulcun  moyen  de  le  suyvrc,  et  enleva 
cette  pauvre  innocente,  la  plus  désolée  du  monde,  qui  se  voulut  pré- 
cipiter dans  la  mer  une  infinité  de  foys*.  Ce  qu'on  a  le  plus  admiré  en 


servée  à  la  bibliothèque  d'Iiiguinibert,  cf)l- 
lection  Peircsc,  registre  IjVIII,  foi.  y.ôH). 

'  Roux-Alpberaa  {Les  rues  d'Aix,  t.  II, 
p.  53o)  parle  ninsi  do  celte  messe:  rrlln  ec- 
clésiastique, qu'il  [La  Valette]  avait  gagné, 
vint  le  prier  d'être  son  parrain  h  l'occasion  de 
sa  première  messe  qu'il  devait  célébrer,  peu 
(le  jours  après,  dans  l'église  des  Capucins. 
Le  chevalier  accepte  et  témoigne  le  désir 
que  Mademoiselle  de  Moiitsallier  soit  la  mar- 
raine; la  l'aniillc  y  consent,  n 

"  Dans  le  xvii*  siècle,  le  genre  ni  l'or- 
thographe du  mot  caïque  n'étaient  déter- 
minés. Si  Peiresc  écrit  cahic,  d'iMitres  écri- 
vaient caic,  d'autres  encore  la  cahique.  Le 
Dictionnaire  de  Trévoux  donne  ces  (juatre 
formes  :  caic ,  caîq,  cafqiie  et  kaic. 

'  D'après  Uoux-Alpberan  {loc.  cit.),  La 
Valette  ir  pousse  brusquement  la  demoiselle 
[dans  le  caïcj,  s'y  précipite  lui-même,  et 
malgré  les  pleurs  et  les  cris  pitoyables  de  sa 
victime  il  traverse  le  port  et  monte  avec  elle 
sur  son  vaisseau,  à  la  vue  des  parents  et  de 
plusieurs  milliers  de  s])ecljiteurs  plus  stupé- 
faits encore  qu'indignés  d'une  pareille  aven- 
ture. 1 

'  M"'  d'Aymar  ne  tint  pas  longtemps  ri- 


gueur au  coupable.  Cepndant,  dit  Ronx-AI- 
plieran ,  ira  force  de  respects ,  de  soumissions 
et  de  témoignages  de  son  amour,  le  cheva- 
lier, qui  prend  dès  lors  le  litre  de  marquis 
de  la  Valette ,  adoucit  peu  à  peu  le  cœur 
de  la  belle  Gabrielle  de  Montsallier,  et  la 
fait  consentir  à  lui  accorder  sa  main.  I^o 
vaisseau  qui  les  portait  relâche  h  l'Ile  de 
Saint-Pierre,  voisine  des  côtes  deSardaigne. 
où  la  bénédiction  nuptiale  leur  fut  donnée, 
et  bientôt  après  ils  firent  leur  entrée  a  Ve- 
nise avec  la  plus  grande  magnificence.» 
Outre  le  récit  de  Roux-AIplierun,  tin-  en 
grande  pai-lie  de  Yllkioire  de  Provence  ma- 
nuscrile  du  président  Jacques  Gaufridi,  on 
peut  voir,  sur  l'audacieux  coup  de  raain 
de  La  Valette,  les  Documentx  relatifs  à 
l'eiUèrement  de  Mademoiselle  d'Ayimu-  que 
j'ai  publiés  dans  la  Revue  Sextienne  du 
i5  avril  i884  (p.  /ig-Si),  documents 
extraits  du  registre  LVIIl  de  la  collection 
Peiresc  de  rbiguimbertine  et  qui  sont  an 
nombre  de  quatre:  i°  arrêt  du  parlement 
de  Provence,  séant  h  Salon,  rendu  contre  le 
chevalier  de  la  Valette  et  ses  complice»,  le 
dernier  jour  de  février  i63o ,  sur  le  rapport 
du  couseillcr  Honoré  d'Agul,  le  grand  ami 

3o. 


236  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630 

cet  acte,  a  esté  qu'il  avoit  esté  grandement  honoré  et  familier  dans  la 
maison  de  M'  de  Soulliers,  où  il  n'avoit  neantraoings  jamais  parlé  deux 
fois  à  cette  fille,  ce  qui  empesche  de  croire  qu'il  en  eust  peu  devenir 
amoureux,  comme  en  effect  elle  n'est  gueres  belle';  il  croid  avoir  faict 
un  grand  butlin  et  se  trompe,  car  elle  n'a  pas  plus  de  aoo  Ib.  (libvres) 
vaillant^,  encores  que  le  bruict  fust  de  plus  de  900  mille  escus,  de  sorle 
qu'il  se  trouvera  bien  loing  de  son  compte,  dans  sa  vaste  ambition  qui 
englouttiroit  des  empires  entiers^. 


XLIV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Pour  ne  pas  laisser  eschapper  une  si  bonne  commodité  que  celle  cy, 
bien  que  possible  un  peu  longue,  du  voyage  de  M'  Marchier,  vers 
M^"  le  Cardinal  de  Lyon,  j'ay  voulu  vous  faire  ce  mot  pour  vous  as- 
seurer  tousjours  du  trez  humble  service  que  nous  vous  avons  voiié  à 
si  juste  tiltre.  Je  ne  vous  diray  pas  des  nouvelles  de  deçà,  où  il  n'y  a 
rien  de  digne  de  vostre  entretien,  et  que  je  ne  face  scrupule  de  vous 
mander,  pour  n'augmenter  les  desplaisirs  que  vous  avez  eus,  je  m'as- 
seure,  de  la  désolation  de  nostre  pauvre  ville,  qui  commençoit  un  peu 
à  respirer  quand  le  mal  a  recommancé  d'y  faire  de  nouveaux  progrez, 
au  retour  des  convalescens,  et  qui  pix  est,  nous  craignons  bien  que  ceux 
de  Marseille  ne  soient  enfin  affligez  comme  les  autres,  la  terreur  y 

de  Peiresc;  9°  quelques  lignes  du  ravisseur  quels  Roux-Alpheran  attribue  une  incontes- 

demandant  à  un  jurisconsulte  son  avis  sur  table  beauté  à  M"'  d'Aymar. 
l'afTaire;  3°  consultation  délivrée  h  Paris  par  ^  Peiresc  a  écrit  300  livres  seulement, 

ledit   jurisconsulte,  nommé   Cornouailhe ;  mais  il  a  oublié  d'ajouter  le  mot  «iV/e,  et  il 

à°  observation  du  chevalier  en  réponse  à  s'agit  évidemment  ici  de  aoo,ooo  livres 

cette  consultation.  réelles  opposées  aux   prétendus   900,000 

'  On  voit  que  Peiresc  n'est  pas  d'accord ,  écus. 
sur  ce  point,  avec  les  auteurs  d'après  les-  '  Vol.  717,  fol.  100. 


[1630]  AUX  FRERES  DUPUY.  287 

estant  incroyable  depuis  trois  jours  qu'il  y  a  eu  quelques  suiltes  d'uu 
accidant  fort  suspect  advenu  depuis  trois  semaines.  J'estois  sur  le  poincl 
de  vous  prier  do  bazarder  mes  livres  à  Lyon  soubs  l'adresse  d'un  mar- 
chand qui  se  cbarjjeoit  de  les  faire  conduire  par  le  Rosne ,  avec  de  grandes 
precaultions.  Mais  il  fauldra  avoir  encor  un  peu  de  paliance,  et  voir 
si  Dieu  vouldra  permettre  que  le  mal  de  Marseille  se  puisse  estouffer 
en  sa  naisçance  connne  on  le  peult  espérer  mieux  que  de  celuy  d'Aix, 
à  cause  qu'il  y  a  plus  de  practique  aux  purifications  des  persones  et 
choses  infectées.  Je  crois  que  vous  aurez  maintenant  reccu  le  coffre  de 
M'  de  Thou  et  celuy  de  M' Aubery,  et  afforce  lettres  miennes,  quoy  que 
bien  envieillies  par  divers  événements  dignes  de  quelque  compassion; 
c'est  pourquoy  je  (iniray  par  mes  prières  à  Dieu,  pour  vostre  conser- 
vation et  de  tous  les  vostres,  demeurant. 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 
DB  Peiresc. 

A  Boisgency,  ce  a  a  febvrier  i63o'. 


XLV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
J'ay  receu  vostre  despesche  du  20  mars  oïl  j'ay  esté  bien  estonné  de 
ne  poinct  trouver  de  mention  de  je  ne  sçay  combien  de  miennes  lettres 
([ue  je  vous  ay  cscriptes  en  responcede  toutes  les  vostres,  lesquelles  par 
la  désignation  qu'il  vous  plaict  m'en  faire  semblent  estre  toutes  venues 
seurement,  bien  que  la  pluspart  hors  du  temps  ordinaire  qu'elles  pou- 
voient  cstre  par  les  chemins,  de  sorte  que  si  les  miennes  ne  sont  tout 
à  faict  perdues,  ce  que  j'ay  peine  de  croire,  elles  ne  vous  pourront  pas 


'    Vol.  717.  loi.  101. 


238  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630] 

arriver  meshuy,  sans  avoir  perdu  le  plus  grand  avantage  qu'elles  pou- 
voient  avoir,  si  elles  eussent  peu  parvenir  aussy  fraisches  qu'elles  deb- 
voient  entre  voz  mains.  Que  si  elles  s'estoient  perdiies,  la  perte  n'en 
sera  pas  grande  pour  vous,  au  contraire  elle  vous  sauvera  bien  de 
l'ennuy  et  de  l'inqjortunité ,  à  lisre  des  discours  qui  n'cstoient  que  trop 
prolixes,  et  possible  trop  importuns.  Le  regret  que  j'y  debvrois  avoir 
seroit  que  cela  ne  vous  eust  fait  prendre  plus  mauvaise  opinion  de  moy 
qu'il  ne  fauldroit,  et  comme  je  meriterois,  si  j'avois  commis  un  si  grand 
manquement  que  de  ne  vous  rendre  mes  debvoirs  en  temps  et  lieu,  et 
la  correspondance  qui  appartient  à  tant  de  surabondante  courtoisie  dont 
il  vous  plaict  me  combler  à  touts  moments.  Cependant  l'homme  dq 
M"'  Aubery  m'a  apporté  une  bien  agréable  nouvelle  qu'il  apprint  à  Lyon 
du  sieur  Vidault,  à  sçavoir  que  le  coffre  de  M"'  de  Thou  estoit  arrivé  à 
Paris,  ce  qui  m'oste  d'une  grande  peine  où  je  debvois  estre  jusques  à 
ce  que  cela  fust  arrivé  chez  luy.  Le  mal  est  qu'il  n'y  aura  pas  trouvé 
tout  ce  qu'il  avoit  recueilly  en  Levant,  dont  il  m'est  demeuré  en  main 
plus  de  pièces  qu'il  ne  falloit.  Mais  ce  ne  sera  pas  Dieu  aydant  en  pure 
perte.  Au  contraire  je  commence  à  songer  de  luy  en  faire  la  restitution 
aiusin  que  de  raison ,  mais  j'y  auray  cependant  prins  quelque  petit 
usaige,  et  sa  privation  aura  en  quelque  façon  servy  jusques  à  présent 
de  punition  du  tour  qu'il  nous  avoit  fait  de  ne  pas  passer  par  icy.  Vous 
y  aurez  trouvé  vostre  extraict  du  concile  et  le  m[anu]s[crit]  des  Eclogues 
de  Polybe'  et  aultres  avec  quelque  aultre  chosette,  où  je  vouldrois  bien 
que  vous  eussiez  trouvé  quelque  pièce  de  vostre  goust. 

Pour  responce  à  la  vostre,  je  vous  remercie  bien  humblement  des 
nouvelles  du  passage  de  M''  Holstenius  par  Vienne;  il  me  tarde  bien 
d'apprendre  qu'il  soit  de  retour  en  bonne  santé,  ce  qui  ne  sera  pas 
sans  avoir  fouillé  bien  avant,  et  rencontré  de  grandes  singularitez  dan;^^ 
cez  bibliothèques  plus  célèbres  où  il  faisoit  estât  de  passer.  J'ay  veu  ce 
cahier  qu'il  vous  a  pieu  ra'envoyer  du  prétendu  fragment  de  Tertullian, 


Ai-je  besoin  de  dire  que  le  mot  éghgue  est  pris  ici  dans  le  sens  primitif  de  pièces 
choisies,  Je  mot  étant  venu  d'sxA^eiv,  choisir? 


[1630J  AUX  FHliRES  DUPUY.  839 

que  l'on  ne  m'a  pas  encore  envoyé  du  coslé  de  Uome,  et  crois  comme 
vous  qu'il  n'y  a  gueres  de  rapport  de  cela  avec  ce  qui  est  de  cet  au- 
theur.  Celuy  qui  l'a  mis  au  jour  n'a  pas  ce  génie  qu'iJ  fauldroit  avoir 
pour  manier  de  telles  choses,  mais  il  fault  eucores  sçavoir  (juelque  gré 
de  In  bonne  volonté.  Tousjours  la  pièce,  de  qui  qu'elle  puisse  estre,  me- 
riloil  de  n'cslre  pas  supprimée. 

J'ay  bien  de  l'obligation  à  M'"  d'Aubray  de  se  souvenir  de  son  servi- 
teur si  inutile,  et  de  s'eslre  voulu  charger  de  cez  beaux  cahiers,  et  de 
cez  rouileaux.  Dezhormais  je  pense  qu'il  y  aura  plus  de  moyeu  de  l'aire 
venir  quelque  chose,  pourveu  que  le  mal  de  Marseille  ne  fasse  du  pro- 
grez  ailleurs  comme  l'on  s'en  garde  tant  qu'on  peult,  car  M'  d'Agut  a 
faict  venir  de  Lyon  une  balle  de  livres  oiî  il  y  a  quelque  fagot  pour 
moy,  laquelle  les  intendants  de  la  santé  promettent  de  luy  faire  delli- 
vnu-  bien  tost,  et  si  cela  l'euscit,  les  miennes  pourront  venir,  et  cepen- 
dant gaigner  le  temps  du  chemin  de  Paris  à  Lyon,  où  je  vous  prie  de  les 
adresser  à  vostre  commodité,  comme  de  coustume  à  M"^  Cardon  qui  n'a 
poinct  eu  de  mal  chez  luy,  oià  nous  les  envoyerons  prendre  possible  plus 
tost  que  nous  ne  pensions,  ou  au  sieur  Uené  Gays  marchand  demeurant 
en  riie  longe;  il  fauldroit  faire  apposer  sur  l'emballage  les  bulles  ou 
seaux  de  l'hostel  de  ville  de  Paris,  et  en  un  besoing  du  petit  Chaslellet,  et 
avoir  des  certificats  en  bonne  forme,  scellez  des  raesmos  seaux,  pour  l'as- 
seurance  du  jour  de  l'emballage  et  chargement  à  Paris,  et  un  billet  des 
fermiers  pour  empescher  que  rien  ne  s'ouvre  à  Lyon,  dont  on  prendra 
certificat  au  dict  Lyon,  afin  qu'en  bruslant  icy  les  enveloppes  de  Paris  aprcz 
deùe  recognoisçance  des  seaux,  on  puisse  avoir  quelque  grâce  et  remise 
des  rigueurs  des  quarantaines  et  purifications.  Il  fauldroit  payer  là  les 
droicts  à  M'' Chariot,  comme  j'ay  faict  aultres  foys,  et  retirer  son  billet'. 
Et  pour  les  lettres,  j'espère  aussy  que  dezhorsmais  il  n'y  aura  plus  tant 
de  desordre  aux  conunodités  ordinaires,  et  pour  les  extraordinaires, 
elles  se  vont  fort  rendre  freijuentcs,  car  nous  avons  à  cette  heure  icy  le 
grand  chemin  de  la  cour  à  Home,  pour  touls  ceux  qui  veullent  toucher 

'  Go  passojfo,  depuis  les  mots  :  ou  au  sieur  René  Gays,  est  une  addition  margiunle. 


240  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630] 

à  Tollon,  et  qui  ne  peuvent  passer  que  dans  cette  petite  vallée,  et  à  la 
porte  de  ce  village.  Cette  despesche  s'en  ira  par  le  sieur  Aycard  de 
Toulion  ',  qui  s'en  va  en  cour  et  m'a  faict  advertir  à  ce  matin  qu'il  deb- 
voit  passer  par  icy  sur  le  disner.  C'est  un  des  honnesles  hommes  qu'il 
y  ay t  en  toute  cette  province ,  et  grandement  curieux ,  lequel  sera  bien 
aise,  je  m'asseure,  de  vous  aller  voir  s'il  va  jusques  à  Paris;  sinon,  il 
vous  y  fera  tenir  mes  lettres,  soit  de  Lyon,  ou  de  la  cour;  il  a  de  bonnes 
correspondances  en  Conslantinople,  à  Smyrne,  et  quasi  par  tout  le 
Levant,  comme  par  toute  l'Italie.  Je  m'asseure  que  M'  de  Thou  prendra 
plaisir  de  le  voir  et  d'acquérir  un  tel  serviteur,  aussy  bien  que  vous 
aultres,  Messieurs.  Nous  n'avons  pas  veu  M'  de  Barclay^,  encor  que 
l'homme  de  M"'  Aubery  dict  qu'il  s'estoit  chargé  de  voz  lettres.  J'entends 
qu'il  est  passé  fort  opportunément  par  le  Piémont  avec  le  Nonce  Panci- 
role  '.  J'auray  un  extrême  regret  de  ne  voir  M^  le  cardinal  Bagny,  s'il 
passe  par  le  Piémont  comme  il  y  a  grande  apparance  dans  cez  conjonctures 
présentes.  Au  reste  je  plains  bien  M'  Bigault  de  n'estre  sorty  deffiniti- 
vement  de  son  affaire,  mais  encores  y  a-t-il  de  quoy  le  consoler  d'avoir 
cependant  le  possessoire.  Je  plains  bien  davantage  le  pauvre  Aubery, 


'  Aycart  fut  iin  des  plus  actifs  corres- 
pondants de  Peiresc.  On  n'a  pas  moins  de 
9  20  lettres  de  ce  dernier  à  son  ami  de  Tou- 
lon dans  le  premier  j-egistre  des  minutes  de 
la  bibliothèque  de  Garpentras.  Le  nom 
d'Aycart  figure  souvent  dans  le  petit  recueil 
des  Lettres  inédites  de  M.  de  Peiresc  commu- 
tàquées  h  M.  Millin  par  M.  Fauris  de  Saint- 
Vincensj  correspondant  de  l'Institut  (Paris, 
1 8 1 5  ,  in-S"  do  56  pages ,  extrait  du  Magasin 
encyclopédique  de  septembre  1 8o6),  et  aussi 
dans  un  autre  recueil  complémentaire  inti- 
tulé :  Lettres  de  M.  Fauris  de  Saint-Vincens , 
correspondant  de  l'Institut,  à  M.  A.-L.  Mil- 
lin . . .  sur  des  lettres  inédites  de  Peiresc  (  Paris , 
1 8 1 5,  in-8°  de  2 1 1  pages ,  extrait  du  Magasin 
encyclopédique  de  mai  i8i5.)  Voir  notam- 
ment, dans  ce  dernier  recueil  (p.  201),  l'éloge 


fait  par  Peiresc  à  Thomas  d'Arcos,  le  20  mai 
1687,  ffdu  bon  M.  Aycard  de  Toulon»,  à 
propos  de  la  mort  de  leur  ami  commun,  ar- 
rivée le  1"  mai  1687. 

*  L'abbé  Guillaume  Barclay,  Gis  du  cé- 
lèbre écrivain  Jean  Barclay.  Le  père  et 
le  fils  ont  été  souvent  mentionnés  dans  le 
tome  L 

'  Jean-Jacques  Panciroli,  fils  d'un  tailleur 
d'habits,  selon  le  Naudœana,  naquit  à  Rome 
en  janvier  1 687  et  mourut  dans  cette  ville  le 
3  septembre  i65i.  Il  fut  successivement 
avocat  en  cour  de  Rome,  majordome 
du  cardinal  François  Barberini,  patriarche 
de  Constantinople,  nonce  en  Espagne,  mi- 
nistre secrétaire  d'État  d'Innocent  X.  Ur- 
bain VIII  le  créa  cardinal  le  i3  juillet 
i6/i3. 


[1630]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  2/.1 

puis  qu'il  a  perdu  tout  k  l'aict  son  afl'aire;  il  est  si  modeste  qu'il  n'a  pas 
voulu  m'en  faire  meiil[ion  dans] 'ses  lettres  comme  vous  pensiez. 

Nous  n'avons  pas  icy  des  nouvelles  à  vous  dire  en  revanche  des 
vostres.  Car  il  ne  se  parle  que  de  la  {/alere  Pcrnone  *  que  M' le  Ge- 
neral' a  destinée  au  voyage  d'Italie,  laquelle  s'appreste  fort,  mais  de 
huict jours  elle  ne  sçauroit  partir.  Cependant  M' l'Ambassadeur*  aura  tout 
loisir  de  venir  avec  Madame  sa  femme,  par  terre,  comme  on  dict,  car  il 
n'a  pas  sceu  passer  plus  oultre  que  Grenoble  où  il  se  trouva  indisposé, 
et  fut  constrainct  de  rebrousser  chemin ,  et  s'en  aller  rendre  à  Tarascon 
où  Madame*  l'atlendoit  avec  tout  son  train.  Il  y  a  grande  foulle  de 
genls  à  Tollon,  jusques  à  des  seigneurs  Anglois,  qui  pensent  pouvoir 
passer  en  Italie  avec  cette  galère,  mais  il  en  fauldroit  plus  de  trois  pour 
lever  tout.  On  doubte  bien  encores  s'il  ne  trouvera  pas  bien  de  la  dif- 
ficulté d'estre  receu  en  ce  pais  là,  et  possible  luy  sera  ce  grande  grâce  de 
passer  par  la  quarantaine.  A  Barcelone  il  n'y  a  que  1 6  galères  assez  mal 
en  ordre  pour  le  voyage  de  l'Infante,  et  dix  aullres  qu'on  y  attendoit  de 
Cartagene ,  ([ui  ne  sont  pas  plus  lestes ,  de  sorte  qu'on  n'a  pas  grande  peur 
de  ce  costé  là.  Il  n'y  a  que  la  maladie  qui  tient  tout  le  monde  en  sus- 
pens. Je  viens  d'apprendre  qu'on  se  doubte  que  dans  Cassis °  il  n'y  ayt 
eu  2  ou  3  accez.  Si  cela  est,  le  peu  qui  restoit  de  commerce  esttoutàfaict 
ruiné,  pour  longtemps.  Dieu  veuille  avoir  pitié  de  son  pauvre  peuple,  et 
nous  tenir  tous  en  sa  sainte  garde,  et  avec  ce  vœu  je  finis  demeurant. 
Monsieur, 

voslre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 

A  Boysgcncy,  ce  a  g  avril  i63o. 

'  Dëcbirme  du  papier.  '"  Piiilippe  de  Bëlhnnc,  comte  de  Selles, 

'  Ce  nom  élait-il  emprunté  à  celui  de  dp  Charost,  etc.,  avait  épouse  en  secondes 

d'Épernon?  noces   (novembre  t6o8)  Marie  d'Alègre. 

'  Le  général  des  galères.  veuve  de  Jean  de  Sabrcvois,  baron  de|Be- 

'  11  s'agit  là,  non  de  notre  ambassadeur  tbomas,  fille  de  Cbristophe  d'Alègre,  mar- 

h  Rome,  lequel  était  alors  Jean  Galard  de  quis  do  Saint-Just,  et  d'Antoinette  du  Prat. 

Béam,  comte  de  Brassac,  mais  bien  d'un  °  Commune  du  dép'  des  Boucbes-du- 

des  frères  de  Sully.  Voir,  outre  la  note  sui-  Rhône,  sur  la  M<^literranée,arr' de  Marseille. 

vante,  la  note  i  de  la  page  a/IG.  c'"  de  la  Ciotat,  h  t  a  kil.  de  cette  ville. 

Il  3i 


2/i2  LKTTRES  DE  PEIRESC  [1630| 

Mon  frère  est  à  Salon.  S'il  se  rencontroit  commoditë  extraordinaire 
pour  m'envoyer  les  médailles  de  M*"  Aubery,  vous  m'obligeriez  parti- 
culièrement. Je  desirerois  bien  aussy  par  les  premières  commoditez. 
soit  ordinaires  ou  extraordinaires,  quelques  exemplaires  de  la  petite 
Bible  Hébraïque  sans  poincts  de  Raphelengius  que  je  vous  avois  cy  de- 
vant demandée  avec  tant  d'instance  pour  quelques  amys  qui  l'attendent 
en  grande  impatiance.  Je  vous  en  avois  demandé  jusques  à  quatre  exem- 
plaires si  tant  s'en  pouvoit  avoir  de  bien  complets  et  de  bien  nets.  S'il  ne 
s'en  trouve  plus  de  celles  de  Raphelengius,  et  que  Elzevir  l'eust  refaicte, 
il  se  fauldra  contenter  de  cez  dernières,  mais  les  premières  seroient  pos- 
sible plus  au  goust  de  ceux  qui  les  veullent.  Elles  sont  en  deux  petits 
volumes  in  ^U  de  l'an  870  du  petit  Compute  des  Juifs,  qui  est  l'an 
1610  si  je  ne  me  trompe,  à  Leyden '. 


XLVI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

À  PARIS. 
Monsieur, 
Je  viens  d'apprendre  avec  un  grand  contentement  que  mon  frère,  qui 
s'estoit  trouvé  porté  pour  affaires  domestiques  sur  la  frontière  du  Daul- 
phiné,  s'est  laissé  emporter  jusques  à  la  Cour,  d'oii  il  aura  moyen  de 
vous  sallûer  d'un  peu  plus  prez  que  d'icy,  et  avec  moings  de  danger  de 
voir  perdre  ou  retenir  ses  lettres,  comme  nous  sommes  encores  icy  en 
doubte  si  celles  que  nous  vous  avons  envoyées  seront  tout  à  faict  per- 
dues (puis  que  vous  ne  nous  en  accusez  poinct  la  réception)  ou  seulement 
retenues,  dont  il  se  pourra  informer  par  les  chemins  qu'avoit  tenu  un 
homme  qui  s'en  estoit  chargé ,  dont  nous  n'avons  poinct  eu  de  nouvelles , 
ne  l'un  de  noz  parents,  le  sieur  de  Meaulx^  qui  l'avoit  envoyé  exprez 

'  Voi.  717,  fol.  io3.  Voir  à  VAppendice,  ^  On  ne  trouve  aucune  lettre  adressée  à 

seconde  partie,  n°  V,  une  lettre  de  Jacques        ce  parent  dans  les  registres  des  minutes  con- 
Dupuy  à  Peiresc  du  20  mai  i63o.  serves  à  Carpentras. 


I 


[1630]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  243 

pour  lever  un  office  de  sa  maison.  En  quoy  il  a  receu  un  notable  in- 
terest,  pour  n'avoir  eu  ses  permissions  à  temps  pour  payer  le  droicl 
annuel,  et  Dieu  sçaicl  s'il  n'aura  pas  bien  de  la  peine  à  sauver  son  office 
s'il  esloit  venu  l'aulte  de  cet  homme,  ne  sçaichant  s'il  est  mort  par  les 
chemins,  ou  s'il  a  prins  aultre  routte  par  desbauche  avec  les  trouppes 
qui  alloieiit  lors  par  pais,  ou  qu'est  ce  qu'il  est  devenu.  Et  le  mal  est 
qu'il  estoil  saisy  des  resi^Mialions  et  provisions  ori{^inelles  du  devancier, 
et  de  quelques  despesches  nostres  que  j'avois  creu  luy  pouvoir  confier 
plustost  qu'à  la  poste,  au  temps  où  nous  estions  encor  alors.  Ce  vous 
seroit  bien  de  l'importunité  saulvée,  si  cez  lettres  estoient  perdues  tout 
à  faict,  mais  ce  me  seroit  bien  de  la  mortification  à  moy  qui  avois  tasché 
de  correspondre  au  moings  mal  qu'il  m'avoit  esté  possible  à  voz  hon- 
nestetez,  et  au  moinjjs  de  vous  tesmoigncr  combien  nous  nous  en  reco- 
gnoissons  redevables.  J'y  avois  mesmos  adjousté  des  petits  desseins  et 
mémoires  tels  que  l'incommodité  du  lieu  où  nous  sommes  nous  pouvoit 
fournir,  quelqu'un  desquels  se  l'eut  possible  rencontré  de  vostre  gousl. 
En  une  chose  certainement  je  puis  avoir  failly,  dont  je  me  promets 
neaiitmoings  que  vous  ne  laisrez  pas  de  m'excoser,  c'est  que  je  vous 
deubsse  avoir  escript  souvent  par  la  voye  de  la  poste  plustost  que  par 
des  personnes  particulières,  mais  ce  n'a  pas  esté  sans  juste  occasion, 
comme  vous  le  sçaurez  quelque  jour  plus  h  plain.  Cependant  j)uis  que 
nonobstant  de  tels  delTaults,  sujets  à  si  mauvaise  interprétation,  vous 
n'avez  pas  laissé  de  nous  tenir  tousjours  pour  voz  serviteurs,  sans  re- 
vocquer  en  doubte  ce  qui  estoit  de  nostre  fidélité,  comme  nous  le  pou- 
vons comprendre  par  voz  dernières  lettres  qui  sont  du  20  mars,  et  par 
aultres  de  noz  amys  qui  l'ont  ainsin  apprins  de  vostre  bouche,  il  fault 
que  vous  ayez  bien  bonne  opinion  de  nous,  et  meilleure  que  nous  ne 
méritons,  et  que  nous  ad  vouions  qu'il  n'y  a  pas  d'honnesteté  compa- 
rable à  la  vostre,  ne  d'obligation  de  serviteur  pareille  à  la  nostre  en 
vostre  endroict.  Aussy  le  tesmoignerons  nous  tant  que  nous  vivrons, 
en  toutes  les  meilleures  façons  qu'il  nous  sera  possible,  mais  je  voul- 
drois  bien  que  ce  fust  principalement  en  vous  bien  servant.  Que  si  par 
malheur  toutes  noz  principales  despesches  estoient  absolument  perdues, 

81. 


Uh  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630] 

dont  j'attendray  impatiemment  d'estre  esclairez  par  mon  frère,  il  faddra 
voir  d'en  refaire  ce  que  nous  pourrons,  et  à  tout  le  moings  vous  envover 
le  duplicata  que  j'ay  retenu  des  desseins,  et  de  quelqu'un  des  cahiers 
qui  V  estoient  joincts.  Pour  les  aultres,  il  n'y  auroit  pas  tant  à  regretter, 
et  j'ose  bien  croire  qu'il  en  pourra  estre  eschappé  quelqu'une,  quand  ce 
ne  seroit  que  celle  dont  M""  Marchier  s'estoit  chargé. 

Au  surplus,  nous  n'avons  pas  à  présent  rien  qui  vaille  la  peine  de 
vous  estre  envoyé  à  nostre  grand  regret.  J'eus  dernièrement  un  pacquet 
de  Rome  où  je  trouvay  un  exemplaire  du  Porphyre  de  M"^  Holstenius 
qui  est  une  bien  digne  pièce  de  ce  personage';  il  y  avoit  encores  un 
Kalendrier  m[anu]s[crit]  turquesque  lequel  j'avois  aultre  fois  envoyé  à 
feu  M'"  Aleandro,  que  le  cardinal  Barberin  a  faict  recouvrer  des  mains 
d'un  Maronite  qui  se  l'estoit  approprié,  et  me  l'a  faict  renvoyer,  mais 
j'ay  esté  estonné  d'apprendre  par  la  mesme  despesche  qu'il  ne  s'est  trouvé 
persone  dans  Rome  qui  l'aye  sceu  deschiffrer,  et  me  prie  t'on  d'en  en- 
voyer une  version ,  que  nous  luy  pourrons  fournir  possible  quelque  jour. 
J'ay  eu  par  mesme  moyen  le  prétendu  fragment  de  Tertullian,  dont  je 
vous  escrivis  dernièrement,  sur  ce  que  m'en  aviez  envoyé,  que  mon 
advis  ne  s'esloignoit  pas  du  vostre.  Je  viens  d'apprendre  tout  présente- 
ment qu'il  est  arrivé  à  Cassis  une  barque  de  Rome  chargée  de  53  caisses 
toutes  remplies  de  statues  et  aultres  marbres  et  antiquitez,  et  de  quel- 
ques excellents  tableaux  que  le  sieur  Vignon^  y  est  allé  achepter  pour 
Monsieur  frère  du  Roy,  ayant  prins  grand  plaisir  d'entendre  que  ce 
prince  n'aye  pas  encores  perdu  ce  goust  tout  à  faict  comme  l'on  avoit 
voulu  dire,  car  cela  pourra  saulver  quelques  jours  d'excellentes  singu- 
laritez  du  temps  passé,  qui  seroient  peries  comme  tantd'aultres  à  faulte 

'   Porphyrius  de  vita  Pythagorœ ;  ejusdem  membre  de  l'Académie  de  peinture  en  1 65 1. 

sententiœ  ad  intelliffibilta  ducentcs  ;  de  nnlro  On  possède  à   Carpentras  (registre  VI  des 

uympharum.  Luc.  Holstenius  lai.  vertil,  dis-  minutes,  fol.  Ci3)  quatre  lettres  de  Pei- 

sertatiotiem  de  vita  et  scriptis  Porphyrii  et  ad  resc  à  rrM.  Vignon,  peintre  du  roi  à  Pa- 

vitatnPythagorœobservationesadjecil.  {Romx,  risi,  écrites,  une  de  Belgenlier  le  i6  jan- 

typis  Vaticanis,  iG3o,  in-8°.)  vier  iG3o,  trois  d'Aix  le  lo  avril  i633. 

'  Claude  Vignon,  né  h  Tours  vers  1693,  le  37  juin   et  le  18  juillet  de  la   même 

mom-ut  à  Paris  le  10  mai  1670.  H  devint  année. 


[1630]  AUX  FRERES  DUPUY.  245 

de  Grands  qui  en  voulussent  faire  cas  en  ce  Royaulme.  Ceux  de  cette 
barque  disent  que  les  yaleres  de  M"' l'Ambassadeur  avoient  esté  rebuttées 
à  Gènes,  et  qu'elles  n'estoient  pas  encor  arrivées  à  Ligourne. 

Messieurs  des  contes  ont  enfin  quitté  la  ville  de  Toullon,  et  en  par- 
tirent en  corps  s.immedy  dernier,  pour  se  retirer  à  Brignole  où  ils  ont 
esté  fort  lavorablement  receus.  On  attend  en  revanche  M' de  Guise  dans 
Tollon  au  premier  jour.  M""  le  General  des  galères  y  est  desja  arrivé. 
Voila  toutes  noz  nouvelles,  si  ce  n'est  un  bruict  sans  authcur,  que  les 
Hollandois  ont  prins  Fernambuc^  au  Brésil,  et  qu'il  descend  de  la  ca- 
valerie vers  Nice,  Nostre  pauvre  ville  d'Aix  est  entrée  en  sa  première 
quarantaine  de  purification  puis  le  27"°*  du  moys  passé.  Marseille  a  eu 
2800  personnes  attaintes  durant  le  moys  de  may,  et  dont  il  en  est  mort 
i5oo;  3oo  en  sont  hors  de  danger,  et  les  autres  sont  encore  la  mercy 
de  Dieu.  Le  pix  est  que  le  mal  a  saisy  jusques  à  60  bastides  de  leur  ter- 
roir, encores  que  l'ordre  soit  beaucoup  meilleur  dehors  que  dedans  la 
ville.  Dieu  par  sa  miséricorde  veuille  se  contenter  de  ce  qu'il  y  a  eu 
jusques  à  présent,  et  sur  ce  vœu  je  finiray  demeurant, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peibesc. 
A  Boysgency,  ce  3  juin  1 63o. 

Mes  trez  humbles  recommandations,  s'il  vous  plaict,  à  M'  du  Puy 
vostre  frère,  et  à  tous  les  bons  seigneurs  et  amys  de  l'Académie. 

M''  Fabrot  vous  sallûe  trez  humblement,  et  escrit  un  mot  au  sieur 
Gramoisy  pour  son  Tlieophile,  dont  nous  n'avons  jamais  veu  seulement 
une  espreuve  depuis  si  longtemps.  Vitray  a  un  peu  de  tort  de  vous 
avoir  si  mal  tenu  parole^ 

'  Pernambouc,  vulgairement    Fernam-  '  Vol.  717,  fol.  io5.  Voira  l'i4/)|p*nfiife, 

bouc,  chef-lieu  de  la  province  du  même  seconde  partie,  n°VI,  une  lettre  de  Diipuy 

nom,  est  lin  port  sur  l'Atlanticpie,  à  1,900  ki-  h  Valavez,  du  <i  5  juillet  i(î3o. 
loniè(res  nord-est  de  Rio-Janeiro. 


■266  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630] 


XLVII 
\  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUV, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Aprez  avoir  esté  assez  ioiigtemps  sans  avoir  de  voz  lettres,  j'ay  eu  quasi 
tout  d'un  coup  trois  despesches  du  2  avril ,  »  o  et  2  0  may,  accompa- 
gnées de  plusieurs  belles  curiositez,  mesmes  de  la  relation  de  Fernam- 
bouc,  que  les  advis  de  Barcellonne  desguisoient  tant  qu'ils  pouvoient. 
Les  deux  premières  m'ont  esté  envoyées  de  Sallon  tant  par  le  filz  de 
M''  le  conseiller  Olivier  que  par  M'  d'Aubray,  qui  y  est  arrivé  en  bonne 
santé  et  s'est  réservé  les  roulleaux  et  cahiers,  qu'il  vous  a  pieu  luy 
mettre  en  main.  Attendant  si  ma  santé  me  pourroit  permettre  de  monter 
h  cheval  pour  luy  aller  rendre  mon  debvoir  et  les  recevoir  de  sa  main , 
<:e  que  je  n'ay  encores  peu  mettre  à  exécution  à  mon  grand  regret  tant 
je  vaulx  peu.  Cependant  nous  avons  veu  icy  M'  de  Belhunes'  qui,  à 
faulte  d'autre  logis  en  ce  chetif  lieu,  où  A  estoit  venu  prendre  son 
premier  giste,  nous  a  faict  l'honneur  de  s'arrester  un  soir  dans  nostre 
petite  maison ,  ce  qui  n'a  pas  esté  sans  parler  de  Rome  et  de  M"'  de  Thou 
dont  il  tient  le  mérite  au  plus  hault  degré  de  prix  qu'il  se  puisse  mettre 
et  non  sans  juste  raison.  Il  avoit  eu  en  partant  de  Rome  un  exem- 
plaire de  l'édition  des  Relations  du  cardinal  de  Bentivoglio  dont  vous 
me  parlez  en  vos  lettres-,  mais  on  le  fit  prier  de  ne  le  pas  laisser  voir, 
et  l'eut  on  bien  voulu  retirer,  à  cause  de  ce  qui  est  eschappé  à  l'au- 
theur  en  la  relation  du  faict  de  M""  le  Prince,  concernant  le  mariage 


'  Philippe  de   Béthune,   fils   puiné   de  mée  entre  la  France,  le  Pape  et  Venise. 

François  de  Béthune,  baron  de  Rosni,  na-  ^  Relazioni  varie fatte  in  tempo  délie  nun- 

quit  en   i56i   et  mourut  en   iCig.  Voir  ziature  di  Fiandra  e  di  Francia  (Anvers, 

un   résumé  de  ses  négociations  diploma-  1699,  in-4°).  Il  y  eut  une  nouvelle  édition 

liques   dans  une  note  du   Recueil  Avenel  à  Cologne  en  )63o,  in-i°,  une  autre  à  Paris 

(t.  I,  p.  85).  La  dernière  de  ces  négocia-  en  i63i  et  une  autre  encore  à  Venise  en 

tinns  (i6-j())  fut  relative  à  la  ligue  for-  i633. 


AUX  FRERES  DUPUY. 


247 


[1030] 

du  l'eu  Roy  ',  et  de  tout  plain  d'autres  chosetles  qu'il  vouldroit  bien 
avoir  charijjées,  quand  ce  ne  seroit  que  la  mention  si  souvent  réitérée 
des  interestz  des  deux  Couronnes,  où  il  nomme  celle  d'Espagne  devant 
celle  de  France,  comme  il  eust  deub.  J'apprins  que  le  subject  de  la 
saisie  des  Pais  bas  estoit  fondé  sur  le  trop  d'estime  qu'on  y  faict  des 
establissements  des  Hollandois,  de  sorte  que  je  voys  qu'il  sera  pour 
s'en  trouver  en  peine  et  n'avoir  contenté  ny  les  uns  ne  les  aultres 
et  luy  fauldra  faire  possible  quelque  réparation  fascheuse.  Au  reste  le 
livre  des  observations  de  M""  Rigault  s'estant  par  hazard  trouvé  sur  une 
table,  M'  de  Bethune  print  grand  plaisir  d'y  lisre  l'Epistre  liminaire  et 
la  préface,  et  gousta  grandement  l'espérance  que  je  luy  donnois  de 
voir  un  jour  du  mesme  style  l'histoire  de  la  prise  de  la  Rochelle.  Il 
avoit  avec  luy  M'  Marcscot^  et  M''  Hardy',  qui  faict  particulière  pro- 
fession de  serviteur  de  M'  de  Thou,  et  un  laquay  du  frère  de  IN^de  Thou 
qui  ne  se  donna  à  cognoistre  que  lorsque  tout  estoit  monté  à  cheval, 
car  je  ne  l'eusse  pas  laissé  aller  sans  un  billet. 

Nous  avions  veu  à  l'advance  le  sieur  Matheo  Mileti,  lecteur  en  langue 
grecque  à  la  Sapience  de  Rome,  qui  me  dict  que  le  bibliothécaire  du 
Vatican  avoit  esté  changé ,  et  qu'en  sa  place  on  avoit  estably  un  P[ere]  de 
l'Oratoire  nommé  le  P.  Giustiniano,  Grec  de  Chio,  personnage  de  grande 
considération,  et  que  l'on  tient  pour  cardinal  des  premiers',  lequel  on 
dict  estre  fort  affable  ^.  Mais  cela  debvoit  eslre  réservé  à  M""  Holstenius. 


'  Relazione  dcHafuffa  di  Francia  del  prin- 
cipe di  Conde.  Voir  sur  loule  ceUe  aiïairc 
i' Histoire  des  princes  de  Coiidé,  par  M''  le  duc 
d'Aumale,t.  Il,  i864,  p.  965-3a4.  L'ëmi- 
nenl  liisloricn  cilc  plusieurs  fois  la  relation  de 
Bentivoglio  (notamment  p.  280,  oSa).  En 
cette  dernière  pajfe  il  sijjnaie  ainsi  renlhon- 
siasme  du  narrateur  pour  la  |)rincesse  de 
Gond»!  :  «  Les  rhroniqueurs  du  temps  accor- 
dent à  la  princesse  des  attraits  si  irrésisti- 
bles, qu  tous  ceux  qui  approcliaienl  d'elle 
en  restaient  épris.  Le  cardinal  Benlivoglio  dé- 
crit les  charmes  de  celte  blanche  et  gracieuse 


figure  avec  une  complaisance  qui  ferait  soup» 
ronnc:'  ce  prélat  un  peu  mondain  de  n'avoir 
pas  échappé  au  |)éril  commun. . .  1 

'  Voir  sur  Guillaume  Marescot  le  tome  I . 
p.  8o4 ,  note  7. 

^  Claude  Hardy,  déjà  menlionué  ea  ce 
présent  volume  (lettre  III). 

'  Le  P.  Hoiac*  Jusliniani  ne  devint  ja- 
mais cardinal. 

'  Fort  affable!  C'était  une  réputation 
usurflée ,  si  l'on  en  croit  deux  érudits  qui  ha- 
bitèrent longtemps  la  ville  de  Rome  et  qui 
furent  non  seulement  t/moias,  mais  encore 


2i8 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1630] 


Et  l'eust  possible  esté  sans  que  cez  gens  tiennent  qu'il  iroit  de  l'hon- 
neur de  la  nation  d'y  mettre  un  qui  ne  fust  Italien ,  ce  Grec  estant  ré- 
puté pour  Geneuois  d'origine,  et  ayant  un  proche  parent  dans  Rome 
Grand  Seigneur,  qui  porta  5o  rail  escus  au  Pape  en  son  emprunt.  Je 
veux  croire  que  si  M"'  Holstenius  revient  à  Rome,  il  aura  plus  d'accez 
que  devant  dans  la  Vaticane  soubs  ce  Padre  Giustiniano,  Grec  na- 
turel, et  qui  ayme  la  langue  grecque,  et  non  seulement  luy,  mais  tous 
les  autres  qui  seront  bien  méritants  des  lettres  et  particulièrement 
ceux  qui  seront  tant  soit  peu  recommandez  de  la  part  du  cardinal  Bar- 
berin  de  qui  ce  Giustiniano  est  fort  particulièrement  chery  et  porté 
comme  créature  immédiate. 

Je  n'ay  point  eu  de  lettres  de  Rome  par  aulcun  de  la  suitte  de  M' de 
Bethune.  J'estime  qu'ilz  n'avoient  pas  creu  qu'il  passast  si  prez  de  nous. 
J'ay  esté  infiniment  ayse  d'apprendre  l'arrivée  du  coffre  de  M'  de  Thou , 
et  que  vous  ayez  mis  le  m[anu]s[crit]  grec  en  si  bonnes  mains  que 
celles  de  M"'  Grottius.  Estant  marry  qu'il  n'y  ayt  des  fragments  de  l'an- 
tiquité plus  importants,  et  plus  utiles  au  public,  mais  si  faudra  t'il  qu'il 
y  ayt  quelque  petite  chosette  qui  ne  soit  pas  ainsin  ailleurs.  J'ay  une 
grande  obligation  à  M'  d'Aubray  de  la  peine  et  du  soing  qu'il  a  voulu 
prendre  de  mes  papiers  et  roulleaux,  et  mesmes  des  médailles  de 


victimes  des  peu  libéraux  procédés  du  bi- 
bliothécaire du  Vatican.  Le  premier  de  ces 
érudits  est  Jacques  Bouchard,  qui,  dans 
une  lettre  du  7  mars  i636,  annonce  à  Pei- 
resc  qu'il  n'y  a  pas  eu  moyen  d'avoir  les 
renseignements  demandés,  car  le  P.  Justi- 
niani  r  fait  justement  de  cette  bibliothèque 
comme  le  chien  des  jardiniers  fait  des  chous 
de  son  maîtreu  (fascicule  lit  des  Corres- 
pondants de  Peiresc ,  p.  6  7  )  ;  le  second  est  Ga- 
briel Naudé,  qui, dans  une  lettre  du  26  mai 
i636,  complète  ainsi  les  récriminations  de 
Bouchard  :  «Le  père  Justinian,  qui  en  a  la 
garde  [de  la  Vaticane] ,  est  si  difficile  et  extra- 
vagant qu'il  vaudroit  mieux  que  la  dicte  Bi- 


bliothèque fût  tout  à  fait  fermée. . .  C'est  un 
homme  dt  poco  sonno  qui  n'a  presque  rien 
veu  ni  sceu,  hors  de  ce  qui  est  dans  la  Bible, 
le  Baronius  et  les  Conciles,  et  qui  faict  le 
bigot  pour  devenir  cardinal...»  Naudé  ra- 
conte ensuite  avec  la  verve  la  plus  malicieuse 
une  anecdote  qui  prouve  combien  le  P.  Jus- 
tinian était  peu  digne  par  ses  lumières  des 
importantes  fonctions  qui  lui  avaient  été 
confiées,  l^eiresc,  en  lisant  les  plaintes  et 
les  railleries  presque  simultanées  de  Bou- 
chard et  de  Naudé,  dut  bien  regretter  les 
éloges  qu'il  avait  jadis  donnés  à  l'affabihté 
du  prédécesseur  de  Holstenius. 


[1630]  AUX  FRKHKS  DUPUY.  249 

M'  d'Aubery  dont  j'avois  eu  du  re{;rol,  comme  aussy  à  M'  de  Valhelle 
d'avoir  voulu  faire  venir  mes  livres  avec  ses  liardes.  S'ils  arrivoientà  Lyon 
tandis  que  mon  l'rere  y  sera,  il  l'en  soulaj;eroit,  car  il  s'en  charfjeroit  luy 
inesmes.  Et  en  un  besoin^  l'erois  conjoinctement  apporter  celles  du  dict 
sieur  de  Valbelle,  s'il  estoit  demeuré  derrière.  J'ay  bien  de  l'obligation  à 
M""  de  Thou  de  la  protection  qu'il  a  faicte  audits''  de  Valbelle,  et  à  son  re- 
tour nous  nous  cfl'orcerons  tous  deux  ensemble  de  trouver  quelque  moyen 
de  servir  tous  deux  (sic^  si  nous  pouvons  en  revanche  de  tant  de  bieniaictz. 

J'ay  [Trand  rejjret  de  ne  m'estre  trouvé  à  Sailon  au  premier  abbord 
de  M'  d'Aubray  pour  le  servir  comme  je  debvois.  Mais  à  ce  que  m'en 
ont  mandé  quelques  uns  de  ceux  de  la  Compagnie,  elle  est  demeurée 
fort  satisfaicte  de  son  proceddé,  et  fort  disposée  de  demeurer  avec  luy 
en  toute  sorte  de  bonne  intelligence.  Et  je  crois  qu'elle  le  fera.  J'ay  eu 
des  petites  incommoditez  qui  ne  m'ont  pas])ermis  jusques  à  cette  heure 
de  l'aller  voir,  comme  je  debvois,  mais  je  ne  suis  pas  encores  hors 
d'espérance  d'y  pouvoir  aller  faii'e  un  tour  dans  la  fin  du  moys  Dieu  ay- 
dant,  et  je  n'oublieray  pas  vos  recommandations.  Je  vous  remercie  trez 
humblement  des  lionnestes  offres  qu'U  vous  plaict  me  faire  pour  le 
sieur  Aycard  qui  est  encor  à  Lyon,  et  me  mande  qu'il  pourroit  bien 
avant  que  s'en  revenir  aller  faire  un  tour  à  Paris  quasi  exprez  pour 
avoir  le  bien  de  vous  y  aller  saluer.  Il  fault  que  vous  acheviez  l'accom- 
modement de  M""  Rigault  puisque  ses  parties  se  mettent  à  la  raison, 
afin  que  vous  luy  mettiez  son  esprit  en  repos  de  ce  costé  là. 

Je  plains  grandement  le  pauvre  M'  Petit  de  Nismes  qu'il  n  ayt  eu  un 
amy  qui  vid  son  ouvrage  entier  avant  que  l'avanturer ',  car  un  peu 
d'advis  pouvoit  prévenir  bonne  partie  de  ces  inconveniants  qui  s'y  ren- 
contrent. Je  plains  bien  aussy  M'  Jacquet,  et  crains  que  ce  changement 
n'adjouste  bien  de  l'incommodité  à  nostre  commerce,  maintenant  que 
nous  pensions  estre  quittes  des  desordres  de  la  maladie,  laquelle  a 
quasi  cessé  dans  Aix  et  dans  Arles,  mais  faict  bien  du  progrès  dans 
Marseille  et  Aubagne.  L'accident  de  Cassis  avoit  esté  esludé  quelques 


'  Il  s'agit  Ih des Msce//rtHM  (Paris,  i63o  ,  in-/i°). 

II.  3* 

iHrniatait   iinoiAU. 


250  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630 1 

jours  ou  desguisé,  mais  enfin  le  mai  a  esclatté  en  sorte  que  tout  le 
monde  en  est  sorty  en  grand  desordre,  ce  qui  a  faict  grand  tort  au  com- 
merce des  Marseillois  qui  auront  peine  de  trouver  ung  autre  lieu  si 
opportun  que  celuy  là.  Si  cet  arrest  du  Conseil  de  Monsieur  se  peult 
voir,  il  sera  bon  à  garder.  Je  n'ay  pas  encores  leu  ces  cahiers  du  Bu- 
reau de  rencontre,  mais  puisque  vous  y  trouvez  quelque  utUité,  je  n'en 
doubte  nullement.  J'attendray  la  petite  bible  hébraïque  et  ne  serav  pas 
marry  de  la  relieure  parce  que  ce  n  est  pas  pour  moy.  Je  ne  regrette 
si  ce  n'est  que  les  parties  ne  sont  pas  communément  rangées  dans  ces 
volumes  des  Hollandois  selon  l'ordre  des  Juifs,  comme  j'eusse  voulu 
qu'elles  fussent  pour  la  commodité  de  cez  gens  là.  Si  mon  relieur'  estoit 
hors  de  la  ville  d'Aix,  je  les  aurois  bientost  faict  remettre  à  l'ordre  qu'ils 
veulent,  mais  il  n'en  sçauroit  encores  sortir  et  s'y  est  maintenu  en  trez 
bonne  santé  grâces  à  Dieu  dans  noslre  maison,  où  il  a  de  beau  loisir 
de  faire  bien  de  la  besogne.  Je  vous  supplie  neantmoins  de  prendre  les 
autres  deux  exemplaires  que  vous  avez  laissez  chez  Drouard  ;  seulement 
vouldrois-je,  si  cela  estoit  facile,  sans  gaster  la  relieure  flamande,  qu'il 
vous  pleust  de  les  faire  descouldre  et  remettre  en  l'ordre  rabbinesque 
qui  sera  cotté  au  billet  cy  inclus,  et  puis  y  remettre  cette  bonne  cou- 
verture de  gros  vellin  qui  est  propre  pour  cez  pays  de  Levant  oii  je  les 
veux  envoyer,  en  revanche  de  la  peine  que  aulcuns  de  ces  gens  là  ont 
prinse  pour  l'amour  de  moy. 

Pour  le  catalogue  de  la  foire,  je  suis  toujours  curieux  de  le  voir,  car 
n'ayant  pas  le  goust  si  délicat  que  beaucoup  d'autres,  j'y  trouve  tou- 
jours quelques  chardons  supportables  à  la  rudesse  de  mes  lèvres.  Sur 
quoy  je  finiray  demeurant, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Boysgency,  ce  16  juin  i63o. 

On  lira,  dans  un  des  volumes  consacrés  ce  relieur,  qui  s'appelait  Gorberan ,  comme 
h  la  correspondance  de  Peiresc  avec  divers,  nous  l'avons  déjh  vu  au  comnieneement  du 
une  airieuse  lettre  adressée  de  Belgentier  à        présent  volume  (leUre  III). 


[1630]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  251 

Depuis  vous  avoir  cscript  d'Iiier  au  soir,  jo  viens  d'appreiiHic^  le  pas- 
sage des  a/»  galères  d'Hespagne  qui  portent  riiilaute  Doua  Maria,  les- 
fpicUes  abordèrent  en  veuc  de  Tolion  sur  les  six  heures  du  soir  et 
en  sont  parties  à  cette  nuict,  aprez  que  dez  hier  au  soir  elle  sceut, 
par  une  chalouppe  envoyée  jusques  à  la  tour  de  i'embouscliure  du 
port,  que  les  Uoynes  n'estoient  pas  à  ToHon,  comme  elles  avoient 
promis  de  s'y  trouver. 
Ce  17  juin. 

La  partie  dont  vous  escrivoit  le  prieur  de  Roumoulles  estoit  pour 
satisfaire  aux  livres  que  vous  prenez  la  peine  de  (aire  prendre  pour 
mon  compte,  ayant  creu  que  les  soupçons  de  la  maladie  de  Marseille 
et  de  Cassis  pouvoient  peull  estre  laisser  du  regret  au  crédit  des  Mar- 
seillois  qui  vous  souloient  faire  fournir  de  l'argent. 

\A  côlé  de  Ta^/resse.]  J'oubliois  de  vous  dire  qu'il  ne  fauldra  pas  laisser 
le  Nicephore  grec  en  fin  papier  tandis  qu'il  s'en  trouvera,  puisqu'il  vous 
plaict  en  prendre  le  soing'. 


XLVIII 

X  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PAnis. 

Monsieur, 

Je  receus  hier  voz  despesches  du  10  et  1  6"""  de  ce  moys,  avec  celles 

c|ue  vous  y  aviez  joinctes  de  la  part  de  mons'  le  Grant,  et  de  M'  Ber- 

geron,  et  la  petite  bible,  ensemble  plusieurs  pièces  du  temps  très 

curieuses  et  le  rooUe  de  mes  ballots,  dont  je  vous  remercie  trez  humble- 

'  Cette  Jettre  manque  nu  volume  717.  communiquer  rnutographe  qui  fait  paiiie 
J'en  avais  di^jh  pris  copi(?  h  Carpontras  dans  de  sa  riche  et  belle  colleclioii.  J'ai  pu  ainsi 
le  recueil  des  minutes  des  lettres  aux  frères  nmdliorer  ma  copie  et  constater  une  fois  de 
Dupuy  (Additiom  aux  manuscrits  de  Peiresc ,  plus  que  la  transcription  qui  semblerait  de- 
registre  V,  fol.  a 35),  quand  M.  Paul  Ar-  voir  ôtre  la  plus  sûre  ne  remplace  jamais 
baud,d'Aix  en  Provence,  a  bien  voulu  m'en  complètement  le  document  original. 

3i. 


I 


252 


LETTRES  DE   PEIRESC 


[1630] 

ment,  et  de  la  continuation  de  voz  bonnes  grâces  et  de  voz  bons  oflices. 
Je  plains  infiniment  le  bon  M'  Rigault  et  en  ay  grande  compassion  S 
mais  au  bout  du  compte  je  pense  que  sa  bonne  foy  gaignera  le  dessus. 
Car  j'ay  de  la  peine  à  me  persuader  que  son  adversaire  se  puisse  donner 
cette  violance  de  ne  point  lascher  plus  de  six  exemplaires  de  son  es- 
cript,  cognoissant  son  humeur^,  que  j'avois  certainement  appréhendée 
de  longue  main ,  pour  M''  Higault,  qui  aime  tant  la  tranquillité  d'esprit*. 
C'a  esté  un  grand  tradiment*  que  celuy  de  cet  imprimeur  qui  est  in- 
digne d'estre  employé  par  les  gents  d'honneur.  Je  n'avois  pas  creu  que 
rOptat  deubt  faire  un  volume  in  fol.,  mais  puis  que  cela  est,  il  fault 
qu'il  y  ayt  joinct  possible  toutes  les  autres  pièces  du  temps  que  feu 
M'  Pithou  y  avoit  joinctes,  avec  de  grandes  notes*.  L'autheur  m'en  avoit 
faict  voir  quelque  chose  durant  son  sesjour  de  Marseille,  où  j'avois 
trouvé,  ce  me  sembloit,  de  bien  bonnes  observations.  Mais  l'ouvrage 
estoit  fort  petit.  Je  crains  qu'en  le  voulant  grossir  il  ne  luy  réussisse 
peut  estre  pas  si  bien.  Toutefoys  il  faudra  voir  ce  que  ce  sera.  Cez 
commissions  pour  la  relation  des  facultez  de  personnes  particulières 
seront  de  bien  dure  digestion  partout,  et  s'il  en  falloit  venir  à  cela, 
on  inviteroit  le  monde  à  vivre  et  cacher  ses  moyens  à  la  Turquesque. 
Si  l'on  commençoit  par  les  facultez  de  celuy  mesmes  qui  les  a  expédiées, 
et  qu'on  y  fit  distinction  des  temps,  il  y  auroitpeult  estre  bien  aultant 


'  Au  sujet  de  l'étemelle  querelle  avec  Ga- 
briel de  l'Aubespine ,  évêque  d'Orléans. 

"  Humeur  1res  batailleuse,  comme  on 
peut  le  voir  dans  la  notice  sur  le  savant  prélat 
en  tête  du  fascicule  VII  des  Correspondants 
de  Pciresc,  p.  7-8.  J'ai  cité  là  ce  jugement 
porté  sur  G.  de  l'Aubespine  par  le  cardinal 
Benlivoglio:  "D'une  nature  très  ardente,  il 
est  homme  à  porlor  tout  à  l'extrême.)) 

^  Rigault,  si  grand  ami  de  la  tranquiltilé, 
eut  encore  une  autre  retentissante  discus- 
sion :  ce  fut  avec  le  P.  Vavasseur,  au  sujet 
de  la  beauté  du  Christ,  niée  par  lui,  alfir- 
mc'e  par  son  adversaire. 


*  Le  Dictionnaire  de  Trévoux  donne, 
d'après  Borel,  cette  interprétation  du  mot 
tradimenl  :  rt enseignement,  tradition.)-  Mais 
Peiresc  a  évidemment  employé  le  mot  dans 
le  sens  de  trahison,  comme  l'avait  employé 
déjà  R.  Belleou  dans  des  vers  cités  par  La 
Gurnade  Sainle-Palaye  {Dictionnaire ,  t.  X, 
p.  73). 

'  Le  travail  de  Pithou  sur  Optât  n'est  |)as 
mentionné  dans  les  notices  bibliographiques 
sur  l'érudit  champenois,  notamment  dans 
les  Mémoires  du  P.  ISiceron  (t.  V)  et 
dans  la  Vie  de  Piètre  Pithou ,  par  €rosley 
(«756). 


[1630]  AUX  FRÈRES  DUPIY.  253 

à  diro  qu'î^i  aulcuii  autre  des  subjects  du  Roy.  La  délibération  du  par- 
lement i*ur  robscrvaiice  de  l'Edict  des  suppressions  ne  sçauroit  estre 
trouvée  mauvaise.  Mais  l'autre  chef  est  bien  hardy  concernant  le  des- 
domma{;ement  des  héritiers,  et  s'il  s'en  pouvoit  avoir  de  minute,  ce  se- 
roit  bien  une  des  bonnes  pièces  qui  se  pussent  voir.  Les  dangers  de  la 
peste  de  ce  païs  icy  ont  mis  les  pauvres  officiers  en  telle  allarme,  qu'il 
n'y  en  a  gueres  (jui  n'aymast  mieux  se  mettre  à  rançon  que  de  courir 
la  fortune  do  tout  perdre,  et  de  voir  ruiner  leurs  familles,  dont  le  plus 
clair  consiste  souvent  au  fonds  des  ollices. 

Quant  à  l'ecclypse,  il  fauldra  voir  les  observations  de  M'  Gass[en]dy. 
En  ce  fonds  de  vallée  où  nous  sommes,  elle  nous  fut  imperceptible  dans 
le  corps  du  soleil  à  cause  des  montagnes  qui  nous  couvrent  l'orizon, 
mais  après  le  poinct  du  soleil  couché,  il  survint  une  obscurité  fort  ap- 
parente en  l'air  et  fort  différante  de  celle  du  crépuscule  qui  se  reclair- 
cit  '  par  aprez  avant  la  fin  dud[it]  crépuscule  et  fit  un  effect  que  je 
n'avois  jamais  vou.  Tant  csl  (ju'eilc  deubt  commancer  plus  tard  qu'on 
n'avoit  dict;  car  M''  de  Cliastueil  et  M''  Lombard  avoient  pareillement 
affusté'^des  instruments  au  fonds  du  parc,  où  le  soleil  disparoit  le  plus 
tard,  où  ils  ne  recogneurent  aulcune  apparence  d'ecclypse  jusques  aprez 
sept  heures,  et  bien  prez  du  poinct  du  soleil  couchant,  lequel  ils  ne  pou- 
voient  pas  voir^.  Au  reste  j'ay  bien  de  l'obligation  à  M"'  Auber[y]  de  son 
registre  de  Léon  X;  il  ne  se  peut  lasser  de  m'obliger,  et  j'ay  tousjours 
moins  de  moyens  de  m'en  revanchcr,  tant  je  suis  malheureux.  Je  voul- 


'  Littré  n"a  cilé  seus  le  mot  réelaircir 
qu'une  phrase  du  xii'  siècle  (romîtn  de  Couci) 
et  qu'une  phrase  du  xvi*  siècle  (Olivier  de 
Serres). 

'  Autrefois  ajuster  avait  le  sens  général 
de  disposer;  et  on  trouve  dans  la  première 
édition  du  Dictionnaire  de  l'Académie  :  fof- 
fusté ,  préiiaré.»  Voir  le  mot  affuster  dans  les 
Dictionnaires  de  Trévoux,  de  La  (îurne  de 
Sainte-Falaye. 

^  Gassendi- (I:  fV,  p.  3/io-3/ii)  parle  ainsi 
dos  vaines  tentatives  faites  iwir  l'eiresc  et  ses 


(lewr  auxiliaires  François  de  Galaiip  (déjà 
mentionné  en  la  lettreXL)  ell^/jmlwrd,  pour 
étudier  l'éclipsé  :  (rFranciscus  Gallaupius  no- 
bilis  Aquensis,  qui  Hebraire  docttis,  si  quia 
alius,  et  peregrinationis  orienlalis  cu[miis- 
simus,  March(cvilln!um  apud  Peireskiumre- 
ditunim,  |)ricstolabntur.  Is  fuit,  cui  sinnil  ac 
Lombardo  deniandavit  prfecipunni  cirram  o\> 
servandi  eclipsimsolis.  qiiiv  die  décima  Junii 
conligit.  Id  tamen frustra,  quod  montes occi- 
(hii  delicii'ntem  s»lcin  inlen:eperMit.  observa- 
taquc  solum  fuerit  magna  aëris  obscuratio.  » 


254  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630] 

drois  bien  que  selon  son  sentiment  mon  frère  vouspeust  aller  voir,  mais 
il  luy  est  bien  malaisé  et  quasi  impossible.  Il  est  vray  que  s'il  me  croid, 
il  envoyera  mon  neveu  vous  rendre  ses  debvoirs  et  les  miens  jicndant  ce 
mauvais  temps.  Mon  frère  m'escript  qu'il  a  veu  et  payé  la  voilure  de 
mes  ballots  de  livres  chez  mess''  de  Sallicoffres  \  et  qu'il  me  les  fera 
apporter  en  venant;  il  me  tardera  fort  de  les  avoir  en  ce  désert,  où  ils 
nous  fourniront  bien  du  divertissement,  y  ayant  une  si  grande  multipli- 
cité de  pièces,  que  j'en  ay  esté  ravy  en  voyant  vostre  rooHe.  Mais  je  n'y 
ay  pas  apperceu,  ce  me  semble,  le  livre  dont  vous  me  parliez  derniè- 
rement de  M'"  Petit  ^  ne  celuy  dont  m'escript  M'  Bergeron  de  ses  Isles 
Canaries  ^.  Mais  j'ay  esté  bien  aise  d'y  trouver  le  Nicephore  nouveau , 
dont  me  faisiez  feste  par  vos  dernières*.  Et  toutes  ces  jolies  pièces  de 
l'édition  des  Estiennes.  Et  particulièrement  ces  conciles  du  P.  Sirmond*, 
et  ce  Solin  de  M''  Saulmaise*^,  encore  que  je  me  doubte  bien  que  les 
notes  n'y  soient  pas  encor  achevées  d'imprimer  selon  ce  que  vous 
m'aviez  escript  quelque  temps  y  a. 

Nous  verrons  donc  ce  livre  de  la  maison  de  Linden''  et  ce  nouvel 
ouvrage  de  Snellius*  et  ce  Pliil.  Lansbergius,  qui  a  voulu  parler  du 


'  On  a  dans  les  minutes  de  l'Inguimber- 

dne  (registre  VI,  fol.  i58)  une  seule  lettre 
de  Peiresc  à  M.  de  Sallicoffres ,  écrite  d'Aix 
le  9  mars  1629. 

'  H  s'agit  là  du  premier  des  ouvrages  de 
Samuel  Petit ,  les  Miscellanea  qui  parurent  à 
Paris  en  i63o,  in-4°. 

'  Histoire  de  la  première  découverte  et  con- 
quête des  Canaries ,  faite  dès  l'an  làoa  ,  par 
messire  Jean  de  Béthencourt,  chambellan  du 
roi  Charles  F/ (Paris,  i63o,in-8°). 

*  Nicephorus  Callistus.  Eeclesiaslicœ  his- 
torite  lihri  XVIII ,  grœce  nunc  primum  editi  : 
adjecta  est  lalina  interpretatio  Joan.  Langi  a 
Frontone  Ducœo  cum  Grœcis  collata  et  reco- 
gnita.  (Paris,  Gramoisy,  i63o ,  2  vol.  in-foj.) 
On  lit  dans  le  Manuel  du  libraire  (t.  IV, 
col.  54)  :  tf  L'article  Fronton  du  Duc  qui  fait 


partie  des  Mémoires  du  P.  Niceron  et  qui  est 
du  P.  Oudin  (t.  XXXVIII,  p.  n8)  contient 
des  détails  curieux  sur  l'impression  de  cette 
édition  de  Nicephorus  Callistus ,  donnée  par 
Nie.  Rigault  et  dédiée  par  lui  au  cardinal 
de  Richelieu.» 

"  Concilia  antiqua  Galliœ  très  in  tomos  or- 
dine  digesta,  etc.  Paris,  1629,  3  vol.  in-fol. 

"  Pliniame  exercitationes  in  Caii  Julii  So- 
lini  Polyhistora,  etc.  Paris,  1G29,  2  vol. 
in-fol. 

'  Nous  avons  déjà  rappelé  que  les  Annales 
généalogiques  de  la  maison  de  Lynden,  par 
Christophe  Burkens ,  parurent  à  Anvers  en 
1626. 

'  Doctrinœ  triangulorum  cationicce  libri 
quatuor  (Leyde,  1627).  Cet  ouvrage  pos- 
thume (Snell  était  mort  le  3 1  octobre  1626) 


[1630] 


AUX    FRERES  DUPUY. 


355 


inouvoinent  de  la  terre',  que  je  n'altendois  pas  si  tost,  mais  je  suis  bien 
obligé  à  M'"  lli(i[aiilt  de  son  beau  JMiaedrus'^  à  M'  du  Chesne  de  ses 
Ducs  de  Bourgo{i[ne ',  à  M'  Granier  de  son  Mallierbe*,  à  M''  Lhuillier 
de  son  dictionnaire  *,  à  M'  Hosier  de  ses  généalogies*,  et  à  vous  autres, 
messieurs,  de  cez  belles  pièces  de  M' de  Tliou  de  Re  accipitraria '',  de 
Barlaeus  et  autres.  Gomme  aussy  au  s'  Vitray  de  son  Testament  de 
Mahomet  et  de  ses  rudiments  on  Turquesque.  Mais  j'aymerois  bien 
mieux  qu'il  m'eut  obligé  avec  le  pauvre  M""  Fabrot,  de  mettre  son 
Théophile  soubs  la  presse  comme  il  a  promis  depuis  si  long  temps. 

Pour  ce  qui  est  de  M' Jaquet,  je  ne  vous  sçaurois  exprimer  combien 
ce  changement  m'a  esté  sensible,  et  je  ne  voids  pas  d'apparence  que 
son  affaire  se  puisse  rhabiller,  de  sorte  qu'il  faudra  faire  au  moins  mal 
que  nous  pourrons,  et  tant  qu'il  nous  sera  loisible  de  faire  passer  des 
despesches  soubs  les  enveloppes  de  M' le  Beauclerc,  ou  de  M"^  de  Lo- 
menie,  nous  nous  détiendrons  bien  de  cez  nouveaux  conomis,  et  une 


fut  complété  et  publii'  par  Martin  Ilortcnsius 
(de  Delfl). 

'  Commenlaliones  in  moium  teirœ  diitrnum 
et  aimuum,  etc.  (Middelbourg,  1 63o ,  in-4°). 

^  Fahularum  /Esopiarum  libri  V.  Nie.  Ri- 
ffaltius  recennuil  et  notis  illustiwit.  Bfunct 
indique  (t.  IV,  col.  588)  deux  éditions  :  la 
première  de  lÔQg  (Paris,  Drouart,  pet. 
in-ia),  dédiée  a  M.  J,-A.  de  Tliou;  lu  se- 
conde de  1G17  (Paris,  l\.  Estit'une,  in-4°). 
Y  eut-il  une  nouvelle  édition  en  i63o? 

'  Histoire  génêalofrique  des  ducs  et  comtes 
de  Bourgogne,  c(c.  (Paris,  1628,  in-4°). 

*  Leê  œuvres  de  M"  François  de  Malherbe, 
gentilhomme  ordinaire  de  la  chambre  du  lloij. 
Paris,  Charles  Cliappelain,  tG3(>,  iu-'i".  Le 
véritable  éditeur  fut,  non,  ainsi  qu'on  Ta 
cru,  François  d'Arbaud, sieur  de  Porchères, 
mais  Auger  de  Mauléon,  sieur  de  Gra- 
nier, comme  il  résulte  de  l'indication  for- 
melle que  Peiresr  nous  fournit  ici ,  et  comme 
du  reste  l'avait  établi  déjà  M.  Lud.  Lalanne 


{Notice  bibliographique ,  déjà  citée)  en  s'ap- 
puyant  sur  une  lettre  de  Diipuy  à  Peiresc, 
du  18  mai  1629 ,  et  sur  une  lettre  de  Pei- 
lesc  h  Dupuy,  du  18  août  1699,  lettres  pu- 
bliées en  ce  présent  volume. 

'  Un  dictionnaire  arabe  que  François 
Luillicr  avait  procuré  à  Peiresc. 

'  Probablement  des  généalogies  manu- 
scrites de  Picri-ed'Hozier.  De  tous  les  recueils 
du  célèbre  juge  d'armes  de  France,  celui 
qui,  |)ar  la  dote  de  sa  publication,  se  rap- 
proche le  plus  de  1 63o  est  celui-ci  :  Les 
noms,  surnoms,  armes  et  blasons  des  ekeea- 
lier»  et  officier*  de  l'ordre  du  Saint-Esprit  ,etc., 
recueillis  par  Pierre  d'Iloiier,  sieur  de  la 
Garde,  historiographe  et-  gètiulogUte  de 
France  (Paris,  Tavernici',  j634,  in-fol.). 

'  On  connaît  deux  édilion*  du  poème  du 
président  de  ïhou  :  llieracosophton ,  sive  de 
re  aeeipitraria  libri  111  (Pari»,  Mamert  i'a- 
tisson,  i584,  in-'i°:  Paris,  mérne  impri- 
meur, 1587,  iB-8°). 


256  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630] 

enveloppe  que  vous  veuilliez  faire  à  M"'  nostre  Premier  Présidant  sur 
tout  ce  qu'il  vous  plairra  m'envoyer  nous  mettra  à  couvert  de  tout  autre 
conterooHe  du  costé  de  deçà,  sans  qu'il  vous  faille  charger  de  luy  es- 
crire.  11  suffira,  si  vous  ne  le  trouvez  mauvais,  de  faire  mettre  soubs 
son  enveloppe  quelque  petite  demy  feuille  des  nouvelles  plus  com- 
munes, cottee  sur  le  dos  pour  m'estre  envoyée  avec  le  pacquet  y  joinct, 
car  cette  friandise  fera  souffrir  patiemment  l'adresse  qu'il  vous  plairra 
me  faire  de  livres  ou  de  quelque  autre  chose  que  ce  puisse  estre.  Des 
nouvelles  de  cez  pais  de  deçà  nous  ne  sçaurions  pas  maintenant  vous 
en  escrire  de  considération  qu'un  peu  de  contention  qu'il  y  a  eu  à 
Toullon  entre  M'  le  General  des  galères  et  M'  de  S'  Ganat,  gouver- 
neur de  la  ville  \  pour  les  casaques  ou  hocquettons  de  trois  ou  quattre 
gardes  qui  suyvoient  d'ordinaire  led[it]  gouverneur  et  pour  le  salut  des 
soldatz  du  corps  de  garde  de  la  porte  de  la  ville,  dont  vous  aurez  sceu 
les  particularitez  d'ailleurs,  ne  s'estant  trouvé  persone  dans  le  païs  qui 
ait  peu  s'en  entremettre  et  les  consuls  de  la  ville  ayant  tiré  parolle  de 
surceance  de  part  et  d'autre,  attendant  si  M' le  Gouverneur  de  la  pro- 
vince viendra,  comme  on  dict,  pour  y  mettre  la  dernière  main.  Et  s'il 
tarde  guieres,  possible  que  M""  le  premier  présidant  d'Oppede  prendra 
la  peine  d'y  venir  à  cette  heure  que  le  parlement  sera  finy.  Sur  quoy 
je  finiray  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc^. 
A  Boysgency,  ce  a  7  juin  i63o. 

'  Etait-ce  Gaspard  de  Forbin,  seigneur  '  Vol.  717,  fol.  106  bis.  Cette  lettre,  qui 

de  Solliers  et  de  Saint-Gannat ,  personnage  avait  été  enlevée  à   la  Bibliothè<:[ue  natio- 

qui  avait  été  député  par  la  noblesse  de  Pro-  nale ,  a  été  rendue  à  cet  établissement  en 

vence  à  l'assemblée  des  notables  convoquée  1881. 
à  Rouen  en  1617? 


[1630J  AUX  FRÈRES  DUPUY,  257 

XLIX 

À   MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Je  receus  hier  au  soir,  par  un  courrier  extraordinaire  de  M'  du  Lieu, 
vostre  despesclie  du  16  do  ce  moys,  mais  je  n'ay  pas  encor  eu  celle 
que  vous  accusez  du  9'°^  oui  bien  d'aultres  précédantes  du  2  juillet, 
28  juin  et  17  avril,  toutes accoinpajjnées de  trez  belles  curiositezà  vostre 
accoustumée,  et  ay  pareillement  receu  tous  les  fagots  dont  M""  d'Au- 
bray  s'esloil  chargé,  et  les  balles  de  livres,  qui  arrivèrent  bien  peu  de 
jours  aprez  les  dicts  fagots  et  rouleaux,  où  j'ay  trouvé  tout  le  plus 
agréable  entretien  que  j'eusse  peu  désirer,  et  tout  le  plus  grand  sou- 
lagement qu'il  se  pouvoit  avoir  en  cette  solitude  champestre.  Mais  de- 
puis lors  nous  avons  eu  icy  tant  de  divertissements  que  je  n'y  ay  pas 
peu  guiere  mettre  de  temps,  et  à  peine  ay  je  peu  parcourir  les  pièces 
m[anu]s[crit]es,  où  j'ay  prins  un  trez  grand  plaisir,  et  en  ay  faict 
dresser  le  roolle  qui  sera  cy  joincl.  Cez  pauvres  fagots  coururent  en- 
cores  grande  fortune  le  jour  de  leur  venue,  car  à  deux  lieues  d'icy,  celuy 
qui  les  portoit  se  trouva  enveloppé  parniy  des  forçats  de  galère  lors 
qu'ils  rompirent  leur  chaisne  et  tuèrent  leurs  gardes  et  conducteurs;  ils 
estoient  i  28  en  nombre,  et  firent  belle  peur  à  ce  pauvre  voiturier,  qu'ils 
voulurent  rançonner,  mais  n'estant  pas  encores  tous  deschaisnez,  et 
voyant  paroistre  du  monde,  ils  le  laissèrent  pour  grimper  les  mon- 
tagnes^ et  se  saulver  comme  ils  le  firent  la  plus  pari.  J'ay  esté  infini- 
ment aise  d'apprendre  que  M'  Grotius  ayt  daigné  prendre  le  soing  du 
INicolaus  Damascenus,  et  M'Bignon  de  mon  pacquet  d'Angleterre,  dont 
je  ne  manqueray  pas  de  les  remercier  par  la  première  commodité,  ne 
pouvant  pas  maintenant  satisfaire  à  ce  debvoir,  ne  respondrc  punc- 
tuellement  ù  voz  lettres,  pour  ne  retarder  M'  de  Marcheville^  qui  est 

'  Le  verbe  grimper  a  ('le  aussi  eniployii  nctivement  par  Régnier  (Salire  xvi)  :  ircoramc 
une  chèvre  en  grimpant  un  rocheri.  —  *  Sur  le  comte  de  Marcheville,  voir  l.  I,  p.  196. 
n.  33 


uvftiaikit   ii*Ti«««uu 


258  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630J 

pressé  de  passer  oullre  et  m'a  donné  avec  un  peu  de  peine  le  temps 
qu'il  a  fallu  pour  escrire  à  M"^  Holstenius  par  le  susdict  courrier  et  à 
M'  Gassendy,  pour  les  inviter  à  faire  quant  et  luy  le  voyage  de  Gon- 
stantinople,  oii  il  a  grande  envie  de  les  mener.  Et  j'estime  que  l'occa- 
sion est  si  belle  pour  leur  curiosité  qu'ils  ne  la  debvront  pas  laisser 
perdre,  et  qu'ils  y  proffiteront  grandement  pour  le  public,  et  saulve- 
ront  de  bons  livres,  et  aultres  singularitez,  s'ils  veullent\ 

Nous  avons  veu  comme  vous  le  Décret  imprimé  de  l'Eminenza,  et  je 
m'apperceus  à  l'ouverture  du  livre  de  ce  Mystagogus  du  père  Gresso- 
lius'S  qu'il  avoit  possible  donné  l'envie  à  cez  cardinaulx  de  prendre 
beau  tiltre,  puisqu'il  avoit  trouvé  de  si  belles  authoritez  des  Saincts 
Pères,  pour  son  origine  et  application  aux  chefs  de  l'Eglise.  Et  ne  sçay 
si  le  livre  n'auroit  point  esté  faict  exprez  pour  ce  dessain,  puis  que  le 
mot  d'Eminentissime^  y  est  représenté  et  affecté  en  différant  caractère, 
pour  en  marquer  plus  fort  l'énergie. 


'  Ni  Gasseadi ,  ni  Holstenius  n'accompa- 
gnèrent à  Constantinople ,  en  i63i,  l'am- 
bassadeur du  roi  de  France  auprès  de  la 
Sublime  Porte.  Voici  ce  cpi'on  lit  sur  ce  sujet 
dans  l'ouvrage  de  Bougerel  (p.  91-92): 
rr Henri  de  Gournay,  comte  de  Marclieville, 
venoit  d'être  nommé  à  l'ambassade  de  la 
Porte.  Conimeil  airaoit  les  savants,  il  en  voulut 
mener  plusieurs  avec  lui  :  il  le  fit  proposer  à 
Descartes,  aussi  bien  qu'à  Gassenrli  ;  celui-ci 
l'ut  plus  facile  à  gagner  que  l'autre.  J.-J.  Bou- 
chard ,  Parisien ,  qui  étoit  pour  lors  h  Rome , 
Holstenius ,  chanoine  du  Vatican ,  et  plusieurs 
autres  savants  d'Italie  et  de  France ,  dévoient 
être  de  la  partie.  L'on  ne  parloit  de  rien 
moins  que  d'enlever  à  l'Orient  tous  ses  ma- 
nuscrits et  toutes  ses  raretez.  Gassendi  étoit 
si  résolu  à  ce  voyage ,  qu'il  en  écrivit  à  Ga- 
lilée ,  à  Golius ,  h  Aubert  Le  Mire ,  à  Reneri , 
à  Erycius  Puteanus,  et  à  plusieurs  autres 
de  ses  amis  d'Italie,  d'Allemagne  et  des  Pays- 
15as,  pour  leur  offrir  ses  services  dans  le 


Levant.  Leur  départ  fut  fixé  au  mois  de  no- 
vembre [t  63o]. Gassendi,  qui  pensoit  sérieu- 
sement à  ce  voyage ,  se  mit  de  nouveau  à  la 
lecture  d'Homère,  parce  qu'il  vouloit  porter 
avec  lui  Strabon  qui  a  pris  à  tâche  d'éclaircir 
et  de  défendre  ce  poète;  mais  tout  ce  projet 
s'en  alla  en  fumée ,  car  malgré  toute  l'envie 
qu'il  en  avoit,  il  ne  put  en  être,  et  je  n'en 
trouve  nulle  part  la  cause.  Bouchard  et 
Holstenius  ne  purent  être  prêts  pour  le  lems 
du  départ,  quoique  le  comte  de  Marcheville 
eût  été  obligé  de  le  différer  jusqu'au  aojuil- 
let  i63i.ii 

'  Ludovxci  Cresollii  Armorici  e  societate 
Jesu  Mystagogus  de  sacrorum  homiiium  disci- 
plina, etc.  (Paris,  Séb.  Gramoisy,  1629, 
in-fol.).  Voir  sur  le  P.  Louis  Crésol  en  ce 
présent  tome  la  page  58. 

'  Le  Dictionnaire  de  Trévoux  dit  de  ce 
superlatif  :  cr Titre  d'honneur  qu'on  donne 
depuis  quelque  temps  aux  cardinaux.  1 
C'est  depuis  i63o  que  cette  qualification  a])- 


[1630  I 


AUX  FRERES  DUPUV. 


259 


Nous  verrons  bien  volontiers  les  pièces  des  m[anu]s[crit]s  de  l'IIinc- 
marus  '.  Le  mal  est  que  nous  n'avons  rien  à  vous  envoyer  en  revanche. 
Il  y  aura  pourtant  icy  quelques  petites  feuilles  où  je  vouklrois  bien  que 
vous  poussiez  trouver  quelque  chose  non  encore  passée  par  voz  mains^ 

Au  reste  M"^  de  Marcheville  désire  bien  d'estre  agrégé  à  vostre  Aca- 
démie avant  que  de  s'en  aller  en  Constantinoplc,  et  m'a  dict  qu'il  vous 
iroit  voir.  H  y  a  vingt  ans  que  je  le  cognois  et  que  j'ay  veu  en  luy  de 
irez  belles  et  recommandables  parties^  de  probité,  de  curiosité,  et  de 
courtoisie  ;  vous  aurez  du  contentement  à  le  gouverner,  et  je  partici- 
peray  à  ses  obligations.  Estant  bien  marry  d'estre  constraint  de  clore 
et  demeurant. 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  irez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Boysgency,  à  la  desrobée,  ce  q6  juillet  i63o. 

Si  M''  du  Lieu  peult  establir  ses  courriers  par  icy  jusques  à  Geues,  il 
ne  nous  manqueroit  pas  de  commodilez  de  renouer  nostre  commerce; 
si  non,  il  y  aura  bien  de  la  peine,  tant  les  postes  sont  rompues  entre 
Lyon  et  ce  pais  \ 


partient  aux  membres  du  Sacré  Collège  en 
vertu  d'un  décret  de  la  congrégation  <les  rites 
approuvé  par  le  pape  Urbain  VIII  le  lo  juin. 
Voir  en  ce  qui  regarde  le  tilre  d'étninence , 
prématurément  donné  au  cni-dinal  de  Ri- 
cbelieu  par  l'auteur  des  Mémoires  de  Pontis 
et  par  quelques  autres  écrivains,  les  obser- 
vations du  P.  Griiïot  [Ilinlorre  du  règne  de 
Louis  XIII ,  t.  11 ,  p.  t  o/)  ).  b'minence  et  ^wi- 
nenlissimc  sont  deux  titres  ci-éés  le  même 
jour. 

'  Ilinomnr,  arcbevétjuc de  Reims,  morth 
Épernay  le  qi  décembre  88a,  a  laissé  des 
ouvrages  llu'ologi(]uos  publiés  par  le  P.  Sir- 
mond  en  ifii.")  (a  vol.  in-fol.)  et  une  chro- 


nique de  86 1  à  88q  dont  la  dernière  édition 
a  été  donnée  par  l'abbé  E.  Deliaisnes  dans 
les  Annales  de  Saint-Bertin  et  de  Saint-  Waoil 
publiées  pour  la  Société  de  l'histoire  de 
France  (1871). 

'  Sous  le  mot  parties  pour  qualités,  lÀUré 
n'a  cité  que  des  écrivains  postérieurs ,  Bos- 
suet.  Corneille,  Fénelon,  La  Bruyèif,  Mon- 
tesquieu, Racine,  Saint-Simon,  etc. 

'  Vol.  717,  fol.  107.  Voir  à  V Appendice, 
seconde  partie.  n°  VII,  une  lettre  de  Jac- 
ques Dupuy  à  Peiresc,  du  3  septembre 
i63o,  et,  n"  VMI.  une  lettre  du  même  au 
même,  du  20  du  même  mois. 


33. 


2  GO 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1630] 


À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS 

Monsieur, 
Nous  avons  eu  le  bien  de  gouverner  icy  M''  de  Fontenay  Bouchard 
un  jour  ou  deux  '  avec  un  grandissime  plaisir  d'apprendre  de  si  bonnes 
nouvelles  de  l'Académie  et  de  ce  que  nous  y  avons  de  plus  cher.  Nous 
luy  avons  baillé  afforce  lettres  pour  Rome  aux  cardinaux  Barberin  et 
Bentivoglio  et  aultres  qu'il  a  désiré*,  mesmes  à  M''  Holstenius,  encores 
qu'il  y  deubst  avoir  plus  de  crédit  que  nous,  puisque  vous  l'avez  ainsin 
voulu.  Il  est  encor  à  Tollon^  avec  quelque  incertitude  si  le  train  de 
M'  le  cardinal  Bagny  est  passé  ou  non,  à  faulte  d'estre  descendu 
d'Avignon  oi!i  il  l'avoit  manqué*  jusques  à  Arles,  où  on  luy  avoit  dict 


'  Le  1 4  et  le  1 5  novembre ,  comme  nous 
l'apprend  le  très  curieux  volume  intituM  : 
Les  confessioiis  de  Jean-Jacques  Bouchard, 
Parisien,  suivies  de  son  voyage  de  Paris  à 
Rome  en  i63o,  publiées  pour  la  première  fois 
sur  le  manuscrit  de  /'««(««r  (Paris,  Isidore 
Liseux,  i88i,  in -8°).  Bouchard  raconte 
d'une  façon  bien  inléressaîite  (p.  i26-i3a) 
son  voyage  en  Provence  et  sa  visite  à  -rBeau- 
gencier,  village  enfermé  entre  deux  monta- 
gnes, qui  a  environ  2  5o  feus».  Je  ne  citerai 
que  les  premières  lignes  de  l'enthousiaste 
éloge  qu'il  fait  de  l'hospitalité  de  Peiresc  et 
de  Peiresc  lui-même:  (t Monsieur  de  Peiresc 
retint  le  soir  et  le  lendemain  i.5  tout  du  long 
du  jour  ùpéalrjs  [c'est  le  nom  de  guerre  du 
narrateur]  choz  luy,  avec  toute  la  bonne  chère 
et  toutes  les  faveurs  que  l'on  sçauroit  sou- 
haiter. Aussi  est-ce  un  homme  qui  n'a  pas  son 
pareil  en  l'Europe  pour  la  courtoisie  et  huma- 
nité, comme  aussi  pour  la  sagesse,  science, 
curiosité  de  toutes  les  belles  choses .  .  .  n 


^  Bouchard  dit  (p.  ia8)  que  rrpartant 
de  Paris,  il  avoit  pris  de  M"  du  Puy  et  Ri- 
gault  lettres  de  recommandation  adressantes 
à  Monsieur  de  Peiresc, )i  et  que  ce  dernier 
rr  bailla  à  Ùpét/lrjs  diverses  lettres  pour 
Home,  entre  autres  aux  cardinaux  Barberin 
et  Bentivoglio .  . .  v. 

'  Sur  Bouchard  h  Toulon  avant  et  après 
le  séjour  à  Belgentier,  voir  les  pages  ia5- 
126,  j3aet  199-198  du  volume  que  nous 
venons  de  citer.  Le  voyageur  quitta  Toulon 
le  3  décembre. 

'  On  lit  (p.  109  du  Voyage  de  Paris  à 
Rotne)  :  rùpéalrjs  ayant  apprins  que  la 
famille  du  cardinal  Bagny  estoit  passée  quel- 
ques jours  auparavant,  et  qu'elle  pourroit 
eslre  alors  h  Mai-seille,  il  ne  séjourna  pas 
plus  de  deux  heures  en  Avignon,  voulant 
rattraper  cette  compagnie  pour  passer  avec 
elle  plus  commodément  et  seurement  en 
Italie. 'i 


[1630]  AUX  FRERES  DUPUY.  261 

qu'il  estoit  allé  changer  de  barque  pour  passer  en  Italie,  d'où  l'on  es- 
cript  de  si  grands  progrez  que  la  pcsle  y  faict  dans  Venize,  dans  Flo- 
rence et  dans  toute  la  Toscane  jusques  à  9  milles  de  Rome  et  à  2  lieues 
de  Gènes,  que  je  ne  luy  conseillois  poinct  de  continuer  son  voyage  de 
cette  année  et  luy  offris  cette  petite  maison  cy  ',  au  cas  qu'il  y  voulust 
sesjourner  et  passer  l'hyver,  mais  il  tesmoignoit  d'aymer  mieux  se  re- 
tirer en  Languedoc  s'il  ne  se  prevaloit  du  passage  de  cette  barque  en 
Italie,  où  il  a  grande  envie  d'aller,  encores  qu'il  eust  volontiers,  comme 
je  crois,  passé  le  temps  à  voiries  m[anu]s[crit]s  grecs  platoniques  dont 
vous  avez  veu  le  catalogue,  lesquels  j'avois  apprestez  icy  pour  M'  Hol- 
stenius-*.  Je  trouvay  sa  conversation  grandement  doulce*  et  me  serois 
tenu  bien  heureux  qu'il  eust  voulu  s'entretenir  céans,  en  attendant  si 
le  progrez  de  la  maladie  en  Italie  se  pourra  arrester,  car  je  le  plain- 
drois  fort  s'il  s'y  trouvoit  dans  les  rigueurs  et  inhumanitez  que  le  mal 
faict  encore  aux  pays  chaulds,  sur  les  gentz  mesmes  du  pais,  et  à  plus 
forte  raison  sur  les  estrangers.  Mais  je  recogneus  bien  que  les  mou- 
vements de  la  ville  d'Aix  luy  donnoient  de  l'appréhension  '  et  qu'il  ne 
seroit  pas  demeuré  en  repos  d'esprit  dans  ce  pais.  Nous  espérons  pour- 
tant que  tout  s'appaisera  Dieu  aydant,  les  gents  d'honneur  de  la  ville 
s'estant  enfin  rendus  les  maistres,  par  l'establissement  d'un  corps  de 
garde  jour  et  nuict,  où  se  trouvent  les  plus  qualifiez  chascun  à  son 
tour,  ce  qui  fut  coinmancé  tandis  que  ces  jeunes  fouis  estoienl  allez 
faire  du  desgast  à  la  Barben  ^,  d'où  revenant  ils  trouvèrent  les  places 


'  Bouchard  a  très  bien  ddcrit  (p.  i3o) 
celte  prétendue  pctile  maison  (non  ])as  somp- 
tueuse, dit-il,  mais  commode)  et  les  \»a\\\ 
jardins  qui  Tentouraient. 

'  Entre  autres  raretet ,  Peiresc  montra  à 
son  liôte  (p.  Jag)  des  momies,  le  Irdpied 
antique  de  Frëjus  et  irquanlitti  de  commen- 
taires grecs  manuscrits  sur  Platon,  (pi'il 
vouloit  envoyer  h  Holsteiniusn. 

^  Le  contentement  fut  réciproque,  car 
Bouchard  loue  beaucoup  (p.  t3i)  len  dis- 
cours lilircs  et (rays  de  Peirosc,  qui,  comme 


tant  d'honnêtes  et  grands  érudits,  aimait  à 
mettre  dans  sa  causerie  beaucoup  d'abandon 
et  beaucoup  d'enjouement. 

'  Bouchard  a  donne  (p.  116-119)  '^ 
visu  d'abondants  de'tai's  sur  les  mouvements 
de  la  ville  d'Aix.  Quand  il  y  arriva,  t toute 
la  ville  estoit  en  armes,  le  peuple  s'estant 
sousievé  pour  un  nouveau  establissement 
(l'eslus  que  le  Roy  voulnit  faire  en  celte  pro- 
vince...». 

'  La  Barben,  commun"  du  ddparlemenl 
des    Bouches  -  du  -  Bbôue ,    ari-ondissement 


262  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630] 

prinses,  et  peu  s'en  fallut  qu'ils  ne  trouvassent  visage  de  boys'  et  qu'on 
ne  les  laissast  dehors  tout  à  faict.  Depuis  ce  temps  là,  il  ne  s'est  plus 
faict  de  violance  contre  persone,  et  desjà  le  Parlement  a  commancé  de 
faire  quelque  arrest  contre  cez  assemblées  et  voyes  de  faict,  et  pour  la 
seureté  de  la  ville,  mesmes  pour  faire  sortir  tous  les  vagabons  et  gents 
qui  n'y  avoient  pas  des  affaires  notoires  qui  y  estoient  accourus  de 
toute  la  province  comme  à  un  saccage  de  ville,  qui  s'en  alloit  peu  à 
peu  tout  au  pillage,  si  Dieu  n'y  eust  mis  la  main^,  car  le  peuple  tant 
de  la  ville  qu'estranger  commençoit  à  gouster  les  doulceurs  de  la  vie 
oisive  aux  [dejspans'  d'autruy,  et  n'y  avoit  persone  qui  eust  des  moyens 
qui  ne  passast  incontinant  pour  esleu.  Vous  aurez  sceu  ce  qui  s'estoil 
passé  contre  divers  particuliers,  et  spécialement  contre  un  de  noz  voisins, 
dont  le  logis  fut  pillé  en  plain  jour,  et  deux  aultres  maisons  joignantes 
entamées,  entr'autres  la  nostre  par  un  costé,  où  Dieu  mercy  ils  ne  trou- 
vèrent pas  grande  chose  à  prendre*.  Mais  quelques  uns  de  noz  amys  ac- 
coururent assez  à  temps  pour  empescher  un  plus  grand  mal,  et  en  vin- 


ci' Aix,  canton  de  Salon,  à  g  kilomètres  de 
cette  ville.  Gaspard  de  Forbin,  seigneur  de 
la  Barben,  premier  consul  d'Aix  en  i63o, 
vit  saccager,  comme  nous  le  rappelle  Roux- 
Alpheran  [Les  rues  d'Aix,  t.  II,  p.  5o), 
pson  château  de  la  Barben  et  mettre  le  feu 
à  la  forêt  qui  l'environne  par  une  troupe 
armée,  composée  d'environ  deux  raille 
hommes,  accourus,  en  grande  partie,  de 
Pelissane,  de  Rognes,  de  Saint-Cannat,  etc. , 
qui  partit  d'Aix  dans  cette  intention ,  tam- 
bour battant,  mèche  allumée,  ayant  h  sa 
tête  le  seigneur  de  Ghâteauneufn. 

'  Littré  n'a  cité  aucun  écrivain  au  sujet 
de  cette  expression  figurée,  soit  au  mot  bois, 
soit  au  mol  visage. 

'  Bouchard  n'a-t-il  pas  trop  rembruni  le 
tableau  en  présentant  comme  généralement 
accompli  ce  qui,  d'après  Peircsc,  ne  fut  que 
partiellement  exécuté?  Voici  quelques-unes 


des  exagérations  du  voyageur  en  Provence 
(p.  11 4)  :  pLe  Premier  Président  et  quel- 
ques conseillers  du  Parlement  avoient  esté 
contraints  de  sauver  leur  vie  par  la  fuite, 
leurs  maisons  ayant  esté  pillées,  bruslées 
et  abbattues  tant  aux  champs  q'uà  la  ville, 
pour  un  simple  soupçon  qu'on  avoit  qu'ils 
favorisoient  le  parti  des  eslus ...  « 

'  Déchirure  du  papier. 

'  Bouchard  raconte  (p.  117)  que  Peii-esc 
avait  été  obligé  de  quitter  Aix  rrà  cause  des 
soupçons  que  Ton  avoit  qu'il  ne  favorisast  les 
eslus  :  jusques  là  que  le  peuple  luy  avoit 
abbatu  une  maison  dans  Aix ,  qui  estoit  at- 
tacliée  à  celle  où  il  demeure,  soubs  prétexte 
qu'il  l'avoit  louée  à  un  partisan  des  eslus; 
et  leur  furie  avoit  passé  jusques  à  un  ca- 
binet où  le  s'  de  Peiresc  tenoit  quelques  li- 
vres, qui,  ayant  esté  prins,  luy  furent  par 
après  reportés  à  Beaugencier.  .  .  ". 


[1630]  AUX  FRERES  DUPUY.  263 

drent  heureusement  à  bout  par  une  spéciale  providance  divine,  car  il 
n'y  manqua  pas  des  gents  qui  nous  vouloient  rendre  bien  couipabics, 
pour  avoir  logé  aultres  foys  M'  d'Aubray  chez  nous^  Maintenant 
qu'on  asseure  de  grands  cliangements  à  la  Cour,  et  surtout  en  la  per- 
sone  de  M'  le  Surintendant  qui  s'estoit  si  opiniastrement  heurté  à  cez 
esleus,  sans  vouloir  escouter  et  considérer  les  grands  inconveniants 
que  cela  trainoit\  nous  espérons  que  le  Roy  aura  considération  de  ses 
peuples,  et  qu'il  deschargera  cette  province  de  toutes  cez  nouvelles  an- 
garies^  et  par  mesme  moyen  nous  rendra  le  repos  et  la  tranquillité, 
où  nous  avions  vescu  jusques  à  presant,  au  moyen  de  laquelle  nous 
pourrons  Dieu  aydant  reprendre  nostre  petit  commerce  avec  vous.  Mais 
si  cela  n'eust  esté,  il  le  nous  falloit  rompre  tout  à  faict.  Car  cez  peu- 
ples estoient  entrez  en  une  telle  jalousie  et  dclliancc  que  toute  sorte  de 
commerce  du  costé  de  la  cour  ou  de  Paris  leur  estoit  suspect,  et  prins 
en  si  mauvaise  part,  que  la  moindre  chose  du  monde  estoit  cappable 
de  fournir  des  prétextes  pour  faire  entreprendre  sur  les  biens  et  sur  la 
vie  des  plus  gents  de  bien  et  des  plus  innoccns.  Si  nostre  pauvre  jai*- 
dinier  nouvellement  venu  se  fust  aussy  bien  rencontré  à  la  couchée 
comme  à  la  disnée  en  passant  par  Aix,  on  luy  eusse  sans  double  faict 
affront \  mais  n'ayant  faict  que  boire  en  passant  au  faulx  bourg,  et 


'  Citons  encore  ici  ce  (|nc  IJonclianl 
(p.  11 5)  dit  (le  l'eii-esc  :  iTle({iiel  esloil  sus- 
pect pour  avoir  traita  chez  lui  le  s'  d'Au- 
bray, maistre  des  rc([ueslos,  qui  avoil  porté 
la  commission  des  csliis,  et  qui  fut  contraint 
de  se  sauver  par  dessus  les  toits  des  maisons. 
G'estoit  l'ancien  ami  de  M'  de  Peiresc,  ayant 
fait  le  voyajje  d'Italie  ensemble." 

'  Bouchard  rappelle  (p.  1 1 5)  que  irrimagc 
du  marquis  d'Elliulr.,  ainsi  que  celle  du  car- 
dinal de  Uichelieu,  travoit  esté  bruslée  pu- 
bliquement en  la  place».  Ce  fut  sur  la  place 
des  Prêcheui-8  qu'on  brûla  le  mannequin  re- 
présentant   le    surintendant  des   iinances. 

'  Le  mot  dont  se  sert  ici  Peiresc  est  ainsi 


explique  dans  le  Dtctio*nairc  (le  Richelet: 
«Dans  les  couuneutateurs  de  la  règle  de 
S.  Benoit,  on  lit  le  mot  angarie,  pour  si- 
gnifier une  cliarjje,  un  travail  pénible.»  La 
Gurne  de  Sainte-Palaye  {Dictioimaire  hislo- 
tique  de  l'ancien  langage  françois)  traduit 
le  mot  par  corvée,  impôt,  vexation.  Voir  le 
Glossaire  de  Un  Gange,  au  mot  Angaria  et 
aussi  le  Dictionnaire  de  Golgrave.  Le  verbe 
angarier  a  été  employé  par  Uabelais. 

'  Bouchard ,  qui  sendde  alVeclionuer  Phy- 
perbole,  substitue,  en  ce  qui  le  concerne, 
un  danger  de  mort  à  un  danger  d'afront. 
Voici  ce  (ju'il  raconte  de  son  entrée  dans 
Aix  (p.  ti5):<rùp^7>^,  en  cette  reocoutre. 


264  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630] 

seulement  demandé  le  chemin  de  ce  lieu  cy,  on  ne  creut  pas  le  pou- 
voir r'attaindre,  comme  on  l'eut  faict  volontiers,  pensant  luy  pouvoir 
oster  ses  lettres,  et  y  apprendre  des  nouvelles,  ou  de  quoy  fournir  des 
prétextes  de  nous  nuire.  Et  de  faict  je  vous  allois  supplier  de  cesser  tout 
à  faict  de  nous  escrire,  comme  je  m'estois  abstenu  depuis  quelque  temps 
de  m'acquitter  de  mon  debvoir  en  vostre  endroict,  pour  ne  laisser  de 
ce  costé  là  aulcun  fondement  des  prétextes  qu'on  y  cherchoit,  et  pour 
diminuer  la  jalousie  de  ceux  qui  ne  trouvoient  pas  "bon  que  d'autres 
qu'eulx  eussent  des  advis  de  la  cour.  Mais  j'espère  que  les  afl'aires  pren- 
dront dezhorsmais  une  aultre  face,  et  qu'il  y  aura  plus  de  liberté.  Dieu 
aydant,  que  nous  n'en  avions  eu.  Cependant  je  vous  supplie  d'aller  le 
plus  réservé  que  vous  pourrez  en  ce  qu'il  vous  plairra  nous  escrire, 
et  de  recommander  à  M'  du  Lieu  de  suyvre  les  adresses  que  nous  luy 
avons  données,  des  marchands  de  Marseille,  jusques  à  ce  que  les  choses 
soient  en  meilleur  estât.  C'est  pourquoy  il  ne  fauldra  guieres  grossir 
les  pacquets.  J'ay  esté  bien  aise  de  cette  commodité  du  voyage  de 
M""  de  Baillibault  en  cour,  qui  est  de  noz  bons  amys  S  pour  vous  pouvoir 
escrire,  ce  que  je  n'eusse  peu  faire  par  une  aultre  voye,  mais  je  suis 
marry  de  n'en  avoir  eu  l'advis  plus  tost,  pour  pouvoir  escrire  à  touts 
noz  bons  seigneurs  et  amys  de  par  delà,  espérant  de  ne  tarder  plus 
guieres  d'y  satisfaire ,  et  possible  d'envoyer  liomme  exprez  au  moings 
jusques  à  Lyon;  seulement  vous  supplieray  je  de  les  vouloir  asseurer  de 
ma  dévotion  en  leur  endroict,  que  je  conserveray  tousjours  inviolable, 
et  de  les  conjurer  de  ne  pas  imputer  à  deffault  de  bonne  volonté  le 
retardement  de  mes  debvoirs  en  leur  endroict,  qui  n'a  esté  qu'à  bonnes 
fins,  et  pour  nous  conserver  plus  de  moyen  de  les  servir  trez  touts  en 
meilleure  saison  que  celle  oiî  nous  avons  esté  depuis  quelque  temps. 

couroit  danger  de  sa  vie,  s'il  eusl  dit  à  la  gronde  réputation  quilavoit  en  cette  ville. ..» 
poste  qu'il  estoit  venu  à  Aix  pour  parler  h  '  Son  nom  ne  figure  pas  dans  la  liste  des 

M'dePeire8e,corame  véritablement  il  venoit  correspondants  de  Peiresc  telle  que  j'ai  pu 

pour  cela  ;  ce  qu'il  n'eust  pas  manqué  de  dire  l'établir  d'après  les  copies  d'Aix .  les  minutes 

et  monstrer  les  lettres  qu'il  avoit  de  Paris  de  Carpentras,  les  autographes  de  Monlpe!- 

pourluy,  s'imaginant  qu'elles  lui  serviroient  lier,  Paris.  Rome.  etc. 
de  passeport ,  veu  sa  qualité  de  conseiller  et  la 


[1630]  AUX  FHÈRES  DL'PUV.  265 

J'ay  receu  le  catalogue  de  la  foire,  où  j'ay  bien  trouvé  de  la  matière 
pour  noz  curieux,  priiicipalcinenl  à  ce  qu'il  y  a  de  Keplerus  tant  de  la 
présente  et  prochaine  année,  que  des  tables  de  plus  longtemps.  En- 
semble ce  qu'il  y  a  de  Mullerus  de  Anno  Judajorum'  et  de  Meursius  de 
Pythagorico  denario'^  et  encores  de  ce  Ludovicus  Remmelinus  de  Num" 
Sapientis^,  les  Epistres  de  s'  Boniface*  et  aultres  meilleures  pièces  que 
nous  pourrons  voir  (|uelque  jour,  si  Dieu  plaict,  si  la  commodité  s'en 
presentoit  opportune.  Cependant  si  cette  histoire  corrallorum,  de  Jo. 
Lud.  Ganzius  Francfort  8*,  se  trouvoit,  je  serois  bien  aise  de  la  voir 
et  encores  plus  si  nous  pouvions  vous  rendre  quelques  bons  services 
en  recognoisçance  de  tant  d'obligations  que  nous  vous  avons,  dont  nous 
ne  sçaurions  seulement  vous  remercier  comme  il  fault,  sur  quov  atten- 
dant de  vous  pouvoir  amplement  escrire  au  premier  jour  sur  toutes  voz 
lettres  et  de  voz  bons  amys,  je  finiray  priant  Dieu  qu'il  vous  tienne  en 
sa  sainte  garde,  et  nous  fasse  la  grâce  de  vous  pouvoir  tesmoigner  que 
je  suis. 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  B[oysgency]  ,  ce  i8  noveoibre  j63o. 


'  Nicolai  Mûllerii  Judœoruin  annus ,  elc. 
Groninguc,  i63o,  in-fol.  Nie.  Mùller,  né  à 
Brùggfi  le  95  décembre  i564,  mourut  à 
Groningue  le  i"  septembre  t63o.  Il  exerça 
la  médecine  h  Amsterdam,  ii  Harlingen,  h 
Groningue,  et  fut  directeur  de  la  Compa- 
gnie hollandaise  des  Indes. 

'  Joaii.  Meursii  Pythagoricux ,  seii  de  «u- 
merorum  usque  ad  denarium  quulilale  uc  no- 
minibtts  secundum  Pythagoricos  (Leyde, 
i63o,  m-li°). 

'  Lud.  Remmelini  kpiO{iàs  à  2o^6«,  hoc 
est  ;  conlemplatio  numeri  sapietilis  admi- 
randa  el  iiigeima,  trinuno  systemale  Dei  es- 
sentiam  adumbrmts  (Leipzig,  i03o,in-4°). 
Remmclin    était  an  médecin   qui    naquit 


à  Ulm  en  1.585  et  qui  mourut  après 
i633. 

*  Epistolœ  S.  Bonifaci  Martyris,  primi 
Moguntim  Archiepiscopi ,  Germanorum  Apo- 
sloli ,  pluriumque  Punùjicum ,  Heguin  ,  el 
aliorum  ,  nunc  primum  e  Cœsareœ  Majestatit 
Vienneitsi  Bibliotheea  luee  noiùque  donaUt 
per  Nicolaum  Serariuin ,  Societalis  Jetu  pm- 
bylentm,  elc.  (Mayence,  lÔQg,  in-4').  La 
première  édition  est  de  1 6o5  (même  ville  et 
même  format).  Voir  sur  d'autres  éditions 
de  ce  recueil  le  Manuel  du  libraire  (  t.  I , 
col.  1099),  la  Bibliothèque  des  éerivaitu  de 
la  Compagnie  de  Jésus  (t.  III,  col.  76a). 

'  VHisloria  Corallorum  du  médecin 
J.-L.  Gans  fut  réimprimée  en  1669  (in-ia). 

3'i 


Hrk)«ikic    «(Tio^jia. 


266  LETTRES  DE  PETRESC  [1631] 

Mon  frère  vous  avoit  escript  par  M'  ie  Baron  de  Meslay\  mais  il 
craint  que  ses  lettres  ne  soient  demeurées  quelque  part  puis  que  ceux 
de  Lyon  n'accusent  pas  la  réception  des  leurs.  Nous  vous  supplions  trez 
humblement  de  vouUoir  salliier  de  nostre  part  M"' de  Thou  ,  M'  de  Mes- 
lay  et  M""  du  Puy  vostre  l'rere,  ensemble  MM""'  Rigault,  Grotius  auxquels 
j'escriray  par  le  prochain ,  M"'  Gassendy  et  tous  cez  Mess"  de  l'Académie^. 


LI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Nous  avons  esté  exposez  depuis  quelque  temps  à  des  jalousies  si 
estranges,  que  nous  avons  esté  constrainctsde  nous  abstenir  d'escrire  d» 
costé  de  la  cour,  et  de  prier  noz  amys  de  ne  nous  pas  escrire  aussy,  pour 
esviter  les  occasions  d'encourir  les  reproches,  et  la  punition  dont  nous  es- 
tions menassez  à  touts  moments  qui  n'estoit  poinct  moindre  que  de  faire 
piller,  brusler  et  raser  noz  maisons,  et  dans  la  ville  et  aux  champs^,  et 
spécialement  d'affecter  le  saccage  et  incendie  de  mes  pauvres  libvres  et 
papiers,  comme  ce  qu'ils  sçavoient  bien  m'estre  fort  à  coeur.  Il  ne  falloit 
poinct  lors  d'aultre  crime  plus  grave  pour  estre  condamné  à  ce  traic- 
tement,  que  d'avoir  des  habitudes  en  cour,  et  d'en  recevoir  ou  révéler 
aultres  nouvelles  que  celles  que  l'on  vouloit  semer,  selon  les  interests 
de  ceux  qui  donnoient  le  bransle  à  tous  ces  mouvements.  Et  11  y  avoit 
des  espies  de  tous  costez,  pour  observer  noz  actions  et  de  tous  ceux  qui 
abordoient  à  nous.  Encores  ne  pouvions  nous  esviter  mille  impostures 

'  Jacques- Angusle  de   Thon ,  baron  de  '  Vol.  7 1 7,  fol.  111. 

Meslay,  frère  de  François-Auguste  de  Thou ,  '  On  voit  par  celle  phrase ,  comme  i)ai' 

fut  président  de  la  cbambro  des  enquêtes  du  bien  d'autres,  que  les  excès   signalés  par 

|)arlement  de  Paris,  ambassadeur  en  Hol-  Bouchard  furent  bien  plus  des  paroles  que 

lande,  etc.  Voir  sur  ce  pei-sonnage,  d'abord  des  faits.  On  menaça  beaucoup,  on  exécuta 

connu  sous  le  nom  d'abbé  de  Bonneval ,  les  peu.  Quatre  maisons  seulement  furent  sac- 

Leltresde  Jean  Chapelain  (t.  I  et  II,  /Mwsim).  cagées  et  pillées  le  97  octobre  i63o. 


|1631]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  267 

et  inventions  à  toutes  lieures  de  ceux  qui  taschoient  de  nous  tirer  à  ia 
haine  publique,  qui  nous  faisoient  imaginairement  courir  en  poste  ta n- 
tost  d'un  coslé  de  la  province,  lantost  d'un  auitre,  pour  aller  porter  ou 
prendre  des  advis,  et  Iraicter  avec  les  personnes  les  plus  descriéos  et 
les  plus  suspectes,  et  bien  souvent  ils  se  persuadoient  tellement  cez  ca- 
lomnies qu'ils  avoient  mesmes  de  la  peine  d'en  croire  les  certifications' 
de  leurs  espions  encores  qu'ils  fussent  tesmoings  occulaires  de  nosti-e 
sesjour  en  cet  hermitage.  Et  sans  les  particulières  obligations imporlantefi 
que  nous  avoient  plusieurs  de  ceux  qui  n'avoient  peu  esviter  de  se 
ranger  parmy  les  plus  mauvais,  je  ne  pense  pas  que  nous  eussions  ja- 
mais esvité  le  malheur.  C'est  pourquoy  noz  bons  seigneurs  etamys  ont 
bien  de  quoy  nous  tenir  pour  excusez  du  manquement  de  nostre  cor- 
respondance et  de  noz  debvoirs.  Nous  espérons  que  dezhorsmais  il  nous 
sera  plus  loisible  de  respirer  et  de  nous  en  acquitter,  le  morule  com- 
menceant  à  se  dessiller  les  ieulx  et  à  recognoistre  la  vérité  des  motifs 
et  considérations  d'interests  particuliers,  qui  ontfaict  embrasser  et  em- 
prunter cez  prétextes  publiques,  pour  vanger  des  différants  et  querelles 
privées,  et  discréditer  ceux  qui  estoient  dans  les  affaires,  et  esloigner 
de  la  veiie  de  leurs  actions  touts  ceux  qui  pouvoient  avoir  de  la  créance 
en  cour,  dont  les  remèdes  ne  peuvent  eslre  que  d'une  trez  grande  riiine 
à  ce  pauvre  pais,  et  sur  tout  à  cette  ville  dezolée,  où  les  sonnettes  ne 
font  plus  de  bruicts  grâces  à  Dieu  ^,  et  semblent  avoir  perdu  ou  di- 
minué grandement  leur  empire.  Mais  on  ne  pourra  estre  en  repos  d'es- 
prit que  l'on  ne  voye  quels  expédiants  prendra  M«'  le  Prince*,  à  qui 

'  Littré  n'a  cité  sous  ce  mot  que  des  ëcri-  lionnaire  provençal-Jratiçai*  de  Frédéric  Mis- 

vains  antérieurs   au  xvit*  siècle,  Oresme,  Irai ,  où  est  mentionnée /a  toi/rroufo  rf«  (iw- 

l'Voissart,  Calvin,  Aniyot.  ,  caveu  et  où  l'on  rappelle  que  les  conjurés 

*  Un    passage   du   récit   de    Bouchard  avaient  pris  pour  signe  de  ralliement  un 

(p.    it4)    explique    ainsi    cette    phrase:  grelot  suspendu  h  une  courroie.  Voir  en- 

"...  si  détestables  et  si  horribles  h  la  popu-  core,  sur  la  révolte  des  Caseaveoux  {sic), 

lace  [il  s'agitdes  é/tu]  qu'elle  avoit  formé  an  Les  rues  d'Aix,  passim,  notamment  t.  I, 

parti  contre,  nommé  le  cascaveau,  h  cause  p.  k<ô,  a5A,  ^59,  et  surtout  1. 11,  p.  ^8-5a. 
d'une  sonnette  qu'ils  porloienl  nu  bras  pour  '  Sur  le  prince  de  Condé  à  Aix ,  voir 

signe,  laquelle  s'appelle  cascaveau  en  pro-  VHisloire  de  cette  ville  pai-  Pitton,  p.  389 

vençal.  «  Conférez  l'article  Cascavau  du  Die-  et  suiv. 

31. 


268  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631] 

touts  les  ordres  ont  envoyé  de  grandes  dépulations,  sans  qu'il  ayt  encores 
rien  voulu  respondre,  attendant  d'en  conférer  avec  M^  le  Gouverneur 
qui  l'est  allé  trouver  en  Avignon.  Cependant  la  terreur  du  pauvre  monde 
est  si  grande  que  la  ville  d'Aix  est  despourvoiie  de  tout  ce  qu'il  y  avoit 
de  plus  apparant  ou  peu  s'en  fault.  Ils  avoient  fort  pressé  Mons?''  le 
Gouverneur  de  s'y  en  aller  passer,  mais  il  s'en  est  excusé,  attendant 
d'y  accompagner  M^'  le  Prince ,  qui  est  arrivé  en  Avignon  7  ou  8  jours 
y  a  '.  Si  tost  que  nous  aurons  i-ecouvré  un  peu  plus  de  seureté  de  com- 
merce, nous  ne  manquerons  pas  de  satisfaire  à  nostre  debvoir  envers 
vous  et  envers  tous  noz  bons  seigneurs  et  amys  de  par  de  là,  au  mieux 
qu'il  nous  sera  possible,  vous  suppliant  et  conjurant  trez  instamment 
de  nous  vouloir  excuser,  et  ayder  à  obtenir  d'eux  par  mesme  moyen 
que  noz  légitimes  excuses  puissent  estre  admises,  et  particulièrement 
de  M'  de  Thou,  de  Messieurs  Rigault,  Grottius  et  aultres  de  l'Académie 
dont  je  regrette  bien  M'"  Le  Jay  et  le  R.  P.  Morin ,  pour  le  Pentateuque 
que  nous  n'avons  encores  peu  envoyer,  mais  j'espère  que  nous  ne  tarde- 
rons pas  de  pouvoir  le  faire  Dieu  aydant,  et  Dieu  sçayt  si  nous  n'aurons 
pas  à  y  adjouster  un  aultre  exemplaire  fort  entier  qui  doibt  eslre  sur 
la  mer  à  cez  heures,  dont  on  me  faict  grande  feste. 

Cependant  j'ay  receu  de  Rome  un  pacquet  de  M^"^  le  Cardinal  dans 
lequel  s'en  est  trouvé  un  de  M"^  Suarez  pour  M'  Rigault,  à  qui  je  vous 
supplie  trez  humblement  de  le  vouloir  bailler,  et  luy  faire  part  dune 
inscription  cy  joincte  que  le  dict  sieur  Suarez  m'a  envoyé  de  la  part 
dudict  seigneur  Cardinal ,  qui  mérite  bien  d'estre  examinée  et  deschiffrée 
de  la  main  de  cez  Mess"  de  l'Académie,  et  spécialement  du  dict  sieur 
Rigault,  et  de  Mess"  Grottius  et  Saulmaise,  s'ils  daignent  en  prendre 
la  peine. 

Au  reste  je  suis  si  malheureux  que  cette  commodité  qui  estoit  trez 
bonne  et  assurée  du  voyage  de  M'  de  Piensin,  nostre  parent,  a  été  si 
inopinée  et  si  soudaine,  pour  la  presse  qu'on  luy  donne  de  son  affaire, 
lorsqu'il  y  pensoit  le  moings,  qu'à  peine  me  donne  il  le  loisir  de  vous 

'  Ln  prince  de  Condé  était  arrivé  h  Avignon  le  t  3  février. 


[1631]  AUX  FIIKRES  DUPUY.  269 

faire  ce  peu  de  lignes  pour  passer  plus  oultre  et  aller  prendre  la  poste, 
là  où  il  pourra,  de  ce  que  j'aurois  à  vous  escrire  et  entretenir  bien  plus 
d'un  jour  entier.  Espérant  de  le  pouvoir  faire  bien  tost  Dieu  aydant, 
et  de  pouvoir  accuser  en  particulier  toutes  ces  lettres  et  despesclies 
dont  il  vous  a  pieu  nous  honnorer,  et  dont  nous  avons  tiré  toute  la  prin- 
cipale consolation  que  nous  pouvions  avoir  icy. 

Cependant  je  vous  envoyé  une  recharge  de  la  lettre  de  crédit  de 
Marseille,  au  cas  que  le  Marchand  de  par  delà  ne  vous  ayt  envoyé  offrir 
de  continuer  ses  fournitures  comme  il  en  avoit  esté  prié.  Et  ne  doibs 
pas  obmettre  de  vous  dire  que  nous  avons  esté  quelques  semaines  dans 
l'interdiction  du  commerce  en  ce  lieu  cy  soubs  des  gardes  de  noz  voi- 
sins à  cause  de  la  mort  soudaine  d'un  paisan  en  un  moulin  à  papier  de 
ce  territoire,  à  une  domy  lieiie  d'icy,  dont  on  avoit  prins  l'allarme; 
mais  Dieu  mercy  il  n'y  a  poinct  eu  de  suitte,  nom  plus  que  de  vraye 
marque  de  maladie  contagieuse.  Par  arrest  de  la  cour  le  restablisse- 
ment  de  nostre  commerce  nous  fut  donné  pour  dimanche  dernier  aprez 
les  quarantaines  et  précautions  accoustumées.  Ces  troubles  nous  avoient 
faict  retarder  l'exécution  d'un  traicté  de  mariage  de  mon  neveu  '  avec 
unedamoiselle  du  comté  Venaissin,  fdle  defeu  M'deRousset^,  que  nous 
tascherons  de  faire  accomplir  Dieu  aydant  en  fort  peu  de  jours,  main- 
tenant que  la  liberté  publique  semble  estre  sur  le  poinct  d'estre  reriiise. 
Aprez  quoy  il  ne  tardera  pas  de  faire  un  petit  voyage  en  cour,  où  il  luy 


'  Claude  de  Fabri,  déjà  souvent  men- 
tionne'. Citons  sur  lui  une  plirase  de  Bou- 
chard ([ui ,  bon  jujje  en  la  matière ,  refuse 
tout  esprit  au  neveu  de  Peiresc  :  rr  Arrive  h 
Tolon  [Bouchard],  il  fut  treuver  ce  juge 
Chabert  pour  qui  il  avoit  des  lettres;  duquel 
il  récent  toutes  les  courtoisies  imaginables, 
l'ayant  mesme  fait  souper  et  coucher  chez 
lui  :  où  coucha  aussi  a\ec  Ùpéalijt  le  neveu 
de  M.  de  Peiresc,  fds  de  M.  de  Valavez, 
nomme  le  baron  de  Riants,  jeune  homme 
fort  simple  et  (jui  n'a  point  de  plus  belle  qua- 
lité que  celle  de  gentilhomme.  i  La  faible  in- 


telligence du  bai-on  de  Rians  explique  et  at- 
ténue jusqu'à  un  certain  [Kiint  les  torts  qu'il 
eut  soit  à  l'égard  de  son  oncle,  soit  h  Téganl 
de  Gassendi. 

'  C'était  Marguerite  des  AIrics,  tille  de 
Jacques  des  Alrics ,  seigneur  de  Roussel ,  et 
d'Isabeau  de  Simiane.  Voir  Gassendi,  I.  IV, 
p.  966;  Pithou-Curt,  Histoire  de  la  noblesxe 
du  comté  Venaisxin.  t.  i,  p.  49;  le  docteur 
Jules  de  Bourrousse  de  Laiïore,  Généidogiea 
des  maisons  de  Fabri  et  d'Ayrenx  (  Bonleaux . 
i884,in-8%  p.  38). 


270  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631] 

fault  aller,  et  le  sieur  Pr[ieur]  de  Roumoules  '  l'accompagnera  et  mettra 
ordre  de  par  de  là  à  tout  ce  qui  sera  nécessaire,  ce  voyage  ayant  esté 
accroché^  par  force  durant  cez  mouvements,  comme  tous  aultres  des- 
seins. Vous  asseurant  que  j'ay  prins  un  extrême  contentement  de  voir 
le  rare  choix  des  livres  qu'il  vous  a  pieu  me  retenir,  dont  je  me  trouve 
icy  la  Ph[ilosoph]ia  Magnetica  Nie.  Gabaei,  folio ,  Ferrariae ,  ne  sçaichant 
poinct  si  vous  ne  me  l'avez  pas  envoyé  dez  l'aultre  foys,  sans  le  cotter 
en  vostre  bordereau,  ou  si  le  dict  Pr[ieur]  de  Roumoules  ne  l'auroit  pas 
prins  à  Lyon,  en  passant,  car  il  n'est  pas  à  cette  heure  icy,  pour  le  luy 
demander.  Voz  dernières  despesches  sont  du  6  janvier,  3 1  et  i  o  dé- 
cembre, 7  et  1-2  novembre,  lo,  i8,  aS,  99  octobre  qui  sont  aultant 
de  gaiges  inestimables  de  vostre  surabondante  honnesteté,  et  aultant 
de  reproches  et  accusations  trez  justes  de  noz  manquements  et  infir- 
mitez  que  je  vous  supplie  neantmoings  vouloir  pardonner  comme  je 
l'espère,  estant  de  toute  mon  affection, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 

A  B[oysgency],  ce  18  febvrier  i63i. 

Vous  aurez  icy  une  coppie  de  la  charte  que  M"^  de  Betune  m'a  envoyée , 
et  que  je  crois  certainement  ne  vous  estre  pas  eschappée  ne  à  M""  Go- 
defroy,  bien  que  je  n'aye  pas  icy  de  quoy  le  vérifier  sur  son  cérémo- 
nial. Le  sieur  Vincens  Blanc  m'a  promis  enfin  de  me  venir  voir  icy;  je 
tascheray  de  le  disposer  à  aller  voir  M' Bergeron  *,  Dieu  aydant,  bien 
tost,  et  l'adresseray  chez  vous  afin  qu'il  ne  s'en  revienne  si  brusque- 


'  Denis  Gnilleroin,  dëjfe  souvent  men-  '  Sur  Pierre  Berg-eron,  voir  t.  I,  Appen- 

tionnë.  rfi'ce,  p.  77a.  Ajoutons  aux  renseigneraents 

'  Accrocher  est  pris  ici  dans  le  sens  de  donnés  Ih  l'indication  de  divers  passages 
retarder,  sens   employé  par  Saint-Simon  des  Historiettes  de  Tallemant  des  Réaux  re- 
dans cette  phrase  des  Mémoires:  rrLes  bâ-  latifs  à  ce  géographe  (t.  IV,  p.  217,  5o5, 
tards  ne  songèrent  plus  qu'à  embarrasser  et  5o6  ;  t.  VI ,  p.  5oi-5o6). 
accrocher  l'affaire.  1 


[1631]  AUX  FHKRES  DUPUY.  271 

ment  que  la  dernière  foys,  vous  suppliant  de  vouloir  agréer  que  je  saliie 
le  dict  sieur  Bergeron  et  tous  cez  aultres  Messieurs  qui  daignent  se 
souvenir  de  moy. 

Possible  seroit  il  bon  d'examiner  si  au  temps  de  cette  charte  de  l'an 
i/io8  et  du  90  mars  le  cardinal  de  Bar'  n'avoit  poinct  quelque  qualité 
de  légat  de  la  part  du  pape  Benoist^  ou  des  Cardinaulx  qui  avoient 
convocqué  le  concile  de  Pise,  où  il  se  trouva  par  aprez  (car  il  se 
mesla  fort  de  l'extirpation  du  schisme),  et  si  ce  n'esloit  poinct  pour 
cela  qu'il  avoit  peu  prendre  la  préséance  sur  les  Roys  de  Sicile  et  de 
Navarre,  car  pour  estre  oncle  de  la  femme  du  Uoy  de  Sicile,  je  ne 
pense  pas  que  le  dict  Roy  la  luy  eust  cédée,  n'estant  pas  lors  encores 
duc  de  Bar,  comme  il  fust  aprez,  auquel  cas  je  n'eusse  pas  trouvé  es- 
trange  que  l'espérance  de  la  succession  avec  son  aage  et  son  caractère 
luy  eusse  faicl  bailler  cette  defferaiice'. 


LU 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DUPUY, 

ADVOCAT  EN  L\  COUR  DE  PARLEMENT 
À  PARIS. 

Monsieur, 
Nous  avons  receu  trois  despesches  de  vostre  part  du  i8  uiai-s,  8  et 
98  avril,  dont  la  seconde  nous  a  faict  ressentir  bien  vivement  la  nou- 
velle de  la  perte  inestimable  et  irréparable  que  vous  avez  faicte  en  la 
j)ersonne  de  feu  Madame  vostre  rnere*,  dont  la  vie  eust  esté  si  neces- 


'  Lauis,  frère  du  comte  et  duc  de  Bar 
Edouard  IH,  fut  son  successeur  et  cAla,  en 
1  /i  1 9 ,  le  duché  a  son  petit-neveu  René  d'An- 
jou, qui  le  réunit  h  la  Lorraine.  Il  futévécpie 
de  CliAlons-sur-Marne  ()/it3-i43o)  et  de 
Verdun  (i4ao-i43o).  Il  mourut,  le  aS  juin 
de  celtedcrnièreannée,  h  Varcnnes.  Voir  Y  Art 
de  vérifier  les  dates,  t.  XIIF,  1818,  p.  443. 


'  Benoit  XHI  (Pierre  de  Lune),  le  dernier 
pape  d'Avijrnon ,  élu  le  a3  septembre  1 .394 , 
déposé  par  le  concile  de  Piâe  le  aC  juillet 

'  Vol.  717,101.  ii;j. 

*  C'était  (Claude  Sanguin,  vou  vu  de  Claude 
Uupuy  depuis  le  t"  décembre  t594. 


J72  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631] 

saire  pour  la  continuation  de  la  jouyssance  du  repos  d'esprit  oi!i  vous 
estiez,  et  de  la  descharge  que  cela  vous  donnoit  des  seings  et  de  la 
fatigue  des  affaires  domestiques.  Je  prie  à  Dieu  que  celte  perte  vous 
soit  recompancée  par  le  recouvrement  de  quelque  aultre  qui  puisse 
suppléer  au  moings  en  quelque  façon  ce  qu'elle  faisoit  chez  vous,  et  vous 
soulager  au  moings  des  affaires  plus  importantes.  Pour  le  restant,  je 
crois  bien  que  vous  estes  gents  de  tant  de  resolution  principalement 
aux  occurances  de  cette  nature,  que  vous  n'avez  pas  de  besoing  de  si 
foibles  consolations  que  pourroient  estre  celles  de  mon  frère  et  de  mon 
neveu  ou  de  nioy  ;  c'est  pourquoy  je  me  contenteray  de  me  condouloir 
avec  vous  par  debvoir,  tant  en  leur  nom  qu'au  mien  propre,  et  de  vous 
remercier  comme  je  faicts  trez  humblement  de  la  faveur  spéciale  qu'il 
vous  a  pieu  nous  faire,  de  nous  en  donner  advis  en  la  qualité  de  voz 
serviteurs  intéressez  à  vos  desplaisirs  comme  à  vos  contentements,  en 
quoy  vous  nous  avez  infiniment  honoré,  et  obligé  tout  ensemble.  Je  ne 
regrette  que  de  ne  nous  rendre  dignes  de  ce  bonheur,  et  de  n'avoir  de 
quoy  correspondre  comme  il  faudroit  à  tant  de  bienfaicts  et  de  mar- 
ques de  bonne  volonté,  et  porterons  tousjours  avec  un  extrême  regret 
quand  nostre  malheur  ou  nostre  foiblesse  ne  pourront  souffrir  que  nous 
nous  acquittions  de  nostre  debvoir  en  vostre  eiidroict,  comme  il  nous 
est  arrivé  depuis  si  longtemps,  par  des  traverses  que  nous  avons  suc- 
cessivement rencontrées,  quand  il  a  esté  question  de  vous  tesmoigner 
nostre  dévotion.  Et  pour  vous  parler  des  dernières  et  plus  récentes,  et 
que  vous  trouverez  déplorables,  comme  nous  pensions  estre  sortis  des 
tyrannies  et  desordres  populaires  par  les  approches  de  Ms'  le  Prince, 
et  avoir  quelque  liberté,  il  s'est  trouvé  que  le  remède  estoit  bien  cui- 
sant, et  que  les  ombraiges  n'estoient  pas  moindres,  ne  moings  dange- 
reux, au  moings  tant  que  Ms''  le  Prince  estoit  dans  le  païs,  et  il  n'en 
estoit  pas  guieres  esloigné  que  je  me  trouvay  surprins  d'un  accidant  de 
paralysie  de  tout  le  costé  droict;  laquelle  n'estoit  pas  formelle,  mais 
j'en  avois  eu  la  langue  liée,  la  jambe  incappable  de  me  porter,  et  la 
main  droicte  si  incappable  d'escrire  que  vous  n'eussiez  pas  recogneu, 
ne  sceu  lire  mon  escritture,  et  m'estoit  quasi  impossible  d'escrire  sans 


[1631]  AUX  FHERES  DUPUY.  273 

faire  des  transpositions  de  lettres.  Mais  grâces  à  Dieu ,  cez  perclusions  ' 
ne  furent  pas  de  durée,  encores  que  j'en  aye  eu  diverses  secousses;  les 
plus  rudes  furent  la  veille  de  Pasques  et  le  jour  de  S'  Marc.  Il  n'y  eust 
que  la  main  et  l'escritture  dont  je  n'ay  recouvré  la  pleine  fonction  que 
depuis  cette  semaine.  Ayant  esté  depuis  Pasques  entre  les  mains  des 
médecins,  assez  heureusement,  puis  que  les  ompcschenients  et  obstruc- 
tions^ ont  cessé  apparemment,  jnsques  un  lintoin^  d'une  oreille,  <|ui 
seul  esloit  resté  plus  longuement  que  le  reste,  dont  je  suis  dellivré  de- 
puis 5  ou  6  jours  aprez  l'usage  où  je  me  suis  mis  de  la  plitisane'  de 
sarscpareille^  que  je  bois  le  plus  doulcement  que  je  puis,  bien  que 
trezamere,  m'imaginant  pour  ma  consolation  qu'elle  a  un  peu  du  goust 
de  la  bière  que  j'aymois  tant  aultres  foys. 

Nous  avions  eu  icy  trois  ou  cpiatre  jours  durant  M«'  le  cardinal  de 
Bagny  avec  M''Naudé^  ce  qui  n'ostoit  pas  sans  parler  souvent  de  vous 
aultres.  Messieurs,  dont  il  ne  se  pouvoit  assez  loiier,  etcomme  je  l'allay 
voir  embarquer  à  Toullon,  M?""  le  Prince  y  survint  le  jour  d'aprez,  à 
la  suitte  de  quoy  il  nous  fallut  songer  au  mariage  de  mon  neveu  qui 
fut  achevé  le  5  avril ''.  Je  commençois  à  me  persuader  d'avoir  plus  de 
santé  que  je  n'en  avois  eu  de  quelque  temps,  lorsque  M""  de  la  Poterie* 


'  Litlré  ne  cite  sous  ce  mot  aucun  auteur 
du  xvn*  siècle.  Pour  le  xv'  siècle,  il  men- 
tionne les  Mémoires  de  Commynes,  et,  pour 
le  xvi*,  les  Mémoires  de  Carloix. 

'  Sous  le  mot  obstruction,  on  ne  trouve 
dans  le  Dictionnaire  de  IJttrd  qu'une  seule 
citation  tirée  d'Aiiibroisc  Paré. 

'  Tintouin,  qui  est  dans  Cotgrave,  a  été 
employé  par  Basseliu,  par  A.  Vavé,  par 
Sully,  par  Pellisson,  etc.  Montaigne  s'est 
sern  du  verbe  litttouiner.  Le  très  exact  Gas- 
sendi mentionne  (p.  36;»)  cet  accident: 
rrsubiit  quoque  aurem  tinnitus. ..n 

*  Littré  cite  cette  phrase  de  Henri  Es- 
liennc  {Préeellence  du  langaf^efrançois)  :  f  Pti- 
sane,  qu'on  appelle  communément  tisane.» 

'  Peiresc  écrit  le  mot  conformément  ii 


l'étymologie  espagnole,  zarzaparrilla ,  de 
tarza,  ronce,  et  Parrillo ,  nom  du  méilccin 
qui  le  premier  a  employé  cette  plante.  Mon- 
taigne s'est  servi  de  la  forme  salsepcrille. 

"  Voir,  sur  le  séjour  h  Bcigentier  du  cai-- 
dinal  Bngni  et  de  son  jeune  et  déjà  si  savant 
bibliothécaire,  le  livre  IV de  l'ouvrage  deGas- 
sendi ,  p.  359-860 .  le  fascicule  Xlli  des  Cor- 
respondants de  Peiresc ,  Gabriel  Naudé,  p.  a-3. 

■  Cette  date  n'avait  pas  été  donnée  par 
le  consciencieux  auteur  des  Généalogies  des 
maisons  de  Fabri  cl  d'Ayrenx ,  M.  de  LalTore  , 
le<juel  se  contente  d'indiipier  l'année  i63i. 

'  Charles  Le  Roy  de  la  Poterie ,  collègue 
de  d'Aubray.  On  possède  dans  le  registre  I 
dis  minutes  de  la  corresfwndance  de  Pei- 
resc, h  riiigui  m  berline,  six  lettres  adressées 

35 


274  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631] 

nous  fit  ce  bien  de  nous  venir  voir  icy,  mais  le  lendemain,  qui  estoit  le 
Grand  vendredy\  je  commençois  à  sentir  les  menaces  de  l'accidant 
qui  s'en  ensuyvit  le  jour  d'aprez  tandis  que  j'estois  dans  la  chartreuse 
de  Montrieu,  à  une  petite  lieue  d'icy^.  De  sorte  que  mon  frère  et  mon 
neveu  furent  constraints  de  quitter  plus  tost  qu'ils  n'eussent  faict  l'oc- 
cupation de  leurs  uopces,  pour  venir  à  moy,  et  si  j'en  estois  quitte  pour 
ce  que  j'ay  eu,  j'en  aurois  bien  bon  marché,  car  je  n'y  ay  pas  ressenty 
de  douleur,  grâces  à  Dieu,  et  l'usaige  de  la  raison  y  a  tousjours  esté  en- 
tier, bien  que  la  parole  ne  peusse  pas  exprimer  tout  ce  que  j'eusse  voulu. 
Dans  ce  temps  de  mon  plus  grand  empeschement  on  m'apporta  une 
lettre  de  M'  de  Thou  si  honneste  et  si  obligeante,  qu'elle  sembla  me  dé- 
lier la  langue  pour  m'en  ioiier  et  tesmoigner  le  gré  que  je  luy  en  deb- 
vois,  et  receus  en  mesme  temps  une  coppie  de  certaine  chanson,  faicte 
pour  Monsieur  frère  du  Roy  en  ce  carneval,  comme  on  dict,  que  les 
gents  de  M' le  Prince  avoient  laissé  à  Aix,  dont  ayant  fait  faire  lecture 
de  quelques  coupplets  au  hazard,  j'en  trouvay  de  si  jolys  et  de  si  déli- 
cats, sur  le  subject  des  amours  de  la  Rose  et  du  Lys,  que  la  gentillesse 
de  cez  conceptions  acheva  de  me  desgourdir  l'esprit,  et  m'anima  en  cer- 
taine façon  qu'il  ne  me  sembloit  quasi  plus  avoir  de  membres  perclus^, 
hors  de  la  dilliculté  d'escrire  correctement,  à  quoy  le  remède  n'est  venu 


à  M.  de  la  Poterie  et  mêlées  aux  lettres 
adressées  à  d'Aubray  (fol.  iay,  4a8,  iag, 
43o).  La  première  lettre  à  La  Poterie  est  du 
i3  février  i63i;  la  dernière  est  du  3o  mai 
de  la  même  année.  Toutes  ont  été  écrites  de 
Belgentier. 

'  C'est-à-dire  le  vendredi  saint.  On  sait 
qu'à  la  même  époque  le  jeudi  saint  était 
appelé  le  jeudi  absolu.  Voir  les  Lettres  de 
Jean  Chapelain  (t.  I,  p.  i5o,  lettre  du 
1  2  avril  1687). 

'  Département  du  Var,  arrondissement  de 
Brignoles,  canton  de  la  Roquebrussanne,  com- 
mune de  Méouiies,  à  4  kilomètres  du  village 
de  ce  nom.  La  chartreuse  de  Montrieux  était 


située  dans  la  forêt  qui  lui  avait  donné  son 
nom  et  sur  les  bords  du  Gapeau ,  la  petite  ri- 
vière qui  arrosait  les  jardins  de  Belgentier. 
'  Gassendi  qui ,  remarquons-le  encore  une 
fois,  semble  avoir  eu  sous  les  yeux  les  lettres 
de  Peiresc  aux  frères  Dupuy,  raconte  ainsi 
l'incident  (p.  363)  :  trCum  subinde  nescio 
quis  hymnus  in  Lilii  Rosaeque  amores  scite 
caneretur,  ita  captus  est  suavitate  cantus, 
et  strophes  cujusdam  lepore,  ut,  queraad- 
modum  Grœsi  fdius,  prorumpere  volens  in 
aliqua  verba,  ac  in  ea  speciatim  :  Quam  pul- 
chrum  est  hoc!  prorsus  in  ilia  proruperit, 
eoque  momento  libertés  fuerit  niembris  om- 
nibus restituta.» 


[1631]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  275 

qu'avec  Ui  temps  et  les  purgatioris  et  aultres  precaultions,  qui  me  pro- 
voquèrent les  emorroides',  et  des  sueurs  fort  opportunes;  tant  est  que 
cet  eflect  du  jdaisir  d'ouyr  lire  des  choses  agréables  me  sembla  notable 
et  me  fit  désirer  de  sçavoir  le  nom  de  l'autheur  de  cez  vers,  et  s'il  est 
mis  en  musique  et  sur  les  instruments,  je  verrois  trez  volontiers  le  tout, 
pour  le  donner  à  ma  nièce  nouvelle  qui  en  a  envie''.  C'est  pourquoy  je 
vous  supplie  d'en  faire  faire  la  recherche  et  d'y  adjouster  un  exemplaire 
de  la  dernière  édition  qui  se  sera  faicte  des  airs  plus  nouveaux;  le  tillre 
de  la  clianson  est  Une  matinée  champeslre,  ce  me  semble,  car  je  ne  l'av 
pas  maintenant  à  la  main  :  premier  vers  :  jeune  déesse  au  teint  vermeil. 

Or  pour  respondre  maintenant  à  voz  lettres  comme  il  faudroit,  je  me 
suis  tellement  laissé  emporter  à  celles  des  aultres  que  j'ay  peur  que  le 
temps  ne  me  manque  pour  la  vostre,  par  où  je  debvrois  avoir  com- 
mancé.  Je  vous  supplie  donc  de  pardonner  encores  ce  retardement  de 
responce  durant  le  temps  que  les  médecins  me  tenoient  assiégé,  aprez 
quoy  je  me  suis  trouvé  en  grands  arreraiges  de  toutscoslez.  Je  tascheray 
à  l'advenir  de  mieux  faire  si  je  puis,  mais  Dieu  sçait  si  je  pourray  sa- 
tisfaire à  ce  que  je  debvrois  et  crains  bien  qu'il  ne  faille  que  les  aultres 
aniys  vous  facent  procuration  pour  recevoir  en  vostre  persone  les  res- 
ponces  et  compliments  que  je  leur  debvrois  à  eulx  en  leur  particulier 
afin  de  me  descharger  tant  soit  peu  dans  l'augmentation  de  ma  foiblesse. 

Les  curiositez  que  vous  avez  joiiictes  à  voz  lettres  nous  ont  servy  d'une 
pasture  bien  friande,  dans  nostre  désert,  et  si  le  ballot  de  M'  de  Val- 
belle  peult  arriver,  il  y  aura  bien  d'aultre  matière;  mais  la  maladie  de 
Lyon  a  faict  de  rechef  rompre  le  commerce  des  marchandises,  et  y 
aura  de  la  peine  de  le  faire  recevoir;  à  la  bonne  heure  l'aurez  vous 
baillé  à  M'  de  Valbelle'  qui  a  son  beau  père  tout  puissant  en  Avignon*, 
où  il  le  fera,  je  m' asseure ,  passer  parmy  ses  bardes  par  quelque  traict 

'  Peiresc  adopte,  pour  rortliogrnphe  du  Meyrargues  (par  héritage  des  Alagonia). 

mot,  une  forme  du  xv*  siècle  (csinoroide).  La  conseiller  au  parlement  d'Aix  depuis  i6a4. 

lettre  h  est  mise,  au  siècle  suivant,  en  tête  *  Léon  de  Valbelle  avait  épousé  eu  iCi8 

du  mol  par  Ambroise  Paré.  Silvie  de  Galean  des  Issarls  (d'une  famille 

'  M""  de  Kians.  d'Avignon)  :  Silvie  était  (ille  de  François  et 

"  C'était  Léon  de  Valbelle,  seigneur  de  de  Lucrèce  Mistral  de  Montdi-agon. 

35. 


276  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631] 

de  soupplessc.  Le  fagot  de  M'  Léger  n'est  pas  venu  non  plus,  dont  j'ay 
bien  plus  de  regret,  d'aultantque  ce  pauvre  gentilhomme  tomba  malade 
à  Lyon  jusques  à  l'extrémité,  et  croit  on  qu'il  s'en  sera  possible  retourné 
chez  luy,  ce  que  j'aymerois  mieux  que  s'il  estoit  encores  en  cette  ville 
infectée,  principalement  si  Dieu  veult  qu'il  ayt  remporté  à  Paris  vostre 
fagot,  car  s'il  l'avoit  laissé  à  Lyon  il  faudra  languir  longtemps  en  l'at- 
tente, les  Marseillois  ne  souffrant  plus  que  leurs  voituriers  aillent  plus 
avant  qu'à  Vienne,  à  la  charge  de  ne  rien  prendre  qui  vienne  de  Lyon. 
Toutefoys  les  rigueurs  ne  sont  pas  si  extrêmes  qu'elles  estoient  les  an- 
nées dernières.  J'ay  regretté  principalement  pour  le  livre  de  Keplerus 
qui  admonestoit  à  l'advance  les  curieux  d'observer  l'ecclypse  de  Venus 
et  de  Mei'cure  soubs  le  soleil,  que  j'eusse  bien  volontiers  recouvré  par 
quelque  voye  plus  courte  que  cez  roulliers,  craignant  d'en  perdre 
l'occasion,  ou  que  M''  Gassendy  ne  vous  en  eust  cotté  le  jour  et  l'heure, 
mais  il  nous  falloit  encores  cette  moi'tification.  Et  je  pense  qu'il  arrivera 
encor  à  temps,  car  nous  vismes  hier  Venus  toute  ronde  et  qui  par  con- 
sequant  doibt  estre  passée  par  dessus  le  soleil,  pour  passer  par  des- 
soubs  dans  quelques  moys. 

J'ay  à  vous  supplier  d'une  chose  dont  il  me  souvient  maintenant  et 
que  j'ay  oublié  plusieurs  foys,  c'est  que  je  vous  avois  adressé  longtemps 
y  a  quelques  papiers  concernant  le  traicté  de  paix  et  les  affaires  d'Alger  ', 
qui  estoient  adressez  à  M"'  Guiltard  qui  est  depuis  decedé  à  Lyon.  Je 
vouldrois  bien  sçavoir  si  vous  les  luy  aviez  rendus  ou  non,  car  il  ne 
m'en  avoit  jamais  accusé  la  réception,  et  si  vous  les  aviez  encores  je 
vouldrois  bien  que  vous  fissiez  rendre  tout  le  pacquet  par  voye  d'amy 
qui  aye  soing  d'en  retirer  un  mot  de  descharge,  non  à  la  vefve  du  dict 
Guiltard  car  cela  courroit  fortune  de  se  perdre,  mais  au  sieur  Sanson 
Napolon  qui  est  maintenant  en  cour,  et  qui  en  a  possible  faulte. 
Excusez  moy  de  l'importunité  que  je  vous  ay  donnée  pour  si  peu  de 
chose. 

Quant  au  reslablissement  des  courriers  ordinaires  de  Provence,  s'il 

'  Voir  sur  ce  traité  de  paix  (19  septembre  1628),  l'Histoire  d'Alger  sous  la  domination 
turque,  par  H.-D.  de  Grammont  (Paris,  1887,  gr.  in-8°,  p.  i65). 


[1631]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  277 

falloit  que  le  pais  y  contiibuast  la  moindre  chose  du  monde,  je  ne  pense 
pas  que  M'^du  Lieu  ne  aultrequelqu'onque  en  peust  venir  à  bout  main- 
tenant avec  les  l'oulles  de  la  {jendarnierie  et  impositions  si  extraordi- 
naires, et  cela  est  traversé  non  seulement  par  les  Grands  qui  veullenl 
estre  seuls  advertys,  mais  aussi  par  les  marchands  de  Marseille,  qui  ne 
veuUent  pas  que  les  advis  aillent  si  viste,  si  ce  n'est  à  ceux  qui  ont  de 
quoy  envoyer  des  courriers  exprez.  Que  si  cela  se  peult  faire  aux  des- 
pens  du  Roy,  à  la  bonne  heure;  sinon  il  n'y  fault  pas  songer,  car  s'il 
pensoit  enchérir  le  port  des  lettres  et  se  desdaumager  là  dessus,  il  se 
trouvcroit  court,  attendu  que  peu  de  geiits  ou  persone  vouidroient  se 
servir  plus  d'une  foys  d'une  voye  trop  chère,  et  aymeroient  mieux  at- 
tendre aultres  commoditez,  de  façon  que  je  n'espère  pas  de  voir  cela 
restably,  mesmes  à  cette  heure  que  la  voye  du  Piémont  sera  ouverte.  Si 
j'y  pouvois  servir,  j'y  contribuerois  volontiers  tout  mon  crédit,  mais  il 
y  a  maintenant  trop  dempeschements  et  trop  peu  d'employ  pour  y 
trouver  son  compte. 

.le  suis  bien  marry  d'avoir  esté  trop  lent  à  envoyer  mes  Pentateuques 
Samaritains,  mais  j'ay  peur  que  le  bon  P.  Morin  n'ayt  esté  trop  promt 
A  le  mettre  soubs  la  presse,  car  cez  ouvraiges  me  semblent  de  ceux  qu'il 
ne  fault  nullement  précipiter.  Si  le  P.  Berlin  m'eut  laissé  l'exemplaire 
du  sieur  Pietro  délia  Valle,  comme  il  en  avoit  charge,  le  sesjour  que 
faisoit  M'  le  Nonce  à  Carpentras  '  m'eut  donné  moyen  d'en  conférer 
ce  que  je  desirois  avec  le  mien,  et  de  luy  renvoyer  l'un  et  l'autre  à 
Carpentras  par  honune  exprez.  Mais  à  ne  vous  rien  desguiser,  comme 
je  vois  qu'il  ne  ni'avoit  pas  voulu  her  celuy  là,  je  ne  creus  pas  destre 
obligé  de  luy  her  le  mien.  Cependant  noz  furies  populaires  ne  tardèrent 
pas  de  survenir,  et  nous  donnèrent  d'aultres  choses  à  penser,  et  puis 
je  n'eusse  pas  creu  qu'on  fut  allé  si  visle,  en  chose  si  peregrine'-'  et  de 

'  C'était  Alexandre  Bichi,  qui  fut  presque  des  Correspondants  de  Peirese  :  Le  cardiital 

en  môme  temps  nomme  nonce  en  France  et  Iliclii,  évêque  de  Carpentras  (i885,  p.  ix). 
évêque  de  Carpentras.  Il  vint  passer  un  mois  ^  C'est-ii-dire étrangère, exotique, dep«*- 

dans  sa  ville  épiscopale  (novembre  i63o)  //-n/irt.  Nos  récents  dictionnaires,  qui  donnent 

avantdeserendreàParis.VoirlefasciculeVIII  les  mots  péréffrinateur,  pérégrinalion ,  péri' 


278  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631] 

si  grande  consequaïice  comme  j'estime  celle  là.  M''  Gassendy  m'avoit 
mandé  une  foys  que  cez  Messieurs  le  Jay,  ou  Vitray,  ne  pretendoient 
prendre  que  des  diverses  leçons,  pour  les  marquer  aux  notes  sur  le 
texte  Hébraïque.  Je  luy  mandois  que  j'estimois  qu'il  falloit  imprimer  à 
part  le  texte  des  Samaritains  tout  entier,  non  seulement  l'Hébraïque, 
mais  avec  ses  aultres  deux  versions,  et  sembloit  qu'ils  y  eussent 
depuis  pensé,  et  qu'ils  s'y  fussent  résolus;  toutefoys  on  me  dict  que  le 
P.  Morin  ne  veult  faire  que  le  texte  Syriaque,  qu'd  appelle  Samaritain, 
sur  l'exemplaire  du  sieur  Pietro  délia  Valle,  auquel  cas  je  me  doubte 
que  l'entreprinse  ne  reuscira  guieres  bien,  et  pense  que  l'Arabique  est 
sans  comparaison  beaucoup  plus  essentiel  et  important,  pour  l'antiquité 
qu'ils  en  prétendent  et  quand  ce  ne  seroit  que  pour  faciliter  l'intelligence 
que  recherchoit  par  là  feu  M"'  Scaliger  de  ces  grandes  chroniques  sa- 
maritaines escriptes  en  cette  langue,  lesquelles  il  me  dict  un  jour  qu'il 
ne  croyoit  pas  pouvoir  deschiffrer  en  perfection,  sans  avoir  ce  Penta- 
teuque  en  diverses  langues  dont  il  avoit  eu  dez  lors  quelque  vent,  et 
m'avoit  fort  prié  de  le  luy  faire  recouvrer,  ainsin  que  je  m'en  estois  mis 
en  soing,  mais  l'exemplaire  fut  noyé  dans  le  navire  Sainct  Victor  coulé  à 
fonds.  En  effect,  quoique  cez  grandes  bibles  ne  semblent  se  faire  à  autre 
dessein  que  pour  avoir  toutes  les  diverses  conceptions  et  interpréta- 
tions que  peuvent  fournir  diverses  versions,  je  ne  vois  pas  pourquoy 
on  veuille  avoir  les  unes  et  négliger  les  autres,  principalement  celles  cy, 
qui  se  trouvent  accompagnées  de  tant  de  circonstances  notables  et  de 
tant  de  diversitez  considérables  et  utiles.  Ils  en  feront  ce  qu'il  leur 
plairra,  et  s'ils  ne  font  l'édition  complette,  quelqu'un  se  mettra  possible 
un  jour  en  peine  de  l'entreprendre.  Pour  moy,  je  vous  ay  appresté  une 
cassette,  où  j'ay  mis  les  trois  Pentateuques  que  j'ay,  lesquels  en  com- 
prennent des  fragments  de  deux  aultres,  dont  l'un  n'estoit  qu'à  deux 
colonnes,  à  scavoir  l'Hébraïque  et  l'Arabique  e  regione,  comme  plus 

g-n'ner, /jérég'nmié,  ne  donnent  pas  le  mot pé-  qu'en  fauconnerie,  où  l'on  appelle  faucon 

régrine.  Mais  on  lit  dans  le  Dictionnaire  de  pcrégrin  un  faucon  de  passage.  «  Pérégrin 

Trévotix:  "Pérégrin,  vieux  mol  qui  signifioil  n'est  pas  dans  le  Glossaire  de  La  Curne  de 

autrefois  étranger,  pèlerin.  On  ne  le  dit  plus  Sainte-Palaye. 


i 


[1631]  AUX  FRERKS  DUPUY.  279 

digne  que  la  Syriaque  laquelle  n'est  qu'au  troisiesme  rang  en  celuy  que 
j'ay  à  trois  langues.  J'y  ay  mis  encores  mon  Lexicon  aux  niesmes  trois 
langues,  et  certains  fragments  de  prières  et  aultres  oscritures,  aulcunes 
Hébraïques  avec  la  version  Arabique,  et  d'autres  en  un  quattriesme 
dialecte  meslé  semblables  à  des  lettres  missives  que  je  vous  envoyé 
aussy  dans  la  mesme  cassette  escrites  à  feu  M'  Scaliger,  par  le  grand 
prebstrc  des  Samaritains,  et  par  leur  Synagogue  d'OËgypte  l'an  1690, 
oi!i  il  y  a  de  jolies  responces  sur  les  demandes  que  leur  avoit  faict 
M'  de  la  Scala,  lequel  n'avoit  jamais  receu  les  dictes  lettres,  et  en  eusse 
bien  faict  son  proflTit;  je  les  recouvray  par  grand  hazard,  et  pense  que 
le  bon  P.  Morin  y  trouvera  de  quoy  faire  quelques  bonnes  observations, 
qui  luy  eussent  bien  servy  s'il  n'eust  tant  hasté  le  libvre  dont  vous 
m'avez  envoyé  le  tiltre.  J'y  ay  encores  adjousté  les  deux  textes  des 
Evangiles  en  Syriaque  dont  l'un  a  la  version  Arabique  e  regione  d'une 
partie  de  S'  Mathieu  seulement,  de  sorte  qu'à  mon  grand  regret  ces 
Messieurs  n'y  trouveront  pas  le  secours  qu'ils  pouvoient  attendre;  fina- 
lement il  y  a  trois  volumes  de  liturgies  des  cophti,  où  il  y  a  tout  plein 
de  fragments  des  Evangiles,  des  Epistres  des  Apostres,  des  Psaulmes  et 
aultres  choses  qui  se  chantent  en  leurs  églises  et  y  en  a  un  qui  a  la  ver- 
sion Arabique  e  regione.  Le  P.  Morin  m'avoit  prié  de  demander  au  sieur 
Pietro  dclla  Valle  ce  qu'il  avoit  en  cette  langue,  mais  il  s'en  excusa;  c'est 
pourquoy  je  n'ay  pas  voulu  manquer  de  luy  envoyer  les  miens.  L'occa- 
sion de  cette  cassette  me  fera  mettre  encores  quelque  chose  pour  le  bon 
M'  du  Chesne,  et  je  bailleray  le  tout  j\  M""  de  la  Poterie  qui  m'a  promis 
le  faire  aller  avec  ses  bardes  plus  précieuses  et  en  avoir  grand  soing, 
la  maladie  de  Lyon  m'^yant  constraiut  de  prendre  cette  voye,  pour  ne 
bazarder  cez  pièces  là  témérairement.  Que  s'il  ne  debvoit  partir  bien 
tost,  nous  chercherions  aultre  voye  pour  diminuer  l'impatience  de  cez 
Messieurs,  et  au  pix  aller  ce  sera  par  mon  neveu  qui  prépare  son  voyage, 
pour  lequel  je  luy  ay  expédié  ma  procuration  ad  resignandnm  de  mon 
office ,  afin  qu'il  ne  revienne  poinct  sans  les  provisions.  Et  l'absance  de  la 
Cour  ne  l'empeschera  pas  d'aller  à  Paris,  quand  ce  ne  seroit  que  pour 
avoir  le  bien  et  l'honneur  de  vous  voir,  et  vous  remercier  de  vive  voix 


280  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631] 

de  noz  obligations  et  des  nouvelles  offres  que  vous  daignez  luy  faire  à 
luy  niesmes  par  voz  dernières  lettres. 

J'ay  receu  une  dent,  que  l'on  a  voulu  vendre  pour  estre  de  ce  pré- 
tendu géant  d'Affrique,  mais  je  tiens  que  ce  soit  une  dent  de  balaine 
plutost  que  d'un  homme;  un  mien  amy  a  esté  sur  les  lieux  du  tombeau  • 
et  n'y  trouva  que  la  pouldre  des  os^.  Les  Mores  tenus  pour  grande- 
ment doctes  en  ce  pais  là  disent  que  par  leurs  livres  il  se  justifie  que 
ce  géant  avoit  nom  MENOIEL  min  el  Moutideri,  qu'il  vesquut  600  ans 
et  mourut  il  y  a  liooo  ans  empoisonné  par  sa  femme,  qu'il  avoit  dix 
enfants  masles  et  sept  femelles.  Je  tiens  qu'ils  veullent  dire  Hercule, 
lequel  j'ay  veu  represanté  en  quelques  médailles  Arabiques,  tantost 
avec  les  deux  serpents  comme  un  enfant,  tantost  avec  sa  clave^,  lantost 
avec  sa  peau  de  lion.  Et  ay  veu  quelqu'un  de  leurs  livres  qui  dict  qu'il 
avoit  conquis  sur  le  géant  Antée  l'Afrique,  mais  il  le  nomme  Carmil,  et 
puis  avoit  esté  au  destroict  ouvrir  le  passage  à  la  mer  Occeane ,  de  sorte 
que  cez  traditions  qui  semblent  si  fabuleuses  et  estranges  ne  sont  pas 
encores  sans  quelque  fondement  et  rapport  aux  origines  des  histoires 
Grecques,  qui  ont  esté  embarrassées  de  tant  de  fables  et  supposi- 
tions. On  me  faict  espérer  une  relation  fort  exacte  du  lieu  qui  n'est  qu'à 
une  mousquetade  de  la  mer,  de  l'occasion  de  la  descouverte  par  le  ra- 


'  Ce  mien  ami  étail  Thomas  d'Arcos ,  au 
sujet  duquel  je  renverrai  à  un  prochaiu  fas- 
cicule des  Correspondants  de  Peiresc.  Voir, 
en  atiendanl,  sur  d'Arcos,  ainsi  que  sur  le 
prfîtendu  géant  d'Afrique,  les  publications 
déjà  citées  de  Fauris  de  Saint- Vincens  :  Let- 
tres de  Thomas  d'Arcos  à  Aycanl  et  à  Pei- 
resc el  Lettres  de  Peiresc  à  Thomas  d'Arcos, 
Je  compléterai  cette  correspondance  d'abord 
dans  le  fascicule  que  je  viens  d'annoncer, 
pour  ce  qui  regarde  d'Arcos ,  ensuite ,  pour 
ce  qui  regarde  Peiresc  lui-même,  dans  un 
des  volumes  qui  suivront  les  trois  volumes 
consacres  à  la  correspondance  avec  les  frères 
Dupuy. 


*  Voici  ce  que  d'Arcos  écrivait  à  Aycai-d. 
le  95  avril  i63o  :  rJe  vous  baise  les  mains 
et  à  M.  de  Peiresc,  duquel  je  suis  fort  ser- 
viteur; dites-luy  que  j'ay  recouvré  deux 
dents  de  ce  grand  Géant  duquel  je  vous  ay 
escript,  et  pèsent  chacune  plus  de  trois  li- 
vres el  demie.  Le  reste  de  ses  ossements 
sont  tous  tombés  en  poudre.  « 

'  G'esl-à-dire  massue.  Le  mot  cJave  n'a 
pas  été  recueilli  dans  les  Dictionnaires  de 
Richelet  et  de  Trévoux.  On  le  trouve 
dans  le  Glossaire  de  La  Curne  de  Sainte- 
Palaye ,  d'après  un  texte  de  l'an  1 346.  C'est 
une  addition  des  éditeurs,  ALM.  Favre  et 
Pajot. 


[1631]  AUX  FUÈRES  DUPUY.  281 

vage  d'un  torrent  qui  vint  ouvrir  la  terre  par  le  beau  milieu  de  la  place 
où  estoit  traversé  ce  corps.  Ce  mien  amy  y  fit  travailler  dix  hommes  tout 
un  jour,  mais  il  n'avoit  pas  achevé  d'en  dresser  la  relation,  quand  partoit 
la  barque  par  laquelle  il  m'en  a  envoyé  l'advis.  Il  fauldrà  encor  avoir 
cette  patiance.  Il  me  faict  mcsmes  espérer  coppie  du  passaige  de  ce  libvre 
où  est  faicte  mention  de  ce  géant,  en  leur  langue  Arabique  avec  la  ver- 
sion en  Provençal ,  et  croid  que  cette  dent  ayt  esté  supposée  en  cette 
occasion  pour  la  mieux  vendre,  et  de  i'aict  elle  est  si  pesante,  qu'elle 
semble  pétrifiée,  comme  d'aultres  dents  de  monstres  marins,  bien  que 
différantes,  dont  j'en  ay  veu  une  ce  me  semble  à  M"'  Aubery.  Si  les  aul- 
tres  os  estoient  pétrifiez,  je  croirois  que  ce  fust  esté  corps  de  quelque 
monstre  marin  tout  à  faict  plus  tost  que  d'un  géant,  et  le  voisinage  de 
la  mer  y  serviroit  bien. 

Au  reste  je  ne  suis  pas  marry  que  M''  Saulmaise  travaille  à  la  re- 
cherche de  cez  anciens  rilus  ecclesi;e,  mais  je  n'ay  pas  moings  de  re- 
gret que  vous  qu'il  ne  se  laisse  emporter'.  11  est  vray  que  tousjours 
pourra  t'on  bien  distinguer  le  bon  du  suspect,  et  y  aura  tousjours 
grandement  à  apprendre.  J'ay  mis  pour  luy  dans  vostre  cassette  un 
Suétone  m[anu]s[crit]  qui  semble  fort  moderne,  mais  j'ay  apprins 
que  feu  M'  Casaubon^  avoit  faict  de  grandes  instances  pour  le  voir, 
à  cause  des  passages  grecs,  et  croid  on  qu'il  ne  l'eusl  .pas  veu;  à  tout 
hazard,  il  y  pourroit  avoir  quelque  mot  à  son  goust,  dont  je  serois 
bien  aise.  Pour  sortir  de  la  responce  de  vostre  première  lettre,  il 
fault  que  je  vous  remercie  encores  trez  humblement  des  bons  offices 
qu'il  vous  plaict  nous  offrir  envers  M'  de  la  Marguerie,  nostre  pre- 
mier présidant',  dont  je  vous  suis  infiniment  redevable;  il  m'a  en- 
voyé faire  de  trez  obligeantes  recommandations,  ce  qui  m'a  donné 

'  Dupuy    et  Peiresc  craignaient  qu'au  voir  le  recueil  dëjà  cite  de  P.-Jos.  de  Haitze 

sujet  des  anciens  rites  de  l'Église,  le  zèle  du  sur  les  premiers  président  du  parlement 

calviniste  ne  lût   |)lus   grand,  dans  Sau-  d'Aix  (avec  un  portrait  d'Élie  Laisné  de  la 

maise,  que  l'imparlialitd  de  l'érudit.  Marguerie  par  Cundier).  L*  registre  I  des 

*  Isaac  CasauboQ  a  déjà  été  mentionné  minutes  de  la  correspondance  de  Peiresc  à 

(t.  I,  p.  a 95).  Garpntras  renferme  treize  lettres  adressées 

'  Sur  ce  successeur  du  baron  d'Oppède,  h  Laisné  de  la  Marguerie  (fol.  73-77),  la 
11.  36 

UiVIlBttM    BATt*liUa. 


I 


282  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631] 

la  hardiesse  de  luy  escrire;  vous  suppléerez  à  mes  deffaulls  et  ferez 
œuvre  méritoire. 

Le  restant  de  voz  lettres  estant  principalement  sur  la  communication 
des  choses  du  temps,  vous  m'excuserez  si  je  n'y  respons  plus  punctuel- 
lement  et  si  je  me  contente  de  vous  en  remercier  comme  je  faicts  trez 
humblement,  bien  marry  de  ne  vous  pouvoir  rendre  d'eschange,  car  il 
n'y  a  que  la  présentation  de  l'edict  de  criie  de  conseillers  en  nostre 
Parlement  sur  lequel  aujourd'huy  matin  la  Cour  a  résolu,  à  ce  qu'on 
me  vient  de  dire,  de  s'en  excuser  sans  respondre  et  M'  d'Aubray  voul- 
droit  un  refus  par  escript,  et  s'en  est  quant  et  quant  allé  à  S'-Maximin , 
pour  presser  Messieurs  des  Comptes  d'un  semblable  edict,  oii  je  ne  pense 
pas  qu'il  advance  davantage.  Il  avoit  en  main  les  lettres  patentes  du 
restablissement  du  Parlement  et  des  Comptes  à  Aix,  mais  il  ne  s'en  àes- 
saisit  poinct,  et  sans  le  dire  veult  bien  que  l'on  croye  qu'il  ne  tient 
qu'à  la  vérification  de  cez  edicts  qu'il  ne  les  dellivre  [et  que]  les  trouppes 
de  gendarmerie  ne  sortent  d'Aix  et  du  païs,  mais  cela  ne  seroit  pas 
suffisant  pour  faire  franchir  le  sault,  tant  les  esprits  sont  mal  ployants 
et  indignez.  Dieu  aura  pitié  de  cette  pauvre  province  désolée  quand  il 
luy  plairra.  Et  je  finiray  cette  importune  lettre  par  mes  réitérées  pro- 
testations que  je  ne  puis  estre  que, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur 

et  de  tous  les  vostres , 

DE  Peiresc. 
A  Boysgency,  ce  a 3  may  fort  tard,  i63i. 

Nous  avons  eu  icy  ce  soir  à  souper  M*"  le  chevalier  de  Boissise  ',  avec 


première  écrite  de  wBeaugencier  le  a 3  may  Provence,  en  Cour.  Au  folio  76  du  regisli-e  I 

t63i  1,  la  dernière  écrite  d'Aix  irle  8  may  est  une  copie  d'une  lettre  du  premier  président 

i635».  Voici  la  suscription  de  la  première  adresséeàPeirescdeParislea3févrieri634. 
lettre  :  Monsieur  L'Aisne  sieur  de  la  Mar-  '  Quelque  fils  sans  doute  de   Jean  de 

guérie,  Conseiller  du  Hoy  en  ses  Conseils  d' Estât  Thumery,  sieur  de  Boissise,  sur  lequel  on 

et  premier  président  en  sa  Cour  du  parlement  de  peut  voir  t.  I,  p.  378. 


[1631)  AUX  FHÈRES  DUPUY.  283 

le  commandeur  de  Fourbin  ',  qui  ont  voulu  apprez  soupper  passer  oultre 
à  Tollon.  Ils  n'avoient  appririsà  Brignole  aulcunes  nouvelles  de  la  Cour, 
bien  que  le  secrétaire  de  M'  de  la  Potterie  y  fust  fraischement  airivé. 
On  nous  a  voulu  dire  d'ailleurs  que  Mess"  de  Gourtenay  sont  bien  main- 
tenant sur  les  rangs.  Je  vous  envoyé  à  faulte  d'une  chose  plus  difjne  de 
vous  l'cxt^mplaire  ((ue  m'a  envoyé  M^^  le  cardinal  Barberin  de  rinscri[> 
tion  de  Ptolemœus,  fils  du  Pliiladelphe,  que  M'Holstenius  avoit  descou- 
vert dans  la  Vaticane,  et  qu'un  aultrc  luy  a  desrobée  par  jalousie '^  et 
d'aullant  qu'il  ne  m'en  avoit  peu  envoyer  un  exemplaire,  me  doubtant 
que  M'  vostre  frère  n'en  ayt  peu  avoir  aussy.  J'ay  mieux  aymé  vous  en- 
voyer le  mien  que  de  vous  laisser  en  peine  de  l'attendre,  si  ne  l'avez 
encores  peu  voir  et  faire  voir  à  Mess"  les  curieux,  et  particulièrement 
à  Mess"  Rigault,  GroUius,  Saulmaise,  et  je  pense  que  M'Bignon  le  verra 
trez  volontiers,  et  vous  m'obligerez  bien  de  luy  faire  mes  recommanda- 
tions par  inesme  moyen  ^. 


Lni 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Je  suis  interrompu  encores  cette  foys  lorsque  je  pensois  vous  escrire, 
par  l'arrivée  céans  de  trois  gentilshommes  Florentins,  venus  sur  un  na- 
vire du  Grand  Duc  à  Tollon  où  ils  ont  faict  un  peu  de  quarantaine. 
Ils  partirent  de  Ligourne  deux  jours  aprez  que  M'  de  Guise  y  estoit 
arrivé,  et  desjà  il  estoit  allé  voir  son  Altesse  à  Florence,  qui  le  vint 
rencontrer  à  my  chemin,  et  luy  avoit  préparé  une  réception  fort  ho- 
norable. L'un  d'eux  a  nom  Galilei,  et  le  sieur  Galileo-Galilei  n'a  pas  de 
maison  dont  il  face  plus  d' estât  que  de  la  sienne.  11  m'en  a  desja  dict 

'  Sur  le  commandeur  de  Forbia,  voir        scription  dans  le  recueil  de  BoissonadefLuca 
t.  I,  j).  aC;!.  llolslenii  Epistolœ  ad  dkersos). 

'  Il  n'est  fait  nulle  mention  de  cette  in-  '  Vol.  717,  fol.  11 5. 

36. 


28ii  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631] 

des  iiouvelles  que  vous  ne  serez  pas  marry  d'apprendre  nomplus  que 
M'  Deodati.  C'est  qu'enfin  on  luy  a  donné  permission  à  Home  d'im- 
primer son  livre  du  flux  et  reflux  de  la  mer  soubs  certaines  dé- 
clarations et  protestations  mises  en  teste  du  libvre  par  l'autheur  qui 
l'a  composé  en  forme  de  dialogue,  où  il  introduit  des  personnes  qui 
parlent  pro  et  contra  du  mouvement  de  la  terre  sans  en  rien  dé- 
terminer. Car  c'est  sur  cela  qu'il  fonde  tout  son  flux  et  reflux.  Il  y  en 
avoit  desja  un  tiers  d'imprimé  à  Florance,  il  y  a  plus  d'un  moys,  et 
le  libraire  asseure  qu'il  aura  achevé  dans  la  Toussains'.  On  m'en 
promet  des  premiers  exemplaires  dont  je  ne  manqueray  pas  de  vous 
faire  ])art. 

Je  vous  remercie  trez  humblement  des  petits  discours  imprimez  que 
M*"  Aubery  m'a  envoyez  de  vostre  part,  comme  de  ceux  qui  sont  venus 
soubs  voz  enveloppes ,  niesmes  de  cez  gazettes  ou  demi  feuilles  de  nou- 
velles estrangeres^,  que  je  trouve  de  trez  bonne  et  commode  invention, 
et  crois  qu'on  en  fera  des  recueils  comme  du  Mercure.  Je  serois  bien 
aise  d'en  lecevoir  deux  exemplaires  de  chasque  sorte,  à  mesure  qu'ils 
s'imprimeront,  pour  en  retenir  un  tandis  que  l'autre  eschappe  des 
mains  et  qu'on  ne  le  sçauroit  retenir. 

Je  crains  d'avoir  oublié  par  mes  dernières  de  vous  accuser  la  récep- 
tion et  vous  remercier  comme  je  faicts  maintenant  des  libvres  d'Airs 
qu'il  vous  pleut  m'envoyer  quelque  temps  y  a,  dont  noz  petits  grim- 


'  Le  livre  ainsi  annonce  ne  parât  pas  en 
novembre  i63i,  mais  seulement  l'annde 
suivante.  En  voici  le  titre  :  Dialogo  sopra  i 
duo  sistemi  del  mondo ,  etc.  (  Florence , 
G.  B.  Landini,  1682,  in-4°). 

^  On  sait  que  le  premier  numéro  de  la 
Gazette  de  Théophraste  Renaudot  parut  le 
3o  mai  i63i.  M.  Eugène  Hatin  (Histoire de 
la  presse  en  France,  t.  I,  iSSg)  a  e'numéré 
(p.  78)  les  nouvelles  étrangères  contenues 
dans  la  premièreGazelte  et  venues  de  Gonstan- 
tinople,de  Rome,  d'Espagne,  de  Portugal, 


d'Allemagne ,  de  Venise ,  d'Amsterdam ,  d'An- 
vers, etc.;  il  a  reproduit  (p.  7/4)  les  articles 
consacrés  aux  nouvelles  de  Constantinople 
(du  a  avril)  et  à  celles  d'Anvers  (du  9  4  mai). 
H  n'y  a  point  de  nouvelles  de  France  dans 
les  cinq  premiers  numéros,  ce  qui  explique 
pourquoi  Peiresc  ne  mentionne  que  les  ar- 
ticles l'elatifs  aux  choses  étrangères.  C'est 
seulement  dans  la  sixième  gazette  que  sont 
données  des  nouvelles  de  Paris  et  de  Saint- 
Germain. 


[1631]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  285 

melins  '  de  musiciens  ne  se  sçavent  pas  servir  pour  y  trouver  aulcune 
friandise.  S'il  y  en  a  d'aultre  sorte,  vous  m'oblijjcrez  de  m'en  envoyer 
à  la  commodité.  Cependant  je  vous  envoyé  les  vers  de  la  chanson  de  la 
Rose  qu'on  attribue  à  Monsieur  pour  ses  amours  de  la  Princesse  Marie'', 
puis  que  n'en  avez  ouy  parler.  On  y  a  faict  icy  deux  ou  trois  airs  à 
boulle  veue',  mais  ce  seroit  vous  faire  trop  de  tort  que  de  les  vous 
envoyer  de  par  delà.  C'est  pourquoy  je  m'en  absliendray,  attendant  si 
M""  du  Monstier  ou  quelque  aultre  amateur  de  la  musique'*  vous  sçau- 
roit  fournir  le  vray  air  primitif  de  cette  chanson. 

Cependant,  au  lieu  de  meilleure  matière,  je  vous  envoie  coppie  d'un 
des  registres  de  Seneque  de  la  traduction  de  Malerbe*,  qui  n'a  pas 
nuy  à  ma  consolation  en  nostre  petite  solitude,  principalement  dans  la 
contemplation  des  révolutions  présentes.  Vous  recevrez  par  mesme 
moyen  coppie  d'une  charte  originelle  en  parchemin,  avec  le  desseing 
de  la  bulle  qui  y  est  encores  pendante,  qu'un  amy  a  inesperement 
trouvé  en  une  isle  de  l'Archipelago*  prez  de  Rhodes,  dont  j'escrips  à 


'  Lillré  ne  cite  sous  ce  mol,  diminutif  de 
grimaud,  que  celle  phrase  d'un  auteur  du 
xvi'  siècle,  Etienne  Tabourot,  le  prétendu 
seigneiu"  des  Accords  [Bigarrures)  :  tril  n'y 
aura  pas  jusqu'aux  petits  grimelins. . .  n 

'  Louise-Marie  de  Gonzague,  fille  de 
Charles  de  Gonzague,  duc  de  Nevers,  puis 
de  Manloue,  et  de  Catherine  de  Lorraine, 
devint  (novembre  i645)  reine  de  Pologne 
et  mourut  à  Varsovie  le  i  o  mai  1 66a.  Savait- 
on  que  la  chanson  allégorique  avait  été  al- 
Iribuée  au  frère  de  Louis  XII  l?  Voir,  sur  les 
amours  de  Gaston  d'Orléans  avec  la  future 
reine  de  Pologne  (1639),  les  principaux  mé- 
moires du  temps ,  qui  ont  été  assez  bien  ré- 
sumés dans  l'article  consacré  {Nouvelle  bio- 
graphie générale)  h  Marie  de  Gonzague  par 
Camille  Lebrun. 

'  Nous  avons  déjà  trouvé  dans  le  tome  I 
l'expression  à  boulle-vue  avec  le  sens  de  pré- 
cipitamment. 


"  Les  biographes  de  Daniel  du  Monstier, 
et,  parmi  eux,  Taliemant  des  Réoux  lui- 
même,  ont  oublié  de  nous  dire  que  le  célèbre 
peintre  était  aussi  un  zélé  musicien. 

'  Les  Epislres  de  Seneque,  traduites  par 
M"  François  de  Malherbe,  gentilhomme  or- 
dinaire de  la  chambre  du  Hoy,  [)arurent  pour 
In  première  fois  à  Paris,  chez  Antoine  de 
Sommavillc,  1687.  L'achevé  d'imprimer  est 
du  7  septembre  de  celle  année.  Voir  sur 
celle  édition,  qui  élail  resiée  inconnue  h 
tous  les  bibliographes,  la  Notice  bibliogra- 
phique mise  par  M.  Lud.  Lnlanne  d.ins  lo 
tome  I  des  Œuvres  complètes  de  Malherbe 
(p.  xcvi). 

'  De  l'italien  arcipelago,  corruption  du 
grec  moderne  alyioTtéXayos,  c'est-à-dire  mer 
Kgée.  Lillré,  auquel  j'emprunte  celle  expli- 
cation, ajoute  que  du  temps  de  Mt-nage, 
quelques-uns  disaient  archipelague ,  ce  (|u'il 
condamnait. 


•286  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631] 

M'  du  Chesne,  à  qui  je  vous  supplie  d'eu  faire  part,  et  à  M'  Besly,  pour 
ayder  à  la  généalogie  de  Poictiers,  car  c'est  du  prince  Rairaond  Rupin 
qui  estoit  de  cette  maison  là,  et  que  les  autheurs  ne  noranioient  que 
Rupin  ;  s'il  vouloit  voir  l'original,  je  luy  en  pourrois  faire  passer  l'envie? 
car  je  l'ay  par  devers  moy  ^  et  crois  que  vous  ne  verrez  pas  mal  vo- 
lontiers en  quels  termes  il  parle  aux  cardinaux  de  Rome,  ayant  admiré 
la  dernière  clause  [Actum  est  ecclesiarum  in  omnibus  saluo  jure]  ce 
qui  me  faict  doubter  qu'il  n'y  eusse  quelque  plus  particulière  submis- 
sion à  l'église  de  cette  principaulté,  ou  quelque  spéciale  protection  des 
églises  d'icelle  entreprinse  par  l'Eglise  Romaine.  Et  ne  sçay  si  les  images 
de  s'  Pierre  et  s'  Paul  qui  sont  au  revers  de  la  bulle  n'auroient  poinct 
quelque  relation  à  cela,  aussy  bien  qu'à  la  chaire  S'  Pierre  en  An- 
tioche  aussy  bien  qu'à  Rome.  Tant  est  que  cela  m'a  semblé  extraordi- 
naire, et  bien  digne  sinon  de  vostre  curiosité,  au  moings  de  celle  de 
M''  Besly,  aussy  bien  que  de  M''  du  Chesne,  et  possible  du  P.  Sirmond, 
à  qui  vous  la  pourriez  monstrer  si  le  trouvez  à  propos,  et  par  raesme 
moyen  il  vous  pourra  faire  voir  une  empreinte  que  je  luy  envoyé  d'un 
seau  que  j'ay  recouvré  en  mesme  temps  de  i'Archipelago ,  avec  l'in- 
scription +  COPAnC  TIAAKOC  NIOUJNOC  KAeHrOYMeNOY 
que  j'estime  pouvoir  avoir  esté  de  ce  JNiphon  Patriarche  de  Constan- 
tinople  environ  i3ii,  qui  renoncea  au  Patriarcat^  et  possible  au 
monde  pour  aller  vivre  monachalcment^  en  cez  isles,  avec  quel- 
ques prebstres  de  son  humeur.  Mais  que  direz  vous  des  extrava- 
gances de  mon  entretien  au  lieu  de  satisfaire  punctuellement  à  mes 
debvoirs  en  vostre  endroict  et  de  vous  demander  pardon  de  ce 
que  je  m'en  acquitte  si  mal?  C'est  le  trop  de  confiance  que  j'ay  en 
vostre  bonté,  qui  m'en  faict  abuser  de  la  sorte,  et  espérer  que  pour 


'  Nulle   mention   de  cette  charte  n'est  i3i 3  et  fut  déposé  dans  un  concile  tenu  en 

faite  par  Besly  dans  sa  correspondance  pu-  i3i5  {Arl  de  vérifier  les  dates,  chronologie 

bliée  par  M.  Briquet  [Archives  historiques  histoiHque  des  patriarches  de  l'Eglise  d'Orient , 

du  Poitou ,  t.  IX ,  1 88o).  t.  IV,  1 8 1 8 ,  p.  1 1 5  ). 

*  INiphon ,   métropolitain    de    Gyzique ,  ^  Sous  le  mot  moiiacalement  Litlré  n'a  cité 

monta  sur  le  siège  de  Constantinople  l'an  que  le  Dictionnaire  d'Oudin. 


[163ir  AUX  FRÈRES  DUPUY.  'i87 

quelque  faulte  que  je  puisse  cojnmettre,  vous  ne  me  tiendrez  pas 
inoiiigs  tousjours. 
Monsieur,  pour 

vostrc  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 

A  Boysgency,  ce  i3  septembre  i63i. 

Mon  frère  est  arrivé  des  champs  tout  à  poinct,  et  M'  le  Pr[ieur]  de 
Roumoules  aussy  pour  vous  remercier  comme  ils  font  Irez  humblement 
de  l'honneur  de  vostre  souvenir. 

Je  vous  supplie  de  faire  noz  humbles  saluts  à  M' du  Puy,  vostre  frère , 
et  à  M"'  do  Thou,  et  toute  l'Académie  sans  oublier  le  bon  M'  Petit'. 


LIV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Aprez  une  longue  opiniastreté  de  mes  indispositions  et  incommo- 
ditez,  qui  me  contraignirent  dernièrement  de  me  laisser  porter  en 
chaise  d'icy  à  Tollon  pour  avoir  le  bien  d'y  salliier  M.^  le  Mareschal 
de  Vitry  ^,  sans  que  pour  cela  je  peusse  eslre  quitte  de  la  suppression 
d'urine  dont  j'eus  une  fort  rude  secousse,  et  dont  j'estois  travaillé  quasi 
incessamment,  et  lors  mesmes  que  le  dict  seigneur  Mareschal  me  faisoil 
l'honneur  d'agréer  que  je  fusse  avec  luy,  je  me  résolus  de  boire  des 
eaux  d'une  fontaine  chaude  qui  est  en  l'isle  des  Embiers  à  deux  lieues 
de  Tollon  que  le  prince  Doria  ^  a  mis  en  réputation  en  en  envoyant  quérir 

'  Vol.  717,  fol.  119.  de  Provence  en  i63i  et  mourut  h  Naud} 

'  Nicolasdel'Hospital, marquis, pui»(jan-  (Seine-et-Marne),  le  a8  septembre  i64â. 
vieri6'i3)(luc  de  Vitry, nnquilen  i58t,  fut  '  Aiidrë  Doria,  prince  de  MeKi.  Voir  le 

capitainedesgardcsdc  Louis XIH, devint  ma-  rëcit  absolument   conforme    de  Gc-issendi. 

réchnl  de  France  en  avril  1617,  gouverneur  liv.  IV,  p.  871. 


288  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631] 

de  Gènes  fort  souvent  et  ne  passant  jamais  par  là  avec  ses  galères  sans 
se  destourner  pour  en  aller  prendre ,  dont  l'essay  me  réussit  tant  à  sou- 
haict  que  dans  raoings  de  i5  jours,  j'en  ay  ressenty  de  bons  effects  et 
un  si  grand  bénéfice  et  soulagement,  que  de  longtemps  je  ne  m'estois 
trouvé  avec  tant  de  repos,  ne  en  estât  de  pouvoir  espérer  comme  je 
faicts  maintenant  d'avoir  moyen  de  renoiier  quelque  peu  de  commerce 
et  de  correspondance  avec  mes  bons  seigneurs  et  amys.  Ayant  voulu 
commancer  par  M"'  de  Thou,  et  par  Monsieur  du  Puy  vostre  frère  et 
vous,  Monsieur,  attendant  de  satisfaire  aux  aultres  peu  à  peu  avec 
l'ayde  de  Dieu,  et  de  ne  plus  demeurer  en  de  si  longs  arrairages  comme 
par  le  passé,  ne  par  consequant  dans  les  regrets  que  je  ressentois  de  ne 
me  pouvoir  acquitter  de  mes  debvoirs,  à  quoy  servira  de  beaucoup  le 
restablissement  des  ordinaires  de  ce  païs  à  Lyon  (qui  a  esté  résolu,  et 
ne  sçauroit  guières  tarder  d'estre  exécuté)  et  la  cessation  des  ombrages 
et  jalousies  que  le  commerce  des  lettres  de  la  cour  donnoit  à  quelques 
uns  qui  cherchoientdes  prétextes  de  nuyre  à  aultruy,  car  lors  certaine- 
ment, il  y  avoit  trop  de  danger  d'en  ressentir  du  desplaisir,  dans  quelque 
bonne  foy  que  ce  fust  qu'on  eust  peu  se  contenir,  et  bien  qu'ils  n'eus- 
sent peu  trouver  à  mordre  sur  la  qualité  des  advis,  parce  que  la  seulle 
correspondance  passoit  pour  un  grand  crime  auprez  de  ceux  qui  n'en 
vouloieut  poinct  qu'à  leur  mode. 

Venant  donc  à  voz  lettres,  bien  que  mon  frère  m'ayt  asseuré  de  vous 
avoir  faict  quelques  despesches  d'Aix  en  responce  d'icelles  (en  quoy 
certainement  il  avoit  fort  diminué  mes  regrets  de  n'y  avoir  peu  satis- 
faire en  son  temps),  je  ne  laisray  pas  de  vous  accuser  la  réception  des 
dernières  qui  sont  du  2 1  octobre,  i,  10  et  18  novembre  et  5  dé- 
cembre, oultrc  le  pacquet  dont  M'  Petit  s'estoit  chargé  011  il  n'y  avoit 
poinct  de  lettres  vostres,  mais  tout  plein  de  petits  livrets  curieux  aussy 
bien  qu'avec  touts  les  aultres,  et  quelques  lettres  de  divers  amys  dont  je 
vous  suis  bien  redevable  et  vous  remercie  trez  humblement,  ensemble 
des  livres  qu'il  vous  a  pieu  faire  mettre  dans  les  coffres  de  M""  le  Pre- 
mier Présidant  S  bien  marry  de  l'importunité  que  ce  luy  pourra  estre. 

'  Laisné  de  la  Marguerie. 


[1631]  AUX  FRÈRES  DLPUY.  289 

Nous  rattendroiis  en  bonne  dévotion  et  crains  bien  que  la  rigueur  de  la 
saison  ne  le  retarde  jusques  au  renouveau.  Si  cependant  il  se  presen- 
toit  quelque  commodité  de  nous  envoyer  un  aultre  exemplaire  tant  de 
ce  livre  de  Muys  •  contre  le  pauvre  P.  Morin  in  8°*  que  de  celuy  du  dict 
sieur  P.  Morin  in  U"  contre  lequel  agit  le  dict  Muys',  vous  me  fcre 
plaisir,  car  je  ne  lay  plus  et  seray  bien  aise  de  les  voir  ensemble.  Nous 
n'avons  pas  encor  eu  d'Italie  le  livre  du  Galilée,  et  j'entends  que  la  ville 
de  Florence  n'a  pas  encores  recouvré  la  liberté  du  commerce,  ce  qui 
nous  retardera  encores  plus  ce  contentement.  On  ne  m'a  envoyé  de 
Rome  que  le  livre  du  P.  Scheiner  in  6°  intitulé  Pantographice*  lequel 
je  vous  envoyé  à  Caultc  d'aultre  chose.  M'  Naudé  m'escript  d'en  avoir 
veu  faire  la  preuve  chez  le  Gampanella^.  J'eusse  bien  mieux  aymé  qu'ils 
m'eussent  envoyé  un  autre  livre  du  mesme  autheur  in  fol"  de  Macnlis 
in  sole*^,  mais  il  le  fauldra  attendre  avec  le  temps.  Le  cardinal  Barberiii 
m'a  envoyé  des  plantes  du  Rosier  de  la  Chine  dont  les  fleurs  changent, 
ce  dict-on,  de  couleur  troys  foys  par  jour,  estant  tout  rouges  le  matin, 
et  bien  incarnates  le  soir,  et  neantmoings  bien  blanches  sur  le  midy,  ce 
que  je  trouve  plus  estrange  que  si  ce  changement  se  faisoit  du  rouge 
brun  à  l'incarnat  et  de  l'incarnat  au  blanc;  il  en  lauldra  voir  la  preuve 


'  Siraéon  Marotte  de  Muis ,  savant  hëbraï- 
sant,  naquit  à  OrMansen  1587,  fut  chanoine 
et  archidiacre  de  Soissons ,  professeur  d'M- 
breu  au  Collège  royal  (161 4)  et  mourut  en 
16A/1. 

"  Assertio  veritatis  hebraicœ  adversus  Jo- 
Imnnis  Morini  excrcitiitioiies  in  utruinque  Sa- 
inaritanorum  Penlateuchum  (Paris,  i63i). 

'  ExerciUUionum  ccclesiasùcarum  libri  duo 
de  patnaichaïuin  cl  primatum  origine ,  primin 
orbis  terrarum  ecclesiasticis  divisionibus  alque 
anliijua  et  primigcnia  censurarum  in  clericos 
uatura  et  praxi  (Paris,  iGaG,  in-4°). 

'  Christopbori  Scheiner  e  societate  Jesu  Ger- 

mano-Suevi ,  Pantographice ,  seuarsdelineandi 

res  qmislibel,  etc.  [  Voir  le  reste  du  titre  dans 

la  Rililioilièque  des  écrivains  de  la  compagnie  de 

II. 


Jêswi,  t.  III ,  col.  6o^i.]  (Rome ,  1 63 1 ,  in-4*.) 
'  Nous  n'avons  pas  la  lettre  ici  mentionnëe. 
La  première  des  letli-es  de  Natidt!  k  Peiresc 
recueillies  dans  le  fascicule  XHI  de  la  col- 
lection des  Correspondants  de  ce  dernier 
est  du  1"  février  i6."î'i. 

'  Peiresc  abrège  ici  en  deux  mots  le  titre 
démesurément  long  que  voici  :  Rota  urtina 
sive  sol  ex  admirando  facularum  et  macularum 
suantm  phœnomeno  varius,  necnou  circa  cen- 
truw  suum  et  axetn  Jixum  ab  oeeatu  in  ortum 
annua,  circaque  alium  axem  mobilein  ab  ortu 
in  occasum  conversione  quasi  menstrua ,  super 
jtolos  proprios ,  libris  quatuor  mobUis  otteiuttt 
a  ChHsiophoro  Scheiner  Germano-Sueeo ,  e 
societate  Jesu  ,elc.  CRracciano ,  i63o.  in-fol.); 
l'impression  avait  été  commencée  en  1696. 

37 


I 


290 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1631] 


en  son  temps,  et  un  laurier  Américain,  avec  ung  libvre  des  espreuves 
en  taille  doulce  et  figures  chrestiennes  des  cemetieres  soubsterrains  re- 
cueillis par  feu  Bozius  \  qui  est  fort  curieux  et  dont  il  dict  n'avoir  esté 
imprimé  que  dix  coppies,  attendant  que  l'ouvrage  entier  puisse  estre  mis 
en  lumière.  Je  luy  avois  envoyé  une  fort  belle  plante  du  Jassemin  jaulne 
des  Indes,  et  quelques  livres  et  desseins  de  son  goust.  11  m'cscript  que 
le  Jassemin  jaulne  est  arrivé  tout  à  temps  pour  estre  portraict  en  taille 
doulce  dans  un  libvre  latin  que  faict  un  P.  Jesuitte'^  de  la  culture  des 
plus  rares  plantes,  qui  est  soubs  la  presse,  et  bien  advancé'.  Au  reste  je 
ne  seray  pas  marry  que  M"'  Grottius  trouve  son  contentement  en  Hol- 
lande, mais  je  seray  bien  fasché  que  nous  le  perdions,  et  encores  plus 
de  M''  Saulmaise,  vous  asseurant  que  vous  m'avez  faict  un  singulier 
plaisir  de  luy  avoir  baillé  cez  eclogues  m[anu]s[crite]s  et  eusse  esté  bien 
fasché  que  me  les  eussiez  renvoyées.  Car  je  faisois  estât  de  vous  renvoyer 
les  cayers  que  M'  Grottius  en  avoit  tirez,  pour,  si  vous  et  luy  ne  le  trou- 
viez pas  mauvais,  les  faire  donner  au  public.  Le  retardement  du  retour 
de  M"^  de  la  Poterie  différé  de  moys  à  aultre  est  cause  de  cet  inconveniant 
comme  de  beaucoup  d'aultres  et  mesmes  de  ce  que  mes  Pentateuques 
ne  sont  à  Paris,  et  un  pacquet  vostre  lequel  je  regrette  grandement, 
que  M'  vostre  frère  m'avoit  adressé  de  Rome  longtemps  y  a,  estant 
fasché  que  les  livres  de  l'Atheismus  triumphatus  du  Campanella*  que 
vous  eussiez  eu  receus  se  soit  si  misérablement  envieilly  en  ce  païs. 
La  contagion  ou  recheutte  de  Lyon,  et  l'interruption  du  commerce  des 


'  Voir  sur  Antonio  Bosio ,  mort  en  1 69  g , 
et  sur  sa  Roma  soUerranea,  qui  parut  en  1 6  3  2 , 
in-fol. ,  complétée  par  le  P.  Severani,  ime 
lettre  de  Gabriel  Naudé  à  Peiresc,  du  1"  fé- 
vrier 1682,  dans  le  fascicule  XIII  des  Cor- 
respondants de  Peiresc  (p.  12). 

^  Jean-Baptiste  Ferrari,  né  à  Sienne, 
entra  dans  la  compagnie  de  Jésus  en  1609  , 
occupa  pendant  vingt-huit  ans  la  chaire 
d'hébreu  au  Collège  Romain ,  et  mourut  à 
Sienne  en  i65o. 

^  De   Florum  cultura   libri    IV   (Rome, 


1 633 ,  in-i"  ).  Une  nouvelle  édition  fut  donnée 
par  Bern  Rotlendorf  sous  ce  titre  :  Joh.  Bap- 
tistœ  Ferrarii  Senensis ,  S.-J. ,  Flora ,  seu  de 
florum  cultura  ftiri /F  (Amsterdam,  1 664, 
in-i-y 

'  Th.  Campancllœ  atheismus  triumphatua 
(Rome,  i63i,  in-fol.).  Sur  ce  livre,  comme 
sur  toutes  les  circonstances  de  la  vie  littéraire 
et  politique  de  l'éloquent  dominicain ,  voir  le 
grand  ouvrage  de  M.  Luigi  Amabile  :  Fra 
Totnaso  Campanella,  etc.  (Naples,  1882- 
1887,  6  vol.  in-S"). 


[1631]  AUX  FRÈKES  DUPUY.  291 

marchandises  de  ce  costé  là  s' estant  de  rechef  interrompu,  ce  qui  m'em- 
peschoit  de  hazarder  ma  cassette  par  auttre  voye,  et  puys  l'espérance 
que  j'avois  eiie  du  voyage  de  mon  neveu  m'a  tenu  le  bec  en  l'eau  ' 
jusques  à  ce  qu'il  a  esté  constraint  de  le  différer  jusques  aprez  la  ré- 
ception. Ce  qui  m'avoit  faict  resouldre  en  mesme  temps  de  faire  partir 
M'  le  Prieur  de  Roumoules  qui  l'avoit  attendu  plus  de  deux  moys,  et  de 
malheur,  comme  il  estoit  prest  à  monter  à  cheval,  il  tomba  malade 
d'une  maladie  qui  avoit  faict  grande  peur  aux  médecins,  et  qui  s'est  ré- 
solue enfin  en  une  apostume  interne  qui  s'est  inesperement  crevée, 
reprenant  ses  forces  peu  à  peu  pour  partir  au  premier  beau  temps  avec 
l'ayde  de  Dieu.  Cependant  si  je  trouvois  de  commodité  de  bonne  malle 
pour  vous  envoyer  vostre  petit  fagot,  je  l'employerois  volontiers  pour 
ne  vous  tant  laisser  languir.  Et  si  le  porteur  de  la  présente  despesche 
s'en  vouloit  charger,  je  l'en  feray  semondre  avec  grande  instance  pour 
me  descharger  d'un  depost  qui  a  tant  perdu  de  temps  en  ce  pais.  Sinon, 
il  ne  le  fauldra  pas  oster  de  la  place  qu'il  tient  dans  ma  cassette  si  long- 
temps y  a  avec  cez  vieux  Pentateuques  et  aultres  m[anu]s[crit]s  orien- 
taulx  d'oii  j'en  attendoys  une  coupple  dont  on  m'a  faict  grande  feste,et 
crains  bien  qu'on  ne  les  eust  chargez  sur  le  navire  S'  Jean  qui  s'est 
eschoiié  versTrapano^  mais  qui  a  esté  relevé  et  n'y  a  que  lamouilleure 
de  la  mer  eu  toutes  les  marchandises,  auquel  cas  mes  pauvres  livres 
seront  possible  en  aussy  mauvais  estât  que  les  m[anu]s[crit]s  cophtes 
de  Monsieur  de  Thou.  Il  me  tarde  bien  d'en  estre  esclaircy,  et  voul- 
droys  que  ce  fusse  la  Bible  Arabique  où  estoit  l'Apocalypse  que  Ton  me 
faisoit  attendre  bien  impatiemment  pour  pouvoir  rendre  ce  bon  office 
à  M"  le  Jay.  Que  s'ils  estoient  arrivez  à  temps  avant  le  partement  du 
sieur  Prieur  de  Roumoules,  je  les  joindray  à  la  cassette,  et  vouldrois 
bien  estre  en  peine  d'en  faire  faire  une  plus  grande  pour  envoyer  chose 
qui  fusse  bien  duysable  à  cez  Messieurs,  lesquels  vous  pouvez  asseurer 
que  le  dict  sieur  Prieur  de  Roumoules  se  mettra  en  chemin  si  tost  que 
le  temps  et  la  foiblesse  oii  il  est  encores  le  pourra  permettre,  me  tardant 

'  Sous  celte  expression  figurée.  Litlrë  cite  seulement  un  vers  de  la  satire  vi  de  Régnier. 
—  '  Ville  de  Sicile,  ù  80  kilomèti-es  de  Païenne. 

37- 


292  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631] 

qu'ii  soit  là  pour  pourvoir  à  toutes  cez  petites  affaires  et  chicanes  dont 
on  nous  rompt  la  teste,  et  donner  satisfaction  à  un  cliascun.  Il  faict 
estât  de  proflitter  les  beaux  jours  de  janvier  que  nous  avons  accoustumé 
d'avoir  quasi  annuellement,  et  les  pluyes  que  nous  avons  quasi  inces- 
samment depuys  tout  ce  moys  de  décembre  luy  font  espérer  tant  plus 
tost  le  retour  de  la  sérénité.  Il  me  tarde  encores  plus  qu'à  luy  de  le  voir 
en  chemin  et  que  touts  cez  Messieurs  ayent  veu  s'ils  pourroient  rien  tirer 
qui  vaille  de  mes  pauvres  libvres,  bien  fasché  de  tant  de  retardements 
impreveus. 

J'ay  principalement  du  regret  pour  le  R.  P.  Morin  qu'il  ayt  ainsin 
précipité  l'édition  de  son  Pentaleuque,  et  craignois  bien  (ce  que  vous 
me  mandez  estre  adveneu)  que  cette  précipitation  n'extorquast  de  luy 
des  choses  qu'il  auroit  retenues  ou  modifiées,  s'il  se  fusse  donné  un 
peu  plus  de  patiance.  Car  (entre  vous  et  moy)  un  homme  fort  sçavant 
en  cez  origines  trouvoit  fort  à  redire  à  aulcunes  de  ses  assertions  à  mon 
Irez  grand  regret,  ce  que  j'eusse  voulu  rachepter  s'il  m'eust  esté  pos- 
sible, et  s'il  n'eust  laissé  pubher  si  tost  ses  exercitations,  j'avois  disposé 
l'homme  à  luy  en  faire  donner  soubs  main  les  advertissements  et  mo- 
tifs, mais  cela  le  rebutta,  et  depuis  je  ne  l'ay  peu  ramener  à  cet  office. 

Nous  n'avons  poinct  veu  ce  manifeste  dont  on  parle  dans  les  res- 
ponces  à  Cleonville(?)'  et  aultres,  et  pense  qu'il  n'en  soit  venu  dans  le 
païs  qu'un  exemplaire  à  Ms'  le  MareschaP  qui  m'avoit  dict  qu'il  me  le 
monstreroit,  mais  je  n'avois  garde  de  l'en  faire  souvenir.  Nous  atten- 
drons en  bonne  dévotion  le  Prince  de  Balsac  *,  et  ce  Ministre  d'estat  de 
Sillon  ^ 

Mais  si  l'on  a  apporté  de  la  foyre  la  seconde  édition  in  fol"  du  Chro- 
nicon  Alexandrinum,  je  l'aymerois  beaucoup  mieux  pour  mes  curiositez 

'  Mol  surchargé.  iisage  de  la  politique  moderne.  Par  le  sieur 

Le  maréchal  de  Vilry,  le  nouveau  gou-  de  Silhon.  (Paris,  Toussaint  du  Bray,  i63i, 

verneur  de  Provence.  in-4°.  )  C'est  la  première  partie  de  l'ouvrage. 

'  Le  Prince  parut  à  la  fin  de  l'année  i  63 1  La  seconde  parut  en  1 643 ,  et  la  troisième  en 

à  Paris,  chez  Touss.  du  Bray,  Pierre  Ro-  i66i.  La  première  partie  fut  réimprimée 

colel  et  Cl.  Sonius,  in-/i°.  par  lesElzevier  en  i639,en  i6'ii,en  i648. 

'  Le  Ministre  d' Estai,  avec  le  véritable 


[1631]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  293 

prédominantes  et  vouldrois  bien  apprendre  si  la  dernière  édition  de  la 
Notilia  ou  Gallia  Christiana  du  sieur  Robert  est  si  notablement  aug- 
mentée comme  l'on  m'a  voulu  dire  ',  car  je  ne  plaindrois  pas  de  la  faire 
venir. 

J'eus  dernièrement  une  heureuse  rencontre  de  livres  venus  d'Italie, 
où  je  trouvay  un  exemplaire  du  Nobiliario  d'Hespagne,  et  quelques 
aultres  livres  que  je  n'avois  pas  encores  veus,  bien  que  plusieurs  lus- 
sent desja  bien  envieillis,  entr'aultres  deux  petits  in-/»",  l'un  Francisci 
Alvarez  Riberae^  de  Successione  Regni  Porlugalliae  pro  Philippo  11  res- 
ponsum  cum  additionibus  Garoli  Tapiae ,  Matriti  1621  ;  et  l'aultre  du 
mesme  autlieur  et  édition  de  la  précédante  année,  pro  Infanta  Elisabeth 
<le  Successione  Ducatus  Brilanniœ.  Je  croys  bien  que  vous  aurez  l'un  et 
l'aultre,  mais  si  par  hazard  ils  vous  estoient  eschappez,  je  les  vous 
pourray  facilement  envoyer,  car  ils  ne  sont  pas  trop  gros  pour  un  pac- 
quet  par  la  poste. 

Je  ne  sçay  si  je  ne  vous  ay  poinct  mandé  que  j'eus  la  curiosité  de 
voir  cet  éléphant  que  vous  avez  veu  là  quelques  années  y  a,  lequel 
on  ramenoit  d'Italie.  11  vint  passer  par  icy  où  il  fut  troys  jours'  durant 
lesquels  je  le  consideray  bien  à  mon  aise,  et  avec  grand  plaisir,  ne 
l'ayant  pas  laissé  eschapper  de  mes  mains  ou  despaïser  que  je  ne  l'aye 
faict  peser,  contre  quelques  six  vingt  boullets  de  canon.  Il  me  cognois- 
soit  desja  quasi  comme  son  gouverneur*,  et  je  me  laissay  porter  jusques 
à  ce  pohict  de  curiosité  ou  (pour  mieux  dire)  de  follie,  que  de  luy 


'  Sur  Claudfi  Robert,  voir  l.  I,  p.  aaa. 
Le  volume  in -fol.  de  1696  ne  put  être 
amélioré  par  l'auteur  irpropler  morbo- 
sam  sciiectiiteiii'^,  comme  nous  l'apprend 
la  préface  de  ses  successeurs  (p.  m).  Ce 
fut  l'arcliidiacro  de  Chnlon-sur-SaAiie  lui- 
même  qui  pressa  souvent  par  ses  lettres  les 
frères  jumeaux  Scévole  et  Louis  de  Sainte- 
Marthe  de  compléter  et  de  refondre  son 
essai. 

'  François-Alvarez  de  Ribera,  né  à  Mel- 


tellino,  fut  président  de  la  chambre  royale  à 
Naples , chanoine  à  Salamanque  (1 689), etc. 

'  Voir,  sur  le  séjour  h  Belgentier  de  cet 
éléphant,  Gassendi,  liv.  IV,  p.  365.  l>e  bio- 
graphe rap|)elle  que  Peiresc  s'était  dtjji  oc- 
cupé de  cet  animal  dans  sa  correspondance 
avec  les  frères  Dopuy,  quatre  années  aupa- 
ravant. 

*  Prœeunle  aiiimali.i  gribernatore,  dit 
(p.  365)  Gassendi,  qui  multiplie  les  détails 
(p.  366  et  367)  sur  l'éléphant. 


294  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631] 

mettre  ma  main  dans  la  bouche  et  de  luy  nianyer  et  empoigner  une  de 
ses  dents  maxillaires,  pour  en  mieux  recognoistre  la  forme,  et  ne  les 
ayant  pas  assez  bien  peu  voir  sans  les  toucher,  à  cause  qu'en  ouvrant 
la  gueulle  il  les  entrecouvroit  avec  sa  langue.  Or  ce  fut  pour  vérifier, 
comme  je  fis,  qu'elles  estoient  entièrement  semblables  de  figure,  bien 
que  de  moindre  grandeur,  avec  la  dent  du  prétendu  géant  de  la  coste 
de  Thunis  ou  d'Utica,  et  par  consequant  qu'il  ne  falloit  pas  trouver 
estrange  ce  qu'on  avoit  escript  au  premier  advis  que  les  os  ou  la  car- 
casse de  ce  prétendu  géant  avoit  dix  canes  de  long,  et  que  le  crâne  de 
la  teste  sembloit  un  tonneau,  puis  qu'il  s'est  tant  veu  d'elephans  dans 
l'antiquité  auxquels  on  donne  une  longueur  fort  approchante  de  cette 
mesure.  Et  le  grand  voisinage  de  l'ancienne  Carthage  doibt  faire  trouver 
moins  estrange  qu'on  eust  ensevely  un  éléphant  dont  est  question,  et 
qu'on  luy  eusse  mesme  basty  une  espèce  de  tombeau,  puis  qu'on  y  en 
hourrissoit  un  si  grand  nombre,  et  qu'on  y  faisoit  si  grand  cas  d'aul- 
cuns  d'iceulx  qui  estoient  plus  sages  ou  plus  adroicts  que  les  aultres. 
J'en  attendois  une  plus  particulière  relation ,  mais  la  tartane  qui  la  por- 
toit  donna  dans  le  sable  en  Sicile  le  mesme  jour  que  le  navire  de  S' Jean , 
et  je  ne  sçay  si  les  papiers  seront  saulvez;  cependant,  par  ce  que  j'ay 
veu  dans  voz  lettres  que  vous  en  estiez  encores  en  attente ,  je  n'ay  pas 
voulu  diflerer  davantage  de  vous  donner  cet  advis,  et  mesme  de  vous 
envoyer  le  portraict  de  la  dent  venue  d'Afrique,  tandis  que  nous  atten- 
drons l'arrivée  de  cette  relation,  ou  qu'on  en  ayt  renvoyé  une  seconde 
coppie  au  cas  que  la  première  ne  se  soit  peu  saulver.  Ce  qui  me  faict 
revocquer  en  doubte,  que  plusieurs  ossements  d'elephans  qui  se  trou- 
vent enterrez  en  divers  lieux  ne  passent  souvent  pour  ossements  de 
géants. 

Au  surplus  j'ay  escript  à  M'  l'Archevesque  de  Thoulouse,  et  vous 
supplie  d§  luy  faire  tenir  sa  lettre,  et  s'il  est  encor  à  Paris,  en  faire  s'il 
vous  plaict  demander  la  responce  à  sa  commodité.  Je  pensois  pouvoir 
respondre  encores  au  R.  P.  Sirmond,  mais  le  temps  m'a  n)anqué  pour 
cette  foys,  à  mon  grand  regret.  Ce  sera  pour  la  première  occasion  que 
je  m'en  acquitteray  Dieu  aydant  envers  luy  et  envers  M'  Rigault;  ce- 


[1632]  AUX  FRERES  DUPUY.  295 

perulanl,  si  vous  le  voyez,  je  vous  supplie  de  leur  en  faire  mes  excuses 
et  (le  me  tenir  tousjonrs,  et,  s'il  vous  plaict  eiicores,  Monsieur  du  Fuy 
vostre  Irere, 
Monsieur,  pour 

voslre  trez  humble  et  trcz  obéissant  serviteur, 
DE  Peibesc. 
A  Boysffency,  ce  aO  (lecetiitre  i63i. 

Vous  aurez  une  coupple  d'exemplaires  de  l'entrée  de  M^  le  Ma- 
reschal  à  Aix',  pour  en  envoyer  un  à  M''  de  Lomenie,  s'il  vous 
plaict  'K 


LV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 
Monsieur, 
J'ay  eu  bon  besoing  que  vous  ayez  eu  aultant  de  bonne  volonté  de 
me  pardonner,  comme  il  y  avoit  en  moy  d'impuissance  de  corresp«ndre 
à  mes  debvoirs  en  vostre  endroict,  pendant  une  fiebvre  continue  de 
quarante  deux  jours,  suyvie  d'une  quotidienne  de  quinze  ou  vingts  jours 
et  d'une  infinité  d'aultres  incommoditez  que  trainent  et  laissent  ordi- 
nairement de  telles  hostesses  que  celle  là,  principalement  quand  elles 
sont  accompagnées  des  accidents  que  j'ay  euz  de  gangraine  aux  hemor- 
roides  et  d'une  inflammation  si  grande  à  un  bras,  que  les  médecins 
croyoient  qu'il  le  fallusl  ouvrir,  avec  une  enflure  de  tout  le  milieu  du 

'  On  cniiiinit  deux  relations  île  celle  en-  Arcs  de  Triomphe  dresses  par  elle,  à  l'hon- 

Ivée:  La  garde  du  lijs,  h  l'entrée  du  maréchal  ncur  du  Mareschal  de  Vilry  reçu  en  qualité 

de  Vitry  datu  la  ville  d'Ai.T,  avec  l'expliea-  de  Gouverneur  de  Provence,  et  déchiffré  par 

lion  des  cmhlhmes  cl  des  écrilcau.r  apposés  au.r  l'e-rplication  des  Emblèmes,  Devises  et  ChiJ- 

Arcs  de    Triomphe,  par  G.  M.  [Gnillaumc  fres  y  apposés,   par  J.  F.  [Jean  Ferrand, 

Masset,  jt^suite],  Aix,  Roize,  i63i,  in-4*.  jésuite].  Aix,  David,  t639,  in-4*. 

—  Le  bonheur  de  la  ville  d' Aix  représenté  aux  '  Vol.  717,  fol.  i  ai. 


296  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

corps  depuis  le  dessus  du  petit  ventre,  jusques  à  demy  cuisse  ^  de  quoy 
je  ne  me  suis  peu  tirer  que  par  une  grâce  bien  speciaHe  de  Dieu,  qui 
m'a  voulu  laisser  encores  quelque  espérance  de  vous  servir,  à  laquelle 
je  vouldrois  bien  qu'il  luy  plaise  adjouster  des  moyens  de  m'en  acquitter 
selon  mes  souhaits  et  mon  debvoir,  ne  pouvant  vous  représenter  com- 
bien je  me  sens  vostre  oblige  de  la  compassion  que  vous  avez  eiie  de 
mon  mal ,  et  de  la  favorable  correspondance  que  vous  m'avez  tousjours 
continuée  en  la  personne  de  mon  frère,  dont  le  souvenir  me  sera  tous- 
jours  devant  les  yeux. 

Je  receus  pendant  ma  maladie  quelques  lettres  dont  s'estoit  chargé 
Monsieur  Gaffarel,  entre  lesquelles  il  y  en  avoit  des  vostres  et  de  celles 
de  M""  Gassendi,  et  des  sieurs  DuvaP  et  Ozier'.  Je  n'y  en  trouvay  pas 
de  Monsieur  Deodati  ne  de  Monsieur  de  la  Motte*,  comme  vous  me 
mandiez  qu'il  y  en  debvoit  avoir.  Il  est  vray  que  je  n'euz  pas  le  bien 
de  voir  le  dict  sieur  Gaffarel  qui  estoit  demeuré  à  Aix  malade,  et  quand 
je  le  pensay  envoyer  visiter  là,  il  se  trouva  qu'il  estoit  party  assez  pré- 
cipitamment, sans  que  j'aye  esté  bien  asseuré  depuis  s'il  a  continué  son 
voyage  d'Italie,  ou  s'il  s'en  est  retourné  à  Paris  comme  aulcuns  m'ont 
voulu  dire,  sur  ce  qu'un  gentilhomme  de  sa  compagnie  s'estoit  jette 
dans  l'Oratoire. 

Vous  nous  avez  faict  si  bonne  part  des  nouvelles  du  monde ,  et  des  plus 
curieuses  pièces  du  temps,  que  ce  n'a  pas  esté  un  petit  allégement  à 
mon  mal,  dont  les  inquiétudes  ont  bien  souvent  trouvé  grands  secours 
à  un  si  agréable  entretien  ;  aussy  mon  obligation  en  est  tant  plus  grande, 
que  l'effect  et  le  bénéfice  que  j'en  ay  tiré  m'ont  esté  sensibles,  et  que 
moins  nous  le  pouvions  avoir  mérité,  mon  frère  non  plus  que  moy, 
n'ayant  rien  à  vous  pouvoir  communiquer  en  revanche  qui  fusse  digne 

'  Voir  la  même  description  dans   Gas-  i'Inguimbertine,    registre    VL    fol.    45o) 

sendi,  p.  871  et  872.  une  lettre  écrite  de  Belgentier  en  septembre 

^  Sur  Guillaume  Duval,  professeur   au  1689. 
Collège    royal   à    Paris,  voir  le   tome  I,  ^  Sur  Pierre  d'Hozier,  voir  t.  I,  p.  661, 

p.   661.  C'est  à   ce   personnage  (M.   du  goi. 
Val,  à  Paris)  qu'est  adressée  (Minutes  de  *  La  Mothe-le-Vayer. 


[1632]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  297 

de  vous,  ne  qui  peust  entrer  en  comparaison  de  ce  qui  nous  venoit 
journellement  de  vostre  main.  Mais  vous  avez  voulu  faire  aultant  de 
fonds  de  ce  peu  que  nostre  bonne  volonté  et  la  stérilité  du  païs  pouvoient 
fournir,  comme  si  c'eussent  esté  de  meilleurs  et  plus  dignes  efFects  de 
noz  debvoirs,  dont  je  vous  remercie  trez  humblement  et  vous  supplie 
trez  instamment  de  vouloir  encores  vous  contenter  à  l'advenir,  jusques 
à  ce  que  nous  puissions  mieux  faire  ce  que  nous  souhaitterions.  Quentin 
m'escript  que  la  besongne  luy  manque;  s'il  y  a  moyen  de  l'employer, 
ce  sera  double  charité,  tant  en  son  endroict  pour  l'advantage  qui  luy 
en  peut  revenir,  comme  au  nostre,  pour  les  rares  curiositez  que  vous 
avez  moyen  de  nous  communiquer,  soit  de  chez  vous,  ou  de  la  biblio- 
thèque du  Roy.  En  un  besoing  Monsieur  du  Chesne  trouveroit  bien 
tousjours  quelque  pièce  à  me  faire  transcripre,  de  celles  qui  peuvent 
concerner  les  choses  de  cez  contrées  de  pardeça. 

Il  s'est  desterré  durant  ma  maladie,  en  cette  province,  sur  la  coste 
de  la  mer,  un  monument  célèbre  de  l'Antiquité,  qui  me  fut  in- 
continant  apporté  en  ce  lieu,  lequel  je  m'asseure  que  Monsieur  Saul- 
maise  eust  esté  bien  ayse  de  veoir.  Ce  sont  deux  couppes  ou 
gobeletz  d'argent  qui  s'eniboittent  l'ung  dans  l'aultre  pour  vraysem- 
blablement  les  tenir  tous  deux  ensemble  en  beuvant,  de  la  façon  que 
le  dict  sieur  appelle,  si  je  ne  me  trompe,  crvvSvoK  Ils  sont  enrichiz, 
aux  lèvres  supérieures  (mais  seulement  par  dedans  et  non  par  de- 
hors), de  petits  filaments  ou  moulures  et  d'une  petite  enceinte  dorée, 
dont  la  veiie  faict  bien  plus  facilement  comprendre  ce  que  les  anciens 
poètes  ont  voulu  dire  quand  ils  ont  escript,  magnos  crateras  slatuunt, 
et  vina  coronant,  que  tous  les  scholiastes  et  interprètes  ne  le  sçau- 
roient  esclaircir. 

Ce  sont  de  cez  godets  que  les  anciens  appeloient  litterata  pocula,  ou 
bien  ypafxfiaxjxàxffOTj'/pja,  se  lisants  treize  lettres  grecques  en  celuy  qui 
est  extérieur,  lesquelles  semblent  composer  un  non»  propre,  bien  que 


'  Voir  le  récit  de  la  découverte ,  la  description  des  coupes  et  l'analyse  des  recherches  de 
Peiresc  à  ce  sujet,  dans  Gassendi,  p.  378^376. 

11.  38 

Mttivcait  1AT101AU. 


3f8  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

aulcunement  barbarizé^  et  qui  tient  possible  un  peu  du  Gaulois,  aussy 
bien  que  du  Grec.  Lequel  nombre  de  lettres  se  rapporte  à  la  juste  me- 
sure de  treize  cyathes  ^  que  peut  contenir  celluy  des  dicts  godets  qui  est 
intérieur  et  si  petit  qu'il  s'emboitte  dans  l'aultre,  dont  la  contenance  est 
plus  grande  au  double  (si  on  le  remplit  jusques  au  dernier  bord),  à 
sçavoir  de  vingt  six  cyathes,  mais  si  on  y  veut  laisser  le  vin  couronné, 
ou  bien  ne  le  laisser  monter  que  jusques  à  la  couronne  exclusivement, 
et  laisser  paroistre  dehors  du  breuvage  les  petits  filaments  qui  le  bor- 
dent et  l'enrichissent  par  le  dedans,  il  ne  contient  pas  davantage  du 
demy  congius  (stc)^  qui  est  de  vingt  quatre  cyathes,  de  façon  que  le 
nombre  des  treize  lettres  ne  se  pouvant  rapporter  à  la  mesure  du  godet 
sur  lequel  elles  sont  gravées,  par  le  dehors  qui  estoit  le  plus  exposé  à  la 
veue,  au  contraire  se  rapportants  à  la  juste  mesure  et  contenance  de 
l'aultre  moindre  godet  qui  s'emboitte  dans  celluy  là,  je  me  suis  ima- 
giné, soubs  le  bon  plaisir  de  Monsieur  Saulmaise,  que  ce  pouvoient 
estre  de  cez  doubles  godets  dans  lesquelz  assemblez  avoient  droict  de 
boire,  privativement*  aux  aultres,  ceux  qui  s'estoient  renduz  signalez 
à  la  guerre  par  leurs  prouesses  pardessus  les  aultres,  n'ayant  jamais 
peu  comprendre  qu'il  soit  facile  ne  possible  de  boire  en  un  mesme 
temps  dans  deux  verres  assemblez,  principalement  s'ils  ont  leur  orifice 
de  forme  ronde  et  pour  peu  qu'ils  ayent  de  grandeur  ou  capacité, 
laquelle  ne  pouvoit  pas  estre  petite  ne  d'aultre  figure  que  ronde, 
en  ces  couppes  dont  parle  Hérodote^,  dans  l'observation  de  Monsieur 


'  Liltré  s'est  contenté  de  dire:  «Barba- 
riter,  néologisme,  parler  d'une  façon  bar- 
bare.» Il  n"a  cité  sous  ce  mot  aucun  écrivain. 
Dans  le  Dictionnaire  de  Trévoux  on  avait 
constaté  que  le  mot  n'est  point  usité. 

'  Voir  dans  le  Dictionnaire  des  antiquités 
grecques  et  romaineg  (fascicule  xi.  Hachette, 
1887,  p.  1675-1677)  l'article  Cyatkwt ,  par 
M.  Edm.  Pottier. 

'  Voir  dans  le  même  Dictionnaire  (fasci- 
cule X,  1886,  p.  \kkk-\Uhï>)  l'article  Con- 
gius, par  le  même  archéologue. 


'  Littré  n'a  cité  sous  ce  mot  qu'un  écri- 
vain du  xvi'  siècle,  Loysel,  et  qu'un  écri- 
vain du  \vm',  Montesquieu.  Le  xvn*  siècle 
sera  désormais  représenté  dans  la  série  des 
exemples  par  Peiresc. 

*  Livre  IV,  chap.  lxv.  Le  grand  histo- 
rien parle  ainsi  des  Scythes  (traduction 
A.-F.  Miot,  t.  il,  p.  44):  ffQaant  à  la  partie 
osseuse  de  la  tête ,  non  pas  de  tous  ceux  qu'ils 
ont  tués ,  mais  seulement  de  leurs  plus  grands 
ennemis,  ils  la  préparent  ainsi.  Ils  la  scient 
d'abord  au-dessous  des  sourcils,  et  nettoient 


[1632]  AUX  FKÈRES  DUPUY.  299 

Saulmaise,  lesquelles  estoieiil  coinposeez  des  crânes  de  la  teste  des  en- 
iiomys  tuez.  Or  iioz  Gaulois  iinitoieiil  en  cela  ceux  dont  parle  le  dicl 
Hérodote,  puis  qu'ils  avoient  soiiig  de  conserver  les  testes  des  ennemys 
tuez,  ou  de  les  faire  enchâsser  en  or  ou  argent  pour  leur  servir  de 
couj)])es  à  boire  comme  faisoient  les  aultres.  Ce  qui  présuppose  qu'ils 
pouvoient  bien  avoir  encores  la  mesme  coustume  d'en  assembler  deux  à 
la  fois  quand  ils  en  avoient  acquis  ce  privilège,  c'est  à  dire  de  les  mettre 
l'une  dans  l'autre,  quand  ils  y  vouloient  boire,  pour  ne  se  charger  de 
double  quantité  de  breuvage,  de  sorte  qu'il  ne  seroit  pas  inconvcniant 
qu'il  se  lusse  introduict  quelque  chose  de  semblable  ou  d'approchant  à 
cette  coustume  en  l'usage  des  couppes  d'argent,  aussy  bien  que  de  celles 
qui  estoient  composées  actuellement  de  crânes  et  de  testes  humaines. 

Et  je  ne  sçay  s'il  ne  se  pourroit  point  soustenir  à  bon  droict  que  ces 
couj)pes  icy,  qui  s'emboiltent  l'une  dans  l'aultre,  fussent  de  ceste  sorte 
qu'Homère  appelle  <piâXrf  àfx<p/06TOs,  pour  estre  l'une  environnée,  em- 
brassée ou  mise  à  l'entour  de  l'aultre.  Ce  qui  semble  plus  sortable  à 
l'etymologie  que  toutes  les  interprétations  des  autheurs  modernes,  et 
que  celles  mesmes  que  rapporte  l'Athénée ,  pour  faire  entendre  un  vaie 
à  deux  ances,  ou  qui  se  tournoit  à  double  sens. 

Au  reste,  ce  qu'il  y  a  d'estrange  en  la  manière  de  ces  couppes  icy,  est 
que  par  le  dehors  elles  sont  toutes  lizes  et  unyes,  sans  comparaison 
comme  le  crâne  de  la  teste  d'un  homme,  n'y  paraissant  aultre  ouvrage 
que  l'escripture  du  nom  [déchirure]  OTENIKOIMEAOT  marquée  par 
des  seuls  poinctz  et  non  par  des  rayes.  Ce  qui  ayda  à  me  faire  songer  à  la 
mesure  de  la  contenance  d'icelles,  d'aultant  que  les  plus  anciens  poids 
qui  se  trouvent  ont  leurs  marques  ou  inscriptions  formées  par  des  sim- 
ples poinctz.  Et  me  souvenant  de  ce  que  Martial  et  aultres  poètes  ont 
escript  des  godetz  oh  estoient  inscripts  les  noms  de  CAESAR,  de 
CAIUS,  de  IULIUS ,  de  PROCULUS,  et  aultres  où  le  nombre  des  lettres 


ensuite  avec  soin  la  cavité  du  cràue.  Si  le  pos- 
sesseur est  pauvre,  il  se  conteate  d'étendre  eu 
dehors  du  ce  crAne  uue  peuu  de  bœuf  et  s'en 
sert  couiiiie  d'uue  coupe.  Si  au  contraire  il 


est  riche,  après  avoir  garni  de  mèiue  le  crAne 
extérieureuieat  en  peau  de  bœuf,  il  le  dore 
en  dedans,  et  en  fait  usage  ^elcnteut  pour 
boire. . .  « 

38. 


300  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632J 

estoit  indice  du  nombre  et  de  la  mesure  des  cyathes  de  la  contenance 
d'iceux  comme  NAEVIA , 

NAEVIA  sex  Gyathis,  septem  IVSTINA  bibatur, 

je  songeay  que  les  treize  lettres  du  nom  OTENIKOIMEAOT  pou- 
voient  marquer  la  inezure  de  treize  cyathes,  ce  qui  me  réussit  grande- 
ment juste,  par  l'examen  et  comparaison  tant  d'un  Congius  Romain  que 
j'ay  tiré  sur  l'antique  du  cardinal  Farnese,  et  de  plusieurs  vases  anti- 
ques, que  j'ay  aussy,  du  Sextarius,  de  l'Hemina  ou  Cotyle,  et  du  Cya- 
thus,  que  d'une  pille  antique  que  m'apporta  feu  Monsieur  Aleandro 
lors  du  passage  du  légat,  oi!i  sont  assemblez  tous  les  poids  antiques 
formez  comme  des  petits  vases  ou  escuellons  qui  s'emboittent  l'un  dans 
l'aultre,  et  qui  donnent  non  seulement  les  vrays  poidz  depuis  le  Du- 
pondium  jusques  à  l'once  (marquez  des  vrayes  marques  ou  notes  an- 
tiques des  poidz  Romains  1 1 . 1 .  S .  |  ^  •  ','  • ,  ,•,•),  mais  aussy  les  justes 
mesures  de  l'eau  ou  du  vin  qui  repondent  à  la  demy-Hemine,  l'Ace- 
tabulum,  le  Gyathus,  le  Mystrum,  la  Concha,  la  Cheme  et  le  Cochlear 
ou  la  LigulaS  ce  qui  peult  fournir  de  la  matière  de  beaux  discours 
sur  ce  subject,  pour  esclaircir  les  plus  grandes  difticultez  qui  y  soient 
escheiies. 

Tant  est  que  tout  ce  peu  de  façon  qu'il  y  a  en  ces  couppes  d'argent 
est  par  le  dedans,  comme  si  on  avoit  affecté  de  ne  laisser  par  dehors 
auicune  aspérité  de  cizellure,  laquelle  peusse  offenser  la  lèvre  infé- 
rieure de  la  bouche  en  beuvant,  les  façons  et  moulleures  du  bord  in- 
terne ne  pouvant  offenser  la  lèvre  supérieure,  attendu  qu'en  beuvant 
elle  se  tient  ouverte  et  esloignée  du  bord  de  la  couppe,  pour  laisser 
passer  entre  deux  et  humer  le  breuvage.  Ces  couppes  furent  trou- 
vées en  terre  l'une  dans  l'aultre  et  furent  mal  Iraictées  des  paysans 
qui  les  desterrerent.  Mais  ce  qui  y  est  resté  en  son  entier  est  si  bien 

Voir  sur  presque  tous  ces  mots  ie  Die-  cet  ouvrage  en  coui-s  de  publication,  le  Dic- 
tionnaire d'antiquités  de  MM.  Daremberg  et  tionnaire général  de  biographie  et  d'histoire . . . 
Sagiio,  et,  pour  ce  cpii  concerne  les  mots  des  antiquités  et  institutions  grecques,  ro- 
des lettres  L  et  M  non  encore  abordées  dans  maines,  etc.  ,parCh.  Dezobry  et  Th.  Bachelet. 


[1632]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  301 

poly,  que  l'oiivrafre  de  nos  orplievres  d'aiijonrd'hriy  n'a  rien  de  sem- 
blable ,  tellement  que  ce  n'est  pas  sans  cause  qu'Isydore  '  a  remarqué 
que  les  anciens  n'afll'ectoient  pas  moins  le  {jrand  lustre  de  l'ouvrage  en 
leurs  vases  plus  précieux,  que  l'excellence  de  la  cizellure  ou  de  la  main 
qui  les  elabouroit  et  la  bonté  du  métail.  Si  tost  que  j'auray  la  commo- 
dité d'un  peintre,  je  les  feray  desseigner,  afin  que  vous  puissiez  mieux 
comprendre  ce  que  c'est,  et  que  le  puissiez  faire  voir  à  Monsieur  Saul- 
maize,  à  Monsieur  Rigault  et  à  cez  autres  Messieurs,  s'ils  en  ont  la  cu- 
riosité, dont  je  serois  bien  ayse  d'apprendre  les  advis  (comme  le  vostre) 
si  vous  trouviez  bon  de  me  le  faire  sçavoir,  et  qu'il  ne  vous  fusse  pas 
incommode,  vous  suppliant  d'excuser  ma  liberté  à  vous  escripre  des 
songes  et  resveries  d'un  fiebvreux,  et  de  me  commander  avec  l'autho- 
rité  que  vous  ont  acquis  tant  de  bienfaictz  sur  celuy  qui  sera  à  jamais, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peirbsc. 
A  Beaugentier,  ce  18  juing  i63a'. 


LVI 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Depuis  celle  que  je  vous  escripvis  la  semaine  passée,  je  me  suis  faict 
apporter  icy  huict  ou  dix  vases  antiques  de  bronze  que  j'avois  à  Aix 
dans  mon  cabinet  et  trois  ou  quatre  autres  modernes,  mais  contrefaictz 
sur  des  antiques  les  plus  célèbres  et  plus  curieux  qui  fussent  à  Rome  de 
mon  temps,  comme  estoit  le  congius  du  cardinal  Farnese',  tous  les- 


'  Isidore  de  Séville ,  i'auleur  des  Origines. 
'  Vol.  717,  fol.  195. 
'  Soit  Alexandre  Farnèse ,  né  à  Rome  le 
7  octobre  if)9o,  évêtjue  de  Parme ,  puis  m-- 


chevêque  d'Avignon,  patriarche  de  Jéru- 
salem ,  etc. ,  cardinal  en  1 53^j ,  mort  le  9  mars 
1889  ;  soit  Ranuce  Famèse,  né  le  11  avril 
i53o,  arclievêque  de  Naples,  de  Ravenne. 


9^%  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

quels  vases  sont  faictz  sur  les  mesures  justes  des  anciens,  tant  du  dict 
Congius  et  du  Ghœnix,  du  double  Sextarius,  de  l'Heinina  ou  Colyle,  du 
Quartarius  ou  Semicotyliuui,  de  l'Acetabuluni  et  du  Cyathus,  que  de 
certaines  aultres  mezures  qui  se  trouvent  faictes  et  représentées  en  forme 
d'Escuellons^  assortis  en  telle  sorte  qu'ils  s'entresuyvent  les  uns  les  aul- 
tres depuis  le  Quartarius,  l'Acetabuluni,  le  Cyathus,  le  Mystrum,  la 
Goncha,  la  Cyane  et  jusques  au  Cociilear  ou  Lygula,  et  aultres  plus 
menues  subdivisions  dont  je  pris  grand  plaisir  de  faire  l'examen  et 
comparaison  avec  mes  couppes  d'argent  antiques  nouvellement  des- 
terrées ,  dont  la  contenance  et  capacité  s'est  tousjours  trouvée  conforme  à 
ce  que  je  vous  disois  des  treize  cyathes  respondanta  au  nombre  des  treize 
lettres  dont  est  composé  le  nom  propre  OTEiMKOIMEAOT,  pour  la 
couppe  intérieure,  et  du  double  pour  celle  qui  luy  sert  d'estuy,  res- 
trainte  neantmoins  au  demy  Ghœnix,  ou  au  tiers  du  Gongius  (sic),  lors- 
qu'on ne  la  veult  pas  remplir  plus  avant  que  jusques  au  premier  cercle 
de  sa  couronne  ou  de  son  bord. 

J'eusse  bien  souhaicté  d'en  faire  l'espreuve  eu  présence  de  M'  Saul- 
maize,  et  de  ces  aultres  messieurs  qui  peuvent  avoir  de  telles  curiositez, 
quand  ce  n'eust  esté  que  pour  leur  faire  voir  le  rapport  et  proportion 
qu'il  y  a  entre  toutes  ces  mezures  des  unes  aux  aultres,  si  exactes, 
qu'on  ne  se  l'imagineroit  quasi  pas  que  cela  fust  possible ,  enlr'aultres  de 
celle  du  Mystrum,  qui  respond  au  quint  du  Quartarius,  et  ne  contient 
pas  moins  de  six  cuilliers.  En  quoy  il  est  conforme  à  ce  que  dict  Fan- 
nius-,  qui  luy  donne  le  triple  de  la  Cyane,  laquelle  il  faict  de  deux 
cuilliers,  mais  il  fault  qu'il  y  ayt  faulte  au  texte ,  quand  il  dict 

At  Mystrum  Cyatbi  (jiuiFta  est,  ac  tei'tk  Mystri 
Quara[qiie]  vocaiit  Gyanem ,  capit  haec  cochlearia  bina , 


patriarche  de  Gonstantinopie .  cardinal  en  cueils  lexicoçraphiques.  Dansle  langajje  pro- 

i545,  mort  à  Parme  le  q8  octobre  i5C5.  vençal  une  petite  écueile  s  appelle  escudelelo. 

'  Ce  diminutif  du  mot  éc«e//e  ne  se  trouve  ^  Fanniide  Ponderibus  et  Menmris  liber, 

ni  dans  le  Dicft'onnaire  de  Richelet,  ni  dans  le  cum   comineutai-io  J.    Cœsaris   (Haguenau, 

Dictionnaire  de  Trévoux ,  ni  dans  nos  autres  re-  j  5  a  8 ,  in-8'  i. 


[16X2]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  809 

esfurit  rertain  que  le  Cyathus  ne  contient  ne  pîus  ne  moins  de  dix  cuil- 
licrs,  et  f[ue  le  Mystrum  compart'!  au  Cyatlins  n'est  que  comme  de  six 
à  dix,  qui  est  bien  loing  de  la  proportion  du  quart.  C'est  pourquoy  ce 
Mystrum  ne  peut  estre  le  quart  que  d'un  vase  de  la  contenance  de 
xxnu  cuilliers,  de  laquelle  contenance  j'en  ay  un  antique  de  la  fomae 
de  la  Sitnla  que  les  anciens  peignoient  pendante  à  la  main  de  la  déesse 
Isis,  dans  laquelle  s'emboitent  comme  dans  ung  estuy  toutes  les  aul- 
Ires  moindres  mezures. 

Ce  qui  m'avoit  une  fois  faict  conjecturer  que  le  nom  d'Abacus  ne  luy 
seroit  peut  estre  pas  incompatible,  puisqu'il  est  prins  aulcunes  fois 
pour  le  nom  d'un  vase',  d'aultant  que  ceiuy  cy  faict  la  fonction  de  la 
table  oo  repositorinm  sur  quoy  se  tenoient  les  vases  ou  gobelets  des- 
tinez à  la  boisson,  puis  qu'il  contient  tous  ces  pelitz  godelz  et  escuel- 
lons  proportionnelz  aux  mezures  anciennes. 

J'avois  mesmes  une  l'ois  pensé  que  les  noms  d'incytega  ou  èyyvdn>cv 
ne  luy  seroient  pas  moins  convenables  par  les  mesmes  raisons  que  Dac- 
lyliotbeca  se  prend  |)0ur  une  boitte  où  se  tiennent  les  anneaux,  puis  que 
les  escuellons  des  mezures  sont  emboillez  en  ce  vase  cy,  auqael  cas  je 
iisrois  dans  le  Fannius  : 

Al  Mystrum  Incylegœ  quarta  est. 

au  lieu  de  Cyathi,  si  l'on  n'aymoit  nnVux  lisre  Situla;,ou  bien: 

At  Mysti-uin  quarta  est  Alwici. 

Sur  quoy  je  serois  merveilleusement  ayse  d'avoir  l'advis  du  dict 
sieur  Saulmaise  s'il  est  encores  de  pardelà,  car  ce  passage  est  la  pierre 
d'achoppement  qui"  a  mis  en  bredouille^  tous  les  autheurs  modernes  qui 
se  sontmeslez  d'escripre  des  mezures,  ne  pouvant  compatir  à  certaines 
opinions  qui  portent  les  choses  si  loing  de  toute  vraysemblance ,  non  plus 
que  je  ne  sçaurois  approuver  l'advis  de  Monsieur  délia  Scala  en  ce 

'  Voir,  dans  le  Dictionnaire  des  antiquités  grecquei  et  ivmaines,  l'article  Abaeut,  par 
M.  Edm.  Saglio  (fascicule  i,  «878  ,  p.  i-4).  —  '  Non»  avons  déjà  trouvé  cette  eiprestion 
dans  le  tome  I,  p.  978. 


soi  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

qu'ii  veut  que  l'Incitega  de  Festus  soit  une  nappe  ou  serviette,  puis  que 
ie  mesme  Festus  la  qualifie  machine. 

Et  sur  ce  propos  je  voudrois  bien  apprendre  les  sentimentz  de  M""  Saul- 
niaize  sur  la  niezure  que  le  dict  Fannius  appelle  Cyane,  que  j'estime- 
rois  avoir  peu  emprunter  ce  nom  de  la  qualité  de  la  matière,  dont 
pouvoit  avoir  esté  composé  ce  vase  plus  ordinairement  que  d'autres, 
attendu  la  magniflcence  que  les  anciens  affectoient  bien  souvent  en  la 
représentation  de  leurs  poidz  et  mezures,  dont  il  se  trouve  quantité 
qui  sont  faicts  de  pierres  précieuses  et  enrichis  de  marques  et  figui'es 
d'or  et  d'argent,  lors  mesmes  qu'ilz  ne  sont  que  de  cuivre,  de  sorte 
qu'il  ne  seroit  pas  incompatible  que  d'un  morceau  de  pierre  Cyane  on 
eusse  fabriqué  un  escuellon  de  la  mezure  ou  contenance  de  deux  cuil- 
liers,  ou  de  quelque  morceau  d'aultre  pierre  de  couleur  bleiiastre  ou 
verdastre,  si  le  vert  y  est  compatible,  me  souvenant  d'avoir  veu  plu- 
sieurs fois  (et  crois  d'en  avoir  dans  quelque  coing  de  mon  estude  à 
Aix)  des  cuilliers  d'yvoire,  antiques,  teintes  en  verdastre.  J'ay  bien  icy 
entre  ceux  qu'on  m'a  apporté  maintenant  un  petit  escuellon  de  la  con- 
tenance de  la  double  Cyane  ou  de  quatre  cuilliers,  faict  d'une  presme 
d'esmeraude'  la  plus  belle  en  couleur  et  la  plus  fine  que  j'aye  jamais 
veu,  et  me  souviens  d'avoir  veu  des  cuilliers  antiques  de  la  mesme  sorte 
de  pierre;  j'oubliois  de  vous  dire  que  cette  petite  Situla  antique  et  qui 
ne  contient  pas  davantage  de  xxiiij  cuilliers ,  remplie  jusques  à  son  bord , 
contient  encore  les  six  cuilliers  de  plus  lorsque  ses  ances  sont  abbattiies , 
pour  parfaire  la  mesure  du  Quartarius  ou  Semicotylium.  Et  s'il  falloil 
en  demeurer  à  ceste  contenance  là ,  plus  tost  qu'à  celle  de  xxiiii  cuilliers , 
je  ne  ferois  pas  grande  difficulté  d'appliquer  au  Quartarius  les  noms 
de  Situla,  d'Abacus  et  d'incitega,  auquel  cas  je  vouldrois  lisre,  dans  le 
Fannius,  Quinta  au  lieu  de  Quarta,  mais  j'estime  bien  que  M"'  Saul- 
maize  aura  possible  observé  quelque  mention  de  vase  de  la  contenance 
de  xxun  cuilliers,  qui  est  le  quint  de  la  contenance  du  Sextarius,  et 


'  Voir,  à  propos  de  la  même  expression  employée   par  Pierre -Antoine  de  Rascas,  sieur 
de  Bagarris,  une  note  du  fascicule  XII  des  Correspondants  de  Peiresc ,  1887,  p.  ig. 


[1632]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  305 

possible  aura-t-il  observé  encores  quelques  vases  de  la  contenance  de 
neuf  cyatlies,  qui  est  le  dodrans  du  dicl  Sextarius.  Ce  que  je  vouldrois 
bien  apprendre  de  luy  ayant  vcu  plusieurs  vases  antiques  de  cette  me- 
zure  ou  contenance. 

Mais  j'ay  peur  que  vous  ne  vousmocquiez  en  fin  de  nioy,  voyant  ma 
liberté  à  vous  entretenir  de  cez  bagatelles  et  inutilles  occupations  d'une 
vie  champestre  et  oysive,  dont  je  vous  prie  de  me  vouloir  excuser,  et 
l'imputer  au  désir  que  j'aurois  de  vOus  fournir  de  meilleur  entretien  si 
le  lieu  où  nous  sommes  en  pouvoit  produire,  pour  entrer  en  quelque 
revanche  de  tant  de  belles  choses  que  nous  apprenons  en  toutes  voz 
despesches.  Sur  quoy  je  finiray  en  vous  remerciant  comme  je  faicts  trez 
liumbloinent  des  bonnes  lunettes  qu'il  vous  a  pieu  m'envoyer,  et  vous 
suppliant  d'excuser  l'obmission  de  ce  compliment  que  j'avois  oublié  de 
vous  faire  dernièrement,  et  de  m'entretenir  aux  bonnes  grâces  non 
seulement  de  Monsieur  du  Puy  vostre  cher  frère,  mais  aussy  de 
M""  de  Thou  et  de  toute  l'académie  sans  vous  oublier,  comme  celuy  à 
(|ui  je  suis  et  seray  à  jamais  inviolablement, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur 
DE  Peiresc. 
A  Boysgency,  ce  97  juing  i63a  '. 


Lvn 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

ADVOCAT   EN  LA  COUR  DE   PARLEMENT  DE  PARIS, 
À  PARIS. 

Monsieur, 
Depuis  celle  que  je  vous  escripvis  la  sepmaine  passée  il  est  arrivé 
un  grand  malheur  en  nos  costes,  où  l'une  des  galleres  du  Pape  sur  la- 


Vol.  717,  fol.  1  98. 
II. 


39 

■■VftIVBIlt    «4TI«^«1 


I 


306  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

quelle  eetoit  le  Nonce  de  S[a]  S[ainteté]  s'eschoiia  contre  un  escueil  aux 
isles  d'Yeres,  où  le  Nonce  courut  fortune  de  sa  vie^  et  se  noya  comme 
l'on  croit  plus  de  six  vingts  personnes,  partie  forçatz,  partie  soldatz  et 
les  autres  passagers.  Si  j'en  puis  apprendre  le  destail,  je  vous  en  feray 
envoler  une  relation  exacte.  Cependant  je  vous  envoyé  deux  ou  trois 
lettres  qui  m'ont  esté  escriptes  sur  ce  subject,  tant  par  M"^  le  commandeur 
de  Forbin  qui  y  accourut  au  secours  avec  une  des  galleres  du  Roy,  que 
du  viguier  d'Yeres  et  du  sieur  Aycard  de  TouUon  qui  est  homme  bien 
curieux.  Je  pensois  y  avoir  perdu  quelques  curiositez  que  m'apportoit 
de  Rome  un  mien  amy,  mais  je  pense  qu'il  s'en  sera  recouvré  la  plus 
part  et  que  le  meilleur  se  sera  sauvé  comme  de  celles  de  M''  de  Thou 
malgré  les  ondes  de  la  mer. 

J'oubliay  dernièrement  de  vous  supplier  de  m'envoyer  un  Colu- 
mella  de  la  meilleure  édition  que  vous  le  pourrez  trouver  ^,  le  mien  s' es- 
tant trouvé  gasté  quand  je  l'ay  voulu  envoyer  quérir. 

Je  vous  entretenois  dernièrement  de  certaines  curiositez,  ou  plustost 
badineries,  concernant  les  mezures  des  anciens,  et  vous  avois  prié  d'eu 
vouloir  tirer  un  mot  d'advis  de  M'  de  Saulmaize,  s'il  estoit  encore  de 
pardelà,  auquel  cas  je  vouldrois  bien  qu'il  songeast  un  peu  sur  une 
nouvelle  pensée,  qui  m'est  venue  touchant  ce  mesme  subject  :  si  le  mot 
de  Pila  que  l'uzage  a  retenu  pour  signiffier  l'assortiment  des  poidz  de 
mark  ne  pourroit  point  avoir  servy  anciennement  pour  signifier  le  vase 
dans  quoy  s'emboittoient  les  autres  poidz  et  mezures  faictz  en  forme  de 
godetz,  comme  les  poidz  de  mark,  puisqu'un  ancien  grammairien  disoit: 

Ludum  laudo  Pilae ,  plus  laudo  pocula  Pilae , 

car  il  n'y  auroit  pas  grand  inconveniant  que  le  mesme  mot  de  Pilae  eust 
esté  approprié  à  un  vase  propre  à  mezurer  ou  à  pezer,  aussy  bien  qu'à 
un  mortier,  puis  que  les  anciens  se  delectoient  tant  à  diversiffier  les 

Ce  nonce  était  Alexandre  Bichi ,  évêque  cicule  VIII  des  Correspondants  de  Peiresc). 
de  Carpentras.  Je  m'accuse  de  n'avoir  rien  "  Voir,  sur  les  principales  e'dilions  de  Co- 

dit   de   son  naufrage   dans   V Avertissement  himelle,  l'article Scn/)Jores m ru«(ic« du Ma- 

mis  en  tête  des  Lettres  de  ce  cardinal  (fas-  nueldu  libraire  (t.  V,  col.  a 45). 


[1632]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  307 

figures  de  toutes  sortes  de  vases,  el  que  selon  les  divers  siècles,  il  sera- 
bloit  qu'ils  affectassent  de  changer  les  dénominations,  comme  l'usage  ap- 
proprioit  à  des  figures  particulières  des  noms  qui  souloient  estre  plus 
généraux,  voire  qui  souloient  signilfier  des  choses  grandement  diffé- 
rentes, ainsy  qu'il  se  peut  voir  parla  comparaison  des  vieux  glossaires, 
où  il  se  trouve  bien  des  changements  et  quelquefois  de  la  confusion 
selon  que  la  diversité  des  pais,  des  nations  et  des  siècles,  destournoit  à 
aultre  sens  que  le  plus  ancien  la  signification  de  plusieurs  motz,  ainsy 
qu'il  arrive  encores  aujourdhuy  aux  langages  vulgaires,  ce  qui  meri- 
teroit  l'exactesse  d'un  examen  de  Monsieur  Saulmaize  ou  aultre  de  tel 
calibre'  pour  revoir  et  assembler  tous  ces  glossaires  anciens  et  les 
ranger  à  peu  prez  selon  leur  ancienneté  plus  ou  moins  grande  et  pour 
y  corriger  ce  qui  s'y  peut  trouver  qui  soit  manifestement  faultif.  Ce  qu'il 
pourroit  mieux  faire  que  tout  aultre ,  ayant  eu  la  patiance  de  voir  comme 
il  a  faict  toutes  ces  sortes  de  livres  là,  tant  ceux  qui  ont  esté  imprimez 
que  plusieurs  manuscripts  qu'il  allègue,  et  qui  meriteroient  bien  de 
voir  le  jour,  y  ayant  une  infinité  de  choses  dont  la  mémoire  est  perdue 
en  toute  aultre  sorte  de  livres  qu'en  ceux  là,  principalement  des  der- 
niers siècles  de  l'Empire  romain,  et  y  en  ayant  aussy  plusieurs  qui  se 
trouveroient  faulx,  si  on  les  examinoit  selon  les  règles  et  usaiges  d'un 
siècle  ou  d'un  pais,  qui  n'auront  pourtant  rien  d'incompatible,  si  on  les 
considère  soubs  un  aultre  siècle  et  parmy  d'aultres  peuples,  estant  tous- 
jours  nécessaire  quoy  que  ce  soit  qu'il  y  eusse  des  noms  appropriez  à  ces 
assemblages  de  poidz  et  de  mezures  dez  la  meilleure  antiquité,  puis 
qu'il  s'en  trouve  des  reliques  qui  ressentent  les  meilleurs  siècles,  et 
puis  qu'ils  ne  manquoient  poinct  d'invention  et  de  facilité  pour  expri- 
mer toutes  sortes  de  conceptions  et  d'usage  ou  proprietez  de  tout  ce 
qu'ils  employoient  pour  leur  service,  principalement  les  Grecz  qui  trou- 
voient  quasi  plus  de  commodité  que  les  Latins  à  faire  leur  1.xevo6^xv , 
kyyodvKrj,  Èyyvdvxrj ,  XaXxoâ);x7;,  lloTvpoQviiV  là  où  les  Latins  avoient 


'  Lillrd  a  retrouvé  celle  expression  figurée  daus  deux  auleun  du  xvi*  siècle,  Vincenl 
Carloix  cl  Froumenleau. 

3». 


SOS  LETTRES  DE  PEIRESG  [1632 

prou  peine  de  diversiffier  leur  Vasarium  par  le  Galiclarium  et  la  Pila, 
estantz  contrainctz  d'aller  emprunter  des  Grecs  leur  Incitega.  Mais  je 
m'imagine  que  l'exactesse  de  M'  Saulmaize  n'aura  pas  laissé  eschapper 
d'aultres  termes  possible  plus  propres  et  plus  convenables  que  tout 
cela,  s'il  a  agréable  de  le  dire,  comme  je  m'asseure  qu'il  fera  pour 
l'amour  de  vous,  si  vous  l'en  priez,  ce  que  je  vous  supplie  de  vouloir 
faire,  et  excuser  en  cela  ma  fascheuse  curiosité  et  importunité,  sur  quoy 
je  finiray  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Boysgency,  ce  4  juillet  1682. 

Je  vous  supplie  trez  humblement  de  faire  tenir  seurement  le  petit 
pacquet  adressé  à  M''  le  Grand  ;  plustost  vous  pourrez  envoyer  quérir 
Quentin  qui  prendra  le  soing  de  l'aller  rendre  et  d'en  retirer  un  mot  de 
responce  s'il  peut,  pour  le  vous  rapporter  afin  de  le  mettre  dans  vostre 
diÈSpesche  quand  il  vous  plairra  de  nous  en  faire. 

Au  reste  le  courrier  ordinaire  qu'on  a  restably  en  ce  pais  arrive  or- 
dinairement le  vendredy  au  soir  à  Aix,  partant  de  Lyon  aprez  que  l'or- 
dinaire de  Paris  du  vendredy  précèdent  y  est  arrivé,  tellement  que  si 
les  advis  imprimez  se  pouvoient  recouvrer  à  temps  pour  estre  envoyez 
par  l'ordinaire  qui  part  de  Paris  le  vendredy,  ils  arrivez'oient  touts  plus 
fraiz  d'une  sepmaine.  Mais  il  ne  fauldroit  pas  que  cela  vous  causast  plus 
d'incommodité'. 

^'  Vol.  717.  fol.  i3o. 


[1632] 


AUX  FRERES  DUPUY. 


309 


r,viii 

À  MONSIEUR,   MONSIEUR  DU  PU  Y, 
À  PARIS. 

Monsieur, 
Ce  mot  ne  sera  que  pour  vous  advertir  qu'entre  les  choses  sauvées 
du  naufrage  de  la  gallere  du  Pape  il  s'est  trouvé  un  petit  fagot  de  li- 
vres addressé  à  vous  de  la  part  de  M' Naudé ,  qui  estoit  parmy  les  liardes 
de  M'  Menestrier  '  qui  me  l'a  envoyé  ici  fort  opportunément,  car  il  cou- 
roit  grande  fortune  d'estre  bien  tost  pourry  pour  peu  qu'il  y  eust  de- 
meuré davantage  dans  sa  mouilleure.  H  avoit  esté  si  proprement  enipac- 
queté  qu'encores  que  les  enveloppes  eussent  esté  la  pluspart  descliiréez 
par  les  crochets  avec  quoy  on  tiroit  ces  hardes  de  la  mer,  il  estoit 
pourtant  resté  quelques  fragnientz  de  l'escripture  de  M'  Naudé,  où  pa- 
roissoit  le  nom  de  M'  du  Puy  ;  je  le  fis  incontinant  ouvrir  par  mon  rei- 
lieur  avec  deux  aultres  de  M""  Suarez'^  qui  avoient  leur  addressé  en 
Avignon ,  et  les  fis  rejctter  dans  l'eau  fraische  pour  leur  oster  la  puanteur 
qui  les  avoit  desja  gaignez,  et  une  grande  quantité  de  petits  vermis- 
seaux blancs  comme  ceux  du  fourmage^  qui  y  fourmilloient  presque 


'  Claude  Menestrier  fut  un  savant  et  zëlé 
antiquaire.  Il  naquit,  non  à  Dijon,  conirae 
la  plupart  des  biojjraphes  l'ont  rëpdte'  d'a])rès 
Papillon ,  mais ,  comme  Ta  dtabli  Weiss  dans 
la  Biographie  Michaud,  à  Vauconcourt 
(Haute-Saône).  Il  fut  chanoine  du  chajiitre 
de  Sainte-Madeleine  de  Besançon  et  bihlio- 
the'caire  du  cardinal  Fr.  liarberini.  Il  mourut 
b  Rome  en  iGSg.  Ce  fut  un  des  correspon- 
dants de  l'eiresc.  Je  publierai ,  dans  un  des 
volumes  qui  suivront  celui-ci ,  les  lettres  que 
Peiresc  lui  adressa  et  dont  les  orijfinaux 
sont  conservés  à  la  Bibliothèque  do  l'École 
de  médecine  de  Montpellier.  Je  publierai 
aussi  (en  appendice)  un  certain  nombre 


des  lettres  écrites  à  Peiresc  par  Menestrier. 

'  Le  futur  évêque  de  Vaison  déjà  plu- 
sieurs fois  mentionné. 

'  La  forme /ourmog'c  se  retrouve  dans  le 
Théâtre  d'agriculture  d'Olivier  de  Serres, 
dans  les  Joyeux  devis  do  Bonaventure  des 
Periei-s.  Voir  le  Lexique  de  la  langue  de  ce 
dernier  auteur  publié  par  MM.  Félix  Frank 
et  Adol|)be  Chennevière  ( Paris,  1 888 ,  in-8*, 
p.  ç)o).  On  trouvera  dans  ce  Lexique  plu- 
sieurs autres  expressions  employées  par 
Peiresc  et  relevées  dans  mes  notes,  |>ar 
exemple  les  mots  :  acertainer,  antiquaille, 
cacer,  perjumer,  etpie,  quant  et  quant,  ramen' 
leroir,  etc. 


310  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

partout,  principalement  entre  ceux  du  dict  sieur  Suarez,  dont  je  ne  me 
serois  pas  doubté  pour  des  livres  en  blanc,  si  je  ne  l'eusse  veu.  Le  sieur 
Menestrier  avoit  faict  scrupule  de  les  ouvrir  pour  ne  se  dispenser  de 
couper  les  fisselles  et  les  cachets,  et  pensoit  qu'ils  se  peussent  seicher 
tous  entiers.  Mais  ceste  vermine  les  eusse  tous  gastez  et  la  pourriture 
eusse  achevé  de  gaster  ce  qui  seroit  eschappé  de  leur  dent  et  s'il  en 
fust  eschappé  quelque  feuille  ou  cahier  desbordz,  ilsseroient  demeurez 
si  maculez  que  je  ne  pense  pas  qu'ils  eussent  peu  estre  d'aulcun  usaige. 
C'est  pourquoy  j'estime  que  vous  ne  trouverez  pas  mauvaise  la  liberté 
que  j'ay  prise  de'  le  faire  ouvrir,  pour  le  pouvoir  conserver  et  mettre 
en  Testât  que  vous  le  trouverez.  Il  y  a  bon  nombre  d'exemplaires  d'un 
petit  traicté  de  M"^  Naudé  an  magnum  homini  a  venenis  periculum  \  tous 
coltez  de  sa  main  et  addressez  la  plus  part  à  vos  amis  de  pardelà.  H  y  a 
un  volume  in  4®  assez  gros  addressé  à  M'  de  la  Motte ^  intitulé  Apologia 
pro  christiana  religione  qua  a  Philippo  Guadagnolo  Arabica  linguae  profes- 
sore  respondetur  ad  objectiones  Ah  Med  fdij  Zin  Alabedin  Persœ  Aspha- 
bensis  contentas  in  libro  inscripto  Politor  speculi^.  11  y  a  quelques  aultres 
livretz  addressez  à  divers  amys  et  quatre  petitz  traictez  sans  aulcune 
addressé,  l'un  de  origine  Hebrœorum  Pétri  Philomusi*,  l'auUre  de  la 
riconciliazione  di  Henrico  quarto  ^  le  troisiesme  intitulé  Polygraphia 
Roncilionensium,  Papirii  Serangelij,  et  le  dernier  Ristrelto  délia  Pro- 
vincia  di  Romagna  di  Francesco  Pera  da  Imola,  lequel  je  ne  vous  en- 
voyerai  point  pour  ceste  fois  pour  le  faire  transcripre.  Et  s'ils  peuvent 


'  QutBstio  ialrophilologiea  :  an  magnum 
homini  a  venenis  periculum  (Rome,  1682, 
in-8°).  L'opuscule  fut  réimprimé  à  Genève 
(i65o). 

'  François  de  la  Mothe-le-Vayer. 

'  Philippe  Guadagnolo ,  né  à  Magliano , 
dans  les  Abruzzes,  en  iSgô,  fut  prêtre, 
professa  à  la  Sapience  à  Rome  et  mourut  le 
27  mars  i656.  Un  Espagnol  avait  écrit: 
Verum  Spéculum.  Un  Persan  répondit  par  : 
Politor  Speculi.  Le  pape  chargea  Guadagnolo 


de  répondre  par  son  Apologia ,  qui  fut  réim- 
primée en  latin  et  en  arabe.  V Apologia  parai 
à  Rome  en  i63i. 

'  Pétri  Philomusi  de  origine  Hebrœorum 
eorumque  regiminc  (Venise,  i588,  in-4°). 

'  Relazione  délia  Riconciliazione ,  Assolu- 
zione  et  Benedizione  di  Henrico  IV,  fatla  da 
Clémente  VIII ,  alli  iy  di  septembre  i5g5, 
descriila  da  Gio  Paolo  Mucante,  Maestro 
délie  Cerimonie  di  Papa  (Viterbe,  1697, 
in-i"). 


[1632]  AUX  FRKRES  DUPUY.  311 

estre  bieu  secs  à  temps,  je  vous  feray  un  pacquet  soubz  l'enveloppe  de 
M'  de  Lomenie  où  j'en  mettray  une  partie  et  le  reste  se  mettra  les 
sepmaines  suyvantes  si  le  commerce  de  Lyon  se  peut  maintenir.  Car 
on  nous  a  fait  courir  icy  de  lascheux  bruicts  des  volleries  qui  s'y  sont 
commises  depuis  peu.  Le  pauvre  M''  Meneslrier  n'a  pas  encores  peu  re- 
couvrer sa  malle,  dont  il  est  en  grande  peine  à  cause  des  curiositez  qu'il 
avoit  dedans  '.  Ce  qui  m'en  faict  bien  estre  en  peine  moy  mesmes  pour 
l'amour  de  luy  et  parce  que  toutes  les  lettres  de  mes  amys  y  sont  en- 
cores dedans  avec  quelques  petits  fagotz  de  livres  que  l'on  m'envoyoit. 
Les  marins  ont  enfin  sauvé  le  canon  de  la  gallere  cschouée,  ce  qui  a 
faict  rellever  le  corps  de  la  dicte  gallere  d'environ  une  coudée,  et  faict 
espérer  de  la  pouvoir  encores  achever  de  relever.  Il  me  tarde  bien  de 
le  voir  pour  l'inlerest  de  tant  de  pauvres  gents  qui  y  perdoient  leurs 
besongnes.  On  y  pesclia  dezlecommancemenldeux  caisses  du  dict  sieur 
Menestrier  que  j'ay  céans,  avec  lesquelles  il  m'envoya  un  petit  vase  d'al- 
bastre  antique  de  la  plus  belle  structure  et  invention  que  j'aye  jamais 
veu  en  aulcun  vase,  monstrant  d'avoir  esté  faict  pour  tenir  quelque  li- 
queur bien  'preiieuse  et  destinée  à  l'onction,  et  possible  au  sacre  de 
quelque  grand  prince.  Mais  la  mouillure  de  l'eau  de  la  mer  luy  a  rongé 
tout  le  lustre  qu'il  avoit  et  toute  la  dorure  fort  espoisse  qui  estoit  aux 
principaux  ornements  et  vestementz  d'une  figure  qui  luy  sert  d'ance  et 
d'un  feston  qui  lui  sert  de  couronnement,  à  ce  que  m'en  escript  le  dict 
sieur  Menestrier,  et  qui  pix  est  l'a  rendu  si  fragile  qu'il  s'est  cassé  en 
deux  ou  trois  endroictz  à  mon  grand  regret.  Mais  cela  n'a  pas  em- 


'  Weiss  (article  ddjî»  cité  sur  Menestrier) 
dit:  et  Gomme  il  retournait  à  Borne  eu  iGlîa, 
rap|iortant  un  grand  nombre  de  monuments 
et  de  tableaux  précieux,  le  vaisseau  qu'il 
montait  fut  assailli  h  quelque  distance  de 
Marseille  d'une  tempête  très  violente;  le  pa- 
tron déclara  (jue,  pour  sauver  le  i)Atiment 
d'un  naufrage  presque  inévitable,  il  fallait 
jeter  à  la  mer  tous  les  objets  appartenant 
•ux  passagers.  Menestrier  ne  put  sauver  de 


toutes  ses  richesses  qu'un  petit  tableau 
représentant  la  Sainte  Vierge,  et,  à  son  ar- 
rivée h  Rome,  il  envoya  ce  tableau  à  Be- 
sançon, pour  y  Hre  placé  dans  une  église." 
Weiss  ajoute  en  note  que  ce  tableau, 
objet  d'une  dévotion  particulière  des  habi- 
tants de  Besançon ,  fut  transporté ,  lors  de  la 
suppression  des  maisons  religieuses,  dans 
une  des  chapelles  de  l'église  cathédrale  de 
Saint-Jean. 


I 


312  LETTRES  DE  PEIRESG  [1632] 

pesché  que  je  n'en  aye  faict  bouscher  les  trous  incontinant,  pour  en 
examiner  la  mezure,  qui  s'est  trouvée  justement  esgalle  à  cette  mezure 
dont  je  vous  mandois  dernièrement  que  je  voudrois  bien  rencontrer  le 
vray  nom  particulier,  avec  l'assistance  et  grande  littérature  de  M'  Saul- 
maize.  Car  il  n'est  pas  de  la  contenance  du  Quartarius  entier,  ains  seu- 
lement de  deux  Cyathes  et  deux  Cyanes,  ou  de  quatre  fois  le  Mystrum, 
ou  bien  vingt  quatre  cuilliers  comme  la  Situla  de  ma  pille  antique.  Je 
tascheray  d'en  faire  faire  un  dessein  si  tost  que  je  pourray  avoir  un 
peintre  à  ma  disposition  pour  vous  faire  voir  la  gentilesse  de  la  concep- 
tion du  sculpteur,  qui  a  voulu  faire  un  vase  de  la  forme  d'un  œuf,  tel 
possible  que  celuy  de  Leda  soustenu  par  une  rondache  portée  par  trois 
astragales,  ayant  à  costé  un  bouton  ou  modillon  qui  sert  de  table  ou 
de  baze  à  une  petite  figure  de  la  Victoire  aislée,  laquelle  de  sa  main 
gaulche  tient  une  palme  et  porte  sa  main  droite  en  hault,  pour  avec 
icelle  et  avec  sa  teste  souslenir  un  plus  grand  bouclier  qui  sert  d'en- 
taiblement  à  tout  l'ouvraige,  et  de  lèvres  au  vase,  lequel  bouclier  est 
percé  au  mitan  pour  servir  d'orifice,  et  faire  que  la  liqueur  qui  en  dis- 
tilloit  semblast  sortir  du  centre  d'un  bouclier  de  guerre,  et  celle  petite 
figure  de  la  Victoire  faict  la  fonction  de  l'ance  du  vase,  lequel  est  en- 
ceinct  ou  couronné  par  le  mittan  de  son  ventre  d'un  diadesrae  enrichy 
de  deux  filletz  de  pierreries,  les  unes  de  forme  ronde  qui  sont  par 
dessus,  et  les  aultres  de  forme  allongée  et  aiguisée  comme  des  bulbes 
ou  oignons  renversez,  qui  pouvoient  estre  de  ceux  que  les  anciens  ap- 
pelloient  Elenchus ,  si  je  ne  me  trompe ,  car  quand  Pline  descripl  les  perles 
de  cesle  forme  allongée,  semblables  à  un  vase  d'albaslre,  il  ne  dict  pas 
qu'il  fusse  deffendu  de  les  suspendre  par  le  gros  bout,  aultremenl  il  eust 
esté  plus  tosl  faict  de  les  nommer  et  descripre  de  la  figure  d'une  poire 
ou  d'une  larme,  ou  d'une  goutte,  comme  celles  qu'ils  appelloient  sla- 
lagmium  aureum,  qui  servoient  aux  ornements  des  femmes  comme 
celles  icy.  Or  comme  il  ne  seroit  pas  inconveniant  que  les  anciens  eus- 
sent faict  des  vases  d'albaslre  en  forme  de  bulbe  ou  de  poire  renversée 
comme  il  me  semble  d'en  avoir  veu  quelques  uns  en  un  temps  que  je 
ne  songeois  pas  d'en  faire  des  remarques  qui  seroient  maintenant  ve- 


rl632]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  313 

nues  à  propos  pour  sauver  l'authorit/î  de  Pline,  il  ne  seroit  pas  incon- 
veniant  aussy  qu'ils  eussent  nffect<5  de  suspendre  les  pierreries  de  ceste 
lonne  par  le  jjros  boust  ])lus  lost  que  par  l'aultre,  pour  faire  allusion 
à  l'oliinologie  du  nom  d'Eionclius,  qui  se  prend  quelques  lois  pour  un 
Indice,  dont  la  forme  est  plus  compatible  à  cez  sortes  de  pierreries 
tournées  en  ce  sens  que  si  elles  estoient  renversées  en  forme  de  poire, 
et  de  faict  j'ay  souvent  veu  des  figures  antiques  de  femmes  et  filles  pa- 
rées de  gros  pendantz  d'oreille  de  ceste  forme,  tantost  uniques  et  tantost 
triples  et  (juelquefois  de  carcans  ou  tours  de  col  tout  entiers  de  pierre- 
ries de  ceste  forme  enfillées  et  suspendues  par  le  gros  bout,  sur  quoy 
j'altendray  si  M"^  Sauhnaize  nous  voudra  dire  son  advis  et  s'il  vous 
plaii-roit  nous  commander  en  chose  où  nous  eussions  moyen  de  vous 
tesmoigner  le  trez  humble  service  et  obéissance  que  vous  a  voiié. 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  Irez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Boy8gency,  ce  xi  juillet  i63a. 

Depuis  avoir  escript,  M""  Menestrier  est  revenu  de  ToUon  ayant 
abbandonné  sa  malle  à  la  raercy  des  ondes,  disant  que  les  marins  n'y 
peuvent  plus  travailler  pour  l'infection  des  corps  mortz  qui  y  sont  de- 
meurez non  seulement  aux  environs,  mais  encore  dans  le  corps  mesme 
de  la  gallere.  Et  de  faict  le  Nonce  est  party  de  Tollon  depuis  hier  avec 
tout  son  train  prenant  le  chemin  d'Avignon,  et  la  gallere  eschappée  se 
prépare  à  partir  dans  quatre  jours  pour  s'en  retourner  à  Home  ou  à 
Givita  Vecchia,  de  sorte  que  toutes  mes  lettres  sont  perdues  excepté 
deux  qui  se  trouvèrent  dans  la  pochette  de  M'  Menestrier.  Et  se  sont 
perdus  par  mesmes  moyens  divers  petitz  fagotz  de  livres  et  de  curiositez 
que  l'on  m'envoyoit  de  Rome.  Mais  je  n'en  sçaurois  encores  perdre  en- 
tièrement l'espérance. 

On  me  vient  encore  de  mander  d'Aix  que  les  ordinaires  de  I>yon  ont 
esté  volez  en  chemin,  ce  qui  me  fera  différer  jusqu'à  la  sepmaine  pro- 
chaine de  vous  envoyer  les  principaux  livres  de  vostre  fagot,  m'imaginant 

II.  1^0 


mrBivitit  stnOKtts. 


ât4  LETTRES  DE  PEIRESG  [1632] 

que  dans  ce  temps  l'orage  devra  estre  passé  plus  avant  et  avoir  laissé 
libre  le  pais  et  le  chemin  de  la  poste.  Je  vous  supplie  de  faire  tenir  par 
voye  la  plus  asseurée  que  vous  pourrez  les  lettres  que  j'escripts  tant  à 
M"  le  Jeune  que  vous  avez  veu  par  fois  chez  vous,  qu'à  M''  Engobert  qui 
souloit  se  tenir  à  Fontainebleau  dans  la  maison  du  Roy,  à  qui  je  de- 
mande un  petit  dessein  d'architecture  qu'il  m'avoit  promis,  dont  je 
vous  supplie  de  luy  payer  la  façon  selon  sa  bonne  discrétion,  et  de  ne 
m' envoyer  le  dessein  qu'il  vous  remettra  que  dans  quelque  livre  oii  il 
puisse  estre  tout  à  plat  sans  luy  faire  plusieurs  plys'. 


LIX 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 
Monsieur, 
J'ay  receu  vostre  despesche  du  5^  de  juillet  depuis  deux  ou  trois  jours 
et  viens  de  recepvoir  inesperement  à  ceste  heure  celle  du  treizième  avec 
la  lettre  de  M""  Rigault  et  celles  de  M'  Aubery  dont  je  vous  remercie 
tiez  humblement,  ne  pouvant  vous  exprimer  combien  je  me  sens  rede- 
vable à  voz  honnestetez  et  mortifiié  de  ce  que  vous  ne  voulez  pas  souf- 
frir que  je  vous  eu  rende  les  foibles  tesmoignages  de  recognoissance 
que  je  pourrois  au  moins  de  bouche,  puis  que  j'ay  si  peu  de  moyen  de 
m'en  acquitter  par  effect,  mais  puis  que  vous  le  voulez  ainsy  il  fault  que 
je  me  conforme  à  voz  intentions,  attendant  si  Dieu  me  voudroit  faire  la 
grâce  de  trouver  un  jour  quelque  moyen  de  vous  dignement  servir,  à 
quoy  je  ne  m'espargneray  pas.  J'ay  bien  regretté  la  maladie  de  M'  Saul- 
maize  lors  du  premier  advis ,  mais  puisqu'il  s'est  recogneu  que  ce  n'est 
pas  la  colique  nefretique ,  il  semble  qu'il  s'en  doibve  grandement  resjouir 
et  tous  ses  amis  et  serviteurs ,  qui  ont  bien  plus  de  subject  de  regretter  avec 
le  public  qu'un  si  grand  personnage  nous  soit  enlevé  de  la  sorte  et  que 

'  Vol.  717,  fol.  i3a. 


[1G32]  AUX  FRKRES  DUPUY.  315 

parmi  une  si  fjrande  profusion  de  finances  il  ne  se  soit  pas  peu  espargnei' 
un  fonds  de  mille  escus  pour  son  entretien.  Je  luy  suis  {rrandemcnl 
obli{{(5  de  la  bonne  volonté  qu'il  luy  plaict  me  tesmoifjner  et  attendray 
en  bonne  dévotion  tout  ce  qu'il  daignera  nous  mander  aprez  son  ar- 
rivée en  Hollande  lorsqu'il  en  aura  la  commodité.  Je  n'eusse  pas  trouvé 
estrange  la  retraitte  de  M"^  Grotius  s'il  eust  esté  si  mal  payé  de  ses  ap- 
pointements comme  j'apprehendois,  mais  puis  qu'il  n'estoiten  arrérages 
que  de  la  dernière  année,  je  ne  pense  pas  qu'il  fust  liors  d'espérance 
de  la  recouvrer,  ne  qu'il  deusse  chercher  d'aultre  retraitte  puis  que 
celle  de  sa  patrie  luy  a  manqué,  ne  pouvant  vous  dissimuler  que  j'ay 
esté  fort  scandalizé  d'apprendre  par  voz  lettres  qu'il  y  ave  esté  si  indi- 
gnement traitlé  et  persécuté.  Je  me  resjouis  infiniment  de  voir  que 
M''  Rigault  se  soit  embarqué  si  avant  en  l'édition  de  son  TertuUian,  et 
puis  que  le  ballot  de  livres  n'est  poinct  encore  party  et  qu'il  me  mande 
de  n'y  vouloir  poinct  repeter  les  observations  qu'il  avoit  cy  devant  bail- 
lées séparément,  je  vous  supplie  de  m'envoyer  un  exemplaire  de  ses 
dictes  observations  sur  TertuUian  in  8°  par  la  première  commodité  que 
vous  en  aurez.  J'ay  esté  infiniment  ayse  aussy  d'apprendre  que  M'  du , 
Chesne  se  soit  enfin  résolu  de  donner  tous  les  historiens  françois  et  que 
M'' Bignon  luy  baille  si  courtoisement  ses  observations  sur  Grégoire  de 
Tours.  Je  serois  bien  fasché  de  luy  avoir  rien  reiïuzé  qui  fust  en  mon 
pouvoir,  mais  j'ay  bien  peur  de  ne  pouvoir  pas  contribuer  chose  qui  vaille 
à  sa  curiosité,  principalement  s'il  ne  s'attache  aux  historiens  latins,  mon- 
sieur l'Abbé  m'ayant  retenu  tout  ce  qu'il  y  avoit  de  meilleur  parmy  les 
m[anu]s[crit]s  que  je  luy  avois  communiquez  en  ceste  matière,  car  si  bien 
il  m'en  a  rendu  quelques  uns,  j'ay  trouvé,  quand  j'ay  pensé  les  revoir, 
qu'il  en  avoit  arraché  les  cahiers  et  feuilletzprincipaulx  et  pi  us  notables '.et 
pense  que  quand  il  verra  faire  cette  édition ,  il  se  résoudra  plus  facilement 
de  mettre  à  rançon  la  restitution  de  ce  qu'il  a  du  tiers  et  du  quart  pour 
l'amour  du  public,  car  il  verra  bien  que  M""  du  Chesne  se  pourra  passer 

'  Le  manuscrit  latin  4ç)i  a  de  la  Biblio-  Voir  L.  Delisle,  ht  Cahiwl  des  manuscrits  de 
thèque  nationale  est  un  des  nianiiscrils  de  la  Bibliothèque  nationale,  I.  I.  p.  aSA.  Sur 
Peiresc  qui  furent  mutiles  par  Charles  LabW.        Cliarles  Labbd,  voir  I.  I,  p.  ià8. 

io. 


316  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

de  beaucoup  de  choses  qu'il  pensoit  ne  pouvoir  sortir  que  de  ses  mains. 
Je  ne  pensoispas  que  M^du  Chesne  peusse  eslre  pressé  du  livre  d'Arles, 
puis  que  vous  en  aviez  un  exemplaire  dont  je  m'asseure  bien  qu'il  se 
peut  servir  quand  il  voudra,  en  attendant  celluy  que  je  luy  gardois, 
mais  puis  qu'ainsy  est  je  luy  envoieray  le  sien,  Dieu  aydant,  la  sep- 
maine  prochaine  pour  laisser  place  à  ceste  fois  à  la  continuation  de 
l'envoy  de  vostre  fagot  de  Rome.  Pour  l'édition  des  œuvres  de  Galien 
du  sieur  Tarin  •,  je  contribueray  de  bon  cœur  s'il  s'en  veut  servir 
un  assez  gros  volume  que  j'ay  m[anu]s[crit]  en  langue  hébraïque  con- 
tenant un  grand  nombre  d'opuscules  de  cet  autheur  traduicts  du  grec, 
entre  lesquels  il  y  a  plus  d'une  quinzaine  qui  n'ont  point  esté  imprimez 
en  aulcune  langue  que  je  sache.  J'ay  bien  de  l'obligation  à  M""  de  Cordes 
du  supplément  qu'il  luy  a  pieu  me  procurer  de  ce  passage  de  l'histoire 
des  papes,  mais  le  public  luy  en  a  bien  davantage  s'il  a  eu  le  seing, 
comme  je  me  l'imagine ,  d'empescher  que  ces  parolles  ne  soient  poinct 
passées  dans  l'édition  de  ce  vieux  m[anu]s[crit],  attendu  le  ])rejudice 
qu'elles  ponvoient  faire  aux  droicts  du  Roy  et  que  cest  autheur  tranche 
trop  crûment  la  décision  d'une  question  qui  estoit  en  controverse  de 
fort  longue  main  et  où  il  ne  manquoit  pas  de  tiltres  au  contraire  des 
prétentions  de  ce  prince,  mais  je  suis  plus  redevable  que  je  ne  sçaurois 
représenter  à  M""  le  président  de  Meslay  pour  la  faveur  qu'il  a  tesmoi- 
gnée  me  vouloir  prouver  et  voudrois  bien  le  servir  en  revanche  en 
chose  de  son  goust. 

Je  n'avois  pas  ouy  parler  de  l'édition  romaine  des  lettres  italiennes 
du  cardinal  Bentivoglio  '^;  il  fauldra  attendre  que  le  temps  nous  en  donne 
la  disposition  et  l'usage.  J'ay  veu  la  lettre  que  vous  escript  M'  Ghifflet, 


'  Jean  Tarin ,  né  à  Beaufort-en-Vallée  lien.  L'édilion  des  oeuvres  complètes  de  ce 

(septembre  1690),  fut  recteur  à  l'Université  médecin  et  d'Hippocrate  allait  être  donnée 

de  Paris  en    lôaS  et   i6a6,   devint,   en  par  René  Chartier  (Paris,  1689  et  années 

1629,  professeur  d'éloquence  grecque  et  suivantes,  in-fol.). 

latine  au  Collège  de  France  et  mourut  en  '  Raccolta  di  leltere  del  car.  Bentivoglio 

janvier  1666.  Tarin  ne  réalisa  pas  le  projet  (i63t,  \n-l>°). 


qu'il  avait  eu  de  publier  les  œuvi-.^s  de  Ga- 


[1632]  AUX  FRERES  DUPUY.  317 

la(|uclle  jo  vous  renvoio.  H  m'escript  en  mesnies  t(M'mes  et  je  seray  bien 
ais(!  (le  le  servir  en  ce  que  je  pourray,  mais  à  vous  dire  la  vérité,  j'avoie 
espéré  de  pouvoir  faire  imprimer  ce  qu'il  me  demande',  avec  le  livre 
des  Tournois  de  nostro  roi  Hené  que  le  sieur  Tavernier  avoit  enlre- 
prins'^  Il  est  vray  que  si  le  dict  sieur  Tavernier  ne  se  resoult  d'y  faire 
d'aullres  diligences,  il  vaudra  bien  mieux  que  je  baille  à  M''Clii(ïlet  ce 
<|ae  j'ay  ([ue  de  le  laisser  ainsy  [)erir.  ■ 

11  me  reste  à  vous  remercier  du  soinj^  que  vous  avez  pris  de  mes  liv^e^ 
dont  j'ay  veu  le  roolle,  où  je  n'ay  {jarde  de  rien  trouver  à  redire  d'aul- 
tant  que  je  ne  sçaurois  faire  de  meilleur  choix  que  le  vostre,  et  que  je 
n'en  puis  pas  avoir  la  cognoissance  que  vous  avez,  n'y  en  ayant  aulcun 
de  ceux  que  je  ne  vous  demandois  pas  lequel  je  ne  vous  eusse  demandé, 
si  j'en  eusse  eu  cormoissance ,  plus  instamment  que  tous  ceux  que  je  vous 
ay  demandez.  J'ay  envoyé  à  ce  matin  à  M'  de  Gastines  la  lettre  de  change 
([uc  vous  aviez  laissée  suramier,  que  je  vous  renvoyerai  raiïraischicDieu 
aydant  par  le  premier  ordinaire.  Vous  m'avez  obligé  de  m'envoyer  des 
exemplaires  redoublez  d'aulcuns  de  ces  livres  plus  curieux,  et  eusse 
bien  désiré  qu'en  eussiez  faict  de  mesme  de  l'opusculus  de  Lansbergius 
de  terrae  motu  et  que  n'eussiez  pas  oublié  une  coupple  d'exemplaires 
qneje  vous  demandois  Samuelis  Petiti  raiscellaiieorum  in-/i°deran  i63o 
comme  vous  me  les  mettez  en  roolle  de  ces  églogues  seulement'.  Je  ne 
trouve  point  trop  cher  le  Pelrus  de  Natalibus*  à  dix  livres  pour  un 
homme  (|ui  en  a  affaire,  non  plus  que  le  Democares'  à  8  livres  et  le 

'  Encore  un  projet  que  Peiresc  tievnit  '  Pietro  de  Natali,  hagiographe  du  xv* 

abandonner!  siôcle,  nd  a  Venise,  publia  dans  In  ville  de  Vi- 

■'  Ce  livre  n  élé  iuxueusemenl  publié  ccnce: CataloffusSanclorumelgestorumennnn 
(Paris,  1626-1637,  librairieF.-Uidol,gran(l  ex  diversis  voluminibm  eollechu  (i&93,tn- 
in-fol.)  :  Les  tournois  dit  roi  René,  d'aprh  fol.).  Le  Manuel  du  libraire  signale  une  édi- 
te manuscrits  et  les  dessins  originaux  de  la  lionde  Venise(i5o6)elunedeLyon(i5o8). 
bibliothèque  royale.  MM.  Cbanipollion-Fi-  Tune  et  l'aiilre  in-folio, 
geac  soignèrent  le  tente  et  les  notes;  '  Antoine  de  Moucby,  dit  Dt'mocliarès . 
M.  L.-J.-J.  Dubois  se  cbargea  des  dessins  naquit  à  Ressons-sur-Matz  (Oise)  en  1494, 
et  planches  coloriées.  futdocteur  de  Sorbonne,  chanoine  de  Noyon , 

■'  Eclogw    chronologicœ   (  Paris ,    1 63 1 .  inquisiteur  de  la  foi ,  et  mourut  h  Paris  en 

in-4°).  1874,  doyen  de  la  faculté  de  tliéologie.  Le 


818  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

Martyrologium  Pétri  Galesini  '  à  7  livres.  C'est  pourquoy  je  vous  prie 
de  les  faire  prendre  pour  les  faire  mettre  dans  mon  ballot  quand  on 
l'envoyera  et  d'y  faire  joindre  s'il  vous  plaict  une  couple  d'exemplaires 
de  ce  Jean  de  Bourdenave  des  Cours  ecclésiastiques  in-^^de  l'an  1626^, 
que  je  pense  estre  ce  que  l'on  me  demandoit,  sans  oublier  le  Martyro- 
logium Monaslicum  en  blanc  de  la  meilleure  édition  qui  se  trouvera 
avec  l'Aristote  grec-latin  in-fol°  rellié  en  bazane  verte  ^.  Et  les  oeuvres 
de  Malherbe  m-h°  semblablement  relliées  en  bazane  verte*,  ensemble 
praxis  medicinse  nova  ratio  Johannis  Heurnii,  Raphelengius,  1609  en 
blanc  et,  s'il  se  trouvoit,  un  Ferrandus  diaconus  Carthaginensis  de  Rome 
qui  a  faictunbreviariumcanonuni  et  des  epistres^;  mais  pour  les  œuvres 
de  s'  Tomas®,  advertiray  ce  mien  amy  qui  les  desiroit  pour  en  suivre 
ses  ordres. 

Excusez  moy  ce  pendant,  je  vous  supplie.  Monsieur,  de  tant  d'impor- 


Moréri  rappelle  «qu'il  composa  divers  ou- 
vrages, dont  le  plus  considérable  est  celuy 
de  saciificio  missœn.   Voir  la   liste  de  ses 


autres  ouvrages  dans 
çoise  de  Du  Verdier 
Mouclty). 

'  Pierre  Galesini, 


la  Bibliothèque  fran- 
(au  mot  Antoine  de 

de  Milan,  protono- 
taire apostolique,  donna  une  nouvelle  édi- 
tion du  Marlyroloffe  romain,  avec  des  notes 
(Milan,  1677),  édition  dédiée  au  pape  Gré- 
goire XIII. 

^  Estât  des  cours  ecclésiastiques,  ou  de 
l'autorité  et  juridiction  des  grands  vicaires  et 
des  ojîciaux  et  juges  de  l'Eglise.  Les  bio- 
graphes et  bibliographes  ne  citent  de  cet  ou- 
vrage qu'une  édition  de  i655.  Jean  de  Bor- 
denave  fut  chanoine  de  Lescar,  grand  vicaire 
d'Auch. 

'  Opéra  omnia ,  grœce  et  latine,  veterum 
ac  recentiorutn  interpretum  studio  emendatis- 
sima. . .  Huic  editioni  accessit  brevis  ac  perpe- 
tuus  in  omnes  Arislotelis  libroscommentaritts. .. 
authore . Guill.  Du  Val  (Paris,  i62  9,in-fol.). 


C'est  la  reproduction  de  l'édition  de  1619. 

'  Nous  avons  déjà  vu  que  les  Œuvres 
de  messii-e  François  de  Malherbe  parurent 
in-lt°  en  i63o  et  reparurent  dans  le  même 
format  en  i63i. 

'  Fulgentius  Ferrandus,  diacre  de  l'église 
de  Carthage,  mourut  vers  le  milieu  du 
vi'  siècle.  Ce  fut  un  disciple  de  saint  Ful- 
gence.  Ses  œuvres  complètes  parurent  par 
les  soins  du  P.  Pierre-François  Chifflel  (Di- 
jon, 1649,  in-i°).  Le  breviarimn  dont  parle 
Pcirescavaitété  publié  par  Pierre  Pithou  [Ful- 
gentii  Ferrandi  Carthaginiensis  ecclesim  Dia- 
coni  Breviatio  Canonum ,  et  Crisconii  Brevia- 
rimn CaMonwH  (  Paris ,  1.598,  in-8°). 

'  Voir  dans  le  Manuel  du  libraire  ((.  V, 
col.  Sai),  rénumération  des  principales  édi- 
tions des  Œuvres  complètes  de  saint  Thomas 
d' Aquin  antérieures  à  1 6  3  2 ,  éditions  qui  sont 
celles  de  Rome  (1570-1671,  18  vol.  in-fol.), 
de  Venise  (1593-1694,  18  vol.  in-fol.), 
d'Anvers  (161 4,  19  vol.  in-fol.). 


[1632]  AUX  FRKRES  DUPUY.  319 

lunité.  Je  feray  chercher  à  Rome  le  Mombritius'  et  le  Lippomannus* 
pour  vous  (lescharger  d'aullant  et  denieureray  à  jamais. 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Boysgency,  ce  a  5  juillet  i63a. 

Si  vous  avez  appris  que  le  sieur  Ilenricus  Spelmannus  d'An{j[[leterre] , 
qui  a  faict  le  glossaire  de  l'Archaiologie ,  soit  encore  vivant  ou  non ,  je  vous 
prie  de  m'en  escripre  ce  que  vous  en  sçaurez^.  M""  Vignon  en  sçaura 
sans  double  des  nouvelles. 

Vous  me  dictes  que  Quentin  est  dans  la  nécessité.  Si  cela  estoit  et 
qu'il  se  peusse  resouldre  de  vivre  sans  desbauche,  je  luy  donneray 
lousjours  de  quoy  vivre  avec  moy,  s'il  veut  venir  de  pardeça,  mainte- 
nant que  je  ne  me  puis  pas  passer  avec  un  seul  homme  qui  escripve 
soubs  moy,  depuis  la  l'oiblesse  (jui  m'est  demeurée  au  bras  droict  aprez 
la  grande  enflure  et  inflammation  que  j'y  eus  durant  ma  dernière  ma- 
ladie, et  s'il  se  resolvoit  à  venir,  faictes  qu'il  vous  dise  à  quelle  condition 
il  pretendroit  le  faire  ''. 


'  Bonino  Moiibriziu  naquit  îi  Milan  en 
i4a4  et  mourut  vers  i/iSa.  Son  plus  cdlèbre 
ouvrage  est  :  Sanctuariiim  sive  vilœ  Sancto- 
riun  (a  vol.  iii-fol.).  Voir  le  Manuel  du  li- 
braire, t.  m,  col.  i8i8. 

*  Aloisio  Lipponiaiii,  nd  vers  iSooh  Ve- 
nise, évoque  (le  Modène,  de  Vérone,  de  Ber- 
game,  nonce  en  Allemagne,  en  Pologne,  en 
Portugal,  mourut  le  i5  aoûl  iSSg.  Il  est 


auleui-  de  plusieurs  ouvrages  parmi  les«]ueis 
on  remarque  :  Sanctorum  priscorum  viue 
(Romeel  Venise,  i55i-i56o,  8  vol.  in-4"). 
Voir  sur  cette  édition  et  les  é<litions  suivantes , 
notamment  celle  de  Venise,  i58i,  en  6  vol. 
in-fol. ,  le  Manuel  du  libraire,  1. 111 ,  col.  i  oq3. 

'  Henri  Spelnian,  comme  nous  l'avonsdéjà 
vu ,  ne  monnU  que  le  a 4  octobre  1 6ft  i . 

'  Vol.  717,  fol.  134. 


320  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 


LX 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur 

Je  viens  de  recepvoir  fort  opportunément  vostre  despesche  du  ig"" 
de  ce  mois  assez  à  temps  pour  vous  pouvoir  faire  responce  par  cet  or- 
dinaire, vous  remerciant  trez  humblement  du  soing  que  vous  avez  eu 
de  mes  lettres  et  du  Columela  et  des  nouvelles  dont  il  vous  a  pieu  nous 
faire  part,  dont  nous  sommes  plus  affamez  et  affriandez  que  jamais,  h 
cause  des  bruicts  qu'on  faict  courir  tous  les  jours  sur  cez  mouveuients 
de  Monsieur  que  l'on  faisoil  desja  embarrassé  parmy  les  dames  d'Avi- 
gnon tandis  qu'il  estoit  encores  en  Rouergue,  mais  j'ay  esté  grandement 
affligé  d'apprendre  la  grande  maladie  du  pauvre  M""  Saulmaize,  priant 
Dieu  qu'il  le  veuille  bien  guérir  et  préserver  de  ce  danger  et  donner 
loisir  à  noz  ministres  de  le  retenir  dans  le  Royaulme  et  de  le  reco- 
gnoistre  comme  il  mérite  ^ 

Monsieur  l'Abbé  a  grand  tort  de  ne  faire  imprimer  sa  collection  des 
glossaires  puis  qu'elle  est  tant  advancée,  et  les  imprimeurs  ont  encores  . 
plus  de  tort  s'ils  font  difficulté  sur  la  grosseur  de  l'ouvrage ,  attendu  qu'il 
n'y  a  guieres  de  livres  d'un  plus  gênerai  débit  que  ceux  là  par  tous  les 
endroicts  de  l'Europe.  Je  pense  qu'ils  ne  craignent  si  ce  n'est  que  cela 
soit  contrefaict  à  Genève  ou  en  Allemagne,  pour  eslre  de  trop  grand 
usaige  partout.  Mais  leur  édition  ne  laisroit  pas  pourtant  d'estre  bien 
tost  enlevée,  et  si  ceux  de  Paris  sont  si  delicatz  de  ne  le  pas  vouloir  en- 
treprendre, il  vaudroitbien  mieux  que  M'' l'Abbé  se  resolust  de  le  laisser 
faire  à  ceux  de  Genève  qui  sçauront  bien  y  trouver  leur  compte  mieux^ 
que  ceux  de  Paris.  Je  faicts  responce  au  bon  homme  Jacques  de  Bié^ 

'  Voir-sur  les  démarches  faites  plus  lard  •  On  conserve  cette  réponse,  datée  du 

pour  retenir  Saumaise  en  France  ]e  fasci-  3i  juillet  iCSa.  dans  le  registre  II  des  mi-      ^ 

cule  des  Correspondants  de  Peiresc  qui  est  nutes   de  la   bibliothèque  de   Carpentras, 

consacré  à  cet  érudit,  n"  V,  1882,  p.  62.  fol.  359  v°. 


[1632]  AUX  FUÈIIKS  DUPUY.  321 

sur  l'édition  des  portraicls  au  naturel  de  iioz  Rois  de  France  et  ne 
tiendra  qu'à  luy  qu'il  n'aye  tout  ce  que  j'en  ay  rccueilly,  ne  pensant 
pas  que  d'aultres  luy  en  puissent  fournir  d'assortiment  comparable 
au  mien;  mais  il  fauldroit  qu'on  prist  la  peine  de  les  venir  desseijjner 
devant  moy,  aultreniont  il  seroit  lorl  malaisé  do  rien  faire  qui  vaille,  à 
cause  des  advis  que  je  puis  donner  au  peintre  pour  sup|)léer  aux  man- 
quements qui  se  trouvent  souvent  en  telles  pièces  et  pour  ne  rien  faire 
sans  fondement  de  bonne  authorité  et  qui  ne  soit  bien  conforme  aux 
divers  usaiges  selon  la  diversité  des  siècles,  car  je  ne  voudrois  poinct, 
s'il  estoit  possible,  que  des  choses  si  fidelles  et  légitimes  comme  sont 
toutes  celles  que  j'ay  mises  ensemble  fussent  meslées  indifféremment 
avec  celles  que  le  dit  de  Bié  a  dcsja  gravées,  qui  ne  sont  forgées  que 
depuis  hier  bien  qu'elles  ayent  leur  relalion  à  d'aultres  siècles  plus  an- 
ciens, et  voudrois  en  toute  façon  une  édition  séparée  de  toute  la  suitte 
des  portraicts  de  noz  Roys,  selon  que  je  les  ay  trouvez  en  lieux  irrépro- 
chables avec  quelques  unes  des  principalles  médailles  de  leur  temps,  sauf 
par  aprez ,  s'ils  en  veullent  tirer  quelques  pièces  pour  les  mesler  parmy 
les  leurs,  de  le  faire,  si  bon  leur  semble,  pourveu  que  j'aye  une  édition 
à  part  oh  il  n'y  ayt  rien  de  supposé  et  qui  ne  soit  examiné  et  advoiié 
pour  légitime.  Vous  le  pourrez  envoyer  quérir  et  luy  rendre  ma  lettre 
chez  vous  alin  que  vous  voyez  si  j'ay  raivson  ou  si  j'ay  tort,  pour  me 
conformer  à  ce  que  vous  trouverez  bon  en  cela  comme  en  toute  aullre 
chose/Monsieur  Mencstrier  est  encores  céans'  et  n'attend  plus  rien  de 
sa  malle  que  ce  peu  qu'il  a  recouvré  selon  la  discrétion  de  deux  des 
voUeurs  qui  luy  ont  rendu  ce  que  bon  leur  a  semblé  et  rien  plus. 
N'ayant  poinct  esté  possible  de  rien  tirer  des  aultres  qui  avoient  par- 
ticipé au  butin,  bien  que  Monsieur  le  General  des  galleres  en  aye  faict 
mettre  deux  des  principaux  à  la  chesne,  mais  on  n'a  point  eu  d'acquest 
à  tout  cela,  elle  pix  est  (jue  lorsqu'ils  firent  leurs  partages,  pour  se  pré- 
parer un  prétexte  d'ignorance  concernant  ce  qui  m'appartenoit  <\  moy, 
ayant  trouvé  quantité  de  lettres  qui  m'estoient  adressées  et  qui  accom- 

'  Gassendi  parle  ainsi  (liv.  IV,  p.  Sjlt)  du  sëjourà  Belffenlier  de  Ménestricr:  irUsusque 
est  jucundissima  per  aliquet  hebdomadas  consueludine  Menelrii...  » 

11.  il 

uirii^ittit  lurtoiALt. 


322  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

pagnoieiit  des  boittes  remplies  de  curiositez  et  des  fagots  de  portraictures 
et  desseins  de  choses  antiques,  il  y  avoit  mesmes  des  livres  que  in'en- 
voyoient  tant  le  cardinal  Barberin  que  le  cardinal  Bagni,  dont  les  ca- 
chets firent  un  peu  de  peur  à  cez  canailles,  de  sorte  qu'ils  se  résolu- 
rent de  les  jetter  toutes  dans  la  mer  et  m'ont  privé  par  ce  moven  de  la 
consolation  que  j'eusse  eue  à  voir  les  lettres  de  mes  amis,  mais  de  ce 
qui  est  eschappé  des  mains  de  cez  voleurs  il  y  a  encores  quelques  pièces 
assez  curieuses  pour  m'empescher  de  regretter  la  peine  qu'il  y  a  eue 
pour  en  poursuivre  le  recouvrement,  mon  frère  avant  laict  deux  voyages 
h  ToHon  pour  ce  subject.  Le  dict  sieur  Meneslrier  faict  estât  de  partir 
le  plus  tost  qu'il  pourra  pour  aller  passer  chez  luy,  et  de  là  jusques  à 
Paris,  mais  il  craint  bien  de  trouver  des  empeschements  sur  son  chemin 
avec  ces  trouppes  en  mouvementz  qui  fournissent  de  si  beaux  prétextes 
aux  larrons  des  bois,  ce  qui  luy  faict  avoir  un  peu  déplus  patience  de  par 
deçà  pour  donner  loisir  aux  trouppes  de  Monsieur  de  se  rendre  auprez 
de  sa  personne  et  par  conséquent  s'esloigner  des  grands  chemins,  par 
où  il  présuppose  de  passer  avec  ce  qu'il  a  peu  sauver  de  .ses  bardes. 
Nous  n'avons  point  de  nouvelles  de  pardeçà  sinon  des  bruicts  que  des 
mariniers  ont  apportez  à  Tollon  les  uns  du  costé  de  Barcelonne,  où  ils 
disent  avoir  eu  quelque  révolte  ou  émotion  populaire  pour  laquelle 
l'Infant  et  Cardinal  se  retira  bien  viste,  les  aultrcs  du  costé  d'Italie,  où 
ils  disent  avoir  appris  que  le  cardinal  Ludovisio  '  estoit  mort  à  Bou- 
longne,  qui  seroit  un  beau  coup  de  pied"^  au  cardinal  Barberin  et  à  son 
frère  ^,  car  la  seule  charge  de  Vice  Ghancellier  vault  quarante  mil  escus 
de  rente,  ce  qui  augmenteroit  bien  les  moyens  du  cardinal  Barberin 
pour  donner  des  appointements  aux  gentsde  lettres  qui  sont  autour  de 
luy  plus  dignes  de  leur  mérite  qu'il  n'avoit  encores  peu  faire.  Vous  en 
sçaurez  des  asseurances  plus  tost  que  nous.  On  a  verifïié  au  Parlement 

Louis  Ludovisio,  de  Bolog'ne,  neveu  du  dernes.  C'est  par  ironie  que  Peiresc  appelle 

pape  Grég-oire  XV,  archevêque  de  Bologne,  coup  de  pied  ce  qui  devait  élre  si  avantageux 

avait  été  nommé  cardinal  eni6gi.  aux  deux  frères  Barberi  ni. 
■  Cette  expression  figurée  ne  se  retrouve  ^  Le  cardinal  Antonio, 

pas  dans  nos  dictionnaires  anciens  ou  mo- 


[lG3i]  AUX  FRÈHES  DUPUY.  323 

les  lettres  patentes  du  pouvoir  de  M'  de  S'  Chaumoiit'  pour  la  char{{c 
de  Lieutenant  gênerai  en  ceste  province,  dont  la  publication  a  esté 
l'aicte  fort  solennellement  par  touttesles  villes  et  sièges  principaux  du 
ressort  du  Parlement,  avec  l'assistance  des  consuls  des  lieux  vestus  de 
leurs  chappcrons,  ce  qui  n'est  pas  tant  ordinaire  en  ce  pais  icy  comme 
ailleui-s.  On  a  saisy  et  emprisonné  à  Aix  l'un  de  ceux  qui  avoit  esté  aul- 
trefois  complice  des  sonnettes^  pour  avoir  tenu  quelques  discours  inso- 
lents sur  les  bruicts  des  approches  de  Monsieur  en  Langiledoc.  11  envoya 
faire  des  compliments  au  Vice  Légat  d'Avignon  par  un  des  siens  qui 
disoit  l'avoir  laissé  en  Uouergue,  ce  qui  consola  fort  tous  ces  Messieurs 
d'Avignon ,  car  ils  pensoienl  le  voir  desja  à  leurs  portes  et  en  avoient  belle 
peur,  mais  il  les  fit  asseurer  (pi'il  les  protegeroit  fort  soigneusement. 
Monsieur  le  Maresclial  de  Victry  s'est  rendu  à  Tarascon  pour  cslre  plus 
prez  de  la  frontière  du  lUiosne.  Messieui-s  d'Arles  receurent  une  lettre 
de  Monsieur  de  Montmorency  pour  les  advertir  que  Monseigneur  venoit 
en  Languedoc  et  qu'ils  missent  bon  ordre  à  la  seureté  de  leur  ville, 
ce  qui  seroit  grandement  pour  demantir  les  faux  bruicts  qu'on  faisoil 
courir  comme  si  M''  de  Montmorancy  et  tout  le  Languedoc  s'estoient 
desja  desclaiez  pour  Monsieur,  mais  c'estoit  des  bourdes  que  l'on  faict 
communément  débiter  au  change  d'Avignon,  sur  quoy  je  finis  priant 
Dieu  qu'il  vous  donne  une  bonne  paix  et  qu'il  vous  tienne  tous  en  sa 
saincte  garde,  demeurant. 
Monsieur, 

vostre  irez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Pëiresc. 

A  Boysgency,  ce  dernier  juillet  i639. 

J'envoye  présentement  l'exemplaire  des  Archevesques  d'Arles  pour 
M''  du  (ïliesne\  et  à  cause  de  la  grosseur  d'icelluy  j'ay  sursis  pour  cet 


'  Au  XVII*  siècle  on  (fcrivoit  indistinc- 
tement Saint -Chamoiid,  Saint  -  Chamoni , 
Saint- Chaumont.  11  s'agit  ici  de  Mcicliior 
Mille,    marquis  de  Soint-Cliamond,  déjà 


mentionne',  tome   I,   Appendice,   p.   87'!. 

'  r.'esl-à-dii-e  des  easeareou.r .  dont  il  a  Mi' 
question  plus  bout. 

'  Pontijlcium  Arelalense ,  sire  hisloi-in  Pri- 


32/1  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

ordinaire  de  vous  envoyer  quelques  exemplaires  qui  restent  du  petit 
traicté  de  M''  INaudé',  lesquels  j'envoyeray  par  le  prochain  ordinaire. 
Ils  sont  tous  en  blanc  sans  aulcune  addresse  pareille  à  celles  des  précé- 
dent? exemplaires  que  vous  avez  receuz  par  les  derniers  ordinaires. 
S'il  se  trouve  là  un  exemplaire  du  livre  in  k°  Adolplii  Occonis  numis- 
matum  a  Ponipeio  magno  ad  Heraclium  Augustœ  Vindelicorum  1601^, 
je  vous  prie  d'en  faire  mettre  un  exemplaire  dans  la  balle,  et  quand  bien 
il  seroit  un  peu  frippé,  il  n'y  auroit  pas  trop  grand  danger  de  le  prendre 
pour  un  curieux  qui  me  le  demande  avec  grande  instance,  lequel  me 
demande  encore  le  Fulvius  Ursinus  de  familiis  Romanis  in  fol"  de  Rome 
l'an  1577',  et  s'il  s'en  trouvoit  quelques  exemplaires  à  Paris  quoy  que 
frippé,  je  serois  bien  ayse  que  vous  l'eussiez  prins  pourveu  que  le  prix 
n'en  soit  point  trop  excessif  et  que  me  le  voulussiez  envoier  par  ce  bal- 
lot de  M'  Aubery,  mais  il  fauldroit  donner  la  charge  d'en  faire  faire  l'em- 
ballage "  à  quelqu'un  qui  prinsse  le  soing  de  bien  envelopper  les  livres 
dans  des  maculatures  et  de  les  bien  ranger  dans  la  caisse  afin  qu'ils 
ne  se  gastent.  Car  ceux  qui  vindrent  dans  la  dernière  caisse  de  M""  Au- 
bery furent  fort  gastez  à  faulte  que  l'emballeur  n'avoit  pas  bien  remply 
les  vuides  et  avoit  trop  espargné  les  enveloppes  et  maculatures^. 

malum  Arelalensis  Ecckxiœ ;  auclore  Petro  1601 ,  in-i°).  Voir  Gassendi ,  iiv.  I,  p.  i5, 

Saxio   doclore   iheologo  canonico  Arelateiisi  a  l'année  1600.^1 

(Aix,  Roize,  1639,  in--'i°).  Une  pelile  notice  '  Vamiliœ  iwnaïus  qu<e  reperiunlur  in  an- 

surP.  Saxi  a  paru,  cetteannée  (1888),  dans  liquis  munismattbus  ab  urbe  condila  ad  lem- 

la  Retuc  de  Marseille  et  de  Provence.  para  divi  Aiigusti,  ex  bibliotlieca  Fiiki  Ur- 

'  Le  petit  traité  mentionné  plus  haut  :  sini,  etc.  (Rome,  1687,  in-fol.).  Voir  ce 

An  magnum  homini  a  vcnenis  perictilam.  que  dit  de  ce  travail ,  tant  admiré  de  Joseph 

*  Je  reproduis  sur  ce  numismate  une  note  Scaliger,  M.  Pierre  de  Nolhac  (  La  bibliothèque 

du  fascicule  XI  des  Correapoiidaitts  dePeiresc  de  Fulvio  Ursini,  Paris,  1887,  grand  in-S", 

{Jean  Tristan,  sieur  de  Saint-Amant ,  p.  1 3  )  :  p.  i  3  ). 

ttAdolphe  Occo,  né  à  Aug-sbourg  en  i5a4,  *  Littré  ne  cite  aucun  écrivain  sous  le  mot 

mort  en  1 6oi ,  est  l'auteur  des  Imperatorum  emballage.  Dans  le  Dictionnaire  de  Trévou.T , 

Romanorum    numismata    (Anvers,     1679,  on  cite,  sous  le  même  mot,  une  phrase  des 

in-4°).  Peiresc  s'était  lié  avec  Occo  au  mo-  Nouveaux  mémoires  sur  la  Chine da  P.Louis 

ment  où  ce  médecin  allait  donner  la  seconde  Le  Comte, 
édition  de  son  grand  ouvrage  (Augsbourg,  ^  Vol.  717,  fol.  i38. 


[1632J 


AUX  FRKRKS  DUPUY. 


325 


LXI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

ADVOCAT  EN  LA  COUR   DE  PABLEMENT  DE  PARIS, 
RÏIE  DES  POICTEVINS  PHEZ  SAI^T  ANDR^  DES  ARTZ,  CHEZ  H'  DE  TIIOC. 

À  PARIS. 

Monsieur, 

Je  ne  double  point  que  le  mérite  et  la  vertu  singulière  de  Monsieur 
Menestrier  ne  soit  notoire  h  vostre  académie,  mais  je  crois  bien  qu'elle 
le  sera  beaucoup  davanla|je  maintenant  qu'il  s'y  va  faire  cognoistre  de 
plus  prez.  Il  m'a  faict  la  laveur  de  vivre  privement  icy  (|uant  et  nous 
en  cet  hermitage  durant  trois  sepmaines  ou  un  mois,  qui  ne  m'ont  pas 
dur('^  un  dcmy  jour,  tant  j'ay  pris  de  plaisir  aux  relations  qu'il  m'a 
faictes  de  ce  qu'il  a  observe')  de  plus  digne  de  remarque  en  son  sesjour 
à  Rome  qui  est  d'assez  longues  années  pour  y  avoir  veu  quasi  tout  ce 
qu'on  sçauroit  désirer  d'y  voir.  Il  est  au  reste  d'un  naturel  si  bontif,  si 
communicable  et  si  obligeant  qu'il  se  faict  aymer  par  force  de  tous 
ceux  qui  l'approchent  et  a  ses  curiositez  jusques  à  un  si  hault  poinct 
qu'il  ne  s'en  voit  guieres  de  comparables  à  la  sienne,  ce  qui  me  faict 
juger  qu'il  trouvera  dans  vostre  académie  beaucoup  de  gcnls  cjui  en 
feront  l'eslimc  qu'il  fault  et  qui  seront  bien  ayses  de  luy  despartir  leur 
amitié,  et  principalement  ceux  de  vostre  maison  auxquels  je  ne  me 
mettray  pas  en  peine  de  le  recommander  de  peur  de  faire  tort  aux  uns 
et  aux  qultres,  mais  je  ne  laisray  pas  pourtant  de  prendre  grande  part 
à  toutes  les  obligations  que  vous  acquerrez  sur  luy,  faisant  la  profession 
que  je  faicts  d'estre  son  serviteur  comme  je  suis  de  toute  mon  affection, 

Monsieur, 

vostre  trez  liumble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DK  Peirksc. 
A  Boys{jeiicy,  se  4  nonst  iC3a  '. 


Vol.  717,  fol.  i38. 


n&  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 


un 

À  MONSIEUR,  MONSIEIR  DU  PL  Y, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
A  ce  coup  nous  avons  receu  le  pacquet  de  l'ordinaire  si  tard  que 
nous  craignions  qu'il  n'eusse  esté  arresté  par  les  chemins,  mais  en- 
cores  aurons  nous  le  moyen  de  vous  accuser  la  réception  de  vostre 
despesche  du  96''  du  passé  avec  les  advis  et  aullres  pièces  curieuses 
dont  je  vous  remercie  trez  humblement,  ayant  esté  bien  ayse  d'ap- 
prendre que  les  livres  sauvés  de  naufrage  ayent  commancé  de  tomber 
entre  voz  mains  sains  et  sauves,  vous  envoyjant  a]vec  cesle  despesche 
tout  ce  qui  m'en  estoit  demeuré  avec  un  peu  de  griffonnement  des 
couppes  d'argent  antiques  dont  je  vous  avois  cy  devant  parlé,  bien 
niarry  que  le  peintre  ne  fusse  plus  capable  de  représenter  sur  le  papier 
ce  qui  est  de  leur  vraye  forme.  Si  M""  Fredeau  me  tient  paroUe,  il  ne  tar- 
dera pas  de  nous  venir  voir  et  lors  je  vous  en  envoyeray  un  meilleur 
dessein,  Dieu  aydant,  ensemble  du  vase  d'albastre.  J'ay  esté  grandement 
fasché  d'entendre  le  mauvais  estât  de  la  santé  de  M"^  Saulmaize,  espé- 
rant que  la  jeunesse  et  le  bon  secours  qui  ne  luy  manque  point  le  tire- 
lont  de  ce  mal  quand  bien  il  seroit  plus  grand,  avec  l'ayde  de  Dieu,  le- 
quel je  prie  fort  instamment  pour  sa  guerison  et  pour  son  salut.  Je 
defereray  à  M'  Rigault  tout  ce  qu'il  luy  plairra,  niais  je  le  prierois  vo- 
lontiers de  m'apprendre  quel  estoit  le  nom  des  pendants  d'oreille  et 
aultres  pierreries  qui  se  voient  souvent  aux  ornements  des  figures  an- 
tiques, lesquels  semblent  véritablement  une  poire,  mais  elle  est  tournée 
à  rebours  et  suspendue  par  le  gros  bout,  la  pointe  estant  pendante  en 
bas;  car  si  le  nom  d'Elenchus  luy  est  incompatible  comme  veut  M'  Ri- 
gault, il  fallait  qu'il  y  en  eust  ung  aultre  qui  ne  fusse  pas  moins  en 
usage  que  celluy  d'Elenchus,  estant  véritable  que  la  description  qu'en 
faict  Pline  est  fort  convenable  à  la  figure  d'une  poire,  mais  il  ne  dict 
pas  qu'il  fusse  deffendu  de  les  porter  suspendues  par  le  gros  bout  et  de 


[163>]  AUX  FRKRES  DUPUY.  327 

laisser  pendre  la  pointe  en  bas,  en  laquelle  posture  ou  situation  semble 
luy  convenir  beaucoup  plus  proprement  l'Etymolo^pe  qui  signifie  un 
Index,  mais  je  n'ay  pourtant  garde  de  le  disputer  contre  cez  Messieurs 
(pii  uie  condampnent  m'advouant  indigne  de  leur  deslier  leurs 
courroies.  J'ay  esté  tout  surpris  de  la  nouvelle  que  vous  me  doimez 
du  voyage  de  M'  Gassendy  en  ce  pais  icy',  où  il  me  tardera  grande- 
ment d'avoir  le  bien  de  le  voir  et  de  l'embrasser,  vous  remerciant  du 
soing  que  vous  avez  eu  de  mes  lettres  à  cez  peintres*  et  de  l'advis  du 
parlement  de  la  balle  de  M'  Aubery  qui  présuppose  la  coste  nette  et 
qui  a  faict  resouldre  M'  le  Prieur  de  Houmoulles  de  se  mettre  en 
chemin  tandis  que  sa  santé  et  la  liberté  du  commerce  le  luy  peuvent 
permettre.  11  se  chargera  de  la  caisse  à  l'acheminement  et  retar- 
dement de  la([uelle  il  y  a  tant  de  fatalité  jusqnes  i\  cette  lienre.  Nous 
avons  esté  en  grande  ailarme  des  menaces  (pi'on  nous  faict  du  passage 
de  Monsieur  en  cette  province,  mais  grâces  à  Dieu  Monsieur  le  Ma- 
reschal  de  Victry  a  mis  si  bon  ordi-e  i\  toutes  les  advenues  j)lus  dan- 
gereuses, qu'il  semble  que  l'orage  soit  pour  aller  fondre  d'un  auUre 
costé. 

Nous  avons  bien  sceu  (jue  M'  de  la  Isayette  vous  a  escripl  sur  ce 
subject  et  croyons  bien  que  cez  nouvelles  voileront  en  voz  quartiers, 
mais  vous  ne  nous  excuseriez  pas  pourtant  si  nous  avions  manqué  de 
vous  faire  part  de  tout  ce  que  nous  en  avons  peu  apprendre,  car  en- 
cores  que  vous  les  recepviez  tard  elles  méritent  pourtant  d'estre  leiies 
et  d'estre  creues.  Vous  aurez  par  mesme  moyen  une  petite  relation  de 
Constantinople  un  peu  dill'erante  de  la  vostre  et  bien  mal  escriptc, 
mais  il  n'y  avoit  pas  de  temps  pour  la  faire  mettre  en  meilleur  carac- 
tère, mais  vous  excuserez  la  simplicilé  de  celluy  <pii  l'a  escriptc.  J'at- 
tends icy  dans  deux  ou  trois  jours  M'  Lambert  el  luy  escripts  à  ce  soir, 
ce  qui  ne  sera  pas  sans  luy  faire  les  coniplimcnls  de  conjouissancc  de 

'  Nous    lisons    dans    la    Vie   de  Pierre  mois  d'orlobre  \p  chemin  do  Provence. .  .  -^ 

Gassendi,  par   iJougerel  (p.    iii):ffGa8-  '  Les  [jcintres  Goberl  et  Lt'jeuue  dont  il 

sendi,  depuis  son  retour  de  Hollande,  n'é-  a  déjà  été  question  plusieurs  l'ois, 
loil  point  sorti  de  Paris;  mais  il  prit  au 


328  ■     LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

sa  venue  de  la  part  de  M"'  de  Thou,  attendant  de  les  luy  faire  icy  de 
vive  voix  en'  voyant  les  singularitez  qu'il  dict  m'avoir  apportées  de  ce 
pais  d'Egypte,  entre  lesquelles  je  suis  Lien  desja  asseuré  qu'il  n'a  pas 
rencontré  rien  de  comparable  à  un  livre  que  j'ay  recouvré  ceste  sep- 
mainc  du  coslédu  Levant  qui  a  esté  trouvé  enfagotté  avec  une  momie.  Il 
est  du  vray  Papyrus  antique  et  est  tout  escript  en  figures  ou  caractères 
hyeroglifiques  de  la  mesme  forme  que  ceux  qui  se  voyent  gravez  sur 
les  obélisques  de  Rome,  tellement  qu'il  se  peut  affirmer  sans  regret 
que  [c'est]  un  livre  pour  le  moins  de  deux  mille  ans,  n'y  ayant  guieres 
moins  de  temps  que  ces  caractères  ne  sont  plus  en  usaige,  et  possible 
est  il  plus  ancien  d'aultres  deux  mille  ans  par  delà.  Mais  je  suis  bien 
fascbé  de  n'avoir  point  encores  receu  le  Nouveau  Testament  Arabe  que 
l'on  m'avoit  faict  espérer;  pourveu  que  nous  le  recevions  tost  ou  tard, 
tousjours  en  fauldra  il  sçavoir  bon  gré  à  ceux  qui  s'en  entremettent, 
ausquels  je  n'avois  pas  manqué  de  recommander  la  diligence  sur 
toutes  choses  pour  l'amour  de  cez  Messieurs  qui  travaillent  à  la  grande 
bible.  Sur  quoy  je  finiray  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Boysgency,  ce  8  aoust  1682. 

Je  vous   supplie  d'aggreer  que  je   puisse   asseurer  icy  Monsieur 
de  Thou  de  la  continuation  de  ma  fidélité  et  de  ma  dévotion  à  son 


Vol.  717,  fol.  189. 


[1632] 


AUX  FRERES  DUPUY. 


329 


LXIII 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Je  viens  de  recepvoir  vostre  despesche  du  a*  de  ce  mois  assez  à  temps 
pour  vous  respondre  par  cest  ordinaire,  et  pour  me  conjouir  avec  vous 
de  la  bonne  nouvelle  qu'il  vous  a  pieu  me  donner  de  Testât  asseuré  de 
la  santé  de  M'  Saulmaize,  dont  je  craignois  infiniment  la  maladie  et  le 
danger  auquel  il  estoit  reduict,  espérant  que  puisqu'il  a  escliappé  d'une 
si  grande  violence  de  mal,  Dieu  l'aura  voulu  préserver  pour  son  plus 
grand  bien  et  pour  celluy  du  public,  et  pour  le  contentement  de  ses 
amis  et  serviteurs  du  nombre  desquels  je  me  tiens  grandement  honoré 
qu'il  m'ayt  voulu  advoiier.  Je  suis  bien  ayse  que  M'  de  la  Mothe  ave 
receu  son  livre  assez  bien  conditionné*  pour  en  demeurer  contant, 
mais  il  eust  esté  encore  mieux  si  j'eusse  lors  faict  esprouver  d'en  réi- 
térer à  diverses  fois  la  laveure,  par  le  moyen  de  quoy  mon  rellieur  a 
enfin  osté  et  faict  perdre  toute  la  puanteur  qu'avoit  longtemps  gardée 
un  livre  que  m'avoit  apporté  le  sieur  Menestrier  dans  le  mesme  coffre 
où  estoit  vostre  fagot,  ce  qui  luy  pourra  servir  d'advis,  au  cas  qu'il 
voulusse  faire  rellier  proprement  le  dict  livre,  J'ay  veu  les  nouvelles 
qu'il  vous  a  pieu  escripre  à  mon  frère ,  dont  je  vous  remercie  par  un 
niillion  de  fois  comme  aussy  de  ce  discours  de  bello  raoscovitico  que  je 
seray  trez  ayse  de  voir,  comme  chose  dont  nous  ne  pouvions  guieres 
avoir  ouy  parler,  en  revanche  de  quoy  je  ne  vous  sçaurois  pas  faire  de 
bien  digne  relation  des  mouvements  qui  se  sont  commancez  en  Lan- 
guedoc au  delà  de  nostre  frontière  du  Rhosne.  Je  vous  euvoyay  par  le 
dernier  ordinaire  ce  qui  s'estoit  passé  à  Beauquaire  jusques  au  6"  de  ce 
mois  entre  la  ville  et  le  chasteau  *  et  sur  le  sesjour  que  Monsieur  avoif 

'  L'opuscule  de  Gabriel  Naudé  nieDlioniié  château   de   Beaucnire ,   s'ëtait  déclaré  du 

plus  haut.  parti  de  Monsieur  et  avait  entrepris  de  s'em- 

'  Le  baron  de  Peraut,  gouverneur  du  parer  de  la  ville  qui  tenait  pour  le  roi. 

II.  lit 


330  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

faict  aux  environs;  vous  verrez  maintenant  la  suitte  jusqucs  au  dixiesrae, 
à  quoy  je  ne  puis  rien  adjouster  si  ce  n'est  qu'on  a  faict  advancer  quel- 
ques trouppes  tant  du  régiment  de  la  Tour  que  de  Vaillac  non  seule- 
ment de  ce  costé  là,  et  pour  en  mettre  en  garnison  dans  le  chasteau 
des  Baulx^  (qui  eusse  servy  d'une  retraicte  bien  forte  à  ceux  du  party 
contraire  s'ils  eussent  peu  le  surprendre  comme  il  eust  esté  difficile  de 
l'enipescher,  sans  le  grand  service  que  Monsieur  le  Maresclial  de  Vitry 
a  rendu  au  Roy  de  ce  costé  là^),  mais  aussy  pour  aller  au  fort  de 
Brescou^  à  ce  qu'on  présuppose,  en  ayant  veu  embarquer  bon  nombre 
sur  des  tartanes  qui  ont  pris  ceste  routte  et  qui  sont  parties  des  isles 
de  Marseille  jusques  où  on  les  avoit  faict  conduire  par  des  galleres. 
J'ay  veu  un  honneste  homme  qui  disoit  avoir  appris  en  Avignon  que 
ceux  de  Nismes  s'estoient  déclarés  pour  le  Roy  et  avoient  chassé  leur 
evesque  comme  suspect  du  contraire  party*  avec  quelques  aultres  de 
ses  amis  et  que  le  mesme  jour  qu'ils  feirent  ceste  action  ils  avoient  receu 
une  despesche  du  Roy  de  Suéde  pour  les  exhorter  de  demeurer  dans  la 
fidélité  et  dans  l'obéissance  au  Roy,  dont  il  parle,  ce  disoit  on,  en  termes 
de  si  grand  respect  et  de  si  grands  éloges  d'honneur  qu'il  ne  se  peult 
rien  voir  d'esgal.  Deux  matelots  de  Sixfours*  et  par  conséquent  vas- 


'  Les  Baux,  commune  des  BoucUes-du- 
Rhône,  arrondissement  d'Arles,  canton  de 
Saint-Këmy.  Sur  le  château  des  Baux  et  sur 
les  seigneurs  de  la  terre  de  ce  nom,  voir 
l'important  travail  de  M.  le  docteur  L.  Bar- 
thélémy :  Inventaire  chronologique  et  analy- 
tique de  la  maison  de  BaK.c(  Marseille,  i88a, 
grand  in-8°  de  xxx-68o  pages). 

^  Voici  comment  le  P.  Grifiet  {Histoire 
du  règne  de  Louis  XIII,  t.  II,  p.  287)  ra- 
conte ,  d'après  les  Mémoires  du  duc  d'Orléans , 
ce  que  fit  le  mardchal  de  Vitry  :  ir  Lorsqu'on 
se  disposoit  à  commencer  l'attaque  [de  la 
ville  de  Beaucaire] ,  on  apperçut  des  troupes 
qui  passoient  le  Rhône  ;  c'étoit  le  corps  de 
4oo  hommes  que  le  maréchal  de  Vilri  en- 
voyoit  au  secours  des  habitants  de  Beau- 


caire... Quelques  jours  après  le  maréchal 
de  Vitri  arriva  lui-même  à  Beaucaire  avec 
de  nouvelles  troupes.  Il  fit  armer  cinq  grosses 
barques  jiour  empêcher  les  ennemis  d'abor- 
der par  le  Rhône,  et  il  assiégea  le  château 
dans  les  formes ...  1 

"  S'agit-il  là  de  la  place  de  guerre  actuel- 
lement appelée  Vllot  de  Brescou ,  dans  la  com- 
mune d'Agde,  à  l'embouchure  de  l'Hérault? 

*  Claude  de  Saint-Bonnet  de  Toiras,  qui 
allait  mourir  quelques  mois  plus  tard  (3 1  dé- 
cembre 1682  ). 

^  Commune  du  département  du  Var,  ar- 
rondissement de  Toulon,  canton  d'Ollioules, 
à  5  kilomètres  de  cette  ville,  à  8  kilomètres 
de  Toulon. 


[1632]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  331 

saux  du  comte  de  Morot  '  en  qualité  d'abbé  de  S'  Victor  lez  Marseille, 
qui  estoicnt  allés  en  Laiijjiicdoc  pour  achepter  du  bled,  s'en  retour- 
noient sans  rien  faire  à  cause  de  cez  nouveaux  troubles,  mais  ils  ren- 
contrèrent le  comte  de  Moret,  leur  seigneur  spirituel  et  temporel  qui 
battoit  la  campagne  auprès  d'Adgue*,  lequel  leur  fit  laisser  leur  bource, 
quelque  cognoissance  qu'ils  prétendissent  debvoir  estre  entre  eulx,  sauf 
de  recouvrer  leur  remboursement  des  fermiers  de  son  abbaye  quand 
ils  pourroient.  Mon  frère  est  à  Aix  d'où  il  vous  pourra  faire  part  de  plus 
fraiscbes  nouvelles  s'il  y  en  a.  Quant  à  l'affaire  dont  Vernier  vous  a 
escript  et  au  sieur  Cramoisy,  je  pense  que  je  trouveray  le  mémoire 
qu'il  vous  a  pieu  m'en  envoier  aultresfois,  seulement  vous  puis  je  dire 
pour  ceste  heure  que  sur  un  petit  conterolle  que  tient  mon  homme  de 
mes  lettres,  il  a  trouvé  que  le  U  décembre  1628  je  vous  fis  addresser 
par  la  poste  d'Aix  un  pacquet  pour  ce  dict  Vernier,  dans  lequel  estoit 
la  responce  d'un  de  son  païs  nommé  Fontaine,  et  la  commission  que  je 
donnois  au  dict  Vernier  pour  m'achepter  quelques  livres,  dont  il  m'avoit 
envoie  le  roolle  taxé  ;  or  ce  fut  par  ceste  despescbc  là  que  je  vous  sup- 
pliay  de  luy  faire  tenir  ce  pacquet  par  quelque  libraire  de  voz  amys  qui 
prinsse  le  soing  non  seulement  de  faire  rendre  les  lettres,  mais  aussy 
de  luy  faire  payer  la  somme  qu'il  me  demandoit  lors  pour  l'achapt  des 
dicts  livres  de  laquelle  il  ne  me  souvient  pas  bien  precizement  à  cette 
heure,  mais  elle  estoit  d'environ  quinze  ou  seize  escus  sy  je  ne  me 
trompe,  et  me  souviens  fort  bien  que  vous  me  respondistes  que  le  sieur 
Cramoisy  s'estoit  volontiers  chargé  de  cette  commission  pour  l'amour 
de  vous  et  depuis  en  m'envoyant  un  bordereau  de  l'argent  que  vous 
aviez  daigné  employer  pour  moy,  il  me  semble  qu'il  y  avoit  un  article 
concernant  la  partie  que  Cramoisy  avoit  faict  payer  pour  moy  à  Nancy, 
de  quoy  il  se  debvroit  trover  quelque  chose  sur  les  livres  de  ce  temps 
là,  Toutesfois  je  m'en  rapporteray  lousjours  à  tout  ce  qui  sera  de  la  vé- 
rité, et  si  par  hazard  il  vous  estoit  demeuré  quelque  liasse  de  mes  lettres 
de  ce  temps  là ,  possible  y  en  trouveriez  vous  davantage  de  lumière ,  pour 


'  Voir  sur  Antoine  de  Bourbon,  comte  de  Moret,  le  tome  I ,  p.  289.  —  '  Sic  pour  \^. 


332  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

vous  remettre  en  mémoire  ce  qui  se  passa  lors  en  ceste  affaire;  sinon 
en  m'en  allant  à  Aix,  comme  je  ne  puis  plus  guieres  tarder,  je  pense 
que  je  retrouveray  les  liasses  de  voz  lettres  de  ce  temps  là,  qui  vous 
osteront  de  toute  sorte  de  doubte.  Cependant  je  vous  supplie  trez  hum- 
blement de  m' excuser  des  importunitez  que  vous  recevez  non  seulement 
de  ma  part,  mais  aussy  de  plusieurs  autres  qui  à  ma  considération  vous 
importunent  à  toutes  heures,  bien  marry  de  ne  vous  pouvoir  à  ce  coup 
icy  fournir  aulcun  meilleur  entretien,  ce  qui  me  fera  finir  en  priant 
Dieu  qu'il  vous  tienne  en  sa  sainte  garde  et  qu'il  vous  préserve  trez 
tous  de  cez  grandes  maladies,  qui  ont  affligé  ceste  année  tant  de  monde, 
et  des  troubles,  dont  nous  avons  couru  de  si  grosses  fortunes  de  sentir 
les  premiers  esclats,  demeurant. 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc, 
A  Boysgency,  ce  i5  aoust  1682  '. 


LXIV 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Les  lettres  de  l'ordinaire  de  la  sepmaine  passée  n'estant  arrivées  à 
Aix  qu'un  jour  et  demy  plus  tard  que  de  coustume  à  cause  de  certain 
destour  que  le  courrier  fut  contraint  de  prendre,  ce  dict  on,  cela  fit  que 
je  ne  les  peuz  pas  avoir  à  temps  pour  vous  respondre  par  le  dernier 
ordinaire  de  mardy,  par  qui  vous  aurez,  je  m'asseure,  receu  un  petit 
mémoire  de  Tollon  que  je  vous  fis  adresser,  concernant  la  prise  du 
brigantin^  de  Monsieur  de  Montmorancy  et  l'évasion  de  la  plus  part 
de  ceux  qui  estoient  dessus,  dont  en  a  depuis  esté  arresté  en  divers 

'  Vol.  717,  fol.  lia.  —  ■  La  forme  hrigandin  est  dans  Froissarl  et  la  forme  briguaiiUii 
dans  Amyot. 


[tG32]  AUX  FRKRES  DUPUY.  333 

lieux  jusques  à  cinq  ou  six,  mais  l'inlendant  principal,  qui  estoit  saisy 
(les  loltros  et  des  pislolles,  se  sauva  par  de  {;rands  contours  jusque» 
à  Bri{jnolle,  oi^i  il  prit  la  poste,  et  au  lieu  de  tirer  en  Lan{;uedoc  où  il 
s'imagina  bien  qu'il  auroit  de  la  peine  de  passer  par  terre,  il  prit  le 
chemin  de  Nice,  avec  une  telle  diligence,  qu'il  y  pouvoit  eslre  arrivé 
devant  qu'on  eusse  l'advis  de  sa  routte  pour  le  suyvre  de  ce  costé  là 
comme  on  avoit  faict  de  tous  les  aultres.  Vous  aurez  sceu  depuis  la  prise 
du  vicomte  de  l'Estrange  dans  le  fort  de  Tournon,  joignant  Privas', 
dont  vous  aurez  neantmoins  une  petite  relation  cy  jointe  pour  servir 
au  cas  que  vous  n'eussiez  pas  sceu  toutes  les  parlicularilez  qui  y  sont 
deduictes^.  Je  receus  par  aprez  vos  despeschcs  tant  du  9*  que  du  1  3"  de 
ce  mois,  accompagnées  à  vostre  accoustumée  de  tout  plein  de  curiositez 
et  d'une  lettre  du  P.  Sirmond,  dont  je  vous  remercie  trez  humblement, 
ayant  pris  plaisir  à  voir  les  nouvelles  dont  il  vous  plaict  me  faire  part, 
et  principalement  celle  de  ceste  belle  et  digne  action  de  M"'  Bignon 
(dont  nous  attendrons  la  relation  que  vous  nous  faites  espérer  avec 
grande  impatience)  et  celle  de  la  convalescence  de  M''  Saulmaize,  dont 
j'avois  esté  en  extrême  appréhension,  croyant  bien  qu'il  se  tirera  de 
ceste  petite  ficbvre  lente  qui  luy  est  demeurée,  aussy  facilement  que  je 
fis  de  la  mienne,  puisque  mes  forces  n'estoient  pas  comparables  aux 


'  Michel  LeYassoT {Histoire de  Louis  XIII , 
t.  IV,  p.  i5o)  p.irle  ainsi  du  vicomte  de  Lcs- 
Iraiige  :  irLe  inaresclial  de  la  Force  allendoit 
au  Pont  de  Saint  Esprit  l'arrivée  de  toutes  les 
troupes  qui  lui  étoient  destinées. . .  Il  envoie 
dans  le  Vivarez  une  partie  de  celles  qui  sont 
auprès  de  lui,  sous  la  conduite  de  La  Roque 
Massabaut,  et  ordonne  à  cet  oUicicr  de  dis- 
siper un  n'giinent  que  le  vicomte  de  Létrange 
ramassoit.  La  Roque  et  ses  subalternes, 
ayttnt  tenu  conseil,  et  considéré  l'état  où 
étoit  le  vicomte ,  résolurent  de  l'attaquer  dans 
un  retranchement  où  lui  et  ses  gens  préten- 
doient  se  défendre  bravement.  On  se  battit 
de  part  et  d'autre  avec  beaucoup  de  courage 


et  d'opiniAtrcté.  Mais  enfin  I^trange  fui 
contraint  à  se  rendre  prisonnier  de  guerre. 
Le  voilà  incontinent  entre  les  mains  de  l'in- 
tendant Machault,  qui  commence  l'instruc- 
tion d'un  procès  criminel.  Elbeuf  réclame 
inutilement  le  vicomte  de  la  part  du  duc  d'Or- 
léans. Il  offre  une  rançon . . .  Machault,  qui  a 
les  ordres  de  Richelieu,  condamne  Léirange 
à  la  mort.  Il  fut  décapité  nu  Pont  de  Saint- 
Esprit  ...  1  Voir  sur  le  vicomte  de  I^strange 
une  note  du  Recveil  Avenel (i.  IV,  p.  .353). 
'  Le  catalogue  de  la  Bibliothè([ue  na- 
tionale ne  contient  l'indication  d'aucune 
pièce  relative  à  Taffaire  du  vicomte  île  Les- 
Irange. 


334  LETTRES  DE  PEIRESG  [1632] 

siennes.  Je  vous  suis  trop  obligé  de  la  souvenance  qu'il  vous  plaict  avoir 
de  moy  et  de  mes  lettres  et  du  soing  que  vous  dictes  vouloir  prendre 
de  celles  que  je  vous  avois  escriptes  concernant  les  mesures  antiques, 
à  quoy  je  n'adjousteray  aultre  chose  pour  le  présent,  si  ce  n'est  que  je 
recouvray  la  sepmaine  passée  un  petit  escuelion  de  pierre  fine,  de  celle 
que  les  anciens  appelloient  Prasius  et  les  modernes  Presme  d'Emeraude, 
qui  est  fort  haulte  en  couleur,  lequel  est  de  la  juste  mezure  de  la 
cyane  de  ma  pile  antique,  à  sçavoir  de  la  contenance  de  deux  cuilliers 
ne  plus  ne  moins.  Et  en  mesme  temps  en  ay  eu  un  aultre  de  Roche 
d'Améthyste  fort  fine  et  fort  belle  en  couleur,  de  la  juste  mezure  du 
double  de  l'aultre,  laquelle  mezure  j'ay  depuis  recogneiie  estre 
marquée  par  une  raye  faicte  exprez  dans  l'escuellon  de  ma  pille  an- 
tique, qui  peze  le  quadrans,  lequel  jusques  à  la  dicte  raye  ne  contient 
que  les  quatre  cuilliers  ou  la  double  cyane,  mais  en  le  remplissant 
jusques  à  atteindre  au  hault  de  ses  lèvres,  il  contient  une  cuillier  de 
plus  qui  fait  la  concha  ou  le  demy  cyathe.  J'avois  longtemps  y  a  un 
petit  vase  de  bronze  fort  antique  et  fort  conservé,  faict  en  forme  de  la 
teste  d'un  enfant,  avec  je  ne  sçay  quel  chapiteau  par  dessus,  qui  sert 
de  goulet  au  vase ,  et  qui  me  faisoit  juger  qu'on  eusse  voulu  représenter 
la  teste  d'un  Arpocrates.  J'en  ay  depuis  peu  de  jours  recouvré  ung  aultre, 
qui  ne  contient  que  la  juste  moitié  du  précèdent,  et  qui  est  faict  en 
forme  d'une  petite  demye  idole  sur  sa  base,  qui  ressemble  fort  exacte- 
ment au  visage  d'Antinous,  le  favorit  d'Adrian,  avec  la  mesme  chevelure 
qui  se  voit  dans  ses  médailles,  et  des  boucles  de  là  et  de  çà,  pour  le 
porter  pendu,  par  une  ance  ou  par  une  chaisnette,  comme  une  situla 
ou  ung  petit  seau. 

J'ay  mesme  un  petit  vase  de  terre  antique  tout  noir  à  la  mode, 
comme  je  pense,  de  ceux  de  Thericles,  sur  lequel  est  peinte  une  teste 
de  je  ne  sçay  quelle  déesse,  et  je  ne  sçay  s'il  n'y  avoit  point  eu  quel- 
que affectation  de  faire  cez  vases  de  la  mezure  d'un  cyathe  tout  en- 
tier soubs  l'image  d'une  figure,  d'une  teste  de  deité  comme  les  égyp- 
tiens faisoient  leur  Dieu  Canopus  en  forme  d'un  vase  sans  jambes  ne 
bras,  et  qu'ils  eussent  affecté  aussy  de  faire  un  vase  de  la  contenance 


[1632]  AUX  FRÈRES  DUPLY.  335 

d'un  demy  cyathe  soubs  l'image  d'un  demy  Dieu  ou  d'un  Héros,  tel 
que  ces  peuples  dateurs  quallifioient  et  representoieut,  dans  leurs 
temples  cl  dans  leurs  monnoyes,  ce  favorit  d'Adrian,  sur  quoy  je  m'i- 
magine que  M""  Saulmaize  aura  encores  à  nous  dire  quelque  galanterie 
d'importance  ',  comme  je  seray  bien  ayse  que  vous  luy  fassiez  sçavoir 
sur  le  siibject  des  belles  observations  qu'il  a  faictes  en  ses  exercita- 
tions  sur  le  Solin,  concernant  les  Tables  citrines  des  anciens,  et  les 
citronniers,  que  j'ay  recouvré  cette  année  une  espèce  de  citronnier 
veniie  des  Indes  (et  comme  l'on  m'asseure  de  la  Gocliincliine)  ((ui 
faict  la  feuille  fort  pareille  aux  autres  citronniers,  et  seulement  un 
peu  plus  pointue,  mais  il  faict  la  fleur  double  comme  une  petite 
rose  d'une  odeur  très  excellente,  et  le  fruict  semblable  à  un  citron,  de 
mesme  couleur,  et  d'un  goust  fort  approchant,  mais  plus  suave  et 
comme  musqué.  Il  est  vray  que  sa  graine  ou  semance  n'est  point  dans 
le  mitan  du  corps  du  fruict  comme  aux  aultres  citrons  ordinaires,  ains 
tout  à  la  pointe  d'icelluy,  et  quasi  tout  à  faict  séparée  du  fruict,  à  ce 
que  l'on  m'a  dict.  Car  je  ne  l'ay  pas  encores  veu  fructiffier,  mais  on 
adjouste  que  sa  racine  a  le  bois  tout  damasquiné  ou  jaspé  de  si  belles  et 
diflerentes  veynes  ou  nerveures  et  de  si  vives  couleurs  qu'il  n'y  a  point 
de  jaspe  oriental  plus  agréablement  madré,  ce  qu'il  me  tardera  bien 
de  pouvoir  veriflier.  Mais  ce  pendant  je  vous  puis  bien  asseurer  que 
tout  le  tronc  de  ma  plante  qui  est  au  dessoubs  des  brandies  portant 
feuilles  est  ondoyé  en  son  escorce  horisontalement  avec  des  ondes  de 
relief  qui  semblent  serpenter  tout  à  l'cntour  du  tronc  les  unes  sur  les 
aultres  et  environner  tout  le  dict  tronc  jusques  dans  la  terre  d'une  façon 
fort  extraordinaire.  Et  ceste  escorce  s'est  rougic  depuis  quelques  mois 
en  çà  quasi  comme  du  corail,  qui  est  chose  si  rare  et  si  diflerente  de 
tous  nos  citronniers  desquels  je  pense  avoir  ccans  comme  une  ving- 
taine d'espèces  dilférentcs  comme  j'ay  bien  une  douzaine  de  difle- 
rentes espèces  d'orangers,  mais  il  n'y  a  rien  d'approchant  à  ceste 
plante  là,  ce  qui  me  faict  croire  que  ce  doibt  cslre  un  troisiesme 

'  Nous  avons  U-ouvd  (t.  I,  p.  484)  le  mol  galanterie  employé  dans  le  sens  de  présent. 
Nous  le  trouvons  ici  employé  dans  le  sens  de  communicalioii  agréable,  curieuse. 


336  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

genre  d'orangerie  ou  de  citronnerie  qui  nous  estoitsi  incongneu  jusques 
à  présent,  qu'il  ne  fauldroit  pas  trouver  estrange  que  ce  fust  celluy 
d'oii  se  tiroient  les  tables  citrines,  aussy  bien  que  cet  aultre  arbre  du 
Mont  Atlas,  qui  avoitla  feuille  comme  le  Geniefvre  ou  le  Cyprez,  lequel 
pouvoit  bien  fournir  des  tables  madrées  comme  ce  bois  odorant  qu'on 
apporte  des  Indes  dont. on  faict  des  chappeletz  assez  beaux,  mais  je  n'es- 
timerois  pas  que  ce  peust  estre  celluy  qui  faisoit  ces  tables  citrines  si  pre- 
tieuses  et  dont  on  comparoit  les  nerveures  à  celles  des  coquilles  de  tor- 
tues, lesquelles  ne  sembloient  pas  avoir  de  si  vives  couleurs  de  leur 
naturel  qu'elles  ne  se  peussent  rendre  plus  belles  par  le  moyen  de  la 
teinture  et  plus  capables  d'imiter  la  beauté  du  vray  bois  citrin ,  ce  qui 
méritera  bien  un  peu  de  disquisition  particulière  de  Monsieur  Saul- 
maise,  lorsque  sa  santé  luy  en  pourra  permettre  le  divertissement  et 
l'entretien.  Seulement  ne  veux  je  pas  oublier  de  luy  dire  encores  sur 
le  propos  des  orangers  que  nous  avions  de  longue  main  une  espèce 
d'orangers,  que  l'on  nomme  pommes  d'Adam,  dont  l'arbre  est  beaucoup 
plus  petit  que  les  aultres  de  son  naturel  et  n'a  point  d'espine,  mais  le 
fruict  est  prodigieusement  gros  et  quelquefois  comparable  à  la  grosseur 
de  la  teste  d'un  jeune  homme  et  de  figure  fort  ronde,  qui  a  l'escorce 
espoisse  quelques  fois  de  deux  doigts  et  d'une  consistance  quasi  aussy 
pleine  d'eau  que  les  pommes  et  trez  agréable  à  manger,  bien  qu'il  y 
reste  lant  soit  peu  d'amertume;  mais  j'en  ay  receu  un  arbre  ceste  année 
du  costé  de  Rome  de  pareille  nature  et  dont  le  fruict  est  en  ovalle, 
comme  les  citrons,  et  l'escorce  encores  meilleure,  car  il  n'y  reste  aul- 
cune  sorte  d'amertume.  Et  neantnioins  la  couleur  de  l'escorce  exté- 
rieure est  tout  à  faict  orangée  et  le  jus  de  mesrae  couleur  et  saveur 
que  les  meilleures  oranges,  comme  au  contraire  nous  avons  des  citron- 
niers qui  font  le  fruict  si  parfaitement  rond,  qu'on  les  appelle  balotins  ', 

'  On  trouve  dans  le  Dictionnaire  de  Tré-  des  orangers  communs,  et  dentelées  tout  à 

voux  cette   définition ,  donnée  d'après  La  l'entour,  et  par  ses  fruits  ou  ses  oranges  qui 

Quintinie  :  trBalotin,  espèce  d'oranger,  qui  ressemblent  presque  à  des  citrons,  c'est-à-dire 

diffère  des  orangers  ordinaires  par  ses  feuilles  (ju'elles  sont  grosses  et  longues.  t> 
qui  sont  plus  grandes ,  plus  larges  que  celles 


[1632]  AUX  PRIERES  DUPUY.  337 

de  sorte  que  les  genres  ou  espèces  d'orangers  ou  de  citronniers  ne  se 
peuvent  pas  distinguer  par  la  seule  rondeur  ou  longueur  du  fruict.  Il  y  a 
raesmes  des  oranges  faictes  eu  forme  de  poire,  comme  plusieurs  sortes 
de  citronniers.  Mais  j'abuse  bien  de  vostre  patience  en  vous  entretenant 
de  ces  badineries,  dont  je  vous  supplie  trez  humblement  de  me  vou- 
loir excuser.  Et  si  je  vous  dis  encore  de  plus,  qu'il  ne  fault  pas  aller 
en  Perse  pour  trouver  des  orangers  qui  soient  chargés  de  fruicts  toute 
l'année,  car  tous  les  nostres  en  ont  tousjours  ou  peu  ou  prou,  tant  des 
vieux  que  des  nouveaux.  Et  lors  qu'ils  sont  en  fleur,  l'odeur  en  est  au 
double  plus  grande  et  capable  de  se  faire  sentir  de  beaucoup  plus  loing 
le  soir  et  le  matin,  voire  toute  la  uuict,  que  durant  le  jour,  comme 
la  plus  part  des  aultres  fleurs  odoriférantes,  et  particulièrement  des 
Jossemins  d'Espagne,  et  des  Josseoiins  jaulnes  des  Indes  et  des  Hya- 
cinthes Tubéreuses.  Mais  il  ne  se  trouve  pas  bien  véritable  que  les  oran- 
gers soient  beaucoup  plus  grandz  ai'bres  que  les  citronniers,  d'aultant 
que  les  citronniers  montent  beaucoup  plus  hault  que  les  orangers,  lors- 
qu'ils sont  plantez  en  mesme  temps  et  de  mesme  aage,  et  ce  qui  les 
faict  sembler  plus  petits  n'est  que  leur  délicatesse,  car  craignant  beau- 
coup plus  le  froid  que  les  orangers,  ils  meurent  souvent  jusques  à  fleur 
de  terre,  lorsque  les  orangers  ne  perdent  que  les  sommitez  de  leurs 
branches,  de  sorte  qu'il  leur  fault  peu  aprez  recomniancer  à  former  leur 
arbre  par  divers  rejettons  qui  par  ce  moyen  font  leurs  branches  plus 
déliées  à  comparaison  des  troncs  des  orangers,  dont  ils  ont  bien  tost 
neantmoins  ratteint  la  haulteur;  mais  quand  ils  sont  plantez  en  lieux 
advantageux  où  ils  se  peuvent  bien  deflendre  du  froid,  ilz  s'elevent  le 
double  plus  haut  que  les  orangers,  et  quand  ils  se  trouvent  meslez  dans 
une  spaliere'  parmy  des  orangers,  on  a  souvent  la  peine  de  leur  couper 
la  teste,  si  on  les  veut  entretenir  dans  la  mesme  haulteur  des  orangers, 
ce  que  M'  Saulmaize  navoit  pas  creu,  et  s'il  n'a  veu  ce  qui  se  trouve 
escript  dans  une  relation  du  voyage  de  Scouten  Hollandois^  (que  le 

'  Nous  avons  déjà  relevé  (t.  I,  p.  65i)  voir  l'article  d'Eyriès  dans  \aBioffraphie  uni- 
cette  forme  toute  provençale.  vemetle.  Le  géographe  ncaddmicien  donne 
^  Sur  Gautier  Schouten,  né.  à  Harlem,  de  grands  éloges  au  Voyage  aux  Inde*  oe- 
II.  &3 


338 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1^32] 


sieur  T^vernier  fit  imprimer  à  Paris  quand  j'y  estois^)  conceraanl  les 
orangers  et  citronniers  que  cez  Hollandois  trouvèrent  en  la  coste  occi- 
dentalle  d'Afrique,  au  long  de  quelques  ruisseaux  où  ils  sembloient  eslre 
nez  originellement  et  tous  sauvages,  sans  apparence  d'aulcune  culture 
humaine,  ni  d'aulcune  fréquentation  d'hommes,  il  sera  possible  bien 
ayse  d'en  voir  le  passage  et  trouvera  tant  plus  probable  ce  que  les  an- 
ciens ont  escript  des  pommes  hesperides,  puis  que  leur  lieu  natal  estoit 
si  proche  des  colonnes  d'Hercule  et  des  isles  fortunées. 

Quant  à  M'  Gassendy,  j'auray  de  la  peine  de  croire  qu'il  puisse 
quitter  Paris,  que  je  ne  sache  qu'il  en  soit  esloigné,  d'aultant  que 
nous  en  sçaurions  estre  esloignez  d'icy,  tant  j'estime  fort  les  charmes 
de  l'Académie  et  la  douceur  de  conversation  de  tant  de  galandz 
hommes,  avec  la  commodité  de  voir  toute  sorte  de  bons  livres  qu'on 
sçauroit  désirer,  dont  je  faicts  tant  de  cas  que  pour  quelque  intherest 
que  j'y  peusse  prétendre  en  mon  iparticulier  je  n'ozerois  meshuy 
souhaitter  qu'il  vinsse  perdre  du  temps  de  pardeçà,  pour  ressentir 
les  incommoditez  d'un  poisson  hors  de  son  élément'^.  Je  suis  infiniment 
ayse  que  vous  n'avez  point  ouy  parler  du  decedz  de  M'  Spelmannus,  ce 
«qui  me  faict  espérer  que  le  bruict  que  j'en  avois  ouy  sera  faulx,  comme 
je  le  souhaitte.  J'ay  bien  de  l'obligation  à  Monsieur  le  Président  de  Mesiy 
du  souvenir  et  du  soing  qu'il  a  voulu  avoir  de  ce  vieux  registre  de 
la  chambre  des  comptes  dans  lequel  je  ne  pense  pas  vous  avoir  escript 
que  j'eusse  veu  les  statuts  de  l'ordre  de  l'escu  d'or  de  la  maison  de 
Bourbon',  mais  il  m'cstoit  demeuré  une  mesmoire  confuse  d'y  avoir  veu 
tout  plein  de  desseins  concernant  les  devises  du  dict  ordre  et  aultres 


cidentales:  «La  relation  de  Schoulen,  dit-il, 
est  une  des  plus  curieuses  que  l'on  puisse 
lire;  elle  conlient  despartieularilës précieuses 
sur  les  pays  que  l'auteur  a  vus ...  Le  juge- 
ment et  la  bonne  foi  du  voyageur  éclatent 
dans  ses  re'cits  et  ses  descriptions .  . .  i> 

'  Voir,  sur  les  éditions  du  premier  tiers 
duxvii'  siècle  (1617, 1618, 1619,  etc.),  le 
Manuel  du  libraire  (t.  V,  col.  aa  i-aaa).  Cf. , 


pour  des  éditions  du  même  recueil  au 
xvHi'siècle ,  le  même  Manuel ,  t.  IV,  col.  1 1 70. 

'  Ce  vif  et  spirituel  éloge  du  Cabinet, 
qui  dit  tout  «n  tjuelques  lignes,  méritera 
d'être  rappelé  chaque  fms  que  l'on  s'occu- 
pera des  frères  Dupuy. 

'  Cet  ordre  de  chevalerie  awiit  été  insti- 
tué en  janvier  i-Syo  par  Ij«ms  II,  duc  de 
Boiirbon. 


[1632] 


AUX  FRERES  DUPUY. 


339 


appartenances  d'iccUiiy  qui  nie  l'aisoient  juger  qu'il  y  eusse  quelque  pièce 
dans  laquelle  fusse  faicte  mention  d'iceliuy.  Car  nous  le  vismes  avec  tant 
de  précipitation,  et  nous  avoit  on  faict  espérer  de  le  nous  faire  revoir 
une  aultre  fois  avec  tant  de  commodité  que  je  n'en  retins  lors  aulcune 
mémoire.  C'est  pourquoy  je  m'en  rapporteray  volontiers  à  ce  que  vous 
en  peut  avoir  dict  Monsieur  du  Cliesne  qui  a  beaucoup  meilleure  mé- 
moire que  moy.  Et  si  ainsy  est  il  suffira  de  faire  prendre  coppie  seule- 
ment de  deux  ou  trois  de  ces  actes  qui  y  sont  de  la  maison  de  Bourbon 
concernant  le  comté  de  Clermont,  pour  en  apprendre  les  dattes  et  en 
pouvoir  faire  le  rapport  et  relation  qu'elles  peuvent  avoir  avec  les  des- 
seins du  dict  ordre,  desquels  dicts  desseins  je  voudrois  bien  e»  pouvoir 
faire  coppier  deux  ou  trois  des  principaulx  avec  les  couleurs  plus  appro- 
chantes que  faire  ce  pourra  de  la  vieille  enlumineure  de  ce  livre,  dont 
je  payerois  fort  volontiers  les  fraiz  et  encore  plus  volontiers  si  M' Rabel  * 
en  vouloit  prendre  la  peine,  comme  il  feroit  possible  de  bon  cœur,  s'il 
en  estoit  prié  de  ma  part,  soit  par  Quentin  ou  quelqu'un  de  voz  gentz. 
Je  serois  bien  ayse  d'avoir  le  bien  de  voir  icy  M"^  Barclay  '\  mais  je  le 
serois  au  centuple  si  M''  de  Thou  pouvoit  faire  ce  que  vous  escripvez  à 
mon  frère,  sur  quoy  je  finiray  pour  ce  coup  mes  importunitez,  atten- 
dant si  les  lettres  du  prochain  ordinaire  pourroient  parvenir  assez  à 


'  Daniel  Ralwl,  que  l'on  crort  (lis  du 
peintre  et  graveur  Joau  Rabel  ( Mariette ,  A be- 
ccdario),  fut  lui  aussi  [leinlre  et  graveur  et, 
de  plus,  ingénieur  du  roi  en  Brie  et  Cham- 
pagne; il  mourut  après  i63o.  Malherbe  lui 
adressa  un  sonnet  intitulé:/!  Babel,  peintre, 
sur  un  livre  de  Jleurs.  Voir,  à  propos  de  ce 
sonnet,  une  notice  de  M.Lud.  Lalanne,  dans 
son  édition  des  Œuvres  complètes  de  Mal- 
herbe (t.  I,  p.  a 57),  sur  le  livre  de  fleurs 
manuscrit  qui  a  été  le  sujet  de  In  pièce  de 
Malherbe,  livre  conservé  au  cabinet  des  es- 
tampes de  la  Bibliothèque  nationale  sous  ce 
titre  :  Fleurs  peintes  par  liabel  en  i6ai  (cent 
planches,  in-fol.).  M.  Lalanne  s'était  déjîi 


occupé  de  Rabel  et  de  sod  beau  recueil  dans 
la  Correspondance  littéraire  du  1  o  septembre 
1860,  p.  A89.  Aux  renseignements  donnés 
par  M.  Lalanne  j'ajouterai  que  l'abbé  de 
Marollcs,  parlant  des  dessins  de  Daniel 
Rabel  {Mémoires,  t.  IFl,  p.  395),  dit  qu'ifil 
excelloit  en  ces  choses-là  ».  Voir  encore  l'éloge 
de  ce  peintre  dans  le  même  tome  (p.  199), 
et  aussi  dans  le  tome  I  (p.  64).  Le  registre  I 
des  Minutes  de  Carpentras  renferme  plusieurs 
lettres  écrites  par  Peirese  à  Babel  (d'Aix,  ie 
•i  1  mars ,  le  U  avril,  le  1  s  juin  et  le  1 8  juillet 
i633,foL5/i3,  548et55i). 

*  Sur  l'abbé    Guillaume  Barclay,   voir 
t.  I,p.  87. 


&3. 


340  LETTRES  DE  PEIRESG  [1632] 

temps  entre  mes  mains  pour  vous  faire  responce,  sinon  j'envoyeray 
tousjours  celle  cy  à  l'advance  par  le  premier  ordinaire  qui  partira 
d'Aix  et  demeureray, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 

De  Boysgency,  ce  97  aoust  1682. 

Les  treize  galleres  d'Espagne  estoient  encore  aux  isles  de  Marseille 
il  n'y  a  que  deux  ou  trois  jours,  y  ayant  esté  détenues  par  les  vents  con- 
traires qui  ont  régné  toute  la  sepmaine'. 


LXV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Je  viens  de  recepvoir  vos  despesches  du  16^  d'aoust  encores  à  temps 
pour  vous  remercier  comme  je  faicts  trez  humblement  des  bonnes  nou- 
velles que  vous  me  confirmez  de  la  veniie  de  M"^  de  Thou,  que  j'atten- 
dray  avec  grande  impatience  et  grande  dévotion  à  l'eminence  de  ses 
mérites ,  ayant  esté  infiniment  ayse  d'apprendre  par  mesme  moyen  que 
M' Saulmaise  reprenne  ses  forces,  et  qu'il  en  ayt  desja  eu  assez  pour 
prendre  l'air  des  champs,  où  il  se  remettra  sans  doubte  bien  plus  tost 
qu'à  la  ville.  Je  vous  remercie  encores  des  favorables  exortations  que  ' 
vous  avez  faictes  au  sieur  Bié,  que  je  verray  trez  volontiers  et  pense 
qu'il  pourra  fort  bien  faire  tout  ce  qu'il  fault  pour  cette  entreprise,  et 
possible  pour  quelque  aultre  qui  ne  seroit  pas  moins  curieuse,  s'il  avoit 
le  courage  de  s'y  appliquer.  Mais  s'il  vient  il  sera  bien  à  propos  qu'il 
.apporte  quant  et  luy  tout  ce  qu'il  aura  peu  ramasser  en  ceste  matière 

'  Vol.  717,  fol.  144. 


AUX  FRERES  DUPUY. 


341 


[1632] 

et  particulièrement  une  pièce  ou  deux  que  le  père  Sirmond  luy  a  faict 
avoir,  aGn  que  je  voyc  s'il  y  auroit  rien  qui  me  fusse  eschappé  ou  qui 
fusse  préférable  à  ce  que  je  pourrois  avoir  du  niesme  Prince,  pour  luy 
donner  ran{j  dans  ce  recueil  tel  qu'il  y  pourroit  escheoir/'vous  avez 
fort  bien  faict  de  faire  prendre  la  partie  de  la  lettre  de  crédit,  pour 
payer  comptant  voz  marchanda  libraires,  et  serois  bien  ayse  que  le 
livre  des  familles  d'Ursinus  pousse  venir  avec  les  aultres;  quand  bien  il 
seroit  un  peu  frippé,  il  ne  laisroit  pas  de  servir  à  celluy  qui  me  le  de- 
mande. Je  suis  bien  ayse  que  le  Breviarium  Canonum  de  Ferrandus 
diaconus  se  puisse  trouver  dans  le  recueil  des  aultres  collections  de 
canons,  croyant  que  vous  entendez  celle  d'Antonius  Augustinus'  que 
je  n'ay  pas  maintenant  icy  pour  le  veriffier,  et  pensois  que  ce  feusse  une 
nouvelle  édition  faicte  à  Rome,  des  opuscules  de  cest  autheur,  conjoin- 
tement avec  son  Bréviaire  des  Canons  qui  doibt  manquer  en  cest  exem- 
plaire que  vous  avez  trouvé  à  Paris,  Ce  neantmoins  puis  qu'il  est  de  si 
vieille  édition,  j'aymeray  tousjours  mieux  avoir  les  epistres  qui  y  sont 
que  la  valleur  de  cinq  ou  six  quarts  d'escu  qu'on  vous  en  demande. 
Mais  pour  l'Alcoran  il  faudra  attendre  qu'il  s'en  puisse  trouver  à  prix 
toUerable,  estant  pour  un  amy  à  qui  je  voudrois  bien  en  pouvoir  faire 
passer  l'envie,  car  pour  moy  je  m'en  passeray  fort  facilement  de  l'hu- 
meur dont  je  suis  à  présent,  et  dans  ces  infirmitez  qui  me  laissent  si 
peu  de  temps,  pour  de  meilleures  et  plus  agréables  estudes  que  ne 
pourroient  estre  celles  là.  Sur  quoy  je  finiray  par  mes  actions  de  grâces 
des  nouvelles  dont  il  vous  plaist  nous  faire  si  bonne  part  et  de  la  con- 
tinuation de  tant  de  bons  oHices  que  vous  accumulez  journellement  sur 
nous,  estant  de  tout  mon  cœur,  et  à  Monsieur  vostre  frère  et  à  vous, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peibesc. 
De  Boysgency,  le  ag  aoust  lôSa. 


'  Antoine  Aufriistin  nm{uit  h  Sarngossc  en 
i5i6,  devint  archevêque  de  Torragone  en 
1674  et  mourut  en  i586.  Voir,  sur  les  ou- 


vrages de  ce  jurisconsulte  et  notamment  sur 
la  collection  dont  parle  Peiresc,  l'article  An- 
ijustinusdn  Manuel  du  libraire  (  U I ,  col.  567). 


342  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

Je  vous  envoyé  une  petite  lettre  d'un  père  chartreux  de  noz  voysins 
que  je  vous  prie  de  faire  tenir  à  M'  Scarron*. 


LXVt 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Je  receuz  vostre  despesche  du  20*  trop  tard  d'un  jour  pour  y  pou- 
voir respondre  par  nostre  dernier  ordinaire  et  me  trouve  maintenant 
si  embarassé  à  desmesnager  pour  me  pouvoir  trouver  à  Aix  à  la  venue 
de  ma  niepce  de  Rians  que  je  ne  sçaurois  escripre  à  cez  Messieurs  de 
par  de  là  par  cest  ordinaire/ïlt  particulièrement  au  sieur  de  Bié,  de  / 
qui  j'attendray  de  voir  les  feuilles  et  espreuves  ou  desseins  que  vous 
avez  faict  mettre  dans  la  balle  de  mon  frère.  Ce  pendant  j'ay  prins 
plaisir  de  voir  le  dessein  qu'il  a  faict  graver  de  l'effigie  du  Roy  Jean ,  et 
la  préface  de  son  livre ^,  et  vous  prie  de  me  mander  de  qui  en  est  le 
style,  ayant  quelque  regret  de  ce  que  le  bon  homme  de  Bié  a  changé 
d'advis,  ce  que  je  n'impute  pas  à  deffault  de  bonne  volonté  de  son 
costé,  ains  à  quelqu'un  de  ceux  auxquels  il  en  peut  avoir  demandé 
conseil,  qui  n'ont  pas  esté  portez  de  si  bonne  volonté  en  mon  endroict, 
comme  vous  aultres,  Messieurs,  et  ceux  qui  se  trouvèrent  en  vostre 
Accademie,  lorsqu'il  vous  avoit  tesmoigné  la  première  resolution  de  s'en 
venir,  dans  laquelle  il  eusse  possible  trouvé  plus  d'avantage  qu'il  ne  pen- 
soit  pour  sa  santé  principalement.  Car  s'il  se  fust  mis  lors  en  chemin , 
il  pouvoit  arriver  encores  à  temps  pour  aller  aux  bains  de  Digne  où  il 
ne  va  guieres  de  Paralitiques  qui  n'y  laissent  leurs  crosses,  et  qui  n'y 
recouvrent  la  fonction  de  leurs  membres  engourdis^,  et  s'il  a  trouvé  de 

'  Sur  le  conseiller  au  parlement  de  Paris  Les  vrais  portraits  des  rois  de  France,  etc. 

Paul  Scarron ,  voir  1. 1 ,  p.  8ag. —  Vol.  717,  '  Cet  éloge  des  eaux  de  Digne  aurait  pu 

fol.  i48.  servir  d'épigraphe  à  l'intéressant  petit  vo- 

^  On  a  déjà  vu  que  ce  livre  est  intitulé  :  lume  intitulé  :  Étude  historiqve  sur  les  bains 


[1632]  AUX  FfiÈaES  DUPUY.  343 

railef;eHîcnt  au  changemont  de  l'air  des  PaLslws  pourcelluy  de  Paris, 
il  eusl  IroiiVié  al  tiré  sans  double  (beaucoup  plus  de  beiieiice  de  l'air  de 
ce  pais  icy  que  de  celluy  de  Paris  ])our  sa  paralysie,  quand  mesiue  il 
n'auroil  pas  voulu  prendre  l'usaige  des  bains,  mais  on  voit  quasi  ordi- 
oairement  que  ceux  qui  sont  malheureux  l'uyent  toutes  ieurs  Jbonnes 
fortunes.  Il  me  demande  des  desseins  ou  des  empreintes  que  je  ne  luy 
reffuserois  pas  si  je  pensois  qu'il  en  peusse  tirer  ce  qu'il  fault,  mais  je 
vous  puis  asseurer  que  tout  ce  qu'il  en  pourroit  faire  sans  mes  instruc- 
tions seroit  fort  peu  de  chose  au  prix  de  ce  ([u'il  feroit  aj)roz  mes  ad- 
vertissements  sur  ce  subject,  lesquels  seroient  trop  longs  à  mettre  par 
escript  et  trop  difficilles  à  exprimer.  Je  l'ayderay  pourtant  de  ce  que  je 
pourray  juger  luy  estre  plus  nécessaire  s'il  me  ifaict  voir  toutes  ses  es- 
t  /preuves^'attendray  impatiemment  l'advis  de  M'  Bigauit  suf  lies  Elenahi , 
et  me  resjouis  infiniment  qu'il  ne  teste  plus  à  M'Sauhuaise  que  Jaifoi- 
blesse  de  laquelle  j'estime  qu'il  se  tirera  bientost  avec  l'ayde  de  Dieu. 
vous  remerciant  trez  humblement  de  la  peine  qu'il  vous  n  pieu  prendre 
pour  les  livres  que  vous  m'avez  envoyez,  l>ien  marry  de  ne  pouvoir 
fournir  l'Ursinus  de  faniiliis  à  ce  bon  homme  qui  me  l'a^foit  demandé 
avec  tant  de  passion,  à  qui  j'eusse  donné  le  mieii  de  :bon  cœ^r,  sans 
tout  plein  d'apostilles  que  j'ay  faictes  aultrofois  de  ma  oEnain,  en  at- 
tendant d'en  recouvrer  un  aultre  plus  à  loisir. 

Pour  des  nouvelles  de  deçà ,  je  ne  vous  scaurois  rien  mander  à  ce  coup 
du  costé  du  Languedoc,  espérant  que  mon  frère  y  suppléera  s'il  en  a 
rien  appris  qui  en  vaille  la  peine.  Seulement  vous  diray  je  que  sur  un 
commandement  arrivé  devant  hier  au  soir  à  Tollon  de  la  part  du  Roy 
les  galleres  furent  mises  en  estât  de  pouvoir  s'en  retourner  à  Marseille 
dez  hier  au  grand  regret  et  desplaisir  de  la  pluspart  des  capitaines  et 
encores  plus  grand  des  habitantz  de  Tollon,  par  ce  que  cez  galleres  en- 
noblissent fort  ce  port  quand  elles  y  sont.  On  faict  le  procez  à  un  parti- 
culier habitant  tle  Solliers  '  nommé  Valerent  j)our  avoir  donné  un  guide 

thermaux  de  Digne,  par  M.  Jules  Ariioux,  '  Aiijourd'liui  Solliès-Pont,  cher-liea  de 

inspecleurd'Acadt'miehDroguignan (Digne,        canton  de  rarrondisseiiieiit  de  Toulon,  à 
1 88  C ,  in-i  6).  1 5  kilomètres  de  cette  ville ,  sur  le  Gapeau. 


344  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

à  l'un  des  gentz  qui  s'estoient  sauvez  de  ce  Brigantin  de  M""  de  Mont- 
morancy.  L'on  mit  en  prison  deux  jours  y  a  l'un  des  chefs  des  sonnettes, 
sur  l'advis  qu'on  eut  qu'il  estoit  venu  en  une  grange  à  deux  ou  trois 
lieues  d'Aix  dans  laquelle  on  l'envoya  prendre,  lequel  pourra  bien  payer 
pour  les  aultres  qui  firent  tant  les  fols  cez  années  dernières,  sur  quoy 
je  finis  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
De  Boysgency,  ce  3  septembre  i632. 

J'oubliois  de  vous  dire  que  Quentin  m'a  escript  sur  la  proposition 
que  vous  luy  avez  faicle  de  ma  part.  Et  s'il  vous  vient  voir,  vous  luy 
pourrez  dire  que  mon  intention  n'a  jamais  esté  de  le  tirer  d'avec  son 
maistre  puis  qu'il  en  a  un  dont  il  a  subject  de  se  contenter;  que  ce 
n'estoit  que  sur  ce  que  vous  m'aviez  mandé  qu'il  sembloit  qu'il  sentisse 
quelque  nécessité,  que  je  luy  avois  faict  offrir  de  le  reprendre  à  mon 
service  s'il  estoit  en  ceste  volonté  de  quitter  Paris,  comme  ne  pouvant 
pas  souffrir  patiemment  qu'il  y  demeurast  avec  nécessité  ou  incommo- 
dité. Mais  puis  qu'il  a  bon  maistre,  je  ne  trouverois  nullement  bon  qu'il 
le  quistast  et  luy  conseille  de  s'y  tenir  avec  la  patience  requise'. 


LXVII 
À  MOIVSIEUR,  MONSIEUR  DUPUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Enfin  l'on  m'a  arraché  du  sesjour  des  champs  pour  revenir  à  la  ville 
où  je  n'ay  peu  me  rendre  que  depuis  vendredy  dernier.  J'allay  descendre 
chez  Mons""  le  Premier  Président,  où  je  receuz  un  si  bon  accueil  et  de 

'  Vol.  717,  fol.  lig. 


11632]  AUX  FUGUES  DUPUY.  345 

Madame  la  Première  Présidente  que  je  ju{jeois  bien  qu'il  ne  se  pou- 
voit  imputer  qu'à  vostre  favorable  intercession  et  aux  bons  oflices  que 
vous  avez  daigne  me  rendre  auprcz  de  l'un  et  de  l'autre,  dont  je  vous 
remercie  par  un  million  de  fois  et  dont  je  vous  seray  à  jamais  rede- 
vable. J'ay  depuis  eu  l'honneur  de  le  voir  chez  luy,  où  il  me  demanda 
incontinant  si  vous  ne  m'aviez  point  envoyé  l'action  de  M'  Bignon  au 
dernier  lict  de  justice  que  tint  le  Roy'.  Je  luy  dis  que  vous  ne  m'aviez 
envoyé  que  celle  de  M' le  Garde  des  Sceaux '^  laquelle  je  luy  ay  baillée 
avec  celle  du  Hoy  de  Suéde,  n'estimant  pas  qu'il  soit  facile  de  vaincre 
l'excez  de  la  modestie  de  M'  Bignon  jusques  à  la  pouvoir  tirer  de  ses 
mains,  si  ce  n'est  que  la  compagnie  aye  voulu  qu'elle  fusse  couchée 
sur  le  registre,  auquel  cas  je  croy  bien  que  vous  ia  pourrez  facillement 
recouvrer  pour  contenter  la  curiosité  de  Mons'  le  Premier  Président 
dont  je  seray  bien  aise  de  me  pouvoir  prévaloir.  Il  me  dict  qu'il  pensoit 
que  M'' de  Pontcarré  auroitbien  ce  crédit  sur  M"' Bignon,  ce  que  je  desi- 
rerois  grandement  pour  ma  consolation  particulière.  Il  a  faict  aujour- 
d'huy  une  œuvre  de  grande  supererogation  ^  ayant  daigné  prendre  la 
peine  de  me  venir  voir  céans,  dont  j'ay  esté  bien  honteux  et  bien  surpris 
d'aultant  que  ce  n'est  [)as  la  coutume  de  par  deçà  que  les  premiers 
presidentz  visitent  les  simples  conseilliers.  C'est  pourquoy,  m'ayant  dict 
qu'il  le  vouloit  faire,  je  l'avois  supplié  le  plus  instamment  que  j'avois 
peu  de  s'en  abstenir,  tant  pour  éviter  que  d'autres  ne  le  voulussent  tirer 
à  conséquence  que  pour  me  descharger  d'envie  et  de  jalousie,  mais  il 
n'y  a  pas  eu  de  moyen  d'arresler  le  cours  de  son  honnesteté. 

J'ay  recou  par  le  dernier  ordinaire  les  cahiers  de  l'histoire  de  Guines* 


'  Sur  l'avocat  général  Jéi-ôme  Bignon, 
voir  l.  1,  Appendice,  p.  769. 

^  Michel  (le  Mariliac,  qui  allait  être  dis- 
gracié, moins  do  deux  mois  plus  lard,  le 
1  a  novembre ,  c'cst-h-dire  le  lendemain  de 
la  fameux  journée  (les  dupes. 

'  On  trouve  la  forme  .tiiperérogation  dans 
Calvin,  dans  Montaigne.  Littré  ajoute  h 
ces  deux  exemples  l'observation  suivante  : 


<r Balzac,  disait,  comme  au  xn'  siècle,  su- 
pererogation. «Ce  sont  bien,  à  vrai  dire, 
rfdes  œuvres  de  .supererogation.'» 

'  Chef-lieu  de  canton  du  Fas-de-Calais , 
arrondissement  de  Boulogne,  à  3i  kilomè- 
tres de  cette  ville.  La  Bibliothèque  historique 
de  la  France  mentionne  un  petit  recueil  im- 
primé (Le  Traité,  extrait  par  Eslienne  Prt- 
vosl,  touehanl.. .  les  comté»  et  villes  de  Calai* 


346  LETTRES  DE  PEIRESG  [1632] 

avec  voz  bons  advis  accoustumez  et  receu,  estant  à  iMarseilie,  vostre 
despesche  précédente  du  3o  d'aoust  avec  les  advis  de  la  prise  de  Maes- 
trich'  et  de  la  réduction  de  Trêves"^  avec  ces  belles  harangues  dont 
je  vous  remercie  trez  humblement  et  de  tant  de  bonnes  curiositez  dont 
il  vous  plaist  de  me  faire  part.  Je  fus  grandement  aise  d'apprendre 
l'arrivée  de  M''  d'Aubray  de  par  delà  en  si  bonne  disposition  et  en  si 
bonne  posture,  parmy  les  affaires  courans,  dont  je  loue  Dieu  et  le  prie  de 
tout  mon  cœur  de  le  vouloir  faire  prospérer  tousjours  de  bien  en  mieux. 

J'ay  inespereriient  rencontre  ung  exemplaire  du  livre  des  families 
de  Fulvius  Ursinus,  de  sorte  que  si  n'en  avez  trouvé  à  vendre  depuis 
vos  dernières  despesches,  il  ne  nous  en  sera  pas  de  besoing  de  vous  en 
mettre  en  peine. 

Je  vous  envoie  des  vers  qu'on  a  imprimez  icy  faulte  de  meilleure 
matière  pour  avoir  de  quoy  grossir  tant  soit  peu  le  pacquet  dont  je  fais 
l'adresse  à  M'  de  Lomenie,  parce  qu'ils  sont  plus  honnorables  à  cez 
messieurs  là  plus  ils  sont  gros.  Mais  nous  n'avons  pas  de  besoing  que 
vous  nous  mesuriez  à  leur  aulne,  car  on  nous  les  faict  payer  icy  à  cinq 
sols  l'once,  comme  si  ce  n'estoient  que  des  lettres  missives.  C'est  pour- 
quoy  quand  vous  aurez  des  petits  livres  capables  de  grossir  un  peu  trop 
le  pacquet,  il  fauldroit  essayer  de  les  mettre  en  un  pacquet  à  part  et 
faire  cotter  par  dessus  que  ce  ne  sont  que  des  livres  et  faire  essayer  à 
la  poste  si  l'on  se  voudroit  contenter  de  la  taxe  proportionnée  à  la 


el  de  Guisnes ,  Chartres,  i658,  m- 8°),  et 
un  ouvrage  manuscrit  de  Lambert  d'Ardres 
[Lmnherii  Ardensis opéra ,  xuper  Gkisnensium 
hisloriam,  etc.). 

'  On  lit  dans  YArl  de  vérifier  les  dates 
{Chronologie  historique  de  la  Hollande,  t.  XIV, 
1819,  p.  47^):  (T  Frédéric-Henri  de  Nassau, 
poursuivant  ses  conquêtes,  vint  mettre  le 
siège,  en  1689 ,  devant  Maëstricht,  dont  les 
Espagnols  avaient  considérablement  aug- 
menté les  fortifications,  depuis  qu'en  1619 
ils  avaient  repris  cette  place.  Tout  concou- 
rut à  rendre  ce  siège  mémorable.  Les  braves 


de  diverses  nations  se  rendirent  au  camp  du 
Stathouder,  pour  se  former  aux  armes.  Les 
Espagnols  envoyèrent  de  leur  côté  trois  ar- 
mées au  secours  des  assiégés.  Mais  la  valeur 
et  l'habileté  de  Frédéric-Henri  triomphèrent 
lie  la  résistance  qu'on  lui  opposa  ;  et  Maës- 
tricht lui  ouvrit  ses  portes,  le  32  août,  après 
deux  mois  et  douze  jours  de  siège,  n 

'  Le  maréchal  d'Estrées  obligea  la  ville  de 
Trêves,  le  -jo  août,  a  se  rendre  par  capitula- 
tion, et  h  congédier  la  garnison  espagnole 
(Art  de  vérifier  les  dates,  Chronologie  historié 
des  atvhevêques  de  Trêves,  t.  XV,  p.  3 18). 


[1632]  AUX  FRERES  DUPUY.  847 

mode  d'Italie,  où  c'est  que  si  bien  une  simple  lettre  d'une  feuille  en- 
tière doiht  par  exemple  cinq  sols  pour  le  port,  on  ne  faict  pourtant  pas 
payer  plus  de  cinq  sols  de  l'once  du  pacquet  de  lettres.  Et  les  faj^ots 
de  livres,  boittes,  rouleaux  de  tableaux  et  aultres  cboses  de  plus  gros 
volume  que  les  lettres,  ne  payent  pas  plus  pour  une  livre  pezanl  que 
pour  une  once  de  lettres,  mais  on  les  met  à  part  sans  les  mesler  avec 
les  lettres,  pour  ne  les  faire  marcher  que  lorsque  les  malles  des  cour- 
riers sont  moins  remplies.  Je  voudrois  bien  qu'on  eust  estably  ce  règle- 
ment là. 

.le  ne  vous  escripts  poinct  des  nouvelles,  m'en  remettant  à  ce  que 
mon  frère  vous  mande,  qui  est  tout  ce  que  nous  en  avions  peu  apprendre 
ce  jourd'huy.  On  vient  pourtant  de  me  dire  que  la  Rovne  est  partye 
d'Avignon  pour  suyvre  le  Hoy  que  l'on  veult  estre  desja  advancé  au  delà 
de  Montpellier,  que  l'on  raze  le  château  de  Beaucaire  et  que  Bagnolz 
doibt  estre  démantelée  Madame  la  mareschalle  de  Victry  s'en  revient  du 
coslé  d'Apt  et  de  S'"  Anne'\  et  je  demeure  grandement  mortiffié  que  le 
Roy  passe  si  viste  et  que  je  sois  frustré  de  l'espérance  que  j'avois  conceue 
de  revoir  Monsieur  de  Thou,  qui  estoit  la  plus  forte  considération  qui 
m'avoit  faict  quitter  les  champs  pour  m'en  approcher  de  plus  prez, 
mais  je  voys  bien  qu'il  ne  m'y  fault  pas  attendre  de  ce  coup  cy  et  j'ay 
trop  peu  de  force  et  de  vigueur  pour  pouvoir  courir  aprez  comme 
j'eusse  faict  trez  volontiers. 

J'ay  desja  receu  les  livres  que  vous  avez  faict  mettre  avec  la  vaisselle 
d'argent,  qui  sont  tous  arrivez  fort  bien  conditionnez  excepté  ce  petit 
volume  de  la  nouvelle  édition  des  poèmes  de  Gaspar  Barleus*  qui  s'est, 
trouvé  non  seulement  mouillé,  mais  quasy  pourry,  bien  qu'il  l'eusse  en- 
fermé dans  la  cassette  de  la  vaisselle  et  que  par  conséquent  il  deusse 
estre  mieux  conservé  que  tous  les  aultres. 

*  11  s'agit  là  de  la  cliapelle  souterraine  de 
Sainte-Anne,  laquelle  a  été  classa  parmi  les 
monuments  historiques. 

^  Gasparis  Barim  Poematum  edilùt  nwa , 
priore  castigatior  et  altéra  parte  auctior 
(Leyde,  Elzevier,  «63i,  petit  in-ia). 


'  Voir,  sur  Beaucaire  et  Bagnols .  diverse 
lettres  du  cardinal  de  Richelieu  au  mar(^chal 
de  la  Force,  du  mois  de  septembre  iCSa 
(  Recueil  Avettel,  t.  IV,  j).  3.53-3Gi)  et  une 
lettre  du  i  o  du  même  mois  au  marchai  de 
Schomberg(p.  358). 


348  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

Eii  passant  par  Aubagne,  M'  l'Evesque  de  Marseille  me  fit  voir 
un  recueil  qu'il  a  de  tous  ces  petitz  volumes  de  Repub[liquesj  d'El- 
zevir,  oiî  jetrouvay  quatre  volumes  des  livres  Anseatiques  ^  et  plusieurs 
aultres  que  je  n'ay  point  euz.  Il  faudra  à  vostre  commodité  que  vous 
fassiez  transcrire  par  Quantin  le  roolle  de  tout  l'assortiment  qui  s'en 
peut  avoir,  affin  que  je  puisse  demander  ceux  qui  me  manqueront. 
Cependant  je  demeureray, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  ao"  septembre  i63a. 

Je  suis  encore  si  embarassé  des  visites  de  la  ville  actives  et  passives 
que  j'ay  eu  prou  de  peine  de  desrober  le  temps  pour  vous  escrire  et 
faudra  la  nécessité  que  je  remette  au  prochain  ordinaire  ce  que  j'ay  à 
respondre  à  cez  aultres  Messieurs.  Si  Monsieur  Gassendy  est  encores  là , 
comme  je  le  croy,  vous  luy  pourrez  dire  que  M"'  le  Prieur  de  la  Val- 
lette,  me  venant  voir  aujourd'huy,  m'a  voulu  asseurer  qu'il  estoit  arrivé 
à  Digne,  ce  que  je  n'ay  pas  voulu  croire,  estimant  qu'il  y  avoit  de  l'équi- 
voque en  la  nouvelle  qu'on  luy  en  avoit  donnée^. 


'  De  Rébus  publicis  Haiiseaticis  J.  Aug. 
Werdenhagcn,  Leyde,  J.  Marie,  t6.3i, 
k  vol.  in-2  4.  M.  A.  Willems  a  bien  voulu 
me  faire  observer  que  Peiresc  nomme  impro- 
prement, comme  bien  d'autres  après  lui. 


Républiques  des  Elzevier,  un  recueil  auquel 
ces  imprimeurs  ont  donné  non  la  totalité, 
mais  la  plupart  des  pièces  connues  sous  le 
nom  de  Petites  républiques. 
'  Vol.  717,  fol.  1 08. 


[1632] 


AUX  FRERES  DUPLY. 


349 


LXVIII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
J'ay  receu  vostre  despesche  du  i3*  par  le  dernier  ordinaire  et  vous 
rends  trez  hunibies  grâces  des  bons  advis  dont  il  vous  plaist  me  faire 
part  et  du  seing  que  vous  daignez  prendre  des  livres  que  je  vous  avois 
demandez,  lesquels  j'espère  de  recepvoiraujourd'iiuy  ou  demain,  car  on 
m'escript  de  Lyon  que  les  balotz  avoient  esté  consignez  à  des  mulletiers 
de  Marseille  dez  le  18"  de  ce  mois.  Je  suis  bien  ayse  que  l'entretien  que 
vous  ont  fourny  mes  dernières  lettres  ne  vous  aye  pas  esté  dezagreable 
et  me  tardera  bien  d'entendre  que  M' Sauimaise  soit  en  estât  de  les  voir 
et  de  dire  son  advis  sur  les  propositions  y  contenues,  oij  j'aurois  bien  à 
adjouster  de  bonnes  choses  que  j'ay  descouvertes  depuis  mon  arrivée 
en  ccste  ville,  à  la  première  entrée  que  je  fis  dans  mon  estude,  concer- 
nant les  mesures  antiques  et  des  moindres  subdivisions  qui  s'en  trou- 
vent au  dessoubs  de  la  cuillier,  en  quoy  ma  pille  antique  esfoit  deffec- 
tueuse,  car  j'y  ay  trouvé  une  pièce  que  je  n'avois  jamais  bien  congnue, 
laquelle  m'a  fourny  toutes  les  dictes  subdivisions  depuis  la  Cyane  ou 
double  cuillier,  jusques  A  une  vingt  quatriesme  portion  de  la  simple 
cuillier,  comprenant  des  mezures  de  la  cuillier  entière,  de  sa  moiclié,  et 
de  son  quart,  pour  respondre  aux  proportions  du  sextans,  de  l'once, 
de  la  demye  once,  du  siciliens  et  du  scrupule  ou  vingt  quatriesme  partie 
de  l'once.  Avec  quoy  se  peut  suppléer  bien  exactement  tout  ce  qu'il  y 
avoit  d'imperfection  ou  de  deffectuosité  en  l'assortiment  de  ma  pile,  et 
y  ay  mesme  trouvé  grand  nombre  d'aultres  pièces  séparées,  propor- 
tionnées à  celles  là,  qui  m'ont  fourny  les  mesmes  assortimentz.  Et 
de  plus,  une  pièce  qui  manquoil  en  celluy  là ,  et  qui  respond  à  la  hui- 
tiesme  portion  de  la  cuillier,  et  par  conséquent  à  la  dragme  ou  huitiesme 
portion  de  l'once,  qui  n'estoit,  comme  je  pense,  en  usage  qu'entre  les 
Grecs,  puis  qu'elle  se  trouve  obmise  dans  l'assortiment  des  mesures 


350  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

Romaines.  H  n'y  aura  point  de  danger  d'en  faire  voir  le  dénombrement 
au  dict  sieur  Saulmaize  conjoinctement  avec  celluy  des  aultres  pièces 
de  ma  pille  mentionnées  en  mes  premières  lettres  sur  ceste  matière,  s'il 
ne  les  a  pas  encores  veiies,  car  possible  ne  sera  il  pas  marry  d'en  con- 
sidérer la  suitte  tout  d'un  coup.  Et  si  je  pouvois  rencontrer  un  peu  de 
relasche,  maintenant  que  je  suis  plus  prez  de  mes  livres,  j'en  dresserois 
volontiers  une  petite  relation  plus  exacte  et  un  peu  mieux  arraisonnée 
ou  authorisée  de  ce  qui  s'en  trouve  dans  les  anciens  de  plus  exprez  ou 
plus  convenable.  Je  vous  asseure  que  depuis  mon  arrivée  j'ay  esté 
surchargé  de  tant  de  compliments  actifs  ou  passifs  tant  de  la  ville  que 
de  la  maison  où  nous  avons  maintenant  -les  plus  proches  parents  de 
ma  niepce  de  Rians,  que  je  n'ay  encores  sceu  trouver  une  heure  en- 
tière pour  estre  dans  mon  estude,  dont  je  reçois  plus  de  mortification 
que  quand  j'en  estois  esloigné  de  dix  ou  douze  lieues.  J'avois  envie 
aussy  d'escripre  à  cez  Messieurs  et  particulièrement  à  M'  Rigault  con- 
cernant ces  Elenques,  mais  à  peine  auray  je  assez  de  temps  pour  vous 
respondre  à  voz  dernières ,  à  mon  trez  grand  regret. 

En  escripvant  ceste  lettre,  lesballotz  sont  arrivez  fort  bien  condition- 
nez; c'est  pourquoy  je  vous  en  doibs  de  nouveaux  remerciements  trez 
humbles  et  trez  affectueux  et  seray  bien  ayse  d'avoir  ce  codex  canonum 
vêtus  Ecclesite  Moguntinae,  s'il  se  peult  rencontrer.  Quant  au  volume  de 
la  maison  de  Rourbon\  il  fault  que  je  vous  demande  pardon  de  l'équi- 
voque que  j'y  avois  faicte,  et  que  je  demeure  obligé  à  M'  du  Chesne 
de  ce  qu'il  luy  a  pieu  m'en  fournir  sur  le  crédit  de  sa  mémoire,  dont 
il  a  esté  mieux  secondé  que  moy.  Pour  M'"  Gassendy,  ses  amis  m'avoient 
voulu  faire  accroire  en  arrivant  icy  qu'il  estoit  à  Digne,  et  le  conseiller 
Gaultier^  avoit  dict  qu'il  avoit  receu  à  Riez  une  lettre  de  sa  part  par 
homme  exprez,  mais  je  jugeai  bien  incontinant  qu'il  avoit  pris  Marte 
pour  Regnard^  et  croiray  tousjours  qu'il  reculera  son  partement  de 

'  Le   volume   mentionné  plus  haut,    h  '  Littré cite,  au  sujet  de  cette  expression 

propos  (le  l'ordre  de  l'Écu  d'or.  figurée ,  le  Menteur  de  Corneille  et  les  Fa- 

'  Le  neveu  du  prieur  de  la  Valette  déjà  céties  de  Voltaire, 
mentionné  plus  haut. 


[1632]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  351 

Paris  plustost  que  de  l'anticiper.  On  me  vient  de  montrer  une  lettre  de 
Montpellier  du  2/1"  portant  que  les  liostages  y  estoient  desja  arrivez  de 
la  part  de  Monsieur  pour  la  seureté  du  voyage  que  M' de  Bullion  alloit 
l'aire  vers  luy,  pour  l'amener  au  Roy  '.  On  m'a  voulu  asseurer  depuis  que 
Monsieur  de  Bullion  s'y  estoit  acheminé,  et  que  le  Roy  avoit  accordé 
à  Monsieur  de  pouvoir  comprendre  Messieurs  d'Elbeul  et  de  Bellegarde 
à  la  grâce  que  Sa  Majesté  luy  a  octroyée,  et  que  pour  M'  de  Montmo- 
rency, bien  que  le  Roy  ne  l'y  aye  point  voulu  comprendre,  il  avoit  neant- 
moins  fait  espérer  qu'il  ne  le  refuseroit  pas  à  M' le  Cardinal  de  Richelieu 
(jui  en  debvoit  faire  instance  à  Sa  Majesté  pour  l'amour  de  Monsieur 
aprez  son  retour  à  la  Cour^,  et  finalement  que  Monsieur  le  marquis 
de  Brezé  estoit  Mareschal  de  France  ^  et  gouverneur  du  hault  Languedoc 
depuis  Thoulouse  jusques  à  Narbonne,  Monsieur  le  comte  de  Schom- 
berg  du  bas  Languedoc  depuis  Narbonne  jusques  à  Beaucaire*  et  Mon- 
sieur de  Ventadour^  du  Vivarez  et  du  reste  jusques  à  Lyon,  la  grâce 
de  Monsieur  de  Montmorancy  ne  regardant  que  la  vie  et  les  biens,  mais  je 
n'ay  point  veu  encore  d'asseurancede  toutes  cez  nouvelles.  On  nous  dict 
que  noz  estatz  seront  mandez  au  1 5"  à  Tarascon  où  Messieurs  de  Léon 
et  de  la  Poterie  comme  commissaires  feront  l'ouverture  et  les  proposi- 


'  Voir  dans  le  Recueil  Avenel  (t.  IV, 
p.  365)  le  fraffment  d'une  lettre  écrife  h  Ri- 
chelieu, le  99  septembre,  par  Bullion,  qui 
était  alors  à  Béziers  en  mission  auprès  du 
duc  d'Orldans.  Voir  [ibid.,  p.  Sya-SSo)  un 
important  document  du  a 3  septembre  iG3a: 
Copie  de  l'accommodement  de  Monsieur  avec 
le  Roy,  fait  à  Béliers  par  M.  de  Bullion  et 
(p.  38i-383)  uu  Mémoire  particulier  pour 
M.  de  Bullion  sur  r accommodement  deMonsieur. 

*  Richelieu  fit,  au  contraire,  tout  ce  qu'il 
put  pour  itexciler  la  colère  du  roi  contre  le 
duc  de  Montmorency  » ,  ainsi  que  s'exprime 
le  judicieux  éditeur  Aa  Lettres,  instruction» 
diplomatiques  etpapiers  d'l'Jtat(i.  IV,  p. 355). 
Le  mémoire  publié  Ih  (p.  355-35())  est  un 
véritable  acte  d'accusation  où  le  cardinal, 


comme  ie  remarque  M.  Avenel ,  insiste  sur 
le  mal  et  omet  complètement  le  bien. 

^  Le  bruit  de  In  nomination  avait  précédé 
de  (quelques  semaines  In  nomination  même. 
Le  martjuis  ne  fut  élevé  à  la  dignité  de  ma- 
réchal que  le  28  octobre. 

'  M.  Avenel  rappelle  (t.  IV,  p.  366)  qoe 
Schomberg,  successeur  du  duc  de  Montmo- 
rency dans  le  gouvernement  du  l^nguetloc, 
jouit  peu  de  temps  de  In  dépouille  du  déca- 
pité de  Toulouse,  car  il  fut  frappé  d'apo- 
plexie, 5  Bordeaux,  quelques  semaines  pins 
tard  (17  novembre). 

'  Charles  de  Levis,  marquis  d'Annonay. 
puis  duc  de  Ventadour,  pair  de  Fiance  par 
la  cession  de  son  frère  aîné  (  voir  l,  l,p.  595). 
mourut  le  19  mai  1669. 


352  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

tions  de  ia  part  du  Roy,  et  que  ceux  du  Languedoc  se  tiendront  à  Nar- 
bonne  pour  ne  pas  tant  retarder  le  passage  du  Roy.  Nous  avons  icy  le 
père  General  des  Jacopins^  qui  avoit  envoyé  une  ordonnance  de  sus- 
pension du  Prieur  du  couvent  Royal  de  S'  Maximin  et  l'avoit  faicte  si- 
gniffier  sans  prendre  l'annexe  du  Parlement  contre  les  ordres  de  ia 
province,  mais  il  en  a  esté  interjette  appel  comme  d'abbus  qui  a  esté 
renvoyé  aprez  l'ouverture  du  Parlement.  Et  cependant  la  chambre  des 
vacations  a  faict  deffences  au  Prieur  de  s'abstenir  de  la  fonction  de  sa 
charge;  on  est  maintenant  aprez  à  chercher  des  expedientz  pour  ac- 
commoder ceste  affaire,  oii  vous  aurez  en  son  temps  toutes  ces  proced- 
dures,  et  je  demeureray. 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 

A  Aix,  ce  27  septembre  1689'. 


LXIX 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Plus  je  m'advance  dans  le  sesjour  de  la  ville,  tant  plus  se  multiplient 
les  occupations  et  divertissements  inesvitables,  par  des  rencontres  ino- 
pinées et  par  des  occasions  d'employ  dont  je  me  serois  bien  passé,  et 
dont  tous  aultres  se  seroient,  je  m'asseure,  mieux  acquittez  que  moy, 
et  ce  qui  m'en  t'eusse  demeuré  de  bon  eust  esté  la  jouissance  d'une 
tranquillité  d'esprit  qu'on  ne  sçauroit  trouver  dans  la  ville,  et  le  moyen 

'  C'était,  comme  on  le  voit  dans  la  lettre  pour   gouverner    tout    l'ordre   en   qualité 

suivante,  Nicolas  Ridolfi,  né  vers  1576  à  de  vicaire  général;  il  fut  élu  général  en 

Florence;  il  entra  dans  l'ordre  de  Saint-  1699.  Voir  sur  ses  visites  en  Italie  et  en 

Dominique  vers  iSga,  fut  nommé  maître  France  l'article  Ridolji  du  Dictionnaire  de 

du  sacré  palais  par  Grégoire  XV  en  1632,  Moréri. 

et  Urbain  VRI  le  choisit,  à  la  fin  de  1628,  '  Vol.  717,  fol.  iSa. 


|163'2]  AUX   FRERKS  DUPUY.  353 

de  fournir  plus  de  correspondance  à  mes  amis,  dont  je  me  vois  esloi- 
{jner  la  commodité  d'une  sepmaine  à  auUre,  non  sans  un  extrême  des- 
plaisir ;  j'y  ay  trouvé  neantmoins  un  advantage  que  je  nesçaurois  assez 
priser,  (]ui  est  d'avoir  ouy  l'action  de  Monsieur  nostre  Premier  Prési- 
dent à  l'ouverture  du  Parlement,  où  il  ravit  tout  le  monde  avec  une 
éloquence,  une  majesté  et  une  eflicace  '  qui  luy  a  conquis  irrévocable- 
ment les  coeurs,  non  seulement  de  toute  l'assistance,  mais  de  toute  la 
ville  et  de  toute  la  Provence,  où  les  relations  en  ont  esté  receiies  jusques 
aux  lieux  les  plus  esloignez,  avec  des  applaudissementz  et  bénédictions 
qu'on  ne  sçaaroit  exprimer.  Car  on  ne  pense  point  avoir  acijuis  rien  de 
moins  qu'un  second  Monsieur  du  Vair  et  vous  puis  asseurer  que  si  bien 
il  y  avoit  de  la  différence  de  sa  façon  de  parler  à  celle  de  Monsieur  le 
garde  des  sceaux  du  Vair,  c'estoit  neantmoins  avec  tant  de  grâce  et  avec 
des  discours  et  conceptions  si  nobles,  si  sérieuses  et  si  bien  appropriées 
au  subject  qu'il  luy  falloit  traicter,  qu'il  ne  se  pouvoit  rien  voir  ny  ouyr 
de  mieux,  et  si  feu  M''  du  Vair  eusse  peu  estre  des  auditeurs,  je  suis 
tout  asseuré  qu'il  auroit  redoublé  au  centuple  toute  la  bonne  opinion 
que  je  sçay  qu'il  avoit  conceûe  d'un  si  digne  personnage  et  qu'il  en 
auroit  adoré  le  mérite  aussy  bien  que  la  probité  qui  a  desja  paru  en 
iuy  sur  diverses  occurrences  bien  importantes.  Je  ne  plains  que  de  le 
voir  confiné  en  un  si  chetif  pais  que  le  nostre  et  si  mal  secondé  comme 
il  est  pour  estre  nostre  pauvre  compagiiie  quasi  toute  cbangée  et  réduite 
à  une  ou  deux  barbes  blanches  tant  seulement.  J'espère  bien  que 
l'exemple  de  sa  bonne  vie  pourra  beaucoup  ayder  à  former  celle  de 
plusieurs  des  jeunes,  d'aultant  qu'ilz  en  pourront  retenir  sur  le  modelle 
de  la  sienne,  mais  il  y  faudra  bien  du  temps  et  de  la  patience,  et  les 
défectuosité/  de  l'humeur  de  nostre  nation  ne  nous  y  peuvent  pas  laisser 
prendre  toute  la  part  qui  y  seroit  à  désirer.  Je  n'ay  pas  encores  ozé  me 
donner  la  hardiesse  de  luy  demander  coppie  de  sa  harangue,  et  y  feray 
bien  grand  scrupule,  jusques  îi  ce  que  j'aye  peu  rencontrer  quelque 

'  Voir  sur  le  mot  efficace,  employé'  alors  pour  efficacité,  une  note  des  Letiret  de  Jean 
Chapelain  [i.  I,  p.  \ih). 

II.  65 


354  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

bonne  occasion  de  le  servir  qui  me  puisse  faire  prendre  plus  confidem- 
ment  la  liberté  qu'il  m'a  daigné  offrir  chez  luy,  mais  si  vous  la  luy 
vouliez  demander  je  m'asseure  qu'il  ne  voudroitpas  vous  en  avoir  es- 
conduit,  quelque  répugnance  que  sa  modestie  y  peusse  former,  et  y 
trouverez  sans  doubte  bien  de  quoy  loiier  et  admirer  en  la  tissure  d'un 
si  bel  ouvrage  enricliy  de  si  belles  recherches  et  oii  l'artifice  est  telle- 
ment desguisé  et  dans  une  si  grande  naifveté  et  douceur  qu'il  ne  semble 
pas  qu'il  se  peusse  tenir  de  discours  plus  familièrement  quoy  qu'il 
soit  le  plus  sérieux,  le  mieux  elabouré  et  le  plus  énergique  ou  plus 
fort  en  suasion'  qui  se  puisse  voir  pour  son  subject,  dont  je  ne  doubte 
point  que  pour  le  moins  vous  ne  le  veuilliez  féliciter. 

Le  père  Nicolas  Ridolfi,  General  des  Jacobins,  à  qui  l'on  donna 
place  dans  le  tambourg'\  en  demeura  grandement  satisfaict,  et  si  bien 
ediffié  comme  tout  le  reste  de  la  compagnie  qu'il  ne  se  pouvoit  lasser 
de  le  magniffier^,  et  de  dire  qu'aprez  avoir  ouy  ceste  action,  les  plus 
belles  prédications  avoient  perdu  la  plus  part  de  leur  advantage.,  et  de 
faict  il  n'y  eut  jamais  de  moyen  de  le  faire  prescher  bien  qu'il  en  eust 
auparavant  laissé  quelque  sorte  d'espérance.  Il  est  party  ce  jourd'huy 
nonobstant  la  pluye,  pour  s'en  aller  travailler  à  la  reformation  du  cou- 
vent de  S'^  Maximin ,  fort  satisfaict  des  arretz  que  nostre  compagnie  luy 
a  fourniz  pour  en  faciliter  l'exécution,  aprez  estre  demeurée  récipro- 
quement fort  satisfaicte  de  luy,  car  ayant  luy  apprins  qu'au  préjudice 
des  ordres  et  coustumes  de  ceste  province  (oii  toute  sorte  de  lettres  et 
provisions  tant  ecclésiastiques  comme  royalles  se  présentent  à  la  cour 


*  Sous  te  mot  suasion,  Littrd,  après  avoir 
cité  IN .  Oresme  pour  le  xiv"  siècle  et  Montaigne 
pour  le  xvi%  ne  cite,  pour  le  xvii%  que  Cor- 
neille {Mélite). 

'  Nos  anciens  dictionnaires ,  qui  mention- 
nent le  tambour  trque  l'on  voit  aux  églises  n, 
n'ont  pas  mentionné  le  tambour  des  palais  de 
justice. 

^  Vieux  mot,  dit  le  Dictionnaire  de  Tré- 
votuc,  (rqui  signifioit  exalter,  élever  la  gran- 


deur. Vaugelas  regrettoit  fort  la  perte  d'un 
si  beau  mot,  d'autant  plus  que  nous  n'en 
avons  point  d'autre  qui  ait  la  même  force  et 
la  même  signification.  C'est  pour  cela  qu'il 
souhaitoit  qu'on  s'en  servît  toujours  dans  les 
grands  ouvrages.  L'Académie  l'admet...  n 
J'ajoute  que  l'Académie  l'admet  encore  dans 
la  dernière éditiondeson  Dicd'oHHaiVe (i  878). 
Voii'  sur  ce  mot  les  Lettres  de  Jean  Chape- 
lain, t.  II,  p.  3o6. 


[1632] 


AUX  FRERES  DUPUY. 


355 


pour  en  avoir  riinncxc  ou  parealis  de  quelque  part  qu'elles  viennent 
hors  de  nostre  province)  et  au  préjudice  de  quelques  privilèges  parti- 
culiers on  avoit  fait  signifïior  au  prieur  de  S'  Maximin  certaine  ordon- 
nance; de  suspension  do  la  part  du  chapitre  de  la  congrégation  relorinée 
de  8'  Louis  par  luy  confirmée  et  auctorisée  sans  en  prendre  la  permis- 
sion de  la  cour,  il  révoqua  incontinant  toute  la  procédure  et  en  donna 
un  acte  par  escript  signé  de  luy  et  scellé  de  son  seau  portant  revocation 
de  la  dicte  suspension,  et  mandement  au  Prieur  d'aller  continuer  sa 
charge  en  attendant  son  arrivée  sur  les  lieux ,  de  quoy  je  vous  envoyeray 
une  coppie  par  le  prochain  ordinaire,  Dieu  aydant,  ensemble  des  ar- 
rêts intervenu/  sur  ce  suhject  et  sur  une  aultre  contention  entre  les 
Minimes,  qui  seront  possible  de  vostre  goust  et  de  M""  vostre  frère.  Geste 
négociation  m'a  obligé  de  le  voir  quelquefois  et  de  le  gouverner  avec  un 
grand  plaisir,  car  il  ne  se  voit  guieres  de  pei-sonnes  de  sa  profession 
dont  la  conversation  soit  si  douice  et  si  polie;  aussy  tient  on  que  le 
Pape  ayant  recongneu  son  mérite  l'a  mis  au  nombre  de  ceux  qu'il  tient 
in  scrinio  pectoHs  pour  cardinaulx^  Vous  n'aurez  pas  de  moy  pour  ce 
coup  d'aultres  nouvelles  que  cela,  car  pour  celles  de  la  cour  vous  les 
avez  quasi  aussy  tost  que  nous  et  beaucoup  plus  certaines;  seulement 
vous  envoieray  je  un  petit  extraict  tiré  partie  d'une  lettre  de  M'  de  la 
Fayette,  et  partie  d'une  de  M'  de  Thou  qui  nous  avoit  laissé  quelque 
espérance  de  le  revoir;  mais  si  le  Roy  est  party  de  Montpellier  depuis 
samedy  comme  l'on  dict  ^,  j'ay  grand  peur  que  le  temps  qu'il  pouvoit 
avoir  destiné  à  ceste  courvée  ne  luy  soit  desja  eschappé,  et  le  mal  est 
qu'il  me  parloit  si  incertainement  de  sa  routte  en  cas  qu'il  vint  de  par 
deçà,  monstrant  désire  irrésolu  s'il  viendi-oit  par  Arles  ou  par  Avi- 
gnon, qu'il  nous  a  osté  le  moyen  d'aller  au  devant  de  luy  comme  nous 


'  Non  seulement  Nicolas  Ridolfi  ne  devint 
pas  cardinal ,  mais  encore  il  fut  disgracié  en 
iG/ii  et  ne  fut  rdtabli  dans  le  gdn(5ralnt 
qu'on  16/19.  Il  mourut  le  t5  mai  de  cette 
môme  année,  plus  qu'octogénaire. 

'  Louis  Xlll  n'avait  pas  quitté  Montpel- 
lier au  moment  où  Peiresc  s'exprimait  ainsi, 


car  Richelieu,  la  veille,  écrivait  au  marquis 
de  Sourdis  (t.  IV,  p.  887):  <rSo  Majesté  par- 
tira dans  peu  de  jours  jiour  aller  à  Toioseel 
h  Bordeaux.»  Le  roi  était  déjh  à  Béziers 
le  8  octobre  ;  il  en  partit  le  1  â  et  arriva  le 
aa  à  Toulouse. 


i5. 


356  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

eussions  tasché  de  faire,  non  seulement  mon  frère  de  Valiavez,  mais  moy 
encores,  si  j'eusse  peu. 

Il  me  reste  de  vous  accuser  la  réception  par  le  dernier  ordinaire  de 
vostre  despesche  du  20''  du  passé,  et  de  vous  remercier  comme  je  faictz 
trez  affectueusement  des  nouvelles  de  la  prise  de  Limbourg',  de  la  bonne 
santé  de  M' de  Saulmaize,  et  de  l'amendement  de  celle  du  bon  Monsieur 
Haultin,  dont  je  me  conjouis  de  tout  mon  coeur  tant  envers  luy  et  en- 
vers M'  Rigault  qu'envers  vous  et  toute  l'Académie,  car  certainement 
c'est  un  trez  digne  personnage  et  dont  la  vertu  meriteroit  d'estre  mieux 
recongneûe.  Je  tascheray  de  faire  effort,  Dieu  aydant,  ceste  sepmaine, 
pour  me  desbarasser  de  ce  qui  me  reste  de  complimentz  et  affaires  du 
Pallais  plus  pressantes,  afin  de  prendre  un  jour,  s'il  est  possible,  pour 
moy,  ou  plustost  pour  mes  amis,  envers  lesquels  je  me  trouve  en  ar- 
reirage  à  mon  trez  grand  regret.  Cependant  je  demeureray, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  4  octobre  1682. 

J'oubliois  de  vous  dire  que  non  seulement  M' le  Premier  Président, 
mais  Madame  la  Première  Présidente  m'ont  voulu  festoier  plusieurs 
fois  dans  leur  maison,  où  ils  m'ont  fait  si  bonne  chère,  et  avec  de  si 
obligeantes  caresses  et  tesmoignages  d'honneur  et  d'affection ,  que  j'en 
suis  tout  confus  de  honte,  ne  le  pouvant  attribuer  à  aultre  chose  qu'<^ 
l'honneur  que  vous  nous  daignez  faire  de  nous  advoiier  pour  voz  servi- 
teurs mon  frère  et  moy.  C'est  pourquoy  je  ne  vous  en  doibs  pas  de 
moindres  remerciements  qu'à  eulx,  auxquels  je  voudrois  bien  pouvoir 
joindre  des  effectz  de  mon  humble  service,  conformes  à  mon  debvoir 
et  à  mes  voeux  ^. 


'  Linibourg,   ancienne  capitale  du  duché  de  ce  nom,  à  97  kilomètres  de  Liège.  — 
'  Vol.  717,  fol.  i54. 


[1632]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  357 


LXX 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 
À  PARIS. 

Monsieur, 

Enfin  Monsieur  de  Tliou  a  pris  la  peine  de  venir  voir  ses  serviteurs 
et  s'est  laissé  gouverner  et  servir  céans  trois  ou  quatre  jours,  durant 
lesquels  il  a  passé  quelques  séances  dans  ma  petite  estude,  avec  tesmoi- 
gna{;e  de  plus  de  satisfaction  <|ue  ne  pouvoit  mériter  un  si  chetif  en- 
tretien et  une  si  mauvoise  chcre  que  la  nostre.  Il  arriva  mercrcdy  au 
soir,  fort  mal  traitté  de  la  pluye,  dont  je  fus  bien  mortiffié,  et  en  partit 
hier  aprez  disner  pour  aller  coucher  à  Ourgon',  où  mon  frère  lalla  ac- 
compagner, faisant  dessein  de  le  suyvre  jusques  à  Vaulcluze  ^  et  jusques 
à  Orange,  oii  je  serois  allé  aussy  volontiers  que  luy  si  j'eusse  eu  assez  de 
forces  pour  cela.  Il  s'altendoit  de  recevoir  des  lettres  de  chez  vous  par 
nostre  dernier  ordinaire.  Mais  en  deffaultdes  siennes,  il  printfort  i\  gré 
le  supplément  de  celles  que  vous  aviez  daigné  nous  escripre,  ce  qui 
augmente  d'aultant  plus  l'obligation  que  nous  vous  en  debvons  avoir.  H 
fut  bien  ayse  d'apprendre  l'entière  guerison  de  M"^  Saulmaise  aussy  bien 
que  moy,  mais  ce  ne  fut  pas  sans  niortilTication  quand  nous  vismes  qu'il 
estoit  si  prest  à  partir  pour  abbandonner  ce  Royaulme  au  grand  op- 
probre de  ceux  qui  avoient  droict  de  le  retenir. 

Je  loiie  Dieu  de  la  reconvalescence  '  de  M'  Haultin  et  luy  souhaitte 
toute  la  meilleure  santé  que  peut  mériter  une  si  grande  vertu  que  la 
sienne.  J'ay  receu  la  lettre  du  sieur  de  Bié  avec  les  portraicts  de  Charles 
cinquiesrae  et  de  Charles  septiesme,  dont  je  le  remercie  bien  fort,  marry 
de  ne  luy  pouvoir  respondi-e  encores  de  cest  ordinaire  et  me  trouvant 
bien  empesché  du  choix  de  ce  qui  luy  pourroit  estre  duysable  pour  son 
livre  qu'il  dict  vouloir  achever  entre  cy  et  le  printemps,  auquel  temps 

'  C'est  Orgon  que  nous  avons  dé]k  trouve        avait  élé  un  des  innombrables  visiteurs  de  la 
plus  haut  (lettre  XXXII  ).  fontaine  de  Vaucluse? 

'  Savait-on  (jue  François-Auguste  de  Thou  ^  Nos  diclionnaii-es  ne  donnent  pas  ce  mot. 


358  LETTRES  DE  PEIUESG  [1632] 

il  parle  de  nous  venir  voir  ^vec  M''  Duval,  où  ils  seront  les  trez  bien 
j  venuz  quand  il  leur  plairra,'  Au  reste  M' le  Prieur  de  Roumoules  se  ré- 
solut enfin  de  partir  ce  jour  d'hier  trois  ou  quatre  heures  aprez  le  des- 
part de  M"^  de  Thou.  Il  s'est  chargé  de  la  caisse  des  Pentateuques  Sama- 
ritains et  aultres  livres  ni[anu]s[crit]s  dont  vous  aviez  ouy  parler  cy 
devant,  lesquels  je  fis  desballer  pour  en  faire  voir  quelques  uns  à  Mon- 
sieur de  Thou  qui  avoit  tesmoigné  le  désirer.  Mais  ils  en  ont  esté  beau- 
coup mieux  empacquettez  celte  seconde  fois.  11  y  avoit  pour  M"^  de  Saul- 
maise  ce  petit  registre  du  Roy  de  Cypre  et  un  Suétone  ni[anu]s[crit] 
de  lettre  bien  moderne,  mais  duquel  feu  M"^  de  Gasaubon  avoit  aultrefois 
tesmoigné  de  faire  grand  cas.  C'est  pourquoy  je  m'imaginois  que  M""  de 
Saulmaise  y  trouveroit  possible  à  glaner  quelque  chose  de  bon  comme 
il  avoit  faict  aultrefois  à  un  aultrc  m[anu]s(crit]  du  mesme  autheur  de 
la  bibliothèque  de  M'  de  Roissi'  qui  esloit  passé  par  les  mains  du 
mesme  Gasaubon  presque  inutilement.  Si  M''  de  Saulmaise  est  party,  il 
fauidra  les  luy  envoyer  en  Hollande.  H  y  aura  pour  M""  du  Ghesne  un 
assez  vieil  formulaire  m[anu]s[crit]  de  la  chancellerie  de  Rome  où  il 
trouvera  quelque  chose  de  ses  cardinaulx  de  France  et  aultres  choses  qui 
seront  possible  encores  plus  de  son  goust.  Et  si  M''  du  Puy  vostre  frère 
se  donnoit  la  patience  de  le  parcourir,  peut  estre  y  reucontreroit-il  en- 
cores quelque  chosette  de  son  goust.  Il  y  a  encores  un  gros  cahier 
couvert  de  parchemin  que  l'on  m'a  preste  d'Avignon ,  où  sont  les  der- 


'  Henri  de  Mesmes,  seigneur  de  Roissi  et 
de  Malassise ,  ne'  le  3o  janvier  1 53 1 ,  niounit 
le  i"  août  iSgô.  M.  L.  Delisle,  traçant  dans 
Le  Cabinet  des  manuscrits  (t.  I,  p.  397-407) 
riiistoire  de  la  bibliothèque  n  qui  était  restée 
dans  la  famille  de  Mesmes  pendant  près  de 
deux  cents  ans»,  dit  (p.  SgS)  :  trC'est  h 
Henri  de  Mesmes  que  revient  la  meilleure 
part  dans  la  fondation  de  la  bibliothèque  qui 
nous  occupe.  La  Croix  du  Maine,  Denys 
Lambin  et  Jean  Passerat  ont  vanté  la  ri- 
chesse de  sa  collection  de  manuscrits  et  le 
noble  usage  qu'il  en  faisait.  Il  était  heureux 


quand  il  pouvait  prévenir  les  désirs  d'un  sa- 
vant. Ainsi  il  envoyait  h  Joseph  Scaliger  les 
volumes  dont  ce  grand  critique  pouvait  avoir 
besoin ,  et  il  ne  lui  laissait  pas  même  la  peine 
d'en  demander  communication,  n  L'Inguim- 
bcrtine  possède  (registre  LXXIX)  une  des- 
cription des  objets  antiques  et  des  manu- 
scrits remarqués  par  Peiresc  dans  le  cabinet 
de  M.  de  Roissi,  en  1612.  Ce  dernier  (Jean- 
Jacques)  e'tait  le  fils  de  Henri  de  Mesmes;  il 
fut  conseiller  au  parlement,  maître  des  re- 
quêtes, conseiller  d'État;  il  mourut  le  3o  oc- 
tobre i64a. 


[1632]  AUX  FRERES  DUPUY.  359 

nieres  confinnalions  des  traités  d'entre  ceux  de  la  relligion  P.  R.  et  les 
subjocts  du  comté  Venayssin,  ou  les  ministres  du  Pape.  Il  lauldra  exa- 
miner s'il  s'y  trouvera  rien  ;\  adjoustor  dans  les  recueilz  de  M'de  Lome- 
nie.  Par  le  prociiain  ordinaire,  Dieu  aydant,  je  vous  envoieray  le  rooHe 
de  tout  le  contenu  de  la  dicte  caisse,  où  vous  aurez  aussy  pour  vostre 
curiosité  les  staluls  de  la  Valteline  que  l'on  m'a  envoyez  d'Italie,  sur  nn 
vieil  mémoire  que  j'y  avois  envoyé  fort  longtemps  y  a,  à  vostre  sugges- 
tion ^  Je  suis  un  peu  las  maintenant,  c'est  pourquoy  vous  m'excuserez  si 
je  ne  vous  escrips  pas  de  nouvelles  pourceste  lois  m'en  remettant  à  mon 
frère.  Monsieur  de  Thou  avoit  faict  dessein  de  vous  escripre  fort  am- 
plement, mais  il  fut  diverty  à  aultres  occupations  inopinées  et  me  chargea 
de  vous  faire  tenir  le  mémoire  cy  joint  que  luy  avoit  donné  M'  de  la 
Fayette  et  de  le  vous  recommander  de  sa  part.  S'il  eust  difleré  de  partir 
jusques  à  ce  jourd'huy  aprez  disner,  il  eusse  peu  voir  à  ce  matin  une 
trez  belle  playdoyerie  pour  le  procureur  gênerai  du  Roy  par  M""  l'ad- 
vocat  du  Perier  ^  qui  a  faict  des  merveilles,  où  je  m'asseure  qu'il  auroit 
prins  grand  plaisii'.  Mais  nostrc  pauvre  Provence  ne  meritoit  pas  tant 
d'honneur  et  d'avantage  qu'il  y  eust  eu  pour  elle. 

Nous  avons  eu  icy  un  Gesuitte  allemand  nommé  le  P.  Balthazard 
Kyrner',  de  ceux  qui  furent  chassez  de  Wûrtzbourg  lors  de  la  prise 
qu'en  fit  le  Roy  de  Suéde*.  Il  dict  avoir  veu  dans  la  bibliothèque  de 
l'Electeur  de  Mayence  un  ra[anu]s[crit]  arabe  concernant  la  manière 
d'interpréter  et  déchiffrer  les  lettres  hieroglyfiques  des  obélisques 
d'/Egipte,  dont  il  dict  avoir  extraict  de  Irez  bonnes  choses,  à  la  vi>r- 


'  Le  registre  LIV  do  la  collection  Pei- 
i%8C,  dans  la  bibliothèque  de  Carpentrus 
(in-fol.  de  6(}5  feuillels),  est  rempli  de  do- 
cuinents  rclotiPs  aux  affaires  des  Suisses  et 
notamment  h  la  Valteline.  L'analyse  de  ces 
docnnioiils  occupe  les  pag-es  3a^-33'j  <lu 
torae  U  du  Catalogue  publié  parC.-G.-A.  Lam- 
bert. 

*  Cet  avocat  était  Scipion  <ln  Périer,  aé  h 
Aix,  en  i588,  mort  en  juillet  1067.  C'était 


le  fils  de  François  du  Périer,  l'ami  de  Mal- 
herbe. 

'  Dans  Kyrner  nous  devons  reconnaître 
Baltbazar  Kilzner,  qui  enseigna  longtemps 
la  philosophie  b  Wûrtzbourg  et  mourut  le 
3  juin  iC'io.  Voir  Hibliollièque  îles  écrivains 
(le  la  Compagnie  de  Jésus ,  t,  11 ,  col.  .'16G. 

'  Ce  fut  en  i63i  que  GusInve^Adolphe 
s'empara  de  la  ville  de  Wnrtzbonrg. 


360  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

sion  desquelles  il  travaille,  ce  que  j'estimerois  bien  si  cela  nous  pouvoit 
donner  lumière  de  choses  si  incogneues  ^  J'oubliois  de  vous  dire  que 
dans  la  caisse  des  manuscriptz  j'ay  mis  le  gros  volume  des  opuscules  de 
Gallien  que  j'avois  en  Hébreu,  afin  que  celluy  qui  en  faict  l'édition 
grecque  ^  voye  s'il  en  pourroit  tirer  quelque  chose  des  pièces  dont  le 
texte  Grec  est  perdu  ou  la  version  latine;  sur  quoy  je  finis  en  me  re- 
commandant de  tout  mon  coeur  en  l'honneur  de  voz  bonnes  grâces  et 
de  toute  l'Académie,  que  nous  avons  salluée  et  adorée,  en  la  personne 
de  Monsieur  de  Thou,  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  1 1  octobre  i63q  '. 


LXXI 


A  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
J'ay  receu  vostre  despesche  du  i  2"=  et  me  sens  infiniment  redevable 
à  vostre  honnesteté  pour  le  bon  accueil  qu'il  vous  a  pieu  faire  à  M'  Me- 
nestrier,  dont  je  prends  une  bonne  partie  sur  mon  compte,  bien  que  je 
ne  doubte  point  que  vous  ne  l'eussiez  faict  tout  aussy  volontiers  à  la 
seule  considération  de  ses  mei'ites,  luy  estant  acquis  comme  je  suis  de 
longue  main  et  intéressé  en  tous  ses  advantages;  si  jamais  j'avois  des 
moyens  de  vous  servir  en  revanche,  je  le  ferois  du  meilleur  de  mon 
coeur,  pour  l'amour  de  luy  aussy  tost  que  pour  quelque  aultre  oc- 
casion que  ce  puisse  estre.  Nous  attendrons  en  bonne  dévotion  la  venue 

'  Le  P.  Kitzner  ne  publia  point  la  version  qui  préparait  l'édition  grecque  de  Galien 

h  laquelle  il  travaillait  au  moment  oià  Peiresc  était  Jean  Tarin, 
fil  sa  connaissance.  ^  Vol.  717,  foi.  1 56. 

'  Nous  avons  vu  plus  haut  que  le  savant 


I 


[1632]  AUX  FRF:RES  DUPUY.  361 

de  iM'  Gassendy  et  par  conséquent  les  livres  dont  il  luy  a  pieu  se  charger 
chez  vous,  mais  particulièrement  ceste  version  du  livre  de  S'  Augustin 
de  opère  monachoruni  '  si  tant  est  que  vous  en  ayez  peu  avoir  un 
exemplaire.  Le  P.  Morin  ne  pourra  plus  guieres  tarder  de  voir  tous 
mes  livres  Samaritains,  que  le  sieur  Prieur  de  Roumoules  vous  doibt 
remettre  en  main  à  son  arrivée  de  par  delà,  avec  tout  plain  d'aultres 
pièces,  dont  je  vous  pensois  envoyer  l'inventaire  par  cest  ordinaire, 
mais  s'estant  confondu  par  mesgarde  dans  mes  papiers,  il  faudra  at- 
tendre l'ordinaire  prochain;  aussy  bien  ay  je  esté  si  embarassé  ceste 
sepmaine  par  la  réception  de  mon  nepveu  de  Rians  en  ma  charge', 
que  je  n'ay  pas  eu  le  moyen  d'escripre  comme  je  doibtz  tant  au  dict 
l\.  P.  Morin  qu'à  M'  le  Jay  ;  cependant  si  la  chose  presse  tant,  toiisjours 
leur  pourrez  vous  bailler  tous  les  livres  qu'il  leur  plaira  de  voir  et  les 
asseurer  par  advance  de  mon  affection  toute  entière  et  de  mon  humble 
service,  estant  bien  marry  de  n'avoir  encores  peu  recevoir  du  Levant 
les  Epistres  de  S'  Paul  et  l'Apocalipse  en  arabe  qu'on  m'a  faict  espérer 
plus  d'un  an  y  a,  mais  je  viens  de  recevoir  des  lettres  du  8*  septembre 
de  celluy  qui  m'a  faict  recouvrer  la  plus  part  de  mes  livres  Samaritains, 
qui  enfin  est  retourné  sur  les  lieux  et  qui  ne  cessera  qu'il  n'en  tire  pied 
ou  aisle,  et  ne  crois  pas  qu'il  ne  revienne  sans  mapporter  quelque  bon 
livre  m[anu]s[cril]  tant  des  Grecs  que  des  langues  orientales.  Et  sur 
ceste  bonne  espérance  je  finiray  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  95  octobre  i632\ 


'  il  s'agit  là  (lu  livre  ([iii  porte  le  tnii- 
k'sinie  de  i633  et  est  intitulé  :  i'.  Au- 
gustin et  de  l'ouvrage  des  moines,  ensemble 
quelques  pièces  de  S.  Thomas  et  de  S.  Boiia- 
venture  sur  le  même  .sujet ,  traduit  par  Cornus , 
cvéque  de  Belley  (Rouen,  in-8°). 


'  On  s.iit  que  l'eiresc,  a  l'occasion  du 
mariage  de  sua  neveu,  lui  avait  fait  dona- 
tion de  la  charge  de  conseiller  au  'parlement 
d'Aix.  sous  la  réserve  d^n  jouir  encore  pen- 
dant trois  ans. 

'  Vol.  717,  fol.  i58. 


A6 


362  IJ-ITTRES  DE  PEIRESC  [1632] 


LXXII 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 
À  PARIS. 

Monsieur, 
J'avois  espéré  de  faire  une  grande  despesche  par  cest  ordinaire  et  de 
me  prévaloir  pour  cest  effect  de  la  commodité  de  trois  ou  quatre  fe- 
riatz  pour  pouvoir  escriprc  au  R,  P.  Morin,  à  M' le  Jay,  à  M'  Victray,  à 
M'  du  Chesne  et  à  M""  Saulmaize  sur  le  subject  des  livres  que  je  vous 
ay  addressez  pour  eulx  et  encore  à  d'aultres,  mais  l'exercice  trop  grand 
que  j'avois  esté  contraint  de  faire  pour  les  compliments  nécessaires  à  la 
réception  de  mon  nepveu ,  me  firent  (sic)  descendre  quelques  pierres  des 
reins  qui  m'ont  bien  travaillé  de  la  colique  rénale  depuis  4  ou  5  jours. 
Enfin  je  me  suis  accouché  à  ce  matin  d'une  pierre  de  la  grosseur  d'un 
demy  pignon  ^  et  si  Dieu  vouloit  que  celle  la  feust  seulle,  je  serois 
bien  heureux.  C'a  esté  assez  à  temps  pour  pouvoir  aller  faire  un  tour  à 
l'Eglise,  un  si  bon  jour  que  celluy  cy,  mais  au  retour  j'ay  eu  des  me- 
naces qui  ne  m'ont  pas  laissé  en  estât  de  pouvoir  travailler  d'aujour- 
d'huy  à  mon  grand  regret,  de  sorte  qu'il  faudra  différer  de  nécessité 
au  prochain  ordinaire  l'acquittement  de  cez  petitz  debvoirs.  Cependant 
je  vous  accuseray  la  réception  de  vostre  despesche  du  1 8  octobre  avec 
ces  deux  pièces  que  j'ay  grandement  estimées,  dont  l'une  estoit  veniie 
jusques  à  nous  par  grand  hazard,  mais  tronquée  de  plusieurs  articles 
bien  importants  comme  vous  pourrez  voir  par  la  coppie  que  je  vous 
envoyé,  où  vous  trouverez  de  plus  qu'en  la  vostre  une  datte  et  l'expres- 
sion de  certaines  signatures  qui  n'y  sont  pas  inutiles.  Vous  aurez  par 
mesme  moyen  quelques  petits  extraictz  que  j'ay  faict  tirer  du  Parle- 
ment, qui  ne  seront  possible  pas  esloignez  de  la  curiosité  et  des  re- 
cherches tant  de  M'  vostre  frère  que  de  M'  de  Lomenie,  si  tant  est  que 
les  précédentes  ne  leur  ayent  pas  desagréé. 

C'est-à-dire  du  fruit  du  pin,  fruit  contenu  dans  ce  que  l'on  appelle  pomme  de  pin. 


[Ifi32]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  363 

Nous  n'avons  rien  icy  de  nouveau  pour  le  présent,  si  ce  n'est  que 
M'  le  Mareschal  '  est  maintenant  k  Tarascon,  ayant  achevé  la  commis- 
sion (In  Languedoc  pour  certains  Ediclz  addressez  à  la  Cour  des  aydes 
et  Chambre  des  comptes  à  Montpellier;  on  l'attend  icy  dans  deux  ou 
trois  jours,  pour  aller  faire  son  entrée  à  Marseille  en  qualité  de  Gou- 
verneur, et  puis  tenir  les  Estatz,  sur  quoy  je  finiray  demeurant  selon 
mes  plus  anciens  voeux, 
Monsieur, 

vostre  irez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  i"  novembre  lôSa. 

Je  vous  supplie  de  faire  rendre  en  main  propre  le  pacquet  de  M' le 
Procureur  du  Soûl  pour  ce  qu'il  nous  importe  et  celluy  de  M' Hobin  '. 


Lxxm 


À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

k  PARIS. 

Monsieur, 
Nous  eustnes  avant  hier  vostre  despesche  avec  la  relation  de 
Tresfes',  que  j'ay  esté  bien  ayse  de  voir  avec  cez  aultres  galanteries 
dont  je  vous  remercie  trez  humblement  et  sur  tout  de  la  bonne  part 
qu'il  vous  a  pieu  nous  faire  des  nouvelles  de  M'  de  Thon  et  de  sa  fa- 
vorable réception,  tant  auprez  de  M'  le  Prince*  que  de  Messieurs  du 
Parlement  de  Dijon  qui  sont  bien  plus  capables  de  luy  rendre  ce  qui 
luy  appartient  que  noz  rudes  esprits  de  Provence,  où  je  le  regretlerois 

'  Le  maréchal  de  Vilry.  '  Sur  le  s»^jour  k  Dijon  de   Henri    de 

'  Vol.  717,  fol.  169.  Bourbon,  prince  deCondé,  pendant  la  tes- 

'  La  relalion  de  la  capitulation  de  la  ville        sion  des  Ktals,  voir  {'Histoire  des  prineeê  de 

de  Trêves  (du  ao  août  i63a),  capitulation        Condé  par  M.  ledned'Aumale,  t.  III,  p.  «55 

déjà  mentionnée  un  peu  plus  haut.  q6o. 

&6. 


364  LETTRES  DE  PEIRESG  [1632] 

bien  aultant  pour  l'amour  de  luy  comme  nous  aurions  de  subjecl  de 
nous  tenir  bien  heureux  s'il  se  vouloit  daigner  d'y  venir  faire  quelque 
residance,  n'estimant  pas  que  ce  qu'il  vous  en  peult  avoir  mandé 
puisse  provenir  d'aulcun  subject  qu'il  aye  eu  de  le  désirer,  aprez  avoir 
recogneu  les  vices  et  infirmitez  de  la  nation,  ains  plus  tost  de  l'eniinente 
bonté  de  son  naturel  et  de  sa  surabondante  courtoisie  et  honnesteté, 
qui  nous  veult  obliger  par  ce  tesmoignage  au  delà  de  tout  ce  que  nous 
pouvions  espérer. 

Nostre  homme  de  Rome  n'est  point  encores  arrivé  et  n'avons  point 
encores  d'advis  qu'il  en  soit  party,  ouy  bien  qu'il  faisoit  estât  de  partir 
au  commancement  d'octobre,  mais  je  crains  qu'il  ne  veuille  attendre  la 
commodité  du  retour  des  tartanes  de  Martigue  ',  lesquelles  vont  porter 
à  Rome  du  vin  de  la  saison  présente,  et  lesquelles  par  conséquent  ne 
peuvent  partir  de  ce  pais  pour  entreprendre  ce  voyage  là,  que  les  vins 
ne  soient  en  estât  d'estre  transportez,  mais  je  crois  bien  que  pour  le 
plus  tard  il  pourroit  maintenant  partir  de  Rome,  et  faire  son  passage 
dans  peu  de  jours  avec  les  favorables  Levantz  qui  régnent  ;  si  tost 
qu'il  sera  arrivé,  je  feray  prendre  le  Laertius  in  fol"^  pour  l'envoyer  à 
M'  Gassendy  selon  vostre  ordre,  lequel  m'escriptde  Lyon  son  arrivée  là 
du  27  du  passé,  et  qu'il  pensoit  estre  bien  tost  à  Digne.  J'ay  prins  plaisir 
de  voir  ce  qu'il  vous  plaist  me  mander  de  M''Saulmaise  et  du  Tertullian 
de  M'  Rigault  comme  aussy  de  la  bonne  volonté  de  M"^  Duval  et  du  sieur 
Bié,  ausquelz  je  suis  bien  empesché  de  donner  la  satisfaction  de  si 
loing,  mais  je  vous  suis  grandement  redevable  des  faveurs  qu'il  vous  a 
pieu  de  faire  à  M"^  Menestrier  qui  tesmoigne  vous  avoir  des  infinies  obli- 
gations et  d'estre  grandement  honteux  de  la  peine  que  vous  voulustes 
prendre  de  le  mener  à  S'  Denis  dans  vostre  carosse  et  avec  tant  de  ca- 
resses. Je  crois  que  le  sieur  Prieur  de  Rou moules  debvra  estre  arrivé 

'  Les  Martigues,  chef-lieti  de  canton  de  dogmatibiis  et  apophtltegmatis  eominqui  in  phi- 

l'arrondissement  d'Aix,  à  ho  kilomètres  de  losophia  claruerunl  libri  X ,  Th.  Aldobrandino 

cette  ville.  interprète,  cum  annot.  ejusdem.  Voir  le  Manuel 

'  Ce  Diogène  de  Laërte  in-fol.  était  l'édi-  du  libraire,  (.  II,  col.  719. 
tien  de  Rome  (A.  Zanetli,  lôgi)  :  De  vitis. 


[1632]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  365 

longtemps  y  a  avec  ma  caisse  délivres,  sur  lesquels  le  P.Morin.M'le  Jay 
et  le  sieur  Victray  auront  eu  de  quoy  se  desabuser,  s'ilz  en  avoientconceu 
de  trop  bonne  espérance.  Je  leur  ay  enfin  escript  ce  jourd'huy  inespe- 
rement  aprez  estre  allé  reconduire  hors  de  la  ville  la  mère  el  la  lanle 
de  ma  niepce  de  Rians  qui  s'estoient  donné  la  peine  de  la  nous  amener 
icy  et  de  luy  tenir  bonne  compagnie  durant  ses  couches  d'une  fille  ',  pour 
laquelle  vous  nous  faictes  des  félicitations  plus  obligeantes  que  nous  ne 
vallons.  J'eusse  bien  désiré  d'escripre  à  M'  Aubery  etd'aulfres,  mais  le 
despart  de  ces  dames  nous  a  tenus  embarassés  tous  ces  jours  icy  et  la 
plus  part  du  jourd'huy,  tellement  que  je  ne  pensois  pas  pouvoir  seule- 
ment escripre  au  dict  père  Morin,  de  qui  vous  pourrez  voir  la  lettre  si 
vous  le  trouvez  à  propos  aussy  bien  que  celles  des  sieurs  le  Jay  et  Vic- 
tray, les  ayant  faict  laisser  exprez  à  cachet  volant  pour  n'user  de  redites, 
afin  que  vous  y  puissiez  voir  tout  ce  que  j  eusse  deub  vous  escripre 
concernant  les  Penlaleuques  et  aultres  libvres  Samaritains  que  je  con- 
fieray  bien  de  bon  coeur  à  cez  Messieurs;  mais  pour  les  deux  Syriaques, 
s'ils  doibvont  passer  par  les  mains  du  sieur  Gabriel  Sionita,  je  n'ay  pas 
de  subject  de  m'y  fier  si  librement  à  cause  qu'il  m'a  retenu  avec  une 
asseurancc  Tort  estrange  et  inespérée  pour  ne  dire  impudence  un  petit 
livre  m[anu]s[crit]  en  l'une  de  ces  langues  orientales,  que  feu  M""  le 
garde  des  sceaux  du  Vair  m'avoit  donné  en  mesme  temps  qu'il  luy 
avoit  esté  présenté  par  un  Cordelier  de  ma  cognoissance  fraischement 
revenu  de  Levant,  lequel  livre  j'avois  depuis  remis  ez  mains  du  dict 
Gabriel  Sionita  en  présence  mesme  de  M'dn  Vair,  alfin  qu'il  l'examinast 
avec  son  compagnon,  et  quand  M' du  Vair  fut  mort,  il  eut  le  courage 
de  me  dire  que  Monsieur  du  Vair  le  luy  avoit  donné  à  luy,  ce  que  son 
compagnon  n'auroit  pas  jamais  faict  comme  luy,  car  il  estoit  de  trop 
bonne  foy  et  de  trop  bonne  conscience;  c'est  pourquoy  mes  livres  Sy- 
riaques se  pourront  bailler  à  M' le  Jay,  afin  que  s'il  les  veut  faire  voir 

'  Marguerite  des  Alrics  donna  deux  fdies  Gabrielle,  à  Scipion  du  Périer,  conseiller  au 

nu  baron   de  Rians  :  l'une,  Suzanne,  fut  parlement  de  Provence,  fîls  de  François  du 

niariëe  à  François- Paul  de  Valbelle,  sei-  Périer  et  petit-fils  de  l'illustre  jurisconsulte 

gneurdeMtîrarguesetdeCndarache; fautre,  Scipion  du  Pi'rier. 


366 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1G3Î 


au  dict  Gabriel ,  qu'il  en  retire  les  asseurances  recjuises.  Vous  verrez 
aussy  dans  la  lettre  de  Victray  ce  que  je  luy  mande  concernant  le 
Théophile  de  M'  Fabrot  \  lequel  désire  bien  de  retirer  son  exemplaire 
puis  que  ses  gentz  n'ont  daigné  le  mettre  soubs  la  presse  comme  ils 
avoient  promis  ;  cependant  à  quelque  chose  malheur  a  esté  bon  dans 
ce  retardement,  car  je  luy  fis  avoir  des  m[anu]s[crit]s  Grecs  où  il  a 
trouvé  de  si  bonnes  choses  pour  cela,  qu'il  sera  bien  ayse  d'y  toucher 
en  passant,  si  vous  nous  faictes  renvoyer  la  coppie  comme  je  vous  en 
supplie,  bien  marry  de  ne  pouvoir  escripre  seulement  au  Prieur  de 
Roumoules  comme  il  falloit  que  je  fisse,  tant  l'heure  est  desja  tarde. 
J'avois  faict  apprester  encores  pour  vous  quelques  arretz,  mais  on  ne  les 
a  pas  peu  faire  signer,  si  ce  n'est  un  concernant  Madame  de  Crequy 
lequel  sera  cy  joint  en  attendant  si  je  pourrois  recouvrer  les  aultres 
precedentz  et  ces  deux  transactions  dattées  au  veu  d'icelluy.  La  nou- 
velle de  l'exécution  du  Duc  de  Montmorancy  a  mis  une  estrange  terreur 
au  monde  de  pardeça^.  Le  siour  de  Luzarches,  qui  passa  hier  matin 
à  Marseille  pour  s'en  aller  à  Rome,  disoit  l'avoir  veu  exécuter  dans  la 
basse  cour  de  l'hostel  de  ville  de  Thoulouse^.  Il  porte  à  M'  de  Brassac, 
Ambassadeur*,  le  congé  du  Roy  qu'il  avoit  demandé  pour  le  mois  de 
mars  prochain.  Et  [annonce]  que  le  Roy  avoit  déclaré  pour  son  succes- 
seur en  Ambassade  le  sieur  de  NoiiaiHes*.  Enfin  les  bruictz  avant  cou- 


'  Voir  dans  la  Notice  sur  la  vie  de  G.-A .  Fa- 
brot, par  Ch.  Giraud,  la  lettre  dont  il  est  ici 
question  et  qui  porte  la  date  du  8  novembre 
1 6.39  (p.  Qo3).  Cette  lettre,  publi(?e  d'après 
les  copies  de  la  bibliothèque  Mdjanes,  est 
précédée  d'une  lettre  de  Vitré  à  Peiresc,  du 
9  2  juillet  i63o,  également  publiée  d'après 
les  manuscrits  d'Aix. 

'  Montmorency  avait  été  décapité  le  sa- 
medi 3o  octobre. 

'  Les  récits  de  Texécation  sont  innom- 
brables. Deux  des  plus  détaillés  sont  ceux 
qui  sont  indiqués  dans  le  Catalogue  de-  la 
Bibliothèque    nationale  {Histoire  de  France, 


1. 1,  art.  9907  et  9908).  Ce  dernier  récit  n'a 
pas  eu  moins  de  sept  éditions. 

*  Jean  de  Galard  de  Béarn,  comte  de 
Brassac,  né  en  1679  en  Saintongc,  mourut 
à  Paris  le  i4  mars  i645.  Voir  une  biogra- 
phie détaillée  de  ce  diplomate  dans  les  Do- 
cuments historiques  sur  la  maison  de  Galard, 
publiés  par  M.  Jules  Nouiens  (t.  IV,  in-h', 
Paris,  1876,  p.  ii27-ti43). 

^  François  de  Noailles,  comte  d'Ayen,  né 
en  i58/i,  mort  en  i645,  fut  ambassadeui- 
du  roi  de  France  auprès  du  pape  Urbain  VIII 
(avril  1 634 -juillet  i636).  Conférez  une 
lettre  de  Jean  Chapelain  (t.  I ,  p.  90)  où  l'on 


(1632]  AUX  FRERES  DUPUY.  367 

reurs  de  la  marescliaussoe  de  M' le  Marquis  de  Brezé  se  sont  verilliez 
lost  ou  tard  aussy  bi(!n  que  ceux  du  gouveriieiiieut  de  Lan};uedoc  pour 
M' de  Sdiouiberg,  à  (|uoy  l'on  adjouste  le  {jouverneBient  de  la  citadelle 
de  Montpellier  et  la  lieutenance  jjeuerale  pour  son  filz,  Monsieur  de 
Ventadour  ayant  eu  le  Lyniosin,  mais  vous  debvrez  sçavoir  le  tout  beau- 
coup plus  tost  et  plus  certainement  que  nous  et  je  demeureray, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteui-, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  8  novembre  i63iï, '. 


LXXIV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
J'ay  receu  vostre  despesche  du  premier  de  ce  mois  conjointement 
avec  celle  de  M""  Aubery  du  5'  acconjpaijjnée  dune  aultre  du  Prieur  de 
Roumoules  où  j'ay  esté  bien  ayse  d'apprendre  son  arrivée  en  bonne 
santé  et  qu'enfin  les  m[anu]s[critjs  vous  avoient  esté  remis,  espérant 
que  ce  ne  sera  point  si  tard  qu'il  n'y  aye  encore  quelque  moyen  de 
s'en  servir  si  on  veult.  Nous  n'avions  point  encore  veu  de  par  deçà 
l'arrest  du  président  Le  Gogneux  ^  dont  nous  debvions  estre  un  peu  plus 
curieux  qu'ailleurs  à  cause  de  celuy  qui  a  esté  donné  à  Toulouze  par 
Messieurs  les  Maistres  des  Hequestes  au  nombre  de  sept  contre  le  Pré- 


voit, comme  dam  celle-ci ,  que  le  futur  pro- 
tecteur (le  Gampanella  et  de  Galilée  était 
déjà  désigné,  dès  la  lin  de  l'année  1689, 
pour  les  fonctions  d'ambassadeur  auprès  du 
Saint-Siège. 

'   Vol.  717,  fol.  160. 

'  G'est-à-dire  l'ari-êt  contre  Jacques  Le 


Goigneux,  président  à  la  chambre  des 
compte»  et  chancelier  de  Gaston  d'Orléans . 
arrêt  par  lequel  les  biens  de  ce  complice  du 
piince  révoltii  furent  déclarés  confisqués  et 
réunis  au  domaine  du  i-oi.  Voir  rA(*tori««e 
de  Talleniant  des  Réaux  intitulée  Le  prési- 
dent Le  Cognetu-  el  >,onJil:  (L  IV.  p.  i-aa). 


368  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

sident  Carriolis  de  ce  parlement  en  datte  du  99*  du  passé',  dont  nous 
n'avions  point  encores  veu  la  coppie.  La  séance  des  Estatz  de  Beziers 
estoit  fort  notable  pour  le  rang  du  Parlement,  et  Monsieur  nostre  Pre- 
mier Président  print  grand  plaisir  de  voir  l'une  et  l'autre  pièce,  comme 
aussy  le  roolle  des  livies  de  la  foire,  entre  lesquels  la  responce  de 
Schiquardus  à  M'  Gassendy  sur  son  Mercurius  in  sole  -  nous  tiendra  en 
grande  impatience,  jusques  à  ce  que  nous  ayons  veu  ce  que  c'est.  J'ay 
bien  de  l'obligation  à  M'  de  Valois  et  rechercheray  tout  moyen  de  me 
revancher  de  tant  de  bonne  volonté  qu'il  monstre  avoir  pour  moy,  la- 
quelle je  ne  dois  imputer  qu'à  l'excedz  de  courtoisie  avec  quoy  vous 
aultres  Messieurs  luy  pourriez  avoir  parlé  de  moy,  plus  tost  selon  ce 
que  vous  souhaittiez  que  je  fusse  que  selon  ce  que  je  pourrois 
estre  de  ma  vie,  de  quoy  par  conséquent  je  vous  ay  la  principalle 
obligation.  Et  serois  bien  ayse  d'entendre  que  son  Ammian  Marcelin 
fusse  en  estât  de  voir  le  jour',  mais  pour  la  dédicace  des  eglogues  de 
Constantin  Porphyrogenete  je  suis  bien  dadvis  que  vous  luy  en  fas- 
siez faire  l'addresse  à  quelqu'un  qui  aye  moien  de  luy  faire  toucher 
quelque  chose  des  bienfaictz  du  Roy.  Pour  moy  je  luy  suis  trop  rede- 
vable de  sa  bonne  volonté.  Monsieur  Gassendy  m'escript  de  Lyon  du 
9*  de  ce  mois  qu'il  avoit  esté  voir  à  Bourg  en  Bresse  le  sieur  de  Me- 
zeriac*  lequel  il  avoit  trouvé  bien  avant  sur  le  Plutarque^  et  qu'il  avoit 
son  ApoHodore  tout  prest  à  mettre  soubz  la  presse'',  qu'il  avoit  chez  luy 


'  Voir,  sur  le  président  de  Coriolis  et  sur 
sa  condamnation,  t.  I,  p.  986,  noie  1. 

'  Le  titre  complet  de  l'ouvrage  de  Gas- 
sendi est  celui-ci  :  Mercurius  in  Sole  visus , 
et  Venus  invisa,  Parisiis,  an.  i63i  pro  voto 
et  admonitione  Joannis  Kepleri  (Paris,  in-i°, 
1639).  L'ouvrage  est  adressé  h  Guillaume 
Schickard,  dont  la  réponse  est  intitulée: 
Pars  responsi  ad  epistolas  Pétri  Gassendi  de 
Mercurio  sub  sole  viso  et  aliis  novitatibus  ura- 
nicis  (Tubingue ,  1 689 ,  in-4°). 

'  VAmrnien  Marcellin  de  Valois  ne  de- 
vait parailre  que  cinq  ans  après  la  mort 


de    cet    érudit    (Paris,    i684,    in-fol.). 

'  Voir  sur  Claude-Gaspard  Bachel,  sieur 
de  Méziriac  ou  Meyseria  ,  le  tome  I ,  Appen- 
dice, p.  84 1. 

'  Ce  Plutarque ,  déjà  si  avancé  m  1682, 
ne  parut  jamais.  On  sait  qu'une  partie  du  tra- 
vail du  docte  helléniste  (les  remarques  sur 
Numa,  sur  Thésée,  etc.)  a  été  publiée  dans 
le  Plutarque  de  Dacier  (  Paris ,  1791,  in-i"). 

'  V ApoHodore  de  Bachet  ne  devait  pas 
voir  le  jour.  Tanneguy  Lefèvre  donna  de  cet 
auteur,  quelques  années  plus  tard,  une 
bomie  édition  (Satmiur,  »6Ôi,  in-8°). 


[1632]  AUX  FREUES  DUPUY.  369 

un  petit  Geofjraphe  Grec  non  encor  vou  intitulé  Afjathemere  '  dont  il 
faict  oiïrc  à  M'  llolstenius.  Il  nous  f-jict  espérer  d'cstre  à  Digne  dans 
la  fin  de  ceste  sepmaine.  Au  reste  nous  avons  advis  que  le  sieur  d'Arène 
que  nous  attendons  du  costé  de  Rome  est  abbordé  à  S'  Troppez  *.  Nous 
luy  avons  envoyé  nos  chevaux  au  devant  et  noz  inulictz  et  l'attendons 
icy  dans  un  jour  ou  deux  avec  les  caisses  qu'il  nous  apporte  de  Ronie^. 
Si  en  ouvrant  vostre  fagot  pour  en  tirer  le  Laertius,  nous  y  trouvons 
quelque  chose  qui  mérite  d'aller  par  l'ordinaire,  vous  le  recepvrez  un 
peu  plus  tost  que  ])ar  les  voictures  de  Lyon. 

Monsieur  le  Mareschal  de  Victry  et  Madame  la  Marescliale  sa  femme \ 
qui  sont  arrivés  aujourdhuy  du  costé  d'Arles,  ne  m'ont  pas  laissé 
le  loisir  que  je  pensois  avoir  à  ce  soir  de  vous  entretenir,  mais  si  fault- 
il  que  je  vous  die  encores  sur  le  subject  de  vostre  Gazetan^  qu'il  vous 
a  un  peu  desguisé  la  vérité  quand  il  vous  a  voulu  faire  accroire  que  sa 
Gazette  n'estoit  preste  le  vendredy  plus  tost  que  le  sabmedy,  car  nostre 
dernier  ordinaire  apporta  à  Monsieur  nostre  Premier  Président  la  re- 
lation de  tout  le  mois  d'octobre  avec  la  Gazette  et  Nouvelles  du  ven- 
dredy 5"  novembre.  Que  si  il  persistoità  ceste  sorte  là  de  retardement, 


'  L'opuscule  du  g^uograplie  Agathéinère 
fut  publii;,  une  quarantaine  d'années  plus 
tard,  d'après  un  manuscrit  qui  appartenait 
ht  J.-J.  GbilTlet  :  Agathemeri  compendiarim 
geographiœ  expositionum  libri  duo ,  cura  et 
intcrpr.  Sam.  Tennulii  (Amsterdam,  1671, 
in-S"). 

*  Clief-lieu  de  canton  du  département  du 
Var,  arrondissement  de  Draguignan ,  h  5  ki- 
lomètres de  cette  ville. 

'  D'Arène,  ^\m  fut  un  des  hôtes  de  Pei- 
resc,  n'est  point  au  nombre  de  ses  corres- 
pondants. Je  ne  trouve  aucun  renseignement 
sur  ce  personnage.  M.  le  mar(|uis  de  Bois- 
gelin,  par  moi  consulte',  se  demande  s'il  ne 
s'agirait  pas  là  de  Paul-Ëmile  Arène,  fds 
d'Antoine  et  de  Catherine  de  Valbelle.  Ce 
Paul-Emile  fut  docteur  es  droits,  avocat  au 


parlement  de  Provence,  conseiller  du  Roi, 
son  avocat  et  procureur  en  la  sénéchaussée, 
premier  consul  de  Marseille,  etc. 

'  Nicolas  de  l'Hôpital  avait  épousé,  en 
1617,  Lucrèce-Marie  Boubier,  veuvede  Louis 
de  la  Tréraouille,  marquis  de  Noirniouslier, 
fille  de  Vincent  Bouhier,  seigneur  de  Beau- 
marchais ,  trésorier  de  l'Épargne ,  et  de  Marie 
Hotman.  La  maréchale  de  Vitri  mourut  le 
19  février  1 660,  à  l'âge  de  soixante-six  ans. 

'  Littré,  qui  n'indique  pas  la  forme  ga- 
zetaH ,  cite  sous  la  foi'me  gatelier  |)lu9iear8 
écrivainsdu  xvni*  siècle  (  Bay  le .  Voltaire  .etc.) 
et  deux  écrivains  seulement  du  xvii'  (Boi- 
leau,  Hicbelet).  On  ne  trouve^«:rtaH  ni  dans 
le  Dictionnaire  de  Trévoux  ni  dans  nos  au- 
tres dictionnaires.  Le  gazetan  n'est  autre  que 
Th.  Uenaudot  déjà  mentionné  plus  haut. 

47 


IRr*iai«l>    KATIO^iLI 


370  LETTRES  DE  PEIRESC  [t632J 

il  vaudroit  mieux  faire  changer  nostre  ordinaire  du  mardy,  qu'il  part 

d'icy,  au  vendredy  afin  que  voz  lettres  du  mardy  puissent  arriver  icv  le 

mardy  ensuyvant,  sans  faire  aulcun  sesjour  comme  elles  font  dans  Lyon 

durant  i  ou  5  jours,  sur  quoy  attendant  si  vous  pourrez  tirer  aultrc 

raison  depardelà,je  finiray  demeurant, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  i5  novembre  1682. 


J'oubliois  de  vous  dire  que  j'ay  receu  de  Gonstantinoble  le  livre  en 
hébreu  dont  on  m'avoit  accusé  l'expédition,  et  avons  trouvé  que  ce 
n'estoit  qu'un  Pentateuque  des  Juifs  en  forme  de  Tetraple,  contenant 
le  texte  hébraïque  assemblé  par  colonnes  avec  la  paraphrase  caldaïque 
de  Onkelos'  et  la  version  en  langue  persienne  faicte  par  Rabi  Jacob 
Tanos■^  ensemble  la  version  arabique  de  Rabi  Saadia  Gueou^  mise  en 
teste  de  la  page  et  l'explication  du  texte  hébraïque  par  Rabi  Salomon 
Jarki  mise  au  fondz*  de  la  page,  le  tout  iniprimé  l'an  33o6  (sic)  en  la 
maison  de  Eliezer  de  Soncin  qui  estoit  en  Gonstantinoble  bien  que 


'  La  paraphrase ,  ou ,  pour  mieux  dire, 
la  traduction  presque  mot  à  mot  d'hébreu 
en  chaldéen  du  Pentateuque,  attribuée  à 
Onkelos,  est  la  plus  répandue  de  toutes. 
C'était,  d'après  la  tradition,  un  de  ces  étran- 
gers vivant  parmi  les  Juifs  sous  le  nom  de 
prosélytes,  mais  on  ue  sait  rien  de  précis 
sur  son  compte.  Voir  Wolff,  Bibliotheca  he- 
hrœa,  II,  iiig.  Le  Tetraple  décrit  par 
Peiresc  existe  à  la  Bibliothèque  nationale 
à  Paris,  en  la  réserve.  (Note  fournie,  ainsi 
que  les  trois  notes  suivantes,  par  M.  Jules 
Dukas.  ) 

'  Wolff  (tWrf.,  I,  io52)  l'appelle  Rahbi 
Jacob ,  fils  de  Joseph  Taros  ;  mais  il  ne  con- 
naît aucune  particularité  le  concernant;  il 
l'apporte  seulement  que,  selon  Huet,  sa  tra- 


duction en  langue  persane  est  aussi  (îdèle 
que  possible. 

'  Rabbi  Saadia ,  fds  de  Joseph  (îaûn ,  c'est- 
à-dire  l'un  des  grands  docteurs  juifs  de  l'ordre 
appelé  les  Gaônim  ou  Gueônim,  naquit  à 
Fayoum ,  en  Kgypte,  en  899, ,  et  mourut  en 
962.  Il  fut  en  quelque  sorte  le  père  de  la 
grammaire  hébraïque.  Wolff  (n"  lySS) 
donne  la  liste  raisonnée  de  ses  nombreux 
ouvrages  tant  imprimés  que  manuscrits 
épars  dans  diverses  grandes  collections. 

'  Salomon,  filsd'Isaac,  dit  Rachi,  naquit 
dans  la  ville  de  Trayes,  où  il  mourut  an 
commencement  du  xii'  siècle.  Voir  dans 
l'Histoire  littéraire  de  la  France  (  1. 1\ ,  p.  1 33  ) 
la  mention  du  rrcélèbre  Salomon  Jarchi,  fils 
du  rabbin  Isaacn. 


[1632]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  371 

ceste  ville  n'y  soil  pas  nommée.  Je  crois  bien  que  la  bibliothèque  de 
M''  de  Sancy  '  n'est  pas  sans  ceste  pièce  là,  mais  si  on  en  a  affaire  je  ne 
laisray  pas  de  la  bailler. 

On  avoit  imprimé  à  Amsterdam  une  carte  de  la  Terre  Sainte  en 
(juatre  i'euilles  de  taille  douce  escriptes  toutes  en  lettres  Hébraïques, 
dont  on  promettoil  un  Index  ou  aultres  notes  relatifves  à  certains  nom- 
bres cottez  en  chascun  des  lieux  de  la  dicte  carthe.  C'estoit  environ 
l'an  1621  qu'elle  fut  imprimée.  Je  voudrois  bien  avoir  cest  Index  ou 
cez  nottes  pour  accompagner  ma  carthe  et  avoir  un  second  exemplaire 
tant  de  la  mesme  cartiic  que  de  son  Index  pour  en  faire  part  à  un  de 
mes  amis.  Et  quajil  ce  Solom  (sic)  de  Mursius  (sic)  sera  en  vante,  je 
le  verray  encores  bien  volontiers"^. 

Cependant,  à  faulte  d'aultre  chose,  je  vous  envoie  deux  petits  arrests 
de  nostre  parlement,  dont  l'un,  passé  du  consentement  des  parties,  n'est 
pas  bien  dans  les  formes  ordinaires  de  la  prononciation  par  inadver- 
tance des  gens  du  Roy  qui  furent  surprins  en  le  signant*. 


LXXV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DUPUV. 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Nous  avons  receu  par  le  dernier  ordinaire  vostre  despesche  du  ven- 
dredy  1  2'"  de  ce  mois,  avec  la  relation  d  octobre  et  la  Gazelle  du  pré- 
cèdent vendredy  5*^  que  Monsieur  le  Premier  Président  avoit  receu  par 
l'ordinaire  de  la  précédente  semaine,  ce  que  je  vous  marque  exprez 
pour  vous  faire  voir  que  vostre  Gazelan  en  peut  distribuer  quanri  il 
veut  quelques  coppies  un  jour  devant  la  distribution  generalle,  mais 
si  rien  ne  l'arreste  que  la  commodité  des  ordinaires  de  Bruxelles,  je 

'  Achille  de  Harlay,  sieur  de  Sancy.  Nous  avons  d^jà  rencontré  dans  le  tome  I 

'  Solon ,  sive  de  cjus  vita ,  legibiis ,  dictis        le    nom    de    Meursius    (Jean    de    Meurs). 
atque  scriptis  (Copenhague,  iG3a,  iu-4°).  ^  Vol.  717.(01.  itii. 

47. 


372  LETTRES  DE  PEIRESG  [1632] 

me  double  bien  que  cest  enipeschenient  ne  sera  pas  de  longue  durée, 
si  les  personnes  dont  est  question  passent  la  mer  comme  je  le  tiens 
quasi  pour  indubitable.  Les  relations  qu'il  vous  a  pieu  nous  envoyer 
concernant  le  jugement  et  exécution  de  M'  de  Montmorancy  nous  ont 
appris  une  infinité  de  choses  que  ne  nous  avoient  pas  sceu  dire  plu- 
sieurs personnes  qui  lors  estoient  à  Thoulouze;  c'est  pourquoy  nous 
vous  en  avons  bien  de  l'obligation  comme  aussy  de  tant  d'aultres  par- 
ticularitez  et  curieuses  pièces,  dont  il  vous  a  pieu  nous  faire  si 
bonne  part.  M''  d'Agut  nous  a  faict  voir  une  belle  inscription  sur 
la  prinse  de  Maestric  ;  nous  croyons  bien  qu'un  si  digne  siège  ne  man- 
quera pas  d'estre  descript  de  bonne  main,  soit  que  M"^  Heinsius  eu 
prenne  la  peine  ou  quelque  aultre  de  ces  grandz  hommes  qui  habitent 
maintenant  dans  ces  païs  septentrionaux.  Et  si  vous  en  apprenez  des 
nouvelles  à  l'avance,  ce  nous  sera  tousjours  bien  du  plaisir  qu'il 
vous  plaise  de  les  nous  faire  entendre  à  vostre  commodité.  Je  suis 
bien  ayse  que  la  caisse  de  m[anu]s[crit]s  aye  peu  fournir  quelque 
entretien  agréable  sinon  à  Monsieur  vostre  frère  et  à  vous,  au  moins 
à  quelques  aultres  de  voz  amis,  ayant  esté  bien  marry  de  n'avoir 
peu  fournir  chose  plus  digne  de  vostre  curiosité,  et  que  mes  infir- 
mitez  et  foiblesses  m'ayent  faict  tant  différer  de  satisfaire  à  voz  com- 
mandenientz,  mais  si  faudra-t-il  s'en  acquitter  quelque  jour  tost 
ou  tard. 

L'homme  que  nous  attendions  de  Rome  '  est  en  fin  arrivé  sain  et 
sauve  avec  tout  ce  qu'il  apportoit,  et  par  conséquent  le  fagot  du  vé- 
nérable P.  dom  du  Puy,  vostre  frère,  qui  en  avoit faict  l'addresse  direc- 
tement à  moy  seul,  pour  me  donner  plus  d'occasion  de  l'ouvrir,  comme 
j'ay  faict,  pour  satisfaire  principalement  à  voz  ordres  et  pour  en  tirer 
vostre  Diogenes  Laertius  que  j'ay  desja  envoyé  à  Digne  pour  y  attendre 
M""  Gassendy,  s'il  n'y  estoit  desja  arrivé  à  l'advance,  et  crois  que  tout 
le  reste  du  dict  fagot  pourra  librement  aller  par  la  poste  en  une  ou 
deux  fois  tout  au  plus.  J'ay  receu  dans  le  mesme  coffre  trois  petitz  pac- 

'  Gel  homme  était  le  sieur  d'Arène,  mentionné  dans  la  lettre  précédente. 


[1632]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  373 

»|uetz  du  sieur  Suarez  addressez  tant  au  P.  Sirinond  et  au  sieur  du 
Chesne  qu'au  sieur  Crarnoisy,  lesquels  je  n'ay  peu  envoyer  sansescripre 
comme  j'ay  peu  audict  P.  Sirmond  et  au  dict  sieur  du  Chesne;  je  dis 
comme  j'ay  peu  car  je  ne  me  trouve  {juieres  bien  depuis  deux  jours. 
J'ay  receu  par  cette  voye  un  petit  fagot  de  M'  Naudé  pour  M'  Moreau, 
qui  n'estoit  point  cachette,  et  qui  estoit  pareillement  addressé  à  moy, 
ce  qui  me  l'a  faict  ouvrir  pour  me  prévaloir  de  l'occasion  de  M'  le 
Prieur  de  Moustiers  ',  l'un  des  agentz  généraux  du  clergé,  qui  est  party 
ce  jourdhuy  pour  retourner  à  la  fonction  de  sa  charge,  et  qui  de  sa 
grâce  s'en  est  chargé  fort  volontiers,  et  a  faict  mettre  dans  sa  malle  un 
pacquet  assez  grosset  contenant  cinq  ou  six  volumes  in-i"  ou  in-H"  que 
j'avois  tirez  du  fagot  apparlenanlau  dict  sieurMoreau,  dont  je  vous  ay 
faict  l'adresse  à  vous  à  ceste  fin  que  l'on  s'en  chargeas!  plus  volontiers, 
croyant  bien  que  M""  Moreau  ne  le'  trouvera  pas  mauvais  et  qu'il  sera 
bien  ayse  d'avoir  cez  petitz  livres  là  à  l'advance,  en  attendant  que  nous 
luy  puissions  envoyer  le  reste  qui  ne  consiste  qu'au  Perceforet,  divisé 
en  cinq  ou  six  parties  et  rellié  eu  deux  gros  tomes  trop  pesans  pour 
une  malle  ^,  et  que  nous  ne  saurions  envoier  que  par  la  commodité  de 
quelque  balle  ou  de  quelque  coffre  que  je  feray  chercher.  Je  n'ay  rien 
eu  de  plus  curieux  dans  le  coffre  que  j'ay  receu  que  le  petit  volume  in  h" 
des  epistres  du  cardinal  Bentivoglio,  avec  un  autre  de  mesme  forme' 
et  du  mesme  autheur  sur  les  guerres  du  Païs  bas*.  J'y  ay  Irouvé  ce 
gros  volume  in  fol"  du  P.  Scheiner,  qu'il  a  intitulé  Hosa  ursina,  con- 


'  S'agit -il  là  du  prieur  de  Moustiers- 
Sainle-Marie,  i-hef-li(!u  de  canton  du  dépar- 
tement des  Basses -Alpes,  arrondissement 
de  Digne,  h  /18  kilomètres  de  cette  ville? 

'  La  1res  ekffante,  délicieuse,  mellijlue 
et  très  plaisante  hystoire  du  très  noble  et  victo- 
rieux et  excellentissime  roy  Perceforest ,  roy 
de  la  Grande-Bretaigne  (  Paris ,  1 5 1 8 ,  G  tomes 
en  3  vol.;  petit  in-fol.  gotb.  en  six  parties). 
Voir  la  dcscriplion  de  cette  ddition  dans  le 
Manuel  du  libraire  (t.  IV,  col.  iSC-ûSy). 
Brunet  signale  une  autre  édition  de  Paris 


(i53i-i539),  qui  comprend  paiement 
6  tomes  en  3  vol.  pet.  in-fol.  golli. 

'  C'est-à-dire /orwfl/.  Je  ne  ti-ouve  jioinl 
dans  nos  dictionnaires  l'indication  de  l'em- 
ploi de/orme  pour/onna/. 

*  Délia  ffuerra  di  Fiandra  \dal  lôôg  al 
iGoy]  (Cologne,  in-4°,  i63q).  Première 
partie,  qui  fut  rdimprimëe  en  iG34  avec 
augmentation  de  deux  livres,  le  IX'  et  le  X*. 
La  seconde  partie  parut  en  1 636  et  la  troi- 
sième en  1 689. 


376  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

cernant  les  macules  solaires  '  qu'il  faict  commancer  et  finir  par  des 
lueurs  ou  corps  lumineux  plus  eclatantz  que  le  corps  du  soleil,  dont 
j'avois  apperceu  et  escript  quelque  chose  à  M""  Gassendy  quelque  temps 
y  a,  mais  j'en  faisois  des  inductions  bien  différentes  aux  siennes,  que  je 
n'ay  pas  eu  loisir  d'examiner  à  ma  mode  comme  je  desirerois.  Mais  je 
suis  tellement  assassiné,  non  seulement  des  affaires  du  Pallais  et  des 
complimentz,  mais  encore  des  aflaires  de  mes  amis  qui  me  forcent  de 
m'entremettre  de  leurs  accommodementz,  que  j'ay  de  la  peine  de  pou- 
voir desrober  en  toute  une  sepmaine  une  heure  ou  deux  pour  vous 
escripre  à  vous  et  à  quelque  aultre  sur  les  occurrences  plus  pressantes. 
C'est  pourquoy  j'ay  bon  besoing  d'estre  excusé  envers  ceux  que  je  suis 
constrainct  de  laisser  en  arrière  dont  je  regrette  bien  sur  tous  M' Rigault, 
mais  je  ne  sçaurois  m'acquiller  de  ce  qu'il  luy  fault  escripre  sans  revoir 
quelque  livre  que  je  ne  pourrois  seulement  trouver  dans  mon  estude 
qu'il  ne  m'en  couste  pour  le  moins  une  couple  d'heures,  pour  la  con- 
fusion qui  s'y  trouve  depuis  le  transport  de  mes  livres  qu'il  fallut  faire 
deux  ou  trois  fois  de  lieu  à  aultre,  durant  les  desordres  et  mutineries 
de  ce  peuple  cy;  c'est  pourquoy  vous  m'obligerez  beaucoup  de  le  dis- 
poser à  admettre  mes  légitimes  excuses  comme  je  vous  en  supplie, 
oultre  que  je  désire  y  joindre  quelques  desseins  tirez  de  l'antique  pour 
faire  mieux  comprendre  mes  conceptions,  et  recognoistre  si  je  me  suis 
esloigné  de  ce  qu'ont  voulu  dire  les  anciens,  quand  ils  ont  parlé  des 
Elenques^  et  ce  qu'ils  en  ont  praticqué.  J'ay  eu  une  grande  mortifica- 
tion de  ne  point  recepvoir  de  lettres  de  la  part  de  M"'  Holstenius  par 
une  commodité  si  opportune,  mais  j'ay  receu  tout  plain  de  desseins  tirez 
d'aprez  l'antique  assez  curieux,  entr'aultres  d'un  bas  relief,  dont  m'avoit 
aultresfois  parlé  le  sieur  Aleandre,  où  est  représenté  un  homme  dans 
son  lict  faisant  son  testament,  et  un  aultre  tiré  de  la  graveure  d'un 

'  Nous  avoiistrouvé plus  haiU(leUre  LIV)  signifie   d'une   manière  générale    (rparure 

mention  du  livre  intitulé /{osa  u/swa  siue  «0/  précieuse  1,  et   particulièrement   tr pendant 

ex  admirando  facularum  et  macularum  sua-  d'oreille  1,  comme  on  le  voit  par  ce  vers  de 

omeno  varius,  etc.  Juvénal  : 


"  Peiresc  traduit  ici  le  mot  elenckus ,  qui  Auribus  extensis  mognos  commisit  eienchos. 


[1C32] 


AUX  FRERES  DUPUY. 


375 


bassin  (le  verre  antique  oii  est  représentée  une  espèce  de  nopces  et  une 
grande  balance  pour  y  peser  la  dot  de  la  mariée,  si  les  premières  con- 
jectures ne  me  trompent,  sur  quoy  il  fauldra  resver  un  peu  plus  à 
loisir.  Cependant  j'ay  advis  de  l'arrivée  d'un  exemplaire  du  livre  du 
Galilée'  auprez  de  Tolloii  sur  une  barque  de  Ligourne  qui  doibl 
achever  sa  quarantaine  au  97"  de  ce  mois.  Et  si  tost  que  je  l'auray  re- 
ceu,  je  le  vous  envoyeray  par  la  poste,  en  attendant  d'aultres  exem- 
plaires par  deux  ou  trois  aultres  voyes,  où  je  pourray  trouver  de  quoy 
m'en  fournir.  Nostre  homme  qui  est  venu  de  Rome  m'a  asseuré  qu'il 
ne  s'y  en  trouvoit  point,  et  le  cardinal  Barberin,  qui  avoit  eu  quelque 
vent  de  la  recherche  que  j'en  faisois  faire,  m'escript  du  26"  septembre 
qu'il  n'en  avoit  encores  peu  avoir  et  qu'il  m'en  feroit  envoyer  dez  qu'il 
en  auroit.  Ce  que  j'impute  à  quelque  alfectation  de  ne  point  laisser 
paroistre  ce  livre  dans  Rome,  plus  tost  qu'à  la  delTiance  de  la  maladie 
de  la  Toscane  qui  y  sert  de  prétexte.  Au  reste  un  de  mes  amis,  qui 
s'emploie  journellement  pour  moy  en  la  recherche  de  ces  m[anu]s[crit]s 
ez  langues  orientales  '\  me  faict  si  grande  instance  pour  avoir  quel- 
qu'une des  versions  de  l'Alcoran,  soit  en  Latin  ou  en  Italien',  dont  il  se 
veult  servir  en  certain  livre  qu'il  a  composé  pour  la  deffense  de  la  foy 
chrestienne  contre  le  Mahometisme,  lequel  il  ne  veult  pas  laisser  sortir 
de  ses  mains,  sans  avoir  parcouru  cette  version  comme  il  en  a  examiné 
curieusement  le  texte  Arabe,  que  je  suis  contraint  de  vous  supplier  de 
m'en  faire  avoir  un  en  toute  façon ,  s'il  est  possible  d'en  avoir  pour  de 
l'argent.  Au  deffault  de  quoy  il  faudroit  chercher  s'il  s'en  trouveroit 
un  à  emprunter  entre  les  mains  de  quehju'un,  qui  lùm  fusse  pas  plus 
jaloux  qu'il  ne  luy  voulusse  laisser  laire  le  voyage  d'oultrc  mer  d'où 
l'on  ne  laisra  pas  de  nous  le  renvoyer  le  plus  asseurement  que  l'on 


'  Dialogo  sopra  t  iltio  sislemi  del  mondo 
ptolemaico  e  copernicano  (Florence,  t(")3a, 
in-4°). 

'  C'est  Thomas  d'Arcos  dont  il  a  él6 
quoslioii  plus  haut  (lettre  LU). 

'  Voir,  dans  le  Manuel  du  libraire,  l'ar- 
ticle consacré  à  Mahomet  (t.  III,  col.  i3o6- 


1 3 1  o  ).  Je  n'y  prendrai  que  ces  deux  in- 
dications: rrAlcorano.  .  .  Irad.  dall'  arnbo 
in  Kngua  ital.  (Venetia,  And.  Arrivabene. 
15A7,  pet.  in- 6°).  Cette  traduction  ne 
peut  pas  être  exacte,  ayant  été  faite  sur  In 
mauvaise  version  latine  de  Robertus  Rele- 
nensis.  « 


376  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

pourra.  Car  on  neii  aura  que  faire  aprez  cette  coUation.  A  faulte  d'aultre 
il  fauldra  recourir  à  la  courtoisie  de  M""  Aubery  qui  en  avoit  un,  le- 
quel il  ne  fera  pas  difficulté  de  le  donnera  mon  advis,  s'il  ne  l'a  donné 
à  quelque  aultre;  mais  avant  que  de  luy  en  parler,  je  voudrois  bien 
qu'on  eusse  tenté  d'en  trouver  un  à  vendre,  s'il  estoit  possible,  pour 
nous  descharger  de  toutes  ces  obligations  du  retour  d'un  pais  si  loing- 
tain;  celluy  qui  en  a  affaire  est  homme  de  mérite  extraordinaire  qui 
a  esté  aultresfois  secrétaire  du  cardinal  de  Joyeuse,  et  depuis  esclave 
des  Turcs,  8  ou  lo  ans,  d'où  il  a  eu  mille  peines  à  s'en  pouvoir  faire 
mettre  à  rançon.  Et  enfin  c'a  esté  à  condition  d'y  sesjourner  libre  comme 
il  faict  encores  durant  quelque  temps,  pendant  lequel  il  travaille  à  un 
ouvrage  qui  sera  grandement  bien  receu  lequel  il  me  promet  par  la 
première  barque,  contenant  une  relation  fort  exacte  de  la  plus  part 
tant  de  l'Egypte  que  de  tout  le  reste  de  l' Affrique ,  où  il  a  faict  des  ob- 
servations nobles  et  dignes  d'un  homme  de  cour  et  d'Estat  aultant  que 
d'un  curieux,  ayant  observé  des  diversitez  de  relligion  et  de  poUices 
parmy  ces  barbares  fort  peu  congneûes  à  ce  que  l'on  dict.  Il  me  de- 
mande encores  deux  globes ,  un  céleste  et  un  terrestre,  sinon  des  plus 
grosses  formes,  au  moins  de  la  seconde  grandeur,  à  la  charge  qu'ils 
soient  des  recentz ,  tant  pour  les  observations  des  Estoilles  de  l'antartique 
que  pour  les  terres  nouvellement  descouvertes,  vous  suppliant  vous  y 
vouloir  employer.  Et  je  moyenneray  que  M"'  de  Gastines  remplace  in- 
continant  le  fondz  que  vous  y  aurez  faict  employer;  mais  surtout  il 
faudra  prendre  garde  que  cela  soit  emballé  le  plus  proprement  que 
faire  se  pourra,  à  celle  fin  qu'il  ne  se  gaste  par  un  si  long  chemin.  Il 
me  demande  encores  le  livre  de  Léon  d' Affrique  de  la  meilleure  édi- 
tion, c'est  à  dire  que  s'il  y  a  moyen  d'avoir  celle  d'Elzevir  qui  est  la 
plus  portative  et  la  dernière,  elle  sera  la  meilleure '.Et  pour  cet  edect 

'  loaimis  Leonis  A/ricani  Africœ  descrip-  pondants  de  Peiresc ,  Lettres  médites  de  Tho- 

tio  IX  lib.  absoluta  (Leyde,  i63a,  a  tomes  mas  d'Arcos  (sous  presse),  une  importante 

en  1  vol.  in-ai).  Voir  A.  Willeras  (Les  El-  note  de  M.  H.-D.  de  Gramraont,  président 

zevier,  p.   98,  art.   871).  Voir  encore  et  de  In  Société  historique  algérienne, 
surtout  dans  le  XV'  fascicule  des  Carres- 


[1632]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  377 

il  fauldroit  me  l'eiivoyer  par  la  poste  tout  rellié,  et  cotter  sur  le  pac- 
quet  ({uc  ce  n'est  qu'un  livre  à  cette  fin  qu'on  y  aye  esjjard  à  la  taxe  de 
|)ardeça.  Que  s'il  ne  s'en  trouve  de  reliiez,  il  le  fauldra  faire  ployer  el 
battre,  mais  je  vous  supplie  que  ce  soit  le  plus  tost  que  vous  pourrez, 
pai'ce  qu'il  pourroit  arriver  encores  à  temps  pour  aller  sur  une  barque 
qui  s'appreste  à  faire  ce  voya{;e  d'oultremer  sur  laquelle  il  y  a  des  gentz 
de  sa  cognoissance.  J'avois  oublié  de  vous  dire  lors  de  l'arrivée  des 
livres  que  nous  avons  receus  de  vostre  part  en  dernier  lieu  qu'il  se 
trouva  une  imperfection  d'une  feuille  cottée  par  lettre  V  dans  les 
exemplaires  du  i"  volume  Miscelaneorum  de  M""  Petit  lorsqu'on  le  pen- 
soit  rellier  pour  luy  faire  passer  les  monts.  Et  ceste  feuille  pourra  venir 
avec  ledict  livre  de  Léon  d'Affrique.  J'ay  honte  de  tant  d'importunité 
que  vous  recevez  de  nous,  dont  je  vous  demande  pardon,  vous  sup- 
pliant de  ne  vous  lasser  pas  pour  cela  de  nous  continuer  vos  bienfaicts 
et  de  me  tenir  tousjours, 
Monsieur,  pour 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  Qa  novembre  i63a. 

Si  M""  le  Prieur  de  Rounioules  est  encore  là,  je  vous  prie  de  luy 
faire  bailler  le  pacquet  du  P.  Sirmond,  pour  l'aller  rendre  luy  mesmes, 
alin  de  retirer  de  luy  ce  que  je  luy  demande  s'il  peult'. 


LXXVI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Je  vous  escripvis  par  le  dernier  ordinaire  si  précipitamment  que  je 
n'euz  pas  moyen  de  reprendre  à  la  main  la  lettre  qu'il  vous  pleut 
'  Vol.  717,  fol.  j66. 


&8 

IVrlIMXIIK    MATIOatU. 


378  LETTRES  DE  PEIRESC  [163-2 1 

m'escrijjre  du  12'=  avant  que  clorre  ma  despesche,  qui  fut  la  cause  que 
j'oubliay  de  vous  remercier  comme  je  faicts  trez  humblement  de  l'offre 
qu'il  vous  a  pieu  me  faire  de  ce  traitté  de  fra  Paolo  touchant  l'inqui- 
sition, qui  méritera  bien  d'estre  transcript  par  Quentin  puis  que  vous 
ne  l'avez  point  désagréable,  quelque  édition  qui  s'en  puisse  ensuivre, 
mais  je  verrois  encores  plus  volontiers  ceste  vie  de  Fra  Paolo  par  le 
Fulgentio  dont  on  vous  a  faict  fesle,  pour  laquelle  il  fault  faire  agir  toute 
sorte  de  puissances  qui  se  pourront  esmouvoir.  Cependant  il  n'v  aura 
point  de  danger  de  voir  cest  abrégé  de  deux  feuilles  que  je  vous  sup- 
plie de  faire  transcripre  par  le  mesme  Quentin;  si  j'estois  là,  ce  gentil- 
homme anglois  ne  m'auroit  jamais  eschappé,  car  il  est  raalaysé  qu'il 
ne  soit  curieux  de  quelque  aultre  chose  soit  en  matière  d'escriplures 
ou  d'aultres  gentilesses  dont  on  peut  faire  offre  en  telles  occasions ,  et 
aurois  attaqué  l'Ambassadeur  mesme  d'Angleterre  sy  j'eusse  veu  qu'il 
eusse  eu  du  crédit  sur  luy,  n'estant  pas  malaysé  de  faire  agir  un  Am- 
bassadeur par  l'entremise  de  quelqu'un  de  Messieurs  les  Ministres  ou 
Secrétaires  d'estat.  Je  vous  faicts  ce  supplément  cy  aux  despeclies  ordi- 
naires par  une  commodité  extraordinaire  de  l'un  des  courriers  de  Gènes 
à  Lyon  qui  passe  maintenant,  tandis  que  M"'  le  Mareschal  luy  faict  at- 
tendre une  lettre;  c'est  pourquoy  je  ne  m'amuseray  pas  à  vous  faire  de 
bien  longs  discours,  de  peur  de  perdre  l'occasion  d'envoyer  une  lettre 
pour  M"'  Aubery  qui  fut  oubliée  l'aultre  jour  par  mesgarde;  depuis 
lequel  temps  il  fut  ordonné  sur  la  requeste  du  sieur  de  Paule,  qu'il 
seroit  receu  en  la  charge  de  président  du  sieur  Carriolis  en  donnant 
préalablement  caution  par  devers  le  greffe  de  la  cour  de  paier  le  prix 
de  l'office  ou  telle  autre  somme  qui  seroit  adjugée  au  resignalaire,  en 
vuidant  l'instance  d'opposition  pour  laquelle  les  parties  sont  renvoyées 
au  Roy,  ce  qui  ne  fut  pas  sans  grande  difficulté  ;  on  a  depuis  travaillé 
à  la  desmolition  de  la  maison  dudict  présidant  Carriolis.  Et  le  sieur  de 
Paule,  ayant  satisfaict  à  l'arrest  de  la  cour  et  faict  recepvoir  sa  caultion , 
sera  receu  comme  je  pense  dez  demain  et  installé  en  la  fonction  de  la 
dicte  charge.  Depuis  quelques  joui-s  il  est  advenu  qu'un  certain  esprit 
comme  l'on  croit  a  faict  de  fort  grandes  extravagances  au  lieu  de  Por- 


[1632]  AUX   FUKIIES  DUPUY.  379 

riercs  qui  est  à  trois  lieues  do  ceste  ville ,  à  la  suitte  de  la  mort  d'une 
femme,  dont  l'un  des  enfaiis  se  trouve  suivy  et  persécuté  par  ce  pré- 
tendu esprit,  ensemble  le  vicaire  du  lieu  qui  estoit  son  beau  frère.  Je 
vous  envoie  la  coppie  de  deux  lettres  cscriptes  sur  ce  subject  où  sont 
contenues  les  dernières  nouvelles  que  l'on  en  a  eiies,  mais  j'espère  de 
vous  en  envoyer  une  relation  plus  exacte  avec  tous  les  tenantz  et 
abboutissantz  qui  se  pourront  avoir,  atendant  la  veniie  de  M' nostre  ar- 
chevesque  qui  est  en  visite,  lequel  en  fera  dresser  des  verbaulx  en  dette 
forme.  C'estoit  en  ce  lieu  là  que  feu  Messire  Louis  Gaufridi  disoit 
avoir  apprins  la  maffie  d'un  sien  oncle  qui  en  avoit  esté  vicaire.  Sur 
quoy  je  finis  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 

D'Aix  en  haste,  ce  jeudy  37*  novembre  1683. 


LXXVII 

A  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 
À  PARIS. 

Monsieur, 
J'ay  receu  vostre  despesche  du  19"=  de  ce  mois,  oii  j'ay  trouvé  bon 
nombre  de  pièces  des  plus  curieuses  que  j'eusse  peu  souhaitter,  dont  je 
vous  renvoyé  l'arrest  que  vous  redemandiez,  ne  pouvant  vous  rendre 
que  de  bien  foibles  remerciementz  de  tant  de  belles  singularitez,  at- 
tendant si  nous  pourrions  estre  un  jour  assez  heureux  pour  vous  en 
rendre  !quelque  revanche.  Il  a  faict  de  si  grandes  pluyes  en  cez  quar- 
tiers de  deçà,  que  je  ne  trouve  pas  estrange  que  l'ordinaire  aye  man- 
qué au  jour  qu'il  debvoit  à  Lyon,  pour  faire  passer  oultre  les  lettres 
de  ce  pais  par  l'ordinaire  de  Paris,  attendu  mesmes  qu'on  nous  en 
avoit  desja  menacé  et  qu'on  avoit  faict  anticiper  d'un  jour  le  despart 
accoustumé,  ce  qui  n'a  pas  esté  depuis  continué.  Au  contraire  Monsieur 

4». 


380  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

le  Mareschal  a  faict  retarder  le  partement  des  deux  derniers  jusques 
au  niardy  aprez  disner  bien  tard,  ce  qui  me  faict  appréhender  que  cela 
n'aye  reculé  l'arrivée  de  toutes  nos  despesches  subséquentes  en  voz 
quartiers  d'un  ordinaire  à  l'aultre.  Je  veux  dire  du  mercredy  au  saniedy. 
Et  possible  d'une  huictaine  entière.  Si  j'eusse  peu  voir  Monsieur  le 
Mareschal  avant  son  partement,  je  luy  en  eusse  dict  un  mot,  mais  il 
anticipa  son  despart  pour  aller  coucher  dez  hier  à  niy  chemin  de  Mar- 
seille oi!i  il  aura  aujourd'huy  faict  son  entrée  avec  un  temps  fort  favo- 
rable. Madame  la  Mareschalle  le  suyvit  dez  hier  et  debvoit  aujourd'huy 
prévenir  son  arrivée  à  Marseille  de  quelques  heures  pour  voir  passer 
la  pompe  de  la  cavalcade.  Et  aprez  s'aller  rendre  en  l'Eglise  maieure  ' 
où  il  s'en  debvoit  aller  descendre.  Monsieur  de  Paule  fut  hier  receu  et 
installé  en  l'office  de  Président-  aux  charges  et  conditions  portées  par 
l'arrest  du  2 3"  de  ce  mois  à  l'exécution  duquel  il  a  baillé  caution  par 
devers  le  grefle  de  payer  le  prix  de  l'office  et  tout  ce  qui  seroit  adjugé 
en  vuidant  l'opposition  du  sieur  de  Courbieres.  Ensuitte  de  quoy  il  a 
pris  séance  dans  la  grande  chambre  au  rang  des  Presidentz  à  mor- 
tier. L'on  a  continué  la  démolition  de  la  maison  du  Président  Carriolis, 
mais  cela  va  un  peu  lentement,  pour  l'interest  de  ceux  qui  veullent 
conserver  les  attraictz  en  vertu  du  don  qu'ilz  en  ont  obtenu  du  Roy. 
Nos  Estatz  sont  mandez  au  2^  de  ce  mois,  à  BrignoUe ,  où  tous  les  ordres 
ont  esté  convoquez.  Nous  n'avons  pas  d'aultres  nouvelles  en  cepaïs, 
pour  le  présent.  L'advis  de  la  sortie  de  Monsieur  n'a  pas  touché  bien 
avant  les  espritz  de  pardeça,  qui  ne  peuvent  meshuy  respirer  que 
l'obéissance  toute  entière,  quelque  commisération  qu'on  aye  eiie  du 

'  C'est-à-dire  la  Major,  la  calhddrale.  Voir  sfiment  des  Wim.  C'en  fut  assez  pour  que 

Monographies  marseillaises  ;  la  Major,  calhé-  se.-i  ennemis  ameutassent  la  populace  contre 

(Irak  de  Marseille,  par  C.  Bousquet,  1857,  lui  en  i63o.  La  maison  de  Paule  fut  sac- 

in-S".  cagée  et  pillée  le  97  octobre. . .  Il  en  fut  dé- 

'  Roux-Alpheran  dit  dans  Les  rues  d'Aix  dommage  deux  ans  plus  tard  par  le  don 

(t.  I,  p.  46)  :  ir Louis  de  Paule,  reçu  pro-  que  lui  fit  le  roi  de  la  charge  de  président, 

cureur  ge'néral  au  parlement  d'Aix  en  1611,  qui  venait  d'être  confisquée  sur  Laurent  de 

puis  conseiller  en  la  même  cour  en  i6ii,  Goriolis.» 
était  soupçonné  d'être  favorable  à  l'établis- 


[1632]  AUX  FRERES  DUPUY.  381 

rigoureux  traictement  quoy  que  Irez  juste  du  feu  duc  de  Monlmorancy, 
et  ne  fault  {)as  (ju'on  aye  de  l'appréhension  qu'un  diascun  ne  demeure 
dans  le  debvoir  en  ce  pais.  Je  suis  neanlmoins  yraridemeiil  fasclié  de 
voir  esloigner  l'occasion  de  bien  radjuster  tout  ce  mal  entendu,  tant 
avec  Monsieur  qu'avec  la  Royne  mère  que  je  pensois  voir  revenir  bien 
tost,  lassée  du  mauvais  traictement  des  Espagnolz  avec  lesquelz  il  fau- 
dra en  fin  rompre  ouvertement.  Si  cette  relation  du  P.  Arnoux'  se 
peut  voir,  elle  méritera  bien  d'estre  recueillie '\  mais  je  desirerois  gran- 
dement qu'il  vous  pleust  d'envoyer  quérir  Quentin  pour  escripre  ces 
pièces,  au  lieu  de  vous  en  donner  tant  de  peine.  Je  ne  sçay  s'il  y  vou- 
dra faire  mention  de  ce  qui  fust  bruslé,  que  je  trouve  grandement 
important  et  capable  d'excuser  l'exclusion  de  toute  sorte  de  grâces  dont 
la  providence  divine  ne  l'a  pas  voulu  laisser  jouir  bien  meritoirement 
supposé  que  cela  soit  vray  comme  je  pense  qu'il  se  peult  croire.  Au 
reste  M'  Gassendy  arriva  à  Digne  le  2  3'  de  ce  mois,  et  m'a  escript 
du  9  5"  pour  m'accuser  la  réception  de  vostre  Diogencs  Laertius;  nous 
pensions  avoir  le  bien  de  le  voir  dez  à  ceste  heure,  mais  puis  qu'il  s'est 
desja  mis  aprez  son  travail,  je  ne  pense  pas  que  nous  le  puissions  avoir 
avant  Pasques,  tant  je  le  vois  regretteux^  des  deux  mois  de  temps  que 
luy  a  cousté  son  voyage.  Nous  n'avons  pas  encore  veu  icy  M.  Meues- 
trier,  mais  je  crois  bien  qu'il  ne  soit  guieres  loing  d'icy,  car  par  le 
dernier  ordinaire  j'ay  receu  un  pacquet  que  je  crois  avoir  esté  par 
luy  mis  ù  la  poste  de  Lyon,  bien  qu'il  n'y  eusse  aulcune  lettre  pour 
moy,  ains  seulement  deux  ou  trois  lettres  pour  M'  Gassendy,  parce 
qu'avec  icelles  il  y  avoit  une  coppie  escripte  à  la  main  de  la  harengue 


'  Le  père  Jean  Arnoux ,  né  à  Riom ,  entra 
dans  la  Compagnie ilc  Jésus  en  i  Scja ,  devint 
confesseur  de  Louis  XllI  en  1 6 1 7,  et  mourut 
h  Toulouse  en  i636. 

'  La  relation  resta  sans  doute  inédile,  car 
il  n'en  est  fait  nulle  mention  dans  l'article 
Arnoux  de  la  Bibliothèque  des  écrivaim  de  la 
Compagnie  de  Jésus. 

'  liep-etleux,  (jui  n'est  ni  dans  le  Dic- 


tionnaire de  Ricbelet ,  ni  dons  le  Dictionnaire 
de  Trévoux,  a  été  employé  par  Gassendi, 
dans  une  lettre  ii  Luillier,  «lu  19  sep- 
tembre i63/i.  Voir  Imprestions  de  voyage, 
de  Pierre  Gassendi  dan.'!  ta  Provence  alpestre 
(Digne,  1887,  iii-8°,  p.  3i).  Peiresc  et  son 
ami  ont  emprunté  le  mot  au  provençal  re- 
ffretous. 


382  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

de  M'  le  Prince  aux  Estatz  de  Bourgongne  '  que  je  pense  estre  celle 
qu'on  vous  mandoit  m'avoir  envoyée  par  luy.  J'ay  veu  la  version  que 
le  P.  Morin  a  faicte  des  Epistres  des  Samaritains  à  feu  M'  délia  Scala 
et  y  ay  trouvé  quelque  différence  d'une  aultre  version  qui  en  avoit 
esté  faicte  à  Beaugentier,  mais  ce  n'est  pas  en  chose  de  bien  grande 
importance  et  qui  ne  soit  aussy  bonne  à  prendre  d'une  façon  que 
d'aultre,  le  remerciant  bien  humblement  de  la  communication  de  la 
sienne,  et  par  mesme  moyen  vous,  Monsieur,  qui  avez  daigné  prendre 
la  peine  de  la  transcripre,  dont  je  vous  suis  bien  redevable,  ne  luy 
ayant  pas  envoyé  la  mienne  non  plus  que  nos  petites  observations  sur 
tous  ces  livres  orientaulx,  estimant  que  ce  luy  eust  esté  chose  trop 
inutile,  en  ayant  une  si  grande  cognoissance  comme  H  en  a,  et  que  c'eust 
esté  quasi  luy  faire  tort  et  se  rendre  coulpable  d'une  espèce  de  crime 
que  de  présumer  que  tout  cela  luy  peusse  servir  de  rien.  Je  pense  que 
vous  aurez  depuis  recouvré  la  despesche  de  l'ordinaire  demeurée  en 
arrière,  où  vous  aurez  trouvé  de  mes  lettres  tant  pour  luy  et  pour  M"'  le 
Jay  que  pour  le  sieur  Victrai.  Ce  m'eust  esté  une  grande  mortiffication 
qu'il  m'eusse  encore  prévenu  par  ses  lettres  à  ce  coup  icy  comme  une 
aultre  fois.  On  m'escript  du  Levant  qu'on  m'a  recouvré  encore  un  aultre 
Pentateuque  fort  entier  qui  est  escript  en  caractère  Arabique,  mais 
que  tous  les  filtres  et  commancements  des  chapitres  sont  neantmoins 
en  caractères  Samaritains.  Ce  qui  me  faict  espérer  que  ce  pourroit 
estre  le  texte  ou  la  version  Arabique  des  Samaritains.  Auquel  cas  il 
pourroit  fournir  de  quoy  suppléer  les  deffectuositez  de  la  version  Ara- 
bique de  mes  Tritaples  que  j'a vois  tant  d'envie  de  voir  en  sa  perfection, 
et  m'escript-on  qu'on  le  debvoit  embarquer  sur  un  navire  qu'on  tient 
à  Marseille  estre  en  chemin  et  debvoir  arriver  dans  fort  peu  de  jours 
ou  de  sepmaines,  si  le  vent  du  Nord  qui  a  gagné  le  dessus  depuis 
3  ou  /i  jours  ne  l'arreste  quelque  part.  L'importance  est  que  l'on  me 
mande  d'avoir  joint  audict  Pentateucque  Arabique   des  Samaritains 

'  Harangue  faite  par  Monseigneur  le  Prince  à  l'ouverture  des  Etats  généraux  de  la  Bour- 
gogne, assemblés  à  Dijon,  le  qualriesme  jour  de  novembre  mil  six  cent  trente  deux  (Paris, 
i.  Martin,  1682,  in-8°;. 


[1G32]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  383 

uiig  aultrc  volume  d'un  pou  moindre  grosseur  tout  meslé  d'escriptures 
tantost  Samaritaines  et  tantosl  Arabiques,  lequel  il  me  tardera  bien 
de  voir  pour  tascher  de  cognoistre  si  ce  ne  seroit  point  le  livre  de 
Josué  des  Samaritains  semblable  à  celluy  de  M"'  délia  Scala,  que  j'ay 
appris  eslre  plus  Arabique  que  Samaritain,  car  encores  que  l'on  me 
mande  qu'il  est  imperfect  tant  au  commancement  qu'à  la  fin,  les  frag- 
menlz  ne  laisroient  pas  d'en  estre  grandement  bons,  comme  en  cez 
matières  là  il  ne  fault  rien  négliger,  se  pouvant  tirer  beaucoup  de  fruict 
des  moindres  petites  choses.  Je  ne  manqueray  point  de  vous  tenir  ad- 
verty  de  ce  qui  vous  en  reviendra,  si  tost  que  j'auray  l'un  et  l'aultrc 
volume  en  mon  pouvoir.  Dieu  aydant;  cependant  il  fault  que  je  vous 
die  que  l'on  me  faict  feste  de  ce  pais  la  de  quelque  aultre  livre  qui  vau- 
droil  bien  la  peine  de  le  faire  venir,  pour  lequel  on  me  demande  di- 
verses petites  galanteries  dont  je  pense  pouvoir  fournir  une  bonne 
partie  de  deçà  sans  en  emprunter  de  plus  loing,  mais  on  me  demande 
une  bible  imprimée  en  Arabique,  en  quoy  je  me  trouve  bien  empesché, 
ne  leur  pouvant  envoyer  si  ce  n'est  le  Penlateuque  et  le  Nouveau  Tes- 
tament imprimez  en  Arabique  par  Erpenius  '  in-Zi"  ez  années  162a 
et  1616.  C'est  pourquoy  je  vous  prieray  de  m'en  recouvrer  ung  aultre 
exemplaire  pour  moy  tant  de  l'un  que  de  l'aultre  pour  les  remplacer 
dans  mon  estude,  car  j'envoyeray  les  miens  par  la  première  barque, 
ensemble  l'histoire  du  Patriarche  Joseph  tirée  de  l'Arabe  de  l'Alcoran, 
imprimée  par  le  mesme  Erpenius  l'an  1617  in-A°^.  Et  s'il  se  pouvoit 
recouvrer  de  par  delà  quelque  aultre  pièce  de  la  Bible  en  Arabique, 
s'il  en  a  esté  imprimé  par  le  dict  Erpenius  ou  aultre,  je  vous  prie  de 


'  Sur  l'orientaliste  Tbomas  van  Erpen , 
voir  t.  I,  |).  63.  Lft  Manuel  du  libraire,  qui 
indique  plusieurs  des  ouvrages  de  ce  philo- 
logue, ne  mentionne  pas  ses  éditions  du 
Pentatenque  et  du  Nouveau  Testament.  Mi- 
chel Nicolas  (article  Erpen  de  la  Nouvelle 
biographie  générale)  n'a  pas  signalé,  h  côté 
de  l'ancienne  traduction  arabe  du  Penta- 
teu^uc  donnée  par  le  savant  orientaliste,  la 


traduction  du  Nouveau  Testament  publiée 
d'après  un  manuscrit  de  la  bibliolhè(|ue  ôc 
l/îyde  [Novum  D.  N.  J.  C.  Teslamentmn, 
arfliicc ,  I^yde ,  1606,  in-i"). 

'  Historia  Joscphi  Patriarchte  ex  Alco- 
rano,  cmn  Inplici  versione  latina  et  .tchoHLi 
Th.  Erpenii ,  cujus  prmHittittir  alphabetum 
arnbicvm  ((>eyde,  1617,  in-4*). 


38/i  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

m'ayder  à  les  leur  faire  avoir.  Et  s'il  s'en  trouve  des  exemplaires  doubles, 
j'en  retiendrois  volontiers  un  pour  moy.  Il  me  semble  avoir  veu  quel- 
que pièce  de  la  bible  imprimée  en  Espagne  ou  à  Gènes  en  langue 
Arabique,  mais  en  caractère  Hébraïque  et  je  me  doubte  que  ce  soit  ce 
que  l'on  demande  plus  lost  que  toute  aultre  chose,  car  ils  ne  veulent 
pas  l'édition  de  Conslantinople  du  Pentateuque  en  U  langues  dont  je 
vous  parlois  dernièrement.  Si  cez  éditions  Arabiques,  soit  ou  de  Gènes 
ou  d'Espagne  ou  de  Venise,  se  pouvoient  trouver  à  Paris  à  prix  toUe- 
rabîe,  je  les  achepterois  volontiers  pour  leur  faire  passer  la  mer  en  une 
si  bonne  occasion,  et  quand  bien  les  livres  seroient  frippez  il  nimpor- 
teroit  de  guieres  pourveu  qu'ils  se  peussent  rellier,  quand  mesmes  ils 
auroient  servy  à  l'édition  que  faict  faire  M''  le  Jay,  pourveu  que  les 
fueilles  se  peussent  rassembler,  à  faulte  d'aultre  exemplaire  on  pourroit 
se  servir  de  ceux  là.  Et  je  les  ferois  payer  volontiers  selon  que  vous  le 
trouveriez  raisonnable.  En  unbesoing,  puis  que  la  version  Arabique  de 
l'édition  présente  de  M''  le  Jay  se  faict  en  volume  à  part  et  séparé  du 
reste  de  la  grande  bible,  s'il  jugeoit  d'en  pouvoir  séparer  un  exem- 
plaire des  cahiers  qui  se  trouvent  desja  tirez ,  au  cas  qu'il  y  en  ave  quel- 
que exemplaire  de  supernumeraire^  en  ceste  langue  là  comme  je  m'en 
doubte,  sans  que  pour  cela  il  soit  besoing  de  dezassortir  un  exem- 
plaire de  toute  l'édition  de  sa  grande  bible,  cela  pourroit  bien  arracher 
de  cez  Levantins,  ou  pour  le  moins  de  ce  bonhomme  qui  nous  peut 
fournir  de  si  belles  curiositez,  quelque  pièce  qui  valeust  la  peine  d'y 
employer  ce  volume  que  je  ne  laisrois  pas  de  faire  payer  à  peu  prez 
selon  son  prix  bien  qu'il  ne  fusse  pas  accomply.  Je  pourrois  bien  leur 
envoyer  encore  le  nouveau  testament  in-fol°  de  l'édition  de  Rome,  mais 
je  crois  qu'il  est  fort  commun  parmi  eulx;  bien  pourrois  je  leur  en- 
voyer les  pseaulmes  de  David  de  l'édition  de  M''  de  Brèves  in-i°^  si 

'  So\is]e  mol  supemuméraire ,  on  lit  dans  in-4°).  C'est  ainsi  que  l'on  cite  ordinaire- 

le  Dictionnaire  de  Trévoux  :  «Surnuméraire  ment  l'ouvTage,  mais  ce  titre  a  élé  arrangé, 

est  plus  en  usage,  n  et  voici  le  titre  réel  d'après  un  exemplaire 

*  Psalmi,  arahice  et  latine,  a  Gabr.  Sio-  que  j'ai  eu  sous  les  yeux  :  Liber  psalmorum 

nita  et  Victoria  Scialac,  mnronitis  (Rome,  ex  Davidis,  régis  et  prophelœ ,  ex  arabica  idio- 

J^/)o^r.Sat)rt)i'«îw[Savary  de  Brèves],  i6i4,  mate  in  latinum  translatus,  etc. 


[1G32]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  38r) 

j'en  trouve  un  exemplaire  double.  En  fin  il  fault  que  ce  soit  vous  qui 
m'aidiez  à  contenter  ces  bonnes  gentz,  mais  si  vous  recognoissiez  tant  soit 
peu  de  répugnance  ou  de  difficulté  en  l'esprit  de  M' le  Jay  ou  du  sieur 
Victrai,  pour  la  communication  de  ce  qu'ils  ont  imprimé  de  l'Arabe,  ne 
leur  en  laides  point  d'aullre  instance,  je  vous  supplie,  car  jesçay  comme 
ion  est  jaloux  de  ces  choses  là ,  et  qu'on  appréhende  bien  souvent  que  des 
éditions  imperfectes  ne  soient  contrefaictes  ailleurs,  dont  je  ne  voudrois 
pas  qu'ils  eussent  occasion  d'entrer  en  ombrage  contre  moy  et  par  consé- 
quent contre  vous.  Il  me  reste  à  vous  dire  que  je  plaindrois  infiniment  le 
bon  M""  du  Val  s'il  en  venoit  faulte,  et  prie  à  Dieu  du  plus  profond  de  mon 
cœur  de  le  vouloir  préserver  de  la  griefve  maladie  dont  vous  me  parlez, 
luy  souhaittant  aussy  longue  et  heureuse  vie  que  je  sçaurois  faire  à  moy 
mesmc,  pour  le  bon  zèle  qu'il  a  au  bien  public  et  pour  la  bonne  affection 
qu'il  luy  plaist  me  porter.  Je  suis  lousjours  plus  empesché  au  choix  que* 
me  demande  le  bonhomme  le  sieur  de  Bié.  Que  s'il  feust  venu,  et  qu'il 
n'eusse  voulu  qu'une  simple  suitte  des  portraicts  des  Roys,  il  eusse  peu 
trouver  dans  la  salle  de  nostre  Palais  la  plus  part  de  ceux  qu'il  eusse  peu 
désirer  à  commancer  par  Pépin  et  Gharlemagne,  depuis  lequel  temps 
inclusivementm'estantlors  trouvé  icy  je  les  avois  faict  portraire  sur  des 
originaulx  légitimes  jusques  au  feu  Roy,  mais  pour  ceux  de  la  première 
race,  je  n'y  estois  pas  arrivé  à  temps, "et  les  avoit  on  desja  faict  tous  à  plai- 
sir, de  sorte  qu'on  ne  voulut  pas  en  refaire  la  besongne  et  fallut  qu'elle 
demeurasse  comme  elle  estoit,  tellement  que  s'il  m'envoye  un  roolle 
de  ce  que  luy  manque  il  s'en  pourroitcoppier  quelqu'un  là  dessus;  mais 
s'il  mecroyoit,  il  vaudroit  bien  mieux  entreprendre  l'ouvrage  comme  il 
fault  et  îm])rimer  fout  ce  qui  y  peut  estre  nécessaire  pour  représenter 
tous  cez  grandz  princes  en  toutes  les  meilleures  façons  en  quoy  leurs  por- 
traicts se  sont  conservez  jusques  à  ceste  heure  avec  la  fidélité  requise.  Et 
sur  ce  je  finiray  en  vous  suppliant  de  m'cxcuser  et  de  me  commander,  I 
Monsieur,  comme 

voslre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  a8'  novembre  1689, 


nrtlBBMt    «ATlORALt. 


386  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632 1 

M''  de  Léon,  qui  a  esté  ceste  sepmaine  en  ceste  ville  d'où  il  partit  hier 
pour  aller  à  Marseille  et  de  là  aux  Estatz,  bailla,  ces  jours  passez,  à  un 
Président  de  ce  Parlement  la  proposition  par  luy  faicte  de  la  part  du 
Roy  aux  Princes  de  l'Empire  convoquez  en  la  diette  de  Ratisbonne, 
dont  je  vous  envoyé  la  coppie  cy  jointe;  si  j'eusse  peu  parier  à  luy  de- 
puis, je  luy  en  eusse  demandé  la  datte  et  la  responce,  mais  je  crois 
bien  que  nous  le  reverrons  aprez  les  Estatz,  car  il  a  charge  de  parler 
à  nostre  compagnie  de  certains  Edictz.  M""  le  Premier  Président  se  pro- 
met bien  que  M'  de  Thou  ne  vous  reffusera  passa  harengue  aux  Estatz 
de  Bourgongne.  Je  luy  ay  dict  que  «'il  ne  tenoit  qu'à  cela  que  nous 
poussions  obtenir  de  luy  son  ouverture  de  Parlement  que  j'oserois  me 
promettre  que  nous  l'aurions,  ce  qui  ne  m'a  pas  jette  si  loing  comme 
je  craignois,  tellement  qu'il  y  seroit  aulcunement  engagé  si  nous  luy 
faisions  voir  celle  de  M'  de  Thou.  Je  vous  envoiay,  la  sepmaine  passée, 
le  plus  gros  volume  de  nostre  fagot  de  Rome  ;  à  ce  coup  cy  je  vous  en- 
voyé le  restant;  mon  frère  m'a  dict  ce  matin,  en  allant  à  Marseille,  que 
s'il  peut  desrober  une  heure  de  temps  pour  vous  escripre  par  cet  ordi- 
naire, il  vous  fera  un  peu  de  relation  de  l'entrée  de  M""  le  Mareschal  à 
MarseHle. 

Du  a  9  novembre. 

Depuis  avoir  escript,  ayant  receu  l'exemplaire  que  j'attendois  du 
livre  du  GaUlei,  j'ay  veu  qu'il  vaudroit  mieux  le  vous  envoyer  présen- 
tement et  retarder  à  la  sepmaine  prochaine  ce  qui  me  restoit  de  vostre 
fagot  de  Rome,  et  ce  pendant  j'y  passeray  le  temps  entre  cy  et  le  pro- 
chain ordinaire,  ce  que  je  n'avois  pas  peu  faire  depuis  l'arrivée  de  vostre 
fagot;  s'il  y  a  de  ma  faulte,  vous  me  la  pardonnerez,  je  m'asseure, 
comme  je  vous  supplie  de  pardonner  tant  de  temps  qui  s'est  perdu  en 
l'attente  de  ce  libvre  durant  la  peste  de  Florence  et  de  Ligourne, 
croyant  bien  que  désormais  nous  en  aurons  d'aultres  exemplaires  tant 
que  nous  voudrons.  Ce  pendant  vous  accepterez  en  celluy  cy  la  bonne 
volonté  de  vostre  serviteur,  qui  est  bien  marry  que  l'on  l'ayt  envoyé 
si  mal  rellié,  mais  il  ne  s'en  est  pas  trouvé  de  meilleur  à  Ligourne  d'où 


[1632]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  387 

il  est  venu,  et  il  semble  encores  avoir  assez  de  marge  pour  souffrir  une 
seconde  relieure  plus  propre,  au  cas  que  vous  jugiez  que  le  livre  la 
mérite  comme  je  pretendz  faire  faire  du  mien'. 


LXXVIII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Vous  avez  bien  deviné  que  je  payerois  volontiers  le  port  du  livre  de 
Skikardus  sur  le  Mercurius  in  sole  de  M""  Gassendi  qui  m'a  donné  un  en- 
tretien bien  agréable  durant  quelques  heures;  je  l'envoyé  demain  à 
M"'  Gassendy  pour  luy  en  faice  anticiper  la  veiie  en  cas  qu'il  n'en  eusse 
pas  si  tost  receu  de  la  part  de  l'autlieur,  et  aprez  qu'il  me  l'aura  ren- 
voyé, je  luy  feray  passer  les  monts.  Dieu  aydant.  C'est  pourquoy  je 
vous  supplie  trez  humblement  de  m'en  vouloir  procurer,  s'il  est  possible, 
quelque  aultre  exemplaire  pour  moy,  et  s'il  s'en  pouvoit  avoir  deux  ou 
trois,  je  les  payerois  volontiers  pour  en  accommoder  mes  amis.  J'avois 
desja  conceu  une  grande  opinion  de  ce  Skikardus,  sur  la  relation  que 
m'en  avoit  faicte  M'  Holstenius  ^  et  sur  une  généalogie  que  j'avois  veiie 
de  luy^;  mais  à  ceste  heure  je  l'estime  et  chéris  au  centuple  et  voudrois 
bien  pouvoir  contribuer  quelque  chose  à  ses  vertueuses  curiositez  et 
recouvrer  tout  ce  qui  se  pourroit  trouver  de  luy  faict  ou  à  faire*.  Vous 


'  Vol.  717,  fol.  168. 

'  Voir,  dans  le  Recueil  de  Boissonadc,  la 
lettre  ëcrite  par  Holstenius  h  Peiresc  le  9 1  juin 
i63o,  p.  187. 

'  Celle  p'néaloçie  est  celle  dont  Holste- 
nius parle  ainsi  (p.  187):  <rScliickardum, 
professorem  Tubiii{jensem , . .  cujus  lihrum 
de  Jure  rejjni  apud  Holirasos,  et  Genealo- 
giam  Reffum  Persiœ  te  vidisse  non  dubito.» 
Cette  gt'ndalogie,  inlituk'e  :  Tarich,  hoc  est 


séries  rrgvm  Persiw  (Tubingue,  iGuiS. 
in-i"),  est  la  traduclion,  avec  un  ample 
commentaire,  d'un  ancien  manuscrit  arabe, 
en  forme  de  rouleau  (d'une  longueur  de 
(piinze  mèlres),  qui  appartenait  à  la  biblio- 
thèque (!e  Wolfenbiittel.  Nous  avons  trouvé, 
dans  une  des  premières  lelli"es  de  ce  volume 
(11°  VH),  mention  (lu  Tarich  de  Perse, 

'  La  liste  des  on\Tages  déjà  publies  par 
Schickhard  était  asseï  longue.  De  161 4  h 

49- 


r 


388  LETTRES  DE  PEIRKSC  [163^] 

aurez  veu  par  mes  précédentes  que  pensant  mieux  faire,  j'avois  envoy('' 
le  Laertius  à  M"'  Gassendi,  mais  je  iuy  escripray  demain  de  me  le  ren- 
voyer pour  le  vous  faire  tenir.  Je  vous  remercie  trez  liumblement  des 
bons  offices  que  vous  avez  daigné  rendre  à  M"'  Fabrot  pour  l'édition  de 
son  Théophile  qui  sera  bientost  expédié  de  par  deçà  si  une  fois  nous 
le  tenons,  et  je  crois  bien  qu'il  ne  fera  pas  de  difliculté  de  le  laisser 
imprimer  à  Paris  plus  tost  qu'ailleurs,  s'il  peut  avoir  asseurance  qu'il 
soit  effectuellement  mis  soubs  la  presse,  sans  aultre  delay/ie  plains  bien 
le  pauvre  bonhomme  du  Val  et  la  faulte  qu'il  fera  à  M'  de  Bié,  pour 
qui  je  vous  escripvis  dernièrement  ce  que  je  pou  vois  faire,  la  plus  part 
de  ce  qui  peut  le  plus  servir  à  ce  dessein  estant  en  des  pièces  où  il 
auroit  grande  peine  de  rien  comprendre  qui  vaille  hors  de  ma  présence. 
Je  suis  bien  marry  que  M"^  Holstenius  ayt  esté  si  longuement  destourné 
de  mieux  faire,  par  un  divertissement  si  e^nuieux  et  si  ingrat  que  celluy 
de  la  correction  de  ces  carthes,  mais  nous  n'y  aurions  guieres  de  regret 
si  cela  pouvoit  avoir  mis  en  goust  le  Pape  et  le  cardinal  Barberin  de 
contribuer  et  faire  travailler  à  l'édition  de  ce  qu'il  a  de  la  Géographie. 
Je  félicite  de  bon  coeur  M'  Bignon  en  vostre  personne  aussy  bien  qu'en 
la  sienne  de  la  continuation  de  ses  belles  actions,  comme  M""  de  Thou 
de  l'applaudissement  et  bon  succez  des  siennes,  vous  remerciant  trez 
humblement  de  tant  de  curieuses  pièces  dont  il  vous  plaist  nous  faire 
part,  en  revanche  de  quoy  je  ne  vous  sçaurois  envoyer  que  des  baga- 
telles à  mon  grand  regret.  Nos  Estatz  furent  commancez  sabmedy  matin 
à  Brignolle,  oii  AP  de  Léon  harangua  et  fit  des  merveilles,  ayant  ravy 
toute  la  compagnie  de  son  éloquence  à  ce  qu'on  m'a  dict,  mais  la  de- 
mande qu'il  y  fict  en  fin  de  douze  cens  cinquante  mil  escus  estourdit  tel- 
lement les  assistants,  qu'on  ne  fut  jamais  si  surpris.  Il  est  aujourd'huy 
passé  un  courrier  qui  s'en  alloit  vers  Iuy  de  la  part  du  Roy  sans  qu'on  aye 
encores  peu  sçavoir  le  subject  particulier  de  ce  voyage.  Je  voudrois  bien 
pour  un  de  mes  amis  recouvrer  un  assortiment  de  tous  ces  petitz  volumes 


1682,  on   n'en  compte  pas  moins   d'une        i'arlicle  déjà  cite  de  Labouderie  (fii"o^mp/i(V 
vingtaine  dont  on  trouvera  l'indication  dans        universelle). 


m 


[1632]  AUX  FRÈRKS  DUPUY.  389 

des  Républiques  imprimez  par  Elzevir  et  relliés  le  plus  proprement  que 
l'on  pomroit  en  veau;  je  vous  supplie  de  les  faire  prendre  et  me  les  en- 
voyer par  la  première  commodité  qui  se  présentera.  Je  faisois  estât  de 
vous  cnvoier  par  cet  ordinaire  ce  qui  me  restoit  du  fajjot  de  M'  vostre 
t'rere  Dom  du  Puy,  mais  je  ne  sçay  si  j'auray  loisir  d'y  joindre  ce  que  je 
[pensois],  ayant  esté  grandement  destourné  tout  ce  soir  par  des  com- 
pagnies inesvitables  ;  je  desirois  mesmes  de  vous  supplier  comme  je 
faictz  de  vous  faire  chercher  quelque  m[anu]s[crit]  du  livre  de  Medi- 
camcntis  de  Marcellus  V.  I.,  ex  magislro  officiorum  Theodosi  senioris'. 
au  commanceraent  duquel  livre  il  a  inséré  un  dénombrement  des 
poidz  et  mezures  antiques,  tant  en  Grec  qu'en  Latin  ^  où  j'ay  trouvé  de 
quoy  satisfaire  à  la  plus  part  de  ce  que  je  demandois  à  M'  Saulmaise, 
mais  comme  il  y  a  quelque  équivoque  aux  nombres  en  quelques  endroitz, 
je  voudrois  bien  pouvoir  avoir  la  collation  de  quelque  m[anu]s[crit]  sur 
ce  subject,  dont  il  ne  faudroit  pas  transcrire  plus  de  deux  pages  en  tout, 
et  je  vous  en  aurois  une  fort  particulière  obligation.  J'en  escripray  si 
je  puis  à  M""  Saulmaise  par  le  prochain  ordinaire.  Ce  pendant  je  vous 
donne  le  bon  soir  et  demeure  tousjours. 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  irez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Ail,  ce  6*  novembre  i63a  \ 


'  Voii-,  dans  le  Manuel  du  libraire  (t.  III, 
col.  iSgi-iSgS),  lo  titre  complet  donniiau 
livre  par  l'diliteurde  1 536 ,  J.  Cornaro  (BAle , 
in-fol.  ).  Voici  les  premiers  mots  do  ce  titre  : 
Marcelli  viri  illuslris  de  medicainentis  em- 
pirtcis ,  physicis  ac  rationalibus  liber .  .  .  n 
Sur  Marcellus  Empiricus,  voir  V Histoire  lit- 
téraire de  la  France  1,  par  les  Bénédictins ,  t.  II , 
p.  48-53. 


'  Les  auteurs  de  VUitloire  littéraire  disent 
(p.  Si)  :  irll  eut  soin  de  mettre  k  la  tête  de 
son  recueil  les  différents  poids  et  mesures , 
avec  les  caractères  qui  servent  h  les  exprimer 
selon  l'usage  de  la  Grèce  et  des  anciens  mé- 
decins. On  les  y  retrouve  encore  en  latin, 
comme  il  témoigne  les  y  avoir  mis. . .  ■> 

'  Vol.  717,  fol    173. 


390  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

LXXIX 
À  MONSIEUR,   MONSIEUR  DU  PU  Y, 

ADVOCAT  EN  LA  COUR  DE  PARLEMENT  DE  PARIS , 
RDE  DES  POICTEVINS  DEBRIÈBE  SAINT  ANDRÉ  DES  ARTZ ,  CHEZ  M'  DE  THOL , 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Ce  mot  ne  sera  point  pour  vous  faire  de  plus  grand  entretien  que 
pour  vous  dire  à  tout  hazard,  au  cas  que  le  sieur  Biolés,  fermier  du  car- 
dinal de  la  Vallette  en  l'abbaye  S'  Victor,  fasse  plus  de  diligence  que  le 
prochain  ordinaire,  que  nous  venons  de  voir  une  lettre  de  Gènes  du 
3°  de  ce  mois  portant  qu'il  y  estoit  passé  un  courier  de  Millan  avec 
nouvelles  d'une  grande  bataille  du  Roy  de  Suéde  contre  le  Valstein  ' 
et  Papenhein  où  le  dict  Papenhein  avoit  esté  tué^,  et  puis  on  adjous- 
toit  que  le  dict  Roy  de  Suéde  et  le  dict  Valstein  y  avoient  esté  pa- 
reillement tuez^  et  que  le  prince  Vladislas  avoit  esté  esleu  Roy  de 
Pologne  dez  le  8*  de  novembre*,  mais  que  en  mesme  temps  il  estoit 
entré  dans  la  Pologne  avec  une  armée  de  soixante  et  dix  mil  hommes 
cosacques  qui  avoient  mis  ce  royaulme  en  grande  bredouille  ^.  Si  tout 
cela  est  ou  non,  je  m'en  rapporte  à  ce  que  vous  nous  en  manderez  par 
le  prochain  ordinaire.  Ce  pendant  j'ay  esté  bien  ayse  de  trouver  le 
présent  porteur  en  bonne  disposition  de  vous  porter  le  Perceforet 
de  M'  Moreau,  à  qui  je  vous  supplie  de  le  faire  tenir  de  la  part  de 


'  Bataille    de    Lutzen    (i6    novembre  '  On  sait  que  Waldslein  fut,  deux  ans  plus 

i63q).  lard,  assassiné  à  Egra. 

'  Le  général  Papenheim ,  qui  était  arrivé  '  Vladislas  VU  fut  élu  roi  de  Pologne  le 

de  Hall  avec  des  troupes  fraîches,  fut  tué  en  i3  novembre  1682,  et  fut   couronné   le 

combattant  contre  le  duc  Bernard  de  Saxe-  18  février  suivant. 

Weimar,  qui  avait  pris  le  commandement  des  '  G'est-à-flire  en  grand  désordre.  Ce  sens 

troupes  suédoises  après  la  mort  de  Gustave-  du  mot  bredouille  n'a  i)as  été  indiqué  dans 

Adolphe.  le  Dictionnaire  de  Littré. 


[1632]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  391 

M"'  Naudé  avec  mes  trez  liuiiibles  recommandations  et  me  vouloir  tous- 
jours  tenir, 

Monsieur,  pour 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  9  décembre  i633  '. 

Depuis  avoir  escript,  j'ay  apprins  que  M""  le  Premier  Président  avoit 
eu  lettre  de  M'  de  Sabian  du  l^i"  de  ce  mois,  qui  ne  dict  rien  de  cette 
bataille,  ce  qui  me  faict  croire  que  ce  soit  une  invention  des  Espajjnolz; 
mais  j'ay  apprins  par  mesmc  moyen  une  nouvelle  bien  importante, 
que  le  Roy  a  acquis  en  propriété  la  ville  de  Pijjnerol,  par  un  traicté 
particulier  avec  M*"  de  Savoye,  qui  rend  le  Roy  plus  intéressé  que  de- 
vant en  la  paix  d'Italie,  et  sa  protection  beaucoup  plus  considérable 
delà  les  montz,  ce  qui  fera  crever  de  rage  l'ambition  espagnole. 

Sy  le  présent  porteur  avoil  besoing  de  recourir  à  vostre  courtoisie, 
je  me  prometz  que  vous  ne  serez  pas  marry  de  l'obliger;  et  à  son  re- 
tour, si  vous  aviez  quelques  livres  à  envoyer,  il  les  fera  commodément 
apporter. 


LXXX 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 

Vous  m'excuserez  si  je  ne  vous  entretiens  ce  coup  cy  à  cause  de  la 

presse  que  me  donne  M""  Menestrier,  qui  ne  se  laisse  voir  qu'à  la  des- 

robée,  et  lequel  je  ne  puis  laisser  passer  sans  escripre  à  son  maistre'' 

et  aultres  de  ses  patrons,  et  sans  leur  envoyer  quelque  galanterie,  dont 

'  Vol.  717,  fol.  lyi. —  'Le  cardinal  Fr.  Barberini. 


392  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

la  recherche  m'a  tenu  grandement  occupé,  durant  tout  ce  peu  de  temps 
que  le  dict  sieur  Menestrier  s'est  voulu  laisser  gouverner  icy.  Cepen- 
dant je  vous  ay  bien  deub  accuser  la  réception  de  vostre  despesche  du 
3*^  de  ce  mois  avec  celles  tant  du  P.  Morin  que  du  sieur  de  Bié  et  aul- 
tres,  comme  sont  Messieurs  de  Roissy  de  Mesmes,  d'Aubery  et  Gault\ 
à  tous  lesquelz  je  ne  sçaurois  respondre  pour  ce  coup  cy,  et  feray  beau- 
coup si  je  puis  desrober  assez  de  temps  pour  faire  un  mot  au  dict  sieur 
Gault,  seulement  pour  luy  accuser  la  réception  de  plus  de  cent  belles 
graveures  antiques,  dont  il  m'a  voulu  donner  la  communication  avec 
une  trez  rare  confiance  et  courtoisie.  S'il  se  pouvoit  introduire  de  tel 
commerce  entre  les  curieux,  on  ne  seroit  pas  forcé  de  faire  beaucoup 
de  voyages  dont  on  se  sçauroit  passer,  quand  il  est  question  de  sa- 
tisfaire à  sa  curiosité.  Je  vous  rendz  raille  trez  humbles  grâces  de  ce 
dont  il  vous  a  pieu  me  faire  part,  bien  marry  de  ne  vous  pouvoir  rendre 
aulcune  revanche  à  ceste  fois,  et  d'estre  contrainct  de  finir  en  vous  bai- 
sant trez  humblement  les  mains  et  demeurant. 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  i3  décembre  1682  '. 


LXXXI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Je  n'ay  pas  voulu  laisser  eschapper  la  commodité  qui  s'est  inespere- 
ment  présentée  par  ce  courrier  extraordinaire  qui  est  fort  de  mes  amis 

'  Nous  avons  déjà  rencontré,  soit  dans  quefois  à  ce  confrère  en  curiosité,  notam- 

ce  volume,  soit  dans  le  volume  précédent,  ment  le  a 3  décembre  i635  ,  le  98  janvier 

tous  les  personnages  qui    viennent  d'être  et  le  8  avril  i636.  Voir  le  registre  IV  des 

énumérés,  à  l'exception  du  dernier,  qui  pa-  Minutes  de  l'Inguimbertine ,  fol.  71 5,  719, 

raît  avoir  été  un  amateur  distingué,  un  731. 
fervent  collectionneur.  Peiresc  écrivit  quel-  '  Vol.  717,  fol.  177. 


n 


AUX  FRKRES  DUPUY. 


393 


[1632] 

de  vous  accuser  la  réception  de  vostre  despesche  du  x"  arrivée  seulement 
à  ce  soir  bien  tard  par  les  dinicuitez  des  desbordornentz  des  rivières 
et  ruisseaux,  qui  n'ont  pas  niesmcs  laissé  venir  l'ordinaire  de  Home  qui 
de])voit  eslre  passé  trois  jours  y  a.  J'ay  receu  par  mesnie  moyen  les 
deux  volumes  de  l'Alrica  de  Léon,  qui  sont  venuz  tout  à  point  pour 
passer  en  Affrique  '  par  le  premier  bon  vent.  Je  n'ay  pas  encore  peu 
lire  vos  despesches  auxquelles  je  tascheray  de  satisfaire  par  le  prochain 
ordinaire  de  mal^dy;  cependant  je  vous  remercie  irez  humblement  des 
belles  particularitez  dont  il  vous  a  pieu  me  faire  part,  sur  ceste  fjrande 
bataille  qu'il  vaudroit  bien  mieux  n'avoir  pas  gaignée  que  de  l'avoir  payée 
si  chèrement  par  la  perle  d'un  si  grand  cappitaine^  et  qui  avoit  de  si 
bonnes  intentions  pour  la  France,  aux  interetz  de  laquelle  Dieu  ne 
l'avoit  preste  que  pour  aultant  de  temps  comme  il  a  voulu  nous  le 
laisser,  estant  nécessaire  de  le  croire  ainsy  pour  nostre  consolation,  et 
que  sa  divine  providence  pourvoira  de  quelque  autre  façon  à  ce  qui  res- 
toit  encores  à  faire  par  lu  y  pour  le  bien  de  la  France.  Vous  me  ferez  grand 
plaisir,  si  vous  pouvez  avoir  bon  marché  des  globes  de  M""  d'Auxerre',  de 
me  les  retenir,  puis  qu'il  vous  plaist  d'en  vouloir  prendre  le  soing, 
comme  aussy  do  son  Alcoran,  encores  qu'il  deusse  couster  quelque  chose 
de  plus  que  le  prix  ordinaire.  Que  si  vous  pouviez  avoir  le  dict  Alcoran 
et  qu'il  se  rencontras!  commodité  de  me  l'envoier,  vous  m'obligeriez 
bien  de  le  faire  sans  attendre  la  veneiie  des  dicts  globes.  Et  s'il  se  ren- 
controit  entre  voz  mains  lorsque  le  sieur  Dupuy  présent  porteur  s'en 
reviendra  en  poste,  comme  il  espère  de  faire  bien  tost,  il  sera  bien  ayse 
de  s'en  charger  pour  l'amour  de  moy,  voire  d'aultre  chose  de  plus  grand 
volume,  et  possible  de  tous  cez  petitz  volumes  des  Republiques  d'EIzevir. 
s'ils  se  trouvoient  tout  prez  et  proprement  empacquetez  pour  les  mettre 
dans  une  malle  de  poste.  Je  receuz  hier  de  la  part  de  M'  Gassendy  le 
fagot  de  livres  en  blanc,  dont  vous  l'aviez  chargé,  où  je  trouvay  tout 


'  NoHs  avons  vu  plus  haut  que  cet  ou- 
vrage était  (Icstind  i»  Tliomas  d'Arcos. 

'  Cet  hommage  à  Gustave-Adolphe  n'est- 
il  pas  bien  éloquent  dans  sa  simplicité? 


'  Gilles  de  Souvré,  évêqiie  d'Auxerre  de- 
puis le  25  septembre  i6a6,  était  mort  le 
17  septembre  i63i. 


5o 


zn 


LETTRES  DE  PEIRESG 


[1632] 


plain  de  belles  pièces  d'Eizevir  que  je  n'a  vois  pas  encores  veiies,  avec 
ceste  harangue  du  Roy  de  Pologne,  dont  je  vous  remercie  pareillement 
de  tout  mon  coeur.  Il  m'envoya  par  mesme  moyeu  un  petit  livret  du 
P.  Théophile  Jésuite  S  imprimé  à  Lyon  par  Gardon,  où  il  veult  prouver 
que  S' Auibroise  esloit  né  en  nostre  ville  d'Arles  *,  en  quoy  il  faict  grand 
honneur  à  nostre  païs^.  J'avois  escript  à  M'  de  Thou,  sur  la  lettre  que 
M*"  Menestrier  m'apporta  l'aultre  jour  de  sa  part,  oi!i  il  tesmoigne  dé- 
sirer de  sçavoir  ce  qui  s'est  passé  en  nos  Estatz,  et  d'aultant  que  je  n'en 
sçais  pas  tant  comme  je  m'asseure  que  mon  frère  vous  en  a  mandé, 
possible  ne  trouveroit  il  pas  mauvais  qu'il  vous  pleust  de  luy  envoyer 
la  lettre  de  mon  frère,  mais  je  vous  prie  d'en  faire  retenir  une  coppie 
par  Quentin  ensemble  de  celle  qui  concerne  l'entrée  de  M'  de  Victry  à 
Marseille,  et  vous  me  les  pourrez  faire  tenir  parla  première  commodité. 
Au  reste  vostre  Gazetan  ne  vous  veut  pas  confesser  la  vérité ,  quand  il 
vous  veut  faire  accroire  que  sa  gazette  ne  se  tire  que  la  nuict  du  ven- 
dredy  au  sabmedy,  ce  que  je  crois  bien  estre  véritable  pour  le  grand 
nombre  qui  se  doibt  distribuer  à  tout  venant,  mais  asseurement  il  s'en 
tire  quelque  petit  nombre  d'exemplaires  dez  le  vendredy  assez  à  temps 
pour  les  envoyer  par  l'ordinaire  qui  vient  du  costé  de  deçà,  car  celle 
du  3"  de  ce  mois  de  décembre,  que  nous  n'avons  receue  qu'à  ce  soir 
sabmedy  18"  du  mesme  mois  soubs  vostre  enveloppe  du  x*,  fut  receue 
à  Brignolle  par  l'ordinaire  de  la  sepmaine  passée,  où  mon  frère  la 
vit,  comme  vous  verrez  par  la  lettre  qu'il  m'en  escript,  en  mesme 


'  Il  s'agit  là  fie  Théophile  Raynaud,  né 
en  1 583  à  Sospello,  qui  entra  dans  la  Com- 
pagnie Je  Jésus  à  dL\-ueuf  ans,  professa 
successivement  à  Avignon ,  à  Lyon ,  à  Rome , 
et  mourut  dans  la  seconde  de  ces  villes  le 
3i  octobre  i663.  Mention  a  été  déjà  faite 
de  l'original  et  fécond  écrivain  à  l'Appendice 
du  tome  I,  p.  77/1. 

'  Theophili  Raynaudi  Societalis  Jesu ,  A  m- 
brosius,  succus  cœlestis,  ubi  Galliarum  ex- 
pressus,  seu  lucubratio  de  nalali  solo  Sancti 
Ambivsii  m  Gallis  (Lyon,  Jacq.  Cardon, 


i632,  in-ia).  Cette  dissertation  a  été  re- 
produite sous  un  titre  différent  dans  la  col- 
lection des  Œuvres  complèles  de  Tb.  Ray- 
naud  (t.  VIII,  in-fol.,  p.  i07-i34)  :  De 
Sancli  Ambrosii  nalali  solo  disserlalio  ex  qua 
dijtidicatur  an  orlufueril  Lugdunensis. 

^  Le  père  de  saint  Ambroise ,  étant  préfet 
des  Gaules ,  résidait  tantôt  à  Arles ,  tantôt  à 
Lyon ,  tantôt  enfin  à  Trêves ,  niais  plus  sou- 
vent dans  cette  dernière  ville ,  ce.  qui  a  fait 
croire  que  là  vint  au  monde  le  futur  évêque 
de  Milan. 


[1632]  AUX  FRfîRES  DUPUY.  395 

temps  que  celle  que  je  luy  avois  envoyée  de  la  précédente  sep- 
maine,  et  y  a  des  {jens  de  Marseille  qui  en  reçoivent  quasi  tontes  tes 
sepmaines  8  jours  plus  lost  que  nous  i<;y,  mais  nous  ne  sommes  pas  si 
recommandez  au  prosne  S  et  toutefois  quand  ils  desireroient  de  nous 
qu'elles  ne  fussent  point  publiées  plus  tost  qu'ils  ne  veullent,  nous  «çau- 
rions  bien  observer  nostre  promesse  aussy  religieusement  que  les  aul- 
tres,  auxquels  ils  s'en  confient  par  préférence.  Sur  quoy  me  remettant 
à  la  despesche  de  mardy  et  vous  recommandant  le  sieur  du  Pny  pré- 
sent porteur,  l'un  des  commis  audianciers  du  Greffe  de  nostre  Parle- 
ment, au-cas  qu'il  eusse  debesoingde  vostre  bonne  assistance ,  je  finirây, 
demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  Irez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  i8  décembre  i639. 

M'  Gassendi  a  envoie  en  ceste  ville  au  sieur  Gaultier,  Prieur  de  la 
Valette,  un  livre  in  li"  de  Philippus  Lansbergius  que  je  n'avois  pas  en- 
core veu,  intitulé  Progymnasmatum  Astronomie  restitulcC  de  molu  solis 
1619  Middelburgi^  dont  je  payerois  volontiers  deux  ou  trois  exem- 
plaires, s'il  s'en  trouvoit,  et  pour  le  moins  voudrois  je  bien  en  avoir  un 
pour  moy,  s'il  estoit  possible,  comme  aussy  d'un  livre  deSkikardusdejure 
Hebrœorum^  dont  me  parle  le  mesme  sieur  Gassendi;  au  reste  j'ay  esté 
ravi  d'une  demande  qu'il  m'a  faicte  pour  le  sieur  de  Mescriac  qui  se 
tient  à  Bourg  en  Bresse,  afin  que  je  luy  fasse  tenir  mon  exemplaire  de 
l'Eusebe  de  Scaliger  in  fol°  do  Comelin  *  qu'il  n'a  peu  trouver  ailleurs 


'  Littré,  sous  le  mot  prône,  n'a  cité,  au 
siijet  de  cette  locution,  qwe  Voltaire  et  Bé- 
ranger. 

'  WeJBS  (Biographie  universelle)  indique 
deux  ouvrages  de  Ph.  Lansberg  qui  portent 
h  peu  près  le  même  titre  :  Progymnaxmata 
astrommiœ   restilutœ  (Middeibourg,  1619, 


ini-4°;  ibid.,  1699);  Progymnasmatum  <m- 
ironomiœ  restituœ;  lib.  I:  De  motu  solis  (Mid- 
deibourg. 1698,  in- W 

^  Jus  regium  Hebrironim  e  tenebris  rab- 
binicis  erutnm  (Strasbourg.  lÔsS,  in-4'). 

'  Thésaurus  lemporum  :  Eusehii  Pamphili 
(Miarew  Palaslime  Episeopi  Chronicomm  ca- 

5o. 


396  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

à  prester  non  plus  qu'à  achepter;  or  par  disgrâce  mon  pauvre  Eusebe 
est  leHemenl  gastc  d'importunes  apostilles  que  j'ay  mises  à  la  marge 
pour  mon  usaige  en  divers  endroictz  que  je  serois  honteux  que  cela 
parust  devant  des  gentz  de  celte  sorte  là.  C'est  pourquoy  si  la  biblio- 
thèque de  M'  d'Auxerre  n'est  point  sans  ce  livre  là,  et  m'en  pouvoit 
lournir  un  exemplaire  pour  me  redimer  de  l'exhibition  du  mien,  au 
mauvais  estât  qu'il  est,  je  le  payerois  volontiers  le  double  plus  qu'il  ne 
peut  valloir,  auquel  cas  je  vous  prierois  de  le  faire  tenir  de  ma  part 
au  dict  sieur  de  Meseriac  à  Bourg  en  Bresse  oii  il  est',  croyant  bien 
qu'il  se  trouvera  à  Paris  des  marchantz  qui  auront  des  habitudes 
à  Bourg  en  Bresse  et  assez  de  commerce  pour  y  pouvoir  faire  tenir  ce 
livre  là  seurement.  Excusez  moy  de  ceste  importunité^. 


LXXXII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

A  PARIS. 

Monsieur, 
Je  vous  escripvis  hier  par  l'un  des  commis  du  Greffe  de  nostre  Par- 
lement qui  a  nom  du  Puy  et  qui  est  fort  de  mes  amis,  lequel  partit 
en  poste  aprez  disner,  et  debvra  arriver  sans  doubte  plus  tost  que  cet 
ordinaire.  Je  vous  respondis  sur  les  principaux  chefs,  au  moins  sur 
les  plus  pressans  de  vostre  lettre  du  x.  J'ay  depuis  receu  à  ce  soir  le 
Diogene  Laertius  que  M'  Gassendy  m'a  renvoyé  de  Digne.  S'il  fust  venu 
à  temps,  le  dict  sieur  du  Puy  eust  esté  trez  ayse  de  le  vous  porter.  Ce 
sera  par  la  première  commodité  d'aray  que  vous  l'aurez,  Dieu  aydant. 
J'ay  enfin  escript  ceste  aprez  disnée  à  M"'  de  Saulmaize,  et  vous  envoyé 
ma  lettre  à  cachet  volant  où.  vous  pourrez  voir  si  bon  vous  semble  à 

iionum  omnimoda;  historiée  libri  duo . . .  opéra  Peii'esc  à  Bachet  de  Méziriac,  les  nombreux 

et  studio  Josephi  hiMi  Scaligeri,  etc.  (  Leyde ,  détails  donne's  par  Gassendi  (p.  891). 
i6o6,in-fol.).  '  Vol.  717,  fol.  178. 

'  Voir,  sur  tous  les  services  rendus  par 


[1632]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  397 

quoy  je  reduicts  mes  demandes',  vous  suppliant  d'intercéder  pour  moy 
en  son  endroict  si  ne  le  trouvez  pas  mauvais,  car  s'il  fault  attendre 
qu'il  fasse  un  traitté  ex  professo,  je  crains  qu'il  no  tire  plus  long  traict"^ 
que  je  ne  voudrois,  et  possible  luy  l'ourniray  je,  s'il  me  communique  ce 
qu'il  a  tiré  des  vieux  m[anu]s[crit]8  dont  il  est  question,  quelque  cho- 
selte  de  plus  que  ce  qui  peut  estre  dans  ses  livres.  Cet  Itinerarium 
Benjamini  de  version  nouvelle'  ne  pourra  estre  que  irez  bon.  Mon- 
sieur de  Léon  m'a  dict  avoir  tout  plain  de  bons  livres  m[anu]s[crit]s.  1! 
fut  hier  plus  de  deux  heures  dans  ma  petite  estude,  et  me  parla  d'une 
chronique  de  Cypre  qui  meritoit  bien  d'estre  veiie  par  personnes  in- 
telli{;entes  et  d'un  psaultier  en  six  langues  bien  ancien,  qui  ne  debvoit 
pas  avoir  esté  caché  à  M' le  Jay  ne  au  P.  Morin,  à  qui  je  ne  sçaurois 
escripre  d'aujourd'huy  non  plus  qu'à  tous  cez  aultres  Messieurs  qui  me 
pardonneront,  s'il  leur  plaist,  pour  ce  coup.  Si  Burlamaqui*  entreprend 
de  vous  faire  avoir  cez  extraictz  d'Angleterre,  il  en  viendra  à  bout  in- 
dubitablement. Je  vous  remercie  trez  humblement  des  belles  pièces  qu'il 
vous  a  pieu  me  communiquer  et  particulièrement  de  ceste  relation  du 
Roy  de  Suéde  que  je  ne  sçaurois  assez  plaindre.  Vous  n'aurez  pour  à 
ceste  heure  en  revanche  que  les  deux  Arrelz  que  vous  me  demandiez 
concernant  le  président  Carriolis,  dont  la  maison  s'en  va  par  terre^;  la 


'  Cette  lettre,  datfe  du  ao  décembre 
1 6  3  a ,  ncRis  a  ëté  conserv(5e  dans  le  registre  V I 
des  Minutes  de  l'Inguinibertine  (fol.  35). 
J'ai  l'intention  de  la  publier,  avec  la  plupart 
des  autres  lettres  de  Pciresc  à  Saumaise, 
dans  un  des  volumes  qui  suivront  celui-ci. 

*  Litlré  et  nos  autres  iexicofjrnphes  n'ont 
pas  recueilli  cette  expression  (lourde. 

'  C'est  rilin(!raire  de  Benjamin  de  Tu- 
dèle  :  Itinerarium  D.  Denjaminis  cmn  versione 
et  notis  Conutaïuini  L'Empereur  ab  Oppyck 
(Leyde,  KIzevier,  iG33,  in-8°).  Voir  le  Ma- 
tmeldu  libraire  (t.  I ,  col.  Tjlti);  les  Eltevier 
de  M.  Alph.  Willeins  (p.  (j4);  la  Notice  /lis- 
torique  de  Carmoly  mr   Benjamin  de    Tu- 


dèle,  suivie  de  l'examen  géoffraphique  de  set 
voyages,  par  J.  Lelewel  (Bruxelles,  i85a, 
in-S"). 

'  Est-ce  au  même  personnage  que  Pei- 
resc  adressa,  de  Paris,  le  a 9  septembre 
1616,  une  lettre  rjui  figure  dans  le  registre  V 
des  Minutes  de  l'Iuguimbertine  (fol.  339)? 

'  En  même  temps  que  les  commissaires 
chargés  de  faire  le  procès  du  président  l'a- 
vaient condamné  k  mort(39octobret63s), 
ils  avaient  ordonné  que  ses  biens  seraient 
confisqués  au  prolit  du  roi  et  c[iie  sa  maison 
serait  rasée.  Cette  maison  était  située  dans  In 
petite  rue  Saint-Jean  {Lex  rues  d'Aix,  pnr 
Roux-AIplieran ,  t."  1,  p.  a  Ai). 


38rg  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

desmolition  eiî  avoit  esté  interrompue  durant  quelques  jours  à  cause 
des  grandes  pluyes,  mais  on  a  recommancé.  Et  sur  ce  je  finis  demeu- 
rant, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  irez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 

A  Aix,  ce  ao'  décembre  1682. 

Si  VOUS  ne  communiquez  pas  la  lettre  que  j'escrips  à  M''  Saulmaise, 
je  pense  qu'il  ne  sera  que  bon  K 


LXXXIII 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 
À  PARIS. 

Monsieur, 
Vosti'e  despesche  du  17  de  ce  mois  nous  a  appris  une  infinité  dé 
belles  curiositez  qui  ont  bien  augmenté  les  anciennes  obligations  que 
nous  vous  avions,  dont  je  vous  remercie  trez  humblement  de  tout  mon- 
coeur,  et  mesmes  du  soing  que  vous  avez  daigné  prendre  des  livres 
que  vous  avez  joints  à  ceux  de  M''  l'Huillier,  lesquels  j'attends  Dieu 
aydant  la  sepmaine  prochaine,  par  les  mains  mesmes  de  M'  de  Rossy 
de  Lyon  qui  doibt  faire  un  voyage  icy  bas  pour  la  prochaine  feste  des 
Roys.  M""  Gassendy  m'a  renvoyé  le  Laertius  par  ce  qu'asseurement  il 
en  trouva  un  à  vendre  à  Lyon,  dont  il  se  pourveut,  de  sorte  que  vous 
né  debvez  pas  avoir  de  regret  de  ce  costé  là;  je  le  vous  envoyeray  par 
le  despart  des  députez  de  nos  Estatz  qui  ont  leur  rendez  vous  icy  aprez 
les  festes.  Et  par  mesme  voye  je  tascheray  de  vous  envoyer  quelques 
pistolles  pour  l'achapt  de  ce  que  vous  jugerez  nécessaire,  et  pour  es- 
viter  les  changes.  J'ay  de  l'obligation  à  M"'  Victray  de  l'offre  de  ses 

'  Vol.  717,  fol.  181.  • 


[1632]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  399 

Evangiles  en  Arabe  <jue  j'accepterois  bien  plus  volontiers  si  c'eust  esté 
du  reste  delà  bible,  comme  il  me  sembloit  avoir  ouy  dire  que  l'Arabe 
y  esloit  séparé  en  volume  à  part  des  aultres  langues,  mais  il  fault  dire 
que  j'avois  mal  entendu,  et  possible  que  celluy  qui  me  l'avoit  mandé 
l'avoit  ainsy  jugé  en  voyant  travailler  les  Evangiles.  Pour  l'édition  de 
Gennes,  je  crois  bien  que  ce  n'est  pas  de  la  Bible  toute  entière,  mais, 
si  je  ne  me  trompe,  le  Possevin  dict  en  avoir  veu  quelque  volume'. 
Celluy  pour  qui  je  demandois  ceste  bible  entend  fort  bien  la  langue 
Arabique,  mais  ce  n'est  pas  homme  ([ui  puisse  aller  sesjourner  en  Gon- 
staiitiuople  chez  M''  l'Ambassadeur'^;  celluy  pour  (|ui  je  voulois  l'Alcoran 
est  un  aultre  bien  différend  de  celluy  là,  qui  n'est  pas  non  plus  en  estât 
de  faire  le  voyage  et  séjour  de  Gonstantinople,  dont  je  suis  bien  marry 
pour  l'amour  de  M""  Yictray  et  de  son  filz.  Un  gentilhomme  de  ceste 
ville  que  j'avois  introduit  chez  M"'  l'Ambassadeur  a  eu  tant  d'envie  d'ap- 
prendre la  langue  Arabique  qu'il  s'en  est  allé  exprez  au  mont  Liban*, 
d'où  il  nous  a  escript  de  pardcça  du  lieu  de  Hedin*,  où  il  dict  avoir 
rencontré  le  sieur  Evesque  Amira  fort  célèbre  pour  la  grammaire  qu'il 
a  imprimée^,  lequel  s'est  charitablement  offert  de  luy  montrer  ladicte 
langue  Arabique;  il  nous  mande  aussy  que  le  peuple  de  ce  lieu  là 
parle  plus  correctement  le  Syriaque  qu'en  aulcun  aultre  lieu  du  Levant. 
Je  seray  bien  ayse  que  par  le  moyen  du  dict  sieur  Victray  vous  ayez 
ce  Pentateuque  Arabe  d'Erpenius  que  j'attendray  en  bonne  dévotion 
pour  luy  faire  passer  la  mer,  conjoinctement  avec  les  Evangiles  que 
vous  m'envoyez  dans  le  ballot  de  M'  l'Huillier.  Je  viens  d'apprendre 


'  Ant.  Poisevini  Mantumi  Socieiatis  Jtxv 
Appiiratus  sacer  ad  Scriptores  veteris  et  novi 
Testmneitti,  etc.  (Venise,  1606,  3  vol.  in* 
fol.). 

'  Nous  avons  vu  que  cet  ambassadeur 
était  le  comte  de  Marcheville. 

'  Fr.  Gaiiiup  de  CImsteuil.  Voir  plus 
haut  (lettre  XL). 

'  Cette  localité  est  appelée  Iledcm  par 
Galaup  de  Gliastcuil  dans  une   lettre  du 


6  octobre  i633,  imprimée  dans  le  livre 
d'Augcri  :  Le  Piwençal  solitaire  au  Mmit 
Liban ,  on  la  Vie  de  M'  François  de  Galaup , 
sieur  de  (Ihaetiteil,  etc.  (Aix,  i658,  in-ia, 
p.  97).  On  trouvera  plusieurs  lettres  du 
même  |)crsonn.i(re ,  datées  du  mdnie  lieu, 
dans  un  prochain  fascicule  des  Correspon- 
dants de  Peiresc. 

'   Grammntica  Syriaca ,  sive  Chaldaica ,  jwr 
George»-Mich.  Amira  (Rome,  lôgG,  in-4°). 


400  LETTRES  DE  PEIRESG  [1632] 

l'arrivée  à  bon  port  d'un  navire  qui  m'apporte  ce  Pentateuque  Sama- 
ritain en  lettre  Arabique  dont  je  vous  parlois  dernièrement,  et  que  je 
le  pourray  avoir  pour  le  plus  tard  la  sepmaine  prochaine.  Je  voudrois 
bien  qu'il  vint  à  temps  pour  me  pouvoir  prévaloir  du  voyage  de  voz 
députez  en  court.  Pour  les  globes,  si  vous  rencontriez  fortune  '  de  ceux 
de  M'  d'Auxerre  ou  autre  pareille  qualité  avec  quelque  bon  advantage 
au  prix,  je  n'y  plaindrois  pas  l'argent,  mais  s'il  les  fault  achepter  au 
prix  courant  tout  entier,  il  vaudra  mieulx  en  prendre  des  médiocres,  à 
cause  que  le  transport  sera  de  fort  grande  constance  de  Paris  icy.  Pour 
les  petits  volumes  des  Respubliques  d'Elzevir,  ce  n'est  que  pour  un  de 
mes  amys  et  non  pas  pour  moy;  c'est  pourquoy  je  ne  m'estois  pas 
soussié  d'une  rellieure  si  exacte;  toutefois  je  laisse  le  tout  à  vostre  dis- 
crétion, n'estimant  pas  que  i  o  ou  1 2  quartz  d'escus  de  plus  ou  de  moins 
puissent  estre  considérables  pour  avoir  cez  choses  là  plus  propres  et 
plus  commodes,  mais  surtout  je  vous  supplie  de  me  les  faire  avoir  le 
plus  tost  qu'il  vous  sera  possible  et  les  mieux  assortis  sans  espargner 
d'en  charger  ceux  de  nos  amis  qui  vous  iront  demander  quelque  chose 
pour  moy.  Les  bonnes  festes  où  nous  sommes  ont  empesché  M'  Gas- 
sendy  de  nous  envoyer  des  lettres  à  temps  pour  cet  ordinaire  à  cause 
de  la  cessation  du  Palais  durant  icelles  ;  je  n'ay  pas  mesmes  peu  luy  faire 
tenir  le  dernier  pacquet  que  j'ay  eu  pour  luy  par  cest  ordinaire.  J'en- 
voye  à  M''  de  Thou  un  pacquet  de  Hierusalem  avec  le  verbal  et  articles 
de  noz  Eslatz  et  la  harangue  de  Monseigneur  le  Mareschal  de  Victry, 
lequel  m'ayant  envoyé  la  Gazette  qu'il  venoit  de  recepvoir  par  l'ordi- 
naire plus  fraische  de  8  jours  que  la  nostre,  je  me  suis  dispensé  de  la 
retenir  pour  avoir  moyen  de  la  vous  envoyer  comme  je  faicts  présen- 
tement, afin  que  vous  la  puissiez  faire  voir  à  vostre  Gazetan  pour  le 
convaincre  de  la  supercherie  dont  il  use  en  nostre  endroict  puis  qu'il 
est  si  asseuré  à  vous  nier  la  vérité.  J'auray  bien  de  l'obligation  à  M"^  Ri- 
gault  s'il  prend  la  peine  de  m'envoyer  quelque  bonne  collation  de  ce 
petit  feuillet  du  Marcellus  de  medicamentis  comme  aussy  à  M'  Saul- 

'  Je  ne  crois  pas  que  cette  locution  ail  été  recueillie  par  nos  divers  lexicographes. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  401 

maize  s'il  vous  fournit  ce  qu'il  peut  sur  la  matière  de  ponderibus  et 
mensuris,  sur  laquelle,  depuis  la  lettre  que  je  luy  escripvis  la  sepmaine 
passée,  j'ay  descouvert  encore  d'excellentes  choses  que  je  voudrois 
bien  avoir  peu  adjouster  à  ma  lettre,  mais  le  départ  de  M'  de  Léon 
m'a  laict  perdre  aujourd'liuy  toute  la  matinée.  Et  on  ne  m'a  guieres 
laissé  de  repos  tout  le  reste  du  jour.  C'est  pourquoy  je  suis  contraint 
de  clorre  attendu  l'heure  tarde,  de  crainte  que  mon  paquet  ne  demeure, 
estant  toujours. 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 

A  Aix,  ce  37  décembre  i63a. 

Vous  oubliastes  dernièrement  de  nous  envoier  la  Gazette  et  relation 
du  mois  de  novembre  et  vous  prie  de  nous  envoier  les  dictes  relations 
aoubles  aussy  bien  que  la  Gazette'. 


LXXXIV 
À  MONSIEUR,   MONSIEUR  DU  PUY, 

ADVOCAT  EN  LA  COUR  DE  PARLEMENT  DE  PARIS, 
RDE  DBS  POICTRVINS  PREZ  SlINT  ANDRÉ  DES  ARTZ ,  CHEZ  M'  DE  THOO , 

À  PARIS. 
(Avec  un  libvre.) 

Ce  mot  à  la  haste  sera  pour  accompagner  le  livre  du  Diogenes  Laer- 
Hus  grec  et  latin  de  l'édition  de  Rome,  dont  W  Billon '^  a  voulu  se 
charger  de  sa  grâce  pour  l'amour  de  vous.  Les  merveilles  qu'il  a  ren- 
contrées dans  ces  Anagrammes  vous  ont  faict  cognoistre  de  longue  main 
jusques  à  quel  point  d'excellence  il  a  reporté  cette  sorte  d'ouvrages'. 


'  Vol.  717,  fol.  18a. 
*  Sur  le  poète  avocat  Thomas  de  Biilon , 
voir  le  tome  I,  p.  Itoh. 

'  J'ai  rappelë,  dans  une  note  de  la  page 


ci-dessus  indiquée,  les  5oo  anagrammes 
offertes  en  i6aa ,  à  Louis  XIII ,  par  Th.  de 
Biilon ,  et  d'autres  anagrammes  composées 
pour  Peii-esc. 


5t 


4l0ï  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

Et  s'il  avoit  le  bien  d'estre  cogneu  familièrement  de  vous,  il  vousferoit 
bien  tost  paroistre  par  sa  modestie  et  par  la  douceur  de  sa  conversation 
l'estime  que  mérite  sa  vertu  et  le  soing  qu'il  prend  de  servir  ses  amis. 
Et  je  m'asseure  qu'il  trouvera  chez  vous  le  bon  accueil  que  vous  y 
faictes  aux  gens  de  lettres  et  que  vous  serez  bien  ayse  de  le  recevoir 
au  nombre  de  ceux  que  vous  y  obligez,  à  quoy  j'ay  deu  joindre  mes 
supplications  à  celles  qu'il  vous  en  fera  et  à  Monsieur  vostre  frère,  es- 
tant son  ancien  serviteur  comme  je  suis  de  toute  mon  affection, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  4' janvier  i633'. 


LXXXV 
À  MONSIEUR,   MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
J'ay  receu  vostre  despesche  du  26°  avec  le  petit  volume  de  la 
rellieure  du  Gascon  et  le  petit  pacquet  à  part,  dans  lequel  j'ay 
en  fin  trouvé  la  Gazette  de  mesme  datte  que  voz  lettres  que  j'ay  im- 
putée à  un  reraordz  de  conscience  de  vostre  Gazettan,  qui  n'a  pas 
voulu  durant  les  bonnes  festes  persister  dans  le  tort  qu'il  nous  avoit 
faict  auparavant;  pourveu  qu'il  continue  dans  ceste  bonne  disposition, 
tout  le  passé  sera  fort  aysé  à  pardonner,  et  l'apparence  qu'il  y  a  en  la 
vérité  et  ingénuité  de  la  relation  y  contenue  sur  le  subject  de  la  ba- 
taille de  Lutzen  mérite  de  leur  en  sçavoir  le  meilleur  gré  que  faire  se 
peut  en  une  occasion  de  telle  importance.  Au  reste  la  rellieure  du 
Gascon  m'a  faict  desrober  du  temps  que  j'avois  destiné  à  aultre  chose , 
pour  l'employer  à  lire  ce  petit  volume  de  Cunaeus,  que  je  n'avois  pas 

'  Vol.  717,  fol.  i85. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  403 

encore  ieu  ',  car  l'aultre  exemplaire  que  j'avois  receu  par  M'  Ga^eiidi 
n'avoit  pas  encor  esté  rellié.  Et  comme  la  commodité  de  la  reijieure 
et  de  la  lecture  avoit  commancé  de  m'y  affriander,  le  plaisir  que  j'ay 
eu  de  voir  les  belles  observations  de  cest  aulheur  ne  me  l'a  pas  iasché 
de  la  main  que  je  ne  l'aye  achevé  de  lisre;  je  serois  bien  ayse  d'ap- 
prendre de  vous  s'il  est  encores  vivant,  de  quel  aage  et  en  quel  employ, 
car  j'estime  que  cest  homme  mérite  bien  qu'on  en  face  cas*.  Quant 
aux  aultres  volumes  des  respubliques  d'Elzevir,  quand  il  y  en  manque- 
roit  quelqu'un,  ne  laissez  pas  de  m'envoyer  le  recueil  que  vous  en 
pourrez  l'aire,  principalement  si  vous  pouvez  avoir  ceux  des  Estalz  qui 
subsistent  aujourd'liuy,  sauf  de  remplacer  les  aultres  par  aprez  quand 
on  les  pourra  avoir.  Et  certes  ceste  rellieure  du  Gascon  mérite  un  peu 
plus  de  despense  que  le  commun,  principalement  pour  les  livres  qui 
sont  les  plus  notables,  et  qui  méritent  le  mieux  d'estre  leus  de  bout  à 
aultre.  Quant  aux  {jlobes,  la  chose  ne  presse  pas  tant  que  s'il  y  a  moyen 
en  attendant  un  peu  d'avoir  ceux  de  M''  d'Auxerre  à  prix  honneste,  l'ad- 
vantage  et  la  commodité  de  l'occasion  ne  vaillent  la  peine  de  se  faire 
attendre,  aussy  bien  que  pour  l'Alcoran  que  j'ay  destiné  en  mesme 
endroict.  Et  cependant  noz  députez  auront  loisir  d'arriver  de  par  de  là 
et  de  porter  un  peu  danno  ?  di  costo.  J'ay  esté  bien  ayse  que  M' Mpreau 
aye  receu  tous  ses  livres,  mais  je  n'ay  pas  encores  peu  voir  le  cata- 
logue des  historiens  françois  de  M'  du  Ghesne  '.  Ce  sera  Dieu  aydant 
pour  le  prochain  ordinaire.  Car  nous  avons  esté  embarassez  tous  ces 
jours  cy  à  la  disputte  d'une  Régence  de  nostre  université  qui  estoit  vac- 
cante  depuis  quelque  temps,  laquelle  nous  sommes  aprez  de  faire 
bailler  par  preferance  à  M""  Fabrot  qui  la  mérite  bien  mieux  que  ne 


'  Pétri  Ctuim  de  Uepublicn  Uebrœorum 
libri  III.  Ediiio  itonssimii  (I^eyde,  l']lze- 
vier,  1679 ,  in-a4).  L'édition  précédente  est 
de  l'année  1617. 

'  Pierre  Ciuieeus  (Van  dei'  Kun),  né  è 
t'iessingue  en  i586,  mourut  h  Leyde 
en  1 638.  il  fut  nommé  en  1 6 1  a  professeur 


de  lau{{ue  latine  à  l'université  de  cette  der- 
nière ville.  Voir,  sur  cet  érudil ,  les  Lettre* 
de  Jean  Ckapetain,  I.  II,  p.  io5.  Chapelain 
l'appelle  Omée. 

'  Bibliothèque  de»  mitewri  qui  ont  écrit 
i'hif  taire  et  la  topographie  de  la  FraHC€.{  Paris , 
i6!i7.  in-8°);  seconde  édition  augmentée. 

5i. 


nu 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1633] 


sçauroient  faire  tous  ses  compétiteurs  '.  Je  ne  vous  sçaurois  point  donner 
de  nouvelles  en  revanche  des  vostres,  car  nous  n'avons  rien  icy  main- 
tenant si  ce  n'est  que  Madame  la  Mareschale  de  Victry  est  dans  une 
grande  appréhension  pour  la  personne  de  M"^  le  Marquis  de  Nar- 
moustier  son  fllz^  travaillé  depuis  une  douzaine  de  jours  d'une  fiebvre 
ardente  fort  dangereuse,  à  quoy  M""  le  Mareschal  comjiatit  grandement 
et  non  sans  grande  raison.  Monsieur  de  la  Fayette  en  est  plus  mort  que 
vif.  Je  luy  ay  faict  voz  recommandations  en  absence  de  mon  frère  qui 
est  à  Rians,  où  je  luy  ay  envoie  vostre  lettre.  M'  de  la  Fayette  m'a  dict 
qu'il  avoit  receu  de  M'  vostre  frère  une  lettre  sur  quelque  affaire  qu'il 
avoit  à  me  recommander  de  vostre  part,  dont  vous  pouvez  bien  croyre 
que  j'en  auray  tout  le  soing  qu'il  fault  selon  mes  principaulx  debvoirs. 
estant  comme  je  suis  de  tout  mon  cœur  à  l'un  et  à  l'aullre, 
Monsieur, 

vostre  Irez  humble  et  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix  ,  ce  3  janvier  i633. 

J'oubliois  de  vous  dire  qu'on  attend  de  jour  à  aultre  une  gallere  de 
Gènes,  laquelle  apporte  un  Ambassadeur  extraordinaire  de  ceste  Ke- 


'  Ch.  Giraud  {Notice  sur  la  vie  de  C.-A. 
Fahrot,  p.  53-56)  dit  :  ffM.  de  Saint-Marc, 
conseiller  au  parlement  et  professeur  à  l'école 
de  droit,  laissait  vaquer,  par  sa  mort,  une 
chaire  de  droit  canon.  Fabrot  désira  l'obtenir 
en  échange  de  la  sienne  qui  était  moins  ré- 
tribuée. La  chose  paraissait  juste  ;  on  vou- 
lut pourtant  lui  faire  subir  un  concours ,  ce 
qui  parut  d'autant  plus  dur  qu'il  n'y  avait 
point  de  règle  à  cet  égard  et  que  Fabrot 
avait  la  qualité  d'émén7e(i633).  Fabrot  se 
résigna  à  concourir,  mais  il  se  plaignit  avec 
une  vive  énergie  de  l'injure  capricieuse  que 
l'on  faisait  à  son  mérite  et  à  ses  vingt-cinq 
ans  de  professorat.!)  Le  biographe  ajoute 
qu'un   homme   d'une    telle  valeur   devait 


écarter  tous  les  concurrents,  et  qu'en  effet 
il  fut  nommé  curatorum  Academiœ  consensu 
conspirante,  ainsi  qu'il  le  témoigne  au  bas 
de  sa  thèse. 

'  Peiresc,  comme  plusieurs  de  ses  con- 
temporains, écrit  Nannoustier  pour  ÎVoiV- 
moustier.  La  maréchale  de  Vitri  (Lucrèce- 
Marie  Bouhier)  avait  épousé  en  premières 
noces  Louis  de  la  Trémoïlle,  marqin's  de 
Noirmoustier,  baron  de  Ghâteauneuf  et  de 
Sambiançai,  mort  le  4  septembre  i6i3.  Elle 
en  avait  eu  deux  fils,  dont  l'aîné,  celui  dont 
il  est  ici  question,  Louis  de  la  Trémoïlle, 
deuxième  du  nom,  duc  de  Noirmoustier, 
était  né  le  2  5  décembre  1612  et  mourut 
le  19  octobre  1666. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  405 

])ii])li(|iie  di  Casa  Cciilurioiii',  qui  s'en  va  vers  le  Roy,  pour  remercier 
Sa  Majesté  de  son  entremise  à  raccoininodeiiicnt  de  M'  de  Savoye. 

On  faict  le  procès  au  vicaire  de  Porrieres^  pardevant  Monseigneur 
rArclievesque  sur  certains  ombrages  que  l'on  a  euz  de  quelque  suppo- 
sition de  sa  part.  Il  dict  pourtant  qu'il  aura  deux  centz  tesmoins  d'un 
mouvement  de  la  lampe  de  l'Eglise  fort  extraordinaire.  On  sçaura  bien 
tost  ce  qui  est  du  fonds  de  ceste  affaire.  Des  marcbands  venuz  de  Pied- 
mont  disent  qu'à  Pignerol  on  avoit  faict  faire  serment  aux  soldats 
d'obéir  au  lloy,  et  de  ne  point  recognoistre  M'  de  Toyras;  si  cela  est,  il 
y  a  bien  à  craindre  que  ses  affaires  n'aillent  guieres  bien  et  que  son 
reffus  d'aller  à  la  cour  ne  luy  serve  d'accusation  pour  le  rendre  coul- 
pable  de  quelque  intelligence  suspecte.  Que  s'il  n'estoit  véritablement 
coulpable,  il  seroit  bien  à  plaindre'. 

Vous  ne  Mie  dictes  rien  de  ceste  carthe  imprimée  à  Amsterdam  en 
Hébreu  et  en  taille  douce  laquelle  je  vous  supplie  de  me  faire 
avoir  le  plus  tost  que  vous  pourrez.  Car  celluy  à  qui  je  l'ay  promise 
me  faict  espérer  une  revanche  bien  importante  de  l'extraictde  certaines 
tables  astronomiques  composées  3oo  ans  y  a,  par  un  fort  docte  Kabiii 
lors  habitant  à  Tarascon*;  sur  la  supputation  on  a  veriffié  le  calcul  des 
deux  dernières  eclypses  si  juste  qu'il  n'y  a  pas  eu  un  quart  d'heure  de 
différence,  à  ce  que  l'on  m'a  voulu  asseurer. 

Monsieur  le  Premier  Président  m'a  dict  qu'il  avoit  receu  une  lettre 
de  M'  vostre  frère,  dont  il  se  tient  fort  honoré;  je  luy  faicls  part  quel- 


'  Augustin  Centufione.  C'est  le  même 
diplomate  qui  figure  <laus  ce  passage  d'une 
lettre  de  Liomie  à  Mnzarin ,  écrite  de  Home 
en  i64q  [Recueil  Avenel,  t.  Vil,  p.  «98): 
itlje  s'  Centurion  est  arrivé  h  Rome,  pour 
résider  de  la  part  de  la  République  de  Gênes , 
et  pour  proposer  au  pape  de  faire  une  ligue 
pour  la  di'fcnse  de  l'itaiic. . .  1 

'  Commune  du  déparlement  du  Var,  ar- 
rondissement de  Brignoles ,  canton  de  Saint- 
Maximin. 

^  Voir  une  lollre  de  Richelieu  à  Toiras. 


du  milieu  de  décembre  i639  {Recueil 
Avenel,  t.  IV,  p.  /u4).  Ne  pas  m'gliger 
une  note  du  judicieux  éditeur  (p.  /ii5)  et 
deux  autres  notes  bien  importantes  (p.  /i&6- 
/.47). 

'  Voir,  sur  ce  rabbin  (Rabbi  Emmanuel) 
et  sur  les  tables  astronomiques  dont  il  est 
ici  question,  le  fascicule  I\  des  Correspon- 
daiits  de  Peiresc  :  Salomon  Atuhi,  rabbin  de 
Carpentras ,  fascicule  que  j'ai  publié  avec  la 
précieuse  collaboration  de  M.  Jules  Duka<i 
(Paris,  1885,  p.  1  et  suiv.). 


i06  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633] 

quesfois  des  vostres  auxquelles  il  prend  fort  grand  plaisir,  et  bien  sou- 
vent n'est  pas  moins  curieux  de  voir  les  nouvelles  des  livres  que 
celles  du  monde.  Je  viens  d'envoyer  sçavoir  des  nouvelles  de  la  santé 
de  M""  le  Marquis  de  Narmoustier,  laquelle  est  grâces  à  Dieu  en  fort  bon 
estât  au  prix  de  ce  qu'elle  avoit  esté  ;  on  en  a  maintenant  fort  bonne 
espérance.  Ce  jeune  seigneur  se  faisoit  tant  aymer  à  un  chascun  que 
vous  ne  sçauriez  croire  combien  le  desplaisir  de  son  mal  estoit  uni- 
versel. Il  a  achevé  son  li*  assez  paisiblement.  Dieu  le  veuille  bien 
assister. 

L'on  a  faict  voir  icy  un  livre  de  la  patrie  de  S'  Ambroise  que  j'ay  en- 
voyé quérir  à  Lyon ,  oîi  c'est  qu'un  bon  P.  Théophile  Jésuite  faict  bien 
de  l'honneur  à  nostre  ville  d'Arles  de  luy  faire  produire  un  si  grand 
personage  que  celluy  la  •.  On  m'a  monstre  le  tiltre  d'un  livre  de  Pon- 
tificia  Jurisdictione  in-à"  de  Paris,  chez  Estienne  Richer,  sans  aulcun 
nom  d'autheur,  dont  la  matière  semble  bien  estre  des  plus  curieuses 
du  temps;  on  sçaura  bien  un  jour  à  peu  prez  qui  est  cest  autheur  qui 
ne  s'est  pas  voulu  nommer^.  Sur  quoy  je  vous  souhaitte  la  bonne  année 
avec  la  plus  heureuse  suitte  d'aultant  d'aultres  qui  peut  estre  sou- 
haittée  à  des  gentz  de  tant  de  mérite  comme  vous  estes  dans  vostre 
maison. 

Je  viens  d'envoyer  sçavoir  des  nouvelles  de  la  santé  de  M""  le  Mar- 
quis de  Narmoustier,  qui  se  porte  beaucoup  mieux  qu'hier  ayant  sué 
toute  la  nuict  et  faict  une  grande  crise  en  achevant  son  quattorziesme 
de  sorte  qu'il  en  pourra  eschapper,  Dieu  aydant. 
Ce  mardy,  4"  janvier  au  matin  '. 

'  Le  P.  Th.  Raynaud  et  son  livre  ont  été  ravant  un  livre  sur  le  même  sujet  avait  été 

mentionnés  un  peu  plus  haut  (  lettre  LXXXI  ).  publié  par  Roussel  (Michel  )  :  Historta  ponti- 

^  Cet  auteur  n'est  pas  indiqué  dans  les  Jiciœ  jurisdictionis  ex  anliquo ,  medio  et  novo 

Anonymes  latins  du  Dichon/iaire  d'Ant.-Alex.  tuu  (Paris,  J.  Richer,  lôaS,  iu-4°). 

Barbier.  Rappelons  que  peu  d'années  aupa-  '  Vol.  717,  fol.  189. 


[1633] 


AUX  FRKRES  DUPUY. 


407 


LXXXVI 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 
Monsieur, 
La  desbauche  de  mes  genlz  tout  le  jour  d'hier  et  un  peu  de  fluxion 
que  j'avois  sur  les  yeux  ne  me  permirent  pas  de  pouvoir  employer 
leur  main  non  plus  que  la  mienne  à  la  despesche  que  je  vous  pensois 
faire,  dont  je  vous  supplie  de  me  vouloir  excuser  et  l'aire  admettre  mon 
excuse  à  cez  aullres  Messieurs.  Je  vous  accuseray  neanlmoms  la  récep- 
tion tant  de  vostre  despesche  du  dernier  de  l'an  passé,  veniie  par  l'or- 
dinaire, que  du  petit  fagot  de  livres  dont  le  sieur  Prieur  de  Roumoules 
avoit  accoinpajjné  la  boitte,  qui  sont  venuz  fort  bien  conditionnez, 
ensemble  un  petit  pacquet  de  M''  l'Huyllier  qui  y  avoit  esté  joint  à 
Lyon  ;  mais  parce  qu'il  n'y  avoit  point  de  lettre  ny  de  roolle  du  contenu , 
je  ri'ay  pas  sceu  bien  recongnoistre  tout  ce  qui  y  pouvoit  estre  appar- 
tenant à  M''  Gassendy,  car  par  une  lettre  que  m'escripvit  ledict  sieur 
l'Huillier  quelque  temps  y  a,  il  ne  me  faisoit  mention  que  de  deux 
exemplaires  du  livre  de  Flud\  et  un  exemplaire  de  l'Epistre  de  Ski- 
kardus-,  que  j'ay  trouvé,  sous  une  simple  enveloppe  non  cachetée  ad- 
dressée  à  moy.  Et  par  disgrâce  je  a'ay  sceu  retrouver  la  lettre  que  vous 
m'aviez  escripte  sur  le  subject  desdicts  livres  que  j'ay  envoiée  si  je  ne 
me  trompe  à  mon  frère.  Mais  j'ay  envoie  à  M""  Gassendy,  avec  son  Ski- 
kardus  et  son    exemplaire   du   Flud,  un   roolle   des  livres  contenuz 


'  Robert  Fhidd,  irKÏdecin  anglais,  né  à 
Mil{jate  (comtdde  Kent)  en  iSyi,  mourut 
h  Londres  le  8  septeinl)re  j6.']7.  Voir  sur  ce 
philusoplie,  dont  le  nom  figure  dans  tous 
les  recueils  biogra|)hi((ues ,  la  Vie  de  Pierre 
Gaimendi,  par  Bougerel  (p.  Sâ-Sy,  79-81, 
115-1 16).  On  sait  ((ue  Gassendi  écrivit 
contre  sa  philosopliio  :  hijoercitatio  in  Fludda- 
nam   philosophimn  (Paris,    1690,   in-ia). 


Le  livre  de  Fludd  mentionne  par  Peiresc 
serait-il  Clavis  philosophiœ  et  alchymiœ  Flud- 
darue  qui  parut  <H  Francfort  en  i633  et  où 
Fludd  réi>on(lit  aux  critiques  de  Gassendi 
et  du  P.  Mersenne? 

'  Nous  avons  dëjh  vu  que  cette  ëpttre, 
écrite  ou  sujet  du  Mercurius  in  sole  visu» 
de  Gassendi,  avait  paru  à  Tubingiie  en 
1G3-1. 


/i08  LETTRES  DE  PEIRESC  [1033] 

audict  ballot,  affin  qu'il  y  choisisse  ce  qu'il  y  recognoislra  estre 
à  luy,  que  je  ne  manqueray  point  de  luy  faire  tenir  incontinant. 
Cependant  je  vous  remercie  trez  humblement,  non  seulement  des 
livres  qu'il  vous  a  pieu  me  faire  achepter,  mais  aussy  du  soing  que 
vous  avez  pris  de  me  renvoyer  ce  registre  de  la  chancellerie  Romaine, 
avec  ce  cahier  des  traittez  du  Venaissin ,  qui  n'avoient  point  tant  de  haste 
de  revenir,  s'ils  eussent  peu  servir  à  quelque  aultre,  comme  aussy  du 
Théophile  de  M"'  Fabrot ,  qui  vous  en  est  bien  obligé  de  son  chef  quant  et 
moy,  et  qui  va  mettre  la  main  au  supplément  dont  je  vous  avois  parié, 
afin  de  ne  perdre  plus  de  temps  en  l'édition,  s'il  est  possible.  On  luy 
a  donné  icy  la  seconde  Régence  Royalle  de  nostre  université  avec  de 
grandz  éloges  de  tous  Messieurs  du  bureau  qui  y  avoient  voix  delibe- 
rative,  et  particulièrement  de  M''  nostre  Premier  Président  qui  prit 
grand  plaisir  de  voir  que  ce  pauvre  chetif  païs  icy  ne  feusse  pas  tout  à 
faict  despourveu  de  gens  de  lettres,  et  capables  de  comparoistre  en 
bon  lieu,  car  certainement  M"  Fabrot  fit  des  merveilles  et  un  aultre 
nommé  Saurin  du  lieu  de  Digne  \  bien  qu'inférieur  de  beaucoup  à 
M"^  Fabrot,  ne  laissa  pas  de  donner  trez  bonne  satisfaction  à  toute  la 
compagnie,  et  de  faict  il  fut  subrogé  en  la  place  que  souloit  tenir 
M"'  Fabrot.  Je  ne  trouvay  avec  voslre  despesche  dernière  que  les  Estatz 
du  Languedoc,  les  lettres  de  mon  frère,  celle  du  filz  de  M' le  Prince 
et  les  aultres  advis  qu'il  vous  pleut  m'escripre,  dont  je  vous  rends  mille 
trez  humbles  grâces.  Je  n'y  trouvay,  dis-je,  si  ce  n'est  que  la  relation 
du  mois  de  décembre  de  vostre  Gazetan,  sans  la  gazette  courant  que 
d'aultres  neantmoinz  ont  receiJe  par  le  mesme  courrier,  entre  aultres 
M' le  Mareschal,  M""  le  Premier  Président  et  encore  ung  aultre  de  ma 
cognoissance  auquel  troisiesme  seulement  je  pourrois  trouver  à  redire , 
car  pour  les  deux  premiers  ils  sont  hors  du  pair,  et  ne  seroit  pas  rai- 

'  C'était  Antoine  Saurin ,  mort  en  1 668  ;  du  parlement  de  Provence ,  ou  Extraits  d'une 

il  fut  le  père  et  le  grand-père  de  deux  juris-  correspondance  inédile  échangée ,  pendant  ta 

consultes  renommés  :  Joseph-Ignace  Saurin .  peste  de  ijùo,  entre  François  Decormis  et 

premierprésidentdu  sénat  de  Nice  ;  et  Pierre  Pierre  Saurin,  par  Charles  de  Rihbe  (Aix, 

Saurin,  avocat  au  parlement  d'Aix.  Voir,  1863,  in-8°,  p.  ai  et  suiv.). 
sur  ces  divers  personnages,  L'ancien  barreau 


[1033]  AUX  FRIiRES  DUPUYi  409 

sonnal)le  que  je  prétendisse  le  mesme  privilège  qu'eulx  en  cela,  aynianl 
beaucoup  mieux  n'avoir  la  gazette  que  plus  vieille  de  8  ou  i5  jours, 
quand  besoing  seroit,  plus  tost  (|ue  si  cela  debvoit  fournir  prétention 
à  ce  vénérable  gazetan  de  se  Ifiirc  communiquer  des  pièces  auparavant 
qu'elles  puissent  mériter  d'estre  publiées,  principalement  de  chez  vous, 
où  toutes  choses  de  ccste  nature  doibvent  estre  tenues  quasi  comme 
sacrées,  estant  beaucoup  plus  à  propos  que  certains  advis  se  sçachent 
dn  peu  tard  que  de  les  publier  trop  lost  comme  il  est  arrivé  de  ce  faict 
de  Porrieres,  où  il  se  trouve  quelque  imposture  meslce  que  l'on  est 
aprez  de  chastier  et  dont  le  chastiment  eust  esté  meillieur  à  dire,  s'il 
y  escheoit,  que  ce  qu'ilz  on  ont  voulu  divulguer.  On  m'a  donné  quelque 
espérance  d'un  Aicoran  de  l'édition  latine  d'Allemagne,  dont  j'es|)ere 
d'estre  bien  tost  esclaircy  et  qu'il  ne  sera  pas  de  besoing  d'incommoder 
M''  Aubery  du  sien.  C'est  pourquoy  je  vous  supplie  de  ne  me  le  point 
envoyer  sans  nouvel  ordre,  si  ce  n'est  que  l'ayez  desja  faict,  auquel 
cas  nous  trouverons  quelque  moyen  de  le  vous  renvoyer  comme  je 
vous  renvoyay,   ces  jours  passez,  le  Diogenes  Laerlius  par  le  sieur 
Billon.  Quant  h  l'Eusebo  de  Scaliger,  c'est  M'  Gassendy  qui  m'en  a 
faict  l'instance  pour  le  sieur  de  Meziriac,  mais  puis  que  la  pièce  est  de- 
venue si  rare,  il  fauldra  faire  comme  l'on  pourra.  J'en  ay  aultresfois 
donné  trois  ou  quatre  exemplaires  à  de  mes  amis  qui  sont  tous  mortz. 
11  fauldra  que  j'escripve  pour  voir  s'il  s'en  pourra  recouvrer  quelqu'un, 
car  il  est  vray  que  quand  je  vois  quelque  homme  de  lettres  qui  n'est 
pas  du  commun  et  qui  travaille  pour  ayder  le  public  sur  quelque  ma- 
tière qui  le  mérite,  je  ne  sçaurois  éviter  de  luy  prester  de  bon  cœur 
mes  livres  imprimez,  puis  que  je  n'y  espargne  pas  les  m[anu]s[crit[s 
qui  sont  un  peu  plus  difliciles  à  recouvrer  que  les  imprimez.  Je  vous 
remercie  encore  trez  humblement  du  soing  que  vous  avez  eu  non  seu- 
lement de  faire  tenir  ma  lettre  h  M'  Saulmaise,  mais  de  vous  rendre 
intercesseur  pour  sa  responce;  je  n'avois  pas  creu  que  sa  curiosité 
peusse  descendre  jusques  à  cez  Penlateuques  Samaritains  et  aultres 
livres  en  langues  orientales  dont  vous  me  dictes  luy  avoir  envoyé  le 
catalogue.  J'ay  enfin  receu  ce  nouveau  Pentateuque  Samaritain,  dont 


laraiHKus  iiTtosiit. 


AlO  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

l'esciipture  est  la  plus  part  en  caractère  Arabique,  excepté  les  com- 
maiicements  des  chapitres  et  principauk  versetz  qui  sont  en  caractère 
Samaritain,  dont  le  langage  ne  semble  que  pur  Hébraïque  en  beau- 
coup de  lieux,  mais  il  y  a  beaucoup  de  diverses  leçons  au  texte  pour 
ce  peu  que  nous  en  avons  veu,  et  plusieurs  choses  qui  ne  sont  point 
dans  le  texte  Hébraïque  des  Juifs,  de  sorte  qu'il  pourroit  bien  mériter 
la  peine  de  le  conférer  comme  les  aultres,  parce  qu'il  est  fort  entier 
et  complet  et  ne  semble  point  estre  trop  moderne,  bien  qu'il  ne  soit 
escript  qu'en  papier  de  Damas.  L'aultre  volume  est  imperfect  au  com- 
mancement,  à  la  fin  et  en  deux  ou  trois  endroicts  du  mitan.  Et,  à  ce  que 
nous  en  avons  peu  comprendre,  il  est  divisé  en  deux  parties  qui  con- 
tiennent divers  discours  ou  traictez  tant  de  dévotion  et  de  quelque 
traditifve,  non  seulement  des  usaiges  des  Samaritains,  mais  aussy  de 
(|uelque  chose  d'externe,  car  nous  y  avons  rencontré  une  généalogie 
de  Mahomet,  dont  je  veux  conférer  la  suitte  à  ce  qu'en  ont  escript  les 
aultres,  ayant  pour  cet  elfect  envoyé  requérir  à  Beaugentier  le  Tarich 
de  Skikardus,  qui  y  estoit  demeuré  depuis  que  vous  me  l'envoyastes, 
de  sorte  que  je  suis  descheu  pour  ce  coup  cy  de  l'espérance  que  j'avois 
conceùe  de  quelques  fragments  des  livres  de  Josué  des  Samaritains, 
mais  puis  que  iVI'"  Saulmaise  se  trouve  sur  les  lieux  et  que  la  grande 
bible  de  M'  le  Jay  est  tant  advancée,  il  faudroit  bien  tenter  de  faire 
venir  de  Hollande  l'exemplaire  qu'avoit  feu  M''  de  la  Scala  des  dicts 
livres  de  Josué  continuez,  ce  disoit-il,  jusques  au  temps  d'Adrian,  pour 
en  joindre  ce  qu'il  seroit  trouvé  à  propos  par  forme  d'Ap])endice  à 
l'édition  de  la  dicte  bible.  J'ay  eu  par  cest  ordinaire  dernier  une  lettre  de 
M''  le  Jay  en  responce  de  celle  que  vous  luy  aviez  faict  rendre  de  ma 
part,  estant  bien  marry  de  ne  luy  pouvoir  escripre  pour  le  présent, 
espérant  que  je  ne  tarderay  pas,  non  plus  que  de  respondre  par  mesme 
moyen  au  bon  P.  Morin  (car  pour  le  sieur  Vitray,  il  ne  m'a  point  faict 
de  responce).  Vous  pourrez  cependant  asseurer  M'  le  Jay,  si  vous  le 
voyez,  que  je  tascheray  de  le  servir  selon  qu'il  désire,  et  jusques  oïli 
se  pourra  estendre  mon  petit  crédit.  Je  scray  bien  ayse  que  vous  re- 
couvriez bien  tost  M''  de  Thou.  Et  le  serois  beaucoup  davantage  si  je 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  Alt 

pouvois  rencontrer  queltjuc  (li|i[ne  moyen  de  le  bien  servir,  ayant  un 
peu  (le  refjret  que  mes  lettres  soient  arriv<îes  trop  tard  pour  luy  estre 
envoyées  avant  son  départ  du  pais  de  Bour|;ongne  ;  mais  l'inconvénient 
n'en  sera  pas  bien  fjrand.  S'il  se  trouve  là  quelques  exemplaires  de  la 
Republique  Hebrœorum  Gunei,  vous  me  ferez  plaisir  de  m'en  envoyer 
deux  ou  trois,  pour  en  faire  part  h  quelqu'un  de  mes  amis.  Nous 
n'avons  pas  icy  maintenant  d'aultres  nouvelles,  si  ce  n'est  que  M'  le 
Marquis  de  Narmouslier  est  hors  de  fiebvre,  ce  qui  a  redonné  la  vie 
au  bon  M'  de  la  Fayette  et,  au  contraire,  M""  nostre  Archevesque'  est 
party  à  ce  matin  en  dilijjence  pour  Avignon  sur  l'advis  qu'il  a  eu  de 
la  mort  soudayne  de  M''  le  président  de  Bouttereux,  son  oncle,  le(|uel 
il  attendoit  icy  pour  faire  les  Roys,  où  il  seroit  possible  venu  laisser 
les  os,  sans  que  M"'  le  Duc  de  Villars  l'arresta  en  Avignon,  et  luy  fit 
si  bonne  chère  qu'il  s'en  mist  au  lict,  dont  il  n'est  point  relevé.  Et 
dict  on  qu'il  n'avoit  pas  encor  sceu  la  mort  de  M'  le  président  S'  Aubin 
que  l'on  luy  avoit  cachée  avec  grand  artifice,  sur  quoy  je  finis  de- 
meurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 

A  Aix,  ce  10  janvier  i633. 


J'ay  faict  chercher  parmy  tous  les  peintres  de  cette  ville  le  sieur  de 
Pesch,  à  qui  M""  de  Bié  escripvoit,  sans  en  avoir  peu  apprendre  nou- 
velles quelconques,  si  ce  n'est  qu'il  y  avoit  eu  en  ceste  ville  un  M"^  du 
Pesche  qui  se  mesloit  de  peindre  lequel  est  maintenant  à  Grenoble  où 
je  luy  feray  tenir  la  lettre  du  dict  sieur  de  Bié,  si  je  puis  avoir  des  nou- 
velles asseurées  que  ce  soit  celluy  là,  de  quoy  je  doubte,  parce  qu'on 
dict  qu'il  y  a  bien  trois  ans  qu'il  est  hors  d'icy.  Et  tascberay  aussy  de 
voir  de  sa  besongne,  s'il  en  9  laissé  en  ceste  ville.  Et  au  cas  que  je  re- 

'  Louis  de  Brelel,  nomme  en  i63o,  sacré  le  11  janvier  i63a,  si^ea  jusqu'au  a6  mars 
i6/i5.  Voir  Gallia  Christiana,  t.  I,  col.  337-338.  En  celle  dernière  colonne,  on  Irouve  nn 
court  el  vif  éloge  de  Peiresc. 


412  LETTRES  DE  PEIRESC  [1G33] 

congnoisse  qu'il  puisse  faire  ce  qu'il  fault,  je  seray  bien  ayse  de  rem- 
ployer à  ce  que  désire  M"'  de  Bié,  à  qui  je  vous  supplie  de  le  faire  sçavoir, 
avec  mes  excuses  du  retardement  de  ma  responce  qui  ne  provient  pas 
d'aulcun  deffault  de  bonne  volonté,  car  je  seray  tousjours  trez  ayse 
l_de  le  servir  quand  je  le  pourray/J'ay  recouvré  certaines  relations  tant 
de  nostre  cour  que  de  celle  de  l'Empereur  d'environ  60  ou  80  ans 
par  un  Michel  Suriano,  ambassadeur  de  Venise',  et  quelques  aultres 
que  je  vous  envoieray  demain  Dieu  aydant  par  la  commodité  de  AP  de 
Thorenc,  pour  voir  si  vous  y  trouveriez  rien  qui  valusse  la  peine  d'estre 
veu,  ne  les  ayant  peu  voyr  moy  mesme  à  cause  d'un  peu  de  fluxion 
que  j'ay  eiie  sur  les  yeux  et  d'une  infinité  d'embaras  dont  j'ay  esté 
accablé  cez  deux  ou  trois  jours  icy  ^. 


LXXXVII 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 
A  PABIS. 

Monsieur, 
Je  vous  escripvis  hier  par  nostre  ordinaire  en  responce  de  voz  der- 
nières et  m'engageay  de  parolle  de  vous  envoler  deux  cayers  de  rela- 
tions d'Ambassadeurs  de  Venize,  pour  lesquelles  accompagner  je  vous 
faicts  maintenant  ceste  lettre  que  vous  recevrez  de  la  main  de  M' de  Tho- 
renc qui  s'en  va  en  poste  à  la  cour  député  de  noz  Estatz,  par  qui  je  vous 
envoyay  l'année  passée,  de  Boysgency,  un  aultrcbien  plus  gros  pacquet 
venu  de  Rome  de  la  part  de  M'  vostre  frère  dom  Xtofle  [sic)  du  Puy.  C'est 
un  fort  brave  gentilhomme  et  qui  n'a  guieres  de  semblables  dans  ceste 
Province,  Et  comme  il  nous  faict  l'honneur  de  nous  aymer  plus  que  nous 
ne  vallons,  en  nous  faisant  sçavoir  le  dessein  de  son  voyage,  il  nous  fit 

'  Voir,  dans  les  Relations  des  ambassa-  taires  sur  le  royaume  de  France,  par  Michel 

deurs  vénitiens,  sur  les  affaires  de  France,  Suriano,  ambassadeur  en  i56i. 
au  xri'  siècle,  receuillies  et  liwdiiites  par  '  Vol.  717,  fol.  189. 

M.  N.  Toinmaseo  (t.  I,  i838),  les  Commen- 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  "  413 

semondre  de  le  charger  de  quelque  ciiose  pour  vous;  en  suilte  de  quoy 
je  laisois  estât  de  vous  envoyer  le  nouveau  Penlaleuque  Samaritain, 
ensemble  l'aultrc  volume  que  j'avois  receu  conjointement  avec  celluy  là, 
mais  un  bon  P.  Chartreux  que  nous  avons  en  ccsle  ville  [lour  Prieur  de 
la  nouvelle  Chartreuse  qu'on  y  a  commancé  d'establir,  nommé  le 
P.  Denis  de  Sailly,  qui  a  grande  cognoissance  de  cez  langues  orien- 
talles,  ayant  tesmoigné  désirer  de  voir  un  peu  ce  Pentateuque,  je  n'ay 
pas  lionnestement  peu  l'en  esconduire,  estimant  que  le  P.  Morin  ne 
trouvera  pas  mauvais  ce  retardement  qui  ne  sera  pas  pour  beaucoup 
de  jours  à  mon  advis.  Cependant,  pour  ne  laisser  aller  à  vuide  ]Vl''deTho- 
renc,  à  faulte  de  chose  plus  digne,  j'ay  créa  vous  debvoir  envoyer  les 
susdictcs  relations  vénitiennes,  ])our,  en  cas  que  vous  en  ayez  de  sem- 
blables dans  la  bibliothèque  de  M''  de  Thou,  essayer  s'il  y  auroil  moyen 
de  faire  suppléer  ce  qui  manque  à  la  (in  de  celle  de  l'an  1670  du  cla- 
l'issime  Jean  Correro^  que  j'eusse  pris  plaisir  de  voir  entière,  à  cause 
des  discours  familiers  qu'il  y  rapporte  de  la  Royne  Catherine  de  Medicis, 
mais  les  aultres  deux  du  clarissime  Michel  Soriano,  tant  de  la  cour  de 
France,  au  cornmancement  du  règne  du  roy  Charles  IX*",  que  de  celle 
de  Ferdinand  Roy  des  Romains  en  l'année  1567  méritent  bien,  ce 
semble,  de  n'estre  pas  négligées,  et  si  parhazard  elles  ne  vous  estoient 
passées  par  les  mains,  je  crois  bien  que  vous  ne  serez  pas  niarry  d'y 
jetter  un  coup  d'œil,  principalement  à  celle  de  la  France,  oii  il  y  a  cer- 
taines petites  particularitez  que  je  n'ay  pas  rencontrées  ailleurs,  et  si 
bien  il  y  a  quelques  l'aultes  du  coppiste,  elles  ne  sont  pas  didiciles  à 
corriger,  et  puis  que  Quentin  est  tant  allamé  de  besongne,  je  seray  bien 
ayse  que  vous  les  luy  fassiez  transcripre  pour  mon  compte,  afin  que 
j'en  puisse  retenir  une  coppie  en  renvoyant  les  originaulx  à  celluy  qui 
me  les  a  voulu  prester,  n'ayant  pas  maintenant  icy  de  coppiste  guieres 
propre  ù  ceste  besongne.  Et  ayant  creu  que  vous  ne  seriez  peut  eslre 
pas  marry  de  voir  ces  pièces,  si  vous  ne  les  aviez  desja,  et  possible  que 

'  Voir,  dans  le  tome  II  du  Recueil  publié  par  Toramasco  et  cite  en  une  note  de  la  lellrc 
précé<lpnte,  In  rcltilion  de  Jean  (lorrero,  anilMssadeur  en  France  en  lôCg.tôyo.  etc. 


àlà  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

M""  de  Lomenie  les  voudroit  pareillement  faire  transcripre  et  que  quand 
mesmes  elles  seroient  inutiles  et  à  vous  et  à  luy,  que  vous  excuseriez 
tousjours  la  libert<^  que  j'ay  prinse  de  les  vous  envoyer  pour  fournir  de 
la  hesongne  au  pauvre  Quentin  à  faulte  d'aultre  meilleure.  Je  viens  de 
recepvoir  de  la  part  de  M'  Gassendy  une  lettre  pour  M""  Lhuillier  qui 
estoit  arrivée  trop  tard  pour  la  commodité  de  l'ordinaire,  laquelle  il 
pourra  recepvoir  plus  tost  par  ceste  voye  cy  que  s'il  falloit  attendre 
l'ordinaire  de  la  sepmaine  prochaine.  La  santé  de  M'  le  Marquis  de 
Narmoustier  va  tousjours  de  bien  en  mieux  grâces  à  Dieu  et  par  con- 
séquent les  contentementz  de  M""  de  la  Fayette  et  de  Madame  de  la 
Fayette,  laquelle  a  pris  la  peine  de  nous  venir  voir  aujourd'huy  céans, 
ce  qui  n'a  pas  esté  sans  parler  de  vous  et  de  voz  honnestetez  si  célèbres 
par  tout  le  royaulnie.  On  me  met  en  grande  espérance  de  quelques  li- 
vres m[anu]s[crit]s  tous  puceaux  \  oti  vous  croyez  bien  que  vostre  bonne 
part  vous  sera  réservée,  mais  je  n'ose  pas  m'en  vanter  que  je  ne  les 
tienne,  vous  suppliant  de  me  continuer  l'honneur  de  voz  bonnes  grâces 
comme. 
Monsieur,  à 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 

A  Aix,  ce  11  janvier  i633. 

Je  VOUS  prie  de  m'envoyer  un  exemplaire  de  ce  petit  livre  de  M' Gro- 
tius  de  la  Religion  chrestienne  qu'il  traduisit  pour  l'amour  de  M'  Bignon 
du  Flamand  qu'il  avoit  addressé  à  ses  enfans^.  Ensemble  ceste  petite 


'  Inédits.  Rappelons  que  nous  avons  déjà 
trouvé  (t.  I,  p.  717)  le  moi  pucelage ,  et 
que  les  deux  mots  ne  choquaient  alors  per- 
sonne. 

*  De  vcrilate  religtonis  Christianœ  liber. 
Le  texte  flamand  avait  paru  en  1622  (in-/r). 
Voir,  sur  les  éditions  et  traductions  de  ce 
traité,  le  Manuel  du  libraire  (  t.  II ,  col.  1 768  ). 
L'auteur  de  l'article  Grotius  dans  la  Nou- 


velle biographie  générale,  M.  Ernest  Gré- 
goire, n'est  pas  d'accord  avec  Peiresc  en  ce 
qui  regarde  les  destinataires  de  l'opuscule, 
qui,  selon  lui,  aurait  été  adressé  iranx  mate- 
lots hollandais  pour  les  instruire  de  la  ma- 
nière dont  ils  pourraient  convertir  au  chris- 
tianisme les  peuples  qu'ils  rencontreraient 
pendant  leurs  voyages». 


[1G33]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  415 

Gonfessio  theologica  exliaite  de  s^  Aufjuslin  d'EIzevir'.  Ayant  trouvé 
M'  de  Tliorenc  de  bonne  volonté,  je  l'ay  cliarjjé  non  seulement  des  ca- 
hiers des  relations  vénitiennes,  mais  aussy  d'une  vinjjlaine  de  pistolles 
que  je  vous  prie  de  remettre  dans  la  bourse  que  vous  avez  destinée 
aux  fournitures  journalières  qu'il  vous  faull  faire  pour  l'amour  de  moy, 
en  attendant  que  je  vous  puisse  envoyer  quelque  chose  de  plus  sans 
passer  par  les  mains  de  cez  marchandz,  les  {globes  n'ayant  pas  encor  tant 
de  iiaste  qu'on  ne  puisse  attendre  quelque  temps  pour  voir  s'il  se  trou- 
veroit  quelque  bon  advantaye  tel  que  celluy  qu'on  faisoit  espérer  en 
attendant  l'Inventaire  de  M' d'Auxerre^. 


LXXXVIII 
A  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

A  PARIS. 

Monsieur, 
J'ay  receu  vostre  despesche  du  G*^  de  ce  mois  par  nostre  dernier  or- 
dinaire, ensemble  le  petit  volume  de  la  relieure  du  relieur  de  Cra- 
moisy,  que  j'ay  trouvé  assez  proprement  faict  pour  le  pouvoir  manier 
commodément  et  pour  s'en  contenter,  et  si  je  l'eusse  veu  assez  à  temps, 
je  ne  l'eusse  guieres  moins  estimé  que  celluy  du  Gascon,  la  tranche 
madrée  ou  jaspée  ayant  quelque  advantage  sur  la  simple  tranche  rouge 
à  mon  gré,  et  si  le  Gascon  pouvoit  sans  s'inconnnoder  changer  la 
tranche  rouge  en  une  tranche  jaspée,  je  l'aymerois  beaucoup  mieux, 
mais  si  cela  debvoit  de  beaucoup  enchérir  la  marchandise  il  vaudroit 
mieux  le  laisser.  Je  pense  pourtant  que  ce  soit  chose  assez  ordinaire 
de  par  de  là  pour  le  présent,  car  aultrefois  c'estoit  chose  fort  rare  et 
diflicile  à  taire  faire.  Pour  l'Eusebe,  puis  qu'il  se  trouve  entre  les  mains 
de  Camusat',  c'est  la  vérité  qu'il  est  bien  cher  A  /i5  livres  en  blanc, 


'  Aucun  ouvrage  poitanl  ce  titre  ou  même 
un  titre  npprocliant  n'est  mentionne  dans  le 
Recueil  de  M.  A.  Willems. 


'  Vol.  717,  fol.  191. 
'  Jean  Canuisat ,  (jui  allait  être  nomme, 
l'année   suivante,    imprimeur-libraire    de 


416  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

mais  encore  aymerois-je  mieux  avoir  perdu  65**  que  l'exemplaire  que 
j'ay  apostille  de  ma  main,  que  l'on  me  vouloit  faire  envoyer  à  cent  lieues 
dicy,  et  je  prendz  si  grand  plaisir  d'avoir  la  communication  quand 
j'en  ay  affaire  de  quelques  livres  de  mes  amis,  qu'il  me  semble  d'estre 
obligé  de  les  mezurer  à  mon  aulne  et  à  les  traicter  comme  je  prends 
plaisir  d'estre  traitté.  C'est  pour  quoy,  s'il  ne  se  peut  mieux  faire,  il 
faudra  se  rançonnera  la  moins  mauvaise  condition  que  faire  se  pourra; 
seulement  voudrois  je  avoir  tant  soit  peu  de  loisir  pour  avoir  response 
d  un  lieu  oii  j'ay  escript,  où  j'en  avois  donné  un  exemplaire  à  un  de 
mes  amis  qui  est  decedé,  lequel  je  pense  recouvrer,  s'il  est  encor 
en  nature',  aussy  facilement  comme  je  l'avois  donné;  mais  de  peur 
de  perdre  le  certain  pour  l'incertain,  il  faudroit,  s'il  vous  plaist, 
vous  saisir  de  cest  exemplaire  dez  à  présent  dé  peur  de  ne  le  plus 
trouver  quand  nous  en  aurions  à  faire,  à  la  charge  de  le  pouvoir 
rendre  dans  le  temps  et  terme  d'un  mois,  ou  tel  aultre  que  vous  y  es- 
tablirez  en  perdant  plustost  quelque  teston  pour  la  peine  du  desdit, 
si  Camusat  ne  veut  passer  ce  pacte  là  gratuitement.  Je  ne  trouve  point 
estrange  que  le  sieur  Vitray  soit  si  mauvois  garend  de  sa  parolle,  pour 
ce  Pentateuque  d'Erpenius,  et  pour  ceste  histoire  de  Joseph,  puis  qu'il 
a  si  mal  observé  colle  qu'il  a  voit  donnée  pour  l'édition  de  M"  Fabrot, 
tellement  que  je  pense  qu'il  sera  fort  à  propos  de  ne  se  point  attendre 
à  cela,  s'il  s'en  peut  recouvrer  d'ailleurs.  Quant  à  vostre  Gazetan,  nous 
avons  eu  avec  vostre  despesche  celles  qu'il  n'a  daltées  que  du  premier 
de  janvier  bien  qu'il  en  fusse  venu  des  exemplaires  en  ceste  ville  dez 
la  sepmaine  passée,  par  l'ordinaire  party  de  Paris  le  jour  précèdent 
dernier  de  décembre,  et  par  le  présent  ordinaire  M"^  le  Mareschal  en  a 
receu  une  dattée  du  sabmedy  8°  de  ce  mois,  bien  que  l'ordinaire  soit 
party  du  jour  précèdent  qui  n'estoit  que  le  septiesme,  oii  il  m'a  faict 
voir  la  retractation  de  la  fausse  nouvelle  de  la  mort  de  Valestein,  de 
sorte  que  si  meshuy  vostre  Gazetan  persiste  à  nier  l'édition  anticipée 

l'Académie    fi'anraise   (avril   i634).    Voir  '  S'il  existe  encore.  La  locution  être  en 

l'éloge  que  lui  donne  Pellisson  (  Histoire  de        nature  n'a  pas  été  indiquée  dans  le  Diction- 
r  Académie  française,  édition  Livet,  t.  L  p.  1 8).        naire  de  Litlré. 


I 


[1633]  AUX  FRERES  DUPUY.  417 

de  ses  {jazeltes  auparavant  le  despart  du  courrier  de  Lyon,  je  ne  pense 
pas  qu'il  puisse  maintenir  créance  parmy  les  gens  d'honneur  quelque 
changement  qu'il  aye  alTeclé  en  la  postériorité  de  la  datte  d'icelles, 
de  laquelle  il  luy  sera  permis  de  payer  envers  le  commun  si  bon  luy 
semble,  mais  pour  ceux  qui  ont  des  yeux,  qu'il  cherche  s'il  veut  d'aul- 
Ires  excuses.  Pour  la  personne  que  vous  me  recommandez,  vous  pouvez 
bien  vous  asseurer  que  non  seulement  je  luy  feray  sçavoir  ce  qu'il 
vous  a  pieu  m'en  escripre,  mais  qu'il  ne  tiendra  point  à  moy  que  je  ne 
la  serve  en  tout  ce  qu'il  me  pourra  estre  loysible,  vous  estant  obligé  et 
à  M'  vostre  frère  comme  aux  meilleurs  amis  que  j'ayc  au  monde,  mais 
ce  personnage  estoit  neantmoins  entré  en  quelque  ombrage  contre  moy, 
s'estant  imaginé  que  sa  partie  eusse  de  grandes  habitudes  avec  mon  frère 
de  Valavez  et  avec  moy  mesmes,  en  quoy  il  avoit  eu  de  fort  mauvais 
advis,  car  au  contraire  ils  estoient  demeurez  dans  quelque  degoust  de 
ce  que  ayant  moy  rapporté  un  procez  de  son  frère  aisné  en  l'an  62  5  ' 
ilz  n'en  avoient  pas  obtenu  tout  ce  qu'ilz  s'estoient  promis  par  l'arrest, 
duquel  neantmoins  M'  le  procureur  gênerai  Fiobet,  qui  y  avoit  le 
mesme  intercst  que  luy,  n'avoit  pas  laissé  de  se  tenir  pour  content  et 
d'advouer  que  nous  luy  avions  faict  bonne  justice,  dont  neantmoins 
cez  aultres  Messieurs  n'avoient  cessé  de  se  plaindre  toutes  les  fois 
que  l'occasion  s'en  estoit  présentée  jusques  à  maintenant,  de  quoy 
j'ay  creu  vous  debvoir  adverlir  confidemment  vous  estant  ce  que  je 
vous  suis,  parce  que  celluy  pour  qui  vous  m'escrivez  s'estoit  laissé 
entendre  de  me  vouloir  récuser,  à  quoy  je  luy  fis  dire  que  trez  vo- 
lontiers je  luy  prcsterois  le  collet,  pour  faciliter  le  succez  du  juge- 
ment de  sa  récusation  à  son  contentement,  afin  de  luy  ester  toute 
sorte  d'ombrage  et  de  regret,  et  si  sa  récusation  ne  pouvoit  recevoir 
assez  de  fondement,  je  verrois  de  m'absenter  pour  guérir  tout  à  faict 
son  esprit.  Je  suis  encor  attendant  de  voir  la  resolution  qu'il  en  aura 
prinse,  mais  bien  plus  impatiemment  quelque  digne  moyen  de  vous 
servir  en  meilleure  occasion,  en  recognoissance  de  tant  de  bons  offices 

'  Peiresc,  comme  on  le  faisait  souvent  autrefois,  supprime  le  chiffre  mille  et  écrit  696 
pour  i6a5. 

II.  53 


418  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

dont  vous  ne  cessez  de  me  combler  à  toutes  heures,  dont  je  vous  re- 
mercie de  tout  mon  cœur  et  surtout  de  la  bonne  nouvelle  du  retour  de 
M'  de  Tliou ,  à  qui  je  vous  supplie  d'agréer  que  je  fasse  la  bien  venue 
par  ce  mot  d'exploict  en  vostre  personne,  de  peur  de  luy  fournir  aulcun 
subject  d'interruption  de  ses  complimentz  et  meilleures  occupations, 
sçachant  bien  qu'il  vous  a  faict  une  assez  ample  procuration  pour  cela 
et  pour  beaucoup  davantage;  la  bonne  odeur  qu'il  a  laissée  en  Bour- 
gongne  de  la  sincérité  de  ses  intentions  et  de  la  grandeur  de  son  génie 
a  esté  escripte  en  ces  quartiers  icy  de  beaucoup  de  divers  endroictz, 
au  grand  contentement  tant  de  M'  le  Mareschal  et  de  M''  le  Premier 
Président,  que  de  tous  les  bons  serviteurs  qu'd  s'est  acquis  icy,  avec  un 
grand  applaudissement  universel  sur  la  voix  publique  qui  s'en  est  es- 
pandûe  qui  a  esté  généralement  suyvie  de  vœux  communs,  à  ce  qu'il 
plaise  à  Dieu  de  bénir  et  faire  prospérer  ses  actions  et  louables  desseins, 
de  quoy  je  n'ay  pas  voulu  manquer  de  me  conjouyr  comme  je  faictz  de 
toute  mon  affection  avec  vous.  Monsieur,  et  avec  tous  ceux  qui  i'ayment 
d'aUvSsy  bon  coeur  comme  vous,  estant  bien  marry  de  n'avoir  pas  de 
quoy  respondre  à  la  bonne  relation  qu'il  a  voulu  vous  faire  de  nous, 
et  qu'il  n'aye  peu  rien  trouver  céans  qui  fusse  bien  digne  de  luy  si  ce 
n'est  qu'il  n'aye  pas  voulu  desdaigner  la  bonne  volonté  de  ses  servi- 
teurs à  l'exemple  de  la  bonté  divine,  puis  que  nous  n'avions  point  de 
meilleure  monnoye  à  débiter  en  son  endroict,  pour  l'acquittement  de 
tant  de  debtes  contractées  de  si  longue  main  et  à  tant  de  justes  tiltres, 
mais. s'il  luy  plaisoit  de  nous  faire  cognoistre  qu'il  y  eusse  veu  quelque 
chose  de  son  goust,  ce  me  seroit  une  consolation  nompareille  d'en 
avoir  notice  pour  luy  envoier,  comme  je  ferois  de  tout  mon  coeur,  tout 
ce  que  je  pourrois  apprendre  qu'il  luy  feust  duisable,  à  quoy  vous 
pourriez  bien  vous  rendre  mon  entremetteur,  si  vous  vouliez,  pour 
extorquer  de  luy  soubz  main  '  la  déclaration  de  ses  intentions.  C'est  de 

'  Liltré  ne  cite,  au  sujet  de  cette  exprès-  les  Considérations  politiques  sur   les  coups 

sion  figurée,  que  des  ouvrages  postérieurs  d'État,  de    Gabriel    Naudé  (1689),  et  le 

h  la  présente  lettre.  Ceux  de  ces  ouvrages  Soliman   de    Mairet ,  lequel  est   aussi  de 

dont  les  dates  s'en  rapprochent  le  plus  sont  1689. 


[1633]  AUX  FRERES  DUPUY.  419 

quoy  je  vous  supplie  le  plus  instamment  que  je  puis  ensemble  M'  voslre 
frère,  d'aussy  bon  coeur  que  je  vous  requiers  à  tous  deux  la  continua- 
tion de  voz  bonnes  {jraces.  J'avois  oubli»;  de  vous  dire  cy  devant  que 
si  dans  ces  inventaires,  ou  par  aultres  occurrences,  vous  rencontriez  à 
achepter  cette  compilation  des  canons  de  l'édition  de  Mayence  de 
l'an  Sa 5  fol°  soubs  le  tiltre  de  Corpus  Canonum  S  vous  me  feriez  plaisir 
de  me  la  faire  achepter,  ensemble  l'édition  de  Paris  de  l'an  609  in  8" 
soubs  le  tiltre  de  Codex  Canonum,  Vêtus,  Ecclesiœ  Romanae",  où  sont 
le  Ferrandus  et  le  Cresconius.  Je  vous  ay  envoyé  vingt  pistolles  par  le 
sieur  de  Thorenc,  qui  partit  en  poste  jeudy  passé,  pour  avoir  de  quoy 
prendre  cez  petits  livres  qu'il  vous  pourroit  faire  de  besoing,  et  vous 
prie  de  faire  prendre  encores  cez  Epistres  du  mesme  Ferrandus  de 
l'édition  de  Home,  encore  qu'elles  soient  un  peu  chères,  parce  que  nous 
avons  icy  un  honneste  homme  qui  faict  quelque  chose  de  gentil  à 
l'honneur  de  ce  s'  personnage,  lequel  il  fault  ayder.  11  me  souvient 
d'avoir  veu  sur  les  catalogues  des  foires  de  Francfort  depuis  quelques 
années  un  livre  d'Hervartius'  soubz  le  tiltre,  comme  je  pense,  Thea- 
trum  hieroglyphicum,  in  fol*"',  dans  lequel  debvoient  entrer  grand 
nombre  de  ligures  en  taille  douce  qu'on  disoit  estre  d'assez  grand  prix, 
dont  je  ne  sceuz  avoir  pour  lors  aulcun  exemplaire,  et  quelque  année 
aprez  j'eus  un  exemplaire  d'un  livre  qui  portoit  le  mesme  tiltre,  mais 
il  n'y  avoit  aulcun  discours  et  n'estoit  qu'un  recueil  de  planches  en 


'  Canones  Aposloloruin  ;  veterum  eonci- 
Uorum  constitutiones  ;  décréta  Ponlxficum  anti- 
quiora,  etc.,  impreuum  Mogunùw  in  œdibus 
Johan.  Schœffer,  anno  11  .d. xxv ,  même 
apriii,  in-rol.  C'est  la  première  édition  d'une 
collection  qui  devait  être  cent  fois  réim- 
primée. 

*  L'auteur  du  Manuel  du  libraire  ne  men- 
tionne pas  cette  édition  et  se  contente  d'in- 
diquer les  trois  éditions  parisieimes  de  1 5C 1 , 
1618  ou  i6ao,  et  16G1. 

'  Jean-Georges  Herwart  de  Holiemiiourg , 
conseiller  et  chancelier  du  duc  de  Bavière, 


naquit  à  Augsbourg;  vers  i55o  et  mourat 
dans  cette  ville,  non  vers  i6ù5,  comme 
on  lit  dans  la  Biographie  universelle,  mais 
le  i5  janvier  lôaa.  Voir  une  notice  très 
exacte  et  ti-ès  détaillée  sur  Herwart  dans  b 
Bibliotheca  Augustana de  Veith  (t.  X,  p.  1 34- 

157). 

'  Thésaurus  Hieroglyphicorum  e  Museo 
Joannis  Georgii  lierre  art  ab  Hohenbut^ 
(Vienne,  in-fol.,  sans  indication  de  lieu  ni 
d'année).  QueKjues  bibliographes  attribuent 
la  date  de  1610  à  ce  recueil  de  q6  planches 
qu'aucun  texte  n'accompagne, 

53. 


420  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

taille  douce  assemblées  par  un  bout  pour  un  livre  en  forme  bislongue 
en  nombre  de  2  5  ou  3 o  feuilles  ouvertes  seulement,  dans  lesquelles 
sont  représentez  tous  les  obélisques  de  Rome  avec  la  table  Bembina  du 
Pignorius'  et  plusieurs  aultres  figures  hieroglipbiques  gravées  en  des 
planches  de  cuivre  collées  de  divers  nombres  chascune  à  part  comme 
relatifz  à  quelque  discours,  que  l'autheur  avoit  faict  et  préparé  sur 
chascune  des  dictes  figures.  Or  je  voudrois  bien  sçavoir  si  cez  discours 
ont  esté  imprimez  ou  non ,  et  s'il  s'en  est  veu  aulcun  exemplaire  ou  non 
dans  Paris;  j'ay  bien  eu  un  livre  in  6°  du  même  autheur  où  il  y  a  di- 
verses questions  de  cronologie  et  aultres  examinées  à  sa  mode,  mais 
pour  ces  hieroglipbiques  il  n'y  en  a  qu'un  seul  sur  la  table  Bembine 
que  j'ay  trouvé  si  extravagant  que  j'en  euz  grande  pitié,  et  si  les  aultres 
debvoient  estre  de  mesme,  je  n'aurois  guieres  d'envie  de  les  voir.  Je 
vous  supplie  de  m'excuser  de  ceste  peine  et  l'imputer  à  la  continuation 
de  voz  offres  qui  tenteroient  la  pudicilé  de  la  plus  modeste  et  réservée 
crealure  du  monde,  et  qui  me  rendent  si  importun  en  vostre  endroict, 
pour  ne  dire  impudent  et  indiscrel,  dont  je  vous  demande  pardon 
Irez  humblement  et  non  sans  beaucoup  de  honle  de  faire  si  mal  ce 
qu'il  faudroit  pour  le  mériter.  Depuis  avoir  escript,  l'homme  que  vous 
m'aviez  recommandé  m'est  venu  voir  et  m'a  apporté  à  ce  soir  deux 
lettres  clauses  que  j'ay  trouvées  estre  l'une  de  M'  i'Archevesque  de 
Thoulouze  et  l'aultre  de  M'  le  Prieur  de  Roumoules  :  je  n'ay  pas 
manqué  de  luy  dire  incontinant  la  recommandation  que  vous  m'aviez 
faicte  en  sa  faveur,  et  combien  elle  esloil  puissante  pour  moy.  Il  m'a 
respondu  qu'il  avoit  une  lettre  vostre  addressée  à  moy,  laquelle  il  avoit 
faict  scrupule  de  me  rendre,  parce  qu'on  la  luy  avoit  envoyée  ouverte, 
et  qu'il  avoit  trouvé  qu'elle  n'estoit  faicte  que  pour  luy,  tant  il  est  mo- 
deste ;  je  luy  ay  faict  en  propre  personne  les  mesmes  offres  dont  je 
vous  ay  parlé  cy  dessus,  pour  m'abstenir  du  jugement  de  son  procès,  ce 
qu'il  n'a  pas  tesmoigné  désirer;  le  temps  nous  fera  voir  à  quoy  il 
vouldra  insister,  et  je  lascheray  pour  l'amour  de  vous  de  contribuer 

'  Sur  l'antiquaire  Pignoria ,  voir  t.  I ,  p.  3-i. 


I 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  421 

tout  ce  que  je  pourray  pour  le  contenter,  en  la  meilleure  façon  qu'il 

me  sera  possible  et  loisible,  demeurant. 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  16  janvier  i633  '. 


LXXXI\ 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUV, 

À  PARIS. 
Monsieur, 
Je  receuz  par  le  dernier  ordinaire  vostre  despesche  du  16'' janvier 
avec  une  lettre  de  M""  de  Thou,  à  qui  je  ne  manqueray  pas  de  respondre 
par  ceste  mesme  voye  :  et  vouldrois  bien  avoir  aultant  de  moyen  de  le 
servir  que  j'en  ay  de  bonne  volonté  et  d'obligation,  ensemble  M' du  Puy 
vostre  frère  et  vous,  qui  ne  vous  lassez  jamais  non  plus  les  uns  que  les 
aultres  de  nous  combler  de  toutes  sortes  de  faveurs,  tant  en  la  per- 
sonne de  nos  amis  qu'eu  la  nostre  propre,  dont  nous  sommes  destinez 
à  vous  demeurer  entièrement  redevables  tout  le  temps  de  nostre  vie, 
puis  que  nous  ne  sçaurions  nous  acquitter  de  la  moindre  portion 
de  noz  debvoirs  que  nous  ne  nous  trouvions  incontinant  engagez  en 
d'aultres  nouvelles  debtes  qui  ont  tousjours  de  l'advantage  sur  les  an- 
ciennes, à  mezure  que  nous  nous  trouvons  tousjours  plus  reculez  des 
occasions  de  revanche.  Mais  puis  que  nostre  impuissance  ne  vous  est 
pas  moins  cogniie  que  nostre  esloignement,  nous  nous  asseurons  que 
vous  ne  vous  contenterez  pas  moins  volontiers  à  l'advenir  de  nostre 
bonne  volonté  que  vous  avez  faict  par  cy  devant,  en  attendant  si  nous 
serions  jamais  assez  heureux  pour  y  pouvoir  joindre  quelques  elfectz 
de  nostre  fidèle  service  aussy  bien  que  noz  voeux  et  que  noz  trez 
humbles  remerciementz  de  tous  vos  bienfaictz  et  charitables  oHices. 
J'ay  esté  bien  ayse  d'apprendre  les  nouvelles  qu'il  vous  a  pieu  me 
'  Vol.  717,  fol.  19a. 


422  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

donner  en  la  personne  de  M'  Cunœus.  La  jalousie  des  prérogatives  de 
la  patrie  peut  fournir  quelque  sorte  d'excuse  tant  à  M""  Heinsius  qu'à 
luy  des  premiers  mouvementz  auxquels  ilz  se  sont  laissez  emporter 
contre  M'  de  Saulmaize,  tandis  qu'il  estoit  encore  si  loing  d'eulx;  mais 
à  ce  peu  qui  se  peut  recognoistre  dans  leurs  escriptz  de  l'ingénuité  de 
leur  naturel,  j'estime  que  la  présence  d'un  tel  personnage  les  aura  in- 
continant  vaincus  et  qu'ilz  seront,  je  m'asseure,  du  nombre  de  ceux 
qui  auront  receu  et  qui  recevront  à  plus  grand  honneur,  que  sa  nou- 
velle demeure  en  leur  pais  luy  acquiert  le  droict  comme  d'une  seconde 
patrie  de  ce  grant  homme  et  de  sa  prodigieuse  littérature,  et  qu'ilz 
s'estimeront  tant  plus  obligez  à  le  servir  et  à  contribuer  tout  ce  qui 
pourra  dépendre  d'eulx  à  ses  plus  louables  estudes  et  exercices  ^  Je 
me  doubtois  bien  que  la  nouvelle  de  l'extrémité  oi!i  s'estoit  trouvé  re- 
duictM''  le  Marquis  de  Narmoustier  seroit  capable  de  vous  toucher  bien 
avant,  tant  pour  son  mérite  particulier  que  pour  les  intherestz  de  M" de 
la  Fayette  qui  y  estoient  meslez.  C'est  pourquoy  je  me  rendis  curieux 
de  vous  tenir  adverty  de  ce  peu  de  bonne  espérance  qu'on  avoit  au  sou- 
lagement de  son  mal.  Il  y  a  longtemps  qu'il  a  congédié  tous  ses  méde- 
cins et  qu'il  est  tout  à  faict  quitte  des  restes  de  l'empiresme  de  la 
fiebvre^.  Il  est  pourtant  contraint  de  tenir  encores  le  lict  une  bonne 
partie  du  jour  pour  soulager  sa  foiblesse,  mais  le  temps  s'estant  fort  ad- 
doucy  il  commance  à  prendre  courage  de  se  tenir  quelques  heures 
du  jour  et  je  crois  bien  qu'il  ne  tardera  pas  de  faire  quelque  petite  sortie 
pour  prendre  un  peu  d'air  soit  de  la  ville  ou  des  champs.  Mon  frère 
luy  a  faict  voir  et  à  M""  de  la  Fayette  le  soing  que  vous  aviez  pris 
de  m'en  escripre  voz  sentimeiitz,  dont  ilz  se  recognoissent  tous  deux 
bien  redevables  à  vostre  courtoisie.  Il  me  reste  à  vous  dire  que  la  no- 
tice que  j'avois  eiie  de  pontificia  jurisdictione,  je  l'avois  prinse  dans  un 

'  Peiresc  avait  jugé  Heinsius  avec  trop  resc,  Appendice,  lettre  III,  p.  loi-iia). 

de    bienveillance,   comme  on   le  voit   par  ^  Littré,  qui  ne  donne  pas  la  forme  «»- 

les  plaintes  de  Saumaise  dans  une  lettre  ptresme,  ne  cite,  sous  le  mot  empyreume, 

à  Jacques    Dupuy    du    29  janvier  i634  que  deux  phrases  d'un  écrivain  du  ivi' siècle , 

(fascicule  V  des    Correspondants   de   Pet-  Ambroise  Paré. 


[1633]  AUX  FRÈHRS  DUPUY.  423 

carton  où  estoit  imprimé  le  liitre  du  dict  livre  en  placart  conjointement 
avec  celluy  (jue  vous  m'avez  envoyé  de  M''  du  Refuge'  in  U°,  de  sorte 
qu'ils  doibvent  avoir  esté  allichcz  conjointeinent  par  les  carrefours  de 
Paris.  L'on  m'a  faict  feste  aussy  d'une  certaine  vie  de  Dom  Jean  de  Cas- 
tille  que  je  n'ay  poinct  encore  veiie,  et  que  l'on  prétend  estre  du  style 
de  M''  le  Cardinal  durant  son  sesjour  d'Avignon,  mais  j'auray  bien  de 
la  peine  à  me  le  persuader;  au  surplus  j'ay  desjà  recouvré  un  exem- 
plaire de  l'Alcoran  in-fol°  de  l'édition  Tigurine  de  l'an  i55o  ou  de  la 
version  de  Robertus  Retenensis,  faicte  à  l'instance  de  Petrus  Venera- 
bilis  abbé  de  Cluny'\  do  sorte  que  comme  je  vous  mandois  la  sepmaine 
passée,  il  ne  sera  pas  nécessaire  de  m'envoyer  celluy  de  iVP  Aubery, 
car  pour  mon  assortiment  de  raoy  j'auray  bien  loisir  d'attendre  celuy 
de  l'Inventaire  de  M'  d'Auxerre  ou  quelque  aultre  s'il  s'en  présente  à 
prix  tollerable,  car  j'avois  gardé  assez  longtemps  celluy  de  M""  Aubery, 
pour  y  passer  ma  fantaisie;  je  voudrois  bien  en  pouvoir  dire  aultant 
pour  le  regard  de  l'Eusebe  de  Scaliger,  dont  je  n'ay  pas  encores  eu  la 
responce  du  lieu  où  je  l'ay  redemandé  et  dont  j'espère  de  vous  pou- 
voir donner  bien  tost  plus  de  resolution  qu'à  présent.  Je  vous  remercie 
bien  buniblement  du  soing  que  vous  voulez  reprendre  de  ceste  carte 
Hébraïque  en  taille  douce,  aussy  bien  que  de  la  rellieure  de  ces  petitz 
volumes  des  Republiques  d'Elzevir.  Je  voudrois  bien  cependant  voir 
un  peu  d'inventaire  de  tout  l'assortiment  qui  se  peut  trouver  de  cez 
petits  volumes,  pour  recognoistre  et  pouvoir  demander  ceux  qui  me 
seront  escbnppez  tant  de  bons  autheurs  classiques  anciens  que  de 
cez  petites  Republiques  et  de  cez  petitz  volumes  de  prière  et  dé- 
votion. Je  desirerois  encor  une  aultre  faveur  de  vostre  grâce,  pour 
apprendre  si  Petrus  Scriverius'  a  jamais  faict  imprimer  les  livres  de 


'  Euslaclie  du  Refuge,  conseiller  d'État, 
mort  en  1698. 

'  Machumetis  ejuxque  suecessorum  vilte, 
doclrina,  ac  ipse  Alcoran,  t/iur  D.  Peints, 
ahbas  Clun. ,  ex  arabica  lingua  m  lat.  Irans- 
ferri  curavit. . .  Hwc  oinnia  in  unmn  rolumeii 


redacta  sunt  oper»  el  studio  Th.  Bibliandri 
(seconde  ëdilion,  sans  lieu  d'impression 
[Tiguti],  i55o,  iii-fol.). 

'  Scriverius  (Pierre Schryver),  né  à  Har- 
lem le  13  janvier  157O,  mourut  le  3o  avril 
i66o. 


424  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633] 

Re  agraria  qu'il  promettoit  à  la  suitte  de  Marcus  Junius  Nipsus,  l'un 
d'iceulx  non  encores  imprimé  que  je  sachet  II  en  faict  mention  en  son 
édition  du  Vegece  et  de  quelques  aultres  autheurs  de  Re  militari, 
chez  Raphelengius  de  l'an  1 607  in  4°,  où  il  a  adjousté  tout  ce  qu'il  a  voit 
de  Frontinus  tant  de  Aquaeductibus,  de  Re  agraria,  de  Limitibus,  de 
Coloniis  comme  des  Stratagesmes  militaires^,  sur  lesquelles  pièces  il  ren- 
voyé fort  souvent  à  des  nottes  -que  je  n'ay  poinct  trouvées  dans  ce  vo- 
lume, lîien  que  j'en  aye  deux  exemplaires,  n'y  ayant  que  les  commen- 
taires de  Godescalcus  Stevechius,  sur  le  Vegece  et  sur  les  Stratagesmes 
de  Frontin ,  et  des  nottes  de  Franciscus  Modius'  tant  sur  l'un  que  sur 
l'aultre,  mais  il  n'y  a  rien  sur  les  aultres  pièces  du  Frontin,  quoy  qu'il 
y  aye  à  la  marge  d'icelles  tout  plain  de  petitz  renvoys  aux  nottes, 
lesquelles  n'estoient  possible  pas  encores  lors  achevées  d'imprimer, 
quand  mes  deux  exemplaires  furent  acheptez  (car  je  crois  bien  que 
■  Scriverius  n'aura  pas  manqué  de  les  faire  imprimer  tost  ou  tard,  et 
qu'elles  ne  vous  seront  pas  eschappées  comme  à  moy).  C'est  pourquoy 
je  vous  supplie  de  le  faire  voir  et  veriffier  dans  vostre  bibliothèque,  et 
de  me  faire,  s'il  est  possible,  recouvrer  ces  nottes,  ou  plustost  un  troi- 
siesme  exemplaire  si  elles  ne  se  peuvent  avoir  à  part.  Et  s'il  a  esté  faict 
quelque  aultre  édition  postérieure  des  pièces  de  ce  Frontin  et  de  cez 
aultres  autheurs  de  Limitibus  agrorum,  je  les  recouvrerois  fort  volon- 
tiers, n'ayant  que  celle  de  Turnebus*  et  de  Galandius^  à  Paris  in  6°  de 


'  Scriverius  ne  (it  jamais  imprimer  les 
livres  agronomiques  dont  s'occupe  ici  Pei- 
resc. 

'  FI.  Vegelii  aliorumqite  aliquot  vetqrum 
de  re  militari  libri  ;  accedimt  Frontini  Strata- 
gematibus  ejusd.  auctoiis  alia  opuscula  ;  omnia 
emendatius,  quœdam  nuiic  priinum  édita  a 
Petro  Scriverio,  cum  commcntar.  God.  Ste- 
wechii  et  Fr.  Modii.  Ex  officina  Plantiniaiia 
Rapheletigii.  (Leyde,  1607,  in-4°.) 

'  François  Modius,  né  à  Oudenborg 
(près  de  Bruges)  en  i536,  mourut  cba- 
noine  à  Aire  (en  Artois)  l'an  iBgy.  Ses  tra- 


vaux sur  les  tacticiens  Végèce,  Frontin, 
Élien  et  Modeste  avaient  paru ,  réunis  en  un 
volume  in-8',  en  i58o,  à  Cologni^. 

*  Adrien Turnèbe,  né  aux  Andelys  (Eure) 
en  1 5 1 Q ,  mourut  à  Paris  le  1  a  janvier  1 565. 
Voir  sur  ce  philologue  le  Mhnoire  historique 
et  littéraire  sur  le  Collège  royal  de  France, 
par  l'abbé  Goujet,  t.  I,  p.  àtij-liBlt. 

^  Pierre  Galland,  né  en  i5io  à  Aire  (en 
Artois),  mourut  à  Paris  le  3o  août  1569. 
Voir  la  notice  de  l'abbé  Goujet  {Mém.  hist. 
et  litt.  sur  le  Collège  royal  de  France,  t.  I, 
p.  /)38-/i47). 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  /i25 

i'an  1 556  tirée  d'un  m[anu]s[cnt]  de  S'  Berlin  ',  où  j'ay  aultresfois  prins 
beaucou])  do  plaisir  d'en  examiner  certains  passages  qui  donnoient 
bien  de  la  lumière  à  mes  petites  curiositez.  Quant  à  vostre  Gazetan, 
c'est  un  grand  mocqueur,  s'il  prétend  insister  à  vouloir  nous  faire  ac- 
croire que  les  Gazettes  plus  récentes  que  celles  qu'il  nous  livre  le 
samody  puissent  venir  par  le  courrier  du  mardy,  attendu  qu'il  n'y  a 
point  de  courrier  qui  puisse  arriver  icy  à  partir  de  Paris  le  mardy,  aux 
heures  que  partent  les  ordinaires  de  Lyon ,  qui  se  puisse  rendre  icy 
le  vendredy  au  soir  ou  le  sabmedy  du  grand  matin,  auquel  temps  les 
nostros  sont  arrivez  depuis  quelques  scpmaines  avec  les  Gazettes  de  la 
huictaine  précédente,  et  particulièrement  la  dernière  du  15""  de  jan- 
vier, oi!r  nous  apprismes  dez  le  vendredy  au  soir  la  Royaulté  de  la  febve 
du  marquis  de  Gordes^  et  l'honneur  qu'il  eut  de  boire  une  fois  cou- 
vert avant  le  Roy,  qui  n'est  pas  une  petite  prérogative  pour  la  pro- 
vince',  dont  l'honneur  se  plaist  beaucoup  plus  à  manger  du  pain  bis 
chez  soy,  et  à  boire  de  l'eau  en  liberté,  que  s'il  falloit  servir  à  boire 
du  nectar  h  la  table  des  Roys.  Vostre  homme  auroit  plus  tost  faict  de 
s'excuser  sur  quelques  deft'enses,  si  on  luy  en  a  faict  aulcunes,  ou  sur  ce 
que  telz  plaisirs  sont  volontaires  et  ne  se  font  qu'à  ceux  que  l'on  veult 
gratiffier  et  non  à  aultres.  Nous  n'avons  rien  icy  de  nouveau  que  ce  que 
vous  verrez  au  papier  cy  joinct  des  nouvelles  d'Allemagne  venues  du 
costé  de  Gènes;  le  duc  de  Lenox*,  qui  esloit  allé  à  Marseille  et  à  la 
S**  Baulme,  est  de  retour  icy  depuis  ce  soir  en  poste;  nous  sçaurons 


'  L'nliW  Gniijel  dit  à  ce  sujot  (p.  hfilt): 
irCe  fiit  Itii  [Gnlland]  qui,  le  jwemier,  mit 
an  jour  les  Scriptores  de  agrorum  Umilibus 
et  de  consliliitiouibiis ,  qu'il  avoit  trouvés  en 
Flandre;  il  ne  les  publia  qu'après  les  avoir 
revus,  conjointement  avec  Adrien  Turnèbe; 
cette  édition  est  in-4°.  Nicolas  Rigault,  <pii 
en  a  donné  une  autre  depuis  plus  parfaite 
et  plus  complète,  ne  fait  honneur  de  la  pre- 
mière ([u'à  Tumèbe  seul,  en  quoi  il  s'est 
i-ompé.  n 


'  Sur  (iuillaume  de  Simiane,  marquis  de 
Gordes,  \oir  I.  1,  p.  hh(y. 

^  On  sait  que  Gordes  est  aujourd'hui  un 
chef- lieu  de  canton  du  dé])artenient  de 
Vaucluse.  arrondissement  d'Api,  à  4a  iàlo- 
mètres  d'Avignon. 

'  James  Sluart,  duc  île  Lenoï  et  de  Rich- 
mond,  né  le  i6  avril  i6ia,  mourut  le 
'Ao  mars  iG55.  Voir  les  Mjmoirfi?  de  Bas- 
sompierre,  t.  III.  p.  -i-ji. 

Si 


426  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

demain  s'il  voudra  reprendre  la  routte  d'Angleterre  ou  celle  d'Italie; 
sur  quoy  je  finiray  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 

A  Aix,  ce  a4  janvier  i633. 

J'ay  recouvré  une  relation  de  l'exécution  de  M""  de  Montmorency  qui 
est  assez  particulière.  C'est  pourquoy  j'ay  creu  à  tout  hazard  de  vous 
en  debvoir  envoyer  aultant,  ensemble  les  provisions  de  M""  de  Paule  ' 
et  quelques  arrestz  où  vous  pourriez  rencontrer  à  l'adventure  de  cez 
curiositez  ecclésiastiques  dont  vous  faictes  des  recueils^. 


XG 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 
À  PARIS. 

Monsieur, 
Ce  n'a  esté  que  par  les  lettres  tant  de  M'  du  Puy  que  de  Dom  Chris- 
tophe du  Puy,  voz  chers  frères,  aussy  bien  que  par  les  vostres  que 
j'ay  eu  les  premières  et  principalles  cognoissances  de  la  sureminente 
vertu  et  littérature  de  M""  Holstenius,  et  que  je  me  suis  desvoué  à  son 
service.  Je  pense  aussy  que  ce  n'ayt  esté  que  de  vostre  part  que  j'ay  eu 
les  premiers  advis  de  cez  beaux  recueilz  qu'il  avoit  faicls  des  anciens 
Géographes  Grecz,  dont  je  vous  envoyay  le  catalogue  qu'il  m'en  avoit 
communiqué  avec  plusieurs  trez  belles  et  doctes  lettres ,  qu'il  m'escripvit 
lors  sur  ce  subject,  en  la  plus  part  desquelles  il  me  tesmoignoit  l'extrême 
passion  oii  il  estoit  de  recouvrer  le  texte  Grec  de  l'ANAPLVS  DIONYSII 
BYZANTII  sur  son  Bosphore  Thracien',  dont  il  n'avoit  que  la  seulle 

'  Le  président  de  Paule,  mentionne  i)lus  '  Vol.  717,  fol.  198. 

haut  comme  successem'  du  président  de  Go-  '  Le  titre  de  l'opuscule  du  poète  géo- 

rioHs.  graphe  Deiiys  de  Byzance  est  :  .ivàirXous 


[1633]  AUX  FRKRES  DUPUY.  ftil 

préface  et  les  fra{jiiien(z  de  la  version  du  reste  de  son  texte  que  Petrus 
Gillius'  a  fourrez  ])eslo  et  inesie  dans  le  discours  qu'il  a  faict  sur  ce 
sul)ject^  et  crois  que  vous  vous  souviendrez  d'y  avoir  veu  les  instances 
réitérées  qu'il  m'a  souvent  faictes  pour  la  recherche  de  l'exemplaire  de 
cet  aulheur  qui  avoit  appartenu  au  dict  Gilliiis\  et  que  nous  avons  veu 
estrc  passé  avec  la  bibliothèque  du  cardinal  d'Armagnac  au  pouvoir 
de  M'  l'Evesque  de  Rhodez\  qui  nous  a  tenu  eri^grande  irrésolution 
jusques  à  ])resent  pour  ce  regard,  ne  nous  ayant  jamais  advoué  ne 
desadvoiié  de  lavoir  et  nous  ayant  seulement  promis  que  s'il  le  trou- 
voit  il  nous  en  feroit  paît  fort  volontiers;  enfin  un  bon  prebstre  de  ce 
pais  là  m'est  venu  dire  qu'il  avoit  sceu  de  bon  lieu  que  M'  l'Evesque 
de  Rhodez  avoit  trouvé  un  vieux  livre  m[anu]s[crit]  dont  il  me  vou- 
loit  escripre,  que  j'estime  ne  pouvoir  estre  aullre  que  celluy  là,  puis 
que  je  ne  luy  avois  point  fait  d'instance  pour  aultre  que  pour  cel- 
luy là.  Toutesfois  cela  ne  conclud  rien  pour  encores,  puis  que  nous 
n'avons  point  de  ses  lettres  longtemps  y  a,  lesquelles  je  n'ay  pas  at- 
tendues comme  vous  pouvez  penser  pour  luy  raffraiscliir  mes  instances 
et  tascher  de  prévenir  l'eflet  de  la  communication  qu'il  nous  a  faict  es- 
pérer de  ceste  pièce  sans  laquelle  il  semble  que  M.  Holstenius  se  puisse 
malaisément  laisser  persuader  de  mettre  au  jour  le  recueil  de  ses  Geo- 
graphes  que  je  voudrois  pouvoir  facilliter  et  accélérer  comme  je  tiens 


W 


Hoffnàpov.  On  croyait  ne  posséder  de  cet 
opuscule  qu'un  fragment  copi<î  par  Isaac 
Vossius  dans  In  bibliothèque  de  Florence  cl 
qui  a  ét(?  plusieurs  fois  publié,  notamment 
par  Du  Gange,  Hudson,  Fabricius  et,  en 
dernier  lieu,  par  A.  F.-Didot  {Geographi 
minores,  t.  H).  Mais  la  Bibliothèque  natio- 
nale a  acquis  on  i864  un  uiauuscrit  qui 
contient  le  texte  que  Peiresc  désirait  si  ar- 
demment communiquer  li  Holstenius.  Ce 
(nxle  a  été  publié  pour  la  première  fois  par 
M.  Wescher:  Dionysii  By nantit  de  Boxphori 
nnvigatione  (juœ  supersitnt  (Paris,  1874, 
grand  in-8°  de  xxxv  et  i54  [«ges). 


'  Voir  sur  Pierre  Gilles,  t.  I,  p.  187. 

'  De  Bosphoro  Thracio  Ubri  III  [t Sût, 
in-S"). 

'  Voir,  dans  le  Becueil  de  Boissonadc .  les 
|)ages  36,  â(),  1 14,  160,  tgg,  671. 

*  Bernardin  de  Corneillan ,  neveu  et  coad- 
jut'.'ur  de  l'évéque  François  de  Corneillan , 
siégea  de  iGi/i  à  t636.  Voir  Gallia  Chris- 
tiana,  t.  V,  col.  a3i.  On  conserve,  dans  le 
registre  V  des  Minutes  de  l'fnguimberline , 
quolqiK's  lettres  échangées,  au  sujet  du  ma- 
nuscrit de  Denys  de  Byzance,  entre  Peiresc 
et  le  prélat,  du  9  octobre  i63i  au  a8  dé- 
cembi-e  i(>34  (fol.  57a-â7â). 

54. 


Û28  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

que  vous  feriez  trez  volontiers  de  vostre  coslé,  si  vous  pensiez  en  avoir  les 
moyens  avant.  Or  en  voyant  ces  jours  cy  le  catalogue  de  la  Bibliothèque 
du  Roy  pour  y  cognoistre  ce  grand  nombre  qu'il  y  a  de  petitz  opuscules 
sur  la  matière  de  ponderibus  et  mensuris  (que  je  pourrois  bien  esclaircir 
avec  la  comparaison  de  mes  antiquailles  s'il  m'estoit  loisible  d'en  avoir 
la  communication),  j'y  ay  rencontré  par  hazard  deux  exemplaires  de 
ce  Bosphore  de  Denys  Bizantin ,  l'un  soubs  le  nombre  8 ,  et  l'aultre  soubs 
le  nombre  1 35 ,  que  j'ay  creu  ne  debvoir  estre  que  la  seulle  préface  de 
cet  autheur  dont  M'  Holstenius  faict  article  en  son  inventaire,  ayant 
de  la  peine  de  m'imaginer  que  si  la  pièce  esloit  entière  elle  eusse 
peu  eschapper  à  la  diligence  de  ses  recherciies  lorsqu'il  fouilloit  dans 
la  Bibliothèque  du  Roy,  où  je  crois  bien  qu'il  n'y  avoit  rien  de  caché 
pour  luy.  Toutesfois  parce  que  peu  de  chose  pourroit  avoir  produict 
cet  inconvénient  au  cas  que  cez  deux  volumes  eussent  esté  prestez  à 
M'  Saulmaize  ou  à  quelque  aultre  lorsque  M""  Holstenius  faisoit  ses 
visites,  j'ay  creu  vous  en  debvoir  donner  advis  pour  ne  rien  négliger  en 
ce  qui  regarde  le  contentement  et  advantage  d'une  personne  que  vous 
honorez  tant,  sachant  qu'avec  vostre  prudence  vous  trouverez  le  moyen 
de  luy  procurer  son  contentement  sans  faire  aulcun  préjudice  aux  inthe- 
restz  que  pourroient  y  prétendre  soit  M'  Rigault  ou  M'  de  Saulmaize  ou 
aultre  de  voz  amis  qui  aggréeront  tousjours,  comme  je  m'asseure,  que 
ceste  pièce  ne  deifadle  pas  au  recueil  de  M"^  Holstenius  auquel  ils  en  ont 
contribué  d'aultres,  qui  ne  sont  possible  pas  guières  moins  importantes. 
Vous  pouvez  avec  vostre  discrétion  accoustumée  vous  aller  promener 
un  jour  dans  la  bibliothèque ,  et  sans  faire  semblant  de  rien  vous  eu 
esclaircir,  et  faire  porter  le  volume  chez  vous,  si  besoing  est.  Ayant 
quelque  peine  à  me  persuader  que  si  ce  n'estoit  que  la  simple  préface, 
le  catalogue  n'en  eusse  esté  conceu  en  aultres  termes,  puis  qu'il  est 
faict  de  la  main  de  personnes  qui  y  regardoient  de  sy  prez  en  tant 
d'aultres  articles  de  bien  moindre  conséquence  que  ceux  là.  Que  si 
quelqu'un  de  cez  Messieurs  avoit  dessein  sur  cet  autheur,  ce  seroit 
grand  dommage  qu'il  deust  empescher  celluy  de  M""  Holstenius  qui  est 
beaucoup  plus  vaste  et  qui  comprend  tajit  d'aultres  bonnes  pièces,  les- 


[1633]  AUX  FUKllR.S  DUPUY.  429 

quelles  eussent  possible  couru  i'orturic  de  périr  sans  le  seing  qu'il  prend 
de  les  restaurer  et  publier.  L'exemplaire  de  M'  l'Evesque  de  Riiudez 
que  j'attendz  d'beure  à  aullre'  me  pourra  bien  fournir  un  assez  bon 
sup|)lement  sy  nous  l'avons,  et  pourroit  bien  servir  aussy  de  couver- 
ture et  dhonneste  prétexte  pour  la  consolation  de  ceux  qui  pouvoient 
prétendre  intberest  à  ne  point  laisser  communiquer  ceux  de  la  Biblio- 
thèque du  Koy,  au  cas  que  vous  trouvassiez  à  propos,  pro  raajori  bono, 
d'avoir  recours  pour  ceste  fois  sans  conséquence  à  un  pieux  larrecin 
d'une  coppie  de  l'un  de  cez  deux  exemplaires  collationnée  sur  l'aultre, 
transcripte  à  la  desrobée  chez  quelqu'un  de  voz  amis  ou  des  miens, 
que  nous  envoyerons  au  bon  M'  Holstenius  comme  venu  de  Roerjjues 
en  attendant  celle  qui  est  encores  cachée  en  ce  pais  là,  auquel  cas 
M' le  Prieur  de  Roumoules  fournira  tout  ce  que  besoing  sera  soit  pour 
le  logement  du  coppiste,  ou  pour  ses  vaccations,  vous  advoiiant  (jue 
je  serois  merveilleusement  fier  s'il  advenoit  que  M''  Holstenius  receust 
cette  pièce  là  de  ma  main,  de  quelque  part  qu'elle  puisse  sortir,  puis 
qu'il  m'a  si  souvent  escript  qu'il  en  avoit  une  ferme  espérance,  bien 
que  sans  aultre  fondement  que  du  bonheur  que  jaurois  eu  de  luy  faire 
recouvrer  certaines  aultres  choses,  dont  il  avoit  esté  en  trez  grande 
peine,  et  je  voudrois  bien  qu'il  eusse  dict  vray  de  ce  costé  là  comme 
du  reste.  Vous  y  ferez  tout  ce  que  vous  jugerez  le  plus  à  |)ropos  et  que 
j'approuveray  tousjours  trez  volontiere,  et  au  cas  que  mes  conjectures 
n'ayent  pas  esté  du  tout  vaines,  comme  je  le  voudrois  bien,  il  ne  se- 
roit  peut  estre  pas  inutile  d'examiner  un  peu  ce  qui  est  sous  le  nombre 
363  coltéen  cez  termes  Geograpliica  quiedam  de  Byzantio,  Roma,  llep- 
talopho,  Daphne,  iNilo,  et  plus  bas  de  Cyllene  Arcadiœ  monte,  et  au 
nombre  suyvant  366  Inscriptio  in  monte  olivarum,  car  j'estime  que 
M'  Holstenius  trouveroit  sans  doubte  quelque  chose  à  prodilter  à  tout 
cela,  s'il  ne  l'a  desja  veu;  je  crains  fort  (jue  vous  ne  blasmiez  ma  trop 
grande  curiosité  en  cette  occasion  d'aller  fouiller  trop  avant  non  seul- 


'  Cet  exemplaire  tant  attendu  n'arriva  jamais,  el  il  faut  le  considérer  comme  déCuitivement 
perdu. 


**»  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

lement  parmy  cez  vieux  bouquins ,  mais  encores  jusques  dans  les  pensées 
de  cez  Messieurs  que  j'honore  et  respecte  infiniment  et  que  je  ne  vou- 
drois  point  dezobliger  pour  rien  du  monde;  mais  puis  que  je  ne  faictz 
rien  en  cela  pour  le  pauvre  M'  Holstenius  qu'iiz  ne  voulussent  que  j'en 
fisse  aultant  pour  eulx  en  cas  semblable,  je  pense  qu'iiz  ne  laisroient 
pas  de  me  le  pardonner  de  bon  cœur  tost  ou  tard ,  puis  que  le  public 
y  a  tant  d'intherest  joint  à  celluy  de  M''  Holstenius,  tandis  qu'iiz  ne  sont 
pas  en  estât  de  faire  imprimer  plus  tost  ceste  pièce  que  luy;  mais  soit 
que  mes  conjectures  puissent  valioir  ou  non ,  je  vous  supplie  bien  trez 
humblement  que  ceste  mienne  lettre  ne  demeure  pas  en  nature,  quand 
elle  vous  aura  servy  pour  la  verifTication  de  ceste  recherche,  et  désire 
bien  qu'il  vous  plaise  de  la  faire  brusler  incontinant  que  vous  vous  en 
serez  esclaircy  \  de  peur  qu'elle  ne  me  fusse  un  jour  reprochée  par 
quelqu'un  qui  ne  sceusse  pas  ce  qui  est  de  ma  sincérité  et  jugement  et 
que  le  bonus  dolus  n'a  pas  mise  auprez  de  moy  sans  une  aussy  grande 
nécessité  que  celle  qui  se  rencontroit  en  ce  faict  icy,  dont  je  vous  suis 
desja  si  ennuyeux,  espérant  neantmoins  que  vous  ne  laisrez  pas  de 
me  pardonner  la  faulte  qu'il  y  pourroit  avoir  de  ma  part,  comme  je 
vous  en  supplie  trez  instamment  et  de  croire  qu'en  ce  faisant  je  n  ay 
pas  creu  de  vous  pouvoir  rendre  moins  de  service  à  vous  aultres,  Mes- 
sieurs, qu'à  vostre  bon  amy  et  qu'il  n'y  a  rien  de  loysible  que  je  ne 
fisse  pour  me  signaler  tousjours  dadvantage, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur. 

Ce  dernier  janvier  1 633  \ 

'  Nouvelle  «preuve  de  l'inutilité  des  re-  ■  Peiresc  n'a  pas  voulu  signer  en  toutes 

comraandations  de  ce  genre.  Du  reste,  qui  lettres  un  document  qui  lui  semblait  un  peu 

doncauraitle  courage  de  reprocher  à  Dupuy  compromettant,  et  il  s'est  contenté  d'une 

de  n'avoir  pas  détruit  une  lettre  que  l'on  initiale  empruntée  à  l'alphabet  grec, 
peut  certainement  regarder  comme  une  des  '  Vol.  717.  fol.  197. 

plus  intéressantes  de  tout  le  recueil"? 


[1633] 


AUX  FRKRES  DUPUY. 


/i31 


XCI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Nous  avons  receu  par  vostre  dernière  despesche  du  21'=  tout  plaiii 
de  belles  et  curieuses  pièces  à  vostre  accoustumée,  dont  je  vous  ren- 
voyé la  lettre  latine  qui  a  esté  trouvée  trez  belle  et  judicieuse,  dont  je 
vous  remercie  trez  humblement  comme  aussy  de  ce  petit  madrigal  qui 
est  bien  gentil;  j'ay  pris  grand  plaisir  de  voir  ce  placard  de  M'Besly ', 
ne  doublant  point  qu'il  ne  nous  enseigne  de  trez  belles  choses  non  seu- 
lement sur  la  matière  de  l'Histoire  de  Guyenne  et  de  Thoulouze,  mais 
sur  tout  le  reste  encores,  et  particulièrement  voudrois  bien  sçavoir  s'il 
a  trouvé  de  nouvelles  preuves  plus  concluantes  que  celles  qu'il  avoit 
du  temps  que  nous  estions  encores  à  Paris,  sur  le  subject  de  la  descen- 
dance masculine  du  roy  Hugues  Capet  par  la  lignée  royalle,  à  quoy 
il  s'estoit  rencontré  dez  lors  je  ne  sçay  quelle  difficulté  plus  fascheuse 
qu'il  n'eust  esté  à  désirer^.  S'il  y  a  moyen  d'avoir  quelque  aultre 
exemplaire  de  ce  placard,  j'en  recouvrerois  volontiers  pour  en  faire 
passer  de  là  les  montz  s'il  est  loysible.  J'avois  bien  jugé  sur  l'inventaire 
des  Historiens  de  France  de  W  du  Ghesne  n'aguieres  imprimé  in  fol"' 


'  Le  placard  dans  Iwjuel  était  aiinoncëo 
VHittoire  des  comtes  de  Poictou  et  des  ducs  de 
Guyenne,  la(iiielle  ne  devait  paraître  que 
quatorze  aus  plus  tani  (Paris, 16/17,  iû-fol.). 

'  Besiy,  dans  sa  correspondance  publit'e 
eu  1880  (tome  IX  des  Archives  lUstoHqiies du 
Poitou),  revient  souvent  sur  celte  «piestion. 
Voir  notamment  pajjes  9,  17,  317-893, 
359,  304.  Dès  le  a5  février  1616,  Besly 
écrivait  à  Dupuy  :  ^  Je  luy  ay  aussi  fait  voir 
luie  chose  inouye  h  ce  siècle,  et  neantmoins 
très  véritable,  que  Hugues  Capet  estoit  issu 
delà  race  de  Ckarlemagne. ..»  Le  8  mars 


1 633 ,  il  répondait  aux  ([uestions  de  Pciresc . 
lesquelles  lui  avaient  été  communiquées  par 
leur  ami  commun,  P.  Dupuy.  Le  i4  jan- 
vier i643,  il  écrivait  à  MM.  de  Sainte- 
Marthe  :  itQuanl  à  mon  origine  de  Hugues 
Capet,  je  n'ay  encores  rais  la  dernière  main 
à  ce  que  j'y  pense  nécessaire.  1  Dans  17n/ro- 
ductioH  aux  Lettres  de  Jean  Besly,  l'éditeur, 
M.  .\.  Briquet,  dit  (p.  xxvi)  :  "C'est  le 
premier  qui  ait  prouvé  que  Hugues  Ca|)et 
descendait  de  Charlemagne.i 

'  C'était,  comme  \e  placard  dont  il  vient 
d'être  question ,  une  sorte  de  prospectut  qui 


452  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

qu'il  falloit  que  les  m[anu]s[crit]s  de  M'  Pctau  '  luy  eussent  esté  mis 
en  main,  y  en  ayant  recogneu  quelques  uns  que  j'avois  aultresfois  veuz 
dans  sa  bibliothèque,  dont  je  fus  merveilleusement  consolé,  et  vou- 
drois  bien  qu'il  prinst  envie  à  M'  L'Abbé^  de  descharger  sa  conscience 
en  ceste  occasion,  et  de  mettre  entre  les  mains  du  bon  M'  du  Chesne 
ce  qu'il  retient  de  ceste  matière  à  tant  d'honnestes  gens,  à  ceste  fin 
que  le  public  n'en  fusse  pas  frustré.  Je  vous  remercie  trez  humblement 
du  soing  que  vous  avez  eu  de  ceste  Carthe  Rabinique  et  de  ces  exem- 
plaires de  Cunaeus;  si  dans  l'inventaire  de  M'  d'Auxerre  ou  ailleurs, 
vous  rencontriez  la  bibliothèque  de  Gesnerus^  de  la  plus  ample  édition 
à  prix  tollerable\  vous  m'obligeriez  bien  de  la  faire  achepter  pour  mon 
compte.  Mon  frère  a  faict  voz  complimentz  tant  à  M'  de  la  Fayette 
qu'à  M""  le  Marquis  de  Narmoustier  lequel  s'en  va  à  grandz  pas  à  sa 
primitifve  santé.  Dieu  aydant.  Madame  la  Mareschalle  sa  mère  l'ayant 
voué  à  s'  François  de  Paule  et  l'ayant  obligé  quelque  temps  à  porter 
la  couleur  de  Minime  pour  le  recouvrement  inespéré  de  sa  guerison. 
Nous  n'avons  icy  du  tout  rien  de  nouveau;  c'est  pourquoy  je  finis  de- 
meurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aiï ,  ce  dernier  janvier  1 633 . 

M"^  le  Mareschal  nous  fit  voir  la  Gazette  du  22^  tosl  aprez  l'arrivée 
du  dernier  ordinaire,  où  nous  apprinsmes  l'arrest  de  Dijon  contre  Mes- 
sieurs d'Elbeuf  et  Puylaurens  ^,  de  sorte  que  ce  ne  fut  pas  sans  morti- 

précédait  de  plusieurs  années  le  grand  et  ^  Sur  Conrad  Gesner,  voir  t.  I,  p.  438. 

célèbre  recueil  intitulé  :  Historiée  Francorum  *  Voir,  suria  Bibliotheca  universalis  et  sm 

scriptores  coœtanei  (Paris,  Séb.  Cramoisy,  les  suppléments  qui  furent  donnés  à  ce  ca- 

1636-1669,  5  '"l.  in-fol.).  talogue , l'ample  et  curieux  articledu  Manuel 

'  Sur  le  bibliophile  Paul  Petau ,  voir  t.  1,  du  libraire  (t.  II,  col.  i565-i567). 

p.  a6i.  '  Le  duc  d'Elbeuf,  Puylaurens,  Du  Cou- 

^  Sur  l'érudit  Charles  Labbé,  voir  t.  I,  dray-Montpensier,    Goûtas,    furent    con- 

p.  i48.  damnés  à  mort  par  le  parlement  de  Dijon 


I 


116331 


AUX  FRERES  DUPUY. 


433 


fication  que  nous  eusrnes  par  aprez  en  vostre  pacquel  celle  du  iB*" 
seulement,  que  je  trouvay  triple.  H  suflTit  de  deux  exemplaires,  ef 
si  ce  gazetan  j)ersiste  en  sa  rudesse,  je  pense  qu'on  s'en  pourra  passer 
tout  à  faict  et  vaudra  quasi  mieux  se  contenter  de  voir  la  Iraisclie  par 
le  moyen  de  ceux  qui  la  reçoivent  que  de  l'avoir  si  vieille,  et  huict 
jours  aprez  l'avoir  veue  publiquement.  Voire  cela  pourroit  l'aire  envie 
aux  imprimeurs  de  la  contrefaire  en  attendant  la  veniie  de  l'ordi- 
naire suyvant.  On  nous  a  dict  icy  qu'on  avoit  envoyé  commission 
pour  saisir  le  Mareschal  d'Estrée  et  lui  faire  son  procez  '  sur  les 
plaintes  de  l'f'îlecteur  de  Trêves,  qui  seroient  bien  secondées  de  divers 
aullres  endroicts,  s'il  estoit  permis  à  Bezançon'^  de  se  rendre  instiga- 
teur contre  iuy  ^. 


XCII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
J'av  receu  vostre  despescbe  du  a  8*^^  accompagnée  tousjours  de  tout 
plein  de  belles  curiositez  dont  nous  vous  sommes  tousjours  plus  rede- 


coinme  criminels  de  lèse-niajeslé  et  conlu- 
niaces  :  ils  eurent  la  tête  tranchée  en  efligie 
à  Dijon.  Voir  les  Mémoires  de  Nicolas  Gou- 
lus ,  gentilhomme  ordinaire  de  la  chambre  du 
duc  d'Orléam ,  t.  I,  1879,  p.  a  10. 

'  Voici  comment  Michel  le  Vassor  ra- 
conte l'affaire  (  Histoire  de  Louis  XI U ,  t.  IV, 
p.  a -il)  :  frLe  maréchal  d'Etrées,  intime 
ami  de  celui-ci  (Ghâteauneuf) ,  prend  l'épou- 
vante h  Trêves,  où  il  commaudoit  les  troupes 
du  Roi.  I.e  courrier  qui  apportoit  la  nouvelle 
de  la  disgrâce  de  Cbùteauneuf  ayant  rendu 
quelques  dépêches  de  la  Cour  à  La  Saludic 
et  à  Bussi-Lamet ,  officiers  subalternes  du 


Maréchal ,  il  craignit  que  ce  ue  fut  un  ordre 
de  s'assurer  de  sa  personne.  Elrées  sort  au 
plus  tût  de  Trêves,  et  se  retire  hors  des 
terres  de  la  domination  du  Roi.  Peu  de 
temps  après,  il  reconnoit  sa  terreur  panique, 
envoie  un  de  ses  gentilhorames  demander 
pai-don  au  roi  et  au  cardinal,  et  confesse  in- 
génument la  raison  de  soi  fuite  précipitée.  On 
le  rassura ,  et  il  reçut  ordre  de  s"<'n  retourner 
à  Trêve*.» 

'  I>e  mai-éclial  d'Estrées  et  Charles  de 
Besançon  ont  été  mentionnés  ensemble  dans 
la  lettre  III  de  ce  tome  (p.  8). 

'  Vo'.  717,  fol.  199. 

65 


OiVBlKXU*    lATIAIftll. 


434  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

vables,  et  de  la  bonne  volonté  et  inclination  que  vous  tesmoignez  à  fa- 
voriser et  obliger  noz  amis  aussi  bien  que  nous,  comme  vous  le  montrez 
à  la  personne  de  M''  de  Tliorenc  et  de  M'  Billon.  J'ay  esté  grandement 
ayse  d'entendre  que  vous  ayez  recouvré  les  actes  du  procez  de  M'  de 
Montmorancy  ^  et  que  vous  ayez  aggréé  que  Quentin  s'occupe  à  m'en  faire 
une  coppie,  mais  encore  plus  de  la  communication  qu'il  vous  plaist 
me  faire  espérer  de  ceste  aultre  pièce  de  Fra  Paolo  sur  l'inquisition 
qui  est  une  matière  encore  plus  friande^,  et  si  vous  pouvez  recouvrer 
celle  de  Fra  Fulgentio^,  elle  en  vaudra  bien  la  peine  et  la  despence. 
J'avois  aultresfois  recouvré  ce  livre  in  i"  intitulé  Thesauro  politico, 
mais  je  ne  m'estois  pas  avisé  d'y  chercher  les  relations  vénitiennes  que 
je  vous  envoyay  dernièrement,  lesquelles  se  pourront  collationner  dessus 
l'édition,  et  quant  à  celle  qui  est  imparfaicte,  je  ne  laisray  pas  de  la 
faire  transcripre  si  vous  le  trouvez  bon,  quand  ce  ne  seroit  que  pour 
ce  petit  dialogue  que  j'y  ay  trouvé  de  la  feiie  Royne  Catherine  de 
Medicis.  Je  vous  remercie  trez  humblement  du  soing  que  vous  avez 
pris  de  stipuUer  avec  Camusat  la  reserve  de  son  Eusebe  de  Scaliger, 
et  de  retirer  de  ses  mains  le  Pentateuque  et  le  Joseph  d'Erpenius 
comme  aussy  sa  Grammaire  Giarumia,  laquelle  j'ay  aussy  bien  que  les 
aullres,  mais  je  seray  pourtant  bien  ayse  d'en  avoir  un  exemplaire, 
double  pour  luy  faire  passer  la  mer  avec  les  aultres,  ne  trouvant  rien 
d'estrange  à  la  taxe  de  leur  prix,  quoy  que  vous  fasse  dire  au  con- 
traire vostre  modestie,  d'aultant  que  quand  on  a  si  grand  besoing  de 
ces  pièces  là  le  double  du  prix  n'est  point  trop  grande  cherté  :  vous 
remerciant  aussy  des  livres  qu'il  vous  a  pieu  desja  m'envoyer  par  le 

'  La  Bibliothèque  historique  de  France  in^  pièce  :  Discorso  di  F.  P.  V.  [fra  Paolo  Vene- 

(lique  (  article  SSyaS)  le/jrocè*  criminel  fait  ziano]  al  Doge  di  Venezia,  sopra  la  maleria 

à  Henry  de  Montmorency,   duc  et  pair  de  deW  Inquisizione. 

France,  l'an  i63-3,  in-fol.,  conservé  enire  ■"  Fra  Fulgentio,  disciple  el  ami  de Sarpi, 

les  manuscrits  de  M.  Dupuy,  n°  878,  entre  est  surtout  ciiièbre  pour  avoir  été  le  bio- 

ceux  de  M.  de  Brienne,  n°  i95,elc.  graphe  de  l'éloquent   historien  :   Vila  del 

'  On  conserve,  dans  le  registre  XV  de  la  Padre  Paolo,  deW  ordine  de'  serui  (Leyde, 

collection  des  manuscrits  de  Peiresc  (  Biblio-  16/16,  in-ia). 
thèque  de  Garpentras),  une  copie  de  cette 


[1633]  AUX  FRERES  DUPUY.  435 

sieur  Valhelle,  et  vous  suppliant  de  me  faire  envoyer  le  plus  tost.que 
vous  pourrez  ces  Arabes  et  aullres  que  vous  avez  recouvrez  depuis 
peu,  ni'estant  estonné  que  le  commentaire  d'Hervarlius  sur  son  re- 
cueil d'obélisques  n'ayt  point  esté  apporté  à  Paris,  puis  qu'il  estoit  sur 
le  Catalogne  de  la  l'oire,  et  si  cez  libraires  vont  ou  escripvent  ù  Franc- 
fort, il  fauldroit  bien  s'en  enquérir  sur  les  lieux.  S'il  se  trouvoit  à 
vendre  quelque  exemplaire  des  œuvres  de  Golzius^bien  assorty,  je 
serois  bien  ayse  d'apprendre  pour  quel  prix  on  s'en  pouri'oit  rediuier 
pour  un  amy  qui  m'en  a  prié.  Il  me  semble  que  depuis  que  l'on  a 
réimprimé  en  Flandres  les  volumes  plus  rares,  la  cherté  en  estoit  beau- 
coup diminuée.  Cependant  si  l'on  trouvoit  là  la  dactyliotheca  de  Gor- 
Iccus  in  6"^  et  un  certain  petit  supplément  qu'il  avoit  faict  des  mé- 
dailles des  familles  Romaines,  je  vous  prie  de  me  faire  aciiepter  lun 
et  l'aultre  le  plus  tost  que  vous  en  pourrez  avoir  la  commodité,  en- 
semble les  discours  de  Sebastiano  Ërisso  in  U"  sur  les  médailles,  encores 
qu'il  fusse  frippé,pourveu  qu'il  ne  soit  point  trop  {jasté  ne  imparfaict, 
j'en  pourrois  accommoder  un  amy  qui  en  a  grande  envie;  sinon  il  le 
faudra  faire  venir  d'Itallie,  Vous  me  pardonnerez  bien  si  je  vous  dictz 
(jue  vous  avez  eu  un  peu  de  tort  de  rnonslrer  à  M"'  de  Tliou  ce  que  je 
vous  escripvis  pour  le  sonder,  aliin  de  tascher  de  descouvrir  soubz  main 
qu'est  ce  qu'il  pouvoit  avoir  lencontré  de  son  goust  dans  ma  petite 
estude,  car  ce  m'eust  esté  une  merveilleuse  consolation  de  luy  pouvoir 
envoyer  quelque  chose  cappable  de  toucher  son  goust,  mais  il  est  si 
modeste  qu'il  ne  fault  pas  trouver  estrange  qu'en  luy  en  parlant  ou- 
vertement conmie  vous  avez  faict,  il  se  soit  tenu  dans  la  mesme  hou- 


'  Hubert  Goltzius,  né  le  3o  octobre  i  SaC 
k  Venloo  (dnché  de  Gueldre),  mourut  à 
Bruges  \o  <ih  mars  i  n83.  Voir  sur  les  Œu- 
vres de  cet  antiquaire  l'article  de  Millin  (  liio- 
graphie  nnivenelle).  Goafém  l'article  Goltt 
(Huher)  (lu  Manuel  du  libraire,  le  Nicolas 
Hockox  lie  M.  Ch.  Huelcns  (An\ei-s,  i883, 
.p.  19-99);  enfin  une  note  du  fascicule  XI 
des  Correspondant»  de  Peiresc  (Jean  Tris- 


tan,  sieur  de  Saint- Atamit ,  1886,  p.  i3). 
*  Dactyliotheca,  xeu  annulorum  mgiUa- 
nitmqne  ffrro,  (ère,  argenlo  alque  aura 
promptuarium ,  etc.  (Nuremberg,  1600; 
Ueift,  1601).  Abraliain  Gorlnus  (de  Goorle) 
naquit  à  Anvers  en  i56<)  cl  mourut  à  Delft 
en  1609.  Voir  le  fascicule  \II  des  Corres- 
pondants de  Peiresc  (Pierre-Antoine  de  Ras- 
cas,  sieur  de  Bag-arris  ,  1887,  p.  58). 


/i36  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633] 

nesteté  du  reffus  qu'il  avoit  pratiquée  estant  sur  les  lieux  de  par  deçà. 
Si  nous  l'y  pouvions  tenir  une  aultre  fois,  nous  tascherions  d'y  faire  de 
plus  grandz  effortz  pour  tascher  d'entrer  en  quelque  revanche  de  tant 
de  bienfaictz  qu'il  ne  cesse  de  pratiquer  journellement  sur  nous  et  sur 
tous  les  nostres.  Quant  aux  Chatz,  s'il  y  a  rien  qui  vaille  à  la  première 
ventrée  de  celle  qui  a  faict  tous  les  aultres  qui  se  trouve  plaine,  vous 
pouvez  penser  si  nous  aurons  soing  de  les  luy  reserver  et  faire  conduire 
le  plus  tost  que  nous  pourrons'.  Je  luy  envoyay  par  le  dernier  ordi- 
naire une  coppie  de  la  harengue  de  M"'  de  Léon  à  noz  derniers  Estatz 
transcripte  sur  un  exemplaire  grandement  incorrect  à  mon  grand  re- 
gret; de  quoy  estant  tombé  par  hazard  en  discours  avec  M"'  le  Premier 
Président,  il  m'offrit  de  m'envoyer  une  coppie  que  l'autheur  luy  en  avoit 
donnée  en  partant,  ce  que  je  ne  reffuzay  point,  et  auray  soing  de  la 
retirer  pour  en  faire  faire  un  extraict  moins  incorrect  que  je  tascheray 
de  vous  envoyer  par  le  prochain  ordinaire.  Au  reste  la  cause  de  la 
chancellerie  de  Thoulouse  commença  d'estre  audiancée^  j^^^y  passé, 
que  l'advocat  du  sieur  Maran  ^  tint  toute  la  séance,  oii  M""  nostre  Ar- 
chevesque'  voulut  assister;  elle  sera  continuée  pour  le  moins  encore 
deux  séances  à  mon  advis,  car  M'  du  Perier,  advocat  de  M'  Giron  ^,  qui 


'  On  trouvera  dans  quelques-unes  des 
lettres  suivantes  divers  curieux  détails  sur  les 
chats  dont  il  est  ici  question ,  et  qui ,  venus 
de  l'Asie  Mineure ,  avaient  été  acclimatés  par 
Peiresc.  Gassendi  parle  ainsi  (p.  igS)  des 
chats  angora  que  nous  devons  à  son  héros  : 
irEx  Oriente  quippe  obtinuil  cinereos,  rufos, 
variegatosque,  elegantia  sppctabiii;  qnos 
propogalos  etiam  Parisios,  et  alio  ad  amicos 
raisit.!) 

*  Le  verbe  audiancer  n'a  pas  été  recueilli 
dans  le  Dictionnaire  de  Trévoux  et  dans  nos 
autres  lexiques. 

^  Ce  Maran,  grand  archidiacre  et  doc- 
teur-régent en  l'université  de  Toulouse, 
était  le  fils  du  célèbre  jurisconsulte  Guil- 
laume Maran,  mort  en  1621,  dont  il    a 


été    question   dans    le   tome   I   (p.    92). 

*  Louis  de  Bretel. 

'  Innocent  de  Giron,  professeur  et  chan- 
celier de  l'université  de  Toulouse,  avait  été 
un  des  meilleurs  disciples  de  Guillaume  de 
Maran.  Il  mourut  vers  i65o,  laissant  divers 
ouvrages  di;  droit  mentionnés  dans  la  Bio- 
graphie toulousaine.  Ce  fut  un  des  corres- 
pondants de  Peiresc.  Voir,  dans  le  registre  VI 
des  Minutes  de  l'Inguimbertine,  une  série 
de  lettres  <rk  M'  de  Cyron,  chancelier  de 
l'église  et  université  de  Toulouse  » ,  écrites  du 
19  mars  i633  au  ao  juin  1687  (fol.  4o6- 
iog),  et,  dans  le  vol.  cjôia  du  fonds  fran- 
çais (Bibl.  nat.),  plusieurs  lettres  de  Giron 
à  Peiresc,  écrites  de  i633  à  1637  (fol,  i34- 
ii3). 


1 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  ^37 

se  plaist  à  bien  dire  ',  ne  vouldra  pas  nous  quitter  à  moins  d'une  séance 
entière  en  un  si  beau  subject,  et  M'  l'Advocat  gênerai  de  Baye,  nou- 
vellement receu  en  sa  charge,  qui  la  doibt  playder  pour  sa  première 
cause,  n'en  vouldra  pas  faire  meilleur  marché.  Le  dict  sieur  Ciron 
s'est  un  peu  plus  apprivoisé  que  devant,  et  m'entretint  une  aprezdisnée 
d'une  plus  grande  curiosité  qu'il  dict  avoir  aux  livres  m[anu]s[crit]8 
que  je  n'eusse  pas  imaginée.  Il  me  parla  entr'aultres  d'une  Chronique 
manuscripte  qu'il  dict  avoir  transcripte  de  sa  main  sur  l'original,  dont 
le  nom  me  semble  un  peu  bigearre,  car  il  l'appelle  Chronicon  Hori- 
conis'^  et  dict  qu'il  commance  depuis  le  temps  des  Gotz,  mais  il  ne  me 
sceut  point  dire  si  c'estoit  le  nom  de  l'autheur  ou  du  monastère  où 
avoit  esté  escripte  cette  hystoire.  Il  faudroit  voir  que  cez  Messieurs 
qui  vous  ont  parlé  de  luy  le  luy  demandassent  pour  M'  du  Chesne, 
car  je  n'ay  osé  m'en  dispenser.  M' le  Premier  Président  nous  a  aujour- 
dhuy  faict  un  grand  festin  à  toute  la  grande  chambre  du  parlement 
fort  somptueux  avec  une  musique  d'importance,  et  nous  a  tenu  tout  le 
jour  h  un  caresme  prenant  fort  modeste  et  fort  innocent  qui  m'a  osté 
le  moyen  de  nous  entretenir  plus  ù  plain  pour  ce  coup.  C'est  pourquoy 
vous  m'excuserez  s'il  vous  plaist,  Monsieur,  si  je  ne  satisfaiclz  mieux  à 
mon  debvoir.  Il  ne  sçauroit  assez  admirer  la  beauté  de  noz  jours  d'hyver 
et  voudroit  bien  sçavoir  si  l'hyver  a  esté  aussy  serain  à  Paris,  ceste 
année,  comme  icy.  On  me  donne  de  bonnes  espérances  du  costé  de 
Levant  pour  raison  des  m[anu]s[critjs  ausquels  je  faictz  l'amour  depuis 
tant  de  temps;  j'en  ay  eu  des  lettres  assez  fraisches,  et  crois  bien  que 
nous  ne  tarderons  pas  d'estre  esclaircis  de  quelque  chose  de  plus  que 
devant,  mais  je  voudrois  bien  avoir  les  livres  Arabes  que  vous  m'avez 


'  Peircsc  cnniclérise  très  bien  ainsi  la 
brillante  faconde  du  eél(>bre  avocat. 

*  Gesta  Francorum;  ab  ipsius  gentis  ori- 
gine adohitum  uxque  Clodovei  I.  Régis  ;  auctore 
Roricone  quodam  monaclw.  Tel  est  le  litre  »ou8 
lequel  la  chronique  fut  impriinde  pour  la 
première  fois  dans  le  Recueil  d'André  Du- 
chesne  (t.  1,  p.  779)  ;  elle  a  été  réimprimée 


dans  le  Recueil  de  Dont  Bou(]UPt  (t.  III, 
p.  1).  Voir  sur  Roricon  l'Histoire  littéraire 
de  la  France,  l.  VII,  p.  i86.  L'édition  de 
Ducliesne  fut  faite  sur  la  copie  d'un  ancien 
manuscrit  de  l'abbaye  de  Moissac,  copie 
fournie  par  Innocent  de  Ciron.  On  trouvera 
d'autre»  renseignements  sur  le  manuscrit  ea 
question  dans  la  lettre  suivante. 


su  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

acheptez;  si  non  il  fauidra  qu'en  attendant  ceux  là  les  miens  fassent 
le  voyage  d'oultre  mer,  sur  quoy  je  finiray  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peihesc. 
A  Aix,  ce  6  febvrier  i633'. 


XCIII 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 
À  PARIS. 

Monsieur, 
Je  vous  remercie  trez  humblement  de  la  continuation  de  voz  seings 
à  nous  faire  part  de  tant  de  belles  curiositez  et  de  bons  advis,  et  par- 
ticulièrement de  l'inclination  que  vous  recongnoissez  tousjours  en  la 
personne  de  M''  de  Thon  à  nous  continuer  l'honneur  de  ses  bonnes 
grâces  desquelles  nous  tenons  tant  de  bienfaictz  mon  frère  et  moy.  Je 
ne  desirerois  pas  qu'il  feist  un  second  voyage  en  Bourgongne  de  long 
sesjour,  si  ce  n'est  selon  ses  vœux ,  mais  s'il  y  doibt  aller,  je  voudrois 
qu'il  y  fasl  desjà,  pourveu  que  ce  ne  feusse  que  pour  peu  de  temps,  à 
celle  fin  qu'il  eusse  moyen  d'en  estre  bien  tost  desgagé.  Il  nous  feroit 
grand  tort  s'il  s'incommodoit  tant  soit  peu  pour  nous  escripre,  n'estant 
nullement  raisonnable  qu'il  interrompe  rien  de  ses  meilleures  occupa- 
tions pour  cela.  Monsieur  le  Mareschal  de  Victry  m'envoya  demander 
si  je  n'avois  point  receu  de  ses  lettres.  Je  luy  dis  que  non,  mais  que 
vous  m'aviez  escript  qu'il  estoit  pour  lors  fort  embarassé  en  visites 
actives  et  passives.  J'ay  esté  bien  ayse  que  M""  Godeffroy  aye  prins 
plaisir  à  la  relation  d'Allemagne  de  Suriano  qui  avoit  acquis  une 
grande  réputation  parmy  les  gentz  d'Estat  de  la  Republique  de  \enise. 
Et  quand  nous  n'aurions  tiré  aultre  proffict  des  cahiers  m[anu]s[crit]s 

'  Vol.  717,  fol.  200. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY;  /439 

que  je  vous  ay  envoya  que  d'y  apprendre  le  nom  de  l'autheur  de  ceste 
relation,  j'estime  qu'il  valloit  la  peine  de  recueillir  les  dicts  cahiers, 
pour  le  moins  c'est  mon  humeur  de  moy,  qui  n'ay  pas  le  goust  si  délicat 
con)me  d'aultres  ny  restraint  à  des  oeuvres  si  parlaictes  comme  ilz  les 
veullent.  C'est  une  des  choses  que  je  trouvois  à  redire  en  l'édition  des 
pièces  de  ce  Thesauro  politico  que  les  noms  des  autheurs  y  manquent 
la  plus  part,  et  si  on  les  pouvoit  restaurer  tous,  je  pense  cjue  le  travail 
n'en  seroit  pas  inutile,  et  qu'il  ne  seroit  pas  difiicile  à  M''  Godefl'roy  de 
le  faire,  s'il  le  vouloil  entreprendre,  avec  le  recours  des  registres  de  la 
bibliothèque  de  M'  de  Thou ,  et  de  tant  d'aultres  curieux  qui  sont  dans 
Paris.  Je  ne  sçay  si  M'  de  Lomenie  ne  s'est  point  encore  mis  jusques 
en  ceste  curiosité  là.  Feu  M' Joan.  Vincenzo  Pinelli  en  avoit  i  2  quaisses 
toutes  entières  dans  sa  bibliothèque,  lorsqu'il  mourut  à  Padoiie  ^  mais 
les  sénateurs  du  conseil  d'Estat  les  envoyèrent  saizir  aprez  son  decedz 
et  les  feirent  mettre  dans  les  archives  de  leur  Republique;  je  n'ay  de 
ce  Thesauro  politico  que  le  premier  volume  de  l'an  61  o  in  4°,  recueilly 
par  Gomen  Ventura,  et  une  seconde  partie  recueillie  par  Philippe  Ho- 
norius,  de  l'an  Gi  1  à  Francfort;  s'il  s'en  est  imprimé  quelque  chose  de 
plus,  vous  m'obligeriez  de  m'en  procurer  des  exemplaires  selon  la  com- 
modité que  vous  en  rencontrerez,  car  il  me  semble  de  vray  que  j'en 
ay  veu  si  souvent  des  articles  dans  les  catalogues  de  ta  foire,  qu'il  est 
malaysé  qu'il  n'y  aye  quelque  chose  de  plus. 

Au  reste  vous  m'avez  faict  esprouver  la  foiblesse  de  ma  mémoire  en 
me  ramentevant  l'édition  que  M'  Higaull  a  faicte  si  accomplie  des  Au- 
theurs de  Limitibus  agrorum,  laquelle  je  receus  véritablement  tandis 
qu'elle  estoit  fort  récente,  mais  comme  je  ne  la  garday  que  fort  peu 
d'heures  pour  luy  faire  passer  les  montz,  je  l'avois  si  mal  visitée  que  j'en 
avois  entièrement  perdu  la  souvenance,  dont  je  fus  si  honteux  en  lisant 
vostre  lettre,  que  je  ne  sçays  eucores  où  me  cacher,  ne  pouvant  bon- 
nement vous  en  escripre  sans  recommancer  de  rougir,  mais  ce  sont 
des  effectz  de  fragilité  humaine  qu'il  fauldra  reparer  par  vostre  boU' 

'  Nous  avons  vu  (t.  I,  p.  5o)  qxie  Jeon-Viiicenl  Pinolli  mourut  en  1601. 


uo 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1633] 

advis,  et  pour  cet  effect  je  vous  supplie  de  m'envoyer  un  exemplaire 
de  l'édition  de  M'  Rigault  bien  exactement  collationné  et  du  plus  grand 
et  meilleur  papier  qu'il  s'en  pourra  recouvrer,  en  payant  le  double  et 
le  triple  si  besoing  est  du  prix  ordinaire,  mais  s'il  se  présente  commo- 
dité d'amy  je  vous  supplie  de  me  l'envoyer  le  plus  tost  que  vous  pourrez, 
car  il  me  tarde  infiniment  de  le  lire,  espérant  de  m'en  pouvoir  bien 
prévaloir  en  mes  curiositez.  Il  fauldra  bien  avoir  ce  livre  pour  la  Sor- 
bonne  contre  la  Spongia,  non  que  je  me  voulusse  condamner  non  plus 
que  vous  d'en  faire  la  lecture  bout  à  bout,  mais  pour  en  voir  les  prin- 
cipaulx  chappittres.  On  me  demande  d'Italie  tous  les  petitz  traittez  du 
sieur  Gaffarel  ',  tant  des  Talismans*  que  de  son  Cribrum  Cabalistarum^; 
c'est  pourquoy  vous  m'obligerez  bien  de  me  les  faire  tenir  le  plus  tost 
qu'il  sera  possible.  J'ay  esté  fort  ayse  de  sçavoir  par  vous  ce  qui  se 
trouve  d'apocrife  en  la  relation  de  M'  de  Montmorency  et  le  seray  par 
conséquent  bien  davantage  si  nous  voyons  le  procès  tout  entier  que 
vous  nous  faictes  espérer,  et  me  tardera  bien  que  vous  y  ayez  em- 
ployé le  pauvre  Quentin.  Au  reste  vous  m'avez  faict  un  singulier  plaisir 
de  me  faire  envoyer  ce  griffonnement  du  portraict  du  roy  Hugues 
Capet  et  de  me  dire  que  l'original  de  la  chartre  esloit  passée  par  les 
mains  de  M"^  Galland*,  mais  pour  assouvir  ma  curiosité  il  n'y  a  pas 
de  moyen  de  la  satisfaire  pour  ce  regard  sans  me  faire  voir  non 
seulement  la  copie  de  la  chartre  qu'il  vous  plaist  me  faire  espérer, 
mais  aussy  une  empreinte  du  seau  original  sur  laquelle  seuHe  je  puis 


'  Jacques  Gaffarel  naquit  à  Mane  (canton 
de  f'orcalquier)  en  1601  et  mourut  à  Si- 
gonce  (même  canton)en  1681.  VoivYAver- 
tissement  de  Quatre  lettres  inédites  de  Jacques 
Gaffarel  {Digne,  1886,  in-8°,  p.  3  et  4). 

■  Curiositet  inouyes  sur  la  sculpture  talis- 
manique  des  Persans,  etc.  (Paris,  1629, 
in-8°). 

'  Sive  de  Cabalajudicium.  Voir  la  liste  de 
la  plupart  des  petits  traités  de  Gaffarel  dans 
ie  recueil  d'Ailacci,  Apes  urbanœ  (Rome, 
1 633 ,  p.  1 89-1 4 1) ,  dans  le  recueil  de  P.  Co- 


lomiès  {Gallia  Orientalis ,  i665,p.  aô'i). 
*  Auguste  Galland,  procureur  général 
du  domaine  de  Navarre  et  conseiller  d'Étal, 
naquit  à  Tours  vers  1670  et  fut  enterré  le 
1 7  juin  1 6  4 1  dans  le  cimetière  de  Charentou. 
Voir  la  longue  liste  de  ses  travaux  (en  grande 
partie  inédits)  dans  la  Bibliothèque  historique 
de  la  France,  à  la  Table  des  auteurs  (t.  V, 
p.  599).  Conférez  les  articles  du  Dictionnaire 
de  Moréri,  de  la  Biographie  universelle 
(Weiss),  de  la  France  pmteslante  (seconde 
édition,  t.  VI,  1888,  p.  802-810). 


[1633]  AUX  FRERES  DUPUY.  Aàl 

fonder  mes  conjectures  soit  pour  approuver  ceste  image  comme  fidel- 
lement  représentée,  soit  pour  l'improuver  comme  supposée  quelques 
siècles  aprez  la  datte  de  la  chartre  comme  il  est  advenu  en  plusieurs 
monastères  où  l'on  n'a  pas  creu  mal  faire  en  forgeant  de  pareilles  sup- 
positions. La  forme  du  caractère,  la  manière  des  liabilletnentz  et  de 
l'ouvraige  et  la  figure  mesme  du  seau  pourront  beaucoup  servir  pour 
appuyer  ou  destruire  la  fidélité  et  légitime  antiquité  de  ce  portraict. 
C'est  pourquoy  je  vous  supplie  et  conjure  le  plus  instamment  que 
je  puis  de  voulloir  faire  effort  pour  trouver  le  lieu  d'où  M'  Ga- 
land  avoit  tiré  ceste  pièce  et  d'en  advertir  le  Prieur  de  Roumouies 
qui  prendra  la  peine  d'y  aller  faire  un  voyage  exprez  pour  l'amour 
de  moy,  si  ce  n'est  pas  loing  de  Paris  ou  de  son  chemin  de  Bor- 
deaux, auquel  cas  il  sçaura  bien  faire  tirer  proprement  ceste  em- 
preinte sans  en  rien  intéresser  l'original  \  et  seroit  raesmes  à  propos 
de  faire  portraire  deux  ou  trois  motz  de  l'escripture  de  la  chartre  pour 
juger  par  là  aussy  bien  que  par  le  style  de  la  convenance  d'icelle  avec 
sa  datte  ;  aultrement  je  ne  m'asseurerois  pas  facilement  sur  ce  portraict, 
tant  je  suis  relligicux  en  ces  matières  là,  ayant  aultresfois  rencontré 
quelques  cliartres  du  mesme  prince  fort  légitimes  qui  n'estoient  scellées 
qu'avec  un  petit  cachet  d'une  graveure  antique,  dont  j'ay  diverses  em- 
preintes, n'y  ayant  jamais  rencontré  le  portrait  du  prince  qui  estoit 
le  seul  et  unique  de  sa  race  qui  me  manquoit,  par  où  vous  pourrez 
comprendre  combien  ceste  recherche  et  verifiication  me  peut  estre  à 
coeur,  car  sans  mentir  je  fcrois  bien  un  voyage  de  qo  lieues  loing  pour 
l'aller  voir  tant  je  suis  fol  et  passionné  en  cez  badineries  là,  et  ne  me 
restoit  aultre  ressource  pour  restaurer  son  portraict  que  de  sa  statue 
qui  reste  encore  sur  la  porte  Nostre  Dame  et  sur  celle  de  l'Eglise  de 
Rheims,  que  l'on  me  disoit  estre  encores  un  peu  plus  ancienne  que  celle 
de  l'Eglise  INostre  Dame  de  Paris,  ce  que  je  n'avois  pas  encores  bien 
examiné  et  dont  je  ne  me  soucierois  guieres  si  ce  seau  se  trouvoit  legi- 

'  Sous  le  mot  intéresser,  pris  dan»  le  sen»  de  compromettre,  être  nuisible,  le  Dictionnaire 
de  Littré  ne  cite  que  des  écrivains  postérieurs  à  Peiresc ,  tels  que  Saint-Evremond ,  Hamilton , 
Montesquieu. 

II.  56 


I 


4â2  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

time  comme  il  pourroit  eslre,  ce  qui  deppendra  de  ia  communication 
et  relation  que  nous  en  pourrons  avoir  quelque  jour  par  vostre  moyen, 
comme  je  l'espère.  Vostre  M"'  Gyron  m'est  venu  revoir  aujourd'huy  et 
aprez  m'avoirfaict  quelques  petites  protestations  et  instances  de  vouloir 
juger  en  son  affaire  s'est  mis  de  nouveau  sur  le  discours  de  ses  m[anu]- 
s[crit]s,  m'ayant  dict  qu'il  avoit  un  vieil  exemplaire  des  registres  de 
Clément  1111"=  à  la  fin  duquel  il  y  a  une  petite  chronique  du  mesme 
temps  qui  meriteroit  bien  de  tomber  ez  mains  de  M""  du  Chesne  et  que 
je  ne  voudrois  pas  avoir  négligée  si  elle  pouvoit  eslre  à  ma  disposition 
à  cause  des  affaires  qui  y  doibvent  eslre  traictées  de  la  négociation  et 
expéditions  de  nostre  roy  Charles  I"  comte  de  Provence,  frère  de 
S'  Louys,  lors  de  la  conqueste  du  Royaulme  de  INaples  et  de  Sicile.  Il  m'a 
t'aict  festes  encores  de  certains  vieux  Registres  en  parchemin  contenant 
des  procès  verbaulx  des  Inquisiteurs  de  la  foy  sur  les  abjurations  des  Albi- 
geois qui  se  reconcilioient  avec  l'Eglise  et  informations  contre  les  obstinez, 
où  il  se  pourroit  bien  trouver  de  bonnes  choses  pour  en  suppléer  les  def- 
faultz  des  escripvains  du  temps  ;  il  a  derechef  mis  sur  le  lapis  le  livre  dont 
il  m'avoil  parlé  l'aultrc  fois,  sur  quoy  l'ayant  faicl  expliquer  un  peu  plus 
précisément  il  m'a  dict  que  c'est  un  volume  in  U"  escript  en  parchemin 
d'assez  vieille  escriplure  appartenant  à  un  de  ses  amis,  homme  d'Eglise, 
filz  d'un  conseiller  au  presidial  de  Thoulouse,  pourveu  de  quelque  di- 
gnité de  l'église  de  Tarbe,  nommé  le  sieur  de  S'  Blancard'  et  que  dans 
ce  volume  il  y  a  en  premier  lieu  une  vie  de  Charleraagne  soubz  le  nom 
d'Eginardus  beaucoup  plus  ample  que  celle  qui  est  im|)rimcc,  ce  dict 
il,  à  la  suitte  de  laquelle  il  y  a  une  aultre  pièce  dont  le  tiitre  est  Gesta 
Francorum  Koriconis,  et  que,  aprez  cela,  il  y  a  une  suitte  des  Roys  Gotz, 

'.C'était  Jean  de  Saint -Blancat,  h  la  dis-je,  sur  ce  personnage  les  LeKrM  de  Bal-' 
fois  poète,  historien,  théologien,  etc.,  qui  zac  {Mélanges  historiques  <h  1873,  p.  Byi- 
mourut  de  la  peste  à  Toulouse,  sa  ville  na-  679),  les  Lettres  de  Chapelain  (t.  I,  p.  a66, 
taie,  en  i65a.  Voii-  sui-  ce  personnage,  790),  les  Lettre.?  (oM/o!Mrtwes( Auch,  1876, 
oublié  dans  la  Biographie  universelle,  dans  la  p.  1 1-1 3  ).  La  forme  réelle  du  nom  est  Saint- 
Nouvelle  biographie  générale,  et  même  dans  Blancat,  comme  on  le  voit  par  la  signature 
la  Biographie  toulousaine,  et  à  peine  men-  du  poète  historien, 
tionné  dans  le  Dictionnaire  de  Moréri,  voir. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  443 

estant  à  la  fin  un  certain  aultre  fra{jment  qu'il  ne  m'a  sceu  designer 
plus  particulièrement,  si  ce  n'est  qu'il  y  estoit  parlé  de  quelque  guerre 
du  costé  deNismes  dont  je  m'en  rapporte  à  iuy.  H  dict  qu'il  transcripvit 
de  sa  main  ceste  suitte  des  Roys  Gotz  et  ces  Gestes  Francorum  Rori- 
conis,  mais  il  ne  m'en  a  sceu  cotter  aulcune  particularité,  de  sorte 
qu'en  tout  cela  je  ne  voys  pas  tous  ces  fondements  qu'il  seroit  à  désirer, 
mais  j'ay  neantmoins  appris  et  bien  souvent  esprouvé  qu'en  ces  matières 
là  il  ne  fault  rien  négliger  et  que  les  équivoques  que  peuvent  prendre 
ceux  qui  ne  se  plaisent  pas  en  toute  sorte  d'estudes  n'empeschent 
pas  qu'en  voyant  les  livres  originaulx  qui  sont  passez  par  leurs  mains, 
il  ne  s'y  rencontre  bien  souvent  de  trez  rares  et  curieuses  pièces.  Vous 
vous  servirez  de  l'advis  selon  que  vous  le  jugerez  à  propos  avec  M'  du 
Ghesne  et  je  finiray  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  th  febvrier  i633. 

Monsieur  le  Premier  Président  s'est  envoyé  excuser  à  ce  matin  de 
l'audiance  pour  indisposition  qui  l'avoit  faict  allicter  hier  aprez  le  disner, 
mais  Dieu  niercy  il  s'est  levé  ceste  aprez  disnée,  et  s'est  trouvé  que  ce 
n'estoit  que  rume'. 

'  Vol.  717,  fol.  Q03. 


S6. 


444 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1633] 


XGIV 
\   MONSIEUR,  MONSIEUR  DE  LOMENIE, 

CONSEILLER  DU  KOY  EN  SES  CONSEILS  D'ESTAT 

ET  SECRETAIRE  DE  SES  COMMANDEMENS, 

À  PARIS'. 

Monsieur, 
L'on  a  faict  tant  de  bruict  à  Marseille  à  l'arrivée  des  ordres  du 
Roy  pour  faire  apprester  deux  galleres  qui  doibvent  porter  en  Italie 
M'  ie  Mareschal  de  Grequy  ^  et  l'on  y  travaille  avec  tant  de  diligence 
depuis  trois  jours  que  l'on  a  commancé  de  croire  qu'il  voulusse  bien 
tost  faire  le  voyage.  On  attend  d'heure  à  aultre  l'arrivée  de  deux  gal- 
leres de  Gènes  à  Marseille  oii  elles  viennent  porter  l'Ambassadeur  de 
ceste  Republique  là  ^  qui  se  debvoit  embarquer  le  i  2''  de  ce  mois  pour 
venir  trouver  le  Roy,  le  jour  précèdent  ayant  esté  publié  dans  la  ville 
de  Gènes  le  restablissement  du  commerce  de  Provence  en  conséquence 
de  la  publication  faicte  quelques  jours  auparavant  du  restablissement 
du  commerce  du  Millanois  et  du  Montferrat,  de  sorte  que  l'on  croit 
que  cela  fera  cesser  la  formalité  des  quarantaines,  qui  a  voit  tant  in- 
commodé le  monde  depuis  quelques  années  en  çà  ;  ilz  ont  eu  vraysem- 
blableraent  quelque  appréhension  que  Messieurs  de  Marseille,  par 
forme  de  revanche  des  rudesses  qu'on  leur  faisoit  à  Gènes,  n'en  vou- 
lussent aultant  faire  à  leur  Ambassadeur,  ce  qui  ne  seroit  pourtant  pas 
arrivé  par  le  bon  ordre  qu'on  y  avoit  mis  à  tout  le  moins  pour  la  per- 
sonne de  l'Ambassadeur  et  de  tout  son  train  que  l'on  avoit  résolu  de 


'  Ayant  annoncé  (Avertissement,  t.  I, 
p.  11)  que  l'on  trouvera  dans  ce  recueil  la 
reproduction  complète  des  trois  volumes 
716,  717  et  718  de  la  Collection  Dupuy, 
je  n'hésite  pas  à  donner  ici ,  à  son  rang  chro- 
nologique, une  lettre  de  Peiresc  à  Loniénie, 
de  même  que  je  donnerai  d'autres  lettres 
qui ,  communiquées  par  les  destinataires  aux 


frères  Dupuy,  furent  gardées  par  eux  et 
restent  mêlées  aux  lettres  qui  leur  sont  ])er- 
sonnellement  adressées. 

'  Sui"  le  maréchal  Charles  de  Gréquy, 
voir  t.  I,  p.  35. 

'  Nous  avons  vu  plus  haut  que  c'était 
Augustin  Centurione. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  445 

traicter  le  plus  favorablement  que  faire  se  pourroit,  mais  pour  les 
{{enlz  de  galleres,  je  crois  bien  qu'ils  n'eussent  pas  eu  l'entrée  libre 
sans  quarantaine  de  quelques  jours;  il  n'aura  pas  esté  besoin  d'uzer  de 
cette  sorte  de  représailles.  On  escript  de  Home  du  îîq  janvier  que  le 
cardinal  Barberin  estoit  sur  le  point  de  bailler  sa  démission  de  la  lé- 
gation d'Avignon  en  faveur  du  cardinal  dom  Antoine  Barberin  son 
frère,  et  Messieurs  d'Avignon  croyent  que  la  cbose  soit  desja  faicle, 
dont  le  prochain  ordinaire  apportera  l'esclaircissement.  J'envoye  à 
M''  du  Puy  un  règlement  assez  notable  pour  ceste  province  faict  au  con- 
seil privé  du  roy  François  II  par  le  cliancellier  de  l'Hospital  et  soubzcript 
par  feu  M""  de  Lomenie  vostre  père  '  du  temps  qu'il  exerçoit  tout  seul 
la  charge  de  secrétaire  du  conseil  qui  est  maintenant  divisée  en  8  ou 
1 0  offices.  Je  pense  que  vous  en  debvriez  avoir  l'original  par  devers 
vous,  et  si  cela  n'estoit,  je  croys  bien  que  vous  en  aurez  eu  la  coppie 
longtemps  y  a;  c'est  pourquoy  je  n'ay  pas  creu  de  vous  en  debvoir  faire 
l'addresse;  que  si  par  hazard  ceste  pièce  vous  estoit  eschappée  parmy 
les  desordres  des  guerres  civiles,  je  ne  doubte  point  que  vous  ne  la 
voyez  trez  volontiers,  et  que  vous  ne  luy  trouviez  bonne  place  dans  voz 
recueilz,  mais  je  croys  non  seulement  qu'elle  y  est  desja,  ains  qu'elle 
y  est  accompagnée  des  aultres  qui  y  sont  alléguées  en  la  narrative  sur 
la  mesme  matière,  bien  que  pour  aultres  personnes  et  pour  aultres 
provinces,  auquel  cas  je  vous  aurois  une  bien  grande  obligation,  s'il 
vous  plaisoit  m'en  faire  bailler  aultant  comme  je  vous  en  supplie  et  de 
me  tenir  tousjours. 
Monsieur,  pour 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peirksc. 
A  Aix,  ce  ai  febvier  1 633 '. 


'  Martial  de  Lomdnie,  seigneur  de  VersaiHes,  tué  comme  calviniste  le  jour  de  In  SainX- 
Bartlii^lemy  (a4  aoiit  lôya).  —  '  Vol.  717,  fol.  ao5. 


M6  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 


XCV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
J'ay  receu  vostre  despesche  du  i  o*^  avec  la  charte  du  roy  Hugues 
Capet  et  plusieurs  aultres  pièces  curieuses  dont  je  vous  suis  bien  re- 
devable et  dont  je  vous  remercie  trez  humblement,  ayant  pris  grand 
plaisir  de  voir  cette  charte,  non  sans  quelque  sorte  d'admiration  qu'elle 
me  fusse  eschappée,  car  il  y  a  plus  de  26  ans  que  le  bon  homme  feu 
M"^  le  Febvre'  print  la  peine  de  me  mener  au  monastère  de  S*  Maur 
des  Fossez,  oià  il  me  feit  monstrer  toutes  les  vieilles  chartes  de  leurs  ar- 
chives; d'où  je  tiray  les  premières  empreintes  que  j'aye  jamais  eiies  des 
vieux  seaux  du  roy  Charles  le  Chauve  et  de  plusieurs  auitres;  il  falloit 
que  ceste  charte  y  eust  esté  lors  produicte  en  quelque  procès,  et  possible 
desja  portée  à  M""  Galand^;  tant  est  que  je  desirerois  bien  d'avoir  une 
empreinte  de  ce  sceau  s'il  estoit  possible,  soit  que  la  charte  ayt  esté 
remise  dans  les  archives  de  ce  monastère  ou  qu'elle  soit  demeurée  ez 
mains  du  dict  sieur  Galand  à  qui  j'en  escripray  en  ce  cas  pour  l'en  sup- 
plier ou  pour  l'en  remercier  s'il  prevenoit  ma  demande,  et  M' le  Prieur 
de  Roumoules  fera  fort  bien  tout  ce  qui  sera  nécessaire  pour  en  tirer 
l'empreinte,  en  sorte  que  j'en  puisse  demeurer  satisfaict:  que  s'il  estoit 
besoing  de  quelque  plus  grand  crédit,  je  croys  bien  que  M'  de  Lomenie 
ne  reffuseroit  pas  d'y  faire  interposer  son  authorité  pour  l'amour  de  vous  et 
pour  l'amour  de  moy  comme  je  vous  en  supplie,  vous  remerciant  ce  pen- 
dant par  un  million  de  fois  de  la  communication  de  ceste  belle  charte,  et 

'  S'agit-il  là  du  philologue  Nicolas  Le  qui  fut  maître  d'bôtel  de  Louis  XIII  et  am- 

Fèvre  ou  Le  Febvre,  né  h  Paiis  le  2  juin  bassadeur  en  Angleterre,  mort  en  i6i5  ? 

i544,   mort   le    3   novembre   1612?  Les  Nous  avons  déjà  trouvé  mention ,  en  ce  pré- 

95   ans  dont  parle  Peiresc   mettraient  la  sent  volume  (p.  i5),du  frère  aîné  de  ce 

visite   en   1608.   Ou    bien   Peiresc    eut-il  dernier,  Guy  Le  Febvre  de  la  Boderie. 
pour  compagnon  de  voyage  à  Saint-Maur-  '  Le   généalogiste   Galland,   déjà  men- 

les-Fossés  Antoine  Le  Febvre  de  la  Boderie,  tionné  plus  haut  (Lettre  LXXXIX). 


[1633] 


AUX  FRERES  DUPUY, 


ihl 


des  bonnes  nouvelles  que  vous  me  donnez  de  la  part  de  M'Besly,  sur  les 
preuves  de  la  Généalogie  et  vraye  tige  de  ce  Prince',  comme  aussy  du 
second  exemplaire  qu'il  vous  a  plou  m'envoyer  du  placard  et  des  tiltres  de 
tant  de  beaux  ouvraiges  de  si  bonne  et  exacte  main  que  celle  du  dict  sieur 
Besly,  bien  ayse  aussy  que  M''  du  Chesne  n'aye  point  employé  dans  son 
dernier  catbalogue  des  Historiens  de  France  aulcun  des  m[anu]s[cnt]s 
de  feu  M""  Petau,  ce  qui  me  faict  espérer  qu'il  y  trouvera  sans  double 
quelque  chose  à  adjouster  plus  qu'il  ne  s'est  imagin*!;.  Il  fauldra  bien  que 
j'aye  encore  quelque  exemplaire  de  son  dict  Catbalogue  in  fol°,  car 
aprez  en  avoir  l'aict  passer  deux  de  là  les  niontz,  à  des  gentz  qui  con- 
tribueront possible  quelque  eschantillon  h  son  recueil ,  je  m'en  estois 
réservé  un  pour  moy,  qui  m'a  esté  enlevé  ce  jourdbuy  pour  le  porter 
au  sieur  de  S'  Blancard  à  Thoulouse  et  pour  tascber  de  s'en  prévaloir 
en  son  endroict  pour  luy  arracher  des  mains  ce  volume  dont  je  vous 
escripvois  dernièrement  sur  le  récit  que  m'en  avoit  faict  vostre  Monsieur 
de  Cyron,  lequel  gaigna  son  procez  de  haulte  lutte  en  pleine  audience 
jeudy  dernier,  comme  vous  verrez  par  l'extraict  que  je  vous  envoyé  de 
son  arrest,  où  il  auroit  bien  trouvé  plus  de  difficulté  si  la  partie  eusse 
faict  faire  la  réquisition  du  bénéfice  contentieux  en  qualité  de  gradué 
nommé,  comme  il  le  pouvoit  faire  s'il  s'en  fust  advisé.  Le  dict  sieur  de 
Cyron,  venant  faire  les  complimenlz  aprez  son  arrest,  me  fit  de  belles 
oOres  de  ses  m[anu]s[crit]s  que  je  n'acceptai  pas  avec  la  liberté  que 
je  l'eusse  possible  faict  de  quelque  aultre  que  luy  ou  en  aultre  temps, 
mais  je  luy  dicts  bien  que  je  stipulerois  volontiers  ceste  faveur  pour 
M"^  du  Chesne  et  pour  le  public.  Il  se  laissa  entendre  qu'il  estoit  bien 
avant  dans  la  délectation  des  plantes,  sur  quoyje  ne  me  sceus  tenir  de 
luy  dire  qu'il  estoit  donc  bien  exposé  à  la  mercy  de  ceux  qui  en  avoient 
des  rares,  que  nous  n'estions  pas  véritablement  de  ceux  qui  en  avoient 
le  plus,  mais  que  nous  avions  bien  quelques  unes  des  plus  curieuses  à 
son  service;  mais  que  cela  soit  dict,  je  vous  prie,  entre  vous  et  moy  en 
attendant  ce  que  le  temps  pourra  produire  pour  ce  regard.  Il  est  allé 


C'est-à-dire  de  Hugacs  Capel. 


448  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

faire  un  petit  voyage  de  dévotion  par  la  Province,  à  ce  qu'il  m'en  avoit 
dict  avant  son  départ  :  je  crois  bien  que  nous  le  reverrons  avant  son 
retour  chez  luy.  Je  ne  sçay  si  je  ne  vous  aurois  point  supplié  de  me  faire 
avoir  un  aultre  exemplaire  de  l'histoire  de  la  maison  de  Guines  de 
M"'  du   Ghesne\  car   M''  Menestrier  repassant   par  icy    voulut   em- 
porter à  Rome  celluy  que  M'  du  Chesne  m'avoit  donné ,  dont  le  car- 
dinal Barberin  me  faict  de  grandz  remerciementz  par  ses  dernières 
lettres  du  29"  janvier  et  me  demande  mesmes  l'histoire  de  Montmo- 
rancy  du  mesme  autheur^  dont  je  vous  supplie  de  me  faire  envoyer 
pareillement  un  aultre  exemplaire,  car  je  luy  envoyeray  le  mien  par 
la  première  commodité  de  passage  d'amy,  croyant  bien  qu'il  n'en  man- 
quera pas  si  M""  de  Grequy  faict  son  voyage  d'Italie  si  tost  comme  l'on 
veut  dire,  deux  galleres  ayant  eu  commandement  exprez  de  se  tenir 
prestes  pour  son  embarquement,  à  quoy  l'on  travaille  depuis  trois 
jours  en  grande  diligence.  Je  ne  sçay  si  je  n'ay  point  oublié  de  vous 
demander  aussy  pour  un  de  mes  amys  d'Italie  qui  en  a  bonne  envie  de 
toutes  ces  sortes  de  petitz  livretz  qui  ont  esté  imprimez  en  langue  bas 
bretonne  et  en  basque,  s'il  s'en  trouve  quelque  eschantillon,  auquel 
cas  je  les  vouldrois  doubles  pour  en  retenir  pour  moy,  je  dis  des  bas- 
ques^, car  pour  les  bas  bretons  j'en  ay  deux  ou  trois  pièces;  j'ay  mesmes 
quelques  pièces  du  païs  de  Wales  en  Angleterre  dont  je  voudrois  bien 
avoir  quelque  exemplaire  double  pour  le  mesme  subject,  s'il  s'en  ren- 
controit,  à  quoy  je  vous  supplie  trez  humblement  de  vouloir  faire 
prendre  garde  aux  occasions.  J'attendray  bien  impatiemment  des  nou- 
velles de  Dionysius  Bysantius  m[anu]s[crit],  ayant  peine  de  me  per- 
suader que  les  deux  exemplaires  de  la  bibliothèque  du  Roy,  estantz 

'  Histoire  généalogique  des   makons   de  fol.,  seconde  édition).  La  première  ëdition 

Guines,  d'Ardres,  de  Gand  et  de  Coucy,  et  de  est  de  i6ai ,  également  in-folio. 

quelques  autres  familles  illustres  qui  y  ont  esté  ^  Voir  l'indication  de  quelques  livrets  en 

alliées,  etc.  (Paris,  i63i,  in-foL).  langue  basque  publiés  à  Bayonne  en  1616, 

''  Histoire  gméalogique  de  la  maison  de  a  Bordeaux  en  1617  et  en  1627,  dans  la 

Montmorency    et    de    Laval,   justifiée  par  Bibliographie  basque  mise    par  Francisque 

chartes,  tiltres ,  arrêts  et  autres  bonnes  et  Michel  à  la  fin  de  son  livre  sur /e  Pays  Wyue 

certaines   preuves,  etc.   (Paris,   1699,   in-  (Paris,  1 887,  in-8',  p.  487-488). 


[1633]  AUX  FR^.RES  DUPUY.  449 

enrôliez  comme  ilz  sont,  ne  coulienneiit  que  la  préface  de  l'œuvre, de 
laquelleseiiIleM''Holsteniiisdisoitavoir  le  texte  grec.  On  me  donne  plu» 
d'espérance  qnc  jamais  de  la  recouvrer  encores  du  costé  de  Rliod<!z; 
de  sorte  que  nous  sommes  pour  le  voir  venir  de  divers  endroiclz  en 
un  mesme  temps,  qui  ne  sera  pas  une  petite  consolation  aprez  l'avoir 
longtemps  attendu,  ne  pouvant  m'imaginer  que  le  pauvre  M' Holstenius 
se  soit  laissé  porter  aux  propos  que  l'on  vous  en  a  voulu  dire,  croyant  que 
c'est  une  charité  qu'on  luy  a  voulu  prester';  il  ne  seroit  pas  inconveniant 
qu'il  se  fusse  trouvé  quelque  chose  à  redire,  sur  ce  que  la  France  n'avoit 
pas  bien  sceu  se  prevalloir  de  l'estude  et  du  travail  d'un  si  digne  per- 
sonnage lorsqu'il  s'y  estoit  présenté,  ce  qu'estant  mal  pris  par  les  gentz 


'  C'était  Doin  Ghrisloptie  Dupuy  qui  avait 
ëcrit  de  Rome,  le  i5  janvier  iG33,  h  son 
frère  Pierre,  que  L.  Holsteiiius  avait  Icnu  de 
vilains  propos  contre  la  nation  française. 
Voici,  du  reste,  un  fragment  de  sa  lettre  qui 
m'a  t'té  communique  par  M,  le  marquis  de 
Glapiere,  l'aimable  et  cdlèbro  collectionneur 
de  Marseille  :  rrLa  bonne  fortune  advenue  à 
M'  Holstenius  d'avoir  esté  pourvu  d'une  cha- 
noinie  de  Cambray  l'approchera  bien  de  la 
France,  mais  je  crois  qu'elle  ne  luy  changera 
pas  l'humeur,  estant  devenu  si  passionément 
partisan  de  la  maison  d'Autriche ,  qu'il  se 
montre  non  seulement  aliéné  de  noslre  na- 
tion, mais  tout  h  fait  ennemi,  ce  qu'il  té- 
moigne tous  les  jours  par  ses  discours,  se 
laissant  échapper  des  paroles  indiscrètes. 
Pourroit  estre  que  l'interest  particulier  le 
transporte  de  la  sorte,  et  que  se  voyant 
privé  de  la  jouissance  de  quelques  bénéfices 
qu'il  a  en  Allemagne,  il  on  attribue  la  cause 
aux  grands  changements  qui  y  sont  depuis 
longtemps  fomentés,  ainsi  qu'il  dit,  par  les 
François  peu  affectionnés  à  la  Religion  Ca- 
tholique. 11  en  est  quelquefois  venu  h  tels 
termes  et  avec  des  François  et  avec  des  fta- 
liens,  qu'il  a  entendu  des  paroles  qui  ne  luy 


pouvoient  guières  plaire.  Un  de  ces  joars  es- 
tant en  conversation  il  luy  eschappa  de 
parler  mal  des  Vénitiens  et  sur  ces  diffé- 
rents qui  sont  maintenant  entre  eox  et  le 
Pape,  pour  les  confins  du  Ferrarois,  de 
dire  qu'ils  estoient  de  très  mauvais  chrcs- 
tiens,  et  ennemis  de  l'Eglise,  ce  qui  fut  bien 
relevé  par  un  Florentin  qui  le  rencontra  lors 
domestique  ici  de  l'ambassadeur  de  la  Répu- 
blique, qui  le  fit  taire  honteusement  et  luy 
donna  par  le  nez  del  Beno. . .  Enfin  il  est  si 
malade  de  cette  passion  ou,  pour  mieux 
dire ,  il  est  si  affectionné  à  la  Religion  Ca- 
tholique, que  si  la  paix  ne  se  fait  en  Alle- 
magne, et  que  la  maison  d'Autriche  ne  soit 
absolue,  et  qu'il  ne  jouisse  de  ses  bénéfices, 
il  n'y  a  pas  moyen  de  le  guérir,  et  d'empes- 
cher  qu'il  ne  devienne  un  autre  Scioppins. 
Je  seray  bien  aise  qu'on  ne  sache  point  que 
tous  ces  advis  viennent  de  moy,  que  je  vous 
ay  voulu  faire  savoir,  afin  que  vous  dissiez 
informé  de  tout,  et  que  vous  sceussiez  qu'il 
est  devenu  fort  bon  catholique ,  de  quoy  je 
loue  Dieu  que  je  prie  de  luy  donner  persé- 
vérance, aussi  bien  qu'à  VVouveren,  son 
compatriote ,  qui  pendant  son  séjour  en  cette 
\ille  fit  pareille  démonstration.  i 


laVUlilMt    «ATIVRtM. 


450  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

qui  cherchent  quelque  fois  à  tondre  pourroit  avoir  donné  matière  à 
ceste  mauvaise  charité;  si  je  sçavois  d'où  vient  ce  bruict,  la  qualité 
des  personnes  ayderoit  peut  estre  bien  à  juger  de  la  probabilité  d'icelluy. 
Quant  aux  livres  d'Italie,  celluy  de  Marinus  Guetaldus  me  fut  envoyé 
tandis  que  j'estois  à  Boysgency,  dont  je  n'ay  guieres  bien  faict  mon 
profiict.  Pour  ces  Tabulas  regiœ  Hilarii  Alto  belli,  j'aymerois  bien  mieux 
les  prendre  à  Paris  puis  qu'il  y  en  a  que  d'avoir  la  peine  d'en  escripre 
en  Italie,  tandis  que  je  ne  sçay  si  ce  livre  la  peut  valloir.  Pour  la  Roc- 
cella  del  Braccioliiii  ',  je  ne  pense  pas  qu'il  soit  de  si  grand  prix  qu'il 
ne  le  vaille  mieux  faire  venir  de  Paris  que  d'Italie.  Quant  à  vostre  Ga- 
setan,  il  semble  que  ses  assertions  soient  susceptibles  de  la  doctrine 
d'equivocations ^  quelque  serment  qu'il  y  puisse  adjouster,  car  je  ne 
faictz  point  de  difficulté  de  croire  ce  qu'il  jure,  qu'il  ne  distribue  point 
de  Gazettes  le  vendredy  c'est  à  dire  dans  Paris,  mais  cela  n'empesche 
pas  qu'il  ue  les  fasse  distribuer  s'il  veult  ou  qu'il  ne  les  envoyé  possible 
luy  mesme  au  dehors,  comme  je  le  tiens;  mais  quoy  qu'il  en  puisse 
estre,  puis  que  vous  trouvez  bon  de  m'envoyer  séparément  la  Gazette, 
il  ne  serviroit  de  rien  de  le  faire  le  mardy  ;  il  faudroit,  s'il  vous  plaist, 
l'envoyer  à  la  poste  le  sabmedy  de  grand  matin  ou  le  vendredy  au  soir  si 
faire  ce  pouvoit,  parce  que  il  passe  assez  souvent  des  courriers  extraor- 
dinaires de  Paris  à  Lyon  qui  vont  plus  viste  que  les  ordinaires  et  qui 
ne  laissent  pas  d'arriver  à  Lyon  dans  le  mardy,  qui  seroit  assez  à  temps 
pour  les  faire  prendre  par  nostre  ordinaire  de  Provence  qui  ne  part  de 
Lyon  que  le  raecredy  à  midy  pour  estre  icy  le  sabmedy  matin,  mais" en 
ce  cas  il  faudroit  addresser  vostre  pacquet  à  M''  du  Lieu,  à  celle  fin 
que  les  poslHlons  ne  facent  pas  difficulté  de  s'en  chai'ger,  et  pos- 
sible par  ce  moyen  la  les  nostres  viendroient  aussy  viste  que  celles 


'  La  Roccela  espuguala,  poèine  héroïque  veni  mesntionné  dans  les  Lettres  de  Jean 

en  vingt   chants   (Rome,   i63a,  in-ia).  Chapelain  (t.  I,  p.  ii3,   aay,  355-358, 

Francesco   Braccioiini  naquit  à   Piatoie  le  i65,  486,  63i). 

90  novembre  t566,  fut  secrétaire  da  cai--  ^  Sous  ee  mot  le IWeiiowiaïre  de  Littré  ne 

dinalAnt.Barberini,  et  mourut  dans  sa  ville  cite  qu'un  écriv«in  du  xiv'  siècle,  Nieolas 

natale  le  3i  août  i645.  Braccioiini  est  sou-  Orcsme. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  '  /i51 

de  M""  le  Maresclial  et  des  auUree  qui  en  ont  quclquesfois  liuict  jours 
plus  tost  que  nous,  comme  par  ie  dernier  ordinaire  plusieurs  ont 
eu  la  [jazette  du  douze  de  ce  mois,  là  où  nous  n'avons  eu  soubz  vostre 
enveloppe  que  celle  du  5.  J'ay  receu  le  petit  fagot  de  livres  que 
vous  aviez  faict  bailler  à  M'  le  sacristain  Valbelle  oh  estoient  les  trois 
exemplaires  du  Cunœus^  dont  je  vous  remercie  trez  humblement 
comme  des  aultres,  et  principalement  de  cez  preparatifz  du  P.  la  Faille'' 
h  la  quadrature  du  cercle,  où  je  passay  une  aprez  disnée  bien  douce- 
ment^, l'ayant  remis  à  M''  le  Prieur  de  la  Valette  pour  l'examiner  et 
pour  l'envoyer  par  aprez  à  M"'  Gassendy  afin  de  vous  faire  part  de  leur 
advis  en  temps  et  lieu. 

Je  plains  grandement  M''  de  Thou  avec  l'indisposition  de  son  rhume, 
et  luy  »y  bien  de  l'obligation  du  soing  qu'il  a  daigné  prendre  d'en- 
dosser vostre  lettre  avec  de  si  honnestes  et  obligeantes  parollès  dont 
je  me  trouve  tousjours  plus  redevable  en  son  endroict,  ne  pouvant  vous 
dissimuller  que  j'ay  esté  fort  ayse  de  la  bonne  nouvelle  que  vous  m'avez 
donnée  de  son  retour  en  Bourgongne,  duquel  je  ne  double  point  qu'il 
ne  revienne  grand  profiicl  à  ce  païs  là ,  à  tous  les  bons  subjectz  du  Rov, 
et  possible  y  aura  il  quelque  advantage  aussy  en  mon  particulier  avec  la 
bonne  volonté  qu'il  a  de  me  faire  et  procurer  du  bien.  Je  luy  envoyé 
un  extraict  de  lettres  pattentes  du  roy  François  II  que  je  luy  avois 
alléguées,  oii  il  trouvera  de  bien  notables  reglementz  du  style  et  pru- 
dente direction  du  chancelier  de  l'Hospital ,  signé  par  le  père  de  M'  de 
Lomenie  du  temps  qu'il  estoit,  comme  je  pense,  seul  secrétaire  du 
conseil  privé  du  Roy;  si  le  registre  de  ce  temps  la  se  trouvoil  entre  ses 
mains  ou  ailleurs,  j'apprendrois  bien  volontiers  lez  noms  des  presentz 
qui  assistèrent  au  conseil  du  Roy  lorsque  les  differentz  du  Parlement 
et  du  Gouverneur  furent  terminez  par  ce  beau  i-eglement.  Et  au  def- 


'  Pétri  Çwuri  de  republica  Hebrœorum 
libri  III  (i63a,  in-ai).  Ouvrage  déjà  plu- 
sieurs fois  mentionné. 

'  Le  père  Jean-Charlea  Délia  Faille  na- 
quit à  Anvers  en  1597,  professa  les  mathé- 


matiques avec  une  grande  rëpntatioo  h 
Louvaiii  et  h  Madrid ,  et  mourut  à  Barcelone 
le  &  novembre  16S&. 

'  Theoremnta  de  centra  ffrm<itatis  parlium 
àraili  et  ellipsis  (Anvers,  i639 ,  in-à°). 

S?- 


452  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633] 

fault  de  cela,  s'il  se  pouvoit  trouver  dans  voz  mémoires  ou  dans  ceux 

de  M"'  de  Lomenie  quelque  instruction  d'où  l'on  pusse  comprendre 

de  quelles  personnes  à  peu  prez  estoit  lors  composé  le  conseil  du  Roy, 

ou  pour  le  moins  quelz  grands  estoient  lors  à  la  cour  de  Sa  Majesté, 

je  serois  infiniment  ayse  de  l'apprendre  par  vostre  favorable  assistance , 

et  en  ceste  attente  je  demeureray  tousjours, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  ai  febvrier  i633'.    ■ 


XCVI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Je  receuz  hier  par  nostre  ordinaire  voz  despesches  du  1 8^  de  ce  mois 
et  en  mesme  temps  le  petit  pacquet  que  vous  aviez  mis  à  la  poste 
le  mardy  précèdent  pour  la  gazette  du  douziesme,  mais  M"'  le  Ma- 
reschal  a  eu  par  le  mesme  ordinaire  la  Gazette  du  1 9"  et  me  l'envoya 
auparavant  que  j'eusse  eu  mes  pacquetz,  de  sorte  qu'il  n'y  a  plus  de 
plaisir  de  recepvoir  la  dicte  gazette  huict  jours  aprez  l'avoir  veiie 
aux  aultres.  Il  faudra  voir  si  en  la  faisant  mettre  à  la  poste  dez  le 
sabmedy  de  grand  matin,  ou  dez  le  vendredy  au  soir,  si  faire  se  peult, 
elle  ne  pourroit  point  arriver  à  Lyon  avant  le  despart  de  nostre  or- 
dinaire qui  n'est  que  le  mercredy  à  1  0  heures  ou  midy.  Je  vous  ay 
une  obligation  trez  pai'ticuliere  du  soing  et  de  la  perquisition  du  Dyo- 
nisius  Bysantius  m[anu]s[crit]  dont  les  termes  du  Catalogue  m'avoient 
mis  en  goust  de  sorte  qu'il  ne  sembloit  pas  que  ce  livre  nous  deust 
eschapper  des  mains  comme  il  a  faict,  dont  je  n'ay  pas  ressenty  peu 
de  mortification,  je  vous  en  asseure,  et  cela  me  fera  redoubler  mes 

'  Vol.  717,  fol.  ao6. 


[1633] 


AUX  FRERES  DUPUY. 


453 


instances  et  mes  effortz  pour  voir  si  du  costé  de  Rhodez  je  pourrois 
estre  moins  malheureux.  J'ay  esté  grandement  scandalizé  de  ce  qu'on 
vous  escript  de  l'humeur  de  M'  Holstenius,  qui  a  certainement  grand 
tort  s'il  ne  vous  sçait  le  gré  qu'il  doibt  de  toute  sa  fortune.  Je  croy  que  je 
vous  ay  aultresfois  envoyé  une  trez  belle  lettre  qu'il  rn'escrivit  à  son 
retour  de  Pologne  '  où  il  me  faisoit  une  trez  belle  description  de  l'hon- 
nesteté  de  l'Empereur  et  du  Roy  de  Hongrie  son  filz,  ensemble  de  la 
favorable  réception  et  longue  audience  que  l'un  et  l'aultre  luy  donnèrent, 
tant  en  allant  qu'en  revenant  de  Pologne^,  avec  de  grandes  protestations 
de  vouloir  faire  pour  luy,  qui  furent  à  mon  advis  de  bien  puissants 
charmes  pour  le  gaigner,  dans  l'admiration  d'une  familiarité  si  obli- 
geante parmy  cez  grandeurs  et  solitudes  ou  gravitez  EspagnoUes  si  dif- 
férentes des  foulles  que  l'on  voit  communément  autour  de  la  personne 
de  nos  Roys,  qui  ne  se  captivent  guieresà  de  telles  audiences  et  compli- 
menta, principalement  à  des  gentz  de  la  condition  et  profession  que 
faisoit  ce  personnage  lors  de  son  sesjour  en  France,  qui  n'estoit  pas  dans 
l'employ  des  aflaires  ne  accompagné  de  lettres  de  nostre  S'  Père  trez 
obligeantes  comme  estoient  celles  dont  on  l'avoit  chargé  en  ce  voyage 
de  Pologne  ^  Pour  moy  je  tiens  l'humeur  de  cet  homme  là  plus  candide 
que  l'on  ne  croyroit  sur  les  discours  dont  est  question,  mais  je  le  tiens 
neantmoins  si  bontif  et  si  facile,  pour  ne  dire  si  foible,  qu'il  est  tort 
aysé  de  l'emporter  plus  loing  qu'il  ne  vouldroit  aux  moindres  ombrages, 
dont  sa  nation  est  grandement  susceptible,  et  crois  bien  que  le  zèle 
de  la  Relligion  catholique  et  l'interest  ou  préjudice  qu'il  recepvoit  aux 
progrez  du  Roy  de  Suéde  le  peuvent  avoir  faict  eschapper  contre  le 
party  et  contre  les  fauteurs  d'icelluy,  et  par  conséquent  contre  la  na- 
tion, si  on  luy  a  faict  accroire  qu'elle  en  fusse  coulpable,  c'est  à  dire 


'  Celte  lettre,  datée  de  Rome  le  ai  juin 
i63o,  est  ia  98™'  du  Becueil  de  Boissonade 
(p.  18J-19Q). 

'  Peiresca  rnisonde  parier  d'une  lotigveau- 
dience;  Holstenius  dit  (p.  1 86)  du  roi  de  Hon- 
grie :  rrDuas  ferme  intégras  horas  me  de  pu- 


blicis  privatisque  rébus  loquentem  audivit.  1 
'  Holstenius  (p.  18S)  avait  ainsi  parle 
de  ses  lettres  à  Peiresc  :  jtA  Sorcnissimis 
Principibus  literas  commendatitias  facile  ob- 
tinui  ad  Ceesarem  et  Poloniae  Regem .  ut  hisce 
parariis  facilius  me  insinuarem.  " 


« 


45/1  LJÎTTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

contre  ceux  qui  y  portoient  ieurs  armes  ou  leur  conseil ,  mais  je  ne  me 
persuaderay  jamais  (que  je  n'en  voye  des  preuves  plus  évidentes)  qu'il 
aye  jamais  pensé  d'oublier  de  si  immenses  obligations  que  celles  qu'il 
vous  a,  auxquelles  ne  peuvent  pas  estre  comparables  de  bien  loing  les 
foibles  services  que  je  luy  ay  renduz  ;  mais  je  ne  sçaurois  non  plus  croire 
qu'il  ne  m'en  saiche  encore  trez  bon  gré  :  et  quand  il  ne  le  feroit  pas ,  ce  ne 
seroit  pas  le  premier  qui  se  seroit  dispensé  des  termes  d'une  amitié  réci- 
proque, et  n'empescheroit  pas  pour  cela  que  je  ne  fusse  tout  prest  de  les 
pratiquer  de  rechef  envers  toute  sorte  de  gentz  de  mérite;  je  suis  gran- 
dement tenté  de  luy  en  escripre  un  mot,  mais  je  ne  l'ose  faire  sans 
vostre  pareatis\  bien  que  si  je  le  faictz,  je  ne  me  dispenseray  nullement 
des  loix  de  la  discrétion  qui  semblent  y  debvoir  estre  observées,  et  en 
sorte  qu'il  ne  puisse  juger  en  façon  quelconque  de  quel  costé  procedde 
et  soit  passé  l'advis  jusques  à  moy;  cependant  j'ay  pris  grand  plaisir  de 
voir  tout  le  restant  de  la  lettre  où  il  est  inséré  '\  et  me  doubte  que  le 
missel  Sclavon  y  mentionné,  dont  vous  estes  possible  aussy  en  peyne 
que  celluy  qui  vous  escript,  ne  soit  pas  esgaré  plus  loing  que  de  la 
maison  de  céans,  auquel  cas  vous  n'aurez  pas  perdu  tout  à  faict  vostre 
peine  de  m'envoyer  ceste  lettre,  pour  me  donner  une  si  gentille  occasion 
de  me  descharger  du  bien  d'aultruy,  lequel  je  n'eusse  pas  tant  gardé  à 
la  moindre  doubte  que  j'eusse  eue  de  n'en  estre  pas  le  vray  maistre. 
Mais  je  le  trouvay  dans  le  coffre  de  livres  que  m'apporta  M"'  d'Arène 
lié  d'un  peu  de  fisselle  avec  une  petite  feuille  pour  en  deffendre  le 
tiltre  sans  neantmoins  qu'il  y  parusse  aulcune  addresse  particulière,  et 
d'aultant  que  je  n'avois  point  d'inventaire  des  livres  contenuz  au  dict 
coffre.,  je  n'avois  pas,  ce  semble,  deub  croire  qu'il  y  eu&se  rien  qui  ne 
feusse  à  moy,  si  ce  n'est  les  deux  fagotz  dont  l'un  estoit  addresse  à 
M'  Moreau,  et  pour  l'aultre  si  bien  l'adresse  en  estoit  à  moy,  je  voyois 
bien  par  l'escripture  de  Dom  du  Puy  que  c' estoit  pour  les  vous  faire 
tenir,  comme  j'ay  faict  tant  de  l'un  que  de  l'aultre;  sur  quoy  neant- 

'  Peiresc  se  sert,  en  plaisantant,  d'un  terme  de  chancellerie  au  sujet  duquel  le  Dic- 
tùmnaire  de  Littré  ne  cite  qu'une  phi-ase  de  Voltaire.  —  *  La  lettre  de  dom  Christophe 
Dupuy. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUï.  465 

moins  H  fault  que  je  vous  die  par  pareiitese  que  M'  Moreau  ne  m'en 
a  jamais  accusé  la  réception,  non  plu»  que  de  la  lettre  que  je  luy  avois 
e9cri])te  pour  accompagner  ce  qui  luy  apparlenoit,  et  que  s'il  ne  nous 
a  reiiiercié  vous  non  plus  que  moy,  il  se  poult  imputer  h  la  vaccation 
qui  n'est  pas  oWi^ée  de  dire  grand  niercy  de  tout  ce  qu'on  luy  donne. 
Je  ne  suis  pou,r tant  pas  moins  son  sei'viteur,  et  voudrois  qu'il  se  pre- 
sentast  quelque  occasion  potif  luy  en  donner  des  preuves  dignes  de  sa 
vertu  et  de  son  mérite,  tout  ce  que  je  viens  de  vous  en  dire  n'estant 
qu'entre  vous  et  moy,  et  pour  me  donner  carrière,  car  je  serais  bien 
marry  ([ue  vous' me  feissiez  une  querelle  la'dessuaavec  un  personnage 
de  tel  mérite  et  que  j'honore  tant,  et  à  qui  j'ayivr ay ment  des  obliga- 
tions bien  singulières.  M'  Naudé  ni'avoit  envoyé  un  inventaire  plus  de 
5  ou  6  mois  auparavant  la  réception  du  colïro,  et  si  longtemps  que  le 
dict  inventaire  s'esloit  esgaro  pacmy  mes  papiers  et  estoit  demeurà  à 
Boysgency,  les  livres  estant!  venus  dcipuis-  ma  retraitte  en  ceste  viHe. 
Or  je  croys  bien  que  M''  Naudé  ne  m'avoit  pas  achepté  ce  ntessei, 
comme  il  ne  mei  reste  aulcune  souvenance  do  l'avoir  veu  mentionné 
en  son  roolle,  mais  M'  d'Arène  m'apporta  tout  plein  d'à ultres  livres 
de  la  part  de  plusieurs  de  mes  aniys,  et  entr'aultres  de  la  part  du  car- 
dinal Barberin  il  m'apporta  un  aultre  assez  gros  fagot  de  livres  quasi 
tous  imprimez  pour  la  congrégation  de  Propaganda  fide  ou  du  mandat 
d'icelle  en  cez  langues  estrangeres,  ce  qui  me  feit  juger  que  le  messel 
Sclavon  feusse  des  dépendances  de  l'assortiment  des  aultres.  Mais  comme 
si  j'ay  failly,  c'est  innocemment,  je  croy  bien  que  le  pardon  que  vous 
m'en  octroyerez  ne  sera  pas  plus  controversé  que  celluy  que  l'on  ac- 
corde aux  innocentz;  je  suis  bien  marry  que  les  sieurs  Ileinsius  et  (Jn- 
nœeus  se  soyént  si  mal  comportez  envers  M'  Saulmaise,  mais  s'il  est 
loisible  (comme  on  le  révoque  en  doubte  en  ce  siècle)  de  loiier  Dieu 
de  quelque  mal  pour  un  plus  grand  bien,  je  ne  suis  pas  tant  marry 
que  M'  Saulmaise  ayt  subject  de  s'en  retourner  en  Franeei  CependOTit 
à  quelque  chose  malllenr  aura  lousjours  esté  bon,  en  ce  qu'il  aura  peu 
voir  tous  les  bons  ni[anu]s[crit]s  de  ce  pais  là,  durant  l'année  cou- 
rante, et  possible  que  pour  le  ramener  en  France,  il  go  trouverort  en- 


456  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

core  quelque  occasion  de  luy  procurer  quelque  honnesle  appointement 
auprez  du  Roy,  pour  le  faire  revenir  avec  un  peu  plus  d'honneur.  Je 
plains  bien  le  bon  M''Grotius,  et  ne  pense  pas  qu'il  ne  feusse  mieux  en 
France  que  là  où  il  est',  quelque  difficulté  qu'il  y  aye  trouvée  pour 
jouir  de  sa  pension.  Vous  m'avez  obligé  de  me  retenir  ces  deux  volumes 
de  l'Affaire  d'Aurelius  ^,  mais  j'ay  si  mauvaise  mémoire  que  je  n'ay  peu 
me  ressouvenir  d'avoir  veu  la  lettre  du  P.  Sirmond  que  vous  dictes 
m'avoir  envoyée  aultresfois  sur  sa  detfense  touchant  le  passage  du  con- 
cile d'Orenge  ',  mais  je  chercheray  ce  que  vous  m'aviez  envoyé  tou- 
chant son  édition  des  concilez,  pour  voir  si  elle  est  parmy  cela.  Je  vous 
remercie  aussy  du  souvenir  que  vous  avez  de  cez  petites  Republiques 
et  de  cez  livres  que  vous  avez  remis  ez  mains  du  Prieur  de  Roumoules, 
comme  aussy  de  la  recherche  de  ceste  Bibliothecque  de  Gesner  dont  le 
prix  ne  me  semble  pas  si  excessif  à  1 5  livres  veu  sa  rareté.  Puis  que 
les  livres  de  M''  d'Auxerre  ont  trouvé  maistre,  il  faudra  chercher 
aultre  party,  mais  cela  ne  presse  pas  encores  pour  les  globes,  tandis  que 
j'attends  certaine  responce  aprez  laquelle  nous  reprendrons  les  derniers 
errements.  Ce  pendant  je  demeureray, 
Monsieur, 

voslre  Irez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  ay  febvrier  i633. 

Je  vous  ay  bien  de  l'obligation  du  grand  soing  qu'il  vous  plaist  me 


'  Grolius  avait  quitté  la  Hollande  le 
17  mars  lôSa,  et  il  s'était  réfugié  à  Ham- 
bourg, oîi  il  passa  près  de  deux  années  bien 
tristes,  car  il  était  séparé  de  ses  livres  et 
aussi  de  sa  femme ,  dont  l'affection  dévouée 
lui  avait  été  et  devait  lui  être  encore  une  si 
douce  consolation. 

'  Tout  le  monde  sait  que  l'affaire  d'Au- 
relius n'est  autre  que  l'affaire  de  Jean  du 
Vergier  de  Hauranne ,  abbé  de  Saint-Cyran. 
Ijes  deux  volumes  sont  intitulés  :  Vindicùe 


censurée  facultatis  theologiœ  Parisietisis ,  etc. 
(Paris,  1682,  in-4°). 

^  Antinrheticus.  De  canone  Arausicaiio. 
Adversus  Pétri  Aurelii  Thcologi  responsionem , 
qua  ejus  epistolam  injinnare  conalus  est 
(Paris,  Séb.  Cramoisy,  i633,  in-8*).  Voir 
toute  l'histoire  bibliographique  de  la  que- 
relle dans  le  Recueil  des  PP.  de  Backer  et 
Sommervogel,  t.  HI,  col.  8o5.  Conférez  le 
Port-Royal  de  Sainte-Beuve,  t.  I,  1857. 
p.  3 16-317. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  457 

prouiclli'e  concernant  la  transcription  de  cez  petits  opuscules  de  Pon- 
deribus  et  mensuris;  vous  [)ourrcz  voir  ce  que  j'en  escriptz  à  M""  Ki- 
gaull,  et  nie  lerez  plaisir  siiijjulior,  si  par  hazard  il  insistoit  d'en  vou- 
loir transcripre  luy  mesme  quelque  pièce,  de  vous  employer  pour  l'en 
dissuader,  n'estant  pas  en  cela  que  je  désire  qu'il  m'obli{i[e  et  n'estant 
nullement  raisonnable  de  luy  laisser  prophaner  son  temps  pour  si  peu 
de  chose,  laquelle  neantnioins  est  si  pénible  et  importune.  Si  M' Valloys 
avoil  assez  de  loysir  et  de  bonne  volonté  d'en  entreprendre  quelqu'un 
des  plus  anciens  et  des  plus  briefz,  je  ne  le  reffuserois  pas  de  la  sorte, 
et  m'asseure  que  vous  n'y  espargneriez  pas  voz  suasions,  comme  je  vous 
en  supplie.  Mais  puis([ue  dans  la  bibliotlietpie  il  n'y  a  aulcun  m[anu]- 
s[critj  du  Marcellus,  du(juel  je  me  prometz  plus  de  secours  que  de  tout 
le  reste,  s'il  y  avoit  moyen  d'en  descouvrir  quelque  aultre  exemplaire 
en  quelque  part  dans  ces  païs  bas  ou  ailleurs,  ce  me  seroit  une  obliga- 
tion beaucoup  plus  etroitte  et  plus  sensible,  principalement  s'il  y  avoit 
moyen  de  me  procurer  coppie  de  cez  deux  petites  pages,  de  la  matier* 
des  poidz  et  des  mesiu-es,  qui  sont  en  teste  de  ses  livres  de  Medica- 
mentis,  et  tousjours  vous  aurois  je  beaucoup  d'obligation  de  pouvoir 
apprendre  pai'  vostre  moyen  s'il  ne  s'en  trouve  quelque  exemplaire 
(piclque  part  que  ce  soit,  car  si  vous  n'y  aviez  des  addresses.  je  pense 
qu'il  y  auroit  bien  moyen  d'en  trouver  quelqu'une  sullizante  pour  nous 
faire  avoir  la  communication  de  ce  peu  de  lignes  qui  nous /om<  '  tant 
de  besoing. 

Le  livre  que  vous  m'aviez  envoie  du  pais  des  Hurons  in  8°'^  a  passé 
les  montz,  tellement  qu  il  fauldra  que  je  tasche  den  avoir  un  aultre  par 
vostre  moyen,  s'il  vous  plaist,  et  un  certain  livre  dont  on  me  faict  leste 
d'un  enfant  qui  parle  sans  langue.  On  m'a  pareillement  faict  feste  d'une 
Histoire  de  l'Abbaye  S'  Victor  lez  Paris  en  deux  volumes',  et  d'une 
nouvelle  Chronique  de  Flandres  en  plus  d'un  volume  aussy  qu'il  fauldra 

'   Par  un  lapsus  Peiresc  a  écrit  ont.  S.  Victor  lis-Paris,  succession  des  abbés ,  pri- 

'  Dictionnaire  de  la  langue  Imivmu,  par  vilèges  et  singularités  d'ieelle,  par  Jean  de 

le  P.  Gabriel  Safjart  (Paris,  i63j.  in-8°).  Thoulouse,  religieux  de  celte  pbbaye  (Pari», 

'  Abrégé  de  la  fondation  de  l'abbaye  de  i63o,  in-fol.). 


458  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

bien  avoir  en  son  temps.  Cette  édition  du  Pétrone  dont  parle  Dom  du  Puv, 
avec  des  Notes  de  feu  M"'  vostre  père,  merileroit  bien  d'estre  veue  et  le 
libvrc  dont  le  P.  Mercene  escript  à  M"' Gassendi,  faict  contre  le  Galilée 
en  latin  à  Pise  '  où  je  l'ay  envoyé  demander-. 


XGVII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
J'ay  receu  vostre  despesche  du  26"  avec  la  response  de  du  Moulin 
à  Balsac^  et  ce  petit  mémoire  ou  liste  des  trouppes  françoises  du  bu- 
reau des  addresses  du  iB"  febvrier  que  j'ay  prins  plaisir  de  voir  et  en- 
cores  plus  le  mémoire  qui  est  en  teste  portant  que  moyennant  deux 
pistoHes  par  an  ilz  se  chargeront  de  faire  tenir  les  gazettes  et  relations 
chaque  sepmaine,  ce  que  j'accepterois  bien  volontiers  s'ils  se  vouloient 
charger  de  me  les  addresser  au  mesme  temps  qu'ilz  les  adressent  à 
M""  le  Mareschal  et  payerois  icy  le  port  des  pacquetz  à  proportion  du 
reste  que  je  reçois  icy  par  chaque  ordinaire.  Ce  qui  vous  deschargeroit 
du  soing  de  les  envoyer  prendre  et  de  les  envoyer  à  la  poste  à  heures 
extraordinaires  et  peut  cstre  indeubes  pour  les  faire  arriver  à  Lyon  au 
temps  qu'il  fault  pour  venir  de  là  icy  par  nostre  ordinaire  qui  ne  part 
de  Lyon  que  le  mercredy  sur  les  1  o  à  onze  heures,  qui  est  quatre  ou 
cinq  heures  aprez  le  despart  de  vostre  ordinaire  du  vendredy,  dans  le- 

'  DuUuitioncs  in  dialogiim  Galilœi  I.yncei  de  Padoue.) —  On  trouvera  plus  loin  qucl- 

in  Gymnasio  Pisano  mathemalici  supraordi-  ques    renseignements    sur    le    professeur 

narii,  auctore  Claudio  Bcngardo  in  eadem  Claude  Berigard  (noies de  la  lettre  CXXXV). 
Acàdemia  philosophiain  projitente.  Florentiœ ,  '  Vol.  717,  fol.  909.  , 

ex  iyp.  Pétri  Nesli  suh  slgiio  solis  siDCXXxn.  ^  Réponse  à  la  lettre  de  M.  Balzac  (1  633 , 

i^c  livre  a   été  imprimé  à  Florence,  mais,  in-S").  Sur  Je  ministre  Pierre  du  Moulin, 

comme  l'écrit  feivcic,  fait  à  Pise,  où  Be-  voir  t.  I,  p.  216.  Conférez  les  Lettres  de 

rigard  était  professeur.  (Communication  de  Jean  Chapelain,!.  I,  p.  5,  ta,  i3.  etc. 
M.  Antonio  Favaro,  professeur  à  l'université 


[1G33]  AUX  FRKHES  DUl'UY.  459 

quel  temps  il  passe  aflorce  courriers  extraordinaires  sur  le  chemin  de 
Paris  à  Lyon,  ])ar  lesquels  ccz  gentz  là  trouvent  assez  de  moyen  de 
laiic  tenir  leurs  despesclies  soubs  les  enveloppes  de  M''  du  Lieu  qui 
tient  particulière  correspondance  avec  leur  bureau ,  comme  Ton  m'a  dict . 
tellement  qu'il  suffiroit  que  celluy  d'entr'eulx  qui  se  charjjeroit  de  ceste 
commission  mit  les  feuilles  de  la  Gazette  soubz  une  enveloppe  addressée 
à  moy,  jointe  aux  aultres  depesclies  qu'ils  envoyent  à  M""  du  Lieu  soubs 
l'addresse  d'icelluy,  lequel  ne  feroit  que  les  joindre  au  fajjot  que  l'ordi- 
naire i)orte  de  Lyon  en  ceste  ville,  et  je  me  contenterois  d'en  avoir  un 
exemplaire  de  ceste  façon  là;  mais  parce  que  cez  feuilles  se  perdent  la 
plus  part  du  temps  entre  les  mains  des  amis  qui  prennent  plaisir  d'en 
avoir  la  communication,  il  fauldroit  m'en  reserver  là  un  exemplaire  de 
chaque  feuille  au  net,  et  en  faire  liasse  pour  me  les  faire  tenir  par 
après  quand  il  y  a  commodité  de  fagot  d'aultres  livres  ausquels  cela 
pourroit  estre  joint.  Et  quand  il  se  presenteroit  quelque  occasion  pres- 
sante de  nous  escripre  hors  du  temps  du  despart  de  l'ordinaire,  il  n'y 
auroitpas  de  danger  de  tenir  la  mesme  voye,  et  en  un  besoing  envoyer 
une  petite  lettre  à  cez  gentz  là ,  pour  la  joindre  à  leur  gazette,  de  quoy 
nous  nous  serions  bien  prevaluz  cez  jours  passez,  si  vous  nous  eussiez 
peu  donner  advis  des  changementz  qu'on  dict  estre  advenuz  à  la  cour 
le  samedy  96"  du  mois  passé  ',  dont  la  nouvelle  fut  apportée  en  ceste 
ville  des  jeudy  au  soir  par  un  courrier  extraordinaire  qui  disoit  n'eslre 
party  que  de  lundy  dernier,  mais  par  ce  qu'il  n'apporta  des  lettres  qu'à 
une  seulle  personne  ou  deux  et  qu'elles  n'estoient  pas  trop  bien  cir- 
constanciées, on  ne  croyoit  guieres  les  aultres  parlicularitez  qu'il  y  ad- 
joustoit  de  bouche,  et  le  pix  est  que  l'ordinaire  qui  arriva  deux  jours 
aprez  n'en  apporta  du  tout  rien.  J'ay  prins  grand  plaisir  de  voir  la  dé- 
claration de  cez  relligieux  du  19*  febvrier  et  ay  apprins  que  l'année 
passée  il  en  avoit  esté  faicte  une  quasi  pareille,  où  estoit  intervenu  Je 
gênerai  des  Jacobins,  laquelle  meriteroit  bien  d'estre  jointe  à  celle  cy. 

'  Destitution  et  arrestalion  du  gtirde  des  sceaux  Charles  de  l'Aubespine,  marquis  de 
(iliAtooiuieuf.  Ce  fut  le  9.5  février,  à  sept  heures  du  soir,  que  Châteauneuffut  arrêté.  Voir  Reeneil 
Aveiiel,  t.  IV,  p.  4a8. 

58. 


460  LETTRES  DE  PEIRES.C  [1633] 

Mais  j'en  ay  bien  pris  davantage  à  la  lecture  de  la  lettre  de  M'  de 
Saulmaise,  oii  j'ay  trouvé  de  trez  belles  clioses  à  apprendre,  et  qui 
augmentent  bien  mon  de§ir  de  voir  la  coppie  de  ccz  m[anu]s[crit]s  de 
la  bibliothèque  du  Roy  que  M''  Rigault  me  faict  espérer,  afin  de  voir 
s'il  y  aura  moyen  de  concilier  toutes  ces  contraiietez  ou  diversitez  qui 
se  trouvent  en  ceste  matière  dans  les  anciens  autheurs.  Il  allègue  un 
vieil  autheur  imprimé  avec  le  Nicandre  ou  un  certain  fragment  qu'il  dict 
estre  derrière  le  dict  Nicandre  qui  ne  s'est  point  trouvé  en  deux  éditions 
que  j'ay  de  cet  autbeur,  l'une  Gi-ecque  et  Latine  in  lx°  de  Paris  de 
l'an  1557',  i'aultre  qui  n'est  que  Grecque  seulement  avec  un  petit 
scoliaste  Grec  qui  est  en  petit  h°  de  datte  un  peu  plus  vieille-,  dans  le- 
quel scoliaste  j'ay  trouvé  quelque  chose  des  mesures  en  quelque  en- 
droict,  mais  je  ne  pense  pas  que  ce  soit  ce  que  M""  Saulmaise  allègue; 
c'est  pourquoy,  s'il  y  avoit  moyen  de  trouver  cette  édition  à  Paris,  sinon 
à  achepter,  au  moins  à  emprunter,  vous  me  feriez  un  singulier  plaisir 
de  m'en  procurer  l'acquisition  ou  communication,  afin  que  j'eusse  plus 
de  moyen  en  voyant  cet  autheur  de  juger  du  temps  qu'il  a  vescu,  pour 
pouvoir  mieux  resouldre  les  difficultez  de  M""  de  Saulmaise,  à  qui  j'ose 
me  promettre  de  pouvoir  donner  quelque  petite  satisfaction  qui  ne 
sera  peut  estre  pas  des  plus  communes.  Je  vous  envoieray  sa  lettre  avec 
la  responce  que  je  luy  feray,  mais  je  crains  bien  qu'il  ne  me  faille  at- 
tendre les  prochains  feriatz  de  Pasques,  attendu  le  peu  de  relasche  <[ue 
nous  avons  maintenant  au  Pallaix ,  dans  lequel  temps  je  pourray  escripre 
un  mot  à  M"  Galand  si  vous  et  M'  Bely  le  trouvez  à  propos,  car  je 
tiendray  fort  relligieusement  sub  sigillo  ce  queM""  Galland^  trouvera  bon 
de  m'en  communiquer,  et  ne  m'en  vanteray  nullement,  vous  asseurant 
que  je  suis  grandement  punctuel  en  telles  occasions  et  grandement 
jaloux  d'observer  tout  ce  que  mes  amis  peuvent  désirer  de  moy  eu 

'   Theriaca  et  Alexipharmaca ,  gr.  et  ht.  resc    et    qui    ne   contient   que    du   grec. 
inteift:  Jo.   Goirœo,    cum    ejusdem    annot.  ''  Le  mot  Galland,  écrit  en  cette  ligne 

Paris,  Guiii.  More! ,  1657.  avec  deux  /,  est  écrit  avec  uu  seut  /  dans  ta 

^  Ce  devait  être  l'édition  de  Cologne,  ligne  précédente. 
i53o,  qui  est  du  format  indiqué  par  Pei- 


[1633]  AUX  FRKRES  DUPUY.  461 

tout  ce  qui  se  trouve  à  ma  disposition  comme  peut  estre  cela.  J'atlen- 
dois  la  commodité  des  prochains  feriatz  pour  pouvoir  un  peu  fouiller 
dans  mes  papiers  et  y  chercher  certaine  chartre  que  me  demande 
M'  Bely,  dont  je  suis  asseuré  d'avoir  la  coppie  bien  que  je  ne  i'aye  pas 
sceu  trouver  cez  jours  passez  lorsque  le  dict  sieur  Bely  me  la  fit  de- 
mander, à  qui  je  ne  manqueray  pas  d'escrire  aussy,  ensemble  à 
M'  du  Chesne;  que  sy  ce  pendant  le  dict  sieur  de  Bely  se  donne  la 
peine  de  m'escripre  de  ce  que  vous  me  mandez,  je  luy  en  seray  encore» 
plus  obligé,  et  luy  pourray  par  mesme  moyen  faire  une  plus  exacte 
responce  aux  aultres  clioscs  qu'il  vouidra  de  moy;  cependant  je  seray 
bien  ayse  que  vous  envoyez  ù  M'  de  Saulmaize  mon  registre  du  Boy  de 
Cypre.  Il  me  demande  des  livres  Gophtes,  que  je  tascheray  de  retirer 
des  mains  d'un  bien  honneste  homme  qui  en  a  bien  faict  son  profTict 
depuis  le  temps  que  je  luy  prestay  les  trois  volumes  que  j'ay,  mais  il 
faudroit  avoir  ceux  du  cavalier  Pictro  délia  Valle,  et  particulièrement 
le  Lexicon  qu'il  a  tout  entier,  lequel  il  a  remis  entre  les  mains  d'un 
bon  Gordelier  qui  n'en  sçaura  pas  faire  son  proflict  comme  feroit 
M'  Saulmaize  et  aultres.  Nous  attendrons  en  bonne  dévotion  la  venue 
de  tous  cez  petits  volumes  des  Republiques  et  cez  deux  de  vostre  Au- 
relius  que  vous  avez  joint  aux  Arabes,  et  qu'il  vous  plaise  me  mander 
quel  party  on  voudia  faire  des  œuvres  de  Goltzius  à  ce  mien  amy  qui 
désire  les  avoir,  pour  qui  je  vous  en  avois  escript  cez  jours  passez, 
bien  marry  des  fréquentes  iinportunitez  que  nous  vous  donnons  à  toutes 
heures;  n'ayant  rien  maintenant  à  vous  envoyer  en  revanche  et  me 
trouvant  entre  les  mains  la  commission  du  conseil  souverain  estably 
par  le  Roy  à  Ciiatnbery  tandis  que  la  Savoye  estoit  entre  les  mains  de 
Sa  Majesté,  ensemble  des  articles  particuliers  et  des  lettres  des  Am- 
bassadeurs de  Sa  Majesté,  en  vertu  de  quoy  ceste  compagnie  se  retira, 
n'ayant  pas  eu  assez  de  temps  pour  les  faire  transcripre  à  mon  homme 
comme  c'eust  esté  de  mon  desseing,  j'ay  creu  (ju'il  valloit  mieux  vous 
envoyer  les  minuties  que  j'en  avois,  sur  lesquelles  vous  pourrez  prendre, 
ou  bien  M"  de  Lomenie,  tout  ce  qui  vous  pourroit  estre  eschappé. 
On  nous  avoit  voulu  dire  icy  qu'il  s'estoit  formé  trois  advis  dans  le 


A62  LETTRES  DE  PEIRESC  [1G33] 

Parlement  aux  chambres  assemblées  en  délibérant  sur  la  déclaration 
du  Roy  pour  la  restriction  du  terme  de  cinq  ans  à  purger  la  contumace 
et  que  Messieurs  les  gentz  du  Roy  mesmes  avoient  apporté  quelque  mo- 
diffîcation  à  leurs  conclusions  sur  ce  subject,  mais  vous  en  debvez  bien 
avoir  de  meilleurs  avis  et  plus  asseurez  que  nous.  Il  s'est  aujourdhuy 
faict  un  baptesme  bien  célèbre  en  ceste  ville  d'une  fille  du  comte  de 
Bourbon  '  tenue  par  Madame  la  Mareschale  de  Victry,  dont  vous  aurez 
une  petite  relation  cy  jointe,  avec  quoy  je  finiray  par  les  souhaiclz  de 
vous  pouvoir  obéir  et  servir  comme  le  doibt  de  tout  son  coeur, 
Monsieur, 

vostre  Irez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  7  mars  i633. 

M'  Saulmaize  prend  ses  principaux  fondementz  sur  ce  qu'il  a  vu 
d'Affricanus  de  Mensuris  qui  est  celluy  que  j'avois  jugé  des  princi- 
paulx  et  que  j'avois  prié  M'  Rigault  de  me  faire  transcripre  tout  le  pre- 
mier, tellement  que  vous  m'obligerez  beaucoup  si  vous  me  l'envoyez  si 
tost  qu'il  sera  transcript,  principalement  si  je  le  pouvois  avoir  avant 
que  les  feriatz  de  Pasques  nous  eschappent  afin  de  m'en  pouvoir  pre- 
valloir  en  escripvant  à  M'  Saulmaise  ce  que  j'avois  envie  de  luy  escripre 
sur  ceste  matière;  que  s'il  ne  peult  venir  si  tost,  je  vous  supplie  de 
m'escripre  pour  le  moins  de  quel  temps  M'  Rigault  pense  qu'ayt  vescu 
et  escript  le  dict  Affricanus,  comme  aussy  en  quel  temps  peut  avoir 
vescu  et  escript  à  peu  prez  cet  aultre  autheur  anonyme  de  men- 
suris que  M'' Saulmaise  dict  avoir  esté  imprimé  derrière  le  Nicandre, 
pour  voir  si  cela  me  pourroit  ayder  aux  inductions  que  je  voudrois 
faire  des  passages  que  M"^  Saulmaise  m'a  alléguez  tant  de  l'un  que  de 
l'aultre. 

'  Ce  comte  de  Bourbon  (levait  être  Claude  mourut  sans  laisser  de  postérité,  mais  Ten- 
de Bourbon,  comte  de  Busset,  né  en  1689,  faut  dont  il  est  ici  question  mourut  peut- 
mort  en  i645,  qui  avait  épousé  Louise  de  être  en  bas  âge. 
la  Fayette.  Les  généalogistes   disent  qu'il 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  463 

Je  n'oublieray  point  le  chat  pour  M' de  Bellievre'  si  tost  que  la  saison 
pourra  le  permettre '^ 


xcvni 

À  MOISSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUV, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Vostre  despesche  du  i  n'est  point  veniie  plus  tost  ne  par  aultre  voye 
que  par  celle  du  4""',  par  nostre  ordinaire  qui  part  de  Lyon  le  mer- 
credy  à  dix  heures.  J'ay  esté  infiniment  aise  d'y  apprendre  tant  de  belles 
particularité/  sur  cette  occurence,  que  nous  n'avions  pas  sceiies  la  plus 
part,  ne  avec  tant  de  certitude,  dont  je  vous  rends  mille  Irez  humbles 
grâces',  marry  de  ne  vous  pouvoir  rien  mander  en  revanche,  n'y  ayant 
rien  icy,  pour  le  présent,  que  le  passage  du  Genturionne*  Ambassa- 
deur de  Gènes,  qui  se  mil  en  liltiere  à  Marseille  au  sortir  de  la  ga- 
lère, sans  attendre  les  compliments  de  M"'  le  Mareschal  de  Victry.  Les 
pages  de  M""  de  Brassac^  avec  le  reste  de  son  train  s'y  est  desbarqué 
depuis  deux  jours,  et  l'un  de  ses  pages,  filz  de  M'  de  Mouslier",  qui 
m'est  venu  voir  à  ce  soir,  m'a  dict  que  Madame  de  Brassac'  estoit  desja 
à  Florence  en  liltiere ,  lorsqu'ils  estoient  encores  à  Givita  Vecchia.  Ou 
nous  dict  icy  que  le  Roy  a  desja  revocqué  l'édict  des  V  ans  des  con- 
tumaces, et  que  Monseigneur  le  Garde  des  seaux  d'Autry^  parle  de 


'  Un  fils  du  président  Nicolas  de  Bel- 
lièvi'e,  président  mentionnti  dans  le  tome  I, 
p.  656. 

'  Vol.  717,  fol.  211. 

'  L'occurence  ëtail  rarrestalion  du  mar- 
quis do  Cliâteauneuf. 

'  Augustin  Genturionne,  dëjh  plus  haut 
mnntionni?. 

'  Jean  Galard  de  Bëarn,  comte  de  Bras- 
sac,  ambassadeur  à  l{ume. 


*  S'agil-il  là  d'un  (ils  du  fameux  peintre 
Daniel  du  Moustier? 

'  Le  comte  de  Brassac  avait  t'pousë,  le 
16  avril  160 a,  Catherine  de  Sainte-Maure, 
fille  (te  François  de  Sainte-Maure,  baron  de 
Monlauzier. 

'  Pierre  S^^ier,  le  successeur  de  Cbâ- 
teauneuf,  dtait,  comme  Jean  Seguier,  son 
père,  seigneur  d'Autrj,  et  fut  longfeni|»s 
connu  sous  ce  dernier  nom.  Il  avait  épousa 


kU  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

revocquer  l'augment  du  seau.  Ce  seroit  un  bien  digne  commauce- 
ment.  Au  reste  j'ay  receu  le  Ferrandus  ^  dont  je  vous  remercie  trez 
humblement,  ensemble  le  Lanzbergius,  au  lieu  duquel  j'eusse  bien 
voulu  avoir  les  canons  de  Mayance,  ou  sur  l'édition  de  Mayance, 
pour  avoir  ce  qu'il  y  a  du  dict  Ferrandus  sur  le  subject  que  je  vous 
en  avois  touché.  J'ay  veu  le  petit  bordereau  des  livres  de  Drouard  et 
Camusat  que  vous  avez  retirez,  où  il  n'y  a  rien  à  dire  que  de 
louer  vostre  bon  mesnage  et  vous  supplier  d'excuser  mes  importu- 
nitez  trop  fréquentes.  Quant  aux  livres  de  Gorlœus  et  de  l'Erizzo^ 
il  vault  mieux  les  laisser  que  de  les  prendre  à  un  prix  si  desraisonable, 
et  fauldra  attendre  quelque  occasion  moings  dezadvantageuse.  Mais 
pour  ce  Golzius,  je  vouldrois  bien  sçavoir  le  nombre  des  volumes,  et 
s'ils  sont  aussy  bien  complets  de  la  nouvelle  édition,  comme  de  la 
vieille,  à  cause  de  ce  volume  des  Empereurs  qui  y  manque  souvent  en 
taille  de  boys,  et  à  cause  du  petit  volume  de  Tibère,  et  du  supplément 
de  la  Grœcia,  qui  n'est  pas  avec  la  vieille  édition,  si  on  ne  l'y  joinct 
séparément  et  à  part'.  Sur  quoy  j'attendray,  s'il  vous  plaict,  vostre 
responce  pour  choisir  par  aprez  celuy  qui  sera  plus  agréable  à  ce  mien 
amy.  Car  pour  les  figures,  la  vieille  édition  vault  mieux,  mais  il  y  a  de 
bonnes  additions  en  la  nouvelle,  qui  ne  peuvent  estre  en  la  vieille.  Jay 
honte  de  la  peine  que  vous  donnent  si  souvent  mes  importunes  com- 
missions des  livres,  oii  je  vous  supplie  de  ne  pas  oublier  cez  petites 
pièces  en  langue  Bas  bretonne  et  Basque.  Je  félicite  M'  du  Chesne  de 


une  cousine  de  Peiresc ,  Madeleine  de  Fabri, 
née  le  aa  novembre  1697,  ''^'^  '^^  •'^^"  ^^ 
Fabri,  Irésorier  général  de  l'extraordinaire 
des  guerres,  seigneur  de  Ronieville,  de 
Champauzé,  etc.  On  a  plusieurs  lettres  de 
Peiresc  à  son  parent  Pierre  Seguier  :  une 
autographe,  h  la  Bibliothèque  nationale 
(fonds  français,  vol.  17873,  fol.  99),  les 
autres  à  l'état  de  minutes  à  Carpentras  (re- 
gistre I  de  la  Correspondance). 

'  Fulgentius  Ferrandus.  Voir  plus  haut 
(lettre  LIX). 


'  Sébastien  Erizzo,  né  à  Venise  le  19  juin 
i5a5,  mourut  le  5  mars  i585.  Voir  la  liste 
de  ses  ouvrages  dans  l'article  de  Ginguené 
[Biographie  universelle).  Conférez  le  Manuel 
du  libraire  (t.  il,  col.  1067).  Je  suppose  que 
le  livre  d'Erizzo  demandé  par  Peiresc  était 
le  Discorso  sopra  le  medaglie  degli  antichi 
(Venise,  i5o9,  in-4°)  dont  la  4'  édition, 
fortaugmentée,estde  1671  (Venise,  in-4°). 

'  Voir  l'article  déjà  «té  sur  Golu  {Hu- 
ber) ,  du  Manuel  du  libraire  (t.  II ,  col.  1 653  ). 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  465 

la  rencontre  de  ce  beau  refjistrc  de  Loys  le  jeune  qui  méritera  bien 
d'estre  examiné  par  M'  du  Puv,  voslre  frère'.  Il  v  debvroit  bien  avoir 
quelque  notable  pièce  pour  les  pairrics.  M'  d'Aubray  doibl  avoir  tiré 
de  beaux  extraicts  de  sa  rechercbe  pour  les  registres  du  conseil,  qui 
meriteroient  bien  de  n'estre  pas  tenus  en  lieu  d'où  il  ne  se  peusse  tirer 
quelque  coppie  pour  les  conserver  mieux  que  l'on  n'a  faict  les  origi- 
naulx  des  registres,  puis  qu'il  s'en  est  tant  perdu.  Car  aultres  foys  j'ay 
chercbé  un  Arrest  célèbre  du  conseil  pour  M""  de  Janson,  qui  ne  se 
peut  jamais  trouver  non  plus  que  ceux  de  François  H  bien  qu'il  fusse 
beaucoup  moings  ancien.  Je  pensois  que  M"^  de  Lomenie  deubst  avoir 
celuy  de  François  11.  J'attends  vostre  responce  avant  que  m'oscr  dis- 
])enser  d'escripre  à  M"' Holstenius  ;  il  y  a  plus  d'un  an  que  je  n'ay  poinct 
eu  de  ses  lettres*.  Il  m'a  envoyé  faire  des  excuses,  et  M'  de  Fontenay 
Bouchard  m'escript  qu'ils  ont  tous  deux  faict  une  grande  reclierchc 
au  Vatican  pour  l'amonr  de  moy  des  Autlieurs  m[anu]s[crit]s  de  pon- 
deribus  et  mensuris^  et  qu'ils  en  ont  attaqué  d'aulcuns  de  leur  main 
dont  nous  debvons  bientost  voir  quelque  chose.  Je  vouidrois  bien 
qu'ils  y  eussent  trouvé  le  Marcellus  et  le  Fannius. 

M'  le  Mareschal  m'a  dict  que  c'est  iV^  du  Lieu  qui  luy  envoyé  main- 
tenant si  l'eglement  la  gazette  anticipée  de  huict  jours.  Si  vous  acceptez 
le  marché  dont  je  vous  escripvis  l'aultre  jour,  je  croys  que  nous  les 
aurons  de  mesme  datte  sans  vous  en  donner  le  seing,  et  qui  plus  est 
que  soubs  l'enveloppe  de  cez  intendants  du  Bureau  d'adresse,  on  pour- 
roit  faire  parfoys  passer  plus  viste  que  de  coustume  quelque   petite 


'  I.e  registre  de  f.ouis  le  Jeune  Iroiivë 
par  cel  érudit  est  celui  d'après  lequel  la 
correspondance  de  ce  roi  a  ëlé  publiée  dans 
le  tome  IV  des  Scriplores  de  Uuciiesne  et  le 
lonic  XVI  du  Recueil  des  Historiens  de  France. 
(Coninuuiicalion  de  M.  I^Aipold  Delisle.) 

■  Peiresc  se  trouipail  queli|uc  peu,  car  il 
y  avait  cinq  mois  ii  peine  qu'il  avait  reçu 
(Je  Holstenius  la  lettre  du  'i  octobre  iG3a 
(cilëe  plus  haut),  où  le  docte  humaniste  lui 


rendait  compte  de  son  voyage  en  Allemagne 
et  en  Pologne. 

'  Voir  cette  lettre,  du  t8  février  i633. 
dans  le  fascicule  III  des  CoirespondanU  de 
Peiresc  (i 88t ,  p.  <)-i  f  ).  J.-J.  Boucbord  dit 
(p.  Il)  :  (tNous  avons  coiniuencé,  M.  Hol- 
stenius et  moy,  à  chercher  dans  le  Vatican 
tout  ce  qui  traite  de  ponderUm*  et  tnen- 
suris. .  .n 


39 


larititutt   ■«rio^tii. 


leO  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633J 

lettre  loi-sque  les  occasions  s'en  presenteroient  comme  celle  du  i"  mars 

dernier  si  elle  eust  esté  mise  dez  le  ^6"  febvrier  à  la  poste.  Il  est  un 

peu  tard,  ce  qui  me  constraint  de  finir  par  mes  protestations  ordinaires 

des  voeux  que  je  faicts  journellement  pour  vostre  service,  comme 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur. 

DE  Peiresc. 

A  Aix,  ce  ih  mare  i633  '. 


XCIX 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DE  THOU, 
À  PARIS. 

Monsieur, 
Les  bonnes  intentions  que  vous  avez  si  souvent  tesmoignées  envers 
le  public,  et  au  soulagement  des  subjects  du  Roy,  et  les  particulières 
inclinations  que  vous  avez  faict  paroistre  pour  les  advantages  de  ceste 
pauvre  et  désolée  Province,  et  pour  le  restablissement  du  commerce 
qui  s'y  ruine  si  fort  journellement,  m'a  faict  espérer  que  vous  y  con- 
tribueriez volontiers  vostre  favorable  intercession  en  tout  ce  que  vous 
la  jugeriez  propre  auprez  de  voz  amys,  et  vostre  protection  particu- 
lière, et  m'a  faict  prendre  par  mesme  moyen  la  hardiesse  de  vous  en 
requérir  comme  je  faicts  trez  humblement,  et  de  vous  recommander 
aultantque  jele  puis  la  personne  de  Monsieur  de  Bourgongne,  premier 
consul  de  la  ville  de  Marseille-,  au  voyage  qu'il  s'en  va  faire  en  cour  pour 


'  Vol.  717,  foi.  2 13. 

'  Je  n'aurais  rien  à  dire  sur  M.  d<i  Bour- 
gogne, si  je  ne  retrouvais  son  nom,  pré- 
réAé,  par  suite  d'une  faute  d'impression,  du 
mot  M  on  noignmr  [pour  Monsieur),  dans  une 
lettre  écrite  de  Marseille  ]>ar  Balthazar  de 
Viask  Peiresc,  le  27  août  1627  (fascicule  VI 
des  Correspondants  de  Peiresc,  1  883 ,  p.  1  7). 
Un  peu  plus  loin  (p.  20)  dans  une  lettre  du 


3i  décembre  1.637,  sont  ntenlionnées  M""  et 
M"'  de  Bourgogne  cpii,  ainsi  que  M""  de 
Vias,  avaient  fait  une  visite  à  la  fameuse 
baronne  t!e  Beausoleil.  Le  registre  VI  des 
minutes  de  l'Inguimbertine  à  Car|)enlras 
renferme  deux  lettres  de  Peiresc  à  sa  pa- 
rente M"'  de  Bourgogne;  l'une,  du  3o  oc- 
tobre 1626  (fol.  571);  l'autre^,  du  r>3  juin 
162.5  (fol.  761). 


11633]  AUX  FRÈRKS  DUPUY.  467 

cesubject,  à  qui  nous  avons  riionueur  d'apparlenir  de  si  prez,  que  nous 
ne  debvoiis  pas  avoir  moins  de  pari  (jue  luy  à  toutes  les  faveurs  et 
bieni'aicls  qu'il  pourra  recevoir  de  vostre  main.  Le  bruict  de  l'abolition 
que  Monseijjucur  le  Cardinal  de  Lyon  a  obtenue  pour  cette  ville  là 
faict  espérer  la  grâce  toute  entière,  non  seulement  pour  Lyon,  mais 
pour  touts  les  peuples  voisins  qui  y  peuvent  participer,  et  principalle- 
ment  pour  ceux  de  nostre  coste,  qui  y  ont  leurs  plus  inqjortantes  coi- 
respondances.  Les  choses  de  la  marine  nous  sont  si  à  coeur,  que  je  ne 
dou])le  nullement  que  vous  ne  vous  employiez  volontiers  en  cette  oc- 
curancc  comme  je  vous  en  supplie  et  conjure  Irez  humblement,  et  de 
me  vouloir  continuer  l'iionneur  de  voz  bonnes  grâces  comme. 
Monsieur,  à 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  30  mars  i633  '. 


À  MONSIEUR,   MONSIEUR  DU  PUY. 
À  PARIS. 

Monsieur, 
J'ay  receu  vostre  despesche  du  xi'  de  ce  mois,  et  soubs  une  autre 
enveloppe  les  gazettes  du  5'  et  sej)arement  le  pacquet  de  M*"  L'Iiuillier 
.sans  estre  soubz  vostre  enveloppe,  le  tout  venu  par  le  dernier  ordinaire 
party  de  Lyon  seulement  le  i  G ,  par  où  j'ay  recogneu  qu'il  n'a  de  guieres 
servy  que  vous  ayez  mis  à  la  poste  les  Gazettes  en  enveloppes  séparées 
lorsque  vous  les  avez  peu  recouvrer,  puis  qu'elles  n'arrivent  pas  assez  à 
temps  à  Lyon  pour  partir  le  8"°' comme  avoienl  faicl  celles  de  M""  le  Ma- 
reschal  que  nous  vismes  dez  le  sabmedy  .\n*  de  ce  mois,  ne  doubtanl 
point  qu'il  n'aye  receu  sabmedy  dernier  la  gazette  du  xu*  que  nous  ne 


Vol.  717,  loi.  Jiâ. 


09. 


468  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

recevrons  si  ce  n'est  samedy  prochain,  et  si  bien  nous  ne  l'avons  en- 
core veiie  icy  c'est  parce  que  M""  le  Mareschal  est  allé  faire  son  entrée 
à  Arles  où  ses  despesches  luy  ont  esté  portées.  J'estime  que  le  Gazelier 
veult  que  la  distribution  qu'il  faict  de  ses  Gazettes  liors  de  Paris  soient 
expédiées  et  ses  despesches  parties  avant  que  rien  mettre  en  vente  dans 
la  ville  ;  c'est  pourquoy  il  fauldra  enfin  passer  par  ses  mains ,  et  les 
tenirde  luy  seul,  conformément  au  party  des  deux  pistolles,  pour  les- 
quelles il  a  promis  d'en  envoyer  à  tous  ceux  qui  en  vouldroient  hors 
la  ville  de  Paris,  dont  je  souflViray  fort  patiemment  les  conditions, 
pourveu  que  je  puisse  les  recevoir  dans  la  huictainc  comme  les  aultres 
qu'il  tient  pour  recommandez,  et  en  ce  cas  il  ne  sera  pas  de  besoing 
d'en  prendre  plus  d'un  exemplaire  puis  qu'il  promet  d'en  reimpri- 
mer des  assortimentz  tous  entiers,  ainsy  que  l'on  a  faict  en  Alle- 
magne des  recueilz  du  Mercurius  Gallobelgicus,  à  ce  que  j'ay  peu 
recognoistre  dans  la  grande  fueille  ((ue  vous  m'avez  envoyée,  où  j'ay 
trouvé  de  plaisantes  criées  et  proclamations  de  choses  perdues  capables 
de  se  faire  entendre  de  bien  plus  loing  que  celles  qui  se  font  par 
les  carrefours  et  aux  prosnes,  mais  je  les  estimerois  bien  d'avan- 
tage si  on  pouvoit  introduire  la  mode  par  ce  moyen  là  de  recouvrer 
un  livre  rare  quand  on'  en  a  euvie  et  qui  ne  s'en  trouve  pas  chez 
les  libraires  communément  et  quand  quelqu'un  se  vouldroit  deflaire 
de  quelques  livres  bien  curieux,  pour  advertir  qu'ilz  sont  en  vente  les 
pereonnes  esloignées  qui  en  peuvent  avoir  plus  affaire  que  ceux  qui  en 
sont  presentz  comme  l'on  a  pratiqué  aulcunes  fois  pour  les  bibliothèques 
ou  boutiques  entières;  je  pense  qu'on  y  viendra  en  Cm,  mais  je  vou- 
drois  bien  que  ceste  invention  eust  esté  introduire  lorsque  mon  ca- 
binet fut  volé,  car  cela  m'en  eusse  possible  faict  descouvrir  quelque 
pièce,  ayant  esté  si  malheureux  que  de  n'en  pouvoir  jamais  apprendre 
d'aultres  nouvelles  que  des  fortes  conjectures  et  preuves  du  vol  contre 
une  personne  morte  auparavant  qu'on  se  fust  apperceu  du  vol.  Que  si 
ce  Gazetier  faisoit  tant  le  renchery,  il  faudra  voir  de  passer  par  les 
mains  de  M""  du  Lieu,  qui  en  distribue,  je  m'asseure,  tant  qu'il  veut. 
J'avois  faict  empacquelter  le  raessel  Sclavon  et  le  vous  pensois  envoyer 


[1633]  AUX  FRÈUES  DUPUY.  469 

par  les  députez  de  Marseille  qui  partirent  hier,  mais  je  receuz  vostre 
lettre  tout  à  temps  le  jour  précèdent  pour  le  retirer,  puis  que  vous  avez 
le  vostre,  à  la  place  de  (juoy  je  vous  renvoyay  l'exemplaire  du  Théo- 
phile de  M'  Fabrot  aux  fins  qu'il  puisse  cstre  imprimé  par  le  sieur  Cra- 
moisy  s'il  en  a  la  volonté,  comme  il  vous  avoit  dict,  ou  par  tel  aultre 
que  vous  jugerez  à  propos;  mais  je  serois  bien  d'advis  de  ne  s'emba- 
rasser  pas  facilement  avec  M'  Vitray,  puis  qu'il  est  si  empesché  à  sa 
bible  ;  il  ne  m'a  jamais  faict  responce  à  celle  que  je  luy  escripvis  en 
vous  envoyant  les  m[anu]s[crit|s  Samaritains,  je  pense  que  c'est  pour 
ne  sçavoir  comme  s'excuser  non  seulement  de  sa  négligence  pour  l'édi- 
tion de  ce  Théophile,  mais  pour  n'avoir  pas  seulement  eu  le  courage 
de  tirer  une  espreuve  de  la  première  feuille,  dont  la  despence  d'un 
escu  ou  deux  pouvoit  faire  la  raison,  et  dont  je  n'eusse  pas  manqué 
de  le  faire  indampniser;  mais  s'il  y  avoit  de  la  dilliculté  à  l'édition  de  ce 
livre,  je  vous  prie  de  me  le  r'envoyer,  car  j'ose  me  promettre  que 
M"'  Godefroy  prendra  volontiers  ce  soing  pour  l'amour  de  moy  de  le 
faire  imprimer  à  Genève  le  plus  correctement  que  faire  se  pourra.  J'y 
ay  adjousté  deux  exemplaires  d'un  petit  livre  in  li°  de  M''  Naudé  ',  dont 
il  m'avoit  faict  addresser  une  demye  douzaine  à  vous  faire  tenir,  ayant 
réservé  les  aultres  quatre  pour  ne  faire  ce  pacquet  là  trop  gros,  atten- 
dant de  les  vous  envoyer  par  aultre  voye,  comme  vous  en  aurez  un  ou 
deux  par  celle  cy  qui  sera  un  peu  plus  prompte,  le  sieur  Bourgongne, 
deputlé  de  Marseille,  qui  s'est  chargé  de  ce  pacquet  là,  ne  pouvant  pas 
se  rendre  à  Paris  plus  tost  que  1 5  ou  ao  jours.  Je  seray  bien  aysc  (Yayy- 
prendre  que  la  faveur  de  M''  le  Cardinal  de  Lyon  aye  faict  obtenir  à 
M''  Moreau  la  profession  Royalle  en  médecine  qu'il  poursuivoit  et  qui 
est  si  bien  deube  à  sa  vertu  et  à  ses  mérites  que  j'honore  infiniment-. 


'  Sans  doute  In  De  sttidio  libérait  Syn- 
tagiiia  qui  parut  (mi  Tniiné!  t().'53.  Nous 
n'avons  aucune,  lettre  de  Nuudt!  à  Peii-esc 
annonçant  l'envoi  des  plaquettes  ici  men- 
tionnées. La  première  en  date  des  lettri^s  de 
Naudé  h  l'eiresc  que  j'ai  pu  Irouver  est  ilu 


i"  l'dvricr  i639  ;  la  seconde  en  date  est  du 

i()  juin  tr)33  (/.es  ('orre.ipoiidaHUi  de  Pei- 
tvsc,  fascicule  XIII,  1887,  p.  5  et  in). 

'  On  lit  dans  l'article  Moreau  (René)  du 
Diclionmiire  de  Maine-et-Loire ,  i^av  M.  C.  Port 
(t.  Il,  p.  7^4!»):  "Le  succè-;  '!■■  <ou  «Miselirij,»- 


Zi70  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633] 

el  ne  voudrois  pas  que  ce  que  je  vous  avois  touché  dernièrement  en 
passant  sur  le  subject  de  ses  pacquetz  de  livres  fusse  prins  par  forme 
de  plainte,  car  je  suis  assez  bien  asseuré  de  sa  bonne  volonté  en  mon 
endroict,  sans  qu'il  soit  besoing  d'en  avoir  aultres  tesmoignages  que 
ceux  que  j'en  avois  cy  devant  receuz  de  sa  courtoisie,  ce  peu  que  j'avois 
faict  pour  luy  ne  méritant  pas  de  luy  faire  quitter  de  plus  pressantes 
alfaires  pour  en  escripre  des  remerciementz  à  une  personne  qui  luy  est 
si  desvouée  comme  je  suis,  et  le  seul  bon  gré  que  vous  avez  tesmoigné 
de  m'en  sçavoir  estant  plus  que  suffizant  de  surpayer  trez  dignement 
tout  le  soing  que  j'en  pouvois  avoir  prins,  qui  est  bien  peu  de  chose  eu 
esgard  à  ce  que  je  vous  doibs  et  à  ce  que  je  vouldrois  faire  pour  vous, 
en  meilleures  occurences.  Quant  à  M"^  Holstenius,  quoyque  vostre  mo- 
destie puisse  avoir  extorqué  de  vostre  plume,  c'est  bien  à  M"^  vostre 
frère  et  à  vous  qu'il  a  toute  la  principalle  obligation  de  sa  fortune,  et 
de  tout  ce  que  je  puis  y  avoir  contribué,  qui  n'a  esté  que  par  voz 
ordres  et  commandementz,  car  je  n'ay  jamais  eu  le  bien  de  le  voir  et 
n'en  ay  eu  les  premières  cognoissances  que  par  voz  lettres,  vous  asseu- 
rant  que  j'auray  bien  de  la  peine  à  me  contenir  de  luy  dire  mes  sen- 
timentz  tost  ou  tard,  sur  ceste  affaire  là,  bien  que  je  le  difl'ere  pour  le 
présent  pour  ne  pas  contrevenir  à  voz  ordres,  dont  je  ne  voudrois  pas 
m'estre  dispensé;  mais  puis  que  j'ay  apprins  par  M""  de  Fontenay-Bou- 
chard  qu'ils  ont  commancé  à  travailler  conjointement  dans  la  biblio- 
thèque Vaticane  à  la  recherche  et  transcription  de  quelques  vieux  au- 
tlieurs  m[anu]s[crit]s  de  ponderibus  et  mensuris  pour  l'amour  de  moy, 
je  crois  bien  qu'ilz  ne  pourront  guieres  tarder  de  me  les  envoyer,  et 
que  le  dict  sieur  Holstenius  ne  pourra  pas  se  desdire  de  m'escripre  sur 
ce  subject  là  et  sur  plusieurs  aultres  où  je  pourray  bien  prendre  l'oc- 
casion de  parler  à  luy  en  quelque  façon  qui  luy  puisse  faire  comprendre 
le  plus  honnestement  que  je  pourray  ce  qui  peut  eschoir  en  ceste  oc- 

ment  à  la  Faculté,  non  moins  que  ses  nom-  fesseur  royal  au  collège  de  Cambrai.  Moreau 

breuses  publications ,  la  désignent  au  choix  y  prononce  son  discours  inaugurai  le  jeudi 

du  grand  aumônier  de  France,  Alphonse  de  ai  avril  1633." 
Richelieu,  qui  le  fait  nommer  a  Paris  pro- 


[1633] 


AUX  FRKRES  DUPUY. 


/i71 


currence,  quand  j'en  debvrois  prendre  la  matière  et  l'occasion  sur  In 
lonpneur  de  son  silence  de  plus  d'un  an  joint  au  desgousl  qu'il  a  tes- 
moi(jné  avoir  de  noslre  nation.  Cependant  je  clierclieray  la  lettre  f(u'il 
m'avoit  escriple  de  son  voya^je  de  Pologne,  ne  pouvant  comprendre 
comment  j'ay  i'aicl  ce  manquement  de  ne  la  vous  avoir  point  envoyée 
aussy  tost  que  je  l'euz  receiie,  ainsy  que  j'avois  accoustumé  de  le  prat- 
tiquer,  car  c'est  une  des  plus  jolies  pièces  que  j'aye  de  sa  main.  H  fault 
que  cela  se  soit  rencontré  durant  le  temps  de  mes  maladies  plus  im- 
portunes ou  lorsque  mon  t'rere  vous  escripvoit  parfoys  au  lieu  de  moy, 
et  que  cela  luy  soit  eschappé  de  la  mémoire  par  mesgarde,  car  je  suis 
trop  content  quand  je  vous  puis  envoyer  (juelque  chose  de  vostre  goust 
pour  manquer  à  mon  essient,  vous  estant  obligé  comme  je  suis,  et 
ayant  si  peu  de  moyen  de  m'acquitter  de  mon  debvoir.  Je  ne  manque- 
ray  point  de  vous  envoyer  une  coppie  de  la  lettre  de  M'  de  Besly,  la- 
quelle mérite  certainement  d'eslre  conservée,  et  si  ce  ne  pouvoit  estre 
par  cet  ordinaire,  car  mon  homme  a  bien  perdu  du  temps  qu'il  y  eusse 
peu  employer,  ce  sera  Dieu  aydant  pour  le  prochain,  et  je  vous  ren- 
voyeray  par  mesme  moyen  la  lettre  de  M''Grotius;  vous  asseurant  que 
vous  ne  me  pouviez  faire  guieres  de  plaisir  plus  agréable  qu'en  la  com- 
munication de  ceste  pièce,  honorant  et  affectionnant  comme  je  faictz 
ce  personnage  qui  ne  sçauroit  estre  assez  prisé,  me  conjouissanlde  tout 
mon  cœur  avec  vous  des  bons  oflices  qu'il  a  receuz  de  vous  et  de  ses 
aullres  amys  en  la  conservation  de  sa  pension  nonobstant  son  absence, 
car  je  desirerois  bien  qu'il  se  peusse  resouldre  à  revenir  en  France,  et 
que  MM.  les  ministres  l'y  voulussent  obliger  et  le  rappeler  non  seule- 
ment hiy,  mais  aussy  M'  de  S«ulmaivse.  Le  livre  du  Soldat  Suédois'  avoit 
esté  veu  par  quelques  uns  en  ce  pais,  mais  il  n'estoit  pas  veim  en  mes 
mains;  c'est  pourquoy  je  le  verray  bien  volontiers,  et  altendray  lanl 
plus  inq)atiemnîent  le  fagot  dont  s'est  chargé  le  Prieur  de  Rounwules, 
mais  je  ne  sçay  comment  j'ay  manqué  de  vous  prier  de  me  retenir  le 

'  Le  soldai  suédois,  ou  hisloire  vcriiable  Gel  ouvraffe,  qui  a  t'ié  réimpriiw' en  iMA, 
de  ce  qui  s'est  passé  depuis  la  venue  du  roi  de  en  1 6Aa  ,  fui  publié  sous  le  Toil«>  de  l'ano- 
Suède  jusqu'à  sa  mort  (Genève ,  1 633 ,  in-8*).        nyme  par  Frrklëric  Spoiiliein». 


A72  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

Gesnerus  à  i5  livres  puis  que  vous  l'aviez  rencontré,  n'estiuiant  pas 
qu'il  puisse  eslre  trop  cher,  puis  qu'il  est  de  plusieurs  volumes.  Je 
ni'estonne  que  vous  n'ayez  point  ouy  parler  de  ceste  Histoire  de  l'Ab- 
baye de  S'  Victor,  car  Dom  Polycarpe  de  la  Rivière,  visiteur  des  Char- 
treux en  ceste  province',  qui  travaille  aux  Evesques  de  France-,  m'a 
dict  en  avoir  receu  le  volume  in  folio  à  sa  Chartreuse  de  Bompas^;  il 
est  à  Marseille  pour  la  fondation  d'une  nouvelle  Chartreuse  et  doibt 
passer  par  icy  au  premier  jour,  où  je  ne  manqueray  pas  de  luy  de- 
mander les  addresses  qui  se  peuvent  prendre  pour  ce  livre;  mais  je 
seray  bien  ayse  d'avoir  cependant  celluy  que  vous  dictes  de  l'Abbaye 
de  Ferrieres,  puis  qu'il  se  trouve*,  ensemble  celluy  de  S'  Denys,  si  ce 
n'est  que  ce  fusse  la  première  édition  in  6°  des  mémoires  du  moyne 
Doublet  que  j'ay  euz  dez  ce  temps  là  ^  ou  qu'il  n'y  aye  pas  de  notable 
augment*  dans  l'édition  que  vous  dictes;  mais  quelque  garouflerie' 
Allemande  qu'il  y  aye  en  l'édition  du  Pétrone,  je  ne  serois  pas  moins 
bien  ayse  de  la  recouvrer,  si  vous  ne  l'avez  pas  dezagreable,  et  vou- 


'  Voir,  sur  Dom  Polycarpe  de  la  Rivière, 
le  Dictionnaire  historique ,  géographique  et  bi- 
bliographique du  département  de  Vaucluse ,  par 
le  docteur  Barjavel,  t.  Il,  p.  342-34/i.  Con- 
férez une  note  rectificative  et  complémen- 
taire publiée  dans  le  fascicule  Vlil  des  Cor- 
respondants de  Peiresc,  p.  xxvni-xxix.  Indé- 
pendamment des  leltres  du  cardinal  Biclii  à 
Peiresc  ont  été  publiées,  dans  ce  fascicule, 
diverses  lettres  au  même  savant  relatives 
au  Gomtat  Venaissin  et  à  la  principauté 
d'Orange,  et,  parmi  ces  lettres,  il  en  est 
deux  (7  mars  et  18  septembre  i63i)  de 
Dom  Polycarpe  de  la  Rivière. 

^  Voir,  sur  l'ouvrage  préparé  par  Dom 
Polycarpe,  la  Bibliothèque  historique  de  la 
France,  t.  1,  p.  5/io,  art.  782G. 

'  La  cliartreuse  de  Bompas  était  située 
dans  la  commune  de  Gaumont,  canton  de 
Cavaillon,  arrondissement  d'Avignon,  h 
1  i  kilomètres  de  cette  vil'e.  Voir  le  Diction- 


naire du  docteur  Barjavel(t.  I,  p.  aSg-aCi). 
le  Dictionnaire  de  M.  Jules  Gourtet  (édition 
de  1877,  p.  i4o-i4i). 

*  Histoire  de  l'abbaye  de  Ferrieres,  par 
Guillaume  Morin,  grand  jirieur  de  cette  ab- 
baye (Paris  ,  1 6 1 3 ,  in-i  a  ).  L'auteur  abrégea 
ce  travail  dans  son  Histoire  du  Gâtinois  (  Paris , 
i63o,  in-/i%  p.  737-78^). 

'  Histoire  de  l'abbaye  de  Saint-Denys  en 
France,  contenant  les  antiquités  d'icelle ,  etc. . 
par  Jacques  Doublet,  religieux  IjénéJictin 
de  cette  abbaye  (Paris,  Buon,  lôaS,  a  vol. 
in-4°).  Je  ne  vois  jias  d'autre  ouM-age  à  in- 
diquer. 

"  Littré  ne  cite  sous  le  mot  augment  que 
(les  écrivains  antérieurs  au  xvii'  siècle. 

'  Je  ne  trouve  nulle  part  le  mot  gaivu- 
ferie.  Est-il  formé  de  gorou,  synonyme  de 
guilledou ,  mot  qui  comporte  une  idée  de  dé- 
bauche? Voir,  h  ces  mots,  le  Dictionnaire  de 
Trévou,r. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  473 

drois  bien  avoir  le  Martyrologe  de  Massaeus  \  si  vous  le  rencontrez. 
Vous  m'avez  bien  resjouy  de  la  nouvelle  de  ce  copiste  Grec  que  M'  Ri- 
gault  a  commancé   d'employer  pour  moy,  dont  je  vous  ay  bien  de 
l'obligation  aussy  bien  qu'à  luy;  il  me  tardera  bien  de  voir  quelques 
pièces  de  sa  main  et  le  volume  de  limitibus  agrorum  que  vous  m'avez 
daigné  procurer  avec  tant  de  soing  et  d'obligeantes  courtoisies.  Mon 
frère  est  à  Boysgency  où  je  voudrois  bien  estre  en  sa  place  ;  je  luy  ay 
faict  voz  recommandations  et  à  M''  de  la  Fayette  qui  est  demeuré  icy 
prez  de  M"'  de  Narmoustier,  lequel  prend  des  bains,  Monsieur  le  Ma- 
reschal  l'ayant  voulu  laisser  icy  pour  cet  effect  tandis  qu'il  s'en  alla  faire 
son  entrée  à  Arles  jeudy  dernier,  où  Madame  la  Mareschalle  s'est  trouvée 
pour  passer  oultre  de  là  jusques  au  lieu  des  Maries  S  où  ilz  sont  allez 
visiter  les  s*"  reliques  des  osseraentz  de  deux  des  Maries  que  l'on  croit 
y  reposer^.  Vendredy  dernier  un  prestre  fut  exécuté  à  mort,  pour  de 
grandes  meschancetez,  M'nostre  Archevesque  l'ayant  fort  paisiblement 
desgradé  au  préalable,  aprez  neantmoins  avoir  veu  tout  le  procez,  que 
la  cour  luy  envoya  chez  luy,  pour  l'instruction  duquel  son  grand  vicaire 
avoit  prins  la  peine  de  venir  au  pallais  assister  les  commissaires  de  la 
cour  qui  y  travailloient.  Je  feray  extraire  l'arrest  et  les  délibérations 
faictes  sur  ce  subject  aprez  quelques  conférences  par  lesquelles  on  estoit 
demeuré  d'accord  de  renvoyer  à  M'  l'Archevesque  tous  les  prebstres 
prevenuz  de  crimes  non  privilégiez.  C'est  tout  ce  que  je  vous  puis 
mander  en  revanche  des  nouvelles  dont  il  vous  plaist  me  faire  part  qui 
sont  bien  d'aultre  importance  que  les  nostres.  On  nous  avoit  dict  icy  le 
passage  de  M""  Servient*  par  Lyon  quasi  au  raesme  temps  que  la  nou- 


'  Je  n'ose  songer  h  Molanus  (Jean  Molan) 
et  h  l'édition  du  Martyrologium  d'Usuard 
donnt'e  par  ce  savant  (Louvain,  i568). 

'  Saintes-Mariés,  chef-lieu  de  canton  de 
l'arrondissement  d'Arles ,  h  87  kilomètres  de 
cette  ville. 

'  Voir  l'ouvrage  de  l'abln!  Paillon  :  Mo- 
numents  inédits  sur  l'apostolat  de  sainte 
Marie-Madeleine  en  Provence ,  et  sur  les  autres 


apôtres  de  cette  contrée,  saint  Latare,  saint 
Maximin,  sainte  Marthe,  etc.  (Paris,  i858 , 
9  vol.  grand  in-8*). 

'  Voir,  sur  \hc\  Servion,  t.  I,  p.  81 4. 
Ajoutons  que  l'on  possède  (  Minutes  de  l'In- 
guimbertine,  registre  VI,  fol.  170-179) 
deux  lettres  de  Peiresc  ii  cet  homme  d'Etat 
(appelé  là  Servient),  des  to  et  ti  avril 
i633. 

«0 


I 


47i  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

velle  arriva  de  la  cheute  de  M'  de  Chateauneuf,  et  plusieurs  sestoient 
imapinez  qu'il  eusse  esté  mandé  pour  luy  donner  les  seaux,  mais  la 
chance  seroit  bien  tournée,  si  ce  qu'on  vous  en  a  dict  se  trouvoit  véri- 
table. J'oubliay  dernièrement  de  vous  accuser  la  réception  delà  relation 
imprimée  du  Mareschal  de  Marillac'  dont  je  vous  crie  raercy  et  àM'Le- 
pelletier,  à  qui  je  tascheray  d'escripre  par  cet  ordinaire,  bien  marry  de 
m'estre  si  mal  acquitté  de  mon  debvoir  en  son  endroict,  estant  de  tout 
mon  cœur, 
Monsieur, 

vostre  Irez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Au,  ce  ai  mare  i633. 


Monsieur  de  Thou  nous  oblige  trop  par  l'honneur  de  son  souvenir. 
Dieu  nous  fasse  la  grâce  de  trouver  quelque  digne  moyen  de  luy  en 
rendre  noz  justes  recongnoissances  et  fidèles  services. 

Je  vous  supplie  de  vouloir  despartir  vostre  intercession  favorable  à 
M''  le  Prieur  de  Roumoules  en  faveur  du  jeune  frère  de  M""  Armand  de 
Marseille  que  l'on  a  malheureusement  assassiné  au  bourg  la  Royne  ^, 
dont  la  cause  est  pendante  au  Chastelet  pardevant  M"^  le  Lieutenant 
criminel  à  qui  M' l'Huillier,  qui  est  son  parent,  parlera  volontiers,  je 
m'asseure,  si  vous  l'en  priez,  et  pourra  faire  une  recommandation  assez 
puissante  pour  faire  chastier  ce  forfaict,  et  M"^  Autin  y  pourra  beau- 
coup aussy,  au  cas  qu'il  soit  du  jugement,  si  vous  daignez  l'en  supplier, 
et  M'  Rigault  aussy,  comme  je  vous  en  conjure  de  tout  mon  cœur. 

Il  s'est  trouvé  icy  un  exemplaire  du  Nicandre  de  Paris  in  û**  de  l'an  67 


'  Le  Catalogue  de  la  Bibliolhètjue  natio- 
nale indique  les  deux  pièces  que  voici  (9869 
et  3870)  :  Récit  véritable  de  tout  ce  qui  s'est 
passé  à  la  mort  de  Monseigneur  le  maréchal 
deMarillac  ;  avec  les  regrets  qu'il  a  eus  d'avoir 
^mué  le  roi  (lo  mai),  s.  1.,  i63a,  in-8°. 
—  Relation  véritable  de  ce  qui  s'est  passé  au 
jugement  du  pmcès  du  tnareschal  de  Marillae, 


prononciatimi  et  exécution  de  l'arrêt  contre 
lui  donné  par  les  commissaires  de  la  chambre 
établie  à  Rueil,  et  de  ses  dernières  paroles  et 
actions,  devant  et  sur  le  point  de  sa  mort 
(s.  1.  n.  d. ,  in-i°). 

*  Bourg-la-Reine ,  commune  du  départe- 
ment de  la  Seine,  canton  de  Sceaux ,  à  1  kilo- 
mètre de  cette  ville ,  à  7  kilomètres  de  Paris. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  475 

à  la  ÛM  duquel  le  petit  feuillet  de  ponderibus  et  menauris  ne  defailloil 
pas  comme  à  mou  exemplaire,  dont  j'ay  esté  bienayse,  mais  parce  qu'il 
n'est  pas  à  aïoy,  si  vous  en  rencontrez  là  un  aultre  bien  parfaict,  je  ne 
l'achepteray  pas  moins  volontiers  pour  en  assortir  mon  exemplaire. 

Un  médecin  de  mes  amis  m'a  faict  engager  de  paroUe  de  m'employer 
pour  luy  faire  avoir  un  livre  chimi(|ue  que  vous  trouverez  cotté  en  un 
billet  cy  joint.  Si  c'est  cbose  qui  se  trouve,  je  seray  grandement  ayse  de 
luy  en  pouvoir  faire  passer  la  fantaisie  '. 


CI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PAJRIS. 

Monsieur, 
Avec  vostre  despescho  du  1 7",  j'ay  receu  de  si  belles  curiositez  que 
je  suis  tout  honteux  de  voir  que  je  l'aye  si  mal  mérité,  et  que  j'aye  si 
peu  de  moyen  de  m'en  rendre  à  l'advenir  plus  digne  que  par  le  passé, 
mais  puis  que  vous  congnoissez  mon  impuissance,  vous  la  sçaurez  bien 
excuser  comme  je  vous  en  supplie  trez  humblement,  sur  l'asseurance 
que  je  n'espargneray  rien  de  tout  ce  peu  qui  sera  de  ma  puissance. 
Gez  pièces  du  partage  de  la  succession  de  Montmorancy  sont  trez  re- 
marquables-'; si  je  ne  les  vous  puis  renvoyer  par  cet  ordinaire,  ce  sera 
par  le  prochain  Dieu  aydant.  Cependant  je  vous  en  remercie  trez 
affectueusement  comme  aussy  de  celle  du  Président  le  Cogneux,  de 
cette  epistre  d'Amulon  ',  et  de  ceste  belle  ode  de  Godeau  *  qui  mérite 


'  Vol.  717,  fol.  a  16. 

'  Voir  divei-ses  pièces  relatives  à  la  suc- 
cession du  duc  de  Montmorency  indiquas 
dans  le  Catalogue  de  la  BibliolUèque  natio- 
nale {Histoire  de  France,  t.  I,  p.  5i)o). 

'  Àmuion,  plus  souvent  appelé  Amolon, 
disciple  et  successeur  (860)  de  l'archevêque 
de  Lyon ,  Agobard ,  mourut  Ie3i  mars  85  a. 


Voir  sur  cet  écrivain  VHittoire  littéraire  de  la 
Frcuice,  t.  V,  p.  iO'')-i  il.  La  lettre  envoyée 
k  Puiresc  ovait  été  publiée  par  Micolas  Ca- 
uiusat  ebez  Jean  Camusat  (Pans,  i633. 
in-8°).  Les  liénédictins  ont  analysé(p.  106) 
cet  important  document  et  en  ont  indiqué 
{ibid.)  les  diverses  réimpi'essious. 

*  M.  René  kerviler  dit  dans  sou  exoeliente 

60. 


I 


476  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

certainement  d'estie  louée  comme  vous  dictes;  je  sçaurois  bien  volon- 
tiers son  aage,  son  pays  et  sa  profession';  mais  ce  sont  ces  cayers  que 
vous  m'avez  faict  extraire  de  la  bibliothecque  du  Roy  qui  sont  bien 
capables  de  me  donner  de  l'exercice,  et  à  d'aultres  plus  habilles  que 
je  ne  puis  estre  ;  j'y  ay  trouvé  quelques  petites  lacunes  ou  motz  laissez 
en  blanc  et  voudrois  bien  sçavoir  si  c'est  à  faulte  que  le  copiste  ne  les 
aye  pas  sceu  lisre  ou  bien  que  les  mesmes  lacunes  soient  dans  l'ori- 
ginal qu'il  a  prins  à  transcripre,  dont  j'eusse  bien  voulu  sçavoir  l'anti- 
quité de  l'escripture,  si  c'est  en  bon  parchemin  ancien  ou  en  simple 
papier  plus  récent,  de  quoy  j'avois  prié  M'  Rigault  de  me  vouloir  ad- 
vertir,  mais  je  faictz  grand  scrupule  de  le  divertir  pour  si  peu  de 
chose  des  occupations  beaucoup  meilleures  que  luy  donne  son  Tertu- 
lian,  et  si  vous  envoyez  quérir  le  copiste  avec  le  volume  qu'il  a  en 
main,  vous  me  pourrez  bien  esclaircir  facilement  de  ce  point  là. 
Quant  à  ce  petit  fragment  qui  est  derrière  le  scholiaste  de  Nicandre, 
j'y  trouve  des  choses  capables  de  me  le  faire  juger  bien  ancien,  si  la 
lecture  est  bien  constante  ^  selon  l'édition ,  pour  le  moins  ce  qui  est  en 
sa  première  partie,  car  pour  la  dernière,  je  me  suis  desja  apperceu 
qu'elle  est  quasi  toute  extraicte  de  ce  que  j'ay  trouvé  soubz  le  nom 
d'Oribasius  en  voz  cahiers,  et  vouldrois  bien  sçavoir  s'il  ne  s'en  trouve 
point  de  m[anu]s[crit]  soit  dans  la  bibliothèque  du  Roy  ou  ailleurs, 
auquel  cas  je  serois  infiniment  ayse  de  le  faire  conférer  sur  l'édition 


ëtude  sur  Atiloine  Godeau,  évêque  de  Grasse 
et  de  Vence,  l'un  des  fondateurs  de  l'Académie 
française  (Paris,  1879,  in-8°,  p.  9)  :  rrOn 
peut  lire  en  tête  du  Parnasse  royal,  recueil 
publié  en  i635  par  Boisrobert,  pour  réunir 
une  partie  des  pièces  de  vers  composées  à 
l'occasion  des  prises  de  la  Ilochelle ,  de  Suse 
et  de  Pignerol  (le  Privilège  est  du  28  avril 
i633  ),  une  ode  pompeuse  du  futur  évêque 
en  l'honneur  du  roi  et  des  ministres,  n  M.  Ker- 
viler  cite  (p.  10)  deux  strophes  de  celte  ode 
trop  admirée  de  Peiresc,  strophes  cassez 
bonnes,  perdues  dans  ces  quatre  cents  vers,  n 


'  Antoine  Godeau,  né  h  Dreux  le  ai  sep- 
tembre 1 6o5 ,  était  alors  un  jeune  homme  de 
vingt-huit  ans.  Il  n'avait  pas  trente  et  un  ans 
quand  il  fiit  nommé  évêque  deGraâse(2 1  juin 
i636).  On  n'a  qu'une  lettre  de  Peiresc  à 
Godeau,  écrite  d'Aix  le  28  octobre  i636 
(Minutes  de  l'Inguimbertine,  registre  III, 
fol.  5 10). 

'  Sous  le  mol  constant  pris  dans  le  sens 
de  certain ,  bien  établi,  le  Dictionnaire  de  Lit- 
tré  ne  cite  que  des  écrivains  postérieurs,  Des- 
carti's ,  Corneille ,  Bossuet. 


fi 


[1633]  AUX  FRÈRKS  DUPUY.  /i77 

et  transcripre  en  un  besoiiif;  tout  de  nouveau,  s'il  y  a  aulcune  dilFe- 
rence  tant  soit  peu  considérable.  Je  vous  renvoyé  ce  pendant  la  coppie 
que  vous  m'en  aviez  faict  faire  (puis  qu'on  m'a  preste  l'édition)  à  celle 
fin  que  sur  les  mar^jes  de  ceste  coppie  vous  puissiez  faire  cotter  la  dif- 
férence de  lecture  qui  se  trouvera  aux  m[aiiu]s[crit]8  s'il  y  en  a,  et 
parliculierenient  pour  les  paroles  soubz  lesquelles  j'ay  tracé  une  pe- 
tite raye,  surtout  pour  celles  que  j'ay  tracées  encore  d'une  suitte  de 
petitz  poiutz,  à  quoy  M'  Valioys  ou  M'  Samuel  Petit  s'employerout 
volontiers  pour  l'amour  de  moy,  si  vous  leur  faictes  envoyer  le  m[a- 
nu]s[cril]  chez  eulx.  J'ay  trouvé  dans  ces  cahiers  Grecs  aulcunes  pièces 
de  celles  qui  sont  inq)riniées  derrière  le  Gallien,  et  mesraes  tout  ce 
que  le  P.  Petau  a  faict  imprimer  soubz  le  nom  d'Epiphane  ';  sur  tout 
j'ay  prins  grand  plaisir  à  ce  qui  est  soubz  le  nom  d'Oribasius  à  cause 
que  nous  sçavons  bien  à  peu  prez  le  temps  qu'il  vivoit*,  car  par  la 
certitude  de  ceux  dont  le  temps  nous  est  cogneu  il  fault  tascher  de 
recongnoistre  le  temps  qu'ont  vescu  les  plus  anciens  et  ceux  qui  sont 
anonymes,  par  la  différence  ou  par  l'analogie  des  proportions  des 
choses  qu'ils  traictent.  Sur  tout  pour  cet  Aphricaims,  il  mérite  d'estre 
examiné  bien  curieusement  pour  veoir  si  ce  peut  estre  véritable- 
ment celluy  qui  vivoit  soubz  les  Roys  de  Syrie,  et  si  par  succession 
de  temps  on  ne  pourroit  point  y  avoir  fourré  des  choses  qui  n'estoient 
peut  estre  pas  bien  de  son  siècle.  Tant  est  que  l'Anonyme  qui  est 
derrière  le  Nicandre  n'estoit  pas  trop  esloigné  du  sien,  j'entendz  l'au- 
theur  de  la  première  partie  du  premier  chapitre,  que  je  tiens  avoir 
escript  plus  de  cent  ans  avant  l'enqjire,  ri'ayant  pas  encores  eu  le  loysir 
d'examiner  le  contenu  au  second  chapitre,  car  pour  le  dernier,  il  est 
quasi  pris  mot  à  mot  du  susdict  Oribasius,  excepté  les  dernières  lignes 
qui  seroient  bien  remarquables,  si  nous  estions  aydez  de  quelque  bon 

'  Les  Œuvre»  complètes  d'Epiphane  pa-  autres  à  Sardes.  Voir  l'édition  donnée  de  ses 

Furent  par  les  soins  du  P.  Denis  Petau  à  Œuvres,  avec  traduction  et  commentaire, 

Paris,  en  deux  volumes  in-fol.  (iGaa).  par  MM.  Bussemaker  etDaremberg  (Paris. 

'  Oribaseestui)  médecin  grec  du  IV' siècle,  i85i-i854,  a  vol.  in-S"). 
né,  selon  les  uns,  à  Pergarae,  selon   les 


478  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

m[anu]s[crit]  sans  lequel  il  ne  s'y  peut  pas  faire  guieres  de  fondement 
qui  vaille,  et  excepté  aussy  le  denarium  d'Oribasius  qui  se  trouve 
obmis  au  dict  prétendu  Anonyme,  et  qui  pourroit  estre  un  supplé- 
ment adjousté  par  le  dict  Oribasius,  au  cas  que  l'Anonyme  soit  plus 
ancien  que  luy.  Cependant  j'y  ay  trouvé  certaine  petite  différence  cap- 
pable  d'ayder  l'un  par  i'aultre  en  des  petites  choses  qui  eussent  esté 
subjectes  à  tout  plain  de  difficulté;  c'est  pourquoy  je  ne  plaindrois  pas 
la  despence  de  la  transcription  de  toutes  les  pièces  de  ceste  matière, 
quand  bien  il  y  eschapperoit  quelque  chose  de  double,  puis  qu'elles 
sont  si  brefves  et  si  succintes,  afin  d'en  pouvoir  faire  moy  mêmes  la 
collation  des  unes  aux  aultres,  au  deffault  des  originaulx,  ne  pouvant 
vous  dissimuUer  que  s'il  s'en  trouve  quelque  exemplaire  d'escripture 
bien  ancienne  en  parchemin,  je  prendrois  à  grande  faveur  s'il  estoit 
loysible  d'en  avoir  la  veuë  quelque  jour  et  de  le  pouvoir  coUationner 
sur  la  coppie  qu'on  m'en  aura  transcripte,  car  il  y  a  des  caractères  et 
notes  ou  monogvames  qu'un  simple  coppiste  ne  sçauroit  assez  fidèle- 
ment imiter,  s'il  n'estoit  aussy  bon  peintre  que  bon  escrivain.  Mais 
c'est  à  quoy  il  ne  nous  fault  pas  penser  que  l'on  n'aye  achevé  de  nous 
transcripre  ce  que  M.  Rigault  trouvera  bon  de  nous  communiquer, 
et  de  peur  de  le  faire  cabrer  par  une  trop  indiscrette  demande ,  estant 
obligé,  comme  il  est,  de  ne  pas  laisser  esloigner  de  Paris  les  livres 
de  la  Bibliothèque  du  Roy  ;  de  quoy  nous  pourrions  aussy  noUs  passer 
bien  plus  facilement,  si  M.  de  Valloys  se  pouvoit  donner  la  peine  de 
conférer  avec  un  peu  de  soin  quelqu'une  des  pièces  principalles  sur 
les  originaux  et  sur  les  derniers  exemplaires  qu'il  y  en  a  eu  dans  la 
bibliothèque.  Si  M.  Petit  faisoit  assez  de  sesjour  par  delà,  il  le  feroit 
peut  estre  avec  plus  de  patience  pour  l'amour  de  moy;  mais  je  crains 
fort  que  les  affaires  pour  lesquelles  il  a  esté  député  ne  l'obligent 
à  suivre  la  cour  hors  de  Paris,  et  à  s'en  retourner  plus  tost  qu'il 
ne  fauldroit  pour  cela.  Je  luy  en  escriptz  neantmoins  un  mot  à 
tout  hazard,  et  d'aultant  que  je  luy  avois  faict  feste  aultrefois  des 
fragmenta  qui  sont  dans  mon  volume  d'Eclogues  tant  du  Johannes 
Antiochenus  que  de  Malela  et  aultres  chronologistes  dont   il   avoit 


[1633]  AUX  FRÈHES  DUPUY.  479 

tesmoigrié  désirer  d'avoir  la  veiie,  je  vous  supplie  trez  liuiubleuieat 
de  faire  trouver  bon  à  M.  de  Valloys  que  vou»  retiriez  de  ses  unaixis 
mon  in[anu]s[crit]  pour  le  remettre,  s'il  vous  plaist,  a>i  dict  sieur  Petit, 
afin  que,  durant  le  sesjour  qu'il  fera  de  par  delà,  il  puisse  ])rendre 
le  temps  d'y  chercher  et  veriflier  ce  qu'il  desii-oit,  u'estimant  pas 
qu'il  puisse  faire  faulte  au  dict  sieur  Valoys,  puisqu'il  m'a  escript 
qu'il  avoit  achev<';  de  le  transcripre.  Que  si  ce  petit  livre  en  langue 
des  Cophtes,  que  M.  de  Thou  avoit  apporté  du  Gayre,  sur  l'instance 
que  je  luy  en  avois  faicte,  est  à  Paris,  et  que  vous  n'ayez  pas  d'oc- 
casion de  faire  difliculté  de  le  laisser  voir  au  dict  sieur  Petit,  je  vous 
supplie  trez  humblement  de  le  luy  prester  pour  l'amour  de  moy  durant 
son  sesjour  de  par  delà,  et  de  le  retirer,  s'il  vous  plaist,  pour  cet 
etfect  des  mains  de  celluy  à  qui  vous  le  pourriez  avoir  cy  devant 
preste  et  à  qui  vous  le  ])ourrez  bien  tost  rendre,  n'estimant  pas 
que  M'  Petit  le  vous  garde  long  temps.  L'on  me  donne  quelque  es- 
pérance d'un  dictionnaire  tout  complet  en  ceste  langue  dont  on  avoit 
quasi  accordé  la  transcription,  et  marcimndoit'on  la  préférence  du 
recouvrement  de  l'original  pour  laisser  la  coppie,  mais  je  leur  ay 
mandé  qu'ils  ne  s'amusent  pas  à  cela  et  que  je  me  sçauray  bien  con- 
tenter de  la  coppie,  s'ils  ne  peuvent  emporter  d'abbord  l'original,  parce 
qu'en  ces  matières  là  on  ne  sçauroit  trop  craindre  la  perte  du  temps, 
et  par  conséquent  des  occasions  qui  ne  se  recouvrent  pas  quand  on 
veut.  Je  ne  vous  recommande  point  le  dict  sieur  Petit,  parce  que  je 
sçay  bien  en  quelle  estime  vous  tenez  sa  vertu  et  son  mérite,  et  ne 
doubte  pas  qu'il  ne  vous  trouve  trez  disposé  à  luy  rendre  toute  sorte 
de  bons  offices  et  de  protection  ou  de  secours  en  ses  estudes  et  eu  ses 
alYaires  si  vous  le  pouvez  par  vous  ou  par  voz  amys,  vous  asseurant 
que  j'auray  grande  part  aux  obligations  et  aux  nouvelles  faveurs  qu'il 
recevra  de  vostre  main,  participant  comme  je  suis  tenu  de  faire  à  tous 
ses  intherestz.  Si  M'' de  Thou  l'a  veu,  je  ne  doubte  point  qu'il  ne  luy  aye 
pareillement  faict  trez  bon  accueil  aussy  bien  que  vous,  dont  je  m'at- 
tendz  de  ne  luy  en  estre  pasm  oins  redevable  qu'à  vous.  Je  regrelteroys 
son  nouveau  voyage  en  Bourgongne  s'il  avoit  de  meilleurs  desseins. 


Ù80  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

mais  je  pense  avoir  pourtant  assez  d'intherest  qu'il  le  face  pour  le  pou- 
voir désirer  aultant  qu'il  peut  estre  compatible  à  ses  inclinations  et  à 
ses  affaires,  pour  le  bien  desquelles  je  me  despartirois  tousjours  volon- 
tiers de  tous  mes  intherestz,  et  principalement  de  ceux  dont  je  luy  avois 
escript,  qui  ne  méritent  guieres  qu'un  homme  de  sa  sorte  s'en  mette 
en  peine.  J'ay  esté  infiniment  ayse  que  M''  Besly  aye  faict  revenir  son 
filz  en  sa  place  ^  espérant  que  cela  pourra  accélérer  l'édition  de  tant  de 
beaux  ouvrages  qu'il  a  composez  de  nostre  hystoire^.  Je  vous  remercie 
trez  humblement  du  souvenir  que  vous  avez  de  la  Charte  de  M"^  Ga- 
land  à  qui  je  ne  manqueray  pas  d'en  escripre  soit  pour  supplier  ou  pour 
remercier  selon  la  disposition  que  vous  y  trouverez  et  selon  que  vous 
le  jugerez  à  propos.  Nous  attendrons  en  bonne  dévotion  le  ballot  de 
livres,  non  sans  quelque  regret  si  la  Bibliothèque  du  Gesner  n'a  peu 
estre  du  nombre,  mais  elle  pourra  venir  Dieu  aydant  avec  le  Golzius, 
sur  l'assortiment  duquel  j'attends  encore  vostre  responce,  pour  pouvoir 
satisfaire  l'amy  qui  me  le  demande  selon  son  goust.  J'ay  escript  à 
M'  le  Pelletier  un  remerciement  trez  humble  de  la  relation  dont  il 
m'a  daigné  faire  part.  Ce  n'est  pas  M""  le  Mareschal  tout  seul  qui  a 
la  Gazette  8  jours  plus  tost  que  le  commun;  M'  de  la  Poterie'  la 
reçoit  aussy  en  raesme  temps  et  aussy  règlement*,  comme  plusieurs 
aultres  l'ont  aussy  receue,  mais  non  pas  si  règlement.  Si  vostre  Gaze- 
tier  s'en  veult  accorder  avec  vous,  je  pense  qu'il  fauldra  luy  donner 
mon  addresse,  et  luy  laisser  faire  les  enveloppes  au  temps  et  en  la 


'  Jean  Besly,  sieur  de  la  Gerberie,  fiis 
de  l'historien,  né  le  ag  janvier  1602, 
mourut  en  1669.  Ce  fut  en  1689  que  l'his- 
torien des  comtes  de  Poitou  re'signa  l'office 
d'avocat  du  Roi  en  faveur  de  son  fils.  Ou  l'c- 
raarque ,  en  tête  de  l'in-folio  publié  trois  ans 
après  la  mort  de  l'historien ,  une  Dédicace  à 
M.  P.  Dupuy,  conseiller  d' Estât ,  par  J.  Besly , 
fils ,  conseiller  et  advocat  du  Roy  à  Fontenay- 
le-Comte,  datée  de  Paris,  1"  février  1647. 
On  trouve  dans  ce  volume  diverses  pièces 
soit  de  Besly  fils,  soit  à  lui  adressées. 


'  Aucun  de  ces  beaux  ouvrages  ne  parut 
du  vivant  de  Besly.  Voir  les  explications  que 
donne  h  ce  sujet  M.  A.  Briquet  dans  son 
Introduction  aux  Lettres  de  Jean  Besly 
(p.  xvi-xx). 

'  Le  commissaire  qui  était  venu  en  Pro- 
vence avec  Dreux  d'.Aubray.  Peiresc  lui  écrivit 
de  Belgentier  plusieurs  lettres ,  du  1 3  février 
i63i  au  3o  mai  de  la  même  année  (Mi- 
nutes, registre  I,  fol.  Z197-430). 

'  Pour  régulièrement,  comme  nous  l'avons 
déjà  vu  dans  le  tome  L 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  i81 

forme  que  bon  iuy  semblera,  pour  les  faire  arriver  à  Lyon  avant  le 
mercretly  matin,  quelqu'un  m'ayant  voulu  dire  qu'encores  que  l'ordi- 
naire parte  de  Paris  le  vendredy,  il  attend  à  quelque  poste  de  là 
certains  pacquetz  qu'on  envoyé  aprez  Iuy,  entre  lesquelz  sont,  je  m'as- 
seure,  les  Gazettes,  dont  je  n'ay  receu  par  nostre  dernier  ordinaire  que 
celles  du  1 2*  soubz  une  vostre  enveloppe  à  part  avec  une  bonne  correc- 
tion d'une  epigrammc,  mais  nous  verrons  si  par  le  prochain  ordinaire 
elles  feront  plus  de  diligence.  Nous  n'avons  du  tout  rien  de  nouveau 
présentement.  M''  le  Mareschal  de  Victry  avoit  eu  un  peu  de  menasse  de 
gouttes,  mais  il  en  a  esté  quitte  à  fort  bon  marché  '.  Vous  ne  me  dictes 
rien  d'une  nouvelle  Histoire  ecclésiastique  des  Gaulles  in  8°  du  sieur 
Bosquet^,  dont  je  vous  supplie  de  m'en  faire  envoyer  deux  ou  trois  exem- 
plaires si  tost  qu'il  s'en  pourra  avoir,  et  d'excuser  l'excedz  de  mes  im- 
portunilez  comme  venantz, 
Monsieur,  de 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peibesc. 
A  Aix,  ce  a8  mare  i633'. 


'  Le  plus  ancien  exemple  de  l'expression 
à  bon  marché  que  donne  le  Dictionnaire  de 
Littrd  est  emprunté  à  une  lettre  de  M°"  de 
Sëvigné  du  l'année  i65o. 

'  Ecclesite  gallicaïue  Historiarum  liber  I  a 
primo  J.  C.  in  Galliis  Evangelio  usquc  ad 
datamaConstanlino  imjjeratore  Ecclesite  pacem 
res  preeclare  (restas  complectens  ;  auctore  Fran- 
cisco Bosqueto,  Narbonensi  (Paris,  i633, 
in-8°).  Volume  rarissime  et  pourtant  oublié 
par  le  Manuel  du  libraire.  François  de  Bos- 
quet, né  à  Narbonne  le  a8  mai  i6o5,  fut 
d'abord  magistrat  et  devint  ensuite  (16/18) 
évécjue  de  Lodève,  et  enfin  (i655)  évêque 
de  Montpellier.  Il  mourut  le  3  4  juin  1676. 
Ce  savant  prélat  fut  un  des  correspondants 
de  Peiresc.  On  possède  dix  lettres  de  ce  dei-- 


nier  écrites  h  Bosquet  du  5  janvier  1 634  au 
98  avril  i636  (Minutes  del'Ioguimbertine, 
registre  II,  fol.  435-637).  A  la  Bibliothèque 
nationale,  dans  le  volume  9563  du  fonds 
français ,  on  trouve  deux  lettres  de  Bosquet 
h  Peiresc  :  une  datée  de  Paris  le  1  o  mars 
iG33,  l'autre  datée  de  Narbonne  le  ai  fé- 
vrieri636(fol.  aa,  a3).  Ces  deux domières 
lettres  seront  publiées  par  M.  l'abbé  P.  Henry, 
docteur  en  théologie,  actuellement  aumônier 
du  lycée  de  Mont|)ellier,  dans  une  étude  sur 
Bosquet  historien ,  qui  sera  le  complément 
de  son  volume  intitulé  :  François  Bosquet , 
évêque  de  Lodhie  et  de  Montpellier,  son  rôle 
dans  l'affaire  du  jansénisme,  etc.  (Montjiel- 
lier,  i884,  in-8'). 
'  Vol.  717,  fol.  aao. 

61 


nvftiBSBti  sâTiexttt. 


482  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

J'ay  depuis  trouvé  moyen  inesperement  d'escrire  tant  à  M'  Galland  ^ 
qu'à  M^  Rigault^ 


Cil 
k  MONSIEUR,  MONSIEUR  DE  THOU, 

CONSEILLER  DU  ROÏ  EN  SES  CONSEILZ  D'ESTAT,  MAISTRE  DES  REQUESTES  ORDINAIRES 
DE   SON  HOSTEL  ET   INTENDANT  DE  LA  JUSTICE  DE  BOURGONGNE, 

À  PABIS. 

Monsieur, 
Le  mesme  jour  que  j'eus  l'advis  de  vostre  desparl  de  Paris  pour 
vostre  voyage  de  Bourgongne  par  une  lettre  de  M'  du  Puy  du  2/1  du 
passé,  j'eus  i'honneur  de  voir  icy  un  gentilhomme  d'Autun,  beau  frère 
de  M""  de  Montaigu,  lieutenant  en  la  Chancellerie^,  qui  est  celluy 
dont  je  n'avois  pas  peu  apprendre  le  nom,  qui  avoit  recueilly  tout 
plein  de  pièces  antiques  des  meilleures  qui  ayent  esté  desterrées  à 
Autun  ou  ez  environs  de  son  temps.  Lequel  estoit  maire  ou  eschevin 
en  la  mesme  année  que  furent  trouvez  tous  cez  vases  d'argent  avec 
des  brasseletz  d'or,  et  aultres  bagues  fort  curieuses,  qui  feurent  par- 
tagées entre  diverses  personnes.  Le  frère  de  feu  M'  le  président 
Jeannin*,  qui  estoit  ecclésiastique,  en  eut  sa  part,  et  entr'aultres  de 
cez  brasseletz  de  diverses  sortes,  qu'il  avoit  une  fois  promis  à  feu 
Monseigneur  le  garde  des  seaux  du  Vair,  mais  il  ne  tarda  pas  de 


'  Le  registre  III  des  Minutes  de  la  bi- 
bliothèque de  Carpentras  renferme  (fol.  iaS- 
ItZo)  quatre  lettres  à  Galaïul  écrites  en 
Tanne'e  i633,  le  21  mars,  le  98  mars,  le 
26  avril  elle  29  juin. 

^  La  lettre  du  28  mars  i633  à  Rigault 
nous  a  étd  conservée  (Minutes,  registre  V, 
iolhlib). 

'  Montaigu  est  mentionné  par  Gassendi 
(liv.  V,  p.  427)  comme  ayant  fait  en  i634 


une  visite  à  Peiresc  pendant  le  séjour  de 
Gampanella  dans  la  maison  de  l'hospita- 
lier savant.  Nous  retrouverons  plus  d'une 
fois  le  nom  du  magistrat  d'Autun,  lequel  fut 
un  des  correspondants  de  Peiresc.  Voir  dans 
le  registre  VI  des  Minutes  de  l'Inguimbertine 
plusieurs  lettres  à  n  M' de  Montaigu  n ,  écrites 
du  28  janvier  i63/i  au  7  octobre  i636 
(fol.  519-533). 

*  Voir,  sur  ce  personnage,  t.  I,  p.  827. 


[1633]  AUX  FRERES  DUPUY.  /i83 

mourir,  ce  qui  le  deschargea  de  sa  promesse.  Il  est  depuis  mort  luy 
mcsincs,  et  Dieu  sçait  qui  aura  eu  cela  si  ce  n'est  Madame  de  Castille, 
sa  niepce'. 

Un  aultre  en  eut  sa  part  qui  consistoit  en  une  assez  grande  patène 
d'argent  toute  lize  sans  aulcuns  enrichissementz  de  relief  ou  de  gra- 
veure,  et  une  cuillier  d'argent  (dans  le  creux  de  laquelle  y  avoit  une 
figure  assise  de  bas  relief  comme  d'un  malade  appuyé  sur  une  croce 
ou  bien,  à  ce  qu'il  croyoit,  d'un  Mercure  accompagné  de  son  coq,  de 
son  chevreau  et  d'aultres  appartenances,  qui  n'ont  pas  esté  assez  bien 
descriples  dans  le  dessein  que  j'en  eus  pour  les  recongnoistre  suflizam- 
ment)  dorée  en  quelque  endroict,  qui  furent  vendues  en  Avignon,  à 
un  marchand,  lequel  les  revendit  à  M"'  Rubens  à  Paris.  Tout  le  reste 
demeura  ez  mains  de  M'  deMontaigu  d'Autun,  qui  a  espousé  l'une 
des  soeurs  du  sieur  Venot*,  qui  m'en  a  donné  la  relation,  ce  qui 
consiste  en  une  aultre  cuillier  d'argent  toute  pareille  à  celle  de  M' Ru- 
bens avec  la  mesme  figure  de  Mercure  assise  espargnée  en  bas  relief 
dans  le  creux  de  la  cuillier,  avec  le  mesme  coq,  et  aultres  apparte- 
nances; entre  lesquelles  il  dict  qu'on  distinguoit  assez  apparemment 
le  petase  '  prez  de  son  siège,  au  lieu  de  l'avoir  à  la  teste.  Il  a  plusieurs 
aultres  cuilliers  et  aultres  escuellons,  ou  vases  de  bronze  antiques,  et 
un  brassellet  d'or  fort  célèbre,  et  fort  léger  ou  fort  tenu,  les  pièces  du 
brasselet  estanlz  creuses  la  plus  part  et  remplies  d'ambre  gris,  ce  qui 
meriteroit  bien  d'estre  examiné  de  prez  etveriffié  si  ce  n'est  point  chose 
adjoustée  fraischement.  Il  dict  qu'il  y  a  une  petite  médaille  d'or,  enchâssée 

'  On  litdans  Tallcmantdes  Rëmix  (Hislo-  à  Aulun,  du  q8  janvier  i63à  au  7  octobre 

ricttc  du  président  Janin,  t.  III,  p.  196)  :  "11  i636  (fol.  5i7-53a). 
la  vendit  (sa  charge  de  président  au  parle-  '  On  lit  dans  le  Diclionnaire  de  Liltré: 

ment  de  Dijon),  et  en  maria  sa  fille  à  Cas-  "Péiase ,  sorte  de  chapeau  en  usage  chez  les 

tille ,  recepveur  du  cicrgd.  n  Sur  la  ni^ce  de  anciens  ;  il  dlait  h  larges  bords ,  et  protégeait 

l'abbé  Jcannin ,  nommée  Charlotte,  voir  une  contre  la  pluie  et  le  soleil.  »  On  trouve  dans 

note  de  P.  Paris  (iii'rf. ,  p.  aoi).  le  Dictionnaire  de  l'Académie  (1878)  une 

'  Ce  beau -frère  de  M.  de  Montaigu  fut  définition  quelque  peu  différente  :  ir  Terme 

un  des  correspondants  de  Peiresc.  Voir  dans  d'antiquité.  Chapeau  de  feutre,  rond,  h  fond 

le  registre  VI  plus  haut  mentionné  les  mi-  bas  et  h  larges  bords.  Le  péiase  ailé  de  Mer- 

nutes  de  onze  lettres  adressées  à  M.  Vetiot,  cure.n 

61. 


484  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633] 

sur  les  charnières  en  forme  de  chatton,  avec  le  visage  d'un  empereur 
et  des  lettres  autour  dont  la  veùe  ne  pourroit  estre  que  bien  agréable 
et  utile,  mais  je  ne  l'estimerois  pas  à  l'esgal  de  la  veiie  de  la  cuillier  et 
de  la  patène,  s'il  y  en  a  une  à  sa  part  comme  d'aultres  m'en  ont  voulu 
asseurer,  car  M'  Venot  n'en  sçavoit  rien  de  bien  précis  et  je  n'osois  pas 
luy  faire  trop  paroistre  combien  j'en  estois  curieux,  de  peur  d'enchérir 
trop  la  marchandise,  et  de  m'esloigner  tant  plus  les  moyens  d'en  avoir 
quelque  disposition  pour  la  veûe,  s'il  y  a  trop  de  difficulté  à  en  ac- 
quérir la  propriété,  auquel  cas  je  me  tourneray  du  costé  de  M'  Rubens, 
m'asseurant  que  si  ceste  pièce  qu'il  avoit  n'est  passée  en  Angleterre 
avec  les  aultres  qu'il  vendit  au  Bukinghan,  il  me  l'envoyera  plus  vo- 
lontiers que  je  ne  la  lui  sçaurois  demander,  tant  il  est  honneste.  Et  si 
cez  brouilleries^  de  l'Estat  présent  ne  m'obligeoient  à  une  cessation  ab- 
solue de  tout  commerce  avec  luy,  je  me  serois  possible  desjà  dispencé 
de  luy  en  donner  quelque  attainte.  Mais  je  ne  vouldrois  pour  rien  du 
monde,  en  ce  temps,  qu'il  se  peusse  voir  de  mes  lettres  à  une  personne 
qui  a  eu  depuis  peu  les  employs  dont  nous  avons  ouy  parler.  Et  puis, 
si  la  cuillier  qui  reste  à  M"'  de  Montaigu  est  véritablement  antique  (dont 
il  se  fauldra  esclaircir),  je  n'estimeray  pas  moins  d'en  pouvoir  faire  un 
jour  la  comparaison  avec  celle  de  M''  Rubens,  les  trouvantz  d'esgale  con- 
tenance (comme  je  pense  qu'il  le  fault  ainsy  présupposer  et  attendre) 
et  n'y  auray  pas  moins  de  plaisir  que  j'en  euz  à  la  comparaison  des 
deux  escuellons  d'argent  antiques  de  M'  de  Roissy,  qu'il  a  voulu  par- 
tager avec  moy,  et  dont  M"'  du  Puy  m'escript  que  vous  avez  voulu  voir 
mes  conjectures  et  resveries  de  fiebvreux.  De  quoy  certainement  je 
doibs  estre  bien  honteux;  mais  comme  à  quelque  chose  malheur  est 
bon,  comme  on  dict,  je  ne  suis  pas  si  marry  que  vous  ayez  veu  le  se- 
cours que  tirent  les  espritz  malades  comme  le  mien  de  la  communication 
de  telles  pièces,  quand  il  y  a  moyen  de  voir  et  de  tenir  les  originaux, 

'  Bossuet  a  parlé  {Histoire  universelle)  b  ce  sujet,  aucun  écrivain  fintérieur  à  Balzac, 

des  (rbrouilleries  du  royaume",  et  Balzac  et,  par  conséquent,.!  Peiresc.  Le xvi' siècle, 

(Le  Prince)  avait,  avant  le  grand  écrivain,  comme  le  xv',  appelait  brouillis  les  troubles 

employé  la  même  expression.  Littré  ne  cite,  civils. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  /i85 

Or  ce  qui  me  tient  un  peu  en  suspens  et  en  deffiance  de  la  cuillier  de 
M'  de  Montaigu,  est  que  M'  Venot  son  beau  frère  ne  se  souvient  point 
d'y  avoir  rien  veu  de  doré,  et  au  contraire  mon  frère  de  Valavez,  qui 
a  veu  celle  de  M''  Rubens,  dict  que  le  petit  point  qui  y  paroissoit  au 
siège  de  Mercure,  en  forme  de  lozange,  estoit  une  espèce  de  cloud  d'or 
enchâssé  dans  l'argent  plus  tost  qu'une  doreure,  ce  qui  me  faisoit  juger 
que  ce  debvoit  estre  une  marque  ou  note  numeralle,  pour  designer 
l'unité  et  intégrité  de  la  mesure  d'un  MYSTRUM,  qui  estoit  le  quart 
du  Cyalhus,  car  ce  vase  ou  ceste  cuillier  est  de  trop  grande  capacité 
pour  ne  tenir  qu'une  simple  cuillier  ou  une  simple  Ligula,  du  poidz 
d'une  demy  drachme  seulement  remplie  d'huille,  et  il  y  a  plus  d'appa- 
rence qu'elle  ayt  esté  faicte  pour  contenir  le  Mystrum,  qui  estoit  de 
trois  drachmes  ou  de  six  petites  cuilliers,  et  c'estoit  l'usaige  des  anciens 
de  marquer  d'or  les  poidz  plus  menuz  et  destinez  à  peser  les  choses 
plus  précieuses,  comme  les  aultres  ordinaires  estoient  marquez  d'ar- 
gent. Tellement  que  si  la  cuillier  de  M""  de  Montaigu  n'est  marquée 
d'or  comme  celle  de  M""  Rubens,  je  crains  qu'elle  n'ayt  esté  moullée 
dessus.  Et  de  faict  M''  Venot  m'a  lasché  quelques  mots  d'un  certain 
moulleur  de  ce  païs  là,  qui  faisoit  des  merveilles  en  ceste  sorte  d'oû- 
vraige,  et  qui  en  avoit  deslogé,  pour  le  soubçon  de  la  faulse  monnoye, 
lequel  se  pourroit  bien  estre  exercé  à  mouUer  pour  M'  de  Montaigu  ou 
pour  aultre  la  cuillier  de  M""  Rubens,  avant  qu'elle  fust  sortie  d'Autun; 
la  conformité  de  la  figure  assise  toute  pareille  en  l'une  comme  en  laultre 
m'estant  suspecte,  je  vous  en  envoyé  un  peu  de  griffonnement  afin  que 
vous  en  puissiez  mieux  juger,  où  j'ay  faict  colorir  •  de  jaulne  la  petitte 
teste  de  cloud  d'or  quarrée,  ou  en  lozange,  telle  qu'elle  estoit  repré- 
sentée en  mon  dessein.  Si  j'avois  veu  l'original,  je  vous  en  parlerois  pos- 
sible en  aultres  termes.  Une  des  plus  grandes  marques  de  l'antiquité 
sera  si  vous  trouvez  quelque  diflerence  aux  figures,  ou  aultres  ap- 
partenances qui  les  accompagnent,  de  plus  ou  de  moins  de  ce  dessein 

'  Le  Dictionnaire  de  Liltré  rappelle,  sous  le  mot  colorier,  que  eolori  est  Tancien 
participe  du  verbe  colorir.  Voir  le  mot  colorir  dans  le  Glossaire  de  La  Cume  de  Sainte- 
Palaye. 


486  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

en  l'original  de  la  pièce  de  M'  de  Montaigu.  L'aultre  sera  si  cet  ori- 
ginal est  luysant  et  poly  tant  dedans  que  dehors,  un  peu  plus  que  la 


vaisselle  d'argent  ordinaire  de  nos  orphevres  modernes,  et  s'il  n'y  a  point 
de  vestiges  des  grains  de  sable,  avec  quoy  on  le  pourroit  avoir  moullé, 
dont  je  serois  bien  tost  esclaircy  à  la  première  veue  que  j'en  pourrois 
prendre,  si  cet  homme  s'y  trouve  disposé.  Auquel  cas  je  seray  fort  soi- 
gneux de  luy  faire  fidèlement  restituer  son  original ,  en  sorte  que  vous 
n'aurez  pas  de  reproche  de  ce  costé  là,  si  vous  luy  engaigez  vostre  pa- 
rolle,  ou  si  vous  luy  en  faictes  engaiger  celle  de  quelqu'un  de  voz  amys 
et  des  siens.  Mais  en  toute  façon  il  ne  fault  pas  négliger  de  s'enquérir 
de  luy  et  faire  dresser  un  peu  de  relation  du  temps  et  du  lieu  où 
toutes  ces  pièces  feurent  deslerrées,  et  de  tout  ce  qui  fut  trouvé  con- 
jointement, sans  oublier  de  marquer  s'il  y  avoit  aulcunes  médailles, 
pour  communes  et  chetifves  qu'elles  poussent  estre ,  soit  de  l'empire  ou 
d'auparavant,  en  quelque  metail  que  ce  fust,  pourveu  qu'on  recogne ust 
les  images  des  Princes  ou  les  noms  et  inscriptions  qui  pouvoient 
faire  juger  du  siècle  qu'elles  estoient  en  usaige ,  et  qu'elles  pouvoient 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  487 

avoir  eu  cours,  afin  d'en  conjecturer  le  temps  que  ces  cuiHiers  ou 
brasseletz  ou  aultres  bajjues  pouvoient  avoir  esté  mises  ou  cachées  en 
terre  et  sçavoir  en  quelles  mains  passèrent  les  principales  pièces,  s'il  est 
possible,  pour  voir  si  ce  sont  véritablement  celles  dont  nous  cherchons 
la  source,  ou  d'aultres.  J'ay  grande  honte  de  vous  estre  à  si  grande 
charge,  pour  des  choses  de  si  peu  de  considération,  et  si  peu  dignes 
d'une  persone  de  vostre  crédit,  mais  vous  n'ignoriez  pas  ma  maladie  tant 
d'esprit  que  de  corps,  quand  vous  m'aviez  daigné  admettre  au  nombre 
de  voz  serviteurs  et  me  faire  sy  bonne  part  de  l'honneur  de  voz  bonnes 
grâces,  de  façon  que  je  ne  doibs  pas  doubler  que  vous  ne  soyez  en  vo- 
lonté et  en  estât  de  m'excuser,  et  de  me  pardormer  toutes  cez  faulles 
et  tous  ces  crimes  et  indiscrétions,  comme  je  vous  en  supplie  et  conjure 
de  toute  mon  affection.  Je  vous  escrivis  hier  par  le  dict  sieur  Venot', 
qui  désire  vous  faire  offre  et  consacrer  son  service.  G'estun  gentil  esprit, 
grandement  bien  né  et  bien  morigéné^,  qui  a  de  trez  bons  moyens,  et 
dict  on  qu'en  tout  l'Autunois  il  n'y  a  pas  de  maison  plus  accommodée 
que  la  sienne;  il  a  une  passion  aux  bonnes  lettres  nom  pareille,  et  une 
grande  aversion  à  toutes  les  occupations  et  employs  d'olfices  et  de  ma- 
riage qui  peuvent  estre  cappables  [de  l'éloigner]  du  dessein  qu'il  a  h  l'es- 
tude  où  il  a  de  bons  commancementz  et  une  gentille  bibliothecque.  Il 
seroit  à  désirer  qu'en  chasque  province  il  y  eust  de  telles  personnes  qui 
pourroient  saulver  une  infinité  de  bons  livres  m[anu]s[crit]s  et  de  trez 
curieuses  singularitez,  qui  se  perdent  à  faulte  de  gentz  qui  ayent  assez 
de  cappacité  et  de  charité  envers  le  public  pour  les  recueillir  et  rachepter 
de  leur  perte  inesvitable.  11  a  grand  désir  de  vous  servir,  et  d'acquérir 
l'honneur  de  voz  bonnes  grâces  et  de  vostre  protection,  par  tout  ce 

'  Getleletlre,quicoinmenceainsi:  ffMon-  '  C'est-h-dire  qui  a  <le  bonnes  mœurs  (de 

sieur,  je  n'ay  pas  dcu  laisser  passer  en  ce  morigerari,   venu,  selon    Liltrë,  de  mos , 

pays  M'  Venot,  d'Autun,  elc»,  est  dans  le  morts,  mœurs,  etgerere,  porter).  C'est  dans 

volume  VII  des  Minutes  de  l'Iuffuimberline  ce  sens  que  l'on  a  dit,  au  xv'  siècle,  rvail- 

»  (fol.  a 88),  il  côtt'  d'une  lettre  du  môme  tant  aux  armes  et  bien  morigenéi  [Botici- 

jour  adressée  à  M.  de  Montaigu ,  (flieutenant  qiiaut),  et,  au  xvi"  siècle,  «sage  et   bien 

gênerai   en   la   chancellerie  d'Autun n,  et  morigenée-K  (Ambroise  Paré), 
parmi  les  lettres  adressées  aux  frères  Dupuy. 


i88  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

qu'il  pourra  sacritfier  de  son  service  et  de  ses  moyens.  Je  m'asseure 
que  vous  ne  serez  pas  marry  de  l'admettre  au  nombre  de  voz  cliens  et 
serviteurs,  comme  je  vous  en  supplie.  Et  quand  la  jeunesse  luy  feroit 
obmettre  aulcune  chose  de  son  debvoir,  et  des  termes  du  respect  qui 
vous  est  deub,  parmy  l'ardeur  de  son  zeelle,  je  crois  bien  que  vous 
lexcuserez  volontiers  aussy.  Je  vous  feray  un  dupplicala  de  ceste  des- 
pesche  qui  va  par  Paris,  pour  tenter  de  faire  passer  l'autre  de  Lyon 
droict  à  Dijon,  de  crainte  que  vous  n'en  fussiez  party  avant  la  réception 
de  ces  advis  icy  ou  plustost  de  cez  importunitez ,  dont  je  vous  crie  en- 
cores  mercy  de  bon  coeur,  en  cette  qualité  que  vous  avez  daigné  m'oc- 
troyer  et  conserver  de  si  bon  coeur. 
Monsieur,  de 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 

A  Aix,  ce  h  apvril  iG33. 

Je  vous  supplie  d'excuser  encores  la  précipitation  oi!i  je  me  suis 
trouvé  reduict  cette  fois ,  et  non  seulement  la  mauvaise  escripture ,  mais 
ce-desordre  et  mauvaise  construction  du  style  en  quelques  endroictz, 
pour  avoir  esté  interrompu,  et  trop  pressé  en  reprenant  la  besongne; 
vous  entendrez  mieux  ce  que  je  voulois  dire  que  je  ne  l'ay  sceu  ex- 
primer, ne  pouvant  le  refaire  présentement  comme  c'eust  esté  de  mon 
debvoir  et  de  mon  désir. 

Je  viens  de  recevoir  présentement  une  partie  des  mémoires  du  P.  Atha- 
nase  Kircher,  jésuite  Alleman,  sur  l'exposition  des  Hiéroglyphiques 
^Egyptiens  des  obélisques,  extraictz  d'un  vieil  Rabin  de  Babylone  qui  a 
nom  Raby  Barachias  lequel  a  escript  en  Arabe,  où  il  y  a  des  choses  gran- 
dement abstruses  et  rares,  où  les  curieux  trouveront  bien  de  l'exercice  \ 

'  Voir  Gassendi,  ]iv.  V,  p.  388,  sur  le  Varûde Kircherdeh Bibliothèque desécrivaitis 

P.  Athaiiase  Kircher,  qu'il  appelle  homme  de  la  Compagnie  de  Jésus  {t.ll,co\.  lilij),  où 

de  grande  érudition  [eruditionis  oppido  ma-  est  indiqué  cet  ouvrage  du  savant  jésuite: 

gnœ)  et  qui  habitait  alors  Avignon,  ainsi  Prodromus  Coptus  sive  ^gypliacus  (Rome, 

que  sur  Rabbi  Barachias  Nephi.  Conférez  i636,  m-^°).  Dans  cet  ouvrage,  dédié  au 


I 


[1633] 


AUX  FRERES  DUPUY. 


A89 


et  ceux  principalement  qui  recherchent  des  notices  et  origines  de  la 
langue  des  Coplites'. 


cm 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 
À  PARIS. 

Monsieur, 
Avec  vostre  despesche  du  26"  du  passé,  nous  avons  receu  de  bien 
curieuses  pièces  et  qui  méritent  de  bien  plus  grands  remerciements  et 
services  de  revanche  que  je  n'en  sçaurois  rendre,  mais  il  y  avoit  im 
advis  qui  me  donna  bien  de  la  mortification  et  que  je  déplore  infini- 
ment en  la  disgrâce  de  ce  pauvre  P.  '■'.  Il  fault  vouloir  ce  qui  plaict  aux 
Dieux  et  souhaicter  que  leur  courroux  s'appaise'.  Je  vous  r' envoyé 
celle  de  Montmorancy"de  l'aultre  ordinaire,  avec  mes  actions  de  grâces 
trez  humbles  telles  que  je  puis.  Celle  du  cardinal  Bentivoglio,  que  je 
trouve  bien  judicieuse  et  dont  je  vouldrois  bien  sçavoir  l'aulheur  con- 
fidament,  refera  le  voyage  par  le  prochain  Dieu  aydant.  Vous  aurez 
icy  une  lettre  qui  m'a  esté  escriple  de  Thoulouse  sur  les  m[anu]s[crit]8 
dont  on  m'avoit  l'aict  feste,  mais  je  crains  bien  que  ce  ne  soit  pas  ce 
qu'on  m'avoit  dict.  Tousjours  l'auldra  t'il  voir  ce  que  ce  peult  estre  et 
s'il  y  auroit  rien  à  suppléer  ou  meliorer  en  l'édition.  Je  l'exhorteray 
tant  que  je  pourray  de  vous  faire  envoyer  ses  livres  comme  j'avoys  desja 
faict  et  les  tiendray  pour  receus,  à  la  mode  d'Italie,  qu'ils  ne  donnent 
pas  volontiers  une  grâce  que  plusieurs  ne  participent  à  l'obligation. 


cardinal  Fr.  Bnrberini ,  Kircher  a  utilisé  les 
mémoires  relatifs  aux  hiéroglyphes  dont 
Peiresc  fait  ici  mention. 

'  Vol.  717,  fol.  a!i3. 

'  Il  faut  lire  sans  doute  :  ce  pauvre  Phe. 
Ue  quel  religieux  est-il  question?  S'agirait-il 
du  P.  Jean  Morin  (de  l'Oratoire),  qui  eut 
vers  la  même  époque  divers  désagréments 


au  sujet  de  ses  Exereitationes  biblicœ  (Paris, 
i633,  in-/.»)? 

'  l^es  Dieux  signifient  ici  le  cardinal  de  Ri- 
chelieu ,  auquel  on  peut  appliquer  le  surnom 
de  Jupiter  tonnant ,  qui  tonal  altus  (Ovide). 

*  C'est-à-dire  les  pièces  relatives  à  la  suc- 
cession du  duc  de  Montmorency,  pièces  dont 
il  est  question  dans  la  lettre  suivante. 

«• 

tVVftlVIUI    *«T1*«AU. 


i90 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1633] 


La  gazette  n'est  point  veniie  plus  tost  que  les  aultres  foys,  pour  mon 
regard,  ouy  bien  pour  M'  le  Mareschal  et  pour  M''  de  la  Poterie,  qui 
ont  droict  de  recommandation  et  préférence.  Il  faut  qu'il  y  ayt  quelque 
mystère  caché,  qui  dépende  des  2  pisloles  dont  est  question  pour  le 
faire  révéler.  Ce  mien  amy  choisit  le  Golzius  de  la  dernière  édition,  à 
5  0  libvres  ',  mais  il  ne  vouidroit  pas  qu'on  oubliast  le  petit  Thésaurus  rei 
Antiquariae  du  mesme  autheur*;  au  cas  qu'il  ne  fusse  pas  de  l'assorti- 
ment, il  le  fauldra  achepter  à  part,  s'il  vous  plaict.  Pour  le  volume  en 
taille  de  boys  des  Empereurs  ',  il  le  trouve  fort  cher  à  huict  escus  parce 
que,  comme  vous  dictes,  ce  n'est  pas  grande  chose,  au  prix  du  reste.  Mais 
s'il  est  si  bien  relié  comme  vous  dictes,  cela  peut  emporter  quelque 
portion  de  la  surtaxe^  et  pour  ne  pas  laisser  cette  mortification  à  mon 
pauvre  amy,  il  fault  que  je  luy  en  fasse  bon  marché  d'une  coupple 
d'escas  de  ma  bource  sans  qu'il  en  sçaiclie  rien,  pour  luy  faire  trouver 
meilleur  le  service  et  remploy\  Il  n'en  pensoit  donner  que  quattre  escus, 
et  à  cause  de  la  relieure  il  en  donnera  six  et  sera  contant,  et  je  n'y 
perdray  pas  tout,  comme  s'il  demeuroit  desgousté  de  cette  petite  cherté 
de  plus.  Je  vous  feray  envoyer  l'argent  par  la  première  commodité  Dieu 
aydant.  Cependant  vous  le  pourrez  faire  s'il  vous  plaict  arrester  ou 
prendre.  Et  s'il  se  presentoit  occasion  de  l'envoyer,  il  ne  la  fauldroit 
pas  laisser  eschapper.  Ensemble  le  Gesner^,  mais  celuy  cy  n'a  pas  tant 
de  haste  que  le  Golziu».  Monsieur  le  Premier  Président*  voulut  venir 
l'aultre  jour  perdre  une  coupple  d'heures  dans  ma  chettive  estude, 
où  il  ne  trouva  rien  de  son  goust,  mais  il  est  si  bontif  qu'il  tesmoi- 


'  11  s'agit  là  de  l'ensemble  des  œnvre»  de 
GoUzius,  publiées  de  i563  à  iSyi,  telles 
qu'on  les  trouve  décrites  dans  le  Manuel  du 
libraire  (t.  II,  col.  i653). 

'  Thésaurus  rei  anliquttriw  ex  anliquis  nu- 
ittismatibus  (Anvers,  1679,  in- 4°;  1618, 
in-fol.). 

'  Icônes  imperalorum  romamrum  (  Anvers , 
1557.  in-fol.  ).  Peu  de  tempsaprès  l'ouvrage 
reparut  dans  la  même  ville  avec  un  texte 


français  :  Les  images  au  médaillés  de  tous  les 
empereurs,  depuis  Jules  César  jusqu'à  l'em- 
pereur Ferdinand,  avec  leurs  éloges  (ib&t, 
in-fol.  ). 

'  Tous  les  bibliophiles  admireront  un 
procédé  d'une  aussi  délicate  et  aussi  ingé- 
nieuse générosité. 

'  Bibliotheca  miiversalis  (1 545 ,  in-fol.). 

'^  Laisné  de  la  Margueiie. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  491 

{jnoit  de  la  salisfactioii  beaucoup  plus  (|ue  nous  ne  hiy  en  pouvions 
fournir,  principalement  à  son  Imnieur  qui  n'est  pas  dans  une  si  vaste 
curiosité  que  celle  des  aultres  qui  s'en  estoient  mieux  contentez.  Je 
vous  remercie  trez  humblement  de  l'advis  que  vous  m'avez  donné  du 
voyage  de  M' de  Thou  en  Bourgoi{jne;  ce  que  vous  y  adjoustez  de  sa 
curiosité  de  voir  ma  lettre  à  M'  de  Roissy  m'a  faict  rougir  à  bon  essiant 
et  m'a  neantmoings  enlin  donné  l'outrecuidance  de  luy  en  escrire  ce 
que  vous  pourrez  voir  en  la  lettre  cyjoincte',  sur  le  subject  des  rela- 
tions que  j'ay  ciies  tout  à  poinct  des  pièces  dont  j'estois  en  peine  ;  aydez 
moy  en  son  endroict  pour  me  l'aire  pardonner.  Si  ce  jeune  gentilhomme 
d'Autun  qui  m'en  a  faict  les  relations^  vous  va  voir  à  Paris,  je  me  pro- 
mets qu'il  aura  chez  vous  le  bon  accueil  dont  vous  estes  si  libéral  en- 
vers les  gents  de  sa  condition,  ayant  tant  d'inclination  aux  bonnes 
lettres,  et  se  trouvant  issu  et  successeur  d'un  si  grand  homme  comme 
esloit  M' Chassance  *,  do  qui  nous  avons  desterré  le  portraict  depuis  peu , 
d'assez  bonne  main^  Si  vous  ne  l'aviez,  je  vous  en  feray  envoyer  une 
coppie.  Ge  gentilhomme  a  nom  M""  Venot,  et  a  de  bons  livres  d'un  sien 
oncle;  il  m'a  faict  feste  d'un  vieil  cartulaire,  et  d'une  charte  d'un  Theo- 
(loric  où  est  faicte  mention  du  comte  Boson  d'Autun,  et  d'un  certain 
partage  qui  servira  peult  estre  bien  à  M"'  du  Ghesne,  comme  à  moy.  Il 


'  La  lettre  que  l'on  vient  de  lire  son»  le 
numéro  Cil. 

'  Goinme  on  va  le  voir  un  peu  plus  bas, 
c'était  Venot ,  le  beau-frère  de  M.  de  Mon- 
taigu. 

'  Barthélémy  de  GhasBcneuz,  né  ou  diocèse 
d'Autun,  dans  la  paroisse  d'Issy-rKvôquc, 
vers  i48o,  noniraé  premier  président  du 
parlement  de  Provence  en  août  i53a,  reçu 
le  3  octobre  i  .'iS.'l  ;  il  mourut  à  Aix  en  avril 
ibl»t.  Voir  la  monographie  consacrée  h  ce 
.savant  magistrat  par  J.- Henri  Piguot  :  Uh 
jurinconsulie  au  .xrt'  siècle.  Barthélémy  de 
Chasseiieuz ,  premier  covuKenlateur  de  la  cou- 
tume de  Bourgogne ,  et  président  du  parlement 


de  Provence.  Sa  vie  et  tes  œuvres  CParis, 
«88o,in-8°). 

'  Dans  la  Liste  de  portraits  des  Fraitçoi* 
illustres  du  tome  IV  de  la  Bibliothèque  histo- 
rique de  la  France,  on  indique  un  dessin  au 
crayon  conservé  dans  le  cabinet  de  M.  de  Fon- 
tette  et  une  gravure  de  Cnndier  (i  ysi  ,  in- 
l'ol.  ).  Le  beau  recueil  de  ce  dernier  (  Portraits 
des  premiers  présidents  du  Parlement  de  Pro- 
vence) contient  une  courte  notice  sur  Chas- 
seneni  où,  comme  dans  la  lettre  de  Peircsc, 
ce  magistrat  est  glorifié  :  on  y  dit  que  iree 
fut  un  des  plus  grands  personnages  de  son 
siècle  x. 


6i. 


492  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

m'a  encore  parlé  d'un  m[anu]s[crit]  d'un  sien  amy  contenant  un  petit 
recueil  de  sermons -de  S'  Bernard  non  imprimez  et  par  luy  mesmes 
desdiez  à  un  comte  d'importance.  11  ne  fault  rien  négliger  par  mon 
advis  et  je  prends  grand  plaisir  d'apprendre  de  tout  le  monde  ;  il  m'a 
enseigné  enlr'aultres  une  chose  qui  m'eust  servy  si  je  ne  l'eusse  ignorée 
quand  j'escripvois  à  M''  Rigault  de  mon  interprétation  des  passages  des 
anciens  tant  poètes  que  scholiastes  sur  cez  mots  de  Virgile  : 

Magnos  crateras  statuunl  et  VIN  A  CORON  ANT  '. 

Ce  fut  en  beuvant  à  la  santé  de  son  beau  frère  qu'il  me  parla  d'un  usage 
qu'ils  ont  en  Bourgoigne  de  reprocher  à  ceux  qui  versent  du  vin  dans 
le  verre,  s'ils  ne  le  remplissent  bien,  lorsqu'il  paroittrop  de  bord  par 
dessus  la  surface  du  vin,  tu  me  veux  faire  la  couronne,  sans  que  je  soys 
prebstre.  En  quoi  je  trouve  une  continuation  apparente  de  l'ancien 
usage  pour  lequel  je  disois  qu'on  avoit  affecté  celte  boucle  dorée  par 
dessoubs  des  mouHeures  intérieures  dans  mes  couppes  CVMBIBAE, 
qui  furent  desterrées  l'année  passée.  S'il  se  practicquoit  rien  de  sem- 
blable à  Paris  ou  ez  environs,  je  l'apprendrois  fort  volontiers;  vous  le 
pourrez  vérifier  bien  facilement  en  vostre  academye,  oii  il  abborde  du 
monde  de  toutes  les  provinces  de  ce  Royaulme.  J'ay  receu  une  lettre  du 
cardinal  Barberin  du  i  2  mars,  toute  de  sa  main,  où  il  me  demande  l'ap- 
probation de  l'eschange  qu'il  a  faict  avec  le  cardinal  Antoine  son  frère 
de  leurs  légations,  et  me  dict  que  la  Bibliothèque  d'Urbin  intercédera 
pour  luy,  si  j'y  faisois  de  la  difficulté,  par  le  moyen  de  quelques  uns 
des  livres  ni[anu]s[crit]s  qui  y  sont,  qu'il  offre  de  me  faire  transcrire,  de 
sorte  que  je  suis  bien  homme  pour  le  prendre  au  mot  pour  quelqu'un, 
sur  un  petit  extraict  abrégé  que  m'avoit  envoyé  M'  Naudé  de  certaines 
pièces  de  la  dicte  bibliothèque  ^.  Je  n'ay  encores  peu  remettre  la  main 

'  Citation  quelque  peu  infidèle.  Le  véri-  '  Voir  sur  les  manuscrits  de  la  biblio- 

lable  texte  du  7  2  4*  vers  du  livre  I  de  thèque  d'Urbin  divers  passages  des  lettres  de 
Y  Enéide  est  celui-ci  :  Gabriel  Naudë  qui  forment  le  XIII'  fascicule 

Crateras  magnos  statuant,  etvina  coronant.  âes  Correspondants  de  Peiresc  {?arh ,  1887), 

et  notamment  p.  19,  22. 


[1633J  AUX  FllÈRES  DUPLY.  493 

sur  la  liasse  de  M'  Holstenius  pour  vous  envoyer  celle  que  je  pensoys 
vous  avoir  envoyée.  11  y  a  si  lon{j[temp8  qu'il  ne  m 'avoit  escript,  et  que 
je  n'avois  pas  eu  d'occasion  de  la  manier,  que  je  ne  la  sçaurois  avoir 
maintenant  que  j'en  ay  affaire,  mais  elle  ne  m'eschappera  pas,  et  puis 
que  vous  ne  le  trouvez  pas  bon,  je  me  garderay  bien  de  luy  rien  dire 
de  ce  que  j'avois  certainement  délibéré  de  faire,  mais  j'attendrois  pour- 
tant vostre  adveu.  Je  finis  donc  en  vous  conjurant  de  rechef  d'excuser 
mes  infirmitez  et  ma  mauvaise  escritture,  et  de  me  continuer  l'honneur 
de  voz  bonnes  grâces  comme. 
Monsieur,  à 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  h  avril  i633  '. 


CIV 

\  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
J'ay  receu  par  l'ordinaire  dernier  vostre  depesche  du  i"  de  ce  mois 
avec  toutes  cez  belles  pièces  imprimées,  tant  sur  la  succession  de  la 
maison  de  Montmorancy  que  aultres,  et  particulièrement  cet  adver- 
tissement  du  sieur  Bordier  dont  je  vous  remercie  trez  humblement, 
ensemble  M'  du  Puy  vostre  frère  de  ce  vieux  cahier  de  Ponderibus,  en 
quoy  il  ne  cesse  de  me  tesmoigner  comme  vous  de  vouloir  continuer  les 
effectz  de  sa  bienveillance,  dont  nous  vous  sommes  trez  tous  infiniement 
redevables  et  à  tous  les  vostres.  Les  advis  de  la  Gazette  de  la  pré- 
cédente sepmaine  que  vous  aviez  mis  sous  une  enveloppe  séparée  ne 
sont  point  arrivez  plus  tost  que  les  aultres  non  plus  que  l'aultre  foys. 
11  est  vray  que  celle  cy,  je  n'ay  point  sceu  que  M' le  Mareschal*  aye 


'  Vol.  717,  fol.  996.  —  '  I^  maréchal  de  Vilry,  gouverneur  de  la  Provence. 


Ii9li  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

receu  par  cet  ordinaire  aultres  choses  plus  iVaisches  que  la  relation  du 
mois  de  mars  toute  seuUe  que  vous  aviez  mise  dans  voslre  dernier  pac- 
quet.  Pour  la  Bibliothèque  de  Gesner,  c'est  la  vérité  que  j'entendois  de 
vous  demander  la  primitifve  édition  plus  ample,  mais  puis  que  ce  n'est 
que  pour  mon  usaige,  et  que  l'on  la  veult  vendre  si  chèrement,  je  m'en 
passeray  plus  patiemment  que  si  c'estoit  pour  quelque  bon  amy,  ayant 
prins  plaisir  d'entendre  que  M'  Aubery  aye  voulu  se  charger  de  me  re- 
tenir la  Dactiliotheca  de  Gorlaeus'  parce  que  c'est  pour  un  de  mes 
amys  qui  ne  voit  l'heure  de  la  recepvoir.  Je  m'estonne  que  ce  martyro- 
loge de  Massœus  ne  soit  pas  si  notoire  comme  je  me  l'estois  imaginé  % 
l'ayant  veu  allégué  en  divers  lieux  comme  chose  assez  commune,  et 
particulièrement  dans  ce  petit  recueil  de  prières  de  Simon  Verrepaeus^ 
Le  Père  Vassan*  vous  sçauroit  bien  dire  ce  que  c'est,  s'il  vous  venoit  en 
rencontre.  11  nous  sera  fort  aisé  de  nous  passer  du  iNicandre  tandis  qu'il 
ne  s'en  trouve  point  en  commerce,  puis  qu'un  de  mes  amys  me  laisse 
l'usaige  du  sien.  Quant  à  M' Holslenius ,  il  ne  fault  point  que  vous  vous  en 
mettiez  en  peine,  puis  que  je  vous  avois  asseuré  de  ne  luy  rien  dire  que 
je  n'eusse  vostre  adveu  exprez.  11  y  a  bien  trois  mois  entiers  que  je  ne 
luy  ay  escript  chose  du  monde,  et  il  y  a  bien  plus  d'un  an  par  delà  les 
trois  mois  qu'il  ne  m'a  point  escript  à  moy,  mais  un  Religieux  fraische- 
ment  revenu  de  Rome  m'a  asseuré  qu'il  luy  avoit  monstre  afforce  pa- 
piers qu'il  disoit  luy  vouloir  bailler  pour  moy,  et  afforce  curieux  desseins 
d'antiquitez,  mais  il  ne  le  trouva  pas  chez  luy  quand  il  alloit  luy  dire 
adieu.  Je  n'ay  encore  peu  trouver  son  epistre  du  voyage  de  Polongne*. 


'  Dactyliotheca ,  seu  aimulorum  sigillo- 
r unique  e  ferro,  eere,  ca'gento  atque  atu'o 
promptuarium  (Nuremberg,  i6oo,  in-4°). 

'  Encore  moins  notoire  aujourd'hui ,  le 
Martyrologe  de  Massœus  a  écliappé  h  toutes 
aies  recherches ,  comme  à  celles  de  piusieure 
de  mes  savants  amis. 

'  Simon  Verepasus  mourut  chanoine  de 
l'église  cathédrale  de  Bois-le-Duc  et  en  celte 
ville,  le  10  avril  i5(j8,   âgé  de  soixante- 


seize  ans.  Le  recueil  dont  veut  parler  Peiresc 
est  intitulé  :  Enchiridion  piarum  precationum 
(Anvers,  i5(ji,  souvent  réimprimé).  Voir 
dans  le  Moréri  la  longue  liste  des  publications 
de  Verepœus,  tirée  de  la  Bibltotheca  belgica , 
de  Valère  André. 

'  Sur  le  père  Vassan,  voir  le  tome  I, 
page  Qo. 

'"  \\  a  été  question,  plus  haut,  de  la  lettre 
oîi  Holslenius  raconte  son  voyage. 


[1633] 


AUX  FUKIIES  DUPUY. 


A95 


bien  ay  jo  trouvé  iiiesperement  la  charte  que  me  demandoit  M'  Bely, 
mais  je  ne  sçay  si  je  luy  pourray  escripre  par  cet  ordinaire,  car  il  est 
desja  bien  laid  et  j'ay  un  peu  de  deflluxion  sur  les  yeux  qui  commance 
fort  de  m'impoi'tuner;  en  tout  cas  je  la  mettray  dans  vostre  pacquet. 
sauf  d'y  joindre  ma  iettre  par  le  prochain  ordinaire.  Cependant  vous 
ne  serez  pas  marry,  je  vous  asseure,  de  voir  la  pièce,  et  M'  du  Cliesne 
aussy,  qui  m'en  avoit  faict  la  demande  de  la  part  du  dict  sieur  Beiv, 
mais  je  vous  supplieiay  de  ne  la  pas  communiquer  à  personne  aultro 
qui  peusse  prévenir  le  dict  sieur  Bely  en  l'édition  d'icelle,  puis  qu'il 
a  tcsmoigné  tant  de  désir  de  la  donner  dans  son  hystoire.  J'ay  receu 
une  lettre  de  M"^  l'Archcvcsque  de  Thoulouse  ',  escripte  de  Lyon  le 
tî  3''  de  mars ,  oii  il  me  dict  avoir  laissé  à  M'  Rijjault  un  volume  Grec  m[a- 
nu]s[crit]  de  certains  vieux  aulheurs  astronomiques  lequel  je  hiy  avois 
aultres  fois  demandé  ])our  M"'  Holstenius,  et  me  mande  qu'il  a  chargé 
le  dict  sieur  Rigault  de  me  le  faire  mettre  en  main  aussy  tost  que  l'on 
auroit  achevé  d'en  transcripre  je  ne  sçay  quelles  pièces  qu'il  en  avoit 
promises  à  quelque  aultre;  vous  me  ferez  grande  faveur  de  le  retirer 
lorsqu'il  ne  sera  plus  nécessaire  au  dict  sieur  Rigault,  afin  que  je  le 
puisse  envoyer  à  M"'  Holstenius.  Je  ne  vous  ay  pas  moins  d'obligation 
que  M''  Fabrot  du  soing  que  vous  daignez  prendre  de  son  Théophile. 
S'il  se  trouve  de  par  de  là  une  Grammaire  Persienne  et  Turquesque 
d'un  Megiserus^,  je  serois  bien  ayse  de  l'avoir,  et  me  faict  on  feste  d'un 
certain  Thésaurus  linguarum  Italice,  Gallice,  Hispanice,  Anglice,  oi!i 
je  voudrois  bien  sçavoir  s'il  y  a  rien  d'extraordinaire  ^.  Pour  le  livre 


'  Charles  de  Monlchal ,  ddjh  souvent  men- 
tioniié. 

'  Jérôme  Mcfjiser,  lu^  h  Stulffjnrd  vers 
t555,  mourut  h  Lintzcni6t6,  après  avoir 
mené  nno  oxistence  très  «jfitéiî  et  avoir  [)u- 
blié  nn  grand  nonibred'ouvrnjyes  en  allemand 
et  en  latin.  Je  ne  vois  pas  parmi  ces  oitvrajjes , 
dont  les  plus  importants  ont  élé  énnmén's 
pai'  Weiss  [liiojp-aphie  univergelle) ,  une 
grammaire  des  langues  de  la  Perse  et  de  la 


Turquie,  mais  seulement  nn  traité  relatif  h 
cplto  dernière  langue  :  Insfiiulionum  IhigtuF 
turcicœ  lihri  /^(Lcipsick,  ifijs,  in-8*). 

'  Ce  philologue  allemand  avait  publié 
dès  1596  (à  (îraîtz ,  in-8°)  un  diction- 
naire intitulé  :  Dictiomiarium  quatuor  Im- 
{ruarmn.  Le  même  philologue  publia,  en 
160.3,  à  Francfort,  le  Thésaurus  polyfflottun 
(in -8°  de  plus  de  1600  pages  h  (rois  co- 
lonnes). 


Zi96  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

chimique,  j'avois  bien  jugé  sur  le  mémoire  qu'il  n'y  avoit  guieres  d'ap- 
parence qu'il  eust  esté  bien  donné;  il  fauldra  que  celuy  qui  le  désire 
en  prenne  de  meilleures  instructions,  et  je  ne  laisse  pas  de  vous  estre 
bien  obligé  du  soing  que  vous  daignez  prendre  de  tant  d'importunes 
commissions.  Au  reste  nous  avons  admiré  toutes  ces  nouvelles  révolu- 
tions de  la  cour,  où  l'on  nous  a  voulu  adjouster  icy  d'aultres  person- 
nages d'importance  tant  femmes  que  hommes  comprins  en  la  desfaveur, 
jusques  à  Madame  de  Montbason'  et  M""=  du  Rallier^,  ensemble  M'  de 
Liancourt^,  mais  nous  avons  veu  icy  une  coppie  de  l'abolition  de 
MonsS"""  l'Evesque  de  Nismes  \  qui  ne  semble  pas  des  moins  importantes 
pièces  du  temps.  Il  est  venu  un  bruict  du  costé  d'Avignon,  d'oii  il  ne 
vient  guieres  de  nouvelles  véritables,  que  M"^  le  Mareschal  de  Thoiras 
avoit  pris  l'habit  de  carme  deschaussé,  dont  nous  n'avons  rien  voulu 
croire*.  Nous  n'avons  que  trop  de  fascheuses  nouvelles  maintenant 
en  ceste  ville  sur  un  subject  dont  vous  aurez  un  jour  toute  la  procé- 
dure, sur  le  subject  d'un  souflet  donné  par  un  consul  à  l'un  de  ses  col- 
lègues, pour  raison  de  quoy  on  a  voulu  faire  heurter  l'authorité  de 
M' le  Gouverneur  avec  celle  du  Parlement,  dont  ceux  qui  ont  l'humeur 


'  Marie  de  Bretagne,  née  vers  1610, 
mariée  en  1628  à  Hercule  de  Rohan,  duc 
de  Monlbazon,  morte  le  98  avril  1657. 
On  sait  que  M""  de  Montbazon,  rrune  des 
plus  belles  personnes  que  l'on  pût  voir» 
et  aussi  une  des  moins  farouches,  fut 
aimée  par  deux  des  ennemis  du  cardinal 
de  Richelieu,  Gaston  d'Orléans  et  le  comte 
de  Soissons.  Voir  Talleraant  des  Réaux, 
t.  IV,  p.  463. 

'  Charlotte  des  Essarts ,  fdle  de  François 
des  Essarts ,  sieur  de  Sautour,  et  de  Charlotte 
de  Harlay,  mariée  en  i63o  à  François  de 
l'Hospital,  seigneur  du  Haliier,  comte  de 
Rosnay,  maréchal  de  France  en  1 6i3 ,  morte 
le  8  juillet  1 65 1.  Voir,  sur  cette  trop  célèbre 
amie  du  roi  Henri  IV,  VHisloriette  intitulée 
Le  mareschal  de  l'Hospital,  t.  IV,  p.  1 6a-i  63. 


'  Roger  du  Plessis ,  duc  de  Liancoiirt ,  a 
déjà  été  mentionné  (t.  I,  p.  96).  Citons  en- 
core ici  Tallemant  des  Réaux,  Historiette 
de  Madame  de  Liancourt  (t.  IV,  p.  3o2- 
3o8). 

'  Claude  de  Saint-Bonnet ,  frère  de  Toiras , 
avait  pris  parti  pour  le  duc  de  Montmorency  ; 
il  fut  obligé  de  renoncer  à  son  évêché  pour 
obtenir  l'abolition  dont  parle  Peiresc.  Il  fui 
remplacé,  le  19  novembre  i633,  par  An- 
thyme-Denis  Cohon ,  un  des  favoris  du  car- 
dinal de  Richelieu. 

'  Peiresc  avait  bien  eu  raison  de  ne  pas 
croire  à  cette  prise  d'habit.  Le  maréchal  de 
Toiras  était  trop  foncièrement  militaire  pour 
ne  pas  mieux  aimer  mourir  comme  un 
soldat  que  comme  un  moine. 


[1633]  AUX  FRERES  DUPL'Y.  497 

pacifique  sont  bien  desplaisantz  '.  Vous  me  pardonnerez  bien  sy  je  ne 
vous  on  (lictz  d'aultres  choses,  estant  de  tout  mon  coeur, 
Monsieur, 

vostre  Irez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  XI  avril  i633. 


'  Les  historiens  de  Provence  ont  |jossé 
cet  incident  sous  silence.  J'en  dirais  autant 
des  historiens  de  la  ville  d'Aix,  si  P.-J.  de 
Haitze,  dont  l'ouvrage  est  si  consciencieux, 
si  complet,  n'avait  suppléd  au  silence  de 
Pitton  et  de  ses  autres  devanciers.  On  sait 
que  la  plus  grande  partie  de  cet  ouvrage  a 
été  publiée  dans  la  llevue  Seœtienne,  mais, 
comme  le  récit  de  l'affaire  du  soujlet  appar- 
tient aux  pages  encore  inédites  de  l'Histoire 
de  la  ville  d'Aix,  j'ai  dû  emprunter  ce  récit 
au  précieux  manuscrit  de  la  bibliothèque 
Méjanes.  Pour  cet  emprunt  j'ai  eu  recours  à 
l'extrême  obligeance  d'un  bibliophile  d'Aix 
qui  m'a  très  aimablement  rendu  bien  d'autres 
services,  M.  Paul  Arbaud  :  (tOu  accorda  au 
député  en  faveur  do  la  ville  la  confiscation 
des  biens  du  président  Coriolis,  qu'elle  remit 
ensuite  généreusement  à  son  (ils.  Comme  ces 
choses  eurent  esté  décidées,  la  ville  traita 
avec  les  intéressez  sur  leur  paieroant.  Le  ma- 
réchal de  Vitry,  sachant  que  le  cardinal  de 
Richelieu  souhaitoit  que  ces  gens  Ih,  qu'il 
appi'Uoit  ses  martyrs ,  fussent  plenement  sa- 
tisfaits, pour  lui  plaire,  embrassa  leur  parti 
contre  les  inlerests  de  la  ville  et  mit  pour  cela 
en  jeu  le  seigneur  de  Saint-Martin ,  second 
consul,  qu'il  s'estoit  entièrement  ac(|uis. 
Celui-ci  donc,  ainsi  disposé,  estant  au  con- 
seil de  ville  lorsqu'on  [iroposa  le  rembour- 
sement des  intéressez,  insista  contre  Ga- 
bassol ,  son  collègue ,  (jui  proposoit  de  faire 
(juelque  retranchement  aux  sommes  qui  leur 


avoient  esté  adjugées  et  soutint  <ju'on  devoit 
les  leur  ac({uiler  entièrement.  Cette  contes- 
tation fut  portée  si  avant  que  Cabagsol  receul 
un  soullet  de  la  part  du  seigneur  de  Saint- 
Martin  en  plene  assemblée.  Le  public,  sur- 
pris d'un  procédé  si  insolent  qui  violoit  les 
loix  de  la  société  civile,  et  qui  l'offensoit  si 
grièvement,  témoigna  d'en  vouloir  avoir  ré- 
paration par  justice.  Sur  cela,  les  consuls 
(irent  informer  par  le  lieutenant  criminel  qui 
décréta  prise  de  corps  contre  le  prévenu.  l/C 
Parlement,  sachant  la  conséquence  de  l'afaire, 
et  qu'elle  estoit  de  celles  qui  méritent  les 
soins  des  magistrats  superieui-s,  ordonna 
que  le  décret  seroit  exécuté  de  son  autorité 
et  fît  crier  le  seigneur  de  Saint-Martin  trois 
briefs  jours.  Il  s'estoit  retiré  près  le  Maréchal 
qui  pour  lors  estoit  h  la  Tour  d'Aiguës,  le- 
quel ,  adverli  de  la  procédure  du  Parlement, 
et  le  prenant  pour  une  injure  à  sa  personne, 
vint  en  mesme  temps  à  Aix ,  y  mena  le  sei- 
gneur de  Saint-Martin  et  le  fît  promener  par 
la  ville.  Celui  ci  se  pourveut  par  devant  La 
Poterie,  un  des  intendans,  qui  renvoïa  les 
parties  au  Itoi  dans  trois  semaines,  et  cepen- 
dant surcit  h  toutes  procédures.  Cette  action 
du  Maréchal ,  qui  touchoit  le  Parlement  en  la 
partie  la  plus  sensible,  fut  la  première  cause 
(les  divisions  qui  se  formèrent  entre  ces  deux 
|)uissances.  Le  Parlement  en  tit  des  plaintes 
au  Roi ,  et  comme  il  n'en  récent  ps  la  sa- 
tisfaction qu'il  avoit  sujet  d'en  espérer,  il  en 
conserva  un  sentiment  plus  ulcéré,  parce 

63 


ItUS    «AtlOItLC. 


498  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 


GV 

À  MONSIEUR,   MONSIEUR  DUPUY, 
À  PARIS. 

Monsieur, 
Le  dernier  ordinaire  nous  apporta  sammedy  àl'issiie  du  Palais  vostre 
despesche  du  8""=  avec  laquelle  j'eux  soubs  une  enveloppe  à  part  la  Ga- 
zette du  2  avril.  Mais  tandis  que  j'ouvroys  vostre  pacquet  et  celuy  du 
Prieur  de  Roumoules,  mon  homme  s'apperceut  du  cachet  d'un  petit  pac- 
quet séparé,  dont  l'empreinte  ressembloil  l'enseigne  de  l'esperon  des 
Gazettes,  ce  qui  nous  fit  juger  qu'à  ce  coup  la  fraische  Gazette  y  seroit 
soubs  ce  saufconduict,  comme  il  fut  vray.  Car  j'y  trouvay  la  dicte  Gazette 
datée  du  ix"""  avril,  accompagnée  toutefoys  du  billet  que  j'ay  creu  vous 
devoir  envoyer  avec  un  mot  de  responce  au  sieur  Renaudot'  qui  ne 
laissoit  pas  de  datter  sa  lettre  du  8°"^.  Je  seroys  bien  empesché  de  res- 
pondre  à  une  si  bonne  opinion  que  celle  qu'il  a  conceue  de  moy  et  de 
mes  correspondances,  qui  ne  vont  pour  la  plus  part  qu'en  nouvelles  de 
livres  ou  curiositez  d'anticailles,  qui  ne  sont  pas  de  celles  qu'il  fault  à 
la  Gazette,  nostre  païsne  fournissant  guieres  de  matière  digne  d'y  tenir 
aulcun  rang^.  Et  je  n'abhorre  rien  tqnt  que  de  passer  pour  un  donneur 
d'advis,  car  j'aymerois  bien  mieux  n'en  recevoir  jamais ,  et  m'en  passer 
tout  à  faict  comme  j'ay  faict  durant  mon  sesjour  de  campagne  assez  lon- 
guement. Je  vouldroys  mesme  esviter  (et  me  rançonnerois  volontiers  pour 
cela)  de  passer  pour  un  homme  trop  curieux  de  sçavoir  des  nouvelles  du 
monde,  s'il  estoit  possible,  car  l'importunité  y  est  aulcunes  foys  bien 
grande ,  de  la  part  de  ceux  qui  en  viennent  demander,  et  qui  s'imaginent 

que  les  injures  qui  ne  sont  ni  repoussées  ni  '  Théophrasle  Renaudot ,  déjà  mentionné, 
reparées  demeurent  empreintes  dans  le  cœui-  ^  Les  biographes  du  fondateur  de  la  Ga- 
comme  des  marques  de  foiblesse,  que  les  z-ette  n'ont  pas  coimu  les  tentatives  feites 
grands  corps  ne  peuvent  soufrir.  r)  (Ms.  ioo3  par  Renaudot  pour  augmenter  d'une  aussi 
de  la'  Méjanes,  t.  III,  p.  Sag-SSo.)  —  La  illustre  recrue  le  régiment  de  ses  collabora- 
lettre  CIV  se  trouve  vol.  717,  fol.  q3o.  leurs  provinciaux. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  499 

qu'on  soit  non  seulement  obligé  de  leur  en  dire  quand  on  en  a ,  mais 
d'en  avoir  quand  on  n'en  a  poinct,  au  moings  de  celles  qu'ils  cherchent. 
Il  faudra  faire  ce  que  nous  pourrons,  pour  nous  acquitter  de  nostre  deb- 
voir.  Cependant  je  vous  ay  bien  de  l'obligation  du  soing  et  de  la  fa- 
vorable intercession  qu'il  vous  a  pieu  d'y  employer  pour  l'amour  de 
moy,  et  vous  en  remercie  de  tout  mon  coeur,  tout  aultant  que  si  c'es- 
toit  de  quelque  bien  importante  affaire,  qui  ne  vous  auroit  pas  donné 
tant  de  peine ,  je  m'asseure ,  et  ne  vous  auroit  pas  faict  faire  tant  de  vio- 
lance  sur  vostre  humeur,  comme  possible  celle  là.  Vous  remerciant  trez 
humblement  aussy  de  l'honneur  et  favorable  accueil  que  vous  avez 
daigné  faire  à  M"^  de  Bourgogne,  que  nous  ne  tenons  pas  à  moindre 
obligation  que  sy  vous  aviez  agy  et  obtenu  pour  luy  tout  ce  qu'il  désire 
de  Messieurs  les  Ministres'.  J'ay  esté  fort  aise  d'entendre  que  le  petit 
volume  des  Cophtes  se  soit  trouvé  maintenant  entre  voz  mains,  afin 
de  le  pouvoir  monstrer  au  bon  M'  Petit,  avec  mon  m[anu]s[crit]  des 
Eclogues,  en  quoy  vous  m'obligerez  aultant  et  plus  que  si  c'estoit  chose 
qui  regardast  mes  plus  sensibles  et  prédominantes  curiositez.  Estant 
bien  aise  qu'il  fasse  imprimer  les  aultres  observations  sur  les  anciens 
Autheurs,  car  il  en  avoit  de  bien  bonnes  et  qui  meritoient  bien  de 
n'estre  pas  supprimées.  Quant  aux  cahiers  que  vous  m'avez  faict  tran- 
scrire de  la  bibliothèque  du  Roy,  je  vous  en  ay  une  bien  grande  et 
bien  estroitte  obligation,  et  encores  plus  de  ceux  qu'il  vous  a  pieu  me 
confier  originellement,  transcripts  de  la  main  de  feu  M'  Pithou,  dont 
la  veiie  m'a  bien  rendu  plus  curieux  que  je  n'estois  de  telles  sortes  de 
pièces  anonymes  et  de  toutes  langues,  tant  Latine  que  Grecque ,  voire  en 
des  aultres  s'il  s'en  trouvoit,  comme  j'en  ay  receu  cez  jours  cy  un  vieux 
cahier  Hébraïque.  Et  m'en  faict  on  espérer  un  Arabique  au  premier 
jour.  C'est  pourquoy,  si  dans  les  h  cahiers  que  vous  avez  faict  tirer  de 
la  bibliothèque  du  Roy  l'on  n'a  voit  pas  mis  les  pièces  latines,  je  vous 
supplie  de  les  faire  transcrire  en  d'aultres  cahiers  à  part.  Je  vous  r'en- 


'   Un  parent  de  l'eiresc  mentioniKÎ  dc^jh  et  qui  était  allé  en  cour  comme  représentant  de 
ia  ville  de  Marseille,  dont  il  était  un  des  consuls. 

63. 


LKTTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

voye  ceux  que  j'avoys  desja  receus,  affin  qu'on  les  puisse  collationner 
sur  les  originaulx,  mais  je  ne  voys  poinct  de  raison  ne  d'apparance 
d'en  laisser  prendre  la  peine  ne  la  courvée  à  M"'  Rigault,  principalement 
à  cette  heure  qu'il  est  si  dignement  occupé  à  son  Tertullian.  Il  suffira 
que  M'"  Petit  le  face,  puis  qu'il  a  tant  de  bonne  volonté  de  s'y  employer, 
et  que  sa  sanlé  le  luy  permet  possible  mieux  qu'aux  aultres.  Je  m'en 
contenteray  assez.  Et  si  lorsque  le  Tertullian  sera  achevé,  M' Rigault 
nous  veult  faire  la  faveur  de  nous  dire  son  advis  sur  quelques  uns  de 
cez  petits  Autheurs,  nous  ne  le  refuserons  pas  et  ne  luy  en  aurons  pas 
moings  d'obligation  et  aurons  moings  de  regret  de  le  destourner,  vous 
asseurant  que  ce  ne  m'a  pas  esté  une  petite  mortification  d'entendre 
que  de  tant  de  différents  exemplaires  m[anu]s[crit]s  de  la  Bibliotiieque , 
il  ne  s'en  soit  trouvé  pas  un  seul  qui  soit  en  parchemin,  et  escript  du 
vieux  temps,  pour  y  pouvoir  avoir  recours  au  besoing.  Cela  me  rendra 
tant  plus  soigneux  de  faire  visiter  ceux  du  Vatican  et  d'Urbin,  pour  voir 
s'il  n'y  en  aura  pas  quelqu'un  de  plus  grande  authorité  et  antiquité. 
Car  je  me  trouve  insensiblement  embarqué  en  une  besoigne,  qu'il  fault 
tascher  d'esclaircir  et  desvelopper  d'une  infinité  d'équivoques  et  altéra- 
tions qui  y  avoient  bien  mis  de  l'obscurité ,  et  qui  avoient  quasi  faict 
désespérer  de  les  pouvoir  bien  descouvrir  [et]  concilier  tant  de  choses 
mal  compatibles.  J'auray  soing  de  vous  renvoyer  fidèlement  voz  cahiers 
de  M""  Pitou,  mais  il  sera  malaisé  que  je  puisse  vacquer  à  souhaict  à 
l'examen  de  toute  cette  matière  durant  nostre  présent  parlement,  qui 
finit  à  la  fin  de  Juin ,  aprez  lequel  temps  il  fauldra  s'y  mettre  à  bon 
essiant  toutes  aultres  affaires  cessantes  pour  quelques  jours.  Cepen- 
dant nous  pourrions  avoir  quelque  chose  de  plus  du  costé  de  Rome  et 
du  Levant  tant  en  des  vases  et  aultres  pièces  du  temps,  qu'en  libvres 
m[anu]s[crit]s  dont  j'attends  quelque  notable  secours  pour  supplément 
de  ce  que  j'en  ay  desja. 

Je  vous  remercie  de  la  bonne  relation  qu'il  vous  a  pieu  me  faire  de 
la  persone  du  sieur  Godeau  S  et  comme  j'ay  grande  compassion  de  voir 

'  Antoine  Godeau,  le  futur  dvêque  do  Grasse,  puis  de  Vence,  déjà  mentionné  plus  haut. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  501 

que  l'on  l'aye  voulu  attaquer,  avec  si  peu  de  respect  et  de  defferance 

h  son  cmincnte  vertu,  puis  qu'il  a  de  si  dignes  parties,  j'ay  bien  de 

l'indignation  aussy  contre  ceux  qui  luy  en  veiillent  de  la  sorte,  et  sçay 

fort  bon  gré  au  sieur  de  Boysrobert  '  de  luy  avoir  rendu  de  si  bons  olTices 

auprez  de  Monseigneur  le  Cardinal^.  Sur  quoy  je  finiray  demeurant. 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  18  avril  i633. 

J'ay  rencontré  par  hazard  un  traicté  de  treue  aprez  la  prinse  du  roy 
François  I  pour  le  saufconduit  tant  de  Madame  d'Alençon^  d'une  part, 
laquelle  passa  en  Hespagne,  que  du  Duc  de  Bourbon^  d'autre,  qui  passa 
aux  isles  de  Marseille.  Je  pense  qu'il  est  faict  à  Tolledo  et  ne  me  sou- 
viens pas  de  l'avoir  veu  entre  ceux  que  M'  de  Lomenie  avoit  de  mon 
temps.  11  y  a  aussy  quelques  articles  du  traicté  d'entre  l'Empereur 
Charles  le  V  et  le  dict  Duc  de  Bourbon.  Vérifiez,  je  vous  supplie,  Mon- 
sieur, si  M'  de  Lomenie  les  a  ou  non,  l'un  et  l'autre*. 


GVI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Avant  que  respondre  à  vostre  despesche  du  iû°"  de  ce  nioys,  il 
m'eschappe  de  vous  dire,  mais  je  vous  supplie  que  ce  ne  soit  pas  à 

'  Sur  l'abbé  de  Boisrobert,  voir  t.  i,  plus  que  l'ainicttle  intervention  de  l'abbé  de 

p.  45 1 .  Boisrobert  en  Faveur  de  son  confrère  auprès 

'  Ni  los  anciens  historiens  de  l'Académie  du  cardinal  de  Richelieu, 

française,  Pelisson  et  d'Olivel,  ni  le  nouvel  '  Marguerite     d'Angouléme,     duchesse 

historien  de  la  Compagnie,  M.  René  Ker-  d'Alençon,  sœur  de  François  1". 

vil<>r,  n'ont  indiqué  les  injustes  attaques  dont  '  Le  connétable  Charles  de  Bourbon, 

le  futur  prélat  avait  été  l'objet  en  iG33,  pas  "  Vol.  717,  fol.  a3o. 


502  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633] 

d'aultres  qu'à  M'  du  Puy,  M"' Rigault  et  à  vous,  Monsieur,  que  je  ne  suis 
guieres  moins  en  peine  que  noz  futurs  chevalliers  du  S'  Esprit  en  l'at- 
tente de  la  Penlecoste  S  mais  pour  une  bien  différente  occasion,  car  ils 
attendent  ce  que  vous  sçavez  desja,  et  l'on  me  nourrit  en  l'espérance 
et  en  l'attente  que  dans  ce  terme  là  debvroit  arriver  un  navire  de 
Marseille  nommé  le  S'  Esprit,  sur  lequel  on  a  chargé  toute  une  grosse 
caisse  de  volumes  Grecs  m[anu]s[crit]s  en  parchemin  qu'un  mullet  ne 
pouvoit  porter,  dont  il  y  en  a  troys  ou  quattre  pièces  reliées  à  la  Royale 
ou  Impériale,  dont  celuy  qui  en  a  faict  l'acquisition  pour  moy  se  pro- 
met que  j'en  doibve  bien  avoir  de  la  satisfaction  ;  or  il  cognoit  un  peu 
ma  curiosité.  Il  a  eu  deux  ou  troys  bonnes  fortunes  tout  d'un  coup  et 
de  divers  endroicts  et  est  grandement  heureux  en  ses  rencontres.  Si  cela 
peult  venir  à  bien,  j'espère  que  nous  aurons  de  quoy  fournir  quelque 
pasture  aux  curieux.  C'est  du  mesme  lieu  qu'est  sorty  le  volume  des 
Eclogues  de  Constantin  Porphyrogenete,  et  me  dict  on  par  relation  de 
celuy  qui  en  a  porté  «ne  partie  sur  son  dos,  qu'entr'aultres  il  y  a  un 
si  gros  volume  en  velin  qu'il  a  prez  d'un  palme  d'espaisseur  ^  a  nostre 
mesure,  et  qui  est  plus  grand  que  l'ordinaire  forme,  et  par  colonnes, 
ne  m'ayant  sceu  dire  s'il  y  en  avoit  plus  de  deux  en  chascune  page, 
mais  bien  dict-il  qu'un  Caloyre  Grec  ^  qui  le  vid  chez  mon  amy  bat- 
toit  des  pieds  et  mains,  disant  que  c'estoit  un  thresor,  et  toutefoys 
c'estoit  un  homme  qui  estoit  en  réputation  d'avoir  d'excellents  livres 
luy  mesmes,  et  que  par  la  on  jugeoit  quelque  chose  de  bien  extraordi- 
naire. Je  vouldrois  bien  que  ce  fusse  quelque  pièce  de  HEXAPLES  ou 
OCTAPLES.  Je  n'ay  point  de  lettre  de  celuy  qui  a  faict  le  voyage  pour 
l'amour  de  moy,  mais  un  qui  l'a  servy  sur  les  li^ux  m'en  a  faict  la  re- 

'  On  sait  que  l'ordre  du  Saint-Esprit  fut  guedoc,  avait  une  longueur  de  neuf  pouces, 
fondé  par Henrini(éditdedécembrei578)  '  Moine  de  l'ordre  de  Saint-Basile  que 

en  mémoire  du  jour  de  la  Pentecôte  (  3o  mai  l'on  a  appelé  depuis  Caloyer.  Voir  dans  le 

1574),   où  il  avait  succédé  à  son  frère,  Dictionnaire  de  rréyoua;  l'article  Caloyer  ou 

Charles  IX,  et  que  c'était  ce  jour-là  que  Caloger,  enrichi  de  citations  empruntées  h 

l'on  procédait  à  la  réception  des  nouveaux  divers  voyageurs   et   orientalistes,  notam- 

chevaliers.  ment  à  Tavernier  et  au  P.  Goar. 

'  Le  palme  en  Provence ,  comme  en  I^an- 


[1633]  AUX  FRÈRBS  DUPUY.  503 

lation,  et  m'a  dict  qu'il  y  -avoil  un  texte  grec  de  la  Bible  fort  estimé.  Il 
(ïsL  venu  par  Naples.  Et  sans  que  le  mistral  a  régné  tout  ce  caresrae  et 
quasi  tousjours  depuis  Pasques,  le  navire  S'  Esprit  seroit  arrivé  long- 
temps y  a  à  Marseille  ,  où  mon  frère  se  trouvera  tout  à  poinct  pour  luy 
faire  la  bien  veniie. 

J'ay  receu  depuis  deux  jours  la  relation  des  pais  d'Afrique  dont  je 
vous  avois  parlé  cy  devant',  laquelle  je  n'ay  pas  encores  peu  voir  qu'en 
courant ,  et  crains  bien  qu'elle  ne  responde  pas  à  l'attente  ;  toute  foys  cela 
dépendra  des  relations  qu'il  pourra  avoir  prinses  sur  les  lieux,  oultre 
les  authoritez  des  escrivains  qu'il  y  a  insérées;  c'est  un  volume  escript 
in  fol"  quasi  de  deux  doigts  d'espaisseur  que  je  vous  feray  tenir  par  la 
première  commodité  d'amy  Dieu  aydant,  pour  la  communiquer  à 
M""  Bergeron^,  et  voir  si  elle  meriteroit  d'estre  mise  au  jour.  J'en  ay  eu 
d'ailleurs  une  aultre  plus  petite  qui  n'est  que  d'une  demy  main  de 
papier,  concernant  l'Egypte  et  principalement  le  Cayre,  où  j'ay  trouvé 
de  bien  jolies  curiositez. 

Mais  je  ne  sçay  à  quoy  je  me  laisse  emporter  au  lieu  de  res- 
pondre  à  vostre  lettre  et  vous  remercier  comme  je  doibs  trez  humble- 
ment de  la  belle  relation  qu'il  vous  a  pieu  nous  faire  du  lict  de 
justice,  avec  tant  de  peine  et  de  soing  que  je  suis  honteux  d'en  avoir 
esté  la  cause.  M' le  Premier  Présidant  a  prins  grand  plaisir  de  la  voir, 
durant  sa  purge  qui  luy  a  faict  tenir  la  chambre  quelques  jours  de  la 
semaine. 

Je  vous  remercie  aussy  bien  humblement  de  l'advis  de  l'autlieur  du 
beau  discours  sur  l'histoire  du  cardinal  Bentivoglio,  qui  est  bien  digne 
du  personage  qu'il  vous  a  pieu  me  nommer'.  Je  ne  suis  pas  moings 


'  La  relation  de  Thomas  d'Arcos,  au  sujet  éilition  des  œuvres  de  l'académicien ,  édition 

de  liiquclle  on  peut  voir  le  fascicule  XV  des  rr revue  et  augmentée" ,  publiée  h  Dresde  de 

Correspondants  de  Peiresc,  paxsim.  1766  h  1769  en  l'j  volumes  in-8°.  Je  ne 

'  Sur  Pierre  Bergeron,  voir  t.  1,  |>.  77'J.  le  trouve  pas  davantage  dans  la  Bihliogra- 

'  Cet  auteur  était  François  de  .la  Mothe-  phie  mise  par  M.  René  Kerviler  k  la  fin  de 

le-Vayer.  Son  beau  discours  est-il  rest<!  iné-  sa  notice  sur  Fr.  de  la  Mothe-le-Vayer  (Paris, 

dit?  Je  ne  le  trouve  pas  dans  la  dernière  «879,  p.  'jo4-9i3). 


504  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

bien  aise  d'avoir  aussy  aprins  que  le  discours  de  la  bataille  de  Lutzen 
fusse  de  luy,  et  l'en  estimeray  bien  davantage ^ 

M'  Gyron  ^  m'escript  qu'il  envoyera  les  deux  volumes  ni[anu]s[crit]s 
à  M""  l'advocat  gênerai  son  frère  ou  à  vous  pour  les  remettre  à  M'  du 
Chesne,  à  qui  je  pensoys  escrire,  mais  le  temps  m'est  eschappé  insen- 
siblement à  mon  grand  regret,  et  pensoys  bien  escrire  à  d'aultres  qu'il 
me  fauldra  remettre  Dieu  aydant  au  prochain. 

r  M' Le  Grand  m'obligera  beaucoup  de  me  faire  avoir  la  communication 
du  seau  de  Hugues  Capet,  et  encores  plus  s'il  y  en  adjouste  d'aultres, 
entre  lesquels  il  s'en  pourroit  bien  rencontrer  quelqu'un  qui  me  fusse 
eschappé.  J'attends  le  peintre  que  M""  de  Bié  dict  me  vouloir  envoyer,  à 
qui  je  donneray  volontiers  toutes  les  meilleures  adresses  quejepourray, 
et  selon  que  je  le  trouveray  propre  à  bien  ou  mieux  faire ,  je  luy  don- 
neray plus  ou  moings  d'employ  et  le  recevray  chez  moy  afin  qu'il  ne 

I    despende  rien  à  l'hostellerie. 

Celuy  qui  veult  le  Golzius  avoit  bien  sceu  que  les  vies  de  Jules  et 
d'Auguste  composées  au  nom  de  Golzius  n'y  estoient  pas,  mais  il  n'y  a 
pas  grande  ])erte,  et  celles  de  Suétone  sont  bien  incomparablement 
meilleures,  et  plus  dignes  d'estre  leiies.  Il  fauldra  donques  prendre  la 
nouvelle  édition,  avec  ce  vieil  volume  des  Empereurs  tel  qu'il  est,  et  le 
Thésaurus  s'il  vous  plaict,  et  seulement  avoir  seing  de  les  faire  bien 
collalionner  par  quelque  libraire  de  voz  amys  de  peur  qu'il  ne  s'y  trou- 
vast  aprez  de  deffectuosité  principalement  aux  figures,  car  encores  le 
reste  il  s'en  pourroit  en  un  besoing  transcrire  quelque  feuillet  s'il  y 
manquoit.  J'ay  receu  les  epistres  de  Busbequius^,  dont  je  vous  remercie 


'  Discours  sur  la  bataille  de  Lulten  (  Paris , 
i633,  in-4°,  anonyme).  Quatre  éditions  de 
ce  discours  furent  données  en  i633,  sans 
parler  de  la  reproduction  faite  dans  le 
tome  XVIII  du  Mercure  français  d'Etienne 
Richer. 

"  Innocent  de  Cyron ,  déjà  mentionné  plus 
haut. 

^  Auger  Ghislain  de  Busbec ,  ou ,  comme 


on  écrit  le  nom  dans  les  Pays-Bas ,  Ghisselin 
de  Bousbecques,  naquit  en  iSaa  à  Gomines 
(  Flandre)  et  mourut  au  cliâteau  de  Maillot, 
près  de  Rouen,  le  28  octobre  1699.  Les 
épJlres  mentionnées  par  Peiresc  sont  celles 
que  Busbec  adressa  de  Paris  à  l'empereur 
Rodolphe  -II  dont  il  était  l'ambassadeur  : 
Epistolœ  ad  lioâolphum  11 ,  iinperatorem ,  e 
Gallia    scriptœ,     publiées    par    Honvaert 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  505 

trez  humblement,  et  ay  advis  de  l'arrivée  du  ballot  à  Lyon.  On  m'a 
voulu  faire  à  croire  que  Sillon  avoit  faict  imprimer  la  seconde  partie  du 
Ministre  d'Estat,  mais  je  ne  l'ay  pas  cren'.  J'ay  eu  par  hazard  une  Vie 
de  feu  M'  de  Villeroy^  traduite  en  Espagnol^,  que  j'ay  creu  vousdebvoir 
envoyer  à  tout  hazard,  si  ne  l'avez  desja,  pour  l'affectation  du  langage*. 
On  m'a  fait  voir  que  je  n'avois  pas  le  texte  françois  original;  c'est  pour- 
quoy,  s'il  se  trouve,  je  vous  prie  de  me  l'envoyer,  et  me  mander  si  en 
avez  rien  sceu  de  particulier.  On  me  promet  un  inventaire  bien  ample  de 
la  bibliothèque  d'Urbin;  cependant  j'en  ay  eu  un  petit  abrégé;  mais  il 
est  entre  les  mains  d'un  mien  amy  ;  je  le  retireray  pour  le  vous  envoyer 
incontinant.  Vous  remerciant  du  soing  que  vous  avez  daigné  prendre 
de  l'édition  du  Théophile  de  M'  Fabrot  dont  je  vous  seray  infiniment 
redevable  comme  je  le  suis  desja  par  advance  du  bon  accueil  que 
vous  promettez  à  M'  Venot  d'Authun  et  des  offices  que  vous  m'avez 
rendus  auprez  de  M'  de  Thou ,  encores  que  je  sois  bien  marry  de  n'avoir 
mérité  la  souvenance  qu'il  a  de  moy.  J'avoys  creu  que  son  chemin  le 
fisse  passer  par  Autun  ou  si  prez  de  là  que  le  destom-  n'en  fusse  pas 


(Bruxelles,  i63a).  C'est  la  dernière  ëdilion 
qui  ea  ait  été  donnt'e. 

'  Peiresc  avait  eu  raison  de  ne  pas  le 
croire.  Nous  avons  ddjh  vu  que  Le  Mi- 
nistre d' Estai,  par  le  sieur  de  Silhon,  s^ 
compose  de  trois  parties,  qui  parurent  ori- 
ginairement à  Paris,  chez  Toussaint  du 
Bray,  en  i63i,  i643  et  »66i,  dans  le 
format  in-5°. 

'  Nicolas  de  Neufville,  seigneur  de  Vil- 
leroy,  ne  h  Paris  en  i54a,  mort  h  Rouen 
en  1617,  secrétaire  d'État,  sous  Charles IX, 
Henri  III,  Henri  IV  et  Louis  XIII. 

'  Il  s'agit  de  la  traduction  des  Retnarque.s 
d'Etat  et  d'histoire  sur  la  uij  et  l  s  services  de 
M.  de  Villeroi/,  par  Pierre  Matthieu  (Lyo;i, 
1618,  in-i  a ) ;  tradueido  dal  Franchi  ,  por 
Pedw  van  der  Ilammen  Gomet  y  Léon  (  Ma- 
drid, 16a  4,  in-8"). 


*  Ce  n'est  pas  la  traduction  qu'il  faut 
rendre  responsable  de  cette  affectation,  mais 
l'auteur  lui-même,  qui ,  restant  trop  souvent 
poète  dans  sa  prose,  abusa  singulièrement 
du  langage  métaphorique,  ce  qui  lui  a  valu, 
après  iS.'io,  un  certain  succès  auprès  de 
l'école  romantique.  Reconnaissons,  du  reste, 
que  l'opuscule  de  Matthieu  parait  avoir  beau- 
coup plu  il  ses  contemporains  dans  presque 
toute  l'Europe,  car,  sans  (wrier  des  réim- 
pressions françaises  de  i6ao,  lôaa,  i63o, 
i64a,  on  le  retrouve  traduit  en  anglais,  en 
llnmand,  en  italien,  en  latin.  Voir  la  liste 
de  ces  diverses  traductions  dans  la  Biblio- 
ihique  hislonque  de  la  France  (  t.  III ,  p.  a aa  ) , 
d'où  elle  a  été  transportée  dans  la  Biblio- 
fp'aphie  biographique  d'Edouard-Maric  OEl- 
linger  (i85o). 


6& 


■■Mil»t*«   aAtiavâLS- 


5««  LETTRES  DE  PEIIIESC  [t633j 

considérable.  Car  je  n'eusse  pas  esté  si  hai'dy  à  l'importuner  de  cette 
commission  qui  ne  se  peult  guieres  bien  faire  sans  y  estre  en  per- 
sone  et  sans  voir  ce  que  ce  peult  estre.  Le  gazettier  a  continué  de 
m'envoyer  sa  gazette  du  i6°"  veniie  avec  voz  lettres  du  i4,  et  je  croys 
bien  ce  que  vous  avez  jugé  de  sa  libéralité,  qu'il  fauldra  neantmoings 
recognoistre  d'une  façon  ou  d'aultre.  Il  nie  reste  de  protester  à  M' Guiet  * 
que  je  ne  prétends  nullement  de  violanter  la  liberté  de  ses  opinions  et 
conjectures  négatives  ^  mais  que  jusques  à  ce  qu'il  nous  aye  donné 
quelques  bonnes  preuves  de  son  dire,  il  ne  doibt  pas  prétendre  non 
plus  de  ne  nous  laisser  la  liberté  de  croire  ou  conjecturer  ce  que 
bon  nous  semble,  ne  s'agissant  pas  de  simples  moulleures  ou  fdlets 
d'architecture  qui  peuvent  dépendre  seulement  des  ornements  ou  en- 
richissements arbitraires,  mais  d'un  simple  ruban  doré  comme  in- 
dépendant des  aultres  mouleures  de  plus  grand  relief,  lequel  ru- 
ban ressemble  trop  le  diadème  ou  couronne  des  anciens  Roys  pour 
ne  pouvoir  estre  appelle  de  ce  nom  de  couronne,  principalement  es- 
tant doré  par  une  spéciale  prérogative,  priva tivement'  à  toutes  les 
aultres  moulleures  qui  sont  plus  hault  que  ce  ruban.  J'ay  recouvré 
de  Lyon  une  aultre  couppe  de  verre  ou  esraail  antique  de  couleur 
violette  qui  n'a  rien  de  blanc  que  deux  petits  mascarons  aux  costez, 
et  un  seul  petit  ruban  blanc  qui  luy  faict  un  bord  au  plus  haut  de 
ses  lèvres,  au  dessoubs  duquel  ruban  la  mesure  est  la  plus  juste  du 
monde  d'un  Sextarius  de  douze  Gyatlies  de  la  grosse  mesure,  chas- 
cune  Cyathe  de  xn  Drachmes,  de  sorte  que  là  il  n'y  a  pas  d'aultres 
jnouleures  auxquelles  se  puisse  rapporter  ceste  couronne  blanche, 
ou  ruban  tout  blanc  au  dessoubs  duquel  est  la  mesure  du  Sextarius 


'  Sur  François  Guiet  ou  Guyet  voii- 1.  I , 
p.  643.  Depuis  l'impressioii  de  celte  page  a 
paru  un  curieux  travail  spécial  intitule': 
François  Guyet  (lôyS-i  655) ,  d'après  des  do- 
cuments inédits,  par  Isaac  Uri  (Paris,  Ha- 
chette, 1887.  Thèse  pour  le  doctorat  ès- 
iettres). 

'  On  sait  que  Guyet  ëtait  un  grand  scep-  ' 


tique,  un  subtil  et  pointilleux  discuteur,  un 
hypercrilique. 

'  Littre'  cite  sous  ce  mot  un  écrivain  du 
xvi'  siècle ,  Antoine  Loisel ,  et  un  écrivain  du 
iviii',  Montesquieu.  Il  faudra  désormais 
citer  le  magistrat  du  xvii'  siècle  entre 
ravocal-jui'isconsulte  de  Beauvais  et  le  con- 
seiller au  parlement  de  Bordeaux. 


[1633]  AlI:X;!FRfcRES  DUPUY.  507 

des  Romains.  Mais  le  papier  me  manque  et  il  est  temp»  de  darreia 
despesche,  estant, 
Monsieur, 

vostre  Irez  humble,  trez  obligé  et  trez  obéissant 
serviteur. 

DE  Feibbsc. 
A  Aix,  ce  a5  avril  i633. 

J'cubliois  de  vous  dire  que  maidy  de  la  semaine  passée  par  un 
muletier  de  ceste  ville  j'envoyay  un  petit  chat,  du  poil  du  vostre',  à 
M"'  de  Rossi  de  Lyon  pour  le  vous  faire  tenir  par  quelque  rouiller;  si 
M''  de  Thou  le  trouve  à  son  gré,  il  le  pourra  bailler  à  M""  de  Bellievre, 
son  collègue,  comme  il  désire;  sinon,  il  fauldra  en  envoyer  quelque 
aultre. 

N'attendez  point,  je  vous  supplie,  que  le  bon  M''  Petit  vous  demande 
le  petit  volume  Cophte,  non  plus  que  mon  m[anu]s[cri]t  des  eclogues, 
car  il  est  discret  et  modeste  jusqu'à  l'excez  ;  il  les  luy  fault  mettre  en 
main  à  la  première  veûe,  s'il  vous  plaict,  l'un  et  l'autre,  je  vous  en 
supplie^. 


CVII 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY'. 

Monsieur, 
Nous  avons  eu  l'honneur  de  voir  icy  M' de  Berule,  neveu  de  feu  Mon- 
seigneur le  Cardinal  ',  qui  s'en  revient  de  Rome,  où  il  a  laissé  en  fort 
bonne  santé  Monsieur  l'abbé  de  Thou',  dont  Madame  la  Première  Pre- 

'  Un  de  ces  chaU  diU  angora  dont  il  a  niailre  des  requêtes,  intendant  de  la  justice 

déjà  été  question  un  peu  plus  haut.  en  Anjou ,  etc. 

'  Vol.  717,  foi.  Q  39.  *  Jacques-Auguste  de  Thou ,  abbé  de  Bon- 

'  Sans  autre  adresse.  neval.  dit  abbé  de  Thou,  déjà  plusieurs  fois 

'  Le  nu  de  ce  Jean  de  Bérulle  qui  fut  mentionné. 

(th. 


508  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633] 

sidante'  (car  ce  fut  chez  elle  que  j'eus  le  bien  de  l'aller  salliier)  tes- 
moigiia  un  grand  contentement,  par  tout  plein  de  bons  respects  et  par- 
ticulièrement pour  l'amour  de  vous,  Monsieur,  qu'elle  honnore  et  révère 
infiniment,  selon  que  la  parenté  qui  est  entre  vous  le  luy  permet,  et 
que  le  requièrent  voz  eminantes  vertus  et  recommandables  mérites,  sur 
le  subject  desquels  m'estant  arrivé  de  parler  à  mon  tour  au  moings  mal 
que  je  pouvois,  aussy  bien  que  M""  de  Berule,  que  Madame  la  Pre- 
mière Présidante  felicitoit  tant  pour  la  commodité  de  vostre  voisinage 
que  pour  la  doulceur  dont  il  alloit  jouyr  de  vostre  conversation,  et  ayant 
sceu  l'honneur  que  vous  me  faisiez  de  m'advoûer  pour  vostre  serviteur, 
il  voulut  absolument  avoir  parole  de  moy  qu'il  vous  porteroit  de  mes 
lettres,  pour  gaige  de  la  bonne  volonté  qu'il  avoit  pour  vous,  et  du 
soing  qu'il  vouloit  prendre  de  voz  serviteurs,  et  de  tous  voz  intérêts, 
dont  je  luy  suis  infiniment  redevable ,  et  dont  je  ne  double  pas  que  vous 
ne  luy  sçaichiez  Irez  bon  gré,  selon  la  bonté  de  vostre  naturel.  Il  nous 
a  faict  de  trez  belles  et  dignes  relations  tant  du  costé  de  Venize  et  de 
Naples,  que  de  Rome,  où  j'ay  sceu  d'ailleurs  que  Monseigneur  le  car- 
dinal Barberin  luy  a  bien  defferé  de  l'honneur.  Il  a  mesmes  eu  la  cu- 
riosité et  l'asseurance  de  se  faire  conduire  ou  porter  jusques  sur  le  bord 
de  la  gueulle  du  Mont  Vésuve,  dont  l'aspect  est  si  espouventable.  Vous 
prendrez,  jem'asseure,  grand  plaisir  d'entendre  ce  qu'il  y  a  remarqué, 
et  d'apporter  de  vostre  costé  toute  sorte  de  bonne  correspondance  à  la 
passion  qu'il  a  pour  vostre  service.  Et  ne  trouverez  pas  mauvais  que  je 
participe  en  qualité  de  son  serviteur  aux  obligations  que  vous  acquer- 
rez et  accumulerez  journellement  sur  luy,  sans  que  je  m'ingère, 
comme  il  ne  seroit  pas  raisonnable,  de  vous  recommander  tant  de  re- 
commandables parties  qui  sont  en  sa  personne,  et  qui  vous  sont  assez 
cogneiies,  comme  je  pense,  de  longue  main  et  le  seront  tousjours  da- 
vantage avec  le  temps.  Au  contraire  je  vouldrois  bien  avoir  mérité  en 
son  endroit  par  quelques  dignes  services,  qu'il  eusse  voulu  me  rendre 
envers  vous.  Monsieur,  les  bons  offices  qu'il  peult,  avec  le  crédit  qu'il 

'  Madame  Laisné  de  la  Marguerie.  )iit  uip  sli 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  509 

a  et  qu'il  y  aura  tousjours  plus  {jrand,  puis  que  j'ay  si  peu  de  moyens 
de  me  revancher  de  voz  ordinaires  hierifaicLs,  et  qu'il  y  a  si  peu  d'es- 
pérance et  d'aj)parence  que  je  m'en  puisse  jamais  acquitter  moy  tout 
seul,  si  mes  amys  ne  payent  pour  moy,  comme  peuvent  faire  ceux  de 
cette  condition.  Je  l'en  supplieray  le  plus  humblement  que  je  pourray, 
et  vous, 

Monsieur,  de  l'agréer  de 

vostre  trez  hunible  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  t"  may  i633'. 


CVIII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

A  PARIS. 

Monsieur, 
Avec  vostre  dcspesche  du  21  du  passé  nous  avons  receu  le  livre  du 
R.  P.  Sirmond  que  nous  avions  tant  désiré  ^  et  tout  plein  d'aultres 
pièces  trez  curieuses,  dont  nous  ne  vous  sçaurions  assez  dignement  re- 
mercier, principalement  des  cahiers  m[anu]s[crit]s  de  Ponderibus  et 
Mensuris,  que  je  n'ay  pas  encores  peu  voir  à  mon  grand  regret,  mais 
à  la  première  ouverture  il  me  semble  d'y  avoir  veu  des  pièces  que  je 
n'avoys  pas  trouvées  énoncées  en  l'inventaire  qu'il  me  souvienne,  dont 
vous  croyez  bien  que  je  ne  puis  pas  estre  marry.  Mais  je  n'y  ay  trouvé 
aulcune  distinction  de  la  diversité  des  volumes  d'où  touts  cez  frag- 
ments ont  esté  tirez,  estant  malaisé  que  le  tout  vienne  d'un  seul  volume; 
car  j'eusse  prins  grand  plaisir  d'y  trouver  cotté  aux  marges  le  nombre 
du  volume  de  la  dicte  Bibliothèque,  pour  y  pouvoir  avoir  recours  en 
cas  de  besoing  pour  la  collation  de  quebjue  mot  ou  charactere  ambigu, 

'  Vol.  71 7,  loi.  aSh.  —  '  Anlin-heùcus.  De  Canone  Arnusicano.  AeU-ersus  Pétri  Attrelii 
Theologt  Respoimonein ,  qun  ejiis  Epislolam  infirmare  conatus  est  (Paris,  S«5b.  Cramoisy, 
«633,  in-8«). 


510  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

ou  doubteux.  Et  si  je  ne  me  trompe,  il  y  avoit  en  mon  bordereau 
quelques  aultres  pièces  que  je  n'ay  pas  trouvées  en  ce  recueil,  mesnies 
aulciines  qui  sont,  je  m'asseure,  en  latin,  dont  je  ne  double  pas  que  la 
recherche  ne  soit  trop  pénible  et  importune,  pour  en  charger  M''  Ri- 
gault,  surtout  pendant  la  presse  de  l'édition  de  Tertullian.  C'est  pour- 
quoy  j'avoys  désiré  de  luy  espargner  ceste  courvée,  et  l'endosser^  à 
M'  Valloys  ou  bien  à  M''  Petit,  qui  est  d'assez  bonne  volonté  et  patiance 
pour  cela.  Et  s'il  y  a  encore  du  moyen  de  le  faire ,  vous  m'obligerez 
bien  de  le  faire  trouver  bon  à  M''  Rigault,  faisant  grand  scrupule  de 
consciance  de  le  divertir  pour  si  peu  de  chose  de  ses  meilleures  et 
plus  sérieuses  occupations.  Et  le  bon  homme  M'  Petit  s'y  employera 
volontiers,  et  sans  que  cela  puisse  tant  porter  de  préjudice  à  ses  aultres 
meilleures  affaires.  Il  en  pourra  faire  l'essay  sur  les  premiers  cahiers 
que  je  vous  r'envoyay  par  le  précédant  ordinaire  et  cependant  je  verray 
de  parcourir  ces  derniers  cahiers  que  m'avez  envoyez  présentement,  à 
quoy  la  commodité  des  prochaines  festes  me  viendra  possible  bien  à 
propos.  Et  puis  je  vous  les  pourroys  bien  renvoyer  à  mesmes  fins  que 
les  premiers,  si  M'  Petit  n'estoit  party,  ou  si  M''  Valloys  se  peult  donner 
ceste  peine.  Quant  au  volume  m[anu]s[crit]  de  M''  de  Thoulouse  des 
Astronomes  anciens,  puis  que  je  n'avoys  pas  encor  escript  à  Rome  sur 
ce  subject,  j'ay  creu  que  vous  ne  seriez  pas  marry  de  voir  la  lettre  que 
m'en  a  escripte  M"^  l'Archevesque,  où  il  semble  avoir  laissé  charge  de 
m'envoyer  son  m[anu]s[crit]  aussy  tost  qu'il  sera  transcript,  soit  que 
ce  soit  à  M'  Rigault  qu'il  en  aye  parlé,  ou  à  M'  Aubert,  possible  en 
présence  ou  en  contemplation  de  M*^  Rigault.  Auxquels  vous  pourrez 
faire  voir  ma  lettre  s'il  vous  plaict,  ne  trouvant  pas  estrange  qu'il  y 
ayt  eu  quelque  équivoque  en  la  persone  de  l'un  pour  l'autre ,  car  en  la 
mesme  lettre  ce  bon  prélat  en  a  faict  une  aultre ,  quand  il  me  parle  de 
luy  avoir  aultre  foys  recommandé  un  homme  dont  je  ne  pense  nulle- 
ment de  m'estre  jamais  dispencé.  Car  le  mal  entendu  qui  estoit  entre 


Le  Dictionnaire  de  Littré  ne  donne  aucun  exemple  de  l'emploi  de  celle  locution  figurée, 
se  contentant  de  la  définir  ainsi  :  r charger  quelqu'un  d'une  commission  désagréable. -i 


[1633]  .  AUX  FRKRES  DUPUY.  511 

nous  esloit  antérieur  à  la  promotion  du  dict  seigneur  Archevesque  à 
cette  prelature.  Bien  est-il  vray  que  je  luy  avois  recommandé  le  sieur 
d'Abbalia  ',  qu'il  pense  maintenant  avoir  esté  un  aultre.  Mais  tout  cela 
importera  bien  peu  pourveu  que  nous  ayons  son  m[anu]s[crit]  grec  des 
Astronomiques,  d'où  qu'il  vienne,  et  quand  il  ne  tiendra  qu'à  la  comnm- 
nication  de  ce  que  M"^  Aubert  désire  du  S'  Cyrille,  j'ose  me  promettre 
de  le  luy  l'aire  avoir  soit  par  le  dict  sieur  Holstenius  ou  par  aultres, 
car  ce  sont  de  cez  choses  où  ne  peuvent  pas  escheoir  les  didicultez  de 
ccspaïs  là,  et  que  le  cardinal  Barberin,  et  le  Pape  niesmes,  seront  bien 
aises  de  me  faire  envoyer,  s'il  le  leur  falloit  demander.  Mais  je  croys 
que  M'  Holslenius  y  satisfera  volontiers  de  son  costé  et  me  semble  qu'il 
m'en  avoit  touché  quelque  mot  en  quelqu'une  de  ses  lettres.  C'est 
pourquoy  vous  pouvez  bien  asseurer  cez  Messieurs  qu'ils  en  peuvent 
faire  estât  sur  ma  parole,  et  que  cela  ne  les  doibt  pas  empescher  de 
me  confier  l'orijjinal  de  ce  m[anu]s|crit]  si  lost  qu'ils  en  auront  faict 
achever  la  copie  qu'ils  en  désirent,  puis  que  c'est  l'intention  de  M'  de 
Thoulouse.  Et  possible  aurons  nous  un  jour  le  moyen  de  leur  donner 
de  meilleurs  tesmoignages  de  nostre  bonne  volonté,  en  recognoisçance 
de  la  leur.  Ne  pouvant  pas  nous  dissimuler  que  je  me  tiendray  beau- 
coup plus  obligé  à  leur  courtoisie,  s'ils  m'envoyent  l'original,  que  s'ils 
le  retiennent  pour  m'envoyer  la  coppie  sur  laquelle  ils  peuvent  cotter 
pour  leur  usaige  tout  ce  que  l'original  y  peut  fournir  de  meilleur,  par 
une  collation  bien  exacte,  si  ce  n'est  qu'ils  nous  voulussent  confier  l'ori- 
ginal et  leur  coppie,  pour  le  faire  collationner  par  M'  Holstenius,  aprez 
quoy  on  leur  r'envoyeroit  cet  original  sans  regret,  lequel  M"^  l'Arche- 
vesque  m'avoit  offert  bien  longtemps  y  a.  Je  vous  renvoyé  les  deux  dis- 
cours de  M"  de  la  Mothe  dont  j'ay  retenu  coppie  ^  vous  remerciant  in- 


'  Sur  ce  personnage  voir  le  fascicule  X  de  Montchnl,  l'archev^ue  de  Toulouse  si 

des  Correspondants  de  Peiresc  :  Guillaume  favorable  aux  lettrés  et  si  lettré  lui-même. 
d'Abbalia,  Capitoul  de  Toulouse.  Lettres  iné-  '  IjCS  discours  sur  les  relations  du  car- 

dites  écrites  à  Peiresc  de  i6tg  ài  63,3  ( Paris  dinal  Benlivogiio  et  sur  la  bataille  de  Lnlzeii 

et  Marseille,  i885,  in-8°).  Il  est  1res  sou-  indiqués  dans  la  lettre  CVl  (voir  ci-dessus, 

vent  question,  dans  ce  recueil,  de  Charles  p.  5o3  et  5o4). 


512  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

finimentde  cez  belles  pièces,  bien  marryde  ne  rien  avoir  à  vous  envoyer 
en  revanche.  Avec  le  livre  de  M"^  l'Evesque  du  Bellay  ',  il  fauldroit  bien 
ivoir  celuy  contre  lequel  il  s'est  si  fort  cabré.  Nous  verrons  si  nostre 
imy  vouldra  avoir  encor  un  peu  de  patiancc  pour  le  volume  de  Golzius 
în  taille  de  boys,  puis  que  ceux  de  taille  doulce  sont  en  chemin  sans 
;eluv  ià.  Cependant  ce  frippon  pourroit  recognoistre  sa  faulte  et  se 
ranger  à  la  raison.  Je  vous  feray  tenir  les  5o  livres  par  la  première 
commodité  d'amy.  Je  me  doubtay  que  possible  la  pièce  de  M''  de  Nismes 
n'auroit  pas  esté  publiée  pour  l'interest  qu'y  pouvoient  prétendre  di- 
verses persones,  et  particulièrement  ses  amys,  et  ceux  mesmes  qui  luy 
avoient  procuré  ceste  grâce;  c'est  pourquoy  je  me  dispensay  de  vous 
l'envoyer,  puis  que  je  voyois  que  vous  n'en  disiez  mot.  Vous  m'excu- 
serez, s'il  vous  plaict.  Monsieur,  s'il  y  a  de  ma  faulte.  M''  Petit  me  faict 
de  grands  remerciements  de  la  communication  qu'il  vous  a  pieu  luy 
faire  du  petit  livre  de  liturgies  de  M"^  de  Thou  en  Cophte  et  Arabique 
à  la  marge.  Je  n'ay  jamais  sceu  si  voz  libraires  n'avoient  poinct  sceu 
desassembler  ou  descoller  les  feuillets  gastez  du  naufrage  en  l'aultre  petit 
volume,  que  je  pensois  estre  celuy  que  vous  me  disiez  estre  une  espèce 
de  Lexicon  ou  de  Grammaire  en  forme  de  Lexicon  et  dont  me  parle 
M"' de  Saulmaise.  S'il  estoit  encor  entre  voz  mains,  je  vous  conseilleroys 
de  le  mettre  en  celles  de  M'  Petit  pour  voir  s'il  en  pourroit  tirer  pied 


'  Jean-Pierre  Camus,  né  à  Paris  le  3  no- 
vembre i58'3,  mourut  dans  la  même  ville 
le  96  avril  16.59.  Il  n'avait  pas  vingt-six  ans 
révolus  lorsqu'il  fut  nommé  (1608)  évéquc 
fie  Belley.  Voir  les  curieux  articles  du  Dic- 
tionnaire de  Moréri  et  du  Dictiomiaire  de 
Bayle  (au  mot  Belley)  sur  le  disciple,  l'ami 
et  le  biographe  de  saint  Fi'ançois  de  Sales. 
J'ai  réuni  divers  renseignements  sur  le  fé- 
cond écrivain  (on  lui  doit  plus  de  a  00  vo- 
lumes) autour  de  deux  de  ses  lettres  inédites 
)ubliées  dans  le  Bulletin  du  bouquiniste  du 
"  avril  1870  (p.  179-1 84).  Le  livre  dont 
•arle  Peiresc  est  intitulé  :  De  l'ouvrage  des 


moines  (Rouen,  i633,  in-19);  il  fut  suivi 
(lu  :  Rabat-joie  du  triomphe  monacal  (Lille, 
i634).  En  i633  fut  publiée  la  seconde  édi- 
tion d'un  petit  recueil  formé  de  trois  docu- 
ments :  Lettre  de  Monseigneur  l'Eminentis- 
sime  Cardinal  Duc  de  Richelieu  à  M.  l'Evesque 
du  Bellay  sur  le  sujet  des  religieux,  avec  la 
response  dudit  Evesque  du  Bellay,  ensemble  la 
lettre  des  religieux,  etc.  (Paris,  Séb.  Cra- 
moisy,  i633,  in-8°  de  48  pages  avec  pri- 
vilège du  lU  avril).  Le  petit  recueil  avait 
paru  pour  la  première  fois  l'année  pré- 
cédente, chez  le  même  libraire,  in-4°  de 
90  pages. 


^ 


[1633]  AUX   FRÈRES  DUPUY.  513 

ou  aisle.  Je  ne  sçay  si  je  hiy  pourray  escrire  ce  coup,  non  plus  qji'à 
M"^  Aubery  comme  j'eusse  désiré,  et  à  M'  Rigault,  car  je  suis  fort  pressé 
d'ailleurs  par  malheur  pour  le  présent.  Si  je  ne  le  puis,  ce  sera  par  le 
prochain  Dieu  aydant,  et  je  finiray  en  vous  baisant  trez  humblement 
les  mains  tant  de  la  part  de  M""  Gassendy  qui  est  icy  depuis  huict  jours, 
que  de  mon  frère  qui  est  à  Marseille ,  et  demeurant , 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteuc, 
DE  Priresc. 
A  Aix,  ce  il  may  i633. 

A  faulte  de  meilleure  matière  je  vous  envoyé  une  relation  que  j'ay 
receiie  de  Rome  sur  la  {généalogie  de  ce  prétendu  Prince  d'yEthiopie  ', 
à  qui  le  Pape  ne  donne  que  simplement  la  parte,  ne  l'ayant  encore 
voulu  recognoistre  pour  vray  prince  *, 

La  lettre  du  sieur  Galilée  meritoit  bien  d'estre  conservée  '.  M'  Gas- 


'  Ce  pei'soniiage  s'appelait  Zaga-Chiisl. 
Voir  sur  lui  i'nrlicle  du  Moréri  qui  renvoie 
à  la  Belntion  de  la  Terre  Sainte  d'Eu/jène 
Roger  et  aux  Imposteurs  insignes  de  J.-B.  de 
Rocoies.  Voir  encore  Tal!emanl  des  Réaux. 
Historiette  intitulée  :  Le  roy  d'Ethiopie 
(p.  6i-63),  et  les  nombreuses  indications  du 
savant  commentateur  (p.  63-64).  P.  Paris 
a  oublié  de  citer  ce  passage  d'une  leltre  de 
(îny  Patin  du  5  mai  i638  :  i^Je  pense  que 
savez  bien  la  mort  du  prince  d'Kthiopie  el 
son  dpitaphe  [un  quatrain  de  Desmarets]; 
sinon,  je  vous  les  enverrai.»  P.  Paris,  en 
l'evanche,  n'a  pas  manqué  de  mentionner 
les  Mélanges  historiques  et  philologiques ,  par 
M.  Michault ,  avocat  au  parlement  de  Dijon , 
où  sont  reproduites  (t.  I,  1754,  p.  3io- 
3ii)  irquelques  remai^ques  anecdotiques  de 
M.  Peiresk  sur  la  personne  de  l'imposteur 
Zaga-Christ».  Michault  ne  nous  dit  pas  d'oii 
sont  tirées  les  remarques  de  Peiresc. 


'  Peiresc  [liemarques ,  p.  3i4)  dit  d'Ur- 
bain VIII  :  rrSa  Sainteté,  nonobstant  tout  ce 
que  les  bons  Pères  Récolets  lui  ont  pu  té- 
moigner, ne  l'a  point  encore  voulu  renco- 
noîlre  pour  lel  [pour  empereur\,  ni  même 
permettre  qu'il  lui  baisât  les  pieds  :  il  lui 
a  simplement  accordé  pour  son  entrelien  sa 
part  de  la  Chambre,  qui  consiste  en  fort  |>eu 
de  chose. 'i  D'après  le  Moréri,  de  pape  lui 
donna  un  palais  pour  son  logement,  et  l'en- 
trelint  près  de  deux  ans.  Le  duc  de  Crétpii 
était  alors  ambassadeur  à  Rome,  et  persuada 
h  ce  prince  de  voir  la  France ,  et  de  venir  h 
Paris,  ce  qu'il  fit  l'an  i635.  Après  y  avoir 
vécu  trois  ans,  il  inounit  au  village  de  Ruel 
proche  de  Paris,  dans  la  maison  de  plaisanc4> 
du  cardinal  de  Richelieu  .  n'étant  alors  âgé 
que  de  vingt-huit  ans.  » 

'  Quelle  est  cette  lettre?  J'ai  consulté  sur 
ce  point  le  spécialiste  qui  pouvait  le  mieux 
m'éclairer,  M.  A.  Favaro.  et  le  savant  pro- 


IVPmmtBI*    ■iTI««lL«. 


514  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

sendy  m'a  dict  qu'il  en  avoit  escript  une  aultre  aultres  foys,  sur  le 
changement  que  les  reviseurs  luy  avoient  faict  du  tiitre  de  son  livre \ 
qui  meriteroit  bien  d'y  estre  joincte ,  et  croid  que  M''  de  la  Motte  en 
aye  coppie,  à  qui  j'en  vouldroys  bien  avoir  l'obligation;  au  pix  aller 
M"  Piodati,  qui  retint  l'autographe,  eu  baillera  volontiers  une  coppie, 
si  on  la  luy  faict  demander. 

Le  gazettier  n'a  pas  manqué  de  continuer  ses  bons  offices,  dont  je 
luy  ay  de  l'obligation  et  encores  plus  à  vous  ^. 


GIX 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

ADVOCAT  EN  LA  COUR  DE  PARLEMENT, 

RDE  DES  POICTEVINS  DERRIÈRE  s'  ANDR^  DES  ARTZ  CHEZ  »'  DE  THOO , 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Vous  recevrez  cette  lettre  par  le  sieur  Gaillard,  advocat  en  nostre 
parlement,  filz  de  l'un  des  meilleurs  amys  de  nostre  maison^,  que  je 


feâseur  a  bien  voulu  me  répondre  avec  la 
plus  gracieuse  courtoisie  qu'il  s'agit  sans 
aucun  doute  d'une  lettre  écrite  par  Galilée 
à  Diodali,  le  i5  janvier  i633,  laquelle  se 
trouve  dans  le  tome  VII  de  l'édition  Albéri 
(p.  16-20),  ainsi  que  dcns  le  tome  IV 
(p.  478  et  suiv.)  de  VHistaire  de*  sciences 
mathématiques  de  Libri. 

'  Dialogo  sopra  i  due  sistemidel  mondo ,  etc. 
rtll  est  très  exact,  me  fait  l'honneur  de 
m'écrire  le  futur  éditeur  des  OEuvres  com- 
plètes du  plus  grand  des  mathématiciens 
de  l'Italie,  que  le  titre  de  cet  ouvrage  dut 
être  modifié  d'après  les  ordres  de  Rome, 
Galilée  l'ayant  auparavant  intitulé  Deljlusso 
e  rijhuso  del  mare.  Gela  résulte  de  la  lettre 
du  P.  Niccolô  Riccardi,  maître  du  sacré  pa- 


lais, à  l'inquisiteur  de  Florence  en  date 
du  -ik  mai  i63i.»  M.  Favaro  craint  que 
Vautre  lettre  dont  Gassendi  avait  parlé  à 
Peiresc  ne  soit  u  \  document  perdu.  11  ne 
reste,  aflirme-t-il ,  aucune  trace  d'une  lettre 
adressée  par  Galilée  à  aucun  de  ses  amis  de 
Franc  postérieurement  à  la  lettre  du  P.  Ric- 
cordi  et  antérieuremen'  à  celle  du  i5  jan- 
vieri633  mentionnée  en  la  noie  précédente. 
M.  Favaro  ajoute  que  la  première  lettre 
connue  de  Peiresc  à  Galilée  est  du  26  jan- 
vier i634,  et  que  l'on  n'a  jamais  rien  re- 
trouvé d'une  con'espondance  entre  ce  dernier 
et  Dupuy. 

■'  Vol.  717,  fol.  23.5. 

^  Il  ne  faut  p^s  cQpfondiie  ces  Gaillard , 
qui  étaient  des  bourgfiois^i  avec  les  Gaillard, 


^ 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  515 

chéris  infiniment  et  pour  l'amour  de  son  père  et  pour  son  mérite  par- 
ticulier, ayant  une  inclination  merveilleusement  ardante  aux  lettres,  et 
à  ce  qui  y  peult  estrc  de  plus  recommandable  dans  sa  profession.  Je 
vous  supplie  trez  humblement  d'agréer  qu'il  puisse  avoir  l'honneur  de 
vous  offrir  son  trez  humble  service,  et  trouver  quelque  accez  chez  vous 
pour  y  voir  et  ouyr  discourir  aulcunes  foys  cez  galants  hommes  de 
l'académie  qui  vous  viennent  visiter.  Il  faict  estât  de  sesjourner  de  par 
delà  un  an ,  durant  lequel  temps  il  se  présentera  souvent  des  occasions 
de  luy  faire  sentir  des  eflects  de  vostre  faveur,  et  je  vouldroys  bien  qu'il 
en  eust  aussy  quelques  unes  de  vous  servir,  ne  doublant  pas  qu'il  ne  le 
fisse  trez  volontiers,  nom  plus  que  de  l'honneur  de  vostre  bienveillance 
en  son  endroict  aussy  bien  que  de  tous  les  amys  que  je  vous  ay  ci-de- 
vant adressez,  dont  je  vous  seray  à  jamais  redevable,  et  vous  rendray 
la  revanche  par  toute  sorte  de  services  dont  je  me  pourray  acquitter 
comme. 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peihesc. 
A  Aix,  ce  8  may  i633'. 


ex 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
J'ay  esté  bien  mortifié  de  voir  revenir  les  quattre  premiers  cahiei-s 
Grecs,  sans  que  M""  Petit  les  aye  conférez,  puis  qu'il  en  vouloit  prendre 

gentilsliomraes.quionlété  raenlionnës  dans  M"'  de  Sëvignë  el  par  Charles  Giraud,  et 

le  Wnie  I,  p.  337-338.  Voir  sur  l'avocal  qui  se  termine  ainsi  :  c Heureux  avocat  au- 

(iaillnrd  une  note  du  fascicule  \I  des  Cor-  quel    les   lettres   de  Peiresc   et   celles  de 

respnndaHti  de  Peiresc  {Jean  Tristan,  sieur  M'"' de  Sëvigué  rendront  tt'mpignage  jusqu'à 

ie  Saint- Amant ,  1886,  p.  3o-3i),  note  oîi  la  fin  des  temps!» 
*ont  reproduits  les  éloges  à  lui  donnés  par  '  Vol.  717.  fol.  938. 

65. 


516  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633J 

la  peine  pour  l'amour  de  moy,  car  je  ne  voids  apparance  quelquonque 
d'en  surcharger  M'  Rigault,  ne  en  ce  temps  ne  en  un  aultre,  quoy  que 
sa  courtoisie  luy  puisse  faire  dire.  Si  vous  vous  faisiez  monstrer  le  mé- 
moire que  j'avois  dressé  sur  son  catalogue,  vous  verriez  qu'un  mesme 
autheur  se  trouve  en  divers  volumes,  et  par  conséquent  qu'il  y  avoit 
bon  moyen  de  profEter  en  la  collation  qui  s'en  pouvoit  faire  non  seule- 
ment sur  celuy  d'où  ses  cahiers  estoient  transcripts,  mais  sur  lesaultres 
pareils  qui  sont  en  divei;^  volumes.  Gomme  dans  les  cahiers  raesmes 
que  j'ay  receus  il  y  a  des  pièces  transcriptes  deux  et  troys  foys,  qui 
servent  à  restaurer,  corriger  et  remplir  des  blancs  de  l'une  en  l'aultre, 
il  y  avoit  aussy  des  pièces  latines,  ce  me  semble,  et  la  cotte  des  vo- 
lumes où  elles  sont.  Et  celles  que  vous  m'avez  envoyées  de  feu  M' Pithou 
m'y  ont  encores  plus  affriandé  que  je  n'estois  devant.  Mais  il  fauldra 
prendre  patiance  puis  que  M'  Petit  se  retire,  et  voir  s'il  y  aura  un  jour 
moyen  d'en  endosser  la  courvée  au  sieur  Valloys.  A  qui  je  vous  supplie 
d'envoyer  demander  mes  eclogues  afin  que  M'  Petit  les  puisse  voir, 
aultrement  je  voys  bien  qu'on  le  laisra  partir  de  là  sans  qu'il  les  aye 
peu  voir,  et  toutefoys  je  l'en  avois  prié  par  une  mienne  lettre  et  me 
semble  qu'il  n'y  debvoit  pas  avoii'  du  regret,  car  ce  peu  que  M''  Petit 
en  eusse  peu  alléguer  ne  pouvoit  pas  faire  tort  ne  desroger  tant  soit  peu 
à  l'édition  qu'il  en  meditoit.  Cependant  je  suis  bien  aise  qu'il  aye  peu 
voir  le  livre  de  voz  liturgies  Cophtes,  mais  s'il  eusse  peu  voir  l'aultre 
volume  du  Lexicon,  il  en  eusse  bien  mieux  peu  faire  son  prollit. 
J'estime  pourtant  que  la  veùe  de  celuy  là  ne  luy  aura  pas  esté 
inutile.  Je  fcray  transcrire  les  articles  du  traicté  de  l'Empereur  avec 
Bourbon  \  et  verifiray  l'aultre  traicté  de  Trefve  dont  je  vous  parloys, 
qui  ne  pourroit  pas  estre  celuy  que  M""  du  Puy  vostre  frère  vous  a 
designé,  si  la  datte  estoit  sans  équivoque  de  l'an  i538,  car  Bourbon 
n'estoit  pas  lors  en  vie-,  et  il  se  prévalut  du  traicté  en  son  passage  en 
Espagne.  Je  feray  apprester  cela  Dieu  aydant  pour  le  prochain  ordi- 

'  De  l'empereur  Charies-Quint  avec  le  comiétalile  de  Bourbon.  —  '  On  sait  que  Charlr» 
fie  Bourbon  fut'lué  devant  tes  murs  de  Rome,  le  6  mai  iSay,  au  moment  où  il  montait  à 
l'assaut. 


I 


[1633]  AUX  FRKRES  DUPUY.  .',17 

naire  el  soray  Irez  aise  de  servir  M""  l'abbé  de  Thou  ou  de  Boiineval  en 
meilleure  occasion  que  des  livres  que  vous  m'avez  daigné  addresser 
<[ue  j'attendray  impatiemment,  pour  leur  faire  passer  les  monts,  non 
sans  quelque  regret  qu'ils  ne  soient  venus  à  temps  pour  le  passage  de 
cez  troys  galères  de  M""  de  Crequy,  lequel  nous  veult  venir  visiter  en 
corps  demain  matin  à  l'issue  de  nostre  audiance,  et  puis  aprez  avoir 
disné  chez  M'  nostre  Archevesque  veult  encor  aller  coucher  à  Mar- 
seille. Au  reste  les  Gazettes  estoient  fort  bien  venues  durant  troys  or- 
dinaires, mais  à  ce  dernier  je  les  attendoys  plus  raisonabicment  que 
devant,  parce  qu'on  pouvoit  respondre  à  ma  lettre;  je  n'en  ay  poinct 
receu.  Et  fauldroit  que  le  pacquet  se  fusse  perdu  par  les  chemins  ou 
que  quelqu'un  eust  aiïecté  de  me  le  retenir,  si  ce  n'est  par  oubliance 
des  commis  de  ce  bureau  des  adresses.  Et  loiilefoys  l'occasion  s'estoit 
présentée  fort  belle  cette  foys  de  m'en  revancher,  par  les  nouvelles  du 
Levant  que  vous  trouverez  cy  jointes,  el  par  celles  de  l'entreveiie  de  ce 
cardinal  Infante  avec  M'^  de  Savoye  dont  vous  aurez  icy  de  bonnes  parti- 
cularitez  que  cez  gcnts  là  ne  debvroient  pas  recevoir  de  vostre  main 
pour  ce  coup,  afin  de  leur  faire  cognoistre  leur  tort  et  de  les  rendre 
moings  négligents  une  aultre  foys.  Combien  que  je  vous  diray  que  ce 
n'est  pas  pour  faire  le  renchery  que  je  vous  ay  mandé  combien  je  de- 
viens indifférant  aux  nouvelles  du  monde,  ma  passion  prédominante 
ayant  tousjours  esté  pour  les  nouvelles  des  livres,  et  des  aultres  curio- 
sitez  tant  de  la  nature  que  des  antiquitez.  Et  à  ceste  heure  que  je  voys 
tant  de  mal  entendu  parmy  ceux  qui  avoient  tant  de  subject  d'estre 
bien  en  ce  pays  icy,  je  ne  sçay  à  quoy  Dieu  nous  reserve,  ne  s'il  sera 
plus  expédiant  que  nous  sçaichions  rien,  ne  que  nous  soyons  advertis 
de  rien  qui  vaille  comme  il  seroit  à  désirer  que  persone  ne  sceul  rien 
de  tout  ce  qui  se  passe  icy  entre  nous,  et  qu'on  en  peusse  esteindre  la 
mémoire,  mais  nous  sommes  trop  malheureux  pour  cela  et  du  moings 
osé-je  bien  me  promettre  que  vous  m'excuserez  si  ces  advis  là  ne  vous 
sont  poinct  donnez  de  nostre  part  comme  je  vous  en  supplie  Irez  hum- 
blement. Mon  frère  vint  icy  samedy  au  soir  avec  les  consuls  de  Mar- 
seille, pour  sali  lier  M""  le  duc  de  (]requy  et  M'  le  Mareschal  et  s'en 


518  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

retournèrent  le  lendemain.  11  m'avoit  apporté  des  nouvelles  de  l'arrivée 
d'un  navire  qui  avoit  paru  à  l'embouscheure  du  port  lors  de  leur  des- 
part, et  que  l'on  tenoit  venir  du  Levant,  mais  puis  qu'aujourd'huy  il 
ne  m'en  a  pas  envoyé  d'aulli'es  nouvelles,  il  ne  fault  pas  que  ce  soit 
celuy  qui  a  chargé  mes  livres,  y  en  ayant  troys  en  mer  de  ceux  qui 
viennent  de  ce  costé  là.  Au  reste  je  viens  de  recevoir  la  caisse  de  livres 
partie  du  moys  de  mars,  ofi  j'ay  trouvé  tout  plein  de  belles  pièces  dont 
je  feray  dresser  l'inventaire ,  et  entr'aultres  la  boitte  des  Republiques  que 
j'ay  veûes  trez  volontiers,  et  encores  plus  le  libvre  in  U"  qui  y  estoit  joinct 
dont  je  vous  rends  mille  grâces,  car  je  n'en  avoys  rien  veu  en  son  temps 
non  plus  que  des  aultres  de  mesme  datte  et  aultres  subsequantes,  venus 
de  mesme  lieu.  J'y  ay  eu  le  Codex  Ganonum  in  8°  avec  le  Ferrandus, 
dont  je  vous  doibs  un  particulier  remerciment  et  pour  moy  et  pour 
celuy  qui  s'en  vouloit  servir  qui  est  bien  honneste  homme.  L'histoire 
de  Montmorancy  '  est  arrivée  à  temps  pour  passer  à  Rome  par  cez  ga- 
lères et  m'espargner  mon  volume  qui  s'y  en  alloit  à  faulte  d'aultre.  Je 
ne  puis  pas  à  présent  recognoistre  les  pièces  du  procez  de  Montmo- 
rancy, mais  à  l'ouverture  du  fagot  j'ay  bien  veu  que  c'est  chose  gran- 
dement exacte  et  bien  assortie,  dont  je  vous  ay  bien  de  l'obligation.  J'ay 
aussy  receu  un  aultre  petit  fagot  venu  d'un  aultre  costé,  contenant  cez 
relations  de  Venise  et  cez  epistres  in  U°  de  Busbequius  avec  ce  petit  col- 
loque en  bas  breton,  françoys  et  latin  que  je  n'avoys  poinct,  et  dont  je 
vouldroys  bien  un  aultre  exemplaii-e  pour  un  amy^.  M'  le  Prieur  de 


'  Il  s'agit  là  de  quelque  exemplaire  de 
l'Histoire  généalogique  de  la  maison  de  Monl- 
morency  et  de  Laval,  par  André  du  Chesne 
(1694,  in-fol.),  réimprimée  en  1699  (in- 
fol.). 

'  Je  dois  à  M.  Henri  Gaidoz,  le  savant 
directeur  de  la  revue  intitulée  Mélusine,  les 
excellents  renseignements  bibliographiques 
suivants  :  «L'ouvrage  qui  vous  préoccupe 
est  sans  doute  l'édition  de  i633  de  Quim- 
per  :  Dictionnaire  et  colloques  fi-aneoia ,  breton 


et  latin ,  diiisei  en  trois  parties  ;  Dictionœr  ha 
CollocoH  Gallec-Brezonncc  ha  latin ,  divisèt  en 
teir  queu/ren;  Dictionimriolum  et  colloqiUa 
gallico-britannico-latina ,  in  1res  partes  dis- 
tincla,  par  Guillaume  Quiquer,  de  Roscoiï, 
augmentez  de  moitié,  de  douze  Traitez  nmi 
encor  imprimez,  et  du  latin  correspondant  au 
français  et  breton ,  par  le  même.  A  Morlaix , 
chez  George  Allienne ,  imprimeur  et  libraire 
juré  à  Roiien,  au  Palmier  Couronné,  et  à 
Quimpercorentin   en   sa  boutique,   i633, 


4 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  51» 

Roumoules  me  mande  qu'il  a  chargé  d'aultres  amys  de  tout  plein  d'aul- 
tres  fagots.  Sur  quoy  je  vous  doibs  tant  de  remerciments  que  je  ne 
sçay  par  où  commancer,  et  aymeroys  bien  mieux  vous  pouvoir  actuel- 
lement servir  et  tesinoigner  par  mon  obéissance  que  je  suis  de  tout 
mon  cœur, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DB  Pbirbsc. 
A  Aix,  ce  9  aiay  i&â3. 


Celle  Vie  de  Tamberlan  '  sera  bien  digne  d'estre  veue^  comme  aussy 


avec  privilège  du  Roy.  Celte  édition  de  1 633 
est  la  seule,  à  ma  connaissance,  qui  ait  une 
partie  latine.  J'ignore  jusqu'à  quel  point  cet 
ouvrage  concorde  avec  le  Nomenclator  com- 
munium  rerum  propria  noinina  gallico  idio- 
mate  mdicans.  Multo  quant  mtea  brevior  et 
emendatior.  Auclore  lladriano  Junio  medico, 
in  usum  sludiosorum  socielulis  lesii.  En  cette 
dernière  édition  a  esté  adioutëe  la  langue  bre- 
tonne ,  correspondante  à  la  latine  et  Françoise , 
par  maistre  Guillaume  Quiquerde  HoscoU'; 
en  faveur  de  Messieurs  les  escoliers  des  col- 
lèges de  Quimpercorentin  et  Vannes.  A 
Morlaix,  chez  George  Allienne,  m.dc.xxxim; 
in-i8;  a  pages  non  numérotées  pour  le  pri- 
vilège; 335  pages  plus  la  pages  non  numé- 
rotées pour  la  table.  La  première  édition  des 
dialogues  français-bretons  est  de  1 626  :  Die- 
lionnaire  et  colloques  François  et  Breton.  Tra- 
duits du  François  en  Breton  |)ar  (J.  Quiquer 
de  Roscoff:  livre  nessaire[>i\c\  tant  aux  Fran- 
çois que  Bretons,  se  frcquenlans  et  qui  n'ont 
f  intelligence  des  deu.v  langues.  A  Morlaix ,  de 
l'impiimerie de  Georges  Allienne,  m.iic.xxvi. 
Vvec  privilège  du  Uoy.  'jyij  pagesin-j8;  plus 
.'ig  pages  non  numérotées  donnant  un  voea- 
bulaire  françois-brelon  ;  plus  7 1  pages  numé- 


rotées à  part,  dont  voici  le  contenu  :  les 
conjugaisons ,  quelques  prières  et  oraisons,  de 
la  ponctuation,  de  la  prononciation  francoim 
(p.  37-55),  de  la  prononciation  bretonne 
(p.  56-68),  et  le  Privilège.  M.  Lolh  a 
reproduit  quelques-uns  de  ces  dialogues 
dans  sa  Chreslomnthie  bretonne,  en  cours 
d'impression  dans  les  Annales  de  Bretagne 
(Rennes,  t.  III,  n"  a,  p.  a 38  et  suiv.,jan- 
vier'i  888 ).  »  —  Depuis  que  celte  note  a  été 
imprimée,  j'ai  trouvé  dans  le  Bibliophile 
breton  (Rennes,  1888,  n"  tX  et  X,  une 
étude  sp(^iale  de  M.  Arthur  de  la  Borderie 
sur  les  Colloques  de  Quiquer,  de  Boscoff, 
étude  <jui  l'ait  |)artie  des  Notices  et  doeumenlx 
bibliographiques  du  savant  corn'spondant  de 
l'Institut,  et  oîi  oui  été  réunis  les  détails  les 
plus  précis  sur  l'édition  originale  des  (hllo 
ques  et  sur  les  étiitions  suivantes,  notam- 
ment sur  l'éd  tirn  de  i63a-i633. 

'  Histoire  du  Grand  Tamerlan,  traduite 
sur  les  originaux,  par  de  Sainct-Von  (Paris, 
1699,  in-ia);  réimprimé  en  1677.  .A  pro- 
pos de  la  l'orme  Tamberlan  ailoptée  par  Pei- 
resc,  je  noterai  que  le  Moréri donne  le<  trois 
formes  :  Timierlan  ,  Taberlan  .  Timur-Bee. 

'  Non ,  celle  Vie  n'était  pas  digne  d'être 


520  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

l'Arnobe  de  M"^  SaulmaiseS  et  cez  Indes  occidentales  de  Laët^,  mais  tout 
cela  aura  son  temps.  J'ay  recouvré  ce  vieil  exemplaire  m[anu]s[crit]  Hé- 
braïque des  Tables  Astronomiques  du  Rabin  de  Tarascon  qui  vivoit 
trois  cents  ans  y  a^,  avec  un  vieil  exen)plaire»aussy  m[anu]s[crit]  du  petit 
Chronicon  Hebraeorum,  Seder  Olam,  que  Genebrard  a  traduict*,  que  je 
veux  faire  conférer,  car  il  y  a  quelque  continuation.  Ce  sera  de  la  besoigne 
à  M"^  Petit  pour  le  traduire  et  conférer.  Au  reste  si  vostre  coppiste  Grec 
est  en  cbaumage ,  et  que  M''  Rigault  ne  trouvast  pas  mauvais  que  je 
fisse  transcrire  cette  petite  Vie  d'Homère  par  Plutarque^,  qui  est  en  la 
Bibliothèque  n**  107,  j'en  payerois  bien  volontiers  les  frais  de  la  tran- 
scription. 

Je  vous  envoyé  une  vieille  pièce  sur  la  revalescence  •*  de  Monseigneur 


vue,  car  un  estimable  orientaliste,  H.  Au- 
diffrel,  la  juge  ainsi  dans  la  Biographie  uni- 
verselle :  rt  C'est  un  tissu  de  fables  et  d'ana- 
chronismes.  1 

'  L'^"! rnobe  de Saumaise ne  devait  paraîtie 
([u"en  1 645.  Voir  sur  cette  édition  et  sur  les 
autres  travaux  de  l'érudit  bourguignon  re- 
latifs à  Arnobe  le  fascicule  V  des  Corres- 
pondants de  Peiresc ,  p.  99  ,  note  2 .  — J'ajoute 
que  les  OEuvres  d' Arnobe  reparurent  à  Leyde 
en  i65i,  in-4°,  par  les  soins  de  Claude 
Saumaise,  et  avec  les  notes  de  Canterus,  de 
Stewechius,  etc.  Saumaise  en  préparait  une 
nouvelle  édition,  mais  il  mourut  sans  avoir 
pu  l'achever.  On  en  trouve  les  premières 
feuilles  dans  le  tome  II  des  Œuvres  de  Saint- 
Hippolyte ,  imprimé  à  Hambourg  en  1716. 

"  Novus  Orbis  seu  descriptionis  Indiœ  Oc- 
cidentalis  libriKVlll.  Autbore  loanne  de  Lael 
Anturrp.  Novis  tabulis  geograpbicis  et  variis 
animantium,  plantarum  fructuumque  ico- 
nibus  illustrati.  (Leyde,  Elzevier,  i633,  in- 
fo!.) Voir,  sur  fédition  originale  en  langue 
hollandaise  (lôaS)  et  sur  la  traduction  en 
langue  française  (j64o).  Les  Elzevier  de 


M.  Alph.  Willems  (n"  aSo,  Say,  igy). 

'  Déjà  mentionné  plus  haut. 

'  Ce  fut  en  1679  que  Gilbert  Genebrard 
publia  le  Seder  Olam  Zuta  en  hébreu  avec 
une  version  latine  sous  ce  titre  :  llebrœorum 
brève  Chronicon  sive  Compendium  île  mmidi 
ordine  et  temporibus  (Paris,  in-8°).  La  chro- 
nique va  jusqu'à  l'an  1112  de  J.-G.  Rappe- 
lons que  Genebrard  naquit  à  Riom  en  i537, 
fut  bénédictin  de  Cluny,  professeur  d'hébreu 
au  Collège  de  France,  archevêque  d'Aix 
(i59Q-tJ)()6)  et  qu'il  mourut  à  Sémur  en 
mars  1697.  Voir  divers  renseignements  sur 
le  savant  prélat  dans  le  Gallia  orientalis  de 
Paul  Colomiès  (p.  87-91).  dans  le  Mémoire 
hist.  et  litl.  sur  le  Collège  rof«l  de  France, 
par  l'abbé  Goujet  (t.  I,  p.  395-809),  etc. 

'  Tout  le  monde  sait  que  la  Vie  d'Homère 
en  question  a  été  faussement  attribuée  à 
Plutarque. 

°  Mot  qui  manque  à  tous  ceux  de  nos 
vieux  dictionnaires  que  j'ai  pu  consulter  et 
qui  vient  du  verbe  revalescere ,  recouvrer  la 
santé.  Nous  avons  déjà  trouvé  en  ce  volume 
la  forme  reconvalescence. 


^ 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY."  52Î 

le  Cardinal  où  il  y  a  bien  d'assoz  gentiies  conceptions.  Il  avoil  esté  es- 
cript  en  l'orme  de  lieux  pioprcs  à  ayder  la  mémoire  pour  le  reciter 
par  coeur'. 

Vous  aurez  aussy  le  lict  de  justice  dont  je  vous  remercie  trez  hum- 
blement. Je  viens  de  recevoir  un  estât  du  contenu  du  volume  de  M' Cyron 
que  j'estime  bien  davantage  que  je  ne  faysois.  Si  vous  ne  l'avez  à  cette 
heure  (car  je  suis  fort  pressé),  vous  l'aurez  parle  prochain,  et  un  abrégé 
de  la  bibliothèque  m[anu]s[crite]  d'Urbin'^ 

Je  vous  prie  de  faire  part  des  nouvelles  de  Villefranche  à  M"'  Au- 
bery,  vostre  voisin  ^ 


CXI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur,  « 

J'avois  compté  sans  l'hoste'*  quand  je  vous  proraettoys  par  cet  ordi- 
naire des  extraicts,  qu'il  fauldra  de  nécessité  remettre  à  un  aultre, 
attendu  que  mes  gents  ont  mieux  aymé  faire  la  desbauche  que  de  tra- 
vailler avec  moy,  dont  je  vous  crie  mercy.  J'avois  retenu  les  relations 
d'Afrique  et  d'iEgypte^  attendante  venue  du  R.  P.  Athanase  Kircher, 
qui  travaille  aux  Hiéroglyphiques**,  lequel  les  vouloit  voir,  mais  je  pense 


'  Je  regretlede  ne  pouvoir  rien  dire  de 
la  curieuse  petite  pièce  provençale  sui-  le 
n^tour  de  la  santé  du  cardinal  de  Richelieu. 

'  Peiresc  a  voulu  dire  :  un  aperçu  du  ca- 
talogue des  manuscrits  de  la  bibliothèipie 
(l'Urbin. 

'  Vol.  717,  fol.  989. 

'  Au  sujet  de  cette  locution  proverbiale. 
I.,iltré  ne  cite,  sous  le  mot  hâte,  qu'un  au- 
teur coniicpie  posti'rieur  «  r«?poque  oîi  (^cri- 
vait  Peiresc ,  Noël  le  Breton ,  sieur  de  Haute- 


roche.  Le  Roux  de  Lincy  {Le  livre  des  pro- 
verbes français,  I.  II,  p.  170)  a  recaeilii 
celle  variante  du  vieux  dicton  :  itQui  compte 
sans  son  hoste  compte  deux  fois.» 

'  Les  relations  de  Thomas  d'Arcos ,  déjè 
mentionnées. 

"  C'est  l'occasion  de  citer  celte  remarque 
du  Dictionnaire  de  Littré,  sous  le  mot  Hié- 
roglyphique: (rOn  le  trouve  substantivement, 
au  lieu  de  hiéroglyphes ,  dans  une  lettre  de 
Ch.  de  Sévigné  :  ir  Ce  n'est  plus  de  l'écriture 

66 


IVrttlitKIt    »ATtO«4l«. 


522  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633] 

que  nous  l'aurons  icy  dans  cette  semaine,  s'il  nous  tient  parole  ^  Et 
aussy  tost  je  les  vous  envoyeray,  et  à  M"'  Bergeron.  Vous  pourrez  voir 
si  vous  voulez  ce  que  j'escripts  à  M'  du  Ghesne  touchant  les  ni[anu]- 
s[crit]s  du  sieur  de  Gyron.  Et  ne  verroys  pas  inoings  volontiers  la  ver- 
sion que  le  cardinal  d'Esté  a  voulu  faire  du  discours  du  Mathieu  sur  la 
vie  de  M""  de  Villeroy^,  que  le  texte  de  l'autheur,  que  j'ay  tousjours 
tenu  en  mesme  predicament'  que  vous  dictes.  Et  encor  un  peu  au 
dessoubs,  à  cause  de  l'aiïectation  de  favoriser  les  ennemys  de  la  gran- 
deur Françoise,  pour  ne  dire  mauvaise  foy.  Monsieur  le  Premier  Pré- 
sidant nous  a  ce  jourd'huy  voulu  traicter  avec  M""  Gassendi,  mais  avec 
une  magnificence  et  délicatesse  nompareille.  Il  luy  tarde  bien  de  voir 
les  Indes  Occidentales  de  Laetius  in  fol°  aultànt  et  plus  qu'à  nous.  On 
nous  a  faict  fesle  d'une  relation  des  Indes  des  Jesuistes,  dont  je  ne  sçay 
pas  le  tiltre  ne  la  datte  de  l'édition,  portant  description,  entr'  aultres 
choses,  du  Royaulme  de  Jésus,  qui  faict  l'union  par  une  terre  fermé  de 
l'Asie  avec  l'Amérique  septentrionale,  au  lieu  du  destroit  que  l'on  y 
souloit  mettre.  Et  d'une  certaine  Isle  du  mitan  de  laquelle  sortent 
quatlre  rivières  en  païs  'si  fertile  et  si  amené'*  qu'on  a  revocqué  en 
double  si  ce  n'estoit  pas  le  Paradis  terrestre^'.  Gela  meriteroit  bien 


^[une  lettre  de  M'"'  de  Grignan],  ce  sont  des 
crfigui-es  tantôt  d'une  façon,  tantôt  d'une 
«autre;  ce  sont  des  hiéroglyphiques  d'une 
itsi  grande  et  si  belle  variété.  .  .  n  Tel  est  le 
texte  de  la  lettre  oSy,  éd.  de  1787;  mais 
l'édition  de  Régnier  a  hiéroglyphes,  n  On 
lit  dans  le  Dictionnaire  de  Trévmtsc  sous  le 
mot  Hiéroglyphiques  :  trll  est  aussi  sub- 
stantif, et  alors  il  signifie  la  même  chose 
qn  hiéroglyphe,  n 

'  Voir  sur  le  séjour  h  Aix  du  P.  Atha- 
nase  Kircher,  qui  habitait  alors  Avignon ,  le 
livre  V  de  la  Vie  de  Peiresc  ])ar  Gassendi, 
[).  388.  Voir  aussi  sur  ce  séjour  la  lettre 
suivante. 

^  Savait-on  ffuo  le  cardinal   d'Esté  eût 


traduit    le   discours    de    Pieire    Matthieu? 

^  Nous  avons  déjà  trouvé  le  mot  prédica- 
menl  dans  le  tome  I,  p.  aoa. 

'  Les  rédacteurs  du  Dictionnaire  de  Tré- 
voux disent:  ^ Amené,  vieux  mot.  Agréable. 
AmœnuSyit  et  ajoutent  que  le  mot  a  été  em- 
ployé par  Clément  Marot.  Voir  dans  le  Dic- 
tionnaire de  La  Curne  de  Sainte-Palaye  la 
citation  des  vers  de  Marot  avec  renvoi  à 
d'autres  vieux  auteurs. 

*  Le  paradis  terrestre  a  été  placé  en  de 
bien  nombreuses  localités.  Voir,  à  ce  sujet, 
un  article  aussi  curieux  que  savant  publié 
par  M.  Alfred  Maury  dans  la  dernière  édi- 
tion de  V Encyclopédie  moderne  (librairie 
Firmin-Didot). 


[1633]  AUX  FRÈHKS  DUPUY.  523 

d'estre  veu.  Si  je  puis,  vous  aurez  par  cet  ordinaire,  sinon  ce  sera 
Di«u  aydant  par  le  prochain,  une  petite  relation  de  l'Eslat  du  Mopor 
de  l'an  1689  qui  ne  vous  sera  pas  deza{;reabie  en  simple  patoys  d'un 
bon  marchand.  J'ay  dcsja  escript  pour  la  musique  du  P.  Merc«ne  sur 
les  instructions  qu'il  avoit  cy  devant  baillées  à  M'  Gassendy,  et  en  at- 
tends une  bonne  relation  d'un  excellant  musicien  joueur  de  luth,  qui 
a  esté  esclave  des  Turcs  10  ou  12  ans,  oii  il  est  encores,  entrant 
dans  leurs  mosquées  quand  il  veult.  Je  luy  envoyeray  coppie  de  ceit 
dernières  instructions,  et  en  envoyeray  aultant  du  costé  du  Levant, 
et  en  Jérusalem  où  sont  les  chrestiens  de  tant  de  diderantes  sectes, 
pour  en  avoir  de  chascune  ce  qui  se  pourra  tirer,  et  en  Alep  et  ail- 
leurs. J'ay  bien  eu  du  regret  de  la  mort  du  pauvre  chatton  de  M''  de 
Bellievre,  qui  a  esté  suivie  de  la  mort  du  pauvre  muletier  qui  s'en 
estoit  chargé,  lequel  deceda  dans  Lyon  deux  jours  aprez  son  arrivée, 
en  la  persone  de  qui  j'ay  perdu  un  fort  bon  homme  et  fort  fidèle. 
N'attribuant  la  mort  de  ceste  pauvre  besle  qu'A  la  maladie  qui  sur- 
print  ce  pauvre  bon  honuiie  à  my  chemin,  car  il  l'auroit  portée  dans 
son  sein  plus  tost  qu'il  ne  l'eusse  rendue  en  bon  estât,  mais  ses  valets 
n'avoient  pas  la  mesme  affection  que  luy.  J'en  ay  un  aultre  de  mesme 
poil ,  dont  les  rayes  ne  sont  pas  du  tout  si  fort  marquées  de  noir 
sur  le  blanc  comme  estoient  celles  du  mort.  Mais  il  est  beaucoup  plus 
noble  et  moins  abastardy  que  l'aultre,  estant  né  de  la  chatte  que  j'ay 
eue  de  Damas  et  d'un  des  plus  beaux  chats  que  j'aye  eu  du  poil  du 
vostre,  mais  il  est  encores  bien  jeune  et  tendret;  je  ne  l'envoyeray 
poinct  que  quelqu'un  ne  se  charge  de  le  porter  dans  son  seing  comme 
il  le  mérite,  car  c'est  la  plus  amoureuse  bestiole  qui  fut  jamais.  Je  ne 
regrette  si  ce  n'est  qu'elle  sera  plus  petite  de  beaucoup  que  les  aul- 
tres,  mais  comme  c'est  une  femelle,  elle  n'en  vauldra  peut  eslrc  pas 
pfx,  si  on  n'a  pas  du  dessein  d'en  tirer  de  la  race.  Pour  toute  revanche 
de  voz  nouvelles  je  ne  vous  sçaurois  dire  que  le  départ  de  M""  le  Duc 
de  Crequy  depuys  cette  nuict  à  deux  heures  qu'il  se  fit  porter  en  une 
chalouppe  sur  les  galères  sorties  dez  le  soir  précédant,  et  aussy  tost  a 
faict  chemin.  M' le  Mai'eschal  a  accordé  ce  jourd'huy  noz  deux  consuls 

66. 


524  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

qui  s'estoient  entiebattus '  et  s'en  va  tenir  son  assemblée  à  Manosque'' 
mandée  à  demain.  Madame  la  Mareschale  se  resouldra  de  partir  pos- 
sible de  là  pour  un  voyage  cbez  elle  sans  revenir  icy  qu'aprez  l'esté,  à 
ce  qu'on  dict,  et  sur  ce  je  demeure, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peibesc. 
.Ce  16  may  i633. 

J'oublioys  de  vous  dire  que  voicy  le  second  ordinaire  que  la  Gazette 
a  manqué,  n'ayant  receu  par  le  dernier  que  celle  du  29  avril  qui  de- 
voit  estre  arrivée  dez  la  précédante  semaine ,  dont  j'ay  faict  plainte  à 
ceux  de  la  poste  croyant  qu'ils  eussent  affecté  de  retarder  la  délivrance 
du  pacquet  recognoissable  par  le  cachet  de  l'esperon.  Mais  ils  m'ont 
juré  qu'il  n'estoit  venu  que  sammedy  dernier  et  que  s'il  a  esté  arrésté, 
ce  doibt  avoir  esté  à  Lyon,  de  sorte  que  le  cachet  que  je  pensoys  luy 
servir  de  passeport  leur  sert  maintenant  de  subject  de  retardement. 

Je  vous  renvoyé  la  lettre  de  M'  Grotius  qui  est  trez  belle  à  voir,  et 
vous  en  rends  mille  trez  humbles  actions  de  grâces. 

Vous  avez  tousjours  oublié  de  me  mander  si  le  livre  du  sieur  Bos- 
quet de  l'Histoire  de  l'Eglise  Gallicane  in  8°  se  trouvoit  à  vendre  ^  ou 
non,  car  on  en  a  veu  icy  un  exemplaire*. 

'  Les  consuls  Gabassol  et  Saint-Marlin ,  pour  voir  la  seconde  édilioii  fort  augmentée, 

inentionnés  un  peu  plus  haut.  laquelle  parut  en   l'année  qui  précéda   sa 

'  Voir,  sur  Manosque,  t.  I,  p.  70.  mort  :  Ecclcsiœ  Gallicuuœ  Historinrum  libri 

'  Ecclesim  GalUcanœ  Historiarum  liber  I  IV  (Paris,  Jean  Gamusat,  i636,  in-i"). 

(Paris,  i633,  in-8°).   Peiresc  vécut  assez  '  Vol.  717,  fol.  2 '12. 


[1633] 


AUX  FRÈRES  DUPUY. 


525 


CXII 

\  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 
À  PARIS. 

Monsieur, 
En  mesnie  temps  que  nous  avons  receu  la  despesche  du  dernier  or- 
dinaire du  i3™',  il  s'est  oportunement  présenté  une  commodité  d'un 
gentilhomme  qui  m'est  venu  demander  la  responce  d'une  lettre  qu'il 
m'apporta  cez  jours  passez ,  de  la  part  de  M""  de  Thou ,  lequel  j'ay  trouvé 
en  si  bonne  disposition  de  se  charger  des  deux  livres  que  vous  me  de- 
mandiez pour  M'  Godefroy  (de  ces  voyages  de  Philippe  d'Austriche  '  et 
de  Charles  V^)  que  je  les  luy  ay  faict  bailler  incontinant,  de  sorte  que 
vous  les  recevrez  plus  tost  que  ma  responce  à  vostre  despesche  du 
susdict,  parce  qu'il  m'a  surprins  sans  me  donner  le  loisir  que  d'escrire 
un  mot  à  M'  de  Thou,  à  qui  j'ay  faict  faire  l'adresse  de  cez  livres,  ayant 
esté  contraint  de  quitter  la  plume  (que  j'avoys  prinse  pour  vous  es- 
crire)  sur  des  compliments  que  l'on  m'est  venu  faire  de  la  part  de 
M' de  l'Estrade^,  gouverneur  de  Messieurs  les  Ducs  de  Mercure  et  Prince 
de  Martigues  *,  qui  m'a  envoyé  certaine  boitte  de  Rome  que  le  Gar- 


'  Philippe  I,  dit  le  Beau,  (ils  de  l'em- 
pereur Maxitnilien  et  de  Marie  de  Bour- 
gogne, porta  d'abord  le  titre  d'archiduc 
d'Autriche,  devint  eu  i48a  souverain  des 
Pays-Bas,  en  i5o4  roi  de  Castille,  et  mou- 
rut en  i5o6,  à  l'âge  de  vingt-huit  ans, 
laissant  deux  fils,  Charles-Quint  et  Ferdi- 
nand. 

-  Par  /tores  faut-il  entendre  ici  manu- 
scriis?  En  pareil  cas  les  voyages  du  second 
des  princes  nommés  seraient  s  )it  la  descrip- 
tion des  voyages ,  faicts  et  victoires  de  l'em- 
pereur Charles,  V'  de  ce  nom,  etc.,  par  le 
seigneur  Jacques  de  Herbays  (ms.  de  la  bi- 
bliullièquc  de  Madrid),  soit  le  Journal  des 


voyages  de  Charles-Quint,  de  i5ii  à  i55i, 
par  Jean  de  Vandenesse,  ce  dernier  journal 
publié  par  M.  Gacliard  (Bruxelles,  iSy'i, 
in-4*) ,  dans  la  Collection  des  voyages  des  *ou- 
veraiiis  des  Pays-Bas.  Le  savant  éditeur  ne 
cite,  dans  son  Introiluction,  aucun  ouvrage 
imprimé  qui  puisse  être  pris  pour  un  des 
livres  communiqués  par  Peiresc  à  Gode- 
froy. 

'  Ce  personnage  ne  figure  dans  aucun 
dos  recueils  du  xvii*  siècle  que  j'ai  pu  con- 
sullcr. 

'  C'étaient  les  fils  de  César  de  Vend<\me 
et  de  Françoise  de  Lorraine,  duchesse  de 
.Me:  cœur,  princesse  de  AMarligues,  laquelle 


526  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633] 

dinal  Barberin  luy  avoit  baillée  pour  moy.  Et  m'a  t'on  dict  en  mesme 
temps  que  cez  princes  venoient  d'arriver  de  la  Sainte  Balme,  et  qu'ils 
estoient  aprez  le  desjuner,  pour  passer  oultre  incontinant,  de  sorte 
que  j'ay  esté  constraint  d'y  accourir,  et  n'ay  peu  rendre  mes  remerci- 
ments  à  M'  de  l'Estiade  sans  les  sallùer,  dont  j'ay  esté  merveilleuse- 
ment bien  édifié,  car  certainement  il  ne  se  peult  rien  voir  de  plus  gentil 
que  cez  princes,  ne  de  plus  affable  et  plus  honneste.  Hz  nous  ont  faicl 
une  trez  agréable  description  des  plus  curieuses  choses  qu'ils  ont  veiies 
en  leur  voyage  de  Naples,  et  particulièrement  de  la  Gueulle  du  Mont 
Vésuve,  qu'ils  sont  allé  voir  toute  branslante  et  bruyante  de  canonades 
naturelles.  Ils  ont  surprins  icy  tout  le  monde,  car  on  ne  les  allendoit 
qu'à  ce  soir,  et  n'ont  pas  voulu  partir  sans  aller  rendre  la  visite  à 
M' le  Premier  Présidant,  qui  les  avoit  visitez  assez  précipitamment.  Vous 
prendriez  plaisir  sans  doubte  de  les  voir  parler  et  agir  de  trez  bonne 
grâce,  et  de  gouverner  un  peu  M'  de  l'Estrade  sur  les  honneurs  que 
l'on  a  rendus  partout  à  cez  jeunes  princes  et  spécialement  M''  et  Ma- 
dame de  Savoye,  et  le  Cardinal  Borgia\  qui,  en  qualité  d'advoiié  pour 
parent  du  féu  Roy,  leur  a  voulu  rendre  tout  plein  de  compliments,  et 
les  vouloit  accompagner  à  dix  milles  de  Rome  à  leur  départ,  si  on  luy 
eust  laissé  faire.  J'ay  esté  tout  ravy  de  voir  la  relation  de  cette  epistre 
de  S'  Clément  aux  Corinthiens  de  si  ancienne  escripture,  ce  qui  me 
faict  insister  de  tant  plus  en  la  bonne  espérance  que  j'avoys  conceiie 
de  voir  un  jour  quelque  fragment  des  ïetraples  ou  Hexaples.  La  venue 
de  nostre  navire  S*  Esprit  a  été  un  peu  recuUée  par  le  retardement  de 
sa  partance;  je  ne  seray  poinct  bien  en  repos  d'esprit  qu'il  ne  soit 
arrivé  à  bon  port,  me  promettant  que  tost  ou  tard  nous  y  aurons 
nostre  conte  Dieu  aydant,  et  que  vostre  bonne  fortune,  et  l'ascendant 


était  fille  de  Philippe-Emmanuel  de  Lor-  '  Gaspard  Borgia ,  fils  de  François  duc  de 

raine,  duc  de  Mercœur,  et  de  Marie  de  Gandie,  né  en   i584,  créé  caidinal   par 

Luxembourg,  celte  dernière  fille  unique  et  Paul  V  en  1611,  fut  archevêque  de  Séville 

héritière  de  Sébastien,  vicomte  de  Marti-  et  de  Tolède,  vice-roi  de  Naples,  ambassa- 

gues.  Ainsi  s'expliquaient  les  noms  que  por-  deur  de  la  Cour  d'Espagne  à  Rome,  el 

taient  les  deux  voyageurs.  mourut  à  Madrid  en  novembre  1 645. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  527 

que  vous  avez  sur  les  bons  livres,  aydera  grandement  la  noslre,  aussy 
bien  que  l'heureuse  industrie  de  celuy  qui  est  pour  inoy  sur  les  lieux, 
et  que  vostre  puissant  génie  sur  les  lettres  fortifiera  tellement  la  foi- 
blesse  du  nostre  qu'il  y  aura  de  quoy  surmonter  les  diincultez  qui 
pourroient  y  eschooir.  Quand  cette  epistre  de  S'  Clément  se  pourra  re- 
couvrer, je  la  payeray  bien  volontiers  un  peu  plus  que  de  son  prix 
courant,  et  s'il  s'en  pouvoit  avoir  plus  d'un  exemplaire,  j'en  envoyerois 
trez  volontiers  de  là  les  monts.  Je  vous  remercie  trez  humblement  de 
l'acquisition  que  vous  m'avez  faict  de  l'Itinerarium  Benjamini  et  du 
soing  que  vous  avez  de  me  faire  avoir  les  Indes  Occidentales  de  Lae- 
tius  qui  ne  peult  pas  estrc  si  cher  s'il  y  a  tant  de  figures  en  taille 
douice,  comme  on  dict.  Il  doibt  partir  dans  sept  ou  huict  jours  de  nou- 
veaux députez  de  la  ville  de  Marseille,  par  lesquels  j'envoyeray  un  peu 
d'argent  de  secours.  Vous  remerciant  bien  humblement  de  la  tran- 
scription qu'il  vous  a  pieu  me  faire  faire  tant  par  Quentin  que  par  le 
coppisle  Grec  et  aultres,  car  le  procès  de  Montmorancy  n'est  pas,  ce 
me  semble,  de  la  main  de  Quentin  et  me  double  qu'il  soit  à  renvoyer, 
dont  vous  m'adverlirez  s'il  vous  plaict  afin  que  je  le  fasse  transcrire 
icy  avant  que  le  vous  renvoyer,  estimant  que  c'est  une  assez  grave 
pièce  pour  servir  d'ornement  à  une  estude.  La  lettre  du  Galilei 
que  je  pensois  estre  entre  les  mains  de  M"'  de  la  Motte  n'estoit  pas 
escripte  à  luy  mcsme,  ains  aux  sieurs  Diodati  et  Gassendy  conjoin- 
tement, mais  je  pensois  que  M""  de  la  Motte  auroit  esté  assez  cu- 
rieux pour  en  retenir  une  coppie;  il  fauldra  recourir  à  M'  Diodati, 
qui  doibt  avoir  l'original  par  devers  soy,  dont  il  ne  fera  pas  difficulté, 
je  m'asseure,  de  nous  octroyer  une  coppie,  y  ayant  des  particularitez 
sur  son  libvre  qui  y  sont  notables  et  dignes  d'estre  joinctes  à  celles  de 
la  dernière  lettre  du  diot  Galilée  que  vous  avez  prins  la  peine  de 
transcrire  vous  mesmes,  à  ce  que  vous  m'en  disiez.  J'ay  esté  infiniment 
aise  d'apprendre  que  l'entreveiie  de  M"  Petit  et  Valloys  ayt  esté  avec 
tant  de  satisfaction  réciproque  et  que  M""  Petit  ayt  eu  moyen  de  voir 
et  extraire  ce  qui  luy  pouvoit  servir  dans  mon  volume  des  Eclogues, 
comme  aussy  de  l'édition  de  son  troisiesme  volume  Lectionum  sacrarum 


528  -  XETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

dont  le  tiltre  sent  bien  son  bon  ',  espérant  que  le  contenu  respondra 
tousjours  mieux  à  l'expectation  que  l'on  a  de  ce  pérsonage  dont  i'inge- 
nuité  est  si  grande  parmi  une  lecture  si  universelle  qu'on  ne  la  sçauroit 
assez  loiier.  Au  reste  je  n'ay  pas  manqué  de  faire  voz  recommandations 
à  M'  Gassendy,  nostre  bon  hoste,  qui  vous  remercie  de  tout  son  coeur 
de  l'honneur  de  vostre  souvenir;  sa  considération  principalement  nous 
a  faict  venir  à  bout  de  la  partie  que  nous  avions  faicte  pour  arracher 
d'Avignon  le  R.  P.  Athanaze  Kirchser,  qui  est  icy  depuis  quattre  ou 
cinq  jours,  où  nous  avons  prins  grand  plaisir  de  le  gouverner;  il  a  de 
trez  belles  notices  et  de  beaux  secrets  de  la  nature  dont  l'un ,  trez  mer- 
veilleux, dont  il  nous  promet  de  nous  faire  voir  la  preuve,  est  d'une 
horologe  de  liège  nageant  sur  l'eau  dans  lequel  il  a  gravé  une  raye  ou 
canal  remply  d'une  graine  de  plante  de  Solanum-  qui  se  trouve  tous- 
jours  au  soleil  comme  la  fleur,  en  sorte  qu'il  marque  justement  les 
heures  au  bord  du  verre  remply  d'eau,  dont  il  dict  avoir  faict  voir  la 
preuve  en  bonne  compaignie  en  pleine  table,  en  la  présence  de  l'Elec- 
teur de  Mayence*,  et  bien  qu'on  soit  à  couvert  du  soleil  dans  le  logis,  ou 
que  le  ciel  soit  couvert  de  nues,  l'horologe  ne  laisse  pas  de  monstrer 
tousjours  les  heures  fort  justes,  aultant  qu'il  y  en  peult  avoir  dans 
l'arc  que  faict  le  soleil  sur  nostre  orizon.  Quand  cela  ne  seroit  pas  si 
exactement  juste,  et  qu'il  ne  s'y  cognoistroit  d'aultre  difî'erance  que  de 
tourner  au  levant  ou  au  midy  ou  au  couchant  successivement  à  peu 
prez,  je  le  tiendroys  tousjours  pour  un  grand  miracle  de  la  nature, 
et  qui  mérite  bien  d'estre  veu*.  Son  enlreprinse  des  Hiéroglyphiques 


'  Sentir  son  bon  se  disait  autrefois  pour 
sentir  bon.  Je  ne  retrouve  pas  l'expression 
de  Peiresc  dans  nos  principaux  dictionnaires. 

''  Plante  de  la  famille  des  Solanëes.  So- 
lannm  se  trouve  déjà  dans  Ambroise  Paré.  Le 
Dictionnaire  de  Cutgrave  donne  Solane.  La 
Gurne  de  Sainte-Palaye  cite,  en  son  Glos- 
saire, cette  phrase  de  Pelletier  du  Mans  : 
tret  les  Solans  provocant  à  dormir.» 

'  C'était  Anselme  Casimir,  né  le  3o  no- 


vembre i58a  ,  successeur,  le  6  août  1629, 
de  l'arcbevêfjue  Georges-Frédéric;  il  mourut 
à  Francfort  le  9  octobre  1 667.  Voii'  VArt  de 
vérifier  les  dates,  t.  XV,  1819,  p.  i48-i5o. 
'  On  peut  rapprocher  la  description  que 
fait  ici  Peiresc,  de  tous  les  curieux  détails 
dormes  sur  les  diverses  découvertes  de  Kir- 
cher  dans  l'article  très  ample  de  la  Biblio- 
thèque des  écrivains  de  la  Compagnie  de  Jésus 
(t.  II,  col.  ii5-46i). 


I 


[1633]  AUX  FRERES  DUPUY.  529 

a  esté  interrompue  pour  quelques  jours,  mais  il  s'en  promet  tousjours 
beaucoup,  et  les  eschantillons  (ju'il  nous  en  a  faict  voir  sont  bien  con- 
sidérables. Nous  sommes  aprez  à  ne|joticr  pour  le  faire  venir  demeurer 
en  celte  ville  un  an  si  faire  se  peult,  auquel  cas  nous  n'oublierons  rien 
de  tout  l'art  des  sages  femmes  pour  tascher  de  le  faire  accoucher  de 
cet  ouvrafje'.  Et  vous  adverlirons  du  progrez,  sur  quoy  je  finiray  de- 
meurant. 
Monsieur, 

vostre  Irez  humble  et  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  21  may  i633. 


Je  viens  d'apprendre  que  le  pauvre  Sanson  Napolon  a  esté  tué  au- 
prez  de  Tabarque'^  avec  quelques  uns  qu'il  avoit  amenez  avec  luy,  et 
le  plains  bien.  Le  prieur  de  Roumoules  vous  remettra  la  relation  du 
Mogor  et  M'  de  Loraenie  vous  fera  voir  ce  que  nous  avons  de  deçà.  La 
gazette  est  venue  cette  fois^. 

Je  m'estonne  que  voz  libraires  n'ayent  sceu  venir  à  bout  de  ce 
petit  m[anu]s[crit]  des  Cophtes  de  M'  de  Thou  pour  en  dcscoUer  les 
feuillets..  Quelqu'un  m'a  voulu  dire  qu'il  les  falloit  tremper  dans  de 
riiuille  ou  de  la  graisse  chauffée  que  je  vous  conseille  de  faire  essayer, 
si  mieux  vous  n'aymez  que  je  le  fasse  tenter  à  mon  relieur,  qui  n'est 
pas  trop  mal  adroict  en  aultres  choses.  Car  pour  la  tache  de  l'huille  ou 


'  On  reconnaît  dans  cette  spirituelle  plai-  tiië  en  attaquant  le  fort  de  Taharca.  Voir  sur 

sauterie,  comme  dans  quelques  autres  lieu-  les  circonstances  de  cettp  mort  le  draraa- 

reuses  plaisanteries  de  cette  correspondance .  tique  récit  de  M.  H.-D.  de  Grammont  (£a 

le  vif  causeur  dont  J.-J.  Bouchard  n  dit  en  mission  de  Sanson  Napollon,  Alger,  t88o. 

ses  Confessions,  di5jh  citées  :  «ses  discours  |).  76). 

sont  libres  et  gays  sans  beaucoup  de  scru-  ■'  Dans  un  des  niimdros  suivants  de  la 

pule..  .1  Gatette,  Peiresc  put  retrouver  des  détails 

'  Tabarca  ou  Tabaraka,  île  de  la  Médi-  (p.  a35),  envoyés  de  Marseille,  le  a6  mai 

terranée,  sur  la  côte  nord  de  Tunis,  près  de  t633 ,  sur  la  mort  du  -Capitaine  Sanson, 

la  Calle.  Ce  fut  le  11  mai  que  Sanson  Na-  Gouverneur  du  Bastion  de  France»  ,  devant 

potion,  victime  d'une  odieuse  trahison,  fut  le  irchâteau  de  Tabarque». 

67 

IVrMMIMB    ■4Tt01ittI 


530  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

de  la  graisse,  il  ne  seroit  pas  mal  aisé  par  aprez  de  l'oster  ou  diminuer 
en  sorte  que  le  livre  n'en  seroit  pas  hors  d'usaige.  Mais  je  ne  sçay 
comme  j'avois  prins  celte  équivoque  de  croire  que  vous  m'eussiez  es- 
cript,  comme  il  me  le  semble  encores,  que  l'un  de  cez  petits  volumes 
Cophtes  esloit  une  espèce  de  vocabulaire  ou  de  grammaire,  et  me 
sembloit  mesnies  que  vous  m'aviez  mandé  que  cela  meritoit  d'estre  tenu 
secret,  comme  je  n'en  avoys  rien  dict  à  persone,  ne  mesme  au  dict 
sieur  Petit,  et  m'estois  contenté  de  vous  en  faire  souvenir  pour  au  cas 
que  ne  le  trouvassiez  pas  hors  de  propos,  le  faire  communiquer  au 
dict  sieur  Petit'. 


CXIIl 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
j'ay  esté  bien  marry  d'apprendre  que  M'  de  Saulmaise  ayt  eu  si  peu 
de  satisfaction  à  son  arrivée  en  Hollande^,  comme  vous  dictes  par  la 
vostre  du  ao"*,  et  si  peu  de  subject  de  s'y  arrester  comme  j'eusse  désiré 
qu'il  eusse  peu  faire  pour  un  an  ou  deux  seulement,  pour  avoir  le  loisir 
de  voir  un  peu  plus  paisiblement  les  m[anu]s[crit]s  plus  curieux  du  pais , 
avant  que  revenir  en  France,  oii  je  le  verray  bien  plus  volontiers  qu'en 
aultre  part  quelconque.  Je  suis  trop  redevable  à  M''  Rigault  du  soing 
qu'il  luy  plaict  de  prendre  de  me  faire  transcrire  dans  la  Bibliothèque 
cette  vie  d'Homère,  et  ce  qu'il  y  a  dans  les  autheurs  latins  en  la  ma- 
tière de  Mensuris  et  Ponderibus,  sur  laquelle  j'ay  receu  un  cahier  de 
la  part  de  M'  Holstenius,  que  je  prixse  bien  encor  que  ce  ne  soit  que 

'  Vol.  717,  fol,  943.  resque    récit    des   mésaventures    de    son 

'  Saumaise  n'ent-il  donc  jamais  que  du  voyage  de  Dieppe  à  Leyde  et  de  son  ar- 

mécontentement   de   son   retour   en    Hol-  rivée  en  cette  dernière  ville  (fascicule  V 

lande?  Voir,  dans  une  lettre  de  cet  érudit  à  des    Correxpondanis    de    Peiresc,   p.    157- 

Jacques  Dupuy,  du  4  avril  1687,  le  pitto-  i63). 


[1633 1 


AUX  FRKRES  DUPUY. 


531 


ce  (|ue  M'  Rigault  m'a  jà  envoyé  soubs  le  nom  d'Ensebe.  Car  celiiy 
cy  vient  d'un  m[anujs[ci'itj  de  800  ans,  du  feu  cardinal  Sirlet  ',  qui  est 
dans  la  Vaticane,  où  se  trouve  de  (juoy  suppléer  fort  commodément 
des  lacunes  et  confusions  qui  estoient  restées  en  la  coppie  de  M'  Ri- 
gault. Il  m'escript  que  dans  le  volume  de  M'  de  Tlioulouse,  parmy  les 
opuscules  d'Héron  ^  ce  qu'il  a  faict  de  cette  matière  de  Ponderibus  et 
Mensuris  y  est  fort  correctement  (au  inoings  beaucoup  mieux  que  dans 
mon  ni[anu]s[crit]  de  Darmariuvs)  et  que  la  version  latine  y  est  aussy 
du  sieur  d'Auria^.  De  sorte  que  si  celuy  qui  est  saisy  de  ce  volume 
de  M'  de  Thoulouse  n'est  pas  en  estât  de  s'en  dessaisir  si  tost,  je 
vous  supplie  de  luy  faire  trouver  bon  que  vostre  copiste  Grec  m'en 
transcrive  les  chappilresde  Ponderibus  et  Mensuris,  avec  la  dicte  version 
latine,  afin  qu'à  ce  moys  de  juillet  Dieu  aydant  que  nous  serons  sou- 
lagez du  Palais,  je  puisse  tout  d'un  train  examiner  cette  matière  comme 
il  s'appartient  et  respondre  à  M"'  de  Saulmaise  plus  cathegoriquement. 
M'  Holstenius  m'a  envoyé  son  Pbilon  Byzantins'  des  vn  miracles  du 
monde,  lire  du  Vatican,  avec  la  version  latine  qu'il  en  a  faicte  ^,  où  j'ay 
trouvé  de  quoy  faire  de  bien  beaux  suppléments  à  toutes  les  descrip- 
tions que  j'avoys  peu  voir  des  Pyramides  d'iEgypte,  qui  estoient  bien 


'  Guillaume  Sirlet,  né  à  Stilli,  mourut  à 
Rome  en  1 585 ,  âge  de  soixante  et  onze  ans. 
Il  fut  nommé  cardimil  par  Pie  IV  en  i565. 
Sur  ce  bibliothécaire  du  Vatican,  voir  les  sa- 
vantes et  récentes  publications  de  M.  E.  Mïint?. 
ot  de  M.  P.  de  Noihac. 

'  Voir  l'important  travail  de  Tli.-H.  Martin 
Sur  les  mathématiciens  grecs  nommés  Héron , 
dans  les  Mémoires  des  savants  étrangers,  pu- 
bliés par  l'Académie  des  inscriptions. 

'  Joseph  d'Auria  est  un  mathématicien 
napolitain  de  la  seconde  moitié  du  xvi*  siècle. 
Voij'  la  liste  île  ses  travaux,  parmi  lesquels 
on  compte  surtout  des  traductions  en  langue 
italienne,  da.ns  l'article  Auria  de  la  Nouvelle 
biographie  générale. 


'  Philon  de  By  zance ,  ingénieur  du  u'  siècle 
avant  J.-C,  auteur  d'une  Poliorcélique  et 
(  peut^tre)  de  l'ouvrage  De  seplem  orbis  spte- 
taculis  dont  il  est  ({uestion  dans  cette  lettre. 

'  M.  H.  OuionL,  dans  un  curieux  article  sur 
Les  sept  merveilles  du  monde  au  moyen  âge 
(  Bibliothèque  de  l'kcole  des  Chartes ,  1 88s  , 
p.  ^9),  rappelle  que  irl'honneur  d'avoir  élë 
le  premier  et  le  meilleur  éditeur  de  Philon 
de  Byzance  revient  au  célèbi-e  bibliothécaire 
du  Vatican,  Lukas  Holste,  bien  qu'aucune 
desétlitions  de  Philon  ne  porte  son  nom.  i>  Le 
savant  critique  rappelle  encore,  d'après  le 
Recueildc  Boissouode  (  lettre  XXXIX ,  p.  78  ), 
que  L.  Holstenius  envoya,  en  i63a,  à  Pei- 
resc  le  texte  attribué  h  Philon  de  Byzance. 
67, 


532  >  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

aultrement  enrichies  lors  de  cet  escrivain  qu'elles  ne  sont  à  présent.  C'est 
M'  Bodier  '  que  vous  cognoissez  qui  m'a  apporté  de  la  part  du  dict  sieur 
Holstenius  deux  despesches  de  bien  différante  datte ,  des  6  octobre  et  7  de 
ce  nioys  de  may,  avec  tout  plein  de  petits  desseins  de  vieux  trépieds  et 
aultres  curiositez  de  mon  goust  dont  je  luy  suis  bien  redevable,  mais 
beaucoup  plus  de  la  confiance  avec  quoy  il  me  descharge  son  coeur,  en 
sorte  qu'il  y  a  grand  subject  d'interpréter  un  peu  plus  benignement 
tout  ce  qu'on  nous  avoit  dict  de  luy^  dont  j'ay  apprins  le  dettail  de  la 
bouche  du  dict  sieur  Bodier  qui  vous  en  entretiendra  tout  à  loisir,  et 
vous  fera,. je  m'asseure,  advoiier  que  s'il  se  laissa  transporter  à  quel- 
ques paroles  dont  il  eust  mieux  faict  de  s'abstenir,  ce  fut  pour  avoir 
esté  un  peu  trop  pressé  et  violante  par  le  sieur  de  la  Grilliere  et  en 
temps  que  le  pauvre  homme  estoit  bien  ulcéré  de  voir  ses  affaires  d'Al- 
lemagne du  tout  désespérées.  Cez  esprits  ont  besoing  d'estre  un  peu 
choyez  [comme]'  vous  l'avez  trez  bien  préjugé,  la  nation  portant  na- 
turellement un  peu  d'humeur  difficile  à  ployer,  et  à  dissimuler  ses  sen- 
timents. Je  vous  envoyé  non  seulement  la  lettre  qu'il  m'avoit  escripte  à 
son  retour  de  Pologne  (oij  je  suis  un  peu  honleux  que  vous  voyiez  qu'il 
me  tienne  pour  celuy  que  je  ne  suis  nullement,  et  que  je  ne  sçaurois 
estre  de  ma  vie,  pour  m'avoir  mesuré  à  une  aulne  dont  je  n'estoys  [tas 
digne),  mais  anssy  des  extraicls  de  cez  deux  belles  epistres  qu'il  m'a  en- 
voyées par  M'  Bodier,  ayant  retenu  les  originaulx  pour  luy  pouvoir  faire 
la  responce,  et  faict  laisser  pour  bons  respects  quelques  mots  en  blanc, 
que  vous  pourrez,  un  jour,  faire  remplir  en  l'exlraict,  et  suppléer  tout 
ce  qui  en  a  esté  retranché,  car  je  vous  envoyeray  les  dicts  originaulx. 
Maiz  il  importe  bien  que  cela  ne  soit  pas  veu  hors  de  voz  mains,  et 
qu'il  n'aille  pas  que  par  des  commoditez  d'amys  bien  confidants.  Si  un  coup 


'  On  a  deux  leUres  de  Peiresc  à  M.  Bo-  frère   Pierre,    le    lii   janvier   i63.3,   que 

dier,  une  du  i3  juin  i633,  l'autre  du  3  sep-  L  Holstenius,  qui  venait  d'obtenir  un  ca- 

lembre  i635  (Minutes  de  i'inguimbertine,  nonicat  à  Cambrai,  avait  tenu  des  propos 

registre  VI,  fol.  ôaS  et  699).  blessants  pour  la  nation  française. 

■  iNous  avons  vu  que  le  chartreux  Chris-  ^  De'chiriu-e  du  papie:-. 
tophe  Dupuy  avait  écrit  de  Rome,  à  son 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  533 

il  pou  voit  cstre  venu  à  bout  de  sa  petite  prelenlion,  je  pense  que  le  publir 
y  trouveroit  bien  de  l'advantajje,  et  qu'il  n'y  auroit  pas  tant  à  regretter 
comme  il  sembloit,  à  tout  ce  qui  s'estoit  passé.  Vous  verrez  comme  il 
s'estoit  esmeu  d'une  prière  que  je  m'estois  ingéré  de  luy  faire  comme  son 
serviteur,  pour  le  porter  seulement  à  souffrir  qu'un  honnest'  homme  de 
la  cour  du  cardinal  son  maistre  passast  pour  son  amy,  de  crainte  que 
j'avoys  des  charitez  qu'on  se  preste  en  ce  pais  là,  et  des  calomnies  où  on 
en  vient  aulcunes  foys.  Mais  il  n'y  a  pas  eu  de  moyen  de  le  vaincre  ne 
de  le  fleschir,  dont  il  s'excuse  de  si  bons  termes,  que  cela  mérite  bien 
d'estre  veu,  pour  y  recognoistre  les  Iraicts  de  son  humeur  et  de  sa 
l'ranchise;  tant  est  que  vous  y  verrez  ce  que  nous  cherchions,  qu'il 
ne  se  destasche  nullement  de  la  France,  et  ne  veult  pas  desadvoiier  le 
bon  gré  que  ses  amys  pourroient  prétendre  de  leur  bonne  volonté  en 
son  endroict.  Tellement  qu'il  ne  sera  pas  de  besoing  de  luy  faire  co- 
gnoistre  la  peine  où  nous  en  estions,  et  que  vous  avez  beaucoup  mieux 
rccogncu  que  je  l'eusse  peu  faire  comment  il  le  falloit  traicter,  y  ayant 
de  l'apparence  que  si  je  luy  en  eusse  escript,  comme  je  l'eusse  possible 
faict  sans  voz  deffances,  il  se  seroit  peult  estre  esmeu  plus  avant  que 
nous  ne  desirions.  M"'  Bodier  partit  d'icy  le  lendemain  de  la  Feste  Dien 
pour  aller  à  Monipelier  où  il  ne  faict  estât  de  sesjourner  que  huict 
jours,  et  puis  reprendre  la  routte  de  Paris.  Nous  ne  l'avons  peu  gou- 
verner qu'à  la  desrobée  durant  une  aprez  disnée;  vous  prendrez  grand 
plaisir,  je  m'asseure,  et  toute  l'Academye,  à  ses  belles  relations.  Il  s'en 
va  tout  chargé  de  bons  libvres,  à  ce  que  j'ay  peu  comprendre,  et  bien 
curieux  papiers  et  mémoires  dignes  de  son  humeur.  Je  viens  de  rece- 
voir le  petit  itinéraire  de  Benjamin,  dont  je  vous  remercie  trez  hum- 
blement ensemble  des  mémoires  de  M''  de  Villeroy  '  et  aultres  pièces  y 
joinctcs,  comme  aussy  de  l'advis  du  Dictionnaire  Arabique  Ambrosien 
(jue  j'ay  envoyé  quérir  du  costé  de  Gènes  où  nous  en  debvions  avoir 
un  peu  meilleur  marché.  Il  nous  viendra  bien  à  propos  pour  l'usaige 
du  R.  P.  Athanase  Kircher,  qui  se  va  remettre  à  la  version  de  son  Raby 

'  C'est-à-dire  de  l'ouvrage  de  Pierre  Mallhieu ,  déjh  plusieurs  fois  mentionné. 


534  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

Baracliias  Nephi  Babylonien,  sur  les  Hiéroglyphiques  des  obélisques 
d'iEgypte.  M''  Bodier  l'a  veu  céans,  et  vous  pourra  bien  descrire  sa 
persone  et  quelque  chose  de  son  humeur  et  de  son  inclination  et  fran- 
chise un  peu  plus  grande  que  l'ordinaire  de  ses  collègues.  Il  s'en  est 
retourné  en  Avignon ,  en  attendant  s'il  y  aura  moyen  de  le  faire  revenir 
icy  pour  plus  longtemps,  comme  l'on  est  aprez.  Nous  avons  aprins  par 
ledict  sieur  Bodier  la  mesme  nouvelle  que  vous  nous  mandiez  de  la 
prison  du  pauvre  Galilée,  que  nous  déplorons  infiniment',  estimants 
que  si  aulcun  la  pouvoit  avoir  méritée  pour  l'édition  de  ses  dialogues, 
ce  debvoient  estre  ceux  qui  les  avoient  chastrez  à  leur  poste,  puis  qu'il 
avoit  remis  le  tout  à  leur  discrétion  et  disposition  première.  Vous  en 
verrez  un  jour  un  peu  de  relation.  Et  je  finiray  remettant  les  nouvelles 
à  M'  de  Lomenie,  et  denjeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
PE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  3o  may  i633. 

Nous  avons  icy  M'  du  Lieu  qui  se  plaignoit  de  certains  maulx  fori 
semblables  à  aulcuns  des  miens  dont  je  luy  ay  bien  donné  de  la  tabla- 
teure  ^  et  pense  que  s'il  me  croit  il  s'en  trouvera  trez  bien.  La  Gazette 
n'a  pas  manqué  à  ce  coup.  11  y  a  un  qui  parle  de  la  faire  publier  icy  à 
l'arrivée  de  l'ordinaire. 


'  Galilée,  appelé  à  Rome  par  la  Con- 
grégation du  Saint-Office,  était  arrivé  dans 
cette  ville,  le  lo  février  i633.  Il  fiit  détenu 
d'abord  dans  le  palais  delà  Trinité-du-Mont, 
chez  l'ambassadeur  du  duc  de  Toscane.  Il  fut 
ensuite  détenu  dans  les  appartements  du 
fiscal  de  l'inquisition  :  c'est  îi  cette  détention , 
qui  dura  une  vingtaine  de  jours ,  que  s'ap- 
plique la  phrase  de  Peiresc  si  pleine  de  tris- 
tesse et  de  sympathie.  Galilée ,  dès  le  i "  mai , 
fut  ramené  au  palais  de  l'ambassadeur  Nic- 
coliui ,  ovi  il  jouissait  d'une  liberté  relative 


et  où  il  était  traité  avec  les  plus  grands 
égards. 

'  Tablature  est  employé  ici  dans  le  sens 
de  notice,  connaissance ,  sens  ainsi  indiqué 
dans  le  Dictionnaire  de  Trévoux  :  rrNaudé  a 
dit ,  dans  son  Mascurat,  donner  une  tablature , 
pour  donner  une  notion,  une  comiaissancc 
de  quelque  chose  :  Tu  parles  si  pertinem- 
ment du  métier  qu'il  me  faut  dorénavant 
exercer,  (jue  je  ne  pense  pas  de  trouver  ja- 
mais personne  qui  m'en  puisse  donner  meil- 
leure tablature  que  toi.  Mascurat.  i 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  535 

Le  i\  Atlianase  Kirclier  m'a  dict  qu'il  a  faicl  imprimer  un  petit 
traicté  de  Majjnete  en  Allemagne',  que  je  verroys  bien  volontiers  pour 
l'amour  de  iuy  s'il  se  trouvoil  de  par  delà,  et  quand  mesmes  il  ne  se 
trouveroit  pas  à  vendre  je  l'emprunterois  de  bon  coeur  de  quelqu'un 
pour  en  avoir  la  veue  et  le  renvoyer  incoutinant. 

De  ce  traicté  d'Horlensius  de  Hollande  sur  l'observation  de  Mercure 
de  M""  Gassendi,  quand  il  s'en  pourra  avoir  deux  ou  froys  exemplaires, 
jo  vous  supplie  de  ne  les  pas  laisser  eschapper,  afin  que  nous  en  puis- 
sions faire  passer  quelqu'un  de  là  les  monts  ^. 


CXIV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
A  ce  coup  je  vous  annonce  l'arrivée  du  vaisseau  S'  Esprit  au  port  de 
Marseille  puis  vendredy  avec  mes  deux  caisses  qu'on  dict  estre  fort 
{{randes  contenants  une  cinquantaine  de  volumes  Grecs,  m[anu]s[crit]8 
en  velin  ou  parciiemiu,  touts  venus  du  mesme  trou  d'où  esloit  sorty 
le  volume  des  Eclogues  de  Constantin  Porphyrogenete  qui  m'avoit  esté 
envoyé  pour  monstre  ou  pour  escliantillon,  depuis  lequel  temps  celuy 
qui  m'avoit  envoyé  les  Eclogues  estoit  decedé ,  et  les  livres  avoient  esté 
partagez  en  quattre  parts  dont  je  n'en  ay  peu  avoir  que  les  deux  sur 
l'une  desquelles  estoit  imputé  celuy  des  dictes  Eclogues.  Mais  si  je 
trouve  dans  ce  nombre  quelque  pièce  qui  m'invite  à  plus  grande  re- 
cherche, il  fauidra  faire  effort  pour  avoir  les  auitres  portions.  Cez 
caisses  ont  esté  mises  si  avant  en  l'office  du  navire  qu'on  a  prins  trois 
jours  de  terme  pour  descharger  ce  qui  est  par  dessus,  lesquels  jours 
me  sont  plus  longs  que  des  années,  tant  j'ay  d'impatiance  de  voir  s'il 


'  Magiics  sive  de  arte  magnetica  libri  Ire^  aulhore  P.  Athanasio  Kirchero,  elc.  —  '  Vol.  7 1 7, 
fol.  946. 


536  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

y  aura  rien  qui  vaille.  On  m'escript  qu'ils  sont  la  pluspart  imperfects 
au  comniancement  et  à  la  fin,  qui  n'est  pas  une  petite  mortification, 
mais  de  cette  marchandise  (comme  de  la  bonne  confiture)  les  frag- 
ments ne  laissent  pas  de  fournir  bien  souvent  de  lalliment  bien  agréable. 
Et  ce  n'est  pas  une  petite  mortification  encores  de  ne  vous  en  pouvoir 
envoyer  le  rooile  par  cet  ordinaire,  mais  j'espère  les  avoir  à  temps  pour 
le  dresser  et  envoyer  par  le  prochain  Dieu  aydant.  Ils  ont  couru  je  ne 
sçay  combien  de  fortunes  depuis  avoir  esté  acheptez  pour  moy,  tant 
des  corsaires,  que  du  feu  qui  se  print  aux  pouldres,  et  brusla  toute  la 
chambre  8'*=  Barbe  et  toutes  les  marchandises  qui  estoient  en  un  lieu 
d'où  mes  caisses  n'avoient  esté  ostées  que  peu  d'heures  auparavant  et 
par  un  hazard  nompareil,  touts  lesquels  adminicules'  me  font  espérer 
qu'en  ce  nombre  de  livres  y  en  debvroit  avoir  quelqu'un,  dont  la  for- 
tune ou  la  fatalité  portast  d'estre  conservé  par  mérite  particulier 
aprez  tant  d'années.  Celuy  qui  m'a  fait  la  faveur  de  les  aller  chercher 
fut  prins  par  les  corsaires  chrestiens  de  Malte,  voilé,  despouillé  et 
laissé  tout  nud  en  chemise  en  plein  hiver  exposé  dans  un  boys,  sans 
vivres  et  sans  eau  durant  plus  de  troys  jours,  jusques  à  ce  que  des  Turcs 
par  compassion  luy  donnèrent  du  pain  pour  l'honneur  de  Dieu ,  et  le 
moyen  de  faire  chemin  jusques  en  lieu  de  cognoisçance,  où  il  eust  enfin 
cez  livres,  tellement  qu'ils  ont  bien  cousté  de  la  peine  et  de  l'incommo- 
dité à  ce  mien  charitable  aniy  que  je  regrette  bien  plus  que  l'argent 
tant  du  prix  de  l'achept  que  des  fraiz  deson  voyage.  Mais  s'il  y  a  quel- 
que bonne  pièce,  nous  ne  laisrons  pas  de  nous  consoler.  On  me  faict 
esj)erer  une  cassette  de  livres  ez  langues  Orientales,  qui  viendront 
possible  encor  à  temps  à  la  Bible  de  M"  Le  Jay. 

J'ay  eu  vostre  lettre  du  27"°^  du  passé,  où  j'ay  apprins  la  faveur  qu'il 
vous  a  pieu  me  faire  en  me  procurant  la  participation  de  ce  traicté  de 
Fra  Paolo  dont  je  vous  suis  bien  redevable.  Vous  m'avez  envoyé  long 
temps  y  a  les  vies  de  ces  Papes  d'Avignon  in  8°  du  sieur  Bosquet^  et  un 

'  Nous  avons  déjà  trouva  ce  mot  dans  le        annum    mcccxciv    ex  mss.    codicibm    nunc 

tome  I,  p.  469.  pnmum  édita  et  tiotis  illustrata  a  D.  F.  Bos- 

'  Historta    ab    anno    Chrisli  ucccv    nd        quel,   Narbonensi,   etc.  (Paris.    Séb.   Cra- 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  537 

second  exemplaire  du  mesme  que  j'ay  faict  passer  de  là  les  monts.  Mais 
ce  mesme  aultlieur  a  faict  imprimer  uii  aultre  ouvraiye  de  bien  aultre 
importance  en  la  mesme  forme  in  8"  de  l'Histoire  de  l'Eglise  Gallicane 
qu'il  a  Iraiclée  de  deux  différantes  manières,  car  il  faict  un  dénom- 
brement selon  l'ordre  des  temps  comme  une  espèce  d'index  chronolo- 
{{ique  de  toutes  les  traditions  ecclésiastiques.  Et  séparément  le  pre- 
mier libvre  de  l'bistoire  telle  qu'on  la  peult  vérifier  par  bons  aultlieurs 
ou  tiltres  valables  à  commaocer  de  la  mission  des  disciples  de  S'  Poly- 
carpe.  C'est  chez  Gamusat ,  de  celte  année ,  avec  privilège  du  1 4  décembre 
dernier'.  Il  s'en  est  veu  icy  un  exemplaire  avec  diverses  epistres  limi- 
naires et  Préfaces.  Et  s'il  estoit  loisible  d'en  avoir  deux  ou  troys  exem- 
plaires, je  les  payeroys  fort  volontiers,  vous  advouant  que  j'av  prins 
plaisir  de  le  voir,  et  croys  que  de  mes  amys  n'y  en  prendroienl  pas 
moings  que  moy.  Encores  que  le  livre  soit  imprimé,  possible  n'a  ce 
pas  esté  pour  le  publier,  ains  pour  le  distribuer  seulement  à  quelques 
amys,  comme  celuy  que  nous  avons  veu  est  venu  de  la  main  de  l'àu- 
theur,  et  pour  une  courtoisie  particulière  dont  il  a  voulu  user  envers 
celuy  qui  l'a  receu.  G'est  pourquoy,  si  le  livre  n'avoit  esté  publié,  je 
vous  prie  de  n'en  faire  pas  d'aidtre  bruict,  et  m'excuser  de  la  peine.  La 
première  epislre  est  adressée  à  M'^le  Président  du  Mesmes^  et  sans  nom 
d'autheur;  la  seconde,  où  il  se  nomme  tout  au  long,  est  adressée  aux 
evesques,  prebstres  et  diacres,  et  à  tout  le  clergé  de  France. 

Monsieur  Galiand  m'oblige  fort  de  se  souvenir  et  du  rov  Hugues 
Capet  et  de  moy.  Mais  s'il  laisse  partir  de  Paris  M' le  Prieur  de  Hou- 
moules,  nous  n'aurons  pas  facilement  la  mesme  commodité  de  faire 
mouUer  ce  beau  cachet.  G'est  pourquoy  mon  obligation  luy  en  seroit 
bien  plus  grande  de  beaucoup.  Sur  quoy,  n'ayant  aultre  chose  à  vous 

moisy,  i63a).  L'ouvrage  est  tlt'dié  à  l'nbr»?-  '  C'était  le  président  Henri  de  Mesiues. 

viateurel  continuateur  des /limn/w  de  Baro-  qui  avait  mis  Bos<|uet  en  relation  avec  Pei- 

nius,  Henri  de  Sponde,  évêque  de  Pauiiers.  resc,  comme  le   rappelle  M.  l'abW  Henri 

'  C'est  l'ouvrage  diîjh  mentionné  :  Eccle-  dans  son  livre  déjà  cité  sur  le  savant  évKjue 

sue  Gallicanœ  Historiarum  lilicr  I  (Paris,  de  Lodève  et  de  Montpellier  (p.  aS-ag). 
i633,  in-8°). 

II.  68 


538  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633] 

respondre  pour  le  présent  et  me  trouvant  pressé  d'ailleurs,  je  finiray 

demeurant, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  6  juin  i633. 

J'oublioys  de  vous  dire  que  l'arrivée  de  M' l'Evesque  de  Digne  chez 
luy,  de  retour  de  son  voyage  d'Italie',  a  obligé  M'  Gassendi  de  l'aller 
voir,  y  estant  invité  par  le  bon  prélat  si  vifvement,  que  je  ne  le  sceus 
retenir  qu'un  jour.  Il  partit  sammedy  matin,  avec  promesse  solennelle 
de  revenir  bien  tost  avec  M''  son  Evesque,  bien  mortifié  de  ne  se  pou- 
voir trouver  icy  à  l'ouverture  des  caisses  de  mes  libvres  Grecs  m[anu]- 
s[crit]s  dont  j'avoys  receu  l'advis  le  soir  avant  son  départ. 

En  son  absance  l'on  m'a  addressé  une  lettre  du  R.  P.  Athanaze 
Kirchser  pour  la  faire  servir  à  M""  iVIidorge-,  à  laquelle  j'ay  joinct  un  mot 
de  ma  main,  que  je  vous  supplie  de  luy  envoyer  par  quelque  amy  ou 
par  quelqu'un  des  vostres.  Et  d'aultant  que  l'on  m'a  faict  voir  de  ses 
ouvraiges  que  je  n'avoys  pas,  je  vous  supplie  de  me  faire  achepter  un 
exemplaire  de  tout  ce  qui  se  trouvera  de  luy  '. 


CXV 

À  MONSIEUR,   MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
J'eus  bien  de  la  mortification  à  l'arrivée  de  mes  caisses,  en  ayant 
trouvé  fune  mouillée  et  plusieurs  livres  quasi  pourris  dans  l'estive* 

'  RaphaëldeBoulogneoudeBollogne,cléjà  *  Chargement  d'un  navire.  Le  mot  estiW, 

mentionné  plusieurs  fois,  notamment  p.  170.  qui  n'est  point  dans  le  Dictionnaire  de  l'Aca- 

Sur  le  mathe'maticien  Claude  Mydorge,  demie  française ,  provient,  selon  Littré,  de 

voir  1. 1,  p.  /178-479.  l'espagnol  estiva,  lest.  Voii-  le  mot  eslive  dans 

Vol.  717,  fol.  948.  le  Dictionnaire  de  Trévoux. 


[1633J  AUX  FRERES  DUPUY.  539 

du  navire.  Et,  qui  pix  est,  ayant  trouvé  qu'il  y  avoit  fort  peu  de  vo- 
lumes entiers,  et  que  le  plus  {;rand  nombre  estoit  de  ces  raenoioges 
et  auitres  livres  rituels  pour  l'usage  des  églises  grecques,  ce  qui 
m'a  faict  juger  qu'il  y  a  bien  eu  des  pièces  changées  depuis  la  pre- 
mière foys  qu'on  en  estoit  entré  en  marché  pour  moy,  mais  il  se  faut 
consoler  en  de  plus  grands  malheurs  que  cela.  L'imperfection  des  com- 
mancemenls  et  des  feuilles  finales  n'est  pas  un  petit  retardement  à  la 
descouverte  des  œuvres  y  contenues,  qu'il  fault  examiner  avec  plus  de 
temps  et  de  patiance  que  nous  n'en  pouvons  prendre  en  la  conjoncture 
où  nous  sommes  du  dégel  du  Parlement.  Il  y  a  deux  assez  gros  vo- 
lumes de  S'  Ghrysostome  dont  l'un  est  in  Matheum,  mais  je  n'ay  pas 
encores  peu  vérifier  si  le  texte  grec  y  seroit  d'aulcune  des  pièces  dont 
on  n'a  que  la  version  latine.  Il  y  en  a  un  de  S'  Grégoire  de  Nazianze. 
Je  pensoys  y  avoir  trouvé  quelque  chose  quand  j'y  rencontray  l'Aste- 
rius  in  Phocam ,  qui  n'esloit  pas  au  recueil  de  Philippus  Rubenius  ',  mais 
je  m'advisay  incontinant  qu'il  y  en  nvoit  un  dans  la  Bibliothèque  du 
Roy.  Ce  codex  canonum  Ecclesiœ  Afl'ricanae  de  M'JusteP  y  est  et  de  plus 
ce  codex  canonum  Ecclesiœ  Orientalis  dont  faict  mention  le  dict  sieur 
Justel.  Il  y  a  une  Iliade  d'Honiere  (mais  ce  n'est  qu'en  gros  papier  de 
Damas)  avec  des  gloses  interlinéaires  en  rubrique,  et  des  scholies  mar- 
ginales différantes  de  celles  du  Didymus'  et  de  l'Eustathius*,  où  l'on 
allègue  souvent  le  Porphyre  *  en  teste  des  articles.  Je  conjecturoys  que 


'  Le  recueil  de  Philippe  Rubens  (frère 
atné  du  grand  peintre,  né  à  Cologne  en 
1674,  morl  h  Anvers  on  1611)  est  intitulé: 
Electoriim  libri  duo ,  in  quibux  anliqui  rilus, 
ememlationes ,  censurée,  Anvers,  1608,  petit 
in-fol. 

'  Christophe  Justel,  né  h  Paris  le  5  mars 
1 58o ,  y  mourut  en  juin  1649.  Voir  sur  cet 
érudil  l'article  de  la  France  protestante.  Sou 
Codex  canonum  Ecclesiœ  africanœ  est  de 
i6i5,in-8'. 

'  Didyme,  grammairien  d'Alexandrie, 
contemporain  d'Auguste  et  successeur  d'Ari»- 


tarque  dans  la  direction  de  l'école  d'Alexan-  ' 
drie.  On  lui  attribue  des  Scolies  sur  Ho- 
mère qui  ont  été  publiées  plusieurs  fuis, 
notamment  par  Schrevelius,  en  son  édilion 
d'Homère  (i656,  a  vol.  in-4*)  el  par  Fr.  , 
Ritteren  un  volumespécial (Cologne,  i8âS). 

'  Ëustathe  de  Coustantiuople ,  archevêque 
de  Thessalonique,  mort  à  la  fin  du  xii'  siècle . 
dont  les  Commentaire»  sur  l'Iliade  et  l'Odyssée 
furent  d'abord  imprimés  à  Rome  (iS&a- 
i55o,  6  vol.  in-fol.),  puis  à  Bâle  (i5&9- 
1 56o ,  7  vol.  in-fol.  ). 

'  On  sait  que  Porphyre,  philosophe  d« 
68. 


54a 


LETTRES  DE  PEIRESG 


[1633] 


ce  fusse  le  Proclus  ,  car  encores  que  le  commancement  du  texte  y  soit, 
les  préfaces  sont  imperfecles.  Je  ne  sçay  si  ce  ne  seroit  point  quelqu'un 
de  cez  troys  que  sont  cottez  en  la  bibliothèque  du  Roy.  Bien  est-il  vray 
que  Gesnerus  en  met  un  en  la  bibliothèque  de  l'Empereur,  in  fol.  avec 
les  scholies  interlineaires  et  marginales  que  je  liens  estre  comme  le 
mien;  ce  volume  est  assez  bien  conservé  hors  du  derniei-  feuillet  et  des 
préfaces  qui  sont  un  peu  rongées.  Il  y  a  un  Orphée  fort  bien  conservé' 
et  accompagné  de  tout  plein  d'aultres  petits  poèmes  curieux;  je  pen- 
soys  y  avoir  trouvé  quattre  pièces  de  Proclus  Lycius^  derrière  l'Orphée, 
qui  ne  fussent  pas  du  commun ,  puis  qu'ils  ne  sont  pas  dans  les  volumes 
des  poètes  Grecs  assemblez,  mais  j'ay  veu  dans  le  mesme  Gesner  qu'il 
les  a  trouvés  imprimez  sans  dire  dans  quel  lieu  ne  en  quel  temps.  11  y  a 
une  vie  par^  Georgius  etc.  de  S'  Cbrysostome*,  mais  vous  l'avez  en  la 
bibliothèque  du  Roy.  Enfin  je  me  double  fort  qu'il  n'y  ayt  rien  de  bien 
exquis  pour  cette  foys  en  ce  qui  s'est  peu  saulver  de  la  pourriture,  il  y  a 
un  petit  opuscule  de  Clément  Alexandrin  allégué  par  Eusebe  et  par 
Photius,  de  ce  Riche  qui  se  peult  saulver^,  mais  je  me  double  que  ce  ne 
soit  pas  la  pièce  entière,  ains  des  simples  extraicls,  car  la  teneur  en  est 


l'école  d'Alexandrie,  disciple  et  biographe 
de  Plolin ,  appartient  ou  m°  siècle  après  J.-C. , 
et  que  Proclus ,  philosophe  de  la  même  e'cole , 
le  plus  célèbre  des  commentateurs  de  Platon , 
appartient  au  v*  siècle. 
*  '  Nul  n'ignore  que  l'on  possède  sous  le 
nom  d'Orphée  des  poèmes  et  traités  qui  pa- 
raissent avoir  été  fabriqués  en  partie  au 
temps  de  Pisisti'ate ,  en  partie  dans  les  pre- 
.  miers  siècles  de  l'ère  chrétienne. 

■  Le  philosophe  Proclus  a  été  ainsi  sur- 
nommé parce  que,  natif  de  Gonstantinople, 
il  était  par  sa  famille  Lycien  d'origine. 

'  Peiresc  a  mis  de  pour^nr. 

'  On  a  de  Georges  d'Alexandrie,  qui  vi- 
vait dans  le  premier  tiers  du  vu'  siècle,  une 
Vie  de  saint  Chrysostome ,  souvent  réimprimée 
(parfois  avec  la  traduction  latine  de  Gode- 


froy  Tillmaim),  dans  les  éditions  des  œuvres 
de  ce  saint.  Plusieurs  ont  cni  que  ce  bio- 
graphe pouvait  être  identifié  avec  Georges, 
patriarche  d'Alexandrie  de  6i6  à  63o. 

'  Le  traité  :  Quis  dives  salvetur?  se  trouve 
dans  la  plupart  des  éditions  des  œuvres  de 
Clément  d'Alexandrie,  personnage  canonisé 
trop  facilement  par  plusieurs  recueils  biogra- 
phiques. L'opuscule  a  été  souvent  publié  à 
part,  tantôt  en  grec  et  en  latin  (Utrecht, 
i8i6),  tantôt  en  latin  seulement  (Kœnigs- 
berg,  i83i).  Voir  le  traité  en  français  dans 
la  Défense  du  Christianisme  par  les  Pères  des 
premiers  siècles  de  l'Eglise ,  contre  les  philo- 
sophes,  les  païens  et  les  Juifs,  par  Genoude, 
a'  série  (Paris,  i846,  in-i8,  p.  aig- 
a89). 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  541 

petite.  Le  livre  est  d'assez  bonne  marque,  je  le  vous  feray  transcrire  si 
le  desirez,  ou  vous  eiivoyeray  l'oriijinal.  Je  n'ay  pas  encores  peu  faire 
de  plus  exacte  perquisition.  Et  ne  seray  plus  si  félon  A  l'advenir  pour 
me  vanter  de  rien  que  je  ne  tienne.  La  fortune  de  mon  perquisiteur' 
luy  a  plus  mal  dict  cette  fois  que  de  coustume.  Il  y  a  deux  grands  vo- 
lumes en  Majuscule,  d'une  bien  vénérable  antiquité,  mais  ce  ne  sont 
qu'usages  d'églises;  il  est  vray  qu'il  y  pourroit  avoir  quelques  bons  frag- 
ments soit  du  nouveau  testament  ou  d'aullres  livres  sacrez  qu'il  fauldra 
étudier  plus  h  loisir.  Il  y  a  de  ccz  rituels  d'assez  bonne  marque,  avec  les 
notes  de  musique  à  la  Grecque  dont  le  bon  P.  Mercene  est  si  en  peine, 
mais  il  fauldroit  quelque  prcbstre  Grec,  pour  les  chantera  leur  mode. 
II  y  a  diverses  pièces  du  Metaphraste  ^,  tout  cela  ne  peult  estre  que  bien 
commun.  Il  y  a  entre  aullres  une  Anthologie  en  Majuscule,  mais  ce  n'est 
qu'une  édition  d'Aide'  ^ue  je  n'avoys  jamais  veiie  et  que  je  trouve  bien 
belle.  Si  j'y  descouvre  rien  de  bon,  vous  pouvez  penser  que  je  ne  le 
vous  cacheray  pas,  n'ayant  riea  qui  ne  vous  soit  entièrement  desvoûé. 
L'on  me  donne  quelque  meilleure  espérance  d'ailleurs ,  mais  je  n'ose  plus 
faire  capital  de  rien  qui  soit  si  casuel  et  incertain.  Je  suis  bien  aise  de 
l'édition  qui  se  faict  à  Paris  de  cette  epistre  de  S'  Clément  ad  Corin- 
ihios,  nous  l'attendrons  avec  impatience.  II  fauldroit  avoir  moyenne  la 
mesme  observance  de  rubrique  d'Angleterre.  Je  suis  bien  encores  plus 
aise  que  M""  Petit  aye  emporté  la  liturgie  Cophte,  mais  je  suis  eslonné 
de  voir  que  vous  ne  me  parliez  plus  que  d'un  seul  volume  en  celte 
langue,  car  je  resve  bien  s'il  n'est  vray  qu'il  m'en  est  passé  deux  par 
les  mains  de  ceux  du  coffre  de  M""  de  Thou  que  je  vous  envoyay  par  la 
poste  à  l'advance,  n'estimant  pas  qu'il  m'en  soit  demeuré  aulcun  des 
siens  entre  les  mains.  Vous  aurez  oublié  de  l'avoir  preste  à  quelqu'un. 


'  Ce  mot  perquisiteur  n'a  dU!  re- 
cueilli ni  flanâ  le  Dictionnaire  de.  Ri- 
chelel,  ni  dans  celui  de  Trévoux.  On  le 
trouve,  au  xvi"  siècle,  dans  Cotgrave  et, 
au  xvii*,  dons  V Anti-Menagiana  de  Ber- 
nier  (iCg.S). 


chroniqueur  byzantin,  vivait  dans  le  x'  sièdc 
api-ès  J.-C. 

'  La  première  édition  donnde  par  \U)e 
est  de  1 5o3  :  Florilegium  diversorum  epi- 
grammatum  inseptem  libros,  gntce  (Venise, 
m  œdibus  Aldi,  in-8°).  Voir  Manuel  du  li- 


Simon    Métaplirasle,    lingiographe   cl  -     braire,  t.  I,  col.  ^o-j. 


542  ■  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

J'en  ay  trois  volumes,  mais  ils  sont  plus  gros  que  ceux  de  M'  de  Thou. 
Je  n'ay  pas  encore  des  nouvelles  du  dict  sieur  Petit  sur  son  retour  chez 
luy,  et  m'imagine  qu'il  attendra  la  S*  Jean.  Je  luy  feray  tenir  cepen- 
dant la  lettre  que  vous  m'avez  adressée  de  M""  Grottius. 

Je  vous  remercie  trez  humblement  du  bon  accueil  de  M''  Gailhard. 
Puisque  M'  le  Prieur  de  Roumoulles  s'est  résolu  à  son  voyage  de 
Guienne,  je  prieray  le  dict  sieur  Gailhard  de  se  charger  de  mes  petites 
commissions  tant  que  je  le  pourray  pour  vostre  soulagement  et  des- 
charge, ne  vous  estant  que  trop  souvent  importun,  et  pour  le  rompre 
aux  affaires  de  curiosité,  s'il  s'y  peult  jetter.  Je  plains  grandement  le 
pauvre  M'  Diodati  dans  le  malheur  de  son  parent  et  son  hoste,  et 
pourveu  qu'il  n'y  demeure  intéressé,  il  se  fauldra  consoler.  Vous 
avez  trez  bien  faict  d'employer  Moulinot  aux  choses  jalouses  dont  je 
vous  sçay  fort  bon  gré.  11  me  tardera  de  voir  cette  vie  d'Homère  par 
Plutarche,  que  vous  me  faictes  transcrire,  puis  qu'il  vous  plaict.  Et  ne 
sera  plus  de  besoing  de  prendre  l'Eusebe  de  Scaliger,  car  j'en  ay  receu 
un  Dieu  mercy,  qui  me  saulvera  le  mien.  Il  me  reste  à  vous  remer- 
cier trez  humblement  des  nouvelles  à  présent  qu'elles  sont  si  rares. 
On  nous  a  voulu  faire  à  croire  que  M'  de  Ghateauneuf  estoit  decedé'  et 
que  la  nouvelle  venoit  de  la  part  de  sa  sœur-;  je  n'en  ay  rien  creu.  Et 
demeure  de  tout  mon  cœur, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  1 3  juin  i633. 

Cette  aprez  disnée  estant  moy  au  Palais,  MM"  les  Députez  de  Marseille 
sont  passez,  et  M' l'Assesseur,  frère  du  sieur  Viaz  que  vous  cognoissez^ 

'  Charles  de  l'Aubespine,   marquis   de  abbesse  de  Royaulieu ;  3°  Marie ,  abbesse  de 

Châleauneuf,  ne  mourut  que  ie  q6  sep-  Saint-Laurent  de  Bourges;  4°  Elisabeth,  ma- 

terabre  i653.  riée  à  André  de  CrocheGiet,  comte  de  Vau- 

'  Quelle  sœur?  Le  marquis  de  Château-  celas,  chevalier  des  ordres  du  roi. 
neuf  en  eut  quatre:  i°  Magdeleine ,  mariée  à  '  Le  frère  du  poète  Balthazai'  de  Via». 

Jean  Olivier,  baron  de  Leuville;  a'Gabrielle, 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  543 

est  venu  prendre  chez  nioy  de  mon  homme  une  coupple  de  peaux  de  ce 
«ajjrin  '  verd  de  Perse  que  je  vous  avois  promises  pour  remplacement 
de  celle  que  vous  aviez  desparlie  pour  l'amour  de  nous  à  M' le  Cardinal 
de  Lyon,  à  qui  j'en  ay  envoyé  encores  une  coupple  qu'il  m'a  faict  de- 
mander, pour  garantir  les  vostres,  m'en  estant  resté  encor  une  coupple 
céans,  à  vostre  service  et  de  voz  amys,  ayant  esté  bien  marry  de  ne 
m'estre  trouvé  au  logis  à  son  passage ,  car  je  le  vouloys  charger  de 
quelques  pistoles  qui  marcheront  par  le  premier  amy,  Dieu  aydant; 
il  n'a  pas  mesmes  prins  une  lettre  que  j'avois  escripte  pour  luy  à  mon 
dict  seigneur  le  Cardinal  de  Lyor/M'  le  Prieur  de  Roumoules  m'a  ern' 
voyé  un  dessein  du  seau  de  Hugues  Capet  qui  est  bien  aultre  besoigne 
que  celuy  que  M''  de  Bié  vous  avoit  baillé.  Je  n'y  trouve  rien  qui  ne  soit 
fort  compatible  à  l'antiquité  du  siècle  et  en  suis  demeuré  grandement 
bien  salisfaict.  J'en  attends  l'empreinte  qui  me  fera  parler  encores  plus 
aflirmalivement. 

J'envoye  à  M""  Bodier  une  despesche  qu'il  m'avoit  demandée  pour  un 
de  ses  amys.  S'il  n'estoit  encores  arrivé  à  Paris,  je  vous  supplie  de  la  luy 
faire  garder  pour  la  luy  rendre  à  son  arrivée,  croyant  bien  qu'il  ne 
tardera  pas  à  vous  aller  voir.  11  n'y  a  pas  eu  de  moyen  de  vous  envoyer 
la  chatte  de  M'  de  Bellievre  par  toutes  cez  commoditez,  il  en  fauldra 
attendre  quelque  aultre  plus  opportune.  Je  vous  prie  de  faire  garder  à 
M' l'Assesseur  de  Marseille  la  lettre  pour  Monseigneur  le  Cardinal  de 
Lyon. 

J'ay  prins  la  hardiesse  d'escrire  un  mot  à  M'  de  Bellievre,  maistre 
des  requestes*,  en  qualité  de  serviteur  de  M' le  Président  son  père  et 
de  M''  de  Thou ,  son  bon  parent  et  cher  amy,  pour  luy  offrir  mon  service 
et  satisfaire  au  désir  d'un  amy  qui  m'a  communiqué  depuis  peu  un  bien 
joly  m[anu]s[cnt]  des  poètes  Provençaulx  anciens,  et  pour  luy  recom- 

'  Nous  avons  déjà  trouvé  la  forme  »(^n  h  tour  conseiller  au  Parlement  de  Paris, 

pour  chagrin.  maître  des  requêtes,  conseiller  d'État,  am- 

Pompone  de  Bellievre,  deuxième  du  bassadeur  en   Italie,  en  Angleterre  et  en 

nom,  fds  du  président  h  mortier  Nicolas  Hollande,  premier  président  du  Pailement; 

de  Bellievre  et  de  Claude  Brùlart.  11  fut  tour  il  mourut  le  1 3  mars  1 697. 


544  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

mander  une  affaire  de  l'université  de  Thoulouse.  Je  vous  supplie  de 
m'ayder  à  luy  faire  excuser  ma  témérité,  et  d'y  employer  si  besoing 
est  l'intervention  de  M''  de  Thou  qui  sera  vraysemblablement  à  la  suitte 
de  la  Cour  à  qui  je  n'eusse  pas  manqué  d'en  escrire  sans  la  presse  du 
parlement  de  nostre  ordinaire. 

Ce  16'™  juin,  allant  au  Palais,  oii  l'on  a  prins  jour  pour  l'affaire  de 
M""  de  Bouteville  ^ 


CXVI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
J'ay  esté  infiniment  aise  de  voir  par  voz  dernières  du  lo"^  que  vous 
soyez  demeuré  satisfaict  des  lettres  du  pauvre  M''  Holstenius,  et  ne 
manqueray  pas  de  vous  envoyer  le  Pbilo  Byzantius  par  le  prochain 
ordinaire  s'il  ne  pouvoit  aller  par  celuy  cy,  m'advoiiant  trez  obligé  à 
M''  Rigault  du  souvenir  qu'il  luy  plaict  avoir  de  cette  petite  vie  d'Ho- 
mère. Je  n'ay  point  receu  de  libvre  de  la  part  du  cavalier  del  Pozzo'^ 
peult  estre  à  faulte  de  commodité  opportune;  il  fauldra  voir  si  les  ga- 
lères de  M""  de  Crequy  à  leur  retour  pourroient  faire  l'office.  J'ay  plus 
de  dix  ans  y  a  une  coppie  d'un  petit  traicté  qui  porte  le  tiltre  que  vous 
dictes,  mais  il  me  fut  donné  pour  estre  de  la  façon  du  feu  cardinal 
Bellarmin  par  une  persone  bien  confidante  à  luy  '.  Je  le  chercheray  à 

'  C'était  la  veuve  de  François  de  Mont-  du  cardinal  Bellarmin  :  Quod  Christus  non 

morency,  comte  de  Luxe,  seigneur  de  Bou-  fueril  rex  temporalis ,i>  dont  il  est  question 

teville,  le  décapité  du  21  juin  1627  :  Éli-  dans  une  letti-e  du  P.  Jean  de  Lorini  à  Pei- 

sabeth-Angélique  de  Vienne,  morte  le  6  août  resc,  écrite  d'Avignon  le  1 4  juillet  1626,  et 

1  696,  âgée  de  quatre-vingt-neuf  ans.  —  publiée  dans  le  fascicule  VIII  des  Correspon- 

Vol.  717,  foi.  aSo.  dants  de  Peiresc,  à  la  suite  des  Lettres  iné- 

'  Voir,  sur  le  cavalier  del  Pozzo,  t.  I,  dites  du  cardinal  Bichi ,  p.  2/11?  J'ai  rappelé, 

p.  801.  dans  une  note  de  ladite  page,  que  Gassendi 

'  S'agit-il  là  du  (ttraité  de  la  propre  main  a  mentionné  (p.  3o3-3o4)  l'autographe  de 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  545 

ce  mois  de  juillet  Dieu  aydant  que  nous  serons  hors  du  parlement, 
pour  le  vous  envoyer,  et  me  resouls  de  ranjjer  mes  livres  et  mes  pa- 
piers puis  que  j'y  auray  la  main,  ce  qui  me  pourra  fournir  occasion 
de  vous  communiquer  (juelque  aultre  chose  de  voslre  goust  cl  de  celuy 
de  M""  de  Louienie  Dieu  aydant.  Vous  aurez  cependant  à  faulte  d'aultre 
chose  une  lettre  du  bon  roy  Françoys  incontinant  aprez  sa  prinse',  la- 
quelle vous  avez  sans  doubte  eue  de  meilleure  main.  Cela  m'a  faict 
souvenir  d'un  volume  couvert  de  veliours  verd,  que  j'ay  aultre  foys 
veu  entre  les  mains  de  M""  Pasquier  Valegrand,  voisin  de  feu  Monsei- 
gneur le  garde  des  sceaux  du  Vair,  contenant  des  poullets^  et  poésies 
de  ce  bon  prince  dont  le  style  n'estoit  pas  trop  différant  de  celluy  de 
cette  lettre^.  Je  ne  seray  pas  marry  que  M'  de  Saulmaise  face  quelque 
séjour  à  Leyden  pour  y  jouyr  des  m[anu]s[crit]s  qui  y  sont,  attendant 
si  l'on  pourroit  prendre  l'envie  de  le  r'appeller  avec  quelques  honno- 
rables  appoinctements.  J'ay  bien  du  regret  de  n'avoir  sceu  le  passage  de 
M'  de  Nançay"  que  je  seroys  allé  chercher  beaucoup  plus  volontiers  que 


Bellarinin  donné  pîir  Lorini,  après  son  re- 
lour  d»>  Ronio,à  Pciresc ,  et  j'ai  cru  devoir 
ap[)eler  sur  le  précieux  manuscrit  disparu 
l'attention  de  tous  les  bons  chercheurs  de 
France  et  d'Italie. 

'  On  possède  deux  lettres  écrites  de  Piz- 
zighitone  par  François  I"  aussitôt  après  la 
bataille  de  Pavie  (a4  février  iSaS)  :  l'une 
adressée  h  Louise  de  Savoie,  duchesse  d'An- 
goulême,  sa  mère,  régente  en  France, 
l'autre  h  l'empereur  Cliarles-Quint.  I^e  meil- 
leur texte  de  ces  deux  lettres  se  trouve  dans 
la  Captivité  du  roi  François  I",  par  Aimé 
Champollion-Figeac  (1867,  in-4°,  p.  199- 
»3o). 

*  Voir,  sur  Ciî  synonyme  de  billet  galant, 
une  note  des  Lettres  de  Jean  Chapelain ,  t.  I , 
p.  /1/16. 

'  Aimé  Champollion-Figeac  a  publié, 
dans  le  volume  qui  vient  d'être  cité,  les  poé- 


sies de  François  I"  d'après  deux  manuscrits 
de  la  Bibliothèque  nationale  ainsi  cotés  : 
n°  7688-a  et  n°  i5  du  fonds  de  Cangé. 
P.  Paris  a  tiré  grand  parti  des  poésies  du 
Père  des  lettres  dans  ses  Etudes  sur  Fran- 
çois I" .  roi  de  France,  sur  sa  vie  privée  et 
son  riffue  (Paris,  !..  Techener,  i885,  a  vol. 
in-S"). 

'  Est-ce  Henry  de  la  (Ihastre ,  comte  de 
Nançay,  maréchal  des  canaps  et  armées  du 
Roi,  capitaine  du  château  de  Gien,  ou  son 
fils  E<lme,  marquis  de  la  Chastre,  comte  de 
Nançay,  maître  de  la  garde-rol>e  du  Roi , 
colonel  gc'néral  des  Suisses ,  l'auteur  des  Mé- 
moires  dont  nous  atten'îons  encore  une  édi- 
tion complète?  Les  La  Chastre  devaient  être 
fort  liés  avec  les  Dupiiy.  ii  cause  de  l'alliance 
de  la  sœur  do  Henry,  comte  de  Nançay, 
Gasparde.  avec  l'historien  J.-Augnste  de 
Thou. 


546  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

tout  le  reste  de  la  trouppe.  J'escriray  à  M"^  l'abbé  de  Thou  par  la  pre- 
mière commodité  soubs  vostre  adveu  pour  luy  offrir  mon  foible  ser- 
vice, et  possible  me  dispenser  d'employer  son  intercession  pour  quelque 
matière  de  gents  de  lettres  que  je  lui  eusse  volontiers  endossé  si  je 
m'en  fusse  advisé.  Je  plains  grandement  la  perte  de  M' Le  Grande  à  la- 
quelle je  pense  que  prennent  grande  part  touts  ses  amys  et  serviteurs 
et  par  consequant  toute  l'Académie  ;  je  vouldrois  y  avoir  peu  contribuer 
de  mon  sang  pour  l'honneur  que  je  luy  porte  et  pour  les  obligations 
quejeluyay. 

Ces  trois  volumes  d'Amsterdam  et  de  Zélande  seront  bien  du  bault 
goust  de  M""  Gassendi,  à  qui  j'en  ay  donné  l'advis  incontinant,  bien  marry 
de  ne  l'avoir  peu  gouverner  icy  un  peu  plus  à  souhaict;  mais  l'ar- 
rivée de  M' l'Evesque  de  Digne,  qui  le  reclamoit  d'une  estrangc  façon, 
luy  fournit  le  prétexte  de  retourner  chez  luy  beaucoup  plus  losl  qu'il  ne 
m'avoit  promis.  Il  est  vray  qu'on  le  destournoit  fort  icy  de  ses  estudes 
ordinaires,  et  je  crains  bien  qu'on  ne  le  destourne  guieres  moings  là 
hault,  quelque  mine  qu'il  tienne,  et  que  malaisément  pourra  t'il  faire 
de  travail  bien  assidu  s'il  ne  retourne  à  Paris.  A  quoy  il  fauldra  tra- 
vailler pour  l'interest  que  le  public  a  de  luy  tirer  des  mains  son  Épi- 
cure  plus  tost  que  plus  tard.  Si  ce  n'est  qu'il  peusse  aller  faire  le  voyage 
du  Levant,  auquel  cas  je  pense  qu'il  fauldroit  l'y  exhorter  pour  les  ad- 
vantages  qu'il  en  pourroit  tirer  mieux  que  tout  aultre  que  je  cognoisse. 
M""  son  Evesque  a  obtenu  un  brief  du  Pape  fort  honorable  qui  le  rend 
quasi  un  petit  légat  en  son  église*,  que  nous  avons  vérifié  au  Parlement 
sans  préjudice  des  libertez  et  privilèges  de  l'Église  Gallicane,  edicts  du 
Roy,  arrêts  et  règlements  de  la  cour.  Je  vous  en  feray  faire  un  extraict 
pour  le  vous  envoyer  ou  à  M'  du  Puy  vostre  frère,  qui  y  trouvera  bien 
de  la  matière  à  discourir.  Au  reste  à  ce  coup  j'ay  commancé  à  recevoir 
la  Gazette  par  aultre  main  que  de  coustume,  car  je  la  soulois  avoir  de 

'  Nous  avons  déjà  trouvé  dans  celle  cor-  Gallia  Chrisliaiia  (  l.  III ,  col.  1 1 35  ) ,  où  l'on 

respoiidance  diverses  mentions  de  ce  per-  trouve  seulement  qu'en  i633  Urbain  VIII 

sonnage.  nomma  assistant  au  trône  pontifical  Raphaël 

'  Ce  bref  n'a  pas  été  mentionné  dans  le  de  Bologne. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  547 

la  main  du  Maistre  du  bureau  de  la  poste,  qui  m'envoya  dez  samedy 
toutes  voz  lettres  et  aultrcs  de  aies  amys,  mais  je  n'eus  le  pacquet  de  la 
Gazette  que  le  dimanche  à  midy  de  la  main  d'un  petit  garçon  que 
m'envoya  un  nommé  Roux  soubs  l'enveloppe  duquel  il  m'avoit  esté  en- 
voyé, lequel  se  dict  commis  de  M"'  Renaudot,  avec  le  port  taxé  à  huict 
sols  qui  est  l'indemnité  stipulée  aultres  ("oys,  tant  pour  le  port  que 
pour  la  façon  de  l'enveloppe.  J'y  trouvay  non  seulement  la  Gazette 
du  xi""*,  mais  aussy  celle  qu'on  avoit  refaicte  du  /i"*  où  c'est  que  cer- 
tainement je  trouvay  bien  estrange  les  paroles  entrelassées  de  nouveau 
en  la  dernière  page,  dont  le  monde  lut  grandement  scandalisé  de  par 
deçà  où  nous  n'avions  rien  ouy  d'approchant  à  une  telle  aigreur.  On 
sçauroit  bien  volontiers  la  qualité  de  celuy  qui  estoit  le  porteur  de  cez 
drogues  et  rogatons.  Nous  n'avons  rien  si  ce  n'est  qu'on  atlendoit  dez 
hier  à  Marseille  le  retour  des  galères  qui  avoient  touché  à  Ligourne 
dez  le  lundy  i3""^  de  ce  moys,  mais  le  vent  du  Nort  qui  se  mit  sus  les 
arresta  quelque  part  sur  les  chemins;  elles  apportent,  ce  dict  on,  grande 
quantité  de  ligures  de  marbre  pour  Monseigneur  l'Em.  Cardinal  de 
Richelieu  que  luy  a  aciieptées  dans  Rome  le  M'*  Frangipani'. 

Il  me  reste  de  vous  remercier  comme  je  laicts  trez  humblement  du 
soing  que  vous  prenez  de  parler  à  M'  Aubert  pour  la  transcription  de 

'  C'était  le  marquis  Pompeo  Frangipani ,  rdri,  de  Bayle,  etc.  On  ne  trouve  dans  le 

qui  fut  marëchal  des  camps  et  armées  du  Recueil  Avenel  aucune  indication  relative  à 

roi  Ijouis  XIII  et  qui  mourut  en  juin  1 638 ,  l'achat  de  statues  pour  le  compte  de  Riclie- 

coiume  nous  i'ap[trend  Bassompierre  eu  ce  lieul'aitparlemaiipiis  Frangipani, le<juel  est 

passage  de  ses  Mémoires  (t.  IV,  p.  287):  simplement  nommé  en  un  seul  passage  (t.  V, 

ttMais  la  mort  du  seigneur  Pompeo  Frangi-  p.  ()io,  lettre  du  98  octobre  i630  au  raarë- 

pauy,  quy  arriva  nu  dit  mois,  me  fut  sen-  chai  dEstrées,  ambassadeur  à  Rome  :  "Le 

sible  jus(iues  h  tel  point  que  je  souhailay  sieur  de  Fraugipane  a  escrit  souvent  à  M' le 

mille  fois  la  mienne,  estant  un   des  plus  cardinal  de  la  Valette,  etc.»).  Les  statues 

cIh'is,  anciens  et  véritables  amis  que  j'eusse  achetées  en  i633  soul-<dles  les  mêmes  que 

jamais  eu."  l'ompeo  est  souvent  mentionné  celles  dont  il  est  question  dans  une  lettre,  du 

dans  les  ilistorietles  de  Tallemant  de»  Beaux  5  février  iGSg,  de  Chaviguy  à  d'Estrëes  : 

(t.  1,  II,  III,  IV,  V,  Vil).  Sou  frère  cadet  f  M»'  le  Cardinal  a  5o  ou  60  statues  dans 

Mario  y  ligure  une  fois  (t.  Vil,  p.  533).  Borne  ()u'il  souhaiteroit  de  faire  venir  pour 

Voir  sur  les  deux  frères  et  sur  leur  famille,  \\\ch^\\ewii1  {Recueil  Avenel,  t.  VI,  p.  6, 

si  ancienne  i  Borne,  les  Dictionuaires de  .Mo-  u.  a ). 

69. 


548  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

cez  petites  feuilles  que  je  désire  et  dé  me  faire  avoir  tout  ce  quisépeult 
avoir  de  nouveau  et  de  plus  digne.  M'  Petit  m'a  envoyé  son  livre,  je 
vous  supplie  de  m'en  faire  envoyer  une  coupple  d'exemplaires  et  de  me 
tenir  tousjours, 
Monsieur,  pour 

vostre  trez  humble  et  irez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  ao  juin  i633. 

J'envoyay  par  le  dernier  ordinaire  de  Rome  l'un  des  petits  exemplaires 
du  livre  adressé  à  Dom  du  Puy  par  M''  l'abbé  de  Thou  soubs  d'aultres 
enveloppes  d'amys,  dans  le  pacquet  du  cardinal  Barberin.  J'ay  encores 
l'aultre,  que  je  pense  envoyer  par  un  honneste  homme  dont  j'attends 
impatiemment  le  passage ,  et  vouldroys  bien  que  les  aultres  livres  qu'avez 
receus  du  Prieur  de  Roumoules  à  mesmes  lins  fussent  arrivez  à  temps. 

Le  procez  de  M°"=  de  Bouteville  est  fort  advancé  et  sera  jugé  avajit  la 
tin  de  ce  moys.  Si  à  son  retour  quelqu'un  de  son  train  se  peult  charger 
de  la  chatte  de  M""  de  Bellievre,  je  tascheray  de  la  luy  faire  bailler  avec 
une  aultre  pour  luy  tenir  conipagnie,  et  pour  servir  d'indemnité  à  la 
personne  qui  s'en  vouldra  charger. 

Les  vers  sur  les  armes  de  la  couleuvre  de  Milan  sont  de  la  façon  du 
sieur  GaffareP. 

Nous  avons  veu  icy  ez  mains  d'un  amy  des  vers  du  sieur  Bourdelot, 
bien  que  sans  nom,  que  l'on  estimoit^.  On  me  vient  d'envoyer  pf ester 


'  Voilà  un  renseignemenl  à  recommander 
à  ceux  qui  voudront  compie'ter  la  bibliographie 
de  Jacques  Gaffarel,  laquelle  forme  un  si  ample 
et  si  cm'ieux  chapitre  d'histoire  littéraire. 

"  l>e  sieur  Bourdelot  était  Pierre  Michon , 
dit  l'abbé  Bourdelot,  neveu  du  philologue 
Jean  Bourdelot.  Voir  sur  les  vere  du  docteur 
Bourdelot  une  note  du  fascicule  XVI  des 
Correspondants  de  Peiresc  :  François  Luillier 
(Paris,  Techener,  1889).  J'ajouterai  à  cette 


note,  d'après  le  Parnasse  médical  français  du 
D'  Achille  Chereau  (Paris,  187/1,  "'-12, 
p.  89),  que  le  poète  de  i633  était  encore 
poète  plus  de  4o  ans  plus  tard,  car  il  com- 
posa en  1670,  dix  ans  avant  sa  mort,  une 
pièce  de  vers  français  sur  la  prise  de  Lim- 
bourg  {in-li\  s.  1.  n.  d.  de  7  pages).  Moins  in- 
dulgent que  Peiresc  pour  les  vers  estimables 
de  Bourdelot,  le  D'  Ghereau  déclare  que  la 
composition  du  septuagénaire  est  tiulle. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  549 

uti  traicté  d'Allemaigne  et  un  commanceinent  de  relation  du  Iraicté  de 
Trêve  de  Hollande  ({ue  je  n'ay  pas  veu  à  deiny,  tant  s'en  l'ault  que  j'aye 
peu  ju{{er  (ju'ils  valussent  la  peine  d'estre  transcripts.  Je  m'asseure  que 
vous  aurez  eu  tout  cela,  long  temps  y  a;  à  tout  liazard  acte  de  ma  bonne 
volonté  ^ 


CXVII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
La  presse  du  Palais  est  trop  grande  maintenant  que  nous  n'avons 
plus  que  deux  jours  pour  vous  pouvoir  entretenir  à  souhaict,  dont  je 
vous  supplie  trez  humblement  de  me  vouloir  tenir  pour  excusé.  Nous 
aurons  dez  hors  mais  un  peu  plus  de  relasche  Dieu  aydant.  J'ay  receu 
vostre  despesche  du  17"*  avec  le  livre  du  sieur  Bosquet  dont  je  vous 
remercie  de  tout  mon  cœur,  ensemble  des  aultres  pièces  que  vous  y  aviez 
joincl,  et  des  curiositez  dont  il  vous  plaict  nous  laire  si  boiuie  part, 
mais  particulièrement  du  soing  que  vous  avez  daigné  prendre  de  faire 
instance  à  M''  Aubert,  pour  cet  opuscule  que  je  pensois  tirer  du  m[a- 
nu]s[crit]  de  M'  de  Thoulouse,  m'estonnant  qu'il  ne  s'y  soit  rien  trouvé 
d'Héron,  ce  qui  me  fait  craindre  que  M' Holstenius  n'aye  veu  quelque 
aultre  volume  où.  cette  pièce  fust  entrelassée.  Je  luy  en  escriray  par  Je 
prochain  ordinaire  s'il  plaict  à  Dieu,  et  luy  feray  instance  pour  ce  qu'il 
a  de  S'"  Cyrille,  ne  doublant  nullement  qu'il  ne  me  l'envoyé  inconti- 
nant,  car  il  me  l'avoit  ofl'ert  longtemps  y  a.  Cependant  je  vous  supplie 
d'asseurer  M"'  Aubert  qu'en  cela  et  en  toute  aultre  chose,  je  le  serviray 
de  toute  ma  puissance  bien  que  petite  et  ne  tiendra  pas  à  moy  que  je 
ne  luy  fasse  paroistre  la  vénération  que  je  porte  à  sa  vertu.  J'ay  esté  en- 


'  Vol.  717,  fol.  aSa.  Voir  à  l'Appendice  (n"  IX)  une  lettre  de  Jacijues  Diipuy  h  Peiresc, 
du  ah  juin  i633. 


550  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

cores  plus  estoimé  d'entendre  que  la  Vie  d'Homère  de  Plutarque  se  soit 
trouvée  imprimée  en  ce  volume  que  vous  dictes  d'Henry  Estienne,  le- 
quel je  n'avoys  point  veu  '  ;  c'est  pourquoy,  s'il  s'en  rencontroit  à  vendre 
un  exemplaire ,  je  le  feroys  volontiers  prendre  pour  cela.  Je  suis  revenu  si 
tard  du  Palais  que  je  crains  bien  de  ne  pouvoir  satisfaire  pour  ce  coup 
à  la  recherche  du  Philon  Byzantin,  auquel  cas  vous  ferez  mes  excuses,  je 
m'asseure,  attendant  le  prochain  ordinaire.  Je  regrette  bien  le  peu  de 
courage  de  voz  libraires,  pour  l'édition  de  cette  epistre  de  S*^  Clément, 
qui  meritoit  bien  d'estre  faicte  bien  tost  et  bien  exactement.  Nous 
demeurerons  en  grande  impatience  en  attendant  d'en  avoir  un  exem- 
plaire pour  luy  faire  passer  les  monts.  Je  me  conjouys  avec  vous 
et  avec  M"^  Diodati  tant  de  son  retour  d'Angleterre  que  de  la  glo- 
rieuse issue  de  l'affaire  de  M"'  Galilée,  et  que  Dieu  luy  ayt  faict 
la  grâce  de  se  purger  d'une  telle  calomnie  et  de  trouver  la  bonne 
justice  qu'il  meritoit.  Ses  œuvres  en  auront  tant  plus  de  crédit  cy 
aprez.  La  nouvelle  de  la  permission  donnée  à  Monsieur  le  président 
de  Mesmes  pour  son  retour  m'a  esté  des  plus  agréables  que  je  pou- 
vois  attendre.  Il  me  tardera  d'entendre  son  arrivée  à  Paris.  Vous  au- 
rez deux  lettres  de  M""  de  la  Fayette.  Je  suis  bien  honteux  de  l'excez 
d'honnesteté  de  M''  de  Thou  et  de  M'  de  la  Hoguelte  aussy  bien  que 
de  celle  de  M''  du  Puy  vostre  frère  en  faveur  de  M"^  le  Prieur  de  Rou- 
moules  et  de  mes  intérêts,  dont  je  leur  demeureray  éternellement  re- 
devable. La  boitte  pour  M''  l'abbé  de  Bonneval  est  arrivée  fort  bien  con- 
ditionnée, je  l'envoyé  par  l'ordinaire  de  Rome  qui  partira  le  premier. 
J'ay  receu  de  ce  costé,  par  le  retour  des  galères  de  M'  de  Crequy,  la 
plante  du  vray  PAPYRVS  que  le  cardinal  Barberin  m'a  envoyé^,  la- 
quelle j'ay  trouvé  un  peu  différante  de  tous  les  portraicts  que  j'en  avois 


'  Ce  fut  en  lâyS  que  parut ,  par  les  soins  papyrus  dans  les  lettres  de  Peiresc  à  Sau- 

de  Hemi  Eslienne,  la   Vie  d'Homère,  avec  niaise  qui  figureront  dans  un  des  volumes 

traduction  latine  du  savant  éditeur,  et  avec  suivants.  En  attendant,  on  peut  lire  les  dé- 

aceonipagueraent  de  divers  morceaux  rela-  tails  donne's  par  Gassendi  (p.  iHin-^ltB)  sur 

tifs  au  grand  poète.  le  papyrus  que  Peiresc  cultiva  dans  ses  jar- 

'  On  trouvera  beaucoup  de  choses  sur  le  dins  de  Belgentier. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  551 

veus  imprimez,  d'aullant  qu'ils  avoient  esté  portraicts  sur  des  plantes 
desseichées,  et  non  sur  des  vivantes,  qui  ont  tousjours  de  l'advantage 
sur  les  mortes.  Je  n'ay  pas  receu  do  lettre  du  dict  seigneur  Cardinal  et 
me  dict  on  qu'un  religieux  qui  s'en  estoit  chargé  a  prins  terre  h  Gènes, 
lequel  ne  tardera  meshuy  guieres  d'arriver.  J'ay  receu  par  mesme 
moyen  une  caisse  de  vases  de  bronze  antiques  de  différantes  sortes, 
que  je  n'ay  encores  peu  examiner  à  ma  mode;  il  fauldra  laisser  clore 
le  Parlement  pour  y  vacquer,  et  si  j'y  trouve  rien  de  curieux  et  remar- 
quable, comme  il  y  a  de  l'apparance,  je  vous  en  tiendray  adverty  et 
M'  de  Saulmaise.  On  me  fairt  espérer  un  Marcellus  m|anu]s[crit]'  que 
j'attends  avec  une  impatiance  |)lus  grande  que  je  ne  lis  jamais  atdtre 
curiosité.  Avec  cez  vases  j'ay  receu  tout  plein  d'aultres  bizzearries  fort 
extravagantes  et  entr'aullres  des  fragments  de  certaines  placques  de 
bronze  antiques  de  différantes  proportions,  mais  qui  monstrent  estre 
de  la  dépendance  de  quelques  ornements  que  l'on  croit  avoir  peu  servir 
à  des  liarnoys  d'un  éléphant.  Mais  l'antiquité  les  a  fort  gaslez  et  des- 
figurez, il  y  aura  de  la  peine  d'en  tirer  rien  de  bien  réglé.  J'ay  eu  dans 
la  mesme  caisse  des  desseins  de  vieux  marbres  de  bas  reliefs,  en  matière 
de  trépieds,  où  il  y  aura  bien  à  discourir  quelque  jour.  On  me  vient 
d'apporter  de  la  part  de  M'  Godefroy  de  Genève^  un  sien  discours  ad 
L[egem]  Quisquis  Cod.  ad  L[egem]  Juliam  \fajestatis',  dont  j'ay  prins 
plaisir  de  voir  l'epistre  liminaire  en  courant,  où  ce  personnage  promet  de 
belles  et  bonnes  choses.  C'est  une  pièce  du  temps  qui  ne  sera  pas  des 
nioings  nécessaires  à  voir  en  consequance  des  choses  passées  et  advenir,  il 
a  esté  fort  incommodé  d'un  pied  à  son  retour  d'un  voyage  en  Piémont, 
mais  il  se  porte  mieux.  Au  reste  j'ay  recouvré  une  lunette  de  Veuize  de 

'  Marcellus  Empiricus,  dëjà  mentionné  ici  mentionné,  lequel  fui  sans  doute  publie 

plus  haut.  séparément  :  Oraliones  polilieœ  li-es.  Ulpia- 

'  Jacques  Godefroy,  frère  puîné  de  Théo-  nus,  seu  de  MajesUitc  Principis  legibus  so- 

dore.  Ittla.  Juliaiiu»,  seu  de   arcanix  Juliani  Im- 

'  Le  P.  Niceron  {Mànoires  pour  servir  à  peratoris  artibii»  ad  Religiontm  Christianam 

l'histoire  des  hommes  illustres ,  t.  XVII,  p.  7a,  projligandam.  Achaica  ,  seu  de  causis  interi- 

n°  9)  indique  un  recueil  formé  de  trois  dis-  tus  Reipubliae  Achœorum.  (Genève,  i634, 

cours  parmi  lesquels  se  trouve  le  discours  in-4*). 


552  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

longue  veûe,  d'environ  cinq  pieds  de  long  et  davantage,  dans  laquelle 
Venus  nous  a  monstre  de  merveilleusement  grandes  cornes  cez  jours  icy 
et  Saturne  sa  figure  oblongue  et  irreguliere  comme  un  macarron  que 
nous  n'avions  jamais  veii  cy  devant  qu'imparfaictement  en  noz  aultres  lu- 
nettes, au  prix  de  celle  icy.  Je  ne  vous  pensois  escrire  qu'un  mot,  mais 
l'appétit  vient  en  mangeant,. et  insensiblement  on  s'embarque.  Je  viens  de 
voir  sur  le  dos  de  vostre  lettre  le  regret  oii  vous  estes  de  vostre  boitte; 
j'useray  de  toutes  les  précautions  à  moy  possibles  pour  la  faire  aller 
seurement  soubs  l'enveloppe  du  cardinal  Barberin.  J'ay  aultres  foys  eu 
des  empreintes  du  seau  du  roy  Robert  qui  n'estoit  pas  pareil  à  celuy 
du  roy  Hugues  Cappet  son  père,  car  il  estoit  en  ovalle  à  augive, 
mais  s'il  est  bien  net  il  vauldroit  encores  la  peine  de  le  mouler,  princi- 
palement s'il  estoit  de  figure  ronde,  et  par  consequant  différante  de 
ceux  que  j'ay  veu.  Excusez  moy  de  tant  d'importuns  discours  et  me 
tenez  tousjours. 
Monsieur,  pour 

vostre  trez  bumble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  22  juin  i633. 

Vous  aurez  la  coppie  d'une  lettre  de  M'  de  Sabran  '  sur  le  passage 
de  M"'  le  Mareschal  de  Toiras  par  Gènes,  qui  mérite  d'estre  gardée; 
mais  à  cause  de  celuy  à  qui  elle  a  esté  escritte ,  je  vous  prie  de  ne  la 
pas  laisser  courir^.  ' 

'  L'ambassadeur  de  la  Cour  de  France  auprès  de  la  République  de  Gênes.  —  '  Vol.  717, 
fol.  9  5i. 


[1633] 


AUX  FRERES  DUPUY. 


553 


CXVI[I 

À   MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 
À  PARIS. 

Monsieur, 
Jo  pense  que  vous  vous  souviendrez  d'avoir  aulresfois  veu  chez  vous 
feu  M'  Merindol,  premier  pi'ofesseur  du  Roy  eu  médecine  dans  nostre 
université  de  médecine  '  durant  le  temps  qu'il  se  tint  auprëz  de  feu 
Mk"^  le  garde  des  sceaux  du  Vair,  qui  l'aymoit  uniquement  et  le  prisoit 
au  dessus  tout  ce  que  nous  avions  eu  ce  pays  de  sa  profession*,  et  je 
luy  estois  particulièrement  attaché  d'une  estroite  amitié  que  j'ay  deuh 
continuer  à  M'  son  fiiz\  tant  plus  volontiers  depuis  qu'il  s'est  allié  à 
une  mienne  parente,  fille  d'un  mien  couzin  que  j'ay  tousjours  chery 
fort  tendrement  depuis  ma  première  jeunesse.  11  a  voulu  aller  voir 
Paris,  et  par  occasion  présenter  au  Roy  les  œuvres  qu'il  a  fait  im- 
primer icy  de  feu  son  père*,  pour  lequel  sujet  seul  je  ne  luy  eusse 
pas  conseillé  de  faire  le  voyage,  sachant  comme  cez  compliments  sont 


'  Antoine  Mdrindol  naquit  à  Aix ,  le  30  oc- 
tobre «670;  il  étudia  successivement  au  col- 
lège de  sa  ville  natale,  au  collège  d'Avignon, 
h  la  faculté  de  médecine  de  Paris,  a  la  faculté 
de  médecine  de  Padoue;  il  obtint  en  1606 
une  chaire  à  la  faculté  d'Aix,  fut  nommé 
médecin  ordinaire  de  Louis  XIII  en  1  Ci 6  et 
mourut  h  Aix  le  36  décembre  1 6a  1^.  Voir 
sur  Antoine  Mérimlol  une  curieuse  brochure 
intitulée  :  Deux  médecitis  et  uii  spagyrique  à 
Aix,  en  l'an  t6oo  ,  par  le  docteur  Chavernac 
(Aix,  1875,  in-8",  p.  îi3-3-j). 

'  Eu  tête  de  VArs  medica (\' \.  Merindol, 
ouvrage  dont  il  va  être  question  un  peu 
plus  loin,  on  trouve,  parmi  d'innombrables 
pièces  de  vers  latines  et  françaises  consa- 
(U'ées  à  son  éloge,  un  sonnet  d'un  de  ses  pa- 
rents, Michel  Merindol,  où  ce  dernier  rap- 
II. 


[lelle  combien  du  Vair  appréciait  le  savant 
médecin  : 

Du  Vnir,  qui  cognoissoit  son  prti  «I  u  valeur. 
L'a  Hnspoint  mille  fois  d'une  telle  couleur, 
Que  les  marques  nn  sont  i  chascon  éternelles. 

^  Le  (ils  d'Antoine  s'appelait  Jean.  Ce  fut 
un  habile  jurisconsulte. 

*  Antonii  Merindoli  consiliarii  mtdiei  et 
in  A  quensi  Academia  primarii professons  regii 
Ârs  medica,  in  duos  parles  secla  (Aix,  Jean 
lioize,  i633,  in-fol.  ).  L'ouvrage  est  dédié 
k  l.,ouis  XIII  :  Ludovico  XIII  Gallorum  Na- 
varrœorum/ue  reffi  Chi-istianissimo  atqite  m- 
l'iclissimo  lonffain  Iriumphaliitm  aiinorum  se- 
riem,  et  perpeluam  felieilatem  Joannes 
Mcrindolus  Aqucnsis  J.  \'.  D.,  etc.  A  la  se- 
conde page  (le  l'Epitre  dédicatoire  brille  un 
remarquable  éloge  de  Peiresc.  Antoine ,  dans 

70 


tvpftiartii   BATionitB 


55/1  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

receus  en  cour,  et  la  peyne  que  les  plus  beaux  esprits  du  Royaume  ont 
de  faire  agréer  la  présentation  des  pièces  qui  sont  les  plus  au  goust  des 
courtizans  mesraes,  comme  il  y  a  pareu  à  celles  des  s"  Godeau  et  Chap- 
pelain  depuis  peu\  Mais  il  desiroit  en  toute  façon  voir  un  peu  de  l'air 
de  la  Cour  et  de  Paris,  ce  qu'il  ne  falloit  pas  refuser  à  ce  jeune  homme 
qui  est  bien  né,  et  d'une  fort  recommandable  modestie,  et  fort  rare 
en  ce  temps.  Je  vous  supplie  d'agréer  qu'il  vous  face  offre  de  son 
humble  service  et  qu'il  luy  soit  loysible  d'entrer  quelque  fois  à  l'Aca- 
démie quand  il  sera  là.  Je  recevray  comme  à  moy  les  faveurs  et  pro- 
testations qu'il  recevra  de  vous,  et  vous  serviray  en  revanche, 
Monsieur, 

comme  vostre  trea  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  4  juillet  i633  ^ 


À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARFS. 

Monsieur, 
Vostre  despesche  est  veniie  comme  de  coustume  accompagnée  des 
gentilesses  et  singularitez  les  plus  curieuses  du  temps,  dont  je  vous  re- 
mercie trez  humblement,  ensemble  des  compliments  de  condoléance 
que  vous  me  faictes  sur  le  subjecl  de  mes  pauvres  balles  de  m[anu]- 
s[crit]s  Grecs,  de  si  bonne  grâce  que  cela  vault  quasi  mieux  que  les 
meilleurs  livres  qui  y  eussent  peu  venir  du  lieu  où  le  recueil  s'en  est 

son  testament,  du  6  décembre  lôai ,  avait  en  i633  (Paris,  in-4°)  et  reparut,  la  même 

recommandé  expressément  à  son  6I9  de  pu-  année,  dans  un  recueil   intitulé  :  Nouvelles 

hViev  V Avs  medica.  Muses  des  sieurs  Godeau,   Chapelain,   Ha- 

'  Il  s"agit  là  des  Œuvres  Chrestiennes  de  bert,  etc.  (Robert  Rertault,  in-8°). 
Godeau  (Paris,  i633,  iu-8°)  et  de  VOde  à  '  Bibliothèque  de    Carpeulras,  registre 

Monseigneur  le  Cardinal  de  Richelieu,  par  des  Minutes  des  lettres  aux  frères  Dupuy, 

Chapelain ,  qui  parut  pour  la  première  fois  fol.  336  v°. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  555 

faict.  Je  ne  sais  pas  tout  h  l'aict  hors  d'espérance  de  quelque  chose  de 
mieux.  Et  cez  jours  cy  depuis  la  closture  de  noslre  parlement  ont  esté 
employez  en  une  conversation  bien  a{jreable  avec  un  marchand  de  Mar- 
seille qui  a  esté  vinyt  ans  au  Cayre,  de  qui  j'ay  bien  appris  de  plus 
belles  curiositez  que  de  toutes  les  relations  que  j'en  avois  veiies  soit 
imprimées  ou  m[anu]s[crite]s  :  entr'  aultres  il  m'a  asseuré  tenir  de  la 
bouche  de  Memet-Bacha,  de  Suachem\  son  amy  particulier,  Rajjosoys 
de  nation,  trez  vaillant  homme  et  trez  robuste,  et  quasi  un  demy 
géant,  mais  grandement  curieux  et  honneste,  que  pendant  l'incendie 
du  Mont  Vésuve  prez  de  Naples,  il  s'embrasa  une  aullre  gueulle  de 
feux  soubsterrains  sur  les  bornes  de  l'empire  du  prebstre  Jean'^  et  du 
pais  de  Suachem  sur  la  mer  Rouge,  d'où  l'on  voyoit  les  flammes  et  la 
fumée,  dont  les  païs  circonvoisins  furent  touts  désolez  à  plus  de  troys 
lieues  à  l'enlour,  et  le  feu  y  duroit  encores  avec  violance  environ  le 
moys  de  mars  de  l'an  lôSa  que  ce  Bassa  se  retira  au  Cayre.  Or  le 
mesme  liyver,  y  eult  un  tremblement  de  terre  jusques  au  Cayre  mesme, 
et  peu  de  temps  devant,  aprez  une  furieuse  tempeste  à  la  Mecque  dans 
les  ruines  de  la  grande  mosquée  qui  en  fut  abbattûe,  la  terre  s'entr'  ou- 
vrit et  en  sortit  quelque  peu  de  temps  un  vent  si  puant  et  si  infect, 
si  chauld  et  si  mallin  que  plusieurs  en  furent  malades,  et  aulcuns  en 
perdirent  la  vie,  et  si  cela  eust  duré,  le  lieu  en  eust  esté  inhabitable, 
mais  cela  se  recombla  bien  tost  et  cessa  d'incommoder  le  peuple  qui 
imputoit  le  tout  au  chastiment  des  faultes  de  leurs  chefs.  Il  y  a  des 
bains  et  aultres  eaux  chauldes  non  seulement  <\  Médina  Nebits*  et  au 
Tor*,  entre  le  Mont  de  Sinai  et  la  Meque,  mais  en  d'aultres  endroits, 
qui  sont  indices  manifestes  des  exhalaisons  que  les  feux  soubsterrains 

'  Suakem  ou   Souakim,  ville  de  Nubie  '  C'esl-à-dire  Medinet-el-Nabi  (la   vifle 

avec  port  sur  le  golfe  Arabique,  h  3jo  ki-  du   prophète),  autrefois  Yatreb  et  vulgai- 

lomètres  de  Djeddah.  remeni  Médine;  h   4oo   kilomètres  de  la 

'  G'est-h-direrAbyssinie.  Voir  La /(yen<ie  Mecque. 
(h  prestre  Jean,  par  Gustave  Brunet  (Bor-  '  El-Tor,  ville  d'Arabie  (Hedjaz),  sur  le 

deaux,  1877,  '1-8°-  Extrait  des  Actes  de  golfe  de  Suei,  près  du  Djebel-Tor,  l'aocieo 

l'Académie  des  sciences ,  belles-lettres  et  arts  Sinai. 
de  Bordeaux). 

70. 


556  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

poulsent  à  la  surface  de  la  terre,  de  sorte  qu'il  n'y  auroit  pas  grande 
merveille  quand  il  s'y  ouvriroit  des  gueulles  de  feu  semblables  à  celles 
du  Mont  TËthna  et  du  Vésuve;  mais  que  cela  ayt  paru  en  mesme  temps, 
c'eust  esté  grande  merveille,  s'il  s'y  trouvoit  du  rapport  des  temps  à 
peu  prez,  car  il  fauldroit  conclurre  que  la  source  de  ce  feu  vinsse  de  bien 
profond  et  de  bien  prez  du  centre  de  la  terre.  Ce  marchand  doibt  partir 
dans  huict  jours  pour  retourner  en  /Egypte  et  m'a  promis  des  relations  fort 
punctuelles  des  jours  précis  et  de  touts  cez  accidents  bien  et  deiiement 
attestées  en  bonne  forme  probante.  Il  est  tenu  pour  homme  fort  franc 
et  veridique,  lequel  ne  vouldroit  pas  mentir  à  son  essiant.  Il  a  grand 
créance  parmy  cez  peuples,  et  parmy  ceux  mesmes  qui  ont  l'intendance 
tant  des  Cophtes  que  des  Grecs  et  aultres  sectes,  et  se  promet  quelques 
livres  curieux.  Vous  pouvez  penser  comme  je  l'ay  gouverné  et  comme 
je  le  chargeray  pour  recouvrer  un  peu  de  la  réputation  diminuée  de 
ma  pauvre  négociation  de  livres  anciens.  Il  sçait  fort  bien  le  Morisque 
du  païs,  ce  qui  ne  nuira  pas  au  dessein,  et  si  nous  y  pouvons  proffiter 
de  rien  qui  vaille,  la  meilleure  part  en  sera  pour  vous  et  pour  les 
aultres  suppôts  de  l'Académie.  J'ay  bien  de  l'obligation  à  M'  Deodati 
du  soing  qu'il  prend  de  nous  faire  part  de  la  lettre  du  sieur  Galilei  que 
nous  attendons  en  bonne  dévotion.  Je  m'estonne  que  personne  de  mes 
amys  de  Rome  ne  m'en  escrive  rien;  il  est  vray  que  mes  lettres  ne  sont 
que  liuict  ou  dix  jours  plus  fraisches  que  les  vostres.  Je  m'estonne  du 
peu  de  courage  de  voz  libraires  de  Paris  et  particulièrement  de  cette 
grosse  compagnie  qui  imprime  les  gros  volumes  des  Pères  Grecs,  de 
n'avoir  osé  entreprendre  un  ouvrage  de  si  peu  de  fraiz  que  cette  epistre 
de  S'  Clément,  ce  qui  me  faict  ressouvenir  du  Théophile  de  M'  Fabrot, 
que  le  sieur  Cramoisy  promettoit  de  faire  mettre  soubs  la  presse  à 
la  S' Jean,  dont  je  vous  supplie  de  le  faire  souvenir.  Vous  m'aviez 
mandé,  ce   me  semble,  que  l'OEcumenius'  avoil  esté  réimprimé   à 

'  OEcumeniusestuDécrivain  ecclésiastique  i'ÉvaugUe,  que  d'autres  attribuent  à  Euthy- 

byzanlin,  qui  vivait  probabienient au  l' siècle  niius  Zigabène.  On  avait  publie',  au  milieu 

et  sur  lequel  on  ne  sait  presque  rien.  On  lui  du  xvi'  siècle,  une  traduction  latine  d'un 

a  attribué  des  Commentaires  en  grec  sur  des  principaux  commentaires  qui  ont  été  mis 


[1633]  AUX  FRÈHES  DUPUY.  557 

Paris';  il  fauldra  vous  en  prouvoir  d'un,  pour  les  fragments  qui  y  sont 
joinctsdu  Clément  Alexandrin  et  de  l'Arethas^  ce  dict  on.  Nous  sommes 
a|)rez  de  vérifier  si  nous  aurions  rien  du  S'  Jean  Damascene  dont  le  texte 
Grec  ne  fusse  pas  imprimé,  mais  je  vous  assure  que  depuis  le  premier 
jour  de  l'arrivée  de  mes  caisses  et  le  lendemain,  je  n'ay  sceu  desrober 
une  journée  pour  y  employer.  Gez  deux  livres  de  Dausquius  ne  pour- 
ront eslre  que  trez  bons  à  acquérir^,  et  celuy  des  Isles  flotantes*  sera 
encores  bon  à  passer  les  monts,  s'il  s'en  peult  avoir  au  exemplaire 
double.  M'  Gassend  attend  bien  impatiemment  le  dernier  des  troys 
que  vous  m'avez  envoyez  en  dernier  lieu,  où  il  doibt  trouver  aulcunes 
de  ses  observations.  Un  de  mes  aniys  de  TouUon,  que  j'attend  de  jour 
à  aultre,  vous  portera  quelques  pistoles  de  ma  part,  pour  prouvoir  à  tout 
le  passé  et  advenir  Dieu  aydant.  Le  bruicl  d'une  ville  à  abysmez  (sic)  à 
commancé  à  Digne  quelques  jours  devant  le  temps  de  l'ecclypse  dernière , 
auquel  jour  on  l'assignoit,  sur  ce  que  aulcuns  virent  porter  hors  la  ville 
des  instruments  de  mathématiques  avec  quoy  M'  Gassend  la  vouloit 
observer  en  un  lieu  plus  eslevé  que  la  ville.  Ln  moys  aprez  il  s'en 
sema  une  semblable  en  Avignon  pour  le  8  niay,  jour  du  changement  de 
lunaison,  qui  fit  non  seulement  sortir  aiïorce  gents  de  la  ville  au  jour 

90US  le  nom  d'OEcunienius  :  CommeiUaria  in  '  Claude  Dauscjue,  né  h  Saint-Oiner  en 

sacvosancta   (/uatuor   Chrisli  Evaiigelia  .  .  .  i566,  entra  dans  la  compagnie  de  Jësu»  en 

auctore  quidem  {ut  ptitriini  senlimil)  OEcu-  i585,  la  (juilla  en  i6io,  devint  chanoine 

menio ,  interprète  vero  Joanno  Ilentenio  (Lou-  de  la  cathédrale  de  Tournai  et  mourut  en 

vain,  i543,  in-fol.).  i6A4. 

'  Peiresc  veut  parler  de  la  réimpression  *  Claudii  Dausquii  Sanclomarii  Can.  Tor. 

de  i63o-i63i  en  a  volumes  iti-fol.  qui  con-  Terra  elAqiia,seu  terrœ Jluitantes  (Touniai, 

tiennent  les  comincntuircs  sur  les  Actes  des  tG33,  in-4').  Ce  traité  sur  les  Iles  llottanles 

Apôtres,  les  Épîtres   de  Saint- Paul,  etc.  a  reparu  (avec  un  titre  rafraîchi)  en  1677 

Voirsur  cette  réimpression,  soignée  par Fed.  h  Paris,  chez  Léonard,  in-4*.  Voir,  à  ce 

Morel,  le  Manuel  du  libraire  (t.  IV, col.  itii).  sujet,  le  Journal  des  Savants  (1677,  p.  «8i- 

'  Aréthas  ou  Ai-élas,  théologien  grec,  ar-  i85).  L'autre  ouvrage  de  Dausque,  que  Pei- 

chevêque  de  Césarée  en  Cappadoce,  a  laissé  resc  indiquait  comme  -Irez bon  h  acquérir»  , 

un  commentaire  de  l'Apocalypse  imprimé  devait  être  Vintiqui  Norique  Lati  orthogra- 

pour  la  première  fois  en  i53<i,h  la  suite  du  phica,  publié  h  Tournai  en  i63a  et  qui  a 

texte  grec  des  conunenlaires  d'OEcumenius  eu  l'honneur  d'être  inséré  dans  le  Thesaurux 

(Vérone,  chez  les  frères  deSabio,  in-fol.).  Antù/uitatum  Romanarum,  deGrœvius. 


558  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

assigné,  mais  de  Cavaiilon,  Garpentras  et  aultres  villes  voisines.  Les 
femmes  envoyoient  quérir  leurs  enfants  et  les  tirer  du  Collège  d'Avi- 
gnon pour  les  mettre  en  seureté.  Enfin  on  croyoit  que  ce  fust  un  cri- 
minel nommé  Avignon  qui  deubt  estre  condamné  au  feu  et  aux 
flammes,  et  envoya  ton  froidement  en  cette  ville  sçavoir  si  dans  les  pri- 
sons y  avoit  aulcun  prisonnier  qui  eust  nom  Avignon,  tant  on  avoit 
d'envie  de  trouver  quelque  vérification  à  tort  ou  à  travers  pour  sauver 
cette  prétendue  prophétie  transférée  au  jour  de  solstice.  Quant  à  celle 
du  Roy  de  Suéde,  elle  me  fut  envoyée  d'Avignon  à  Boysgency,  d'oii  je 
vous  envoyay  incontinant  le  mesme  billet,  ce  me  semble,  que  j'en  avoys 
receu  de  la  part  d'un  gentilhomme  si  mal  curieux  que  quand  je  luy 
fis  demander  d'où  il  l'avoit  tiré  il  ne  peut  jamais  s'en  remettre  en  mé- 
moire. Mais  je  luy  renvoyeray  vostre  billet  aprez  toutefoys  en  avoir  rayé 
mon  nom  et  les  qualitez  que  vous  y  aviez  laissé  mettre  qui  m'ont  bien 
faict  rougir,  et  qui  m'obligent  à  vous  supplier  comme  je  faict  Irez  hum- 
blement de  l'espargner  un  peu  à  l'advenir,  la  garantie  de  telles  pièces 
estant  fort  subjecle  à  meilleure  caultion  que  je  ne  sçauroys  fournir  et 
vous  dire  le  vray;  je  me  doubte  que  ceux  à  qui  est  le  livre  n'ayent  eu 
appréhension  que  je  voulusse  voir  l'original,  car  si  c'est  un  ancien  ni[a- 
nu]s[crit]  il  y  pourroit  avoir  des  choses  du  temps  de  lors  de  meilleur 
crédit  et  usage  que  des  simples  prophéties  et  c'estoit  pour  cela  que 
j'avois  faict  grande  instance  pour  sçavoir  le  contenu  du  livre;  or  cez 
Messieurs  là  sont  fort  desfiants  et  d'aussy  difficile  communication  que 
convention,  mesurant  tous  les  aultres  à  leur  aulne;  ils  craignent  aussy 
que  leurs  supérieurs  ne  leur  ostent  d'authorité  les  livres  qui  leur  pou- 
voient  agréer  comme  cela  et  c'est  ce  qui  les  leur  faisoit  lascher  parfoys. 
Je  tascheray  d'y  employer  encore  quelques  aultres  amys  pour  caver  le 
plus  profond  que  faire  se  .pourra,  pour  l'amour  de  vous,  et  pour  voir 
s'il  s'y  rencontreroit  quelque  chose  de  mieux.  J'avoys  eu  moy  mesmes 
aultres  foys  deux  exemplaires  m[anu]s[crit]s  en  velin  des  prophéties  de 
Joachim^  et  aultres  appendices,  où  il  y  avoit  je  ne  sçay  quoy  de  bien 

'  Joachim,  surnommé  le  Prophète,  na-        Terre  Sainte,  prit,  h  son  retour,  l'habit  de 
quit  vers  1 1 3o  à  Gelico  (Calabre),  visita  la        Cîteaux,  à  Sambaccina,  devint  abbë  de  Go- 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  559 

approchant  à  l'article  du  Roy  de  Suéde,  8i  je  ne  me  trompe,  mais  je 

ne  les  ay  peu  trouver  maintenant.  Je  m'en  vay  résolument  la  semaine 

prochaine  vacquer  à  ranger  mes  livres,  et  de  suitte  mes  papiers  si  je 

puys,  ayant  opté  de  servir  le  moys  d'aoust  pour  avoir  celuy  de  juillet 

plus  libre  durant  noz  vacations.  Mon  frère  est  à  Boysgency  mieux  que 

moy  et  je  demeure. 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  Irez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  U  juillet  i633. 

M'  le  Prieur  de  Roumoules  est  party  tout  comblé  de  voz  bienfaicts 
et  faveurs  journalières  dont  il  ne  se  peult  assez  louer,  et  dont  les  an- 
ciennes obligations  que  nous  vous  avons  sont  de  beaucoup  augmentées, 
comme  aussy  de  la  continuation  de  vostre  bon  accueil  au  jeune  Gail- 
hard ,  de  quoy  je  vous  remercie  de  toute  mon  aflection. 

L'ode  du  sieur  Pellant  est  bien  gentile  '  et  mérite  bien  des  particuliers 
remerciements  que  je  vous  en  faicts  trez  humbles  et  affectueux  et  de 
la  nomination  de  son  autheur  que  j'ay  ouy  nommer  et  priser  grande- 
ment, ie  qui  me  faict  priser  davantage  son  oeuvre  de  beaucoup  plus  que 
si  son  autheur  m'eust  esté  incogneu; 

Madame  de  Bouteville  partit  hier  et  voulut  porter  une  lettre  à 
M''  de  ïhou  par  laquelle  je  luy  manday  qu'elle  s'estoit  voulu  charger 
du  petit  chat,  mais  les  bardes  ne  sont  pas  encores  parties  et  je  ne  sçay 
quel  ordre  il  y  aura,  car  s'il  n'y  a  de  l'apparance  de  quelque  soing,  je 
le  reserveray  à  meilleure  occasion^. 

razzo  en  1178,  fonda  la  cong^régation  de  {\S6'j).  VA.  Répertoire  des  .lourcai  hUimiqmt 

Florence  vers  1190  el  inounU  en  1 9 1 2 ,  le  du  ntoi/en  âge ,  par  le  chonoine  Ulysse  Che- 

3o  mars,  a  San  Martino   (Gosenza).   Les  valier  (3*  fascicule,  1 880,  col.  isgi). 

prophéties  qui  lui  ont  été' atlribmïes  ne  sont  '  Ce  poète  lyrique,  apprëdë  avec  (ant 

probablement  pas  de  lui.  Voir  sur  le  bien-  d'indulgence  par  Peiresc,  n'a  pas  Irouv»^  la 

lieureux  Joaciiim  un  article  de  M.  Ernest  postérité  aussi  favorable,  car  aujourd'hui 

Renan  dans  la  Hevue  des  Deux-Mondes  de  nul  ne  le  connaît. 

>8GG  et  un  ouvrajje  de  M.  Xavier  Rousselot  '  Vol.  717.  fol.  a56. 


560 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1633] 


CXX 
À  MONSIEUR,   MONSIEUR  DU   PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Je  receus  hier  ce  ballol  qui  avoil  esté  si  longtemps  en  chemin,  où 
je  trouvay  le  discours  de  Fra  Fulgentio,  les  livres  du  sieur  Bosquet,  et 
vostre  pacquet  à  Dom  du  Puy  que  j'envoyeray  par  la  première  com- 
nioddité.  El  peu  auparavant  avoys  je  receu  par  l'ordinaire  vostre  des- 
pesche  du  i"  de  ce  moys,  avec  ces  belles  pièces  des  sieurs  Ghappelain 
et  Godeau  et  cette  admirable  lettre  de  M'  Grottius  dont  je  vous  re- 
mercie trez  humblement,  ne  sçaichant  plus  comment  vous  tesmoigner 
ma  redevance  aprez  tant  de  bienfaicls.  Nous  avons  ])rins  grande  part  en 
vostre  affliction  par  la  perte  de  Madame  la  comtesse  Feuillée  du  Bellay', 
que  nous  avons  grandement  regrettée  pour  l'amour  de  M'  de  Thou  et 
de  tous  les  siens.  Je  me  suis  dispensé  de  luy  en  escrire  un  mot  comme 
son  serviteur.  J'ay  trouvé  ce  portraict  de  Cujas  fort  beau^,  et  vous  en 
ay  bien  de  l'obligation  ensemble  au  sieur  Bernier  qui  en  a  prins  la 
peine.  Je  le  feray  tenir  au  sieur  cavalier  del  Pozzo  qui  en  sera  bien 
content,  je  m'asseure,  et  y  en  joindray  deux  autres  faicts  icy,  qui  ne 
sont  pas  de  si  bonne  main  à  mon  grand  regret.  Je  feray  instance  pour  le 
livre  de  Schoppius*,  mais  je  ne  l'espère  pas  facilement  que  par  le  re- 


'  Tallemant  des  Réaux  {Hislortette  Ma- 
rigtiy-Maknoe ,  t.  VII,  p.  îaSy)  mentionne 
la  famille  de  la  Feuillée  du  Bellay.  P.  Paris 
(en  une  note  marginale  de  cette  même  page) 
nous  fait  connaître  deux  personnages  de  cette 
même  famille,  Guy  du  Bellay,  sieur  de  la 
Courbe,  roi  d'Yvetot  après  la  mort  de  son 
cousin,  et  Charles,  marquis  du  Bellay.  Guy 
du  Bellay  et  Lëonor  du  Bellay,  femme  de  Jac- 
ques de  Malnoë,  sieur  de  Marigny,  eurent 
pour  père  Charles  du  Bellay,  sieur  de  la 
Feuillée  et  du  Bois-Thibaut. 


'  Ce  devait  être  le  portrait  désigné  en 
ces  ternies,  sous  le  n°  I ,  dans  le  tome  IV  du 
Recueil  Leiong-Fontette  :  fâgé  de  soixante- 
sept  ans,  Royer,  a  Bourges,  in-li'.y 

'  Un  des  nombreux  pam|)lilets  que  Gas- 
pard Schopp  publia  contre  les  Jésuites  et 
très  probablement  un  des  deux  que  voici  : 
Mysteria  Patrum  Jesuilantm  (i633,  in-iâ); 
Anatomia  Societalis  Jesu  ( Lyon  ,i  633 ,  in-4°). 
Les  libelles  de  l'année  précédente  (Actioper- 
diiellionis  in  Jesuitas,  in-/i°,  et  Flagellum  Je- 
suiticum,  in-4°)  sont  rédigés  en  langue  al- 


|1633J  AUX  FRÈRES  DUPUY.  561 

loiir  de  (jiielqu'un  de  ceux  de  la  suitle  de  M""  le  duc  de  Crequy,  car 
pour  sa  personne  l'on  commence  à  doubler  qu'il  se  pourroit  bien 
trouver  engagé  de  là  les  Monts  h  quelque  digne  eraploy  s'il  est  vray 
que  la  sonnette  soit  attachée  en  Italie',  comme  plusieurs  le  veulent 
croire,  sur  un  bruict  qui  n'est  pas  encores  bien  constant,  d'une  grosse 
escarmouche  au  pont  d'Astheure'^  entre  les  Espagnols  et  quelques  ré- 
giments François  qui  ne  s'y  attendoient  pas,  ce  dict  on.  Nous  sommes 
touts  icy  allarmez  de  la  soudaine  resolution  qu'a  faicte  M' le  Premier 
Présidant  d'aller  passer  quelques  moys  chez  luy  et  à  la  Cour,  parce  que 
craignons  que  le  peu  de  subject  de  contentement  et  de  correspondance 
de  nostre  nation  un  peu  trop  rude,  et  le  mauvais  traictement  qu'on 
luy  a  faict  à  la  Cour  depuis  qu'il  est  icy  (car  il  n'a  esté  payé  de  ses 
gaiges  nom  plus  que  nous,  bien  qu'on  n'eust  rien  à  dire  à  luy  de  tout 
ce  qu'on  nous  vouloit  imposer),  joinct  encores  la  mésintelligence  qu'il 
y  a  eu  entre  M'  le  Maresclial  et  luy,  qui  ne  semble  pas  avoir  esté  finie 
par  le  bon  bout',  nous  craignons,  dis-je,  que  toutes  cez  considérations 
n'empeschent  son  retour  de  par  deçà.  Et  si  sa  pieté  et  charité  incompa- 
rable ne  l'enijjortent  h  venir  exercer  sa  modération  parmy  noz  humeurs 
trop  bouillantes,  je  ne  voys  pas  qu'il  aye  d'occasion  de  désirer  de 
revenir  en  un  si  chetif  païs  que  le  nostre,  et  parmy  des  humeurs 
si  mal  sortables  à  la  doulceur  de  la  sienne.  Il  receut  une  despesche 
de  M'  Servien  par  le  dernier  ordinaire  sur  le  subject  de  la  permission 
(jue  le  Roy  luy  avoit  octroyée  de  faire  ce  voyage,  et  l'ayant  dict  à  ceux 
qui  se  trouvèrent  lors  chez  luy,  toute  la  ville  en  fut  incontinant  toute 
en  deuil,  et  en  lamentations,  qui  sont  plus  grandes  et  plus  générales 
que  l'on  ne  croyroit.  Au  reste  le  sieur  de  Piensin  que  j'altendoys  pour 
le  charger  de  quelques  pistoles  à  vous  rendre,  ne  m'ayant  pas  trouvé 
au  logis,  fut  si  pressé  de  passer  oultre  que  je  ne  le  vis  poinct  non  sans 

lemaiide,  et  ëciiiippaienl.  par  consApicnt,  h  '  Serait-ce  Asti,  en  Piémont,  à  33  Icilo- 

IVircsc  comme  aux  Dupuy.  mètres  <!' Alexandrie .  sur  le  Boiirl>o? 

'  C'est-ànlire  que  les  opérations  sont  coMi-  '  L'expression  ^ni'r  par  le  bon'liout  n'a 

niencées.  Je  ne  retrouve  pas  cette  locution  pas  été  recueillie  dans  le  Diclionnairr  de 

dans  nos  principaux  dictionnaires.  liUré. 

II.  71 


562  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633] 

beaucoup  de  mortification,  mais  le  premier  qui  passera  en  aura  ia 
courvée.  Je  n' ay  pas  esté  raoings  marry  que  M""^  de  Boutteville  soit  partie 
sans  que  nous  ayons  peu  envoyer  la  petite  chatte  rielée  ^  de  Mon- 
sieur de  Bellievre  ^  et  sans  que  le  muletier  qui  a  porté  une  charge  de 
ses  coffres  plus  pressez  s'en  soit  chargé,  car  bien  qu'on  dise  qu'il  y  en 
a  encores  d'aultres  en  arrière,  et  qu'on  la  fera  prendre,  jay  peine  de 
le  croire,  et  la  bailleray  avec  regret  à  des  simples  muletiers  s'il  n'y  a 
d'aultres  persones  plus  soigneuses  avec  eux.  Nous  n'aui'ons  rien  à  vous 
envoyer  par  cet  ordinaire  à  mon  grand  regret,  et  je  me  suis  trouvé  si 
embarassé  de  l'expédition  d'un  religieux  de  mon  Abbayie  qui  s'en  va 
trouver  le  Prieur  de  Roumoulles,  que  tout  mon  temps  a  esté  consumé 
en  vain  et  je  suis  constraint  de  clorre  et  remettre  le  surplus  à  une  aullre 
foys,  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  11  juillet  i633'. 


CXXI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Trouvant  cette  commodité   extraordinaire  d'un  des    courriers   de 
M''  du  Lieu  qui  s'en  retourne,  j'ay  esté  bien  aise  de  vous  pouvoir 
adresser  des  lettres  de  M"'  Gassendi  et  de  M'  l'Evesque  de  Digne  qui  es- 

'  Le  Glossaire  de  La  Gurne  de  Sainte-  '  La  petite  chatte  destiaée  à  M.  de  Bel- 

Palaye  donne  du  mot  rielé  cette  définition  :  lièvre ,  de  laquelle  il  a  été  question  plus  haut 

régulier.  Peiresc  entend-il  par  là  que  sa  pe-  (lettre  GXV). 
tite  chatte  avait  des  lignes  régulières,  des  '  Vol.  717,  fol.  958. 

taches  bien  placées  sur  sa  robe? 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  563 

toient  arrivées  trop  lard  pour  l'ordinaire  passé  à  cause  que  le  porteur 
demeura  malade  en  chemin  de  Digne  icy.  Et  par  occasion  je  vous  diray 
que  Monsieur  l'Aisne  nostre  premier  président  partit  hier  d'icy ,  s'estant 
faict  mener  dans  son  carrosse  luy  seul  avec  son  secrétaire  à  une  lieiie 
d'icy,  où  il  monta  à  cheval  et  renvoya  son  carrosse  pour  venir  prendre  icy 
Madame  la  Première  Présidante  et  le  reste  de  son  train,  laquelle  ne 
doibt  partir,  ce  dict  on,  que  demain  lundy  pour  aller  retrouver  mon 
dict  sieur  le  Premier  Présidant  en  Arles  oCi  l'on  dict  qu'il  l'attendra.  Mais 
d'aultres  croyent  que  pour  se  tirer  de  la  presse  et  de  l'importunité  des 
visites  il  se  pourroit  bien  cstre  retiré  dans  quelque  cloistre  de  religieux, 
en  attendant  que  Madame  soit  preste  à  partir,  pour  avoir  loisir  d'es- 
crire  à  ses  amys  sur  l'occasion  de  son  voyage.  Le  temps  fera  voir  la 
vérité.  Il  s'est  enfin  résolu  de  laisser  icy  deux  de  ses  filz  les  plus  jeunes 
entre  les  mains  des  PP.  de  l'Oratoire  à  cause  des  trop  grandes  chal- 
leurs  qui  leur  pouvoient  faire  courir  quelque  fortune  par  un  si  grand 
voyage  et  pour  servir  de  gaige  de  son  retour.  Mais  on  ne  s'en  peult 
pas  asseurer  pour  tant,  la  voix  commune  estant  qu'il  ne  vouldra  pas 
revenir,  à  laquelle  je  commance  à  encliner  plus  que  je  ne  faisoys  au- 
paravant. Je  prie  à  Dieu  que  noz  appréhensions  en  soyent  vaynes,  et  que 
les  voeux  du  peuple  en  soient  exhaulcez  où  il  est  merveilleusement 
aymé  et  révéré,  généralement  à  la  reserve  de  fort  peu  de  persones  qui 
ne  sont  peult  estre  pas  des  mieux  intentionnées. 

Nous  n'avons  poinct  d'aultres  nouvelles  que  celles  de  la  cavalcate'  de 
M''  de  Crequi  à  Rome,  que  je  vous  envoyé  telles  que  nous  les  avons  icy. 
M' le  Mareschal  s'en  alla  hier  soir  à  Marseille,  aprez  avoir  adsisté  à  des 
thèses  dédiées  à  S' Alexis  aux  Jesuistes,  où  le  sieur  Gharlemagne  son  se- 
crétaire argumenta  et  fit  par  préface  une  harangue  in  génère  demon- 
strativo,  en  termes  fort  elegans,  où  il  dict  des  merveilles  des  grands 
services  que  M"^  le  Mareschal  son  maistre  avoit  rendus  au  Roy  et  à  la 


'  Peiresc  écrit  cavalcale,  se  souvenant  do  l'italisD  eavakata.  Le  Dictionnaire  de  Littré  n'in- 
dique que  les  formes  cavalquade  ou  cavalcade,  citant  d'Aabignë,  V.  Garloix,  Micbel  de 
Montaigne. 

7«- 


I 


564  LETTRES'  DE  PEIRESC  [1633] 

couronne,  sans  oublier  les  bons  offices  qu'il  avoit  faicts  à  cette  province 
en  destournant  l'oraige  des  trouppes  de  Monsieur  l'année  dernière,  et 
en  toutes  les  aultres  occasions  qui  se  sont  présentées  depuis  sa  veniie  au 
])aïs.  Monsieur  le  Premier  Présidant  a  prins  plaisir  de  voir  avant  son 
partement  cez  belles  odes  des  sieurs  Chappellain,  Godeau  et  Pellant,  et 
prixse  bien  la  dernière  partie  de  celle  de  M'  Chappellain'.  M''  de  Thon 
n'a  aulcun  besoing  de  faire  user  d'excuse  en  mon  endroict.  Je  sçay  assez 
les  grandes  occupations  qu'il  a,  et  qui  ne  luy  peuvent  pas  permettre 
d'escrire  à  des  gents  comme  nous  qui  ne  sommes  qu'à  charge  et  à  im- 
portunité  à  noz  bons  seigneurs  et  amys.  Nous  attendrons  en  bonne  dé- 
votion les  pacquets  de  libvres  que  vous  nous  avez  envoyez  par  la  voye 
des  marchands  de  cette  ville  qui  est  la  meilleure,  la  plus  brefve  et  la 
moings  incommode.  Vous  remerciant  trez  humblement  du  soing  que 
vous  daignez  prendre  de  me  faire  avoir  le  libvre  de  M"' Middorge^,  et 
de  rn'envoyer  le  bfllet  du  R.  P.  Mercene  à  qui  j'envoyeray  par  la  pre- 
mière comodité  de  cez  libvres  rituels  des  Eglises  Grecques  où  le  chant 
est  noté.  Mais  je  ne  sçay  si  ce  sera  rien  digne  de  luy,  et  si  dans  cez  vo- 
lumes qu'ils  ont  faict  imprimer  à  Venize  de  leurs  horologes'  et  aultres 
semblables,  ils  n'auront  pas  mis  la  mesme  chose  dont  il  y  a  plusieurs 
exemplaires  dans  Paris,  je  m'asseure.  Nous  attendrons  impatiemment 
cette  belle  epistre  de  S'  Clément.  Et  avons  veu  l'indice  du  Campanella 
et,  de  plus,  un  livre  imprimé  à  Padoiie,  du  Danube  et  de  son  origine 
et  de  plusieurs  aultres  rivières  que  le  cardinal  Bagni  m'a  envoyé,  le- 
quel je  pourroys  bien  vous  envoyer  par  le  prochain  ordinaire  pour  em- 


'  Les  odes  dont  il  a  été  fait  mention  ^  en 
ce  qui  regarde  Chapelain  et  Godeau ,  dans  la 
lettre  CXVIII,  et,  en  ce  qui  regarde  le  mys- 
térieux Pellant,  dans  la  lettre  GXIX. 

*  C'était  ï Examen  du  livre  des  Bécréattons 
mathématiques  et  des  problèmes,  où  sont  aussi 
discutées  et  rétablies  plusieurs  expériences 
physiques  y  proposées,  par  CI.  Mydorge, 
sieur  de  la  Maillarde  en  Picardie  (Paris, 
t633,  petit  in-8°).  Le  livre  avait  déjà  paru 


en  i63o  et  deviiit  reparaître  en  i634,  en 
i638,  en  i6/i3,  en  lôdg  et  en  17/13.  Voir 
divers  renseignements  sur  YExamen  et  sur 
les  Récréations  mathématiques  du  P.  Jean 
Leurechon  dans  le  Recueil  des  PP.  de 
Backer  et  Sommervogel  (t.  II,  col.  73 1- 
733). 

'  Peiresc  écrit  le  mot  conformément  h 
Tétymologie  [horologium).  Littré  n'a  pas  in- 
diqué la  forme  horologe. 


[1633]  AUX  FRÈRKS  DUPUY.  565 

pescher  de  gaster  les  cahiers  du  Philon  Byzantin  de  M'  Holstenius. 
Cependant  jo  demeureray 

voslre  trez  humble  et  Irez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  17  juillet  i633. 

Nous  avons  icy  le  R.  P.  General  des  Minimes  qui  s'est  hasté  ponr 
voir  M""  le  Premier  Présidant  avant  son  voyage'. 


CXXU 

À   MONSIEUR,   MONSIEUR  DU   P{!Y, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Je  n'adjousteray  rien  à  celle  que  je  vous  escrivis  dimanche  par  le 
retour  d'un  courrier  extraordinaire  de  M'  du  Lieu,  si  ce  n'est  les  nou- 
velles de  Gènes  cy  joinctes,  que  je  viens  de  recevoir,  estant  pressé  de 
clorre.  Aussy  bien  ne  sçauroys  je  vous  dire  si  ce  n'est  que  nous  avons 
depuis  sceu  plus  certainement  que  M'  nostre  Premier  Présidant  monta 
à  cheval  luy  cinquiesme  à  deux  lieues  d'icy  sammedy  sur  les  3  ou 
ti  heures,  et  r'envoya  son  carrosse,  ayant  surprins  tout  le  monde,  et  n'y 
eust  que  le  bon  homme  M'  Ollivier,  doyen  du  Parlement '\  qui,  regret- 
tant de  ne  luy  avoir  pas  bien  dict  adieu,  monta  à  cheval,  et  l'alla  r'at- 
laindre  à  Sallon,  à  la  couchée,  d'où  il  s'en  alla  par  aprez  en  Arles 
attendre  Madame  la  Première  Prcsidante  qui  partit  d'icy  la  nuict  du 
dimanche  au  lundy  avecla  famille,  exceptez  les  deux  plus  petits  garçons 
logez  aux  PP.  de  l'Oratoire.  Monsieur  le  Mareschal  partit  le  mesme 
jour  du  sammedy  pour  aller  à  Marseille  la  nuict,  d'où  il  est  revenu 
cette  nuict,  à  la  mode  du  pais,  car  depuis  deux  ou  Iroys  jours,  les  chal- 
leurs  sont  si  excessives  qu'il  vault  mieux  aller  la  nuict  que  le  jour.  J'ay 

'  Vol.  717,  fol.  959. —  '  Nous  avons  déjh  trouve  le  mot  bon  homme  einpioyt?  dans  le 
sens  (riioiiime  tige.  Voir  t.  I,  p.  .'ioo. 


566  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

faict  venir  par  Gènes  les  volumes  Arabes  de  l'édition  de  Milan  que 
j'attends  à  Marseille  d'heure  à  aultre.  J'ay  demandé  ce  livre  du  Duc  de 
Savoye  pour  sa  qualité  d'Altezza  real,  et  vous  en  envoyeray  si  tost  que 
j'en  pourray  avoir,  estant  de  tout  mon  coeur, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  irez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  19  juillet  i633. 

Je  viens  d'avoir  des  lettres  du  R.  P.  Dom  du  Puy  du  28  juin,  où  il 
me  confirme  la  nouvelle  du  Galilée  aagé  de  70  ans,  logé  chez  l'Am- 
bassadeur de  Toscane,  glorieux  d'avoir  esté  eslargy  en  si  peu  de  jours, 
et  si  avantageusement,  et  qu'on  avoit  regret  de  l'avoir  si  mal  traicté. 

L'on  me  dict  que  M'  de  Lomenie  s'en  va  à  la  Ville  aux  Clercs'.  Je 
croys  que  vous  mettrez  ordre  que  les  Euclogues^  soient  ouvertes  chez 
luy.  Cela  m'empesche  d'aller  bazarder  le  Philon  de  M"'  Holstenius  de 
peur  qu'il  n'aille  courir  si  loing  et  jusques  à  ce  que  je  sçaiche  quel 
ordre  vous  aurez  mis  à  cela  '. 


CXXIII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Le  dernier  ordinaire  nous  a  apporté  vostre  despesche  du  1 5  et  du 
mesme  bureau  nous  avons  receu  depuis  le  fagot  de  libvres  où  vous  aviez 
mis  les  tables  de  Lansbergius,  les  oeuvres  de  Metius*,  et  deux  pièces 


'  Aujourd'hui  commune  de  Loir-et-Cher, 
arrondissement  de  Vendôme ,  canton  de  Mo- 
rëe,  k  lij  kilomètres  de  Blois. 

'  Il  s'agit  là  des  Églogues  ou  fragments 
dont  il  a  'été  déjà  question  ici.  Le  mot  a  été 


écrit  d'une  façon  confuse  et  incomplète  et  on 
le  devine  plus  qu'on  ne  le  lit. 

■*  Vol.  717,  fol.  269. 

*  Nous  avons  déjà  trouvé  mention  du  géo- 
mètre hollandais  Adrien  Metius  et  de  ses  ou- 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  567 

de  Jonstonu8',runein  i  a"  et  raiiltre  in  i  6",  avec  les  epigrammes  latins^, 
dont  je  vous  remercie  Irez  humblement;  nous  avions  eu  par  la  mesme 
voye,  et  sous  l'addresse  du  sieur  Perrin ,  qui  est  le  respoudant  desMoreaux 
de  cette  ville  (qui  ont  achepté  l'ordinaire),  un  aultre  fagot  ofi  esloient 
les  Papes  du  sieur  Bosquet^,  lequel  nous  avons  gouverné  de  tout  un  jour 
avec  plaisir,  ne  pouvant  assez  loiier  sa  modestie.  Il  s'en  va  à  Narbonne 
chez  luy,  pour  revenir  au  commancement  de  septembre,  et  passer  en 
Italie  avec  M""  de  Nouailles  *.  N'ayez  pas  de  regret  au  pacquet  du  minime 
couvert  de  verd;  j'ay  tant  d'amys  dans  cet  ordre  là,  qu'ils  ont  droict 
d'user  de  toute  liberté  avec  moy;  c'est  un  de  leur  ordre ^  qui  m'a  pro- 
curé la  pluspart  de  cez  Pentaleuques  Samaritains  et  aultres  bons  livres. 
La  commodité  est  maintenant  si  belle  des  balles  de  cez  Moreaux  qui 
viennent  louts  les  moys,  que  pour  5  sols  la  livre  on  est  quitte  sans 
avoir  la  peine  et  le  soing  d'en  escrire  à  Lyon  ou  ailleurs.  Mais  ils  n'ont 
pas  encor  estably  le  commerce  d'icy  à  Paris  comme  celuy  de  Paris  icy. 
On  est  pourtant  aprez  et  lors  les  livres  marcheront  aussy  librement  et 


vrages  de  mnlhdmaliques  (t.  I,  p.  338).  La 
liste  complète  des  œuvres  de  Metius  a  été 
donnée  par  Weiss  dans  la  Biographie  univer- 
selle. La  dernière  publication  du  gëomèlre 
d'Alcmaer  [Primum  mobile  astronomice,  etc.) 
e8tdei63t  (Amsterdam).  Une  nouvelle  édi- 
tion, revue  et  augmentée  par  Guillaume  Blaeu 
(Amsterdam,  i633,  in-/(°),  faisait  sans 
doute  partie  de  l'envoi  dont  Peiresc  accuse 
ici  réception: 

'  C'est  très  probablement  Arthur  John- 
ston,  docteur  en  médecine  et  poète  latin,  né 
près  d'.4berdeen  en  1687,  mort  à  Oxford  en 
1 64 1 ,  après  avoir  longtemps  professé  au  col- 
lège de  Sedan.  I^s  pièce»  dont  parle  Peiresc 
doivent  être  des  fragments  de  la  traduc- 
tion des  Psaumes  :  Psalmorum  Davidis  pa- 
raphrasis  poetica,  laquelle  parut  en  1637, 
fi  Aberdeen  et  h  Londres.  Les  bibliogra- 
phes signalent  un  échantillon  de  cette  tra- 


duction qui  fut  publié  h  Londres  en  i633. 

'  On  sait  que  le  mot  épifframme  a  élé  long- 
temps de  genre  incertain,  et  que  plusieurs 
écrivains  du  xvi'  siècle,  notamment  Aniyot 
et  Montaigne,  l'ont  employé  au  masculin. 

'  Les  Papes  d'Avignon,  c'est-à-dire  Hit- 
toria  ab  aniio  Christi  nnccv  ad  nnnum 
Mcccxçir  ev  mss.  cotlicibus  Hunc  priinum 
édita  et  noiis  illuslrata  (i63a).  Voir  ce 
qu'en  dit  (p.  378)  Gass^^ndi,  qui  donne  à 
Bosquet  le  titre  de  jurisconsulte  et  parle  de 
lui  comme  d'un  homme  très  recommandable  : 
viri  commendatissimi . 

*  Le  comte  de  Noailles,  ambassadeur 
de  la  cour  de  France  auprès  de  la  cour  de 
Rome,  déjh  mentionné  plus  haut.  Bos- 
quet ne  suivit  ps  en  Italie  le  comte  de 
Noailles. 

'  C'éUiit  le  P.  Théophile  Minuti  dont  il 
sera  question  plus  loin. 


568  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

seurement  que  les  lettres.  Je  les  en  presse  tous  les  jours  pour  envoyer 
le  Pentateuque  qui  me  reste,  par  le  moyen  duquel  on  peult  suppléer  la 
version  Arabique  de  mon  Tritaple,  et  cez  livres  des  Rituels  et  musique 
des  Grecs  pour  le  bon  P.  Mercene.  J'ay  desja  envoyé  à  M"'  Gassend  les 
tables  de  Lansbergius  que  je  fis  couldre  hier  precipitament  pour  ne 
perdre  l'occasion  de  le  luy  faire  tenir  par  un  amy,  tant  il  en  avoit  d'im- 
patiance.  J'admire  les  irrésolutions  de  voz  libraires  pour  l'epistre  de 
S'  Clément;  mais  s'il  y  a  moyen  d'en  avoir  une  coupple  d'exemplaires 
d'Angleterre,  je  l'aymeray  bien  mieux.  Le  P.  Sirmond  a  grand  tort  de 
ne  vouloir  donner  celle  de  S'  Barnabe.  Je  luy  en  veux  escrire,  et  pos- 
sible en  advertiray  le  cardinal  Barberin,  pour  l'en  prier,  car  il  y  fault 
quelquefoys  de  cez  petites  façons,  à  la  mode  d'Italie,  lors  mesmes  qu'on 
a  plus  d'envie  de  faire  quelque  chose.  Je  vous  rends  grâces  trez  humbles 
des  réitérez  offices  pour  le  Théophile  du  bon  M""  Fabrot.  Cez  Italiens 
sont  bien  de  loisir  de  croire  que  voz  libraires  leur  baillent  de  l'argent 
pour  cez  pièces  d'Onuphrius,  puis  que  cette  epistre  de  S'  Clément  est 
négligée  de  la  sorte,  et  tant  d'aultres  bonnes  pièces  des  plus  doctes 
du  temps. 

Il  nous  tarde  bien  de  voir  le  Tertullian  de  M'  Rigault,  et  je  n'ay 
pas  trouvé  sa  resolution  moings  estrange  que  vous'.  Mais  s'il  veult 
estre  du  monde,  je  n'improuve  poinct  son  dessein,  puis  que  la  commo- 
dité du  prix  de  cet  ofiice  à  2Ù  mille  livres  luy  ouvre  la  porte  à  un  s^ 
bel  employ  pour  son  filz.  Et  qui  sçait  si  un  service  par  luy  rendu,  ad- 
venant occasion  de  vacance  de  quelque  meilleure  charge  en  ce  pais  là, 
ne  pourvoit  pas  le  porter  plus  hault,  avec  la  créance  qu'il  a  et  sa  rare 
doctrine  et  de  là  à  Paris  ou  au  conseil.  Mais  il  peult  dire  adieu  aux  Muses, 
s'il  se  met  à  cela.  Car  le  semestre  de  vacance  sera  bien  court  à  mon 
advis,  et  bien  que  les  lettres  ne  soient  maintenant  en  prix  parmy  cez 
peuples,  l'envie  leur  en  prendra  facilement,  principalement  si  des  gents 
de  ce  qualibre  la  s'en  meslent  à  leur  veùe.  Car  M'  du  Vair  tout  seul  les 


'  La  résolution  d'acheter  un  office  de  conseiller  au  parlement  de  Metz,  ce  qui  ne  tarda  jias 
à  être  exécute. 


11633]  AUX  FRf:RES  DLPUY.  569 

a  introduictes  en  ce  pais  cy  en  sorte  qu'il  y  a  plus  de  curieifx  que  vous 
ne  croiriez  pas,  et  s'y  est  l'aict  quelques  hommes  d'importance,  entr'aui- 
tres  M'  du  Perier,  advocat  en  la  cour',  (jui  faict  des  actions  au  barreau, 
qui  seroient  possible  bien  dignes  du  vostre,  hors  de  quelque  mot  du 
jarfjon  du  pais,  bien  qu'il  s'en  delleiide  tant  qu'il  peult.  Quant  à  M' Bou- 
chard, je  me  trouve  bien  einpesché  de  mes  contenances,  car  je  vouidroys 
faire  pour  luy  summum  de  poteiitia  pour  vostre  respect  et  pour  ses 
mérites  sureminants.  Mais  j'ay  uue  lettre  d'un  minime  nommé  le  P.  Ja- 
ques, qui  m'escriptque  M'' Holstenius  a  eu  cette  place  dont  est  question, 
et  persone  aullre  ne  m'en  dit  un  seul  mot,  encores  que  j  aye  tout 
plein  de  lettres  tant  de  rKves(|ue  de  Vaison  que  du  sieur  Meneslrier 
et  aultres  employez  à  cela  cy  devant.  Et  M''  Holstenius  est  en  reste  de 
m'escrire  de  plus  d'un  nioys  sur  les  despesches  que  je  fis  à  son  inten- 
tion, qui  n'estoient  pas  sans  quelque  rapport  à  cela,  bien  que  je  ne 
ju{{easse  que  par  presomtion  que  le  .sieur  Suarez  pourroit  avoir  cet 
evesché  dont  nous  sçavions  lors  la  vacance.  Tellement  que  si  j'en  es- 
cripts,  je  ne  le  puis  faire  si  ce  n'est  que  conditionnellement,  au  cas  que 
M'  Holstenius  ne  s'en  voulust  pas  char^jer  luy  mesmes.  El  le  mal  est 
que  je  n'ay  guieres  de  temps  à  délibérer,  car  l'ordinaire  doibt  passer 
niercredy  ou  jeudy  dans  lequel  temps  il  fauldra  se  resouldre.  Ce  pen- 
dant je  vous  remercie  bien  humblement  de  la  communication  de  sa 
lettre  où  j'ay  prins  plaisir  de  voir  ce  qu'il  dict  du  pauvre  Galib^e.  Au 
reste  nous  avons  aujourdhuy  employé  une  partie  du  jour  à  gouverner  le 
P.  Gilles  de  Loches,  cappucin^,  et  le  P.  Cesarée,  son  collegue\  qui  re- 


'  Scipion  du  Përier,  surnommé  le  Papi- 
nien  modei'iie,  di'jà  mentionné  plusieurs  fois. 

'  On  conserve  dans  le  registre  IV  des 
Minutes  de  l'Inguiniberline  diverses  lettres 
de  Peirescau  R.  P.  Gilles  de  Loclies,  capu- 
cin, notamment  une  lettre  du  aa  août  i633 
(fol.  3io),  une  autre  du  9o  décembre  i633 
(fol.  3 1 9),  (juatre  lettres  écrites  du  a o  mars 
i634  au  9  avril  i63/i  (fol.  334-336),  etc. 
Gilles  de  Loches  {/Eg^idius  Lochientit)  est 


mentionné  (p.  Sgi)  par  Gassendi ,  qui  le  pro- 
clame ftvir  omnino  bonus  «  et  qui  rap[)eUe 
qu'il  avait  passé  sept  ans  en  Orient,  où  il 
avait  appris  diverses  langues  et  où  il  s'était 
occupé  avec  le  plus  grand  /.èle  de  In  re- 
cherche d'anciens  manuscrits. 

'  Comme  les  deux  collègues  furent  d'in- 
séparables compagnons ,  on  n'a  jmis  de  lettres 
de  Peiresc  au  P.  Cesarée;  il  écrivait  tou- 
jours au  P.  Gilles  de  Loches. 


570  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633| 

viennent  d'yEgypte  par  Rome,  lesquels  m'ont  confirmé  l'embrasement 
advenu  en  yEthiopie  le  mesme  hyver  de  celuy  du  Vésuve',  et  de  plus 
m'ont  apprins  le  nom  de  la  montagne  qui  est  appellée  de  Sem  (qui 
veult  dire  en  Abyssin,  du  nom)  et  adjoust<'i  que  la  montagne  estoit  ha- 
bitée par  des  peuples  Juifs  en  divers  villages,  lesquels  en  estoient  les 
maistres  soubs  la  souveraineté  du  prestre  Jean,  ce  qu'ils  n'avoient  en 
aulcun  aultre  lieu  du  monde  où  ils  sont  esclaves  partout.  Mais  cet  em- 
brasement les  a  surprins,  bruslez  et  ruinez  la  plus  part  en  haine, 
comme  on  croid  sur  les  lieux,  de  ce  qu'ils  estoient  partisans  du  nou- 
veau Roy  des  Abyssins,  ennemy  des  chrestiens  Catholiques.  Ce  qu'il 
dict  de  plus  pour  le  temps  est  qu'il  lient,  bien  que  sans  certitude  pré- 
cise, que  cet  embrasement  1;\  aye  prévenu  celuy  du  Vésuve  de  quelques 
moys,  mais  les  Marseilloys  opiniastrent  le  contraire  [et]  disent  que  s'il  y 
a  de  la  diiïerance  elle  est  fort  petite,  et  ont  fait  voilleavec  un  fort  beau 
temps  la  veille  de  la  Madelaine  [pour]  retourner  au  Cayre  d'oii  ils  me 
promettent  de  belles  relations.  Ce  cappucin  m'a  parlé  d'une  seule  biblio- 
thèque de  huict  mille  volumes  m[anu]s[crit]s  dont  aulcuns  sont  cottez 
du  temps  de  S'  Antoine  qui  y  avoit  habité  ^.  L'épistre  de  S'  Clément 
n'estoit  pas  de  gueres  plus  fraische  datte'.  J'ay  grande  espérance  de  ne 
mourir  pas  sans  recouvrer  quelque  bonne  pièce  Dieu  aydant  et  sans 
vous  pouvoir  tesmoigner,  au  moings  par  ma  bonne  volonté ,  que  je  suis 
de  tout  mon  coeur. 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE   PEinESC. 
A  Aix,  ce  a3  juillet  i633. 

'  Voir  dans  Gassendi  (p.  SgS)  un  assez  '  C'est  ce  que  Gassendi  rapporte  ainsi 

long  passage  qui  commence  ainsi  :  rCum  (p.  SgS)  :  ft Memorabile  autem  est,   visam 

porro  idem  optimus  vir  mentionem  obiter  ipsi  bibliothecam  octies  et  mille  voluminum , 

fecisset    iusignis   incendii ,  quod    in  Semo  quorum  pare  non  exigua  pr«e  se  ferret  aevi 

jEthiopum  monte  eodera  lempore  contigil  Antoniani  notas,  i 

quo  Vesuvianum  in  Italia.  .  .  n  Le  récit  de  '  Citons  encore  Gassendi,  qui  (p.  Sgi) 

Gassendi  se  prolonge  jusqu'à  la  fin  de  la  rap|)elle  que  i'épître  de  saint  Clément  aux 

page  396.  Corintliiens  avait  été  apportée  d't^gypte  et 


[1633J  AUX  FKÈUKS  DUPUY.  67t 

Ce  bon  père  n'avoit  jamais  peu  voir  en  ^Egypte  ia  plante  du  Papyrus 
que  je  iuy  ay  nionslrée;  vray  est  qu'il  n'estoit  jamais  uioiité  à  contre 
mont  du  Nil  jusque»  au  Sait  où  est  l'abondance;  il  a  prins  grand  plaisir 
de  la  voir.  Je  n'ay  poinct  peu  avoir  de  peinctre  pour  la  portraire  pour 
encores;  ce  sera  par  le  premier  Dieu  aydant.  11  a  prins  grand  plaisir 
aussy  à  voir  dans  le  Philo  Bysantin  la  description  de  la  fabrique  des 
Pyramides  bien  différante  de  ce  (déchirure)  qui  n'est  que  le  noyeau  ou 
la  carcasse  de  ce  qui  aultres  foys  esloit  reveslu  de  marbres  et  pierres 
précieuses  de  toutes  couleurs,  qui  rendoient  les  degrez  accessibles,  ce 
qu'ils  ne  sont  pas  à  présent  qu'avec  grande  peine  et  destour  pour  passer 
d'un  degré  à  l'aultre'. 


CXXIV 
À  MONSIKUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Vous  avez  fort^bien  deviné  que  trez  volontiei-s  j'ay  payé  le  port  de 
l'epistre  de  S'  Clément,  qui  nous  a  donné  et  à  tout  plein  d'honnesles 
gents  qui  le  meritoient  mieux  que  moy  un  trez  agréable  entretien;  si 
elle  fust  arrivée  un  jour  plus  tosl,  elle  eust  passé  les  monts  avec  l'or- 
dinaire de  Rome,  où  elle  est  attendue  en  bonne  dévotion  et  grande 
impatiance.  Mais  à  quelque  chose  malheur  a  esté  bon,  car  nous  n'eus- 
sions pas  eu  le  moyen  de  la  voir  à  son  passage  que  par  le  lillre.  Et 
possible  arrivera  t'elle  encor  assez  à  temps  par  le  prochain  ordinaire 
pour  ne  pas  estre  prévenue  par  d'aultres,  si  voz  exemplaires  ne  vous 
sortent  des  mains  pour  prendre  cette  loutte  là.  J'y  ay  envoyé  tous  les 

de ConsUintinople  en  Angleterre,  où  clic  ve-  ù  ce  sujet  «laus  l'ai-licle  li'isaniberl  sur  saint 

nail  (l'être  publiée.  On  s'est  beaucoui)  occupé ,  Giéiueul  (  Nouvelle  biographie  générale ,  t.  X , 

parmi  les  critiques  ecclésiastiques  comme  p.  157). 

parmi  les  critiques  profanes,  de  cette  épitre  '  Vol.  717,  loi.  a63. 

de  saint  Clément.  Voir  divers  renseignements 

7«- 


572  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

pacquets  que  vous  m'aviez  adressez  pour  le  R.  P.  Dom  du  Puy,  dont 
le  dernier  a  esté  porté  par  le  député  de  la  ville  de  Carpentras;  les 
aultres  deux  précédants  sont  allez  par  la  poste  à  deux  diverses  foys.  Le 
pauvre  M''  Gassend  va  bien  estre  mortifié  de  ce  que  le  livre  des  Isles 
flottantes'  est  eschappé ,  car  il  l'attendoit  avec  une  estrange  impatiance, 
et  s'il  y  a  moyen  d'en  faire  venir  une  coupple  d'exemplaires  vous  nous 
obligerez  bien.  Il  y  a  plus  d'un  moys  que  j'avoys  garny  une  tren- 
teine  de  pistoles  pour  en  charger  M''  de  Piensin  de  Toulon;  mais  allant 
dire  adieu  à  M'"  le  Mareschal  hors  de  la  ville,  il  oublia  de  me  venir  dire 
adieu,  et  depuis  il  n'est  party  persone  de  cognoisçance  que  j'aye  sccu, 
n'ayant  pas  osé  les  mettre  dans  le  pacquet  de  la  poste  à  cause  des  def- 
fances,  et  de  faict,  parce  que  vostre  dernier  pacquet  du  S*  Clément 
estoit  plus  pesant  que  l'ordinaire  pour  estre  le  livre  bien  battu ,  on  avoit 
deschiré  l'enveloppe  par  un  bout  pour  voir  d'où  procedoit  sa  pesanteur, 
mais  les  curieux  n'y  trouvèrent  que  des  feuilles  imprimées.  Je  suis  fort 
aise  que  l'édition  des  Historiens  de  M'  du  Chesne  commance  à  rouller, 
mais  je  seroys  bien  mortifié  si  cela  acculloit^  le  Théophile  du  bon 
M'  Fabrot.  M""  de  la  Fayette  a  eu  sa  lettre  en  main  propre  dez  sam- 
medy  matin.  Pour  M"^  Lhuillier,  à  faulle  de  lettres  de  M'  Gassend  qui 
n'aura  pas  trouvé  de  porteur  à  poinct  nommé,  je  luy  escripts  un  mot, 
comme  j'avoys  faict  l'aultre  foys,  et  n'eusse  pas  manqué  de  le  laisser 
soubs  vostre  enveloppe  comme  de  coustume,  sçaichant  le  plaisir  que 
vous  prenez ,  et  l'advantage  qu'il  y  a  d'avoir  des  lettres  plus  tost  que 
plus  tard,  mais  j'avoys  lors  prins  cette  occasion  pour  luy  recommander 
le  petit  M"'  Gailhard,afin  de  luy  donner  entrée  chez  luy,  comme  vous 
pourrez  voir  par  la  response  qu'il  m'en  a  faicle  par  le  dernier  ordinaire 
où  il  accuse  la  réception  de  ma  lettre  dez  le  mercredy  au  matin,  et  je 
croys  bien  que  vous  ne  les  recevez  pas  devant  le  mardy.  Je  pensoys 
vous  avoir  aultres  foys  envoyé  le  nom  de  ce  présidant  Montcalius  qui 
n'est  poinct  aultre  en  vulgaire  que  du  présidant  de  Montcal,  mais  j'ay 

'  Le  livre  du  P.  Dausque  {Dausquhis)  mentionné  un  peu  plus  haut  (lettre  CXIX).  — 
'  Acculer  signifie  ici  reculer,  retarder. 


|1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  573 

prins  extraict  d'un  contract  pour  avoir  son  propre  nom,  surnom  et 
qualitez;  son  petit  (ilz,  qui  esloit  cez  jours  passez  en  cette  ville,  s'ap- 
pelle encores  M'deMontcal,  qui  est  une  terre  en  Languedoc  du  diocèse 
d'Usez,  comme  je  pense,  mais  il  se  tient  en  Arles.  On  m'a  bienaujour- 
dhuy  desrobé  du  temps  que  j'avoys  destiné  à  escrire  en  voz  quartiers. 
C'est  pourquoy  je  suis  constraint  de  clorre,  ne  pouvant  rien  remettre  à 
demain  au  matin  à  cause  qu'il  me  fauidra  entrer  au  Palais  pour  servir 
à  la  cliambre  des  vacations  durant  ce  moys  d'aoust.  Seulement  vous 
diray  je  confidament  une  chose  que  je  debvrois  taisre  (mais  à  vous  je 
ne  le  sçauroys),  à  sçavoir  qu'on  me  faict  feste  d'un  concile  d'Arabie  fort 
ancien  tenu  en  la  ville  du  Moncal  prez  l'embouscheure  de  la  mer  Rouge', 
qui  vauldra  la  peine  de  l'avoir  demandé,  et  si  je  le  puis  une  foys  tenir, 
ce  me  sera  une  grande  consolation  du  deffault  de  mes  dernières  caisses; 
mais  il  ne  nous  en  fauidra  pas  vanter  s'il  vous  plaist  et  que  cela  ne 
passe  poinct  plus  oultre  que  de  ceux  de  vostre  maison.  Et  avec  cette 
bonne  bouche  je  demeureray. 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  1  aoust  i633. 

L'Ambassadeur  de  Gènes  trouva  sammedy,  arrivant  à  Marseille,  deux 
galères  de  Gènes  qui  y  arrivèrent  en  mesme  temps  que  iuy,  sur  les- 
quelles il  s'embarqua  hier  au  matin. 

En  fermant  cette  despesche,  il  est  passé  un  courrier  extraordinaire 
pour  Rome,  par  qui  j'ay  envoyé  les  epistres  de  S'  Clément  sans  que 
nous  les  ayons  bien  peu  gouster  ne  faire  voir  à  plusieurs  aniys  qui  en 


'  Montréal  ou  Monl-Royal  (5tait  le  chef-  an  nord  du  golfe  d'Akaba.  Voir  Ludolphe 

lieu  d'une  principautiî  lalino-française  du  de  Sudheiin,  dasis  son  Iter  Terra  S<utcUt 

royaume  de  Jérusalem.  Celle  ville  nVlail  {\rckkes  de  l'Orient  latin,  \..\\\,  a' 'Çtar{ie, 

pas  sur  les  bords  de  la  mer,  mais  bien  dans  p.  356;   Isambert,   Itinéraire  de  l'Orient, 

l'Arabie  Pétrée;  ses  ruines  se  voient  encore  t.  III,  p.  67). 
dans  l'endroit  acluellemenl  nommé  Scliôbek , 


57i 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1633; 


ont  grande  envie;  de  sorte  que  si  vous  nous  en  pouvez  envoyer  un 
auitre  exemplaire  par  la  poste,  nous  n'en  plaindrons  pas  la  voicture,  et 
vous  y  obligerez  bien  des  honnestes  gents^ 


GXXV 
À  MO^SIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Depuis  la  réception  de  voz  dernières  despesches  du  29  du  passé,  je 
pensoys  vous  pouvoir  escrire  tout  à  loisir,  mais  il  m'a  fallu  employer 
le  temps  à  visiter  l'un  des  cartulaires  de  S*  Victor  de  Marseille  que  je 
n'avoys  pas  veu,  qui  a  esté  apporté  en  cette  ville  pour  certaines  af- 
faires, ayant  eu  le  moyen  de  le  parcourir  tout  assez  exactement;  mais 
comme  je  pensoys  en  faire  transcrire  quelques  pièces  au  long,  on  me 
l'est  venu  vendiquer  à  ce  soir  à  mon  grand  regret;  j'en  avois  pourtant 
fait  tirer  quelques  pièces,  entr'aultres  une  que  vous  pourrez  voir  du 
roy  Alphonse  VI  de  Castille-,  que  j'envoye  à  M''  Godefroy,  dans  la- 
quelle est  nommé  son  prince  HENRY  de  Bourgogne,  souche  des  roy  s 
de  Portugal  ',  avec  sa  femme  Thérèse*  et  son  beau  frère  le  comte  Rai- 
mon^,  avec  d'aultres  personnes  dignes  de  remarque  en  leurs  alliances. 
Vous  verrez  ce  que  je  luy  en  viens  d'escrire  à  la  haste  sans  avoir  peu 
monter  à  mon  estude  que  le  chault  m'a  faict  abandonner  ''  pour  vérifier 
quelque  chose  de  cez  alliances  sur  les  libvres  de  ce  païs  là.  Je  m'as- 


'  Vol.  717,  fol.  966. 

'  Sur  Alphonse  VI,  sui-nommé  le  Vail- 
lant, voir  le  chapitre  des  Rois  de  Castille  et 
de  Léon  dans  Y  Art  de  vénfier  les  dates,  édi- 
tion de  1818,  t.  VI,  p.  5/io-5/i5. 

'  Siir  Henri  de  Bourgogne,  voir  la  Chro- 
nologie historique  des  rois  de  Portugal  dans 
VArt  de  vérifier  les  dates,  t.  VII ,  p.  i-a. 

'  The'rèse,  fille  naturelle  d'Alphonse  VI, 


devint  en  1094  ou  1095  la  femme  de  Henri 
de  Bourgogne. 

'  Il  s'agit  là  de  Raymond  IV,  dit  de  Saint- 
Gilles  ,  comte  de  Toulouse  en  1 088  et  auquel 
succéda,  en  iio5,  son  fils  Bertrand. 

'  Cette  phrase  nous  apprend  que  la  bi- 
bliothèque de  Peiresc  n'était  pas  située  au 
rez-de-chaussée  de  sa  maison  ;  elle  était  sans 
doute  au  premier  étage. 


[1633]  AUX  FRKRES  DUPUY.  675 

seure  que  M'  Besly,  Messieure  de  S**  Marthe  et  M'  du  Chesne  verront 
aussy  bien  volontiers  cette  pièce,  de  laquelle  je  nay  rien  peu  retenir 
que  la  datte;  c'est  pourquoy  je  vous  prie  de  me  la  faire  renvoyer 
quand  on  en  aura  faict,  n'ayant  pas  voulu  difl'erer  au  |)rocliain  ordi- 
naire pour  ne  retarder  d'auitant  le  plaisir  de  M'  Godefroy  et  de  cez 
aultrcs  Mess".  J'ay  receu  tout  plein  de  lettres  d'Italie,  que  je  n'ay 
poinct  leiies,  pour  ne  me  destourner  de  l'entretien  de  ce  livre,  tandis 
que  je  le  tenoys.  Cependant,  puis  que  vous  m'asseurez  que  M'  de  Lo- 
menie  ne  Lougc  de  Paris,  j'ay  bazardé  à  la  poste  soubs  son  nom  le 
Philon  Byzantin  de  M''  Holstenius,  pour  profliter  le  temps  que  M'  Hi- 
gault  y  est  encores  puis  qu'il  le  desiroit,  à  ce  qu'il  vous  pleut  m'en 
escrire,  estant  niarry  qu'il  soit  si  succint,  mais  encores  y  a  t'il  bien 
du  plaisir  de  le  voir  tel  qn'il  est,  et  de  le  comparer  à  la  description 
que  font  ceux  qui  ont  veu  les  niazures  d'aulcunes  des  fabriques  y 
mentionnées,  avec  ce  qu'il  en  dict.  Gomme  nous  y  eusmes  un  Irez 
agréable  entretien  dernièrement  que  le  P.  Gilles  de  Losches  estoit  icy, 
sur  le  subject  des  Pyramides  du  Cayre,  qui  ne  sont  plus  que  le  noyeau 
aultres  foys  reveslu  ou  encrousté  d'aultres  moindres  quartiers  de  pierre 
ou  marbre  de  diverses  couleurs,  subdivisez  d'un  degré  à  aultre,  pour 
en  rendre  l'accez  plus  facile,  car  aujourd'huy  il  fauldroit  que  ce  fussent 
des  grands  géants  qui  peussent  enjamber  d'un  degré  à  l'aultre.  11  fauldra 
avoir  soing  de  ce  petit  cahier,  d'aultant  qu'il  est  corrigé  de  la  main  de 
M'  Holstenius,  à  qui  il  me  le  fauldra  restituer,  n'en  ayant  rien  peu 
retenir  par  devers  moy,  h  faulte  de  bon  coppiste  Grec.  J'y  ay  moy  ad- 
jouslé  ce  libvre  du  Danube  de  Math.  Ferchio ,  que  le  cardinal  Bagni 
m'avoit  envoyé  pour  servir  d'enveloppe,  et  pour  la  conservation  des 
feuilles  du  Philon.  Je  recevray  et  feray  Irez  volontiers  tenir  à  Rome 
les  oeuvres  de  feu  M'  de  Thou  ',  mais  pour  les  garentir  de  l'Inqui- 
sition, il  en  fauldra  faire  l'adresse  au  cardinal  Barberin  et  je  tascbe- 
ray  d'y  joindre  quelque   aultre  chose  pour  luy  mesme.  Autrement 


'  Les  œuvres  anciennement  publk^s,  car  je  ne  vois  aucune  ^itiou  de  oes  œuvres  soit  ea 
i633,  soit  dans  les  dix  ou  douze  annt'es  précëdeates. 


576  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

il  y  auroit  bien  de  la  peine  à  le  tirer  des  mains  de  l'Inquisition,  si  ce 
n'est  en  faisant  l'addresse  au  General  des  Jacobins  qui  est  fort  de 
mes  amys  ou  à  l'Inquisiteur  mesme,  bien  que  je  ne  le  cognoisse  pas, 
sur  quoy  je  seray  bien  aise  que  vous  me  mandiez  vostre  sentiment, 
car  M''  l'abbé  de  Bonneval  s'en  desmelera  bien  s'il  l'entreprend.  Il 
fault  faire  diligence  de  l'envoyer  pour  ne  perdre  l'occasion  du  passage 
de  M""  de  Nouailles  à  ce  moys  de  septembre.  J'ay  receu  de  Gènes  les 
U  volumes  du  Thresor  de  la  langue  Arabique  de  ce  Giggaeius  de  la 
bibliothèque  Ambrosienne',  dont  j'ay  faict  feste  au  P.  Athanase  Kircher 
en  Avignon,  pour  luy  faire. anticiper  sa  venue,  afin  de  venir  achever 
sa  traduction  de  son  Raby  BARACHIAS. 

Le  livre  de  ce  ministre  Aubertin^  porte  un  tiltre  bien  insolent  et 
mal  supportable  en  France  aprez  la  prise  de  la  Rochelle  \  Je  viens 
d'en  recevoir  un  du  costé  d'Orange  d'Erycius  Puteanus*,  imprimé 


'  ^Wg"*'  (Ant.)  Thésaurus  linguœ  ara- 
bica'. Mediolani,  ex  Ambrosiani  collegii  typo- 
graphia  excudebat  J.  P.  Ramellatus,  i63a, 
4  vol.  in-foi.  Voir  Manuel  du  libraire,  t.  II, 
col.  1589.  Sur  l'orientaliste  Antoine  Giggei, 
mort  en  1682,  l'année  même  oh  parut 
son  Thésaurus,  voir  l'article  de  Jourdain 
dans  la  Biographie  universelle. 

''  Edme  Aubertin,  né  en  1 5  96  à  Châlons- 
sur-Marne ,  selon  la  Nouvelle  biographie  gé- 
nérale,  en  1596  à  Vitry- le- Français  selon 
la  France  protestante,  fut  professeiu-  à  Char- 
tres pendant  neuf  années ,  pasteur  pendant 
vingt-cinq  années  à  Paris,  et  mourut  dans 
cette  ville  le  5  avril  i652. 

'  Voici  le  titre  de  ce  livre  en  sa  seconde 
édition  (Genève,  i633,  in-fol.):  «L'Eucha- 
ristie  de  l'ancienne  Eglise,  ou  Traité  auquel 
il  est  montré  quelle  a  été  durant  les  six  pre- 
miers siècles,  depuis  l'institution  de  l'Eu- 
charistie ,  la  créance  de  l'Eglise  touchant  ce 
sacrement  :  le  tout  déduit  par  l'examen  des 
écrits  des  plus  célèbres  auteurs  qui  ont  fleuri 


pendant  ce  temps,  avec  réponse  à  tout  ce 
que  les  cardinaux  Bellarmin ,  du  Perron  et 
autres  adversaires  de  l'Eglise  ont  allégué  sur 
cette  matière.  «  La  première  édition  avait  été 
publiée  à  Pai-is  en  1626  (et  non,  comme  le 
dit  la  Nouvelle  biographie  générale ,  en  1  6  2  9  ) 
sous  ce  titre  :  Conformité  de  la  créance  de 
l'Eglise  et  de  S.  Augustin  sur  le  sacrement  de 
l'Eucharistie.  D'après  /«  France  protestante 
(seconde  édition),  itle  clergé  catholique, 
indigné  de  ce  qu'Aubertin  avait  osé  taxer 
deux  cardinaux  d'adversaires  de  l'Église ,  et 
s'arroger  la  quahté  de  pasteur  de  l'Eglise 
réformée,  sans  y  ajouter  l'épitbète  de  pré- 
tendue,  se  plaignit  de  cette  double  énormité. 
Des  poursuites  judiciaires  furent  commen- 
cées contre  lui  à  la  requête  de  l'arche- 
vêque de  Paris.  Elles  furent,  il  est  vrai, 
bientôt  abandonnées ...» 

*  Henri  Dupuy  (en  langue  flamande 
Van  de  Putte)  a  été  déjà  mentionné  en  ce 
volume  (lettre  XXX). 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  577 

à  Leyden,  sur  la  balance  de  ce  prétendu  traicté  de  trefve,  que  je 
n'ay  pas  ericores  veu  ',  mais  je  n'ay  pas  laissé  d'admirer  la  liberté 
d'escrire  de  ce  subject  sans  que  les  choses  soient  plus  advancées. 
Je  suis  trez  aise  que  M''  Saumaise  revienne  en  France,  mais  je  voul- 
droys  bien  qu'il  eust  eu  loisir  de  voir  à  son  aise  les  m[anu]s[crit]s 
de  ce  païs  là.  Il  fault  que  sa  femme  l'aye  emporté,  puis  que  M'  Ar- 
sens^  luy  avoit  faict  donner  satisfaction  sur  les  difficultez  pas- 
sées, ou  que  l'air  leur  soit  mal  convenable  et  à  l'un  et  à  l'aultre. 
Nous  n'avons  encore  peu  avoir  le  livre  de  l'Altezza  real  de  Sa- 
voya\  Il  n'y  en  avoit  point  à  vendre  à  Gènes  ne  à  Nice,  et  je 
n'ay  pas  de  correspondance  à  Turin.  Il  le  fauldra  faire  venir  par 
Lyon.  Pour  le  sieur  Galilée,  l'on  m'escript  que  du  commancement  il 
avoit  faict  boire  l'affront  entier  à  ses  ennemys.  Mais  que  depuis  il  y 
avoit  eu  quelque  changement  et  qu'on  l'avoit  mis  en  l'esprit  de  Sa 
Sainteté  à  charge  et  scrupule  de  conscience,  de  sorte  qu'il  avoit  eu 
quelque  traverse  encore.  Ce  sont  les  propres  paroles  d'un  homme  qui 
ne  veult  pas  ôtre  nommé,  lesquelles  s'adjustent  fort  bien  à  celles 
que   vous   dictes  du  cardinal  de  la  Valette''.  Mais  on  m'en  promet 


'  Belli  et  pacis  stalera  (i633,  in-4°). 
VVeiss  {Biographie  universelle)  n'est  pas 
d'accord  avec  Peiresc  au  sujet  du  lieu 
d'impression  de  ce  livre;  il  indique  Lou- 
min  au  lieu  de  Leyde.  11  rappelle  que  la 
publication  de  Henri  Dupuy  lui  attira  force 
désagréments,  que  l'auteur  fut  mandé  h 
Bruxelles  poiu-  rendre  compte  de  ses  prin- 
cipes, et  que  Gaspard  Baërle  publia  contre 
lui  une  satire  violente  intitulée  Anti-Pu- 
leanus. 

'  François  d'Âarsens,  né  h  la  Haye  en 
iSya,  fils  de  Corneille  d'Aarsens,  fut  ré- 
sident, puis  ambassadeur  de  la  Hollamle  h 
la  cour  de  France,  pendant  plusieurs  années 
{i599-i6i3);  il  mourut  en  iCli. 

^  Voici  le  titre  complet  de  ce  livre  tel  que 


le  donne  la  Bibliografia  storica  degli  Stali 
délia  monarchia  di  Snvoia  compilala  da  An- 
tonio Manno  e  Vineenio  Protni*  (Turin, 
i886,  p.  36)  :  Trattato  del  titolo  Regio  do- 
vuto  alla  serenisgiimi  Casa  di  Savoia,  insieme 
con  un  ristreUo  délie  Ricoluzioni  del  Beame  di 
Cipri  apparteneiUe  alla  Corona  deW  Altetza 
Beale  di  Viltorio  Ainedeo,  duca  di  Sacoia, 
Prencipe  di  Piemonte,  Re  di  C^ri,  etc. 
(Turin,  iGa3,  in-fol.).  L'auteur  de  ce  li\Te 
était  le  P.  Pierre  Monod,  le  célèbre  con- 
fesseur de  Christine  de  France,  né  à  Bon- 
neville  en  i586,  jésuite  en  i6o5,  mort  en 
prison  au  fort  de  Miolans  le  3t  mars 
lUti. 

*  Voir  sur  Louis  de  Nogaret ,  cardinal  de 
la  Valette,  t.  I,  p.  788. 

73 


UinUlKfJt    aATlOlilLI. 


578  LETTRES  DE  PEIRESC  '  [1633] 

queique  chose  de  plus  asseuré  au  premier  jour.  Ce  qu'attendant  je 
demeure, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peibesc. 
A  Aix,  ce  8  aoust  1 633  bien  tard. 

Je  ne  sçauroys  escrire  à  d'aultres  et  spécialement  respondre  à 
M'  Tristan^  ne  à  M'  de  Valoys  pour  à  cette  heure.  Mais  si  quelqu'un 
s'en  plaint,  vous  ferez  s'il  vous  plaict  mes  excuses. 

On  nous  parle  d'un  livre  que  M"  Galand  va  mettre  soubs  la  presse 
touchant  le  franc  allœud^. 

J'oublioys  de  vous  dire,  pour  les  petits  chats,  que  je  pensoys  vous 
avoir  escript  dez  lors  du  partement  de  Madame  de  Bouteville  ce  qui  en 
estoit,  à  sçavoir  que  je  m'estoys  attendu  qu'elle  feroit  porter  celuy  de 
M'  de  Bellievre  que  j'avoys  accompagné  d'un  aultre  du  poil  de  ceux 
de  M""  Aubery,  afin  qu'ils  languissent  moings  par  les  chemins.  Mais  ceux 
qui  s'en  estoient  voulu  charger  lors  de  son  départ  ne  s'en  acquittèrent 
pas  comme  ils  debvoient,  et  ne  voulurent  jamais  que  je  sceusse  le  nom 
des  muletiers  qui  debvoient  porter  ses  coffres,  ne  le  temps  de  leur  par- 
tement, quelque  instance  que  je  leur  en  peusse  envoyer  faire  tous  les 
jours.  Et  deux  jours  aprez  leur  départ,  veindrent  dire  qu'ils  ne  s'en 
estoient  pas  voulu  charger.  Car  si  j'en  eusse  esté  adverty,  j'estois  bien 
asseuré  que  la  friandise  de  quelque  pistole  eusse  faict  prendre  de  bien 
plus  grandes  charges  que  celle  là.  Et  le  mal  est  que  depuis  je  ne  sçay 
quel  malheur  a  suivy  cez  pauvres  bestes,  que  l'une  mourut  soudaine- 
ment la  semaine  passée  deux  jours  aprez  avoir  faict  raille  saults  de 

'  Le  numismate  Tristan  de  Saiiit-Amant,  la  première,  qiii  fut  imprimée  en  1637, 
déjà  mentionné  plus  haut.  in-li",  chez  Richer,  sous  ce  titre  :  Du  franc- 
he conseiller  d'Etat  Auguste  Galland,  alleu  et  de  l'origine  des  droits  seigneuriaux, 
déjà  plusieurs  fois  mentionné,  avait  publié  avec  les  loix  données  au  pays  des  Albigeois 
en  1629  un  Traité  du  franc-alleu  (Paris,  par  Simon,  comte  de  Montfort,  l'an  laïa. 
m-W).  Le  livre  annoncé  par  Peirescest  une  Voir  Bibliographie  historique  de  la  Fratice, 
seconde  édition,  plus  ample  d'un  tiers  que  n"  SggSo. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  579 

gaillardise,  et  l'aultrequej'avoys  destinée  à  M' de  Bellievre  1 5  jours  de- 
vant estoit  tombée  malade  aussy  soudainement  un  jour  dont  la  veille 
elle  avoit  paru  la  plus  {jentille  et  la  plus  gaye  du  monde,  et  toutefoys 
on  me  l'apporta  qu'elle  sembloit  rendre  les  derniers  souspirs.  Mais  je 
la  fis  secourir  si  à  propos,  qu'elle  s'est  eschappée  et  semble  prendre 
courage  aultant  que  jamais.  J'estime  qu'il  ayt  esté  cours  de  quelque 
maladie  incogniie  à  nous,  qui  soit  particulière  pour  les  chats,  car  il  en 
est  mort  tout  plein  d'aultres,  et  particulièrement  deux  chattées  du  poil 
du  vostre,  qui  estoient  des  plus  beaux  que  j'eusse  jamais  eu,  qui  sont 
tous  morts  l'un  aprez  l'aultre,  sans  apparance  de  mal  précédant  lors- 
qu'ils pou  voient  estre  bons  à  donner,  et  non  seulement  des  petits,  mais 
des  grossels  aussy.  Ne  m'en  estant  resté  qu'un  qui  semble  encores  bien 
gaillard  et  que  je  faicts  choyer  tant  que  je  puis,  pour  en  accompagner 
celuy  de  M'"de  Bellievre,  s'il  se  trouve  en  estât  de  le  vous  envover,  car 
s'il  peult  eschapper  il  sera  plus  gros  et  plus  vigoureux,  cette  année,  les 
aultres  chattes  du  poil  de  rat  n'ayant  pas  faict  race  qui  vaille  le  garder. 
On  nous  faict  feste  du  Levant  d'une  anltre  race  qui  seroitbiend'aultre 
requeste  '  si  nous  en  pouvions  avoir,  car  ils  sont  touts  blancs  et  ont  le 
poil  long  et  crespellu^  comme  les  chiens  barbets,  dont  la  queue  levée 
faict  le  plus  beau  pannache  qu'il  se  puisse  voir,  ce  dict  on^. 


CXXVI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
J'ay  receu  vostre  despesche  du  5"*  avec  les  pièces  que  vous  y  aviez 
joinctes,  dont  je  vous  remercie  trez  humblement.  J'ay  eu  tout  plein  de 


'  C'est-h-dire  rechei-che.  Cette  chose  est 
de  requête,  se  disait  d'une  chose  rare,  dif- 
ficile à  avoir. 

'  Littré  signale  la  forme  crespelue  dans 


A.  Pare,  0.  de  Serres.  J.  du  Bellay,  etc. 
Dans  le  Glotsatre  de  La  Curne  de  Sainte- 
Palaye  on  ne  trouve  que  la  forme  crespé. 
'  Vol.  717,  fol.  «67. 

73. 


580  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

lettres  de  Rome  sans  qu'on  m'ayt  depuis  rien  dict  de  la  bibliothèque 
du  cardinal  Barberin  et  sans  que  M'  Holstenius  m'ayt  escript,  mais 
M""  de  Bonnaire  me  mande  qu'il  l'avoit  prié  de  l'advertir  de  quelque 
commodité  de  m'escrire.  Nous  verrous  si  le  prochain  ordinaire  nous 
apporteroit  ses  lettres.  Ce  pendant  je  n'ay  pas  laissé  d'escrire  pour 
M*"  Bouchard,  au  cas  que  le  cardinal  n'eust  songé  d'y  employer  M""  Hol- 
stenius, et  pense  que  ma  lettre  arrivera  à  temps,  car  l'Evesque  de  Vaison 
avoit  remis  son  sacre  au  jour  d'hier  de  la  Nostre  Dame  de  la  ray  aoust, 
jusques  auquel  temps  la  charge  ne  sembloit  pas  estre  formellement 
vacante.  Il  me  tardera  d'entendre  que  l'un  ou  l'aultre  y  soient  employez. 
Si  M'  Rigault  marchande  tant',  je  me  doubte  qu'enfin  il  n'en  fera  rien 
et  y  aura  par  aprez  du  regret;  s'il  ne  s'y  peut  resouldre  pour  sa  per- 
sonne, il  debvroit  faire  effort  pour  y  introduire  son  filz,  car  pour  le 
monde  ce  mestier  la  vault  mieux  que  le  sien.  La  vie  du  Tertulhan  sera 
une  rare  pièce  si  M'  Rigault  s'en  peult  donner  la  peine.  Nous  n'avons 
poinct  veu  le  Guill[aume]  de  S'  Amour  ^,  mais  quelque  rudesse  qu'il  y 
ayt,  si  faut-il  apprendre  de  ceux  de  ce  siècle  là,  pour  goffe'  qu'il  puisse 
estre,  en  quelle  manière  on  traictoit  cez  nouvelles  introductions,  et 
tousjours  sera  t'il  bon  d'avoir  ce  livre  tost  ou  tard,  s'il  en  eschappe 
quelque  exemplaire.  Quant  au  P.  Renaud  minime,  c'est  la  vérité  qu'il  y  a 
assez  long  temps  que  nous  nous  cogiioissons;  je  luy  ay  bien  de  l'obli- 
gation de  ses  honnestes  offres,  mais  il  n'a  pas  tousjours  si  bonne  mé- 
moire de  ses  promesses,  car  depuis  qu'il  passa  par  icy,  je  n'ay  jamais 


'  Pour  devenir  conseiller  au  parlement 
de  Metz. 

'  On  sait  que  ce  théologien  naquit,  vere 
le  commencement  du  xiii'  siècle,  à  Saint- 
Amour,  en  Franche-Comté,  qu'il  fut  docteur 
de  Sorbonne ,  chanoine  de  l'église  de  Beau- 
vais,  professeur  de  philosophie  à  l'école  du 
Parvis  de  Notre-Dame  de  Paris,  recteur,  puis 
syndic  de  l'Université,  et  qu'il  mourut  le 
1 3  septembre  1 272.  Voir  sur  Guillaume  de 
Saint-Amour  l'article  de  Petit-Radel  dans 


Y  Histoire  littéraire  de  la  France  (t.  XXI, 
p.  1 97-2 1 5  ).  En  cette  dernière  page  on  trou- 
vera divers  détails  sur  l'édition  dont  parle 
Peiresc  (Constance,  i63a,  in-4°),  édition 
qui  fut  l'objet  d'un  Arrest  du  privé  conseil  du 
Roy,  du  1 4  juillet  1 633 ,  lequel  fut  imprimé 
la  même  année ,  à  Paris ,  chez  Cramoisy,  en 
une  brochure  de  43  pages  in-ia. 

'  Nous  avons  déjà  trouvé  (t.  I,  p.  326) 
l'adverbe  gojjenwit  employé  pour  grossière- 
ment. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  581 

eu  de  ses  nouvelles  que  par  des  persoiies  interposées  ;  il  est  vray  qu'il 
n'y  a  pas  moings  perdu  que  moy  pour  sa  curiosité.  C'est  pourquoy,  s'il 
faict  rien  de  ce  qu'il  s'est  chargé,  il  passera  la  mesure  de  ce  que  j'en 
puis  attendre,  mais  je  vous  prie  que  ce  soit  entre  nous.  Au  reste  j'ay 
receu  par  les  Moreaux  de  cette  ville  un  fagot  de  livres  oi!l  j'ay  trouvé  le 
pacquet  in-S"  de  M'  Lhuillicr  et  un  in-/i"  de  M'  Moreau,  avec  une  sienne 
lettre  du  3*""  juin  à  laquelle  je  pensois  respondre  par  l'ordinaire  dujour- 
d'huy,  mais  je  fus  destourné  pour  ne  dire  assassiné  ^  tout  dimanche  et 
tout  hier,  et  je  crains  bien  de  ne  pouvoir  cette  matinée  escrire  à  per- 
sone  qu'à  vous,  auquel  cas  vous  ferez  s'il  vous  plaist  mes  excuses  si 
aulcun  s'en  plainct,  comme  ils  pourroient  avoir  raison  de  faire.  J'ay  par 
mesme  moyen  receu  deux  exemplaires  du  volume  variarum  [kctio- 
num]  de  M""  Petite  les  œuvres  pieuses  de  M""  Godeau  in-i6°',  un 
discours  de  l'Eslat  et  courone  de  Suéde  in-û°*  et  celuy  de  Cl[aude] 


'  Nous  avons  dc^jà  Irouvd  le  mot  axsas- 
siné  pris  dans  le  môme  sens  métaphorique , 
t.  I,  p.  iaS. 

'  Les  Variœ  kcliones  (  Pai-is ,  1 6  3  3 ,  in-6  °  ) , 
dont  il  a  élé  question  plus  haut. 

'  Dans  le  Catalogue  des  œuvres  laissées 
par  les  académiciens  morts  avant  l'année  tyoo , 
de  l'abbé  d'Olivet,  h  la  suite  de  V Histoire  de 
l'Académie  française  (t.  II,  i858,  p.  5-j6), 
on  trouve  l'indication  d'un  litre  et  d'un  format 
différents  :  «Œuvres  Clirestiennes ,  Paris, 
in-8°,  1033.  Augmenté  de  deux  volumes 
dans  l'édition  <le  1 64 1 .  «  Voir  sur  les  Œuvres 
chrétiennes  l'étude  déjJi  citée  de  M.  I\.  Kerviler 
sur  Antoine  Godeau  (p.  la-ai). 

'  Un  jeune  et  très  savant  bibliographe, 
M.  Henri  Slcin  (des  Archives  nationales),  a 
bien  voulu  répondre  ainsi  qu'il  suit ,  c'ost-h- 
dire  le  mieux  du  monde,  à  mes  questions 
sur  ce  sujet  :  tf  J'ai  trouvé  u  la  Bibliothèque 
nationale  le  Discours  de  l'Estat  et  couronne 
de  Suède  divisé  en  deux  parties ,  la  première 
contenant  une  description  géographique  très 


particulière  de  toutes  les  provinces  qui  en  dé- 
pendent, la  seconde  un  abrégé  de  l'histoire  de 
tous  les  roys  de  Suède  jusques  à  présent  (Paris , 
chez  Augustin  Courbé,  h.dc.xxxii,  in-8'). 
11  y  a  du  même  volume  deux  autres  édi- 
tions ,  publiées  au  Mans ,  chez  Gervais  Oli- 
vier en  i633,  et  chez  Hierosme  Obvier  en 
i656.  Le  contenu  du  livre  ne  parait  pas 
beaucoup  différent,  mais  le  titre  assez  dis- 
semblable nous  donne  quelques  i-enseigne- 
ments.  Je  lis  textuellement  sur  le  titi-e  de 
l'édition  de  1 656  :  Discours  de  l'Estat  et  cou- 
ronne de  Suède,  divisé  en  dix  chapitres.  .  . 
fait  par  E.  G.  T.  P.  D.  L.  D.  J.,  seconde 
iMilion  reveiie,  corrigée  et  augmentée. 
D'après  Barbier,  l'auteur  serait  Eustache 
Gault,  Tourangeau,  pi-ôlre  de  L'Oratoire 
de  Jésus.  1  J'ajouterai  (pie  presque  tous  les 
biographes  du  P.  Gault  n'hésiti  nt  pas  à  lui 
attribuer  le  Discours,  depuis  Moréri  jus- 
qu'à Tabaraud  {Biographie  universelle),  et 
l'anonyme  qui  a  fourni  l'article  Gault  à  la 
Nouvelle  biographie  géttérale,  et   enfin   le 


582  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633] 

Dausquius,  que  je  n'attendoys  plus,  in- 4°  des  Terres  flottantes \ 
dont  je  vous  ay  bien  de  l'obligation,  vostre  soing  nous  faisant  jouyr  des 
plus  curieuses  pièces  du  temps.  Je  l'ay  faict  couldre  pour  l'envoyer  à 
M""  Gassendi  à  Digne,  qui  l'attend  avec  impatiance^.  J'oublioys  de  vous 
dire  que  l'on  escript  de  Rome  qu'enfln  il  a  fallu  que  le  pauvre  Galilée 
ayt  déclaré  solemnellement  que  ce  n'estoit  pas  son  advis  que  ia  terre  fusl 
mobile,  encores  qu'en  son  dialogue  il  l'eust  appuyé  de  fortes  raisons, 
et  qu'il  estoit  de  l'aultre  advis  contraire.  Vous  aurez  des  lettres  de  M''  de 
la  Fayette,  non  seulement  de  fraisclie  datte,  mais  aussy  de  la  semaine 
passée,  parce  qu'on  les  apporta  céans  en  mon  absance,  et  qu'on  les 
bailla  à  des  femmes  qui  oublièrent  de  m'en  parler,  jusques  à  ce  que 
l'ordinaire  fust  party  à  mon  grand  regret.  11  y  a  eu  un  peu  de  mal  en- 
tendu, qui  a  esté  bien  tost  raccommodé,  entre  le  Parlement  et  M"  de 
la  Poterie  qui  avoit  faict  le  commandement  au  greffier  de  la  cour  de 
luy  remettre  certaine  procédure  criminelle  que  le  Roy  avoit  evocquée 
et  renvoyée  à  luy;  la  Compagnie  ayant  trouvé  mauvais  qu'un  intendant 
de  justice  voulust  commander  le  greffier  de  la  cour  au  lieu  qu'en  cas 
pareil  quelqu'une  des  parties  se  pourvoyoit  par  requeste  pour  faire 
ordonner  que  la  procédure  seroit  portée,  à  quoy  on  ne  formoit  pas  de 
difficulté,  ou  bien  les  commissaires  soit  du  Consed  ou  d'aultres  compa- 
gnies souveraines  venoient  visiter  la  Compagnie,  laquelle,  ayant  esté 
advertie  de  leur  commission ,  ne  faisoit  pas  de  difficulté  d'ordonner  au 
greffier  de  leur  remettre  les  procédures  nécessaires,  ainsi  que  nous  l'a- 
vons aultres  foys  veu  practiquer  par  Mess"  Vignier  de  Janicour ,  Frère,  lors 
maistre  des  requestes,  qui  est  à  présent pr[emier]  Présidant  de  Grenoble, 
leBailleul  et  aultres.  Et  par  feu  M*"  d'Herivauix,  conseiller  de  la  Grande 

P.  Ingold,  qui,  s'il  n'en  a  rien  dit  dans  la  '  On  sait  que  Gassendi  s'ëtait  occupé 

Bibliographie   oratorienne,    l'avait  déjà  in-  des  îles  flottantes.  Le  P.  Bougerel  rappelle 

diqué  dans  son  édition  du  Recueil  du  P.  Cloy-  (  p.  4 1  -43  ),  d'après  le  recueil  des  lettres  ma- 

seault  et  doit  s'en  occuper  encore  dans  un  nuscrites  françaises  de  son  héros ,  que ,  pen- 

travail  spécial  sur  les  deux  frères  Gault.  dant  son  voyage  en  Hollande,  il  envoya  (en 

'  Nous  avons  trouvé  plus  haut  (lettre  1629)  à  Peiresc  une  description  des  îles  flot- 

CMX)  mention  des  Terrœ  Jluilantes  du  cha-  tantes  de  Saint-Omer,  description  reproduite 

noine  de  Tournai.  en  partie  par  le  savant  biographe  (p.  àû-liB). 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  583 

Chambre  du  Parlement  de  Paris.  De  quoy  M'  de  la  Potterie  estant  de- 
meuré d'accord  et  de  faire  supprimer  ses  exploicts  de  commandement 
et  son  ordonnance  pretendiic,  il  vint  sammedy  à  la  chambre  des  vaca- 
tions, laquelle,  aprez  qu'il  fut  sorty,  lit  délibération  que  le  greflier  luy 
bailleroit  extraict  des  informations  dont  estoit  question  pour  procéder 
selon  l'arrestdu  Conseil  et  neanlmoings  que  trez  humbles  remonslrances 
seroient  faictes  au  Roy  sur  la  consequance.  Car  bien  que  l'arrest  ne  porte 
qued'ouyr  les  criminels,  le  bruict  est  qu'il  entend  les  juger  définitive- 
ment bien  que  les  informations  soient  faictes  de  l'autliorité  du  Parlement. 
Sur  quoy  je  finis  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  Irez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peibesc. 

A  Aix,  ce  16  aoust  i633. 

Je  pense  qu'aprez  l'assemblée  des  com[munau]lez  mandée  à  Perluys 
à  demain,  il  fauldra  envoyer  quelqu'un  au  Hoy  par  qui  je  verray  de 
me  descharger  de  ce  qui  m'est  demeuré  en  main  desjà  longtemps  y  a. 

Je  viens  de  recevoir  des  nouvelles  d'Italie  qui  seront  cy  jointes.  En- 
voyez s'il  vous  plaict  voz  lettres  tousjours  soubs  l'enveloppe  de  M'  du 
Lieu  comme  vous  faisiez,  car  celles  qui  viennent  dehors  sont  bien  sou- 
vent mal  traictées  et  les  enveloppes  deschirées'. 


CXXVII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DUPUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Avec  vostre  despesche  du  1  f*"""  de  ce  moys  j'ay  receu  la  coppie  de 
l'arrest  de  Lorraine,  ou  de  Bar,  dont  la  qualité  monstre  bien  que  le.s 

'  Vol.  717,  fol.  970. 


584  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633] 

choses  sont  en  mauvais  termes  pour  ce  prince  ià,  qui  a  cherché  son 
malheur  et  quasi  forcé  ie  Roy  de  le  chastier,  comme  les  Rocheloys, 
lorsqu'on  avoit  le  moings  d'envie  de  s'en  prendre  à  luy.  J'ay  apprins 
qu'on  a  exécuté  à  Metz  un  certain  observanlin  desfrocqué  par  jugement 
du  présidant  Charpentier,  qui  a  advoûé  d'estranges  choses,  lequel  avoit 
trouvé  son  asyle  aux  gardes  de  M"'  de  Lorraine.  Et  si  ce  qu'on  en  dict 
est  véritable,  je  ne  pense  pas  qu'on  veuille  pardonner  à  M''  de  Lorraine 
si  on  a  de  quoy  ie  chastier,  comme  il  semble  qu'il  n'ayt  gueres  de  moyen 
de  s'en  garentir  en  cette  conjoncture.  C'est  pourquoy  je  pense  que  le 
jugement  de  cet  homme  et  les  chefs  résultants  de  son  procez.  soient 
des  plus  rares  et  plus  curieuses  pièces  du  temps  présent,  si  les  bruicts 
qui  en  sont  venus  jusques  à  moy  ne  sont  supposez.  Vous  en  devez  sça- 
voir  de  plus  certaines  nouvelles  que  nous.  Et  si  cela  vous  estoit  eschappé, 
il  ne  vous  sera  pas  malaisé  d'en  apprendre  le  fonds.  Nous  avons  main- 
tenant de  bien  estranges  nouvelles  à  vous  dire,  bien  qu'elles  ne  soient 
pas  de  telle  importance,  sur  le  subject  d'un  coup  de  tonnerre  qui 
tomba  le  jour  Nostre  Dame  dans  l'église  du  lieu  de  Mazan  au  comté 
Venaiscin^  où  il  tua  le  prédicateur  en  pleine  chaire^  et  trois  ou  quattre 
aultres  personnes,  et  en  blessa  une  vintaine,  et  aprez  que  l'on  croyoit 
•  que  le  péril  fust  passé,  un  second  coup  remplit  toute  l'église  de  feu 
sans  faire  plus  de  mal  à  personne,  et  seulement  brusla  les  ornements 
de  l'église;  vous  verrez  les  lettres  originales  que  je  vous  en  envoyé  ^  en 
attendant  une  relation  plus  exacte.  A  quoy  il  fault  adjouster  qu'un  hon- 
neste  homme  du  lieu  d'Aiguières  en  Provence,  du  diocèse  d'Arles*,  re- 

'  Commune  du  département  de  Vaucluse,  l'apprend  le  récit  (mentionné  dans  la  noie 

arrondissement  et  canton  de  Carpentras,  à  précédente)  fait  par  l'abbé  Motta,  vicaire  de 

7  kilomètres  de  celte  ville.  Voir  dans  le  Mazan.  Voir  ce  même  récit  au  sujet  des 

fascicule  IX  des  Correspondants  de  Peiresc  autres  victimes  de  l'accident. 

[Lettres  inédites  de  Salomon  Abuzi,  rabbin  '  La  relation  du  vicaire  de  Mazan,  l'abbé 

de  Carpentras,  p.  Ii^-S i)  nn  document  inédit  Motla,   et  une  lettre  écrite  également  de 

relatif  au  coup  de  foudre  du  lô  août  i633 ,  Mazan,  le  i6  août  i633,  par  le  P.  Cassian, 

tiré  du  registre  LUI  de  la  collection  Peiresc  récollet,  celte  dernière  lettre  publiée,  à  la 

à  ringuimberline.  suite  de  la  relation,  à  la  dernière  page  du 

^  Ce  prédicateur  était  trie  R.  P.  Sauveur,  fascicule  IX  des  Correspondants  de  Peiresc. 

observantin  récollet  d'Aixn,  ainsi  que  nous  '  Aujourd'hui   Eyguières,   chef-lieu   de 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.^  585 

venant  de  porter  quelque  argent  à  Cadarousse  '  et  passant  prez  du  vil- 
lage de  Mazan  sur  le  moment  de  ce  desastre,  fut  enlevé  dessus  son 
cheval  et  porté  en  l'air  deux  ou  troys  cents  pas  loing,  son  cheval  Tayant 
suyvy  au  petit  pas,  sur  lequel  il  remonta  bien  effrayé,  et  se  rendit  chez 
luy,  où  il  est  dans  un  lict  bien  malade  et  bien  troublé  de  cet  accidant. 
Le  mesme  jour  de  Nostre  Dame,  à  prez  de  trente  lieues  loing  de  Mazan , 
prez' des  isles  d'Iei-es,  troys  jeunes  hommes  du  lieu  de  la  Valette  prez 
Toulon  S  estants  à  la  cliasse,  et  s'estants  mis  dans  un  batteau  de  pes- 
cheurs  pour  passer  en  une  isle  où  ils  en  pensoient  trouver  à  foison, 
comme  ils  estoient  dans  le  milieu  du  destroit  de  la  mer  qui  sépare 
l'isle  de  terre  ferme,  un  tourbillon  de  vent  vint  enlever  un  de  cez  troys 
qui  estoit  filz  unique,  neveu  du  sieur  Farnoux^  revenu  depuis  peu 
d'exercer  la  charge  de  consul  de  la  nation  françoyse  au  grand  Cayre, 
et  porta  le  jeune  homme  dans  la  mer  sans  que  ses  compagnons  s'en  ap- 
perceussent  jusques  à  ce  qu'ayants  apperceu  un  chappeau  dans  la  mer, 
ils  virent  que  leur  compagnon  leur  manquoit,  dont  les  officiers  ont 
dressé  leurs  procez  verbaux  et  informé.  J'en  ay  envoyé  demander  une 
relation  pour  joindre  au  reste.  Cependant  huict  galères  de  Gènes ,  ayants 
suyvy  à  la  piste  un  navire  Flament  qui  estoit  venu  faire  aygade*et 
prendre  des  r'affraischissementsaux  meys  [sic)^  d'Ieres,  l'attendirent  au 
sortir  des  isles  et  le  combattirent  avec  grand  advantage,  car  le  vent 
l'avoit  abandonné,  se  tenants  justement  à  la  portée  du  canon  de  Corsée, 
de  sorte  qu'il  ne  pouvoit  les  attaindre  avec  le  sien.  Enfin  ils  luy  firent 
abbattre  les  voiles  et  s'en  rendirent  les  raaistres,  le  cappitaine  n'ayant 
jamais  voulu  abandonner  son  navire,  et  les  matelots  estants  descendus 
pour  faire  leur  consulat,  sans  que  nous  ayons encores  peu  sçavoir  soubs 
quel  prétexte  on  l'a  attaqué  dans  les  meys  du  Roy  <\  la  veiie  de  la  ville 

canton  de  IniTondissemenl  d'Arles,  h  48  ki-  snl  d'Alexandrie,   écrite  d'Aix  le  9  mars 

lomètres  de  cette  ville.  1  (iag. 

'  Gaderousse,  à  6  kilomètres  d'Orange.  '  Sous  le  mol  aigtmde,  le  Dictionnaire 

'  La  Valette,  h  5  kilomètres  de  Toulon.  de  Liltr^  ne  donne  aucune  citation. 

'  On  a  dans  le  registre  III  des  Minutes  '  Je  renonce  n  expliquer  ce  mol:  peul- 

de  la  bibliothèque  de  Carpeniras  (fol.  364)  être  s'agit-il  Ih  tout  sinipleincot  du  mot  meri 

une  lettre  de  Peiresc  à  M'  Farnoux,  con-  défigure  par  la  substitution  de  \'y  à  IV. 

II.  74 

iHVIIHtMt    «àtlOBAil. 


586  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

d'Ieres,  les  despesches  estants  passées  jusques  à  Pertuys  vers  le  Mares- 
chaj ,  mais  si  mon  frère  en  revient  à  ce  soir,  comme  il  le  nous  faict 
espérer,  et  que  j'en  appraigne  davantage,  je  vous  en  feray  part.  L'assem- 
blée a  esté  tenue,  et  les  resolutions  s'en  dévoient  publier  à  ce  matin. 
On  y  a  imposé  cent  libvres  pour  feu  exigeables  dans  troys  moys  au  tiers 
par  moys,  ce  qui  faict  la  moictié  de  ce  que  le  Roy  a  voulu,  et  le  sur- 
plus sera  emprunté.  On  y  a  advoiié  une  assignation  de  i  5o  mille  libvres 
que  M'  de  Bullion  a  voulu  qu'on  paye  par  advance  cette  année,  de  la 
première  paye  de  la  prochaine.  Il  me  tarde  bien  d'apprendre  si  on  ne 
despeschera  personne  en  cour,  ou  qu'il  se  présente  quelqu'aullre  com- 
modité asseurée  pour  vous  faire  tenir  ce  que  je  vous  avoys  appresté  long 
temps  y  a  pour  satisfaire  à  touls  cez  curieux  libvres  qu'il  vous  a  pieu 
me  faire  retenir,  et  envoyer  par  le  sieur  Perrin,  par  laquelle  voye  il 
fauldra  attendre  cez  exemplaires  de  l'epistre  de  S'  Clément.  11  m'estoit 
malaisé  de  garder  longtemps  celuy  qu'il  vous  pleut  m'envoyer  par  la 
poste,  daultant  que  cez  choses  perdent  la  meilleure  partie  de  leur 
grâce  quand  elles  arrivent  tard,  et  surtout  si  elles  sont  prévenues  d'ail- 
leurs. C'est  pourquoy  je  ne  deubs  pas  perdre  de  commodité  de  luy  faire 
passer  les  monts,  où  elle  estoit  attendue  en  grande  impatiance.  Je  ne 
manqueray  pas  de  vous  accuser  la  réception  de  touts  les  fagots  de  libvres 
qui  viendront  de  vostre  part,  mais  je  vous  supplie  dezhorsmais  d'y  faire 
cotter  sur  l^nveloppe  la  datte  du  jour  que  vous  les  envoyerez  au  dict 
sieur  Perrin,  afin  qu'à  l'arrivée  je  puisse  recognoistre  le  temps  de  leur 
sesjour  par  les  chemius.  Car  le  dernier  a  voit  esté  bien  longtemps  puis 
que  c'estoit  avant  que  le  sieur  Prieur  de  Roumoules  allasl  à  Bordeaux. 
Nous  vous  avons  bien  de  l'obligation ,  M""  Fabrot  et  moy,  du  souvenir 
qu'il  vous  plaict  avoir  de  son  Théophile,  et  avons  esté  bien  aises  d'en- 
tendre que  l'ouvrage  de  M'^  du  Chesne  aye  d'aultres  assossiez  qui 
n'ayent  rien  de  commun  avec  les  entreprinses  particulières  du  sieur 
Cramoisy.  Il  fera  beau  voir  cette  Amérique  de  Laet'.  On  m'a  dict  qu'il 

'  H  s'agit  ià  du  célèbre  ouvra^je  de  Jean  i6.S3,  in-fol.).  Voir  le  Manuel  du  libraire, 
de  Laet:  Novus  orbis,  seu  descriptionis  Indice  t.  III,  col.  74 1;  Les  Elzevier,  par  A.  Willems, 
occidentalis  libri  XVIII  (Leyde,   Elzevier,        p.  ^S. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  587 

y  a  une  chronologie  de  Lansbergius  que  je  seroys  bien  aise  de  voir',  cet 
homme  estant  assez  exacte  en  ses  aultres  ouvraiges  à  comparaison  du 
commun.  Vous  avez  raison  de  dire  que  h;  livre  dos  Isles  Bottantes 
n'est  pas  ce  qu'on  eust  attendu  sur  un  subject  si  extraordinaire;  neant- 
moings  je  n'ai  pas  esté  marry  de  le  voir.  J'ai  vu  dans  le  cahier  de  su[>- 
plement  de  la  Gazette  ou  iS""  feuille,  du  1 1  aoust,  entr'aultres  livres  à 
vendre,  ce  volume  des  poètes  Grecs  d'Henry  Estienne  fol.  où  vous  disiez 
qu'esloit  la  Vie  d'Homère  par  Plutarque^,  lequel  j'achepteroys  volontiers, 
ensemble  le  Sébastian  Serlio  de  l'Architecture  in-fol.' sans  que  je  trouve 
le  prix  un  peu  cher.  Mais  s'ils  sont  encor  en  estât  quand  vous  recevrez 
mon  petit  paquet,  je  ne  iaisray  pas  de  me  rançonner  du  prix  cotté,  s'il 
ne  s'en  peult  rien  rabbattre,  ou  s'il  ne  s'en  rencontroit  ailleurs  par  ha- 
zard,  à  prix  plus  modéré,  d'aultres  semblables  bien  complets,  car  pour 
la  relieure  je  ne  la  considère  guieres.  Vous  aurez  à  ce  coup  des  nou- 
velles de  Constantinople  et  du  Mogor,  dont  je  vous  prie  de  faire  voir  la 
relation  au  sieur  Gailhard  pour  la  monstrer  à  un  de  mes  amys  qui  est 
curieux  de  telles  chosettes.  Et  sur  ce  je  demeure, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peibesc. 
A  Aix,  ce  33  aoust  i633. 

On  nous  mande  qu'il  y  a  grand  bruict  à  Lyon  d'un  edict  qu'on  dict 
estre  sur  le  tapis  au  conseil  du  Roy,  pour  i'estabiissement  d'un  parle- 
ment à  Lyon,  les  uns  y  trouvant  aultant  de  subject  de  desplaisir  que 
des  aultres  de  contentement. 

A  ce  matin,  sur  la  présentation  des  facultez  du  nouveau  légat  d'Avi- 


'  Ckronologiœ  lacrm  libri  tre»  (Amster-  t55t).    Voir    de    nombreux    détails    sur 

dam,  i6a5,  in-4').  cet  ouvrage  dan»  le  Manuel  du  libraire, 

'  Voir  ce  que  Gassendi  rapporte  (p.  36 1)  t.  V,  col.  3o4-3o5.  F/architocte  Sébastien 

au  sujet  de  la  Vie  d'Homère  et  des  poètes  Serlio  nn(piit  h  Bologne  en  l'iyS  et  mounit 

grecs  édités  par  Henri  Estienne.  à  Fontainebleau  en  i559. 

■''  Libri    ciiujue    d'architetlura    (Venise, 

76. 


588  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

gnon  le  cardinal  Ant.  Barberin,  la  Chambre  des  vacations,  ayant  faict 
appeller  tous  Messieurs  de  la  Cour  trouvez  dans  la  ville,  a  refusé  l'an- 
nexe acoustumée  jusques  à  ce  qu'il  eust  rapporté  lettres  patentes  du 
Hoy.  Encores  que  le  Parlement  de  Grenoble,  les  chambres  assemblées, 
eusse"  faict  arrest  d'enregistration  à  la  charge  de  rapporter  les  dictes 
lettres  patentes  dans  six  moys.  Mais  nous  avions  un  arrest  du  1 7  oc- 
tobre 1628  sur  la  vérification  des  facultez  du  prédécesseur,  portant  que 
pour  cette  foys  on  le  recevoit  à  la  charge  de  rapporter  lettres  dans  deux 
moys,  mais  qu'à  l'advenir  on  ne  le  feroit  plus,  sans  lettres  patentes 
précédantes,  à  cause  qu'on  avoit  par  aprez  trop  tardé  à  rapporter  les 
lettres  du  Roy  nécessaires'. 


CXXVIII 

A  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

À  PARIS. 

J'ay  bien  eu  du  regret  que  M"^  Rigault  se  soit  trouvé  party,  à  l'arrivée 
du  Philon  Byzantin,  mais  puis  que  c'est  pour  une  si  bonne  occasion, 
il  ne  le  fault  pas  plaindre  ^.  Vous  me  ferez  faveur  de  m'en  faire  faire 
une  coppie  par  vostre  coppiste  Grec,  ayant  fort  bien  deviné  que  nous 
ne  pouvons  pas  avoir  icy  des  persones  bien  propres  à  s'en  acquitter, 
selon  le  mérite  de  telles  pièces.  J'ay  eu  mille  peines  à  trouver  quelqu'un 
pour  transcrire  un  cahier  que  j'avois  envie  de  vous  envoyer,  de  l'un 
de  mes  volumes  Grecs  m[anu]s[crit]s  derniers  venus,  pour  voir  si  quel- 
qu'un de  cez  Messieurs  de  delà  vouldra  prendre  la  peine  d'en  examiner 
un  peu  le  style,  car  nous  n'y  cognoissons  rien.  Et  je  m'asseure  qu'on 
aura  bien  tost  recogneu  de  par  delà ,  de  qui  ce  peult  estre.  Le  volume 
est  assez  grosset ,  in  fol",  plus  large  que  l'ordinaire ,  et  le  caractère  est  fort 
semblable  au  volume  des  eclogues  de  Constantin  ;  que  s'il  n'y  a  moyen 
de  faire  transcrire  un  cahier  tout  entier,  je  verray  à  tout  le  moings  d'en 

'  Vol.  717,  fol.  979.  —  ^  Rigault  était  parti  pour  Metz,  où  il  était  allé  prendre  posses- 
sion de  sa  charge  de  conseiller. 


[1633]  AUX  FRERES  DUPUY.  589 

faire  transcrire  un  feuillet.  J'alteiidoys  icy  M'  Petit',  pour  prendre  la 
peine  d'examiner  un  peu  plus  curieusement  et  plus  patiemment  que  moy 
touts  cez  fragments  de  volumes  Grecs.  Mais  il  a  esté  fort  malade  à  son 
retour  chez  luy  et  le  mènassoit  on  d'une  fiebvre  eitique'^  dont  je  le 
plaindroys  bien.  Mais  il  se  porte  mieux ,  et  je  l'ay  fort  pressé  de  venir  icy 
changer  d'air  pour  quelques  jours  durant  les  vacances,  je  ne  sçay  s'il  se 
pourra  resouldre,  car  l'air  de  cette  ville  est  meilleur  pour  cez  mauvaises 
dispositions  là  que  celuy  où  il  est.  Je  n'attendoys  que  cela  pour  voir 
de  ranger  plusieurs  cahiers  descousus  et  hors  de  place,  afin  de  les  faire 
couldre  et  relier  quelques  pièces,  et  incontinant  vous  en  envoyer  une 
caisse,  entr'aultres  ceux  que  demande  le  bon  P.  Mercene.  Mais  s'il  ne 
se  resoult  bien  tost,  possible  me  resoudray  je  de  les  vous  envoyer  tels 
qu'ils  sont,  car  voz  Messieurs  de  delà  prendront  possible  plaisir  de  les 
ranger  d'eux  mesme  comme  ceux  des  eclogues.  J'envoyeray  par  mesme 
moyen  les  deux  volumes  Samaritains,  dont  l'un  faict  la  version  Ara- 
bique entière  du  Pentateuque,  mais  en  charactere  Arabe,  et  l'aultre 
contient  divers  discours  moraulx,  et  de  piété,  et  quelque  chose  d'his- 
toire, entr'autres  la  Généalogie  de  Mahomet. 

Ce  livre  du  Clymacus  Grec-Latin  feroit  faulte  à  l'assortiment^  puis 
qu'il  se  trouve,  mais  il  me  desplaict  que  l'assemblée  n'ayt  pas  faict  la 
deputation  que  nous  pensions,  et  qu'il  passe  si  peu  de  gents  mainte- 
nant en  voz  cartiers.  On  m'en  faict  attendre  pourtant  dans  peu  de  jours. 
Et  parce  que  les  galères  du  Pape  viennent  à  Marseille  à  ce  moys  de 
septembre,  je  pense  qu'elles  amèneront  quelques  uns  du  voyage  de 
M'  de  Crequy.  Si  l'histoire  de  M""  de  Thou  fust  partie  plus  tost,  c'eust 
esté  une  belle  commodité  pour  l'envoyer,  car  malaisément  pourra  t'elle 
estre  icy  dans  moins  de  six  semaines,  lesquelles  à  conter  du  28  juillet 
iroient  bien  avant  en  septembre.  Toutefoys  il  fault  voir  ce  que  pourra 
la  Fortune. 


'  L'helléniste  et  orientaliste  Samuel  Petit. 
*  Les  contemporains  de  Peir-esc  écrivaient 
clique  ou  hectique. 

'  'Joaimes  scholasticus  abbas  nwitlis  Sina, 


qui  vuiffo  Climacus  appellalur.  Opéra  omnia 
(gr.  et  ht),  interprète  Malthceo  Radero 
(Paris,  Séb.  Cramoisy,  i633,  in-foi.). 


590  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

Je  plains  bien  la  belle  mère  de  M'  Saulmaise\  et  encores  plus  sa 
belle  sœur  de  s'estre  ainsin  laissée  enlever  par  un  marault^,  et  croys 
bien  qu'on  en  vouldra  faire  un  exemple  pour  desterrer  un  crime  qui  se 
rend  si  fréquent.  Je  plains  bien  davantage  le  pauvre  chat  de  M"^  Au- 
bery  puis  qu'il  estoit  tout  porté  sur  les  lieux,  que  ceux  qui  se  sont 
laissez  mourir  de  par  deçà.  Il  fauldra  les  r'emplacer  à  ce  bon  temps 
Dieu  aydant,  celuy  que  j'avois  destiné  à  M''  de  Bellièvre  s' estant  fort 
bien  remis,  et  en  estant  eschappé  un  aultre  de  mesme  manteau, 
mais  d'une  aultre  ventrée,  qui  sera  plus  robuste,  et  plus  vigoureux, 
et  plus  grand;  mais  pour  ceux  de  poil  de  rat,  il  s'en  est  encores  perdu 
une  ventrée  toute  entière  depuis  quattre  jours,  à  faulte  que  les  valets 
n'en  ont  point  pris  de  soing  à  leur  naissance.  Il  en  reste  encore  une 
à  naistre,  mais  elle  ira  si  avant  dans  l'hiver,  je  veux  dire  si  prez  que 
malaisément  vauldront  ils  rien  ;  toutefoys  j'y  feray  veiller  plus  soigneu- 
sement, puis  qu'on  s'est  apperceu  du  temps  que  la  chatte  a  esté  cou- 
verte, car  elles  ne  manquent  pas  d'un  jour  tout  au  plus  les  neuf  se- 
maines toutes  entières,  qui  est  une  merveille  de  la  nature,  digne  de 
plus  de  considération  qu'il  ne  semble.  Quant  aux  nouvelles,  nous 
n'avons  que  celles  d'Italie  que  vous  trouverez  cy  joinctes  qui  viennent 
de  M''  de  Sabran,  à  quoy  un  aultre  adjouste  que  l'armée  du  duc  de 
Feria  est  de  18  mille  hommes  et  deux  mille  chevaux,  et  que  l'on  es- 
cript  d'Auspourg  que  le  mareschal  Horn'  s'advançoit  du  costé  de  Tyrol 
avec  20  mille  hommes,  et  que  te  Valstein  songe  à  faire  hyverner  son 
armée.  Pour  cette  province,  depuis  la  closture  de  l'Assemblée  dont 
vous  aurez  les  principales  délibérations,  il  n'y  a  rien  que  le  voyage  de 
M"^  le  mareschal  de  Victry  à  Tarascon  et  Beaucaire  où  il  avoit  esté 


'  On  sait  que  Claude  de  Sauraaise  avait  leurs  généraux  delà  Suède,  et  que  Gustave- 
épouse  Anne  Mercier,  fille  de  Josias  Mercier,  Adolphe  appelait  son  bras  droit,  naquit  en 
sieur  des  Bordes.  iSga  et  mourut  en   1667.  Voir  sur  cet 

^  Connaissait-on  l'histoire  de  l'enlèvement  homme  de  guerre  une  bonne  petite  notice 

de  M'"  Mercier?  Sait-on  ce  qu'il  advint  d'elle  de  M.  E.  Beauvois  dans  le  tome  XXV  de  la 

et  du  maraull?  Nouvelle  biographie  générale. 

"  Gustave,  comte  de  Horn,  un  des  meil- 


[1033]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  591 

invité  longtemps  y  a  par  cez  Messieurs  de  Beaucaire,  en  recognoissance 
fies  bons  offices  et  favorable  secours  qu'il  leur  avoit  mené  l'année  der- 
nière. Je  luy  ay  faict  tenir  là  les  lettres  de  M'  de  Thou  et  à  M'  le  mar- 
quis de  Narmoustier  ensemble  à  M""  de  la  Fayette,  et  demeure, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 

A  Aix,  ce  3o  aoust  i633. 

J'ay  faict  portraire  la  houppe  de  la  plante  Papyrus,  mais  elle  n'a 
pu  estre  coppiée  assez  à  temps;  ce  sera  Dieu  aydant  pour  le  prochain 
ordinaire. 

Cependant,  ne  pouvant  mieux,  vous  aurez  une  page  de  ce  volume 
m[anu]s[crit]  Grec  de  quelqu'un  des  anciens  Pères,  dont  nous  n'avons 
peu  recognoistre  le  style  ^ 


GXXIX 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 
Monsieur, 
Je  ne  pourray  pas  à  ce  coup  vous  entretenir  à  souhaict,  ayant  esté 
tout  destracqué  depuis  ai  heures,  pour  la  maladie  de  la  fille  de  mon 
neveu  laquelle  est  à  l'extrémité,  et  par  disgrâce  je  suis  tout  seul,  tout 
nostre  monde,  hommes  et  femmes,  estante  Marseille,  et  je  suis  bien  mal 
propre  t\  cez  soings.  C'est  pourquoy  vous  m'excuserez,  s'il  vous  plaict, 
si  je  me  contente  de  vous  accuser  la  i-eceplion  de  vostre  despcsche  du 
96  aoust  avec  toutes  cez  belles  pièces  que  vous  avez  joinctes  au  Philon 
Byzantin,  dont  je  vous  remercie  trez  humblement,  et  mesme  de  l'extraict 
de  ce  Philon  qu'il  vous  a  pieu  me  faire  faire,  qui  m'est  un  grand  sou- 

'  Vol.  717,  fol.  374, 


592  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

lagement,  ayant  bien  doublé  de  ce  que  vous  dictes,  pour  le  regard  de 
la  foy  de  cet  autbeur,  qu'il  y  ayt  de  l'ampliation  de  rhéteur,  mais 
tousjours  auray  je  de  la  peine  à  me  persuader  que  ces  Pyramides 
n'ayent  esté  incrustées  de  quelque  aultre  pierre  plus  précieuse  ou  mieux 
taillée  et  adjustée  que  celle  qui  y  reste,  puis  que  l'on  nous  dict  qu'elles 
sont  fort  inesgales,  et  assemblées  quasi  témérairement.  Nous  avons  icy 
un  mausolée  en  forme  de  tour  ronde  toute  solide,  enrichie  neant- 
nioings  par  dehors  de  colonnes  au  plus  hault  estage  et  de  pillastres  aux 
aultres  du  dessoubs ,  mais  derrière  les  incrustations,  le  noyeau  du  mitan 
paroict  encores,  de  la  mesme  sorte,  composé  de  grands  et  énormes 
quartiers  de  pierre,  assemblés  quasi  témérairement  les  uns  sur  les 
aultres,  et  en  quelques  lieux  y  est  demeuré  un  petit  passage  entre  ce 
noyeau  et  l'incrustation ,  car  je  ne  trouverois  pas  un  si  grand  miracle  en 
cez  Pyramides,  s'il  n'y  avoit  esté  faict  que  ce  qui  s'y  void.  Toutefoys 
je  m'en  rapporteray  tousjours  à  cez  Messieurs  qui  ont  esté  sur  les  lieux 
et  qui  par  conséquent  sont  plus  cappables  d'en  juger  que  nous.  J'eusse 
bien  voulu  escrire  à  M"'  Bodier  et  au  R.  P.  Mercene,  mais  il  est  mes- 
huy  bien  difficile;  vous  leur  ferez,  s'il  vous  plaict,  mes  excuses.  J'ay 
receu  de  Tunis  un  mémoire  sur  ce  que  le  bon  père  desiroit  sçavoir  de 
la  musique  des  Turcs,  que  je  mettray  possible  céans,  encores  que  je 
ne  luy  peusse  escrire,  pour  ne  le  laisser  languir  en  attendant  l'aultre 
ordinaire.  L'on  m'a  aussy  envoyé  de  Marseille  les  coppies  des  aultres 
deux  chartes  d'Alfonce  de  Castille  ayeul  et  de  son  petit  filz  de  mesme 
nom  que  je  n'avoys  peu  extraire  dernièrement,  quand  j'en  tiray  la 
troisiesme  que  vous  m'avez  renvoyé.  Je  n'ay  pas  seulement  eu  loisir  de 
les  lisre  et  les  vous  envoyé  pourtant  et  à  M""  Godefroy,  attendant  la 
veiie  que  l'on  me  faict  espérer  des  originaulx,  dont  on  faict  la  recherche 
dans  les  archives  S'  Victor.  Du  restant  de  vostre  lettre  j'en  ay  usé  selon 
voz  ordres  précisément,  priant  Dieu  qu'il  nous  donne  ce  qu'il  juge  nous 
estre  nécessaire.  J'ay  receu  un  fagot  de  livres  par  les  sieurs  Moreaux 
où  j'ay  trouvé  un  exemplaire  de  ce  petit  traicté  d'Hortensius  \  et  de 

'  Ce  petit  traité,  dédié  par  le  mathématicien  de  Delfl  h  Gassendi,  était  intitulé  :  Martini 
Hortensii  dissertatio  de  Mercurio  in  so/e  «iso  (Ley de.  i633,in-i°). 


[1633Î  AUX  FRÈUFS  DUPUY.  593 

celuy  du  P.  Malapertitis  '  sur  les  macules  solaires  que  je  desiroys  avec 
{Trande  passion ^  et  eusse  bien  souhaiclé  qu'ils  eussent  esté  doubles, 
])our  en  pouvoir  faire  passer  l'un  en  Italie ,  car  je  n'ose  le  faire  de  peur 
de  m'en  trouver  desponrveu,  comme  de  celuy  de  Scliickard.  J'ay  prins 
])laisir  de  voir  ce  Malapertius,  et  bien  que  sa  supposition  reçoive  de 
grandes  difficulté/,  si  est  ce  que  je  n'en  trouve  pas  moings  à  l'aultre 
advis  plus  communément  rcceu  du  P.  Scheiner,  voire  j'y  trouve  des 
choses  plus  mal  compatibles  qu'à  l'advis  du  P.  Malapertius.  Nous  avons 
receu  par  mesme  moyen  cet  autheur  si  bien  imprim('!  en  Hébreu  in  i". 
H  fault  advoiicr  que  lez  Hollandoys  font  mieux  que  nous.  J'ay  rendu  le 
fagot  du  P.  iVJinime  couvert  de  toille  verte  à  son  addresse,  et  me  suis 
dispensé  d'ouvrir  celuy  de  M"'  Gasscud  selon  ses  ordres  et  de  M""  l'IIuil- 
lier,  y  ayant  trouvé  un  livre  in  A"  d'Angleterre  des  Veritez  et  Révéla- 
tions qui  mérite  bien  d'estre  achepté  s'il  s'en  trouve  à  vendre'.  Je.l'ay 
faict  couldre  et  couvrir  promtement  avant  que  le  faire  tenir  à  M'"  Gas- 
send,  parce  qu'il  n'a  pas  des  libraires  à  Digne.  II  aura  cetadvantage  à 
la  liberté  que  j'ay  prinse  d'ouvrir  son  fagot.  Je  vous  rends  mille  grâces 
trez  humbles  de  voz  nouvelles,  et  ne  puis  vous  rendre  aulcune  re- 
vanche que  de  celles  de  Languedoc  que  l'on  vient  de  m'envoyer,  et  que 
je  n'ay  pas  seulement  veiies.  Estant  de  tout  mon  cœur, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  6  septembre  i633. 


'  Charles  Malapert ,  ik^  h  Mons  en  1 58 1 , 
entra  dans  la  Compagnie  de  Jésus  en  1 6oo , 
fut  professeur  en  Lorraine,  en  Pologne,  à 
Douai,  devint  recteur  du  collège  d'Arras  et 
mourut  en  iG3o  h  Victoria,  se  rendant  à 
Madrid  où  Philippe  IV  l'avait  appelé  pour 
enseigner  les  matiiématiqucs. 

'  Aucun  ouvrage  spécialement  consacré 
aux  macules  solaires  n'est  cité  dans  l'article 
Malapert  de  la   Bibliothèque  des   écrivains 


de  la  Compagnie  de  Jésus.  Mais  on  y  signale 
un  ouvrage  de  l'année  i633  dans  lequel  le 
P.  Malapert  a  dû  s'occuper  des  taches  du 
soleil  :  Austriaca  sidéra  heliocyclta  astrono- 
mieis  hypothesibus  illigata  ;  opéra  R.  P.  Ca- 
roli  Malaperlii  lielgœ  Monlensis  (Douai, 
in-4"). 

'  De  verilate  prout  distinguitur  a  revek- 
lione,  a  verisimili,  a  pos*ibili  et  a  falto 
(Londres,  i634,  in-à*).  Ce  livre  d'Edouard 


7^ 


594  LETTRES  DE  PEIRESC  -[1633] 

Nous  avons  obtenu  la  permission  que  ilesiroit  M'  de  Valoys'  de  faire 
transcrire  les  oeuvres  non  imprimées  de  Libanius  dans  la  bibliothèque 
d'Auspourg^. 


GXXX 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Par  le  dernier  ordinaire  de  Lyon  je  receus  vos  despesches  du  2  sep- 
tembre, avec  la  petite  boitte  pour  Home  qui  seroit  allée  par  le  dernier 
ordinaire  si  elle  feust  arrivée  un  jour  plus  tost,  mais  ce  sera  Dieu  ay- 
dant  dans  dix  jours  par  le  prochain.  Cependant  j'ay  aujourdhuy  receu 
par  la  voye  des  Moreaux  deux  fagots  de  livres  fort  bien  conditionnez 
dans  lesquels  s'est  trouvé  tout  le  contenu  que  vous  aviez  cotté  sur  l'en- 
veloppe de  chascun  de  vostre  main  tant  pour  ce  qui  accompagnoit  le 
livre  de  l'Amérique  de  Laet\  dont  vous  aviez  oublié  de  retenir  un  mé- 
moire, que  pour  ce  qui  accompagnoit  les  deux  exemplaires  de  l'epistre 
S*  Clément,  et  le  livre  de  M'  Midorge,  conformément  au  mémoire 
qu'en  aviez  retenu  et  datte  du  2  aoust  qui  est  venu  dans  vostre  lettre 
du  2  septembre,  si  ce  n'est  que  vous  n'y  cottiez  que  deux  exemplaires 
du  discours  de  M"^  Justel  in-ii°\  et  toutefoys  il  s'y  en  est  trouvé  troys, 


Herbert  de  Cherbury  avait  déjh  paru  à  Pa- 
ris, en  1 6a  4,  et  devait  bientôt  reparaître  à 
Londi'es  augmenté  du  traité  :  De  causis  erro- 
rum  (i6/i5 ,  iu-4°).  On  sait  que  le  philosophe 
diplomate  traduisit  lui-même  le  De  veritate 
en  langue  française  :  De  la  Vérité ,  en  tant 
qu'elle  est  distincte  de  la  révélation,  du  vrai- 
semblable,  etc.  (1639,  in-4°). 

'  Henri  de  Valois. 

'  Vol.  717,  fol.  276. 

^  J'ai  oublié  de  dire  plus  haut  que  Jean 
de  Laet  fut  un  des  correspondants  de  Peiresc. 


On  conserve  à  la  Méjanes  d'Aix  (ms.  loai  , 
fol.  97)  une  lettre  en  latin  dans  laquelle 
le  directeur  de  la  Compagnie  des  Indes 
demande  ù  Peiresc  (Leyde,  9  5  mai  1625) 
des  échantillons  de  divers  minéraux  et  de 
diverses  pélriûcations  qae  l'on  trouve  en 
Provence ,  en  échange  d'échantillons  de  sem- 
blables objets  qu'il  adresse  au  grand  curieux 
provençal. 

*  Discours  du  duché  de  Bouillon,  et  du 
rang  que  les  ducs  de  Bouillon  ont  en  France 
(i633,in-4°). 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  595 

comme  vous  aviez  marqué  sur  le  fagot,  de  sorte  qu'avec  celuy  qui 
estoit  dans  le  fagot  de  Laet,  il  y  en  a  qualtre  exemplaires,  qui  trou- 
veront assez  de  bons  nraistres.  Pleut  à  Dieu  que  les  aultres  fagots  que 
vous  m'accusez  tant  du  20  aoust  de  l'Histoire  de  M'  de  Tliou  que  du 
27°"*  du  mesme  moys,  où  est  le  pacquet  de  M'  Diodati  pour  le  P.  Cam- 
panella,  fussent  arrivez,  pour  pouvoir  aller  à  Rome  par  les  galères  du 
Pape  que  l'on  attend  de  jour  à  aultre  à  Marseille,  car  ce  seroit  une 
admirable  commoditc'î  de  les  joindre  aux  mémoires  du  Languedoc  de 
Catel  \  et  aultres  livres  que  je  faics  estât  d'envoyer  au  cardinal  Barberin 
par  les  dictes  galères.  Je  feray  tenir  à  M'  Gassendi  les  deux  livres  cou- 
vers  de  papier  madré  in  8"  coltez  de  son  nom,  tant  de  la  responce  de 
Du  Moulin  2  que  de  la  retraicte  d'Alcippe.  Ne  pouvant  vous  rendre 
assez  de  remerciments  de  la  continuation  de  tant  de  soings  et  de  peines 
que  vous  daignez  prendre  pour  moy.  Le  quatlriesme  exemplaire  de 
l'epistreS'  Clément,  venu  dez  sammedy  par  l'ordinaire,  fut  incontinent 
cousu,  et  a  bien  eu  des  veiies'  avant  l'arrivée  des  aultres  deux  du  fagot 
du  2  aoust,  dont  je  feray  relier  l'un  proprement  pour  Rome  avec  ordre 
d'envoyer  le  précédant  au  cardinal  Bagny,  qui  me  le  demandoit  avec 
grande  ardeur,  et  l'aullre  du  fagot  sera  pour  moy,  le  quattriesme  courra 
partout  où  besoing  sera  chez  les  amys  d'icy  et  des  environs,  car  quand 
ils  ont  une  foys  esté  ployez  et  battus  en  plus  petite  grandeur  que  leur 
forme,  ils  ne  se  peuvent  jamais  relier  bien  proprement.  Et  aprez  tout 
cela  il  ne  luy  manquera  pas  de  maislre.  Dieu  aydant.  J'ay  eu  avec  voz 
despesches  celle  du  bureau  d'adresse  d'ordinaire  comme  vous  l'aviez 
bien  jugé,  mais  à  cette  foys  icy,  j'y  ay  trouvé  à  redire  une  feuille  de 
la  relation  du  moys  d'aoust  dont  on  avoit  doublé  la  première  et  laissé 
en  arrière  la  deuxiesme,  au  lieu  de  quoy,  on  avoit  mis  le  billet  que  je 
vous  envoyé,  oh  l'on  me  faict  un  delTy  auquel  je  en  m'attendoys  nulle- 
ment, car  je  ne  suis  poinct  résolu  d'ouvrir  de  bureau  d'adresse  en 

'  Mémoires  sur  l'histoire  du  Languedoc        Pierre  du  Moulin  et  Guezde  Balzac  les  Le«re« 
(Toulouse,  i633,  in -fol.).  de  Jean  Chapelain,  t.  I,  p.  la. 

'  Réponse  à  la  lettre  de  M.  de  Balzac  '  C'est-à-dire  :  a  élé  examiné  par  plu- 

(i633  ,  in-8°).  Voir  sur  la  polémique  entre        sieurs. 

7S. 


596  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

cette  ville  pour  cette  correspondance  de  gazettes  dont  je  me  tiens  cer- 
tainement bien  obligé  à  M''  Raynaudot,  mais  puis  que  dans  les  cahiers 
de  la  suitle  des  gazettes,  il  a  déclaré  à  tout  le  monde  que  pour  une 
certaine  pièce  d'argent,  il  se  chargeroit d'envoyer  les  gazettes  partout,  il 
semble  qu'il  auroit  aultant  d'occasion  de  me  les  envoyer  à  moy  comme 
à  d'aultres  pour  mon  argent,  s'il  veult  maintenir  de  bonne  l'oy  la  parolle 
qu'il  en  a  donnée  toute  mouUée  si  solenmellement.  Que  s'il  vouloit 
dire  que  ce  ne  fust  qu'aprez  la  publication  dans  Paris,  ce  seroit  bien 
inutilement  attendu  qu'il  n'arrive  poinct  d'ordinaire  qui  n'apporte  les 
gazettes  toutes  IVaisches  non  seulement  à  moy,  mais  à  troys  ou  quattre 
aultres,  qui  en  font  si  bon  marclié  que  les  imprimeurs  qui  les  contre- 
faisoient  quelque  foys  n'y  trouvant  plus  à  vivre,  ou  à  se  r'embourcer  de 
leurs  fraiz,ont  esté  constraincts  de  s'en  abstenir,  tellement  qu'en  ce  cas 
mon  argent  seroit  bien  mal  employé.  Et  pour  la  communication  des 
nouvelles,  je  suis  un  trop  mauvais  autheurpour  en  faire  de  capital  sur 
moy  ',  et  me  priveroys  bien  d'aultres  plaisirs  plus  grands  que  la  com- 
munication de  la  Gazette,  plus  tost  que  de  m'obliger  à  donner  aulcuns 
advis.  J'ay  creu  que  s'il  vous  alloit  voir,  il  ne  tiendroit  qu'à  luy  d'y  ap- 
prendre quelque  chose  de  ce  qui  se  peult  divulguer  sans  regret.  Je  se- 
ray  bien  aise  que  vous  le  luy  fassiez  entendre  de  ma  part,  s'il  ne  vous  . 
est  dezagreable,  par  quoiqu'un  des  vostres  qui  luy  fasse  voir  cette 
mienne  lettre,  et  qui  luy  paye  par  mesme  moyen  les  arrérages  de  la 
pension  telle  qu'il  l'a  taxée,  ou  aultre  plus  grande  s'il  y  escheoit;  si  non, 
je  luy  déclare  que  je  le  remercie  comme  je  doibs  de  la  faveur  qu'il  m'a 
faicte  jusques  à  celle  heure,  et  que  nous  ne  laissons  pas  d'avoir  d'ail- 
leurs la  communication  des  mesmes  gazettes,  tout  aussy  fraisches,  sans 
luy  en  avoir  l'obligation  à  luy,  car  de  l'édition  mesmes  de  Lyon  qui  y 
est  tousjours  achevée  de  contrefaire  avant  que  nostre  ordinaire  en  parte, 
il  en  vient  tant  qu'on  veult  à  fort  bon  compte.  Et  je  croys  que  puis 
qu'il  ne  veult  pas  que  je  trouve  mauvais  sa  discontinuation,  il  ne  trou- 

'  Littré  n'a  pas  recueilli  l'expression  :  faire  son  capital  de,  avec  exemples  tirés  de 
faire  de  capital  sur  quelqu'un.  Oatroa\eseu-  Boiirdaloiie,  de  Féneloii,  de  La  Bruyère, 
lement  dans  son  Dictionnaire  la  locution  :        de  Pascal,  de  M""*  de  Sévigné. 


[1633]  AUX  FRKRES  DUI'UY.  597 

vera  pas  mauvais  aussy  qu'un  aultie  acquière  sur  moy  roblijralioii  dont 
il  commancc  de  se  lasser;  (|ue  si  on  auitre  chose  y  avoyt  moyen  de  le 
servir,  il  se  peult  bien  asseurer  que  je  ne  m'y  esparyneray  jamais,  soit 
qu'il  continue  ou  non  les  faveurs  qu'il  a  commancé  de  me  desparlir. 
Ne  re{;reltant  en  tout  cela  que  l'imporlunité  que  vous  y  recevez,  dont 
je  vous  crie  mercy  de  bon  coeur,  aussy  bien  que  de  l'adresse  de  mes 
aultrcs  lettres,  dont  je  n'abuse  poinct  tant  que  je  puis;  el  pour  vous 
rendre  compte  du  contenu  de  ma  despescbe  du  22  aousl,  je  pense  que 
vous  aurez  sceu  ce  qui  avoit  jjrossy  le  pacquet  de  M""  L'huillier  si  ex- 
traordinairement,  car  il  contenoit  la  responce  de  M"'  Gassend  à  Schi- 
ckard,  avec  de  grandement  belles  observations  nouvelles  tant  sur  le 
Mercure  que  sur  aultres  pliœnomenes  célestes  bien  curieux ,  dont  j'avoys 
faict  brocher  en  ah  heures  une  coppie  escripte  beaucoup  plus  au  large, 
pour  la  pouvoir  conférer  promtement  de  par  de  là,  sans  rclardalion  de 
l'envoy  de  l'autographe,  afin  d'en  envoyer  coppie  à  Hortensius.  Et  je 
croys  bien  que  vous  n'entendez  pas  (jue  cela  soit  exclus  du  privilège 
do  passer  soubs  l'advcu  de  M""  de  Lomenie.  Le  pacquet  du  sieur  Gaillard 
n'esloil  que  de  mes  lettres  à  diverses  j)ersones  dont  j'eslois  bien  aise  de 
vous  descharger  du  soing  de  les  faire  tenir  en  divers  lieux,  011  il  pou- 
voit  aller  quérir  luy  mesmes  les  responces,  comme  il  est  bien  oflicieux. 
Celuy  de  M""  l*etre(|uin  contenoit  un  bail  ou  aultres  pièces  de  grande 
importance  qui  regardoient  les  interests  de  M''  l'abbé  de  Monlmajour ', 
qui  est  si  proche  parant  de  M""  de  Thou,  que  je  ne  pense  pas  faillir  de 
vous  en  faire  adresse,  lanl  pour  la  seureté,  «'estant  perdu  d'aultres 
despeschcs  inqiorlanles,  que  pour  les  faire  rendre  plus  tost,  car  elles 
ont  lardé  deux  l'oys  de  beaucoup  de  jours  et  en  occasions  de  grande 
consequance,  avant  qu'elles  passassent  par  noz  mains.  Et  je  n'ay  poinct 
veu  que  M'  de  S'  Geosmos  aye  guieres  envoyé  que  de  simples  lettres 
ouvertes  hors  de  cette  foys  là.  Sur  quoy  il  fault  (|ue  je  vous  dise  que 
je  lascheray  d'en  user  le  plus  sobrement  que  je  pourray,  et  que  comme 
jusques  à  celle  heure  nous  avions  tousjours  payé  le  port  à  raison  de 

'  Le  fils  (li'jh  niciiliunnë  de  l'r.  Snvnry  de  Rrèves. 


598  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

3  s[ols]  par  once  de  ce  qui  vient  de  Paris  icy  par  l'ordinaire,  je  ne  sçay 
quelle  bonne  fortune  a  esté  la  nostre  depuis  le  voyage  que  M'  du  Lieu  fit 
icy,  où  mon  frère  et  moy  luy  rendismesbien  du  service  et  depuis  en  deux 
ou  troys  occasions  signalées,  dans  les  assemblées  des  Estats  et  des  com- 
munautez,où  l'on  l'avoit  voulu  traverser,  en  sorte  que  meu  de  quelque 
remors  de  consciance ,  depuis  deux  ordinaires  il  n'a  plus  voulu  mettre 
noz  lettres  avec  celles  qu'on  faisoit  payer,  et  les  a  faict  joindre  à  celles 
du  Roy  et  aultres  qui  vont  franches,  n'ayant  rien  voulu  de  son  droict, 
ce  qui  a  faict  honte  à  Mess"  les  Moreaux  qui  nous  avoient  bien  plus 
d'obligation  que  luy,  lesquels  n'ont  rien  voulu  du  leur  nom  plus,  et  ne 
nous  ont  plus  mis  en  taxe  noz  lettres.  Tellement  que  nous  sommes  bien 
plus  fortunez  que  nous  ne  pensions  lorsque  nous  nous  y  attendions  le 
moings.  Et  ce  seroyt  grande  honte  que  les  vostres  fussent  moings  pri- 
vilégiées de  par  delà,  soubs  un  nom  si  vénérable  que  celuy  du  bon 
homme  M""  de  Lomenie  \  et  qu'on  s'en  advisast  de  par  delà  lorsque  de 
par  deçà  nous  commançons  de  jouyr  du  privilège  de  franchise,  et  c'est 
à  cette  heure  principalement  que  je  vous  supplie  d'en  user  plus  sobre- 
ment de  vostre  costé  qu'auparavant,  car  quand  je  payois  le  port  je 
n'avois  pas  de  regret  de  le  payer  d'un  livre  curieux,  et  à  cette  heure 
qu'on  me  veult  affranchir,  j'ay  plus  de  honte  de  charger  leurs  pacqiiets. 
La  commodité  est  si  belle  d'envoyer  les  livres  par  les  balles  si  réglées 
des  mesmes  Moreaux,  où  ils  ne  font  pas  de  difficulté  de  prendre  le 
payement  à  raison  de  5  s[ols]  pour  livre,  que  s'ils  les  recevoient  tous 
jours  aussy  tost  que  celle  du  2  aoust,  je  ne  m'en  plaindroys  jamais. 
M'  de  Saulmaise  me  demande  des  livres  Cophtes  dont  j'attends  bonne 
provision  d'Egypte  avant  la  fin  de  l'année  Dieu  aydant,  et  un  livre 
Hébraïque,  pour  lequel  j'ay  escript  à  Venise,  d'où  j'en  lis  aultres  foys 
recouvrer  à  feu  M""  de  la  Scala,  aultant  qu'il  m'en  demanda.  Je  ne  luy 
sçauroys  pas  respondre  par  cet  ordinaire,  mais  ce  sera  Dieu  aydant 
par  le  prochain  infailliblement.  J'ay  quelque  aultre  chose  de  ce  Rivius 

» 
'  Antoine  de  Loménie,  né  en  i56o,  avait  alors  soixante-treize  ans  el  était,  par  consé- 
quent, assez  âgé  pour  mériter  le  titre  de  bon  homme. 


[1633|  AUX  FRfillES  DUPLY.  599 

si  je  ne  me  troni])e  de  la  matière  navale  '  et  un  livre  soubs  le  tiltre 
([ue  vous  dictes  des  Ilierojjlypliiijues  Arcana  Arcanissima  qui  n'esloit 
que  de  l'Alchimie;  je  seroys  bien  morlilié  si  ce  n'estoit  quel(|ue  chose 
de  meilleur.  M"'  le  maroschal  de  Vitry  vient  de  revenir  de  Marseille  d'où 
il  r'amene  mon  frère  à  qui  je  feray  voz  baisemains  comme  je  vous 
supplie  de  faire  les  miens  trez  humbles  i\  M'  du  Puy  vostre  l'rere,  et  de 
me  tenir  l'un  et  l'aultre, 
Monsieur,  pour 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  19  septembre  i633. 

Mon  homme  avoit  oublié  dernièrement  d'enclorre  dans  vostre  en- 
veloppe un  feuillet  Grec  d'un  m[anu]s[crit]  dont  je  vous  faisois  mention, 
et  un  du  Languedoc  que  vous  aurez  maintenant  avec  des  nouvelles  de 
Gènes  et  de  Gonstanlinople  '^ 


CXXXI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

A  PARIS. 

Monsieur, 
.      Ce  mot  n'est  que  pour  accompagner  trente  pistoles  d'Espagne  que 
je  vous  envoyé  par  la  commodité  de  M'  Farnoux,  cy  devant  consul  en 
Alexandrie  d'Egypte',  pour  M'  de  Brèves,  qui  s'en  va  à  Paris,  pour  voir 

'  i/i.stomn(i««/Mfln/iyM«(I>omlies,i633),  autres  ouvrages,   notamment  une  dëfense 

ouvraffe  dt^k  mentionne  plus  haut  (|).  1 56,  de  l'empereur  Jusiinien  contre  .\leraanni 

note  4).  Lue  seconde  partie, //w<ona  navalts  (i6a6). 
média,  parut  en  i64o.  La  première  édition  '  Vol.  717,  foi.  378. 

(en  un  seul   volume  in-S")  est  de   itîiç)  '  Voir,  au  folio  366  du  registre  III  des 

(Londres).  Ajoutons  que  Thomas   Ryves,  Minutes  de  l'Inguimbertine,  une  lettre  de 

né  vers  i58o,  mourut  en  i65i  à  I^ndres,  Peiresc  b  Farnoux,  consul  à  Alexandrie,  du 

et  que  ce  docte  magistrat  a  laissé  divers  9  mars  1639. 


600  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

cez  Messieurs  et  donner  raison  du  consulat,  et  instruction  des  afîaires 
qu'ils  ont  en  Levant.  Il  ne  manquera  pas  de  visiter  monsieur  de  Thou, 
et  avec  cette  occasion  il  m'a  promis  de  vous  faire  rendre  en  main  propre 
ce  pacquet  qui  estoit  demeuré  sur  mon  cabinet  troys  ou  quattre 
moys  y  a  pi'est  à  clorre,  à  faulte  de  commodité  d'amy  depuis  que  j'eus 
perdu  celle  de  M'  de  Piensin  de  Tollon ,  ne  s'en  estant  présenté  depuis 
aulcune  aultre  de  ma  cognoisçance.  Au  reste  le  dict  sieur  Farnoux  a 
esté  longues  années  en  Levant,  et  particulièrement  en  Egypte,  mais 
il  n'estoit  pas  curieux  comme  d'aultres,  pour  le  moings  en  ce  dernier 
voyage  qu'il  estoit  plus  aagé  et  qu'il  a  eu  de  fascheuses  rencontres.  Il 
pourra  neantmoings  donner  encores  de  bonnes  instructions  aux  curieux 
qui  le  vouldront  enquerre,  et  mérite  plus  qu'il  ne  monstre.  Je  m'asseure 
qu'il  trouvera  chez  vous  le  bon  accueil  que  les  gents  d'honneur  y  trou- 
vent, à  quoy  je  prendray  part,  et  seray  à  jamais, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  irez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 

A  Aix,  ce  17  septembre  i633  '. 


CXXXII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

ADVOCAT   EN  LA  COUR, 

RUE  DES  POICTEVINS  DERRIERE  s'  ANDRE  DES  ARTZ,  CHEZ  Jl'  DE  THOD, 

À  PARIS. 

Monsieur, 

La  rivière  de  la  Durance,  ayant  desbordé,  conjoinctement  avec  le 

Bhosne,  jusques  aux  portes  d'Avignon, a  retenu  nostre  ordinaire  troys 

jours  plus  tard  que  de  coustume,  en  sorte  que  nous  ne  l'attendions  plus. 

Enfin  il  est  arrivé  encor  assez  à  temps  pour  vous  pouvoir  accuser  la 

'  Vol.  717,  fol.  28a. 


AUX  FRKRES  DUPUY. 


601 


[1633] 

réception  de  vostre  despesclie  du  9°"  de  ce  moys,  où  j'ay  prins  plaisir 
de  voir  cez  belles  lettres  de  M'  Grotius  el  de  M'  Rigaiilt  aussy  bien 
que  les  advis  cslrariffors,  dont  je  vous  remercie  trez  liund)lement,  ne 
pouvant  assez  déplorer  les  occasions  nouvelles  de  mezintellifjence,  au 
lieu  des  accommodements  que  l'on  nous  avoit  voulu  faire  espérer.  Dieu 
y  mettra  sa  main  toute  puissante  quand  il  le  jugera  à  propos  pour 
nostre  bien,  et  ne  le  fera  jamais  aussytost  comme  je  le  souhaicte.  J'ay 
veu  comme  le  mot  de  Hepudium  précisé  '  avoit  rebutté  voz  MM"  à  l'ab- 
bord  que  vous  leur  aviez  monstre  cette  feuille.  J'avoys  affecté  de  choix- 
sir  ce  lieu  là  plus  tost  qu'un  aultre  exproz,  pour  leur  donner  plus  de 
moyen  de  juger  du  temps  et  parce  que  ce  mot  n'a  pas  esté  si  tard  na- 
turalizé'^  entre  les  Grecs  qu'il  ne  se  trouve  dans  Justin,  ce  me  semble; 
je  ne  sçay  pas  pourquoy  cez  Messieurs  ont  voulu  si  tost  condamner  ce 
pauvre  bon  père  sans  l'ouyr,  et  sans  attendre  qu'il  se  presentast,  car 
ce  sont  des  scholies  continuées  par  l'Evangile  de  S'  Mathieu  dont  il 
manque  fort  peu  du  dernier  chappitlre,  mais  au  commancement  il  y 
a  bien  quatlre  chappittres  de  perdus,  à  mon  grand  regret,  car  je  tiens 
un  peu  de  l'humeur  du  bon  P.  Mercene  que  vous  dictes  estre  de  si  bon 
appétit  que  toutes  viandes  luy  sont  bonnes,  vous  pouvant  asseurer  que 
j'ay  souvent  ap])rins  des  choses  bien  notables  en  des  ouvraiges  bien 
négligez,  principalement  en  matière  de  pièces  antiques,  de  quelque 
siècle  qu'elles  puissent  estre.  Vous  verrez  un  aultre  passage  du  mesrae 
autheur,  dont  je  pense  que  feu  M'  Gasaubon  auroit  bien  faict  son  prof- 
fits'il  l'eust  veu,  lorsqu'il  en  alleguoit  d'aultres  au  mesme  sens.  Il  faul- 
droit  vérifier  dans  cez  volumes  des  Gatenas  des  Pères  Grecs,  si  entre 
ceux  qui  ont  faict  sur  S'  Mathieu  on  ne  trouveroit  poinct  des  vestiges 


'  Sous  le  mol  gréciser  LiUré  ne  cite,  en 
son  Dictiommire ,  ([ii'un  seul  écrivain  (jui  est 
du  xvin'  siècle,  Bufl'on,  ajoutant,  il  est  vrai, 
qu'on  trouve  ce  mot  dans  le  recueil  de  Cot- 
{rrave.  11  rappelle,  île  plus,  ipie  l'on  dis.iil 
aussi  ffri'caniser,  comme  ou  le  voit  dans  les 
Recherches  de  Pasquier. 

'  Le  mot  mturaliiier  était  déjh  employé 


au  XVI*  siècle  (V.  Carloix,  0.  de  Serres, 
Michel  de  Montaigne,  etc.).  Parmi  les  con- 
temporains de  Peiresc,  Balzac  s'en  est  plu- 
sieurs fois  servi.  On  aime  k  voir  Peiresc, 
(jni  a  naturalisé  en  France  divers  ani- 
maux et  diverses  plantes,  employer  une 
expression  si  souvent  employée  k  cause 
de  lui. 

76 


602  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

de  ce  que  celuy  cy  dict,  pour  recognoistre  le  vray  nom  de  son  aulheur. 
H  y  en  a  des  m[anu]s[crit]s,  ce  me  semble,  dans  la  bibliothèque  du  Roy, 
et  dans  celle  de  l'Oratoire  de  M''  de  S*^  Malo  S  et  d'aultres  encores  que 
le  deffuncl  P.  Fronton  avoit  tenus ^.  Quand  on  est  dans  un  village  des- 
pourveu  de  pain  blanc,  on  ne  laisse  pas  de  se  riier  sur  le  bis  et  d'y 
trouver  de  l'aliment,  quelquefoys  aussy  fructueux  que  l'aultre.  Au  reste 
j'ay  enfin  trouvé  moyen  de  vous  faire  tenir  par  M''  Farnoux,  jadis  consul 
des  Françoys  en  ^Egypte  (qui  est  party  sammedy  pour  Marseille,  d'où 
il  debvoit  aujourdhuy  prendre  la  routte  de  Paris),  un  pacquet  lequel 
je  vous  avoit  faict  il  y  a  plus  de  troys  moys,  pensant  en  charger  le  sieur 
de  Piensinde  Toulon,  qui  passa  sans  se  laisser  revoir,  dans  lequel  vous 
trouverez  3o  pistoles  d'Espagne  pour  subvenir  aux  fraiz  de  touts  cez 
curieux  ILbvres  nouveaux  dont  il  vous  a  pieu  me  faire  part,  auxquels  je 
seroys  bien  aise  d'adjouster  l'Horace  de  Hcinsius  de  la  dernière  édi- 
tion reveiie  et  augmentée'.  Ensemble  une  grande  Histoire  de  Rouan 
dont  on  me  faict  feste*  et  un  livre  de  M'  Grottius  sur  quelqu'un 
-de  cez  poètes  Grecs  anciens^,  et  s'il  estoit  possible  de  faire  venir 
d'Angleterre  une  coupple  de  copies  du  Seldenus  de  jure  hereditario 
Hebraeorum  ^. 

'  Achille  de  Harlay,  fils  du  célèbre  sieur  *  A  cet  endroit,  Dupuy  a  mis  en  marge 

deSancy(lNicolasdeHarlay),naquiteQi58i,  de  la  lettre  de  Peiresc  :  <rHist.  de  Nom. 

fut  ambassadeur  en  Turcjuie ,  devint  prêtre  fol.  ri  II  suppose  évidemment  que  Peiresc 

de  l'Oratoire,  évêque    de  Saint-Malo  (fd-  avait   voulu    parler  de  VHistotre  générale 

vrier  1 646  ).  M.  L.  Delisle  a  rappelé  ( Le  Ca-  de  Normandie .  .  . ,  par  Gabriel  du  Moulin , 

binet  des  Tnanuscriis,  t.  II,  p.  267)  que  les  Rouen,  i63i,  in-fol.  (Note  de  M.  Lëopold 

Oratorigns  de  la  rue  Saint-Honoré  possé-  Delisle). 

daient  une  belle  collection   de  manuscrits  '  Peut-être  le  volume  publié  quelques 

orientaux,  qui  venaient,  pour  la  plupart,  années  auparavant  :  Excerpta  ex  tragœdiis 

d'Achille  de  Harlay,  baron  de  Sancy,  mort  et  comœdtis  Grœcis ,  emendata  et  Lalinis  versi- 

évéque  de  Saint-Malo.  bus  explicala  ab  Hug.  Grotio  (Paris,  Buon, 

'  Le  P.  Fronton  du  Duc.  Voir,  sur  ce  sa-  1626,  in-Zt"). 

van  t  religieux ,  1. 1,  p.  Sa.  'Ce  fut  dans  sa  prison  que  Jean  Selden 

'  Il  s'agit  là  de  l'édition  de  1 629  (Leyde ,  composa  son  traité  :  De  successionibus  in  bona 

in-i6).LesElzevieravaient  publié,  en  1628,  defuncti    ad    Leges    liebrœorum,    imprimé 

les  œuvres  d'Horace  sans  commentaires  et  pour  la  première  fois  en  i63i  et  réimprimé 

pour  l'usage  exclusif  des  écoles.  en  i636. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  603 

Il  s'est  descouvert  une  vieille  Histoire  m[anu]s[crite]  qui  finit  à  Ur- 
bain II,  et  ([ui  comniance  d'assez  liault  les  choses  de  celte  province,  et 
particulièrement  du  costc;  d'Avijjnon,  Orange,  Cavaillon,  Anibrnri,  où 
il  y  a  de  grandes  notices  pour  les  origines  et  généalogies  de  noz  princes, 
et  y  a  mesmes  un  concile  qui  est  eschappé  au  P.  Sirmond  ;  raais  cela 
est  tombé  entre  les  mains  d'un  Irez  hoimeste  homme,  qui  ncantmoings 
en  est  si  jaloux  qu'il  n'en  veult  rien  laisser  voir,  se  voulant  donner 
l'honneur  de  le  faire  imprimer  luy  mesmes  dans  deux  ans,  ce  dict  il,  en 
quoy  il  nous  obligera  bien  fort,  et  le  feroit  bien  davantage  s'il  pou- 
voit  anticiper  le  temps,  car  il  me  tient  en  une  merveilleuse  impatiance 
d'en  voir  quelque  chose.  Il  fut  bien  malade  cez  moys  passez,  et  ce  seroit 
grand  dommage  si  cela  tomboit  en  mauvaises  mains,  cez  siècles  qui  y 
sont  traictez  ex  professe  estant  de  ceux  oii  l'on  a  plus  de  besoing  de 
secours  de  livres,  car  on  me  dict  qu'il  s'estend  beaucoup  sur  les  deux 
ou  troys  cents  ans  devant  Urbain  II  dont  nous  avons  si  peu  d'autheurs 
curieux.  Vous  pouvez  penser  que  je  luy  faicts  l'amour,  à  bon  essiant, 
c'est  à  dire  sans  rien  obmettre  ne  espargner  de  tout  ce  qui  peut  fleschir 
les  plus  fieres  et  plus  inexorables  maistresses,  non  seulement  pour 
l'amour  de  moy,  mais  aussy  pour  l'amour  du  bon  M'  du  Chesne  qui 
en  sçauroit  encores  mieux  faire  son  proffît  que  moy.  Il  fauldra  que  le 
temps  nous  y  ayde  si  la  chose  est  faisable,  pour  abbreger  un  peu  la 
mortification  oii  j'en  suys  aprez  avoir  rendu  d'assez  dignes  services,  ce 
sembloit,  à  ce  personage  pour  pouvoir  prétendre  sur  luy  un  peu  de 
communication  d'une  viande  de  si  bault  goust  pour  moy,  mais  je  n'en 
ay  peu  apprendre  aulcunes  aultres  parlicularitez  que  celles  de  cy  dessus, 
encores  avec  prou  peine;  bien  a  t'ii  asseuré  qu'il  n'y  a  poinct  de  nom 
dautheur,  ce  que  je  regrette  grandement.  ÏNous  avons  icy  depuis  deux 
jours  Monsieur  Petit  de  Nisraes,  qui  me  promet  d'estre  icy  tout  ce 
jnoys,  dont  je  suis  bien  fier;  je  ne  sçay  si  j'auray  de  quoy  luy  fournir 
de  la  pasteure  proportionnée  h  son  génie;  sa  conversation  est  merveil- 
leusement doulce,  et  agréable,  et  digne  d'un  meilleur  sesjour  que  celuy 
oii  il  se  tient.  Il  faict  mettre  au  net  ses  loix  attiques,  lesquelles  sont 
bien  advancées,  et  quasi  prestes  à  nàettre  au  jour,  croyant  bien  qu'il 

76. 


604  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

ne  tardera  pas^  On  nous  parle  icy  depuis  quelques  jours  d'une  version 
Françoyse  des  oeuvres  de  leu  Monsieur  de  Thou  preste  à  imprimer^. 
J'ay  escript  pour  sçavoir  en  quel  estât  ell'  est,  croyant  que  vous  avez 
grand  interest  de  sçavoir  ce  que  c'est.  On  parloit  mesme  de  l'imprimer 
en  un  lieu  où  l'on  vouloit  establir  une  nouvelle  imprimerie,  mais  j'en- 
tends que  le  marchand  n'est  pas  prest  à  trouver  un  fonds  proportionné 
à  un  tel  ouvraige;  si  j'en  puis  rien  apprendre  de  particulier,  je  ne 
fauldray  pas  de  vous  en  faire  part,  estant  de  tout  mon  coeur, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 

A  Aix,  ce  19  septembre  i633. 

La  maladie  de  mon  homme  fit  demeurer  mon  pacquet  l'ordinaire 
passé,  tellement  que  vous  en  aurez  deux  à  ce  coup ,  dont  je  fus  bien  mor- 
tifié huict  jours  y  a,  ne  s'estant  depuis  offert  aulcune  commodité  extra- 
ordinaire pour  le  vous  faire  tenir  de  toute  la  semaine,  bien  qu'elles 
soient  assez  fréquentes  lors  qu'on  n'en  a  que  faire ,  par  les  courriers  de 
Gènes  ou  de  Rome'. 


GXXXIII 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
J'ay  receu,  avec  vostre  despesche  du  16  de  ce  mois,  les  petilz  im- 
primez et  pièces  du  temps,  que  j'ay  bien  pris  plaisir  de  voir,  ensemble 

'  Commentarii  in  kges  Auicas  (Paris,  tempsd'acliever,  à  cet  âge,  une  traduction  qui 

i635,  in-fol.).  du  reste,  à  la  façon  dont  il  s'en  tira,  dut  lui 

'  Il  ne  faut  pas  penser  à  la  version  du  coûter  inHaiment  peu  de  peine.  Nous  ver- 
futiu"  académicien  Pierre  du  Ryer,  laquelle  rons  plus  loin  (lettre  CXXXVIl)  qu'il  s'agit 
ne  devait  voir  le  jour  qu'en  1669  (3  vol.  d'un  précurseur  de  du  Ryer,  nommé  Ga- 
in-fol ).  H  est  vrai  que  du  Ryer,  en  i633,  briel  Boulle. 
avaitdëjà  trente-sept  ans  et  qu'il  aurait  eu  le  ^  Vol.  717,  fol.  980. 


[1G33]  AUX  FRERES  DUPUY,  605 

les  nouvelles  de  la  Cour  du  xi  et  du  xu,  que  je  n'ay  point  trouvé  estranoes 
après  l'évasion  de  cette  princesse',  craijjnanl  fort  que  son  mariage  ne 
soit  aultant  peut  eslre  et  plus  funeste  à  sa  maison  que  celluy  de  la 
Princesse  de  Manloiic  avec  le  Duc  de  Reteloi8^  qui  avoit  neantmoins 
tant  de  droict  et  tant  de  voeux  de  son  costé,  ce  qui  ne  sera  pas  peut 
estre  en  celluy  cy.  Le  succez  du  siège  de  Nancy  en  fera  bien  tosl  pa- 
roistre  des  efl'ectz,  je  m'asseure',  car  j'ay  bien  de  la  peine  à  me  per- 
suader que  celte  grande  villace'',  vraysemblablement  mal  agguerrie  et 
mal  pourveiie  des  gens  du  mestier,  puisse  faire  guieres  de  résistance 
aux  armes  du  Roy.  J'ay  pris  plaisir  de  voir  la  commission  de  Messieurs 
du  Parlement  de  Metz,  qui  nous  a  servy  à  ne  pas  doubter  du  supplé- 
ment d'un  mot  que  M'  Rigault  avoit  obmis  par  mesgarde  en  sa  lettre; 
le  libvre  dont  il  parle  de  cet  evesque  suiïragant  pourra  enseigner  de 
belles  choses  de  cez  pais  là  s'il  a  mis  le  nez  dans  les  vieilles  chartes, 
comme  je  le  pense.  Les  fagots  que  vous  avez  baillez  au  sieur  Perrin  du 
2  0  et  37"  d'aoust  ne  sont  poinct  encores  arrivez  à  mon  grand  regret, 
mais  les  galleres  du  Pape  ne  le  sont  ])as  aussy,  tellement  que  je  ne  suis 
poinct  encores  hors  d'espérance  de  faire  tenir  à  Rome  par  ceste  voye 
là  l'Histoire  de  M""  de  Thou,  à  propos  de  laquelle  il  fault  que  je  vous  die 
qu'en  recognoissant  mes  livres  j'ay  trouvé  de  manque  le  premier  volume 
que  j'avois  de  la  première  édition ,  avant  qu'elle  eust  esté  chastrée* ;  si  par 
hazard  il  s'en  trouvoit encores  quelque  exemplaire,  je  le  payerois  volon- 
tiers, quand  mesmes  il  seroit  un  peu  frippé,  pourveu  qu'il  y  reslast 
encores  assez  de  marge  pour  le  pouvoir  rellier  proprement  comme  il  le 


'  Marguerite  de  Lorraine,  sœur  du  duc 
Charles,  qui  avait  élé  maritk)  h  Nancy,  le 
3janvier  i63a,  avec  Gaston  d'Orldans ,  frère 
de  Louis  Xlll. 

*  Charles,  duc  de  Rétlielois,  fils  de 
Charles  I",  duc  do  Mnnlone,  et  de  Catherine 
de  Lorraine,  mourut  le  3o  août  i63i,  ayant 
(îpousé,  le  9  5  décembre  1697,  sa  cousine 
Marie  de  Gonzague. 

^  Au  monicut  où  Peiresc  exprimait  cet 


espoir,  Nancy  avait  ouvert  depuis  deux  jours 
ses  [)ortes  à  Ijouis  XIII  en  vertu  du  traité 
conclu  entre  ce  prince  et  le  duc  Charles  de 
Lorraine  (ai  seplenibre  i633). 

'  Le  Dictionnaire  de  Littré  rappelle  que 
Pusquier,  en  ses  Recherches,  a  parlé  de  ircelle 
jfrande  villasse  de  Rome»  et  que  Voltaire, 
dans  une  de  ses  lettres,  a  parlé  "de  cette 
jjrande  villace  de  Paris-. 

'  Paris,  i6o4-i6o(),  4  vol.  in-fol. 


606  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

mérite ,  et  n'y  espargneray  pas  quelque  chose  de  plus  de  la  valleur  com- 
mune, me  ressouvenant  que  celluy  que  j'avois  achepté  de  Febvrier  m'avoit 
cousté  le  double  du  prix  commun.  Au  reste  il  fault  que  je  vous  die  de 
plus  sur  ce  subject  qu'ayant  appris  qu'il  se  parloit  d'imprimer  une  ver- 
sion Françoise  de  ceste  belle  histoire  de  M'  de  Thou  en  cez  quartiers  de 
deçà,  que  l'on  disoit  estre  toute  preste  à  mettre  soubs  la  presse,  et  par 
où  l'on  pretendoit  d'acquérir  de  la  réputation  à  une  nouvelle  impri- 
merie que  l'on  veut  establir  en  la  ville  d'Orange',  soubz  l'adveu  et  peut 
estre  quelque  contribution  du  Prince  pour  faire  valoir  sa  ville,  j'ay 
mis  tant  de  gens  en  queste  qu'enfin  j'ay  appris  qui  estoit  celluy  qui 
faisoit  cette  entreprise  et  qu'elle  n'estoit  pas  si  advancée  comme  l'on 
m'avoit  dict,  ayant  veu  neantmoins  que  vous  aviez  intherest  d'en  sçavoir 
tous  les  tenantz  et  abboutissantz  qui  estoient  venus  à  ma  congnoissance, 
soit  que  vous  en  eussiez  ouy  parler  auparavant  ou  non,  et  pour  cet 
effect  je  vous  envoyé  la  response  que  m'a  faicte  sur  cela  un  gentilhomme 
bien  curieux  à  qui  nous  appartenons  un  peu,  nommé  le  sieur  de  Beau- 
castel,  qui  se  tient  à  Courteson^,  des  dépendances  de  la  principauté 
d'Orange,  avec  la  lettre  qu'il  avoit  eiie  de  la  part  de  ce  traducteur, 
ensemble  un  libvre  de  controverses  du  mesme  autheur  qu'il  y  avoit 
adjousté  pour  me  l'aire  voir  son  style,  dans  les  epistres  liminaires;  en- 
cores  que  la  despesche  soit  vieille,  je  ne  l'ay  receiie  que  depuis  hier 
pour  estre  passée  par  diverses  mains  et  avoir  faict  quelque  sesjour  eu 
Arles.  Mais  je  ne  feray  point  de  responce  que  je  n'aye  de  voz  nouvelles 
sur  cela,  et  que  jo  ne  sache  ce  que  vous  trouverez  bon  que  j'en  die, 
soit  qu'il  faille  l'exhorter  à  continuer  ou  le  desmouvoir  de  cesle  entre- 
prise au  cas  que  vous  ayez  quelque  aultre  en  main  qui  s'en  puisse  plus 
dignement  acquitter,  comme  je  n'en  doubte  quasi  point,  voyant  les  de- 
mandes que  vous  m'avez  faictes  aulcunes  foys  pour  les  noms  vulgaires 

'  L'imprimerie  avait  él^  pour  la  première  les  écrits  relatifs  à  l'histoire  de  cette  ville 

fois  Aabiie  à  Orange  en  plein  xvi°  siècle.  Voir  (Valence,  1877,  in-8°). 
le  Dictionnaire  de  Descbamps,  et  surtout  une  '  Gourthezon  (département  de  Vaucluse, 

brochure  spéciale  du  D'  Martial  Millel,  No-  arrondissement  d'Avignon,  canton  de  Bé- 

lice  sur  les  imprimeurs  d'Orange  et  tes  livres  darrides .  à  5  kilomètres  de  cette  ville). 
sortis  de  leurs  presses ,  avec  un  appendice  sur 


[1633]  AUX  FRÈRKS  DUPUY.  607 

de  quelques  lieux  et  de  quelques  personnes  de  pardeça  qui  y  sont 
inentionnées  qui  semblent  estre  pour  ayder  (juelqu'uu  qui  eusse  ce  tra- 
vail en  main',  et  au  cas  que  cela  soit,  je  ne  pense  pas  que  ce  soit  pour 
celluy  cy  que  vous  vous  soyez  donné  ceste  peine,  puis  que  j'apprends 
par  les  lettres  cy  jointes  (ju'il  n'estoit  pas  trop  bien  informé  des  inten- 
tions de  feu  M""  de  Thou  pour  ce  rejjard,  dont  vous  l'auriez  peu  esclaircir 
beaucoup  mieux  et  plus  certainement  que  celluy  qui  s'en  est  meslé; 
toutes  foys  je  me  pourrois  encores  tromper;  tant  est  que  les  fagots  du 
sieur  i'errin  ne  pourront  point  arriver  aussy  tost  comme  je  le  désire, 
pour  ne  perdre  une  si  belle  commodité  que  celle  de  ces  galleres  pour 
faire  tenir  de  la  marchandise  qui  a  si  peu  de  commerce  en  ce  pais  là 
hors  des  mains  des  gallandz  hommes,  comme  ceste  histoire,  et  peut 
estre  ce  livre  du  milord  Herbert '^  pour  le  P.  Gampanella,  à  qui  je  l'eu- 
voyeray  et  seray  bien  ayse  d'escripre  par  mesme  moyen  en  suitle  d'une 
lettre  que  j'ay  de  luy.  Cependant  je  vous  doibs  bien  remercier  comme 
je  faicts  trez  humblement  du  soing  que  vous  avez  eu  de  me  procurer 
un  exemplaire  de  ceste  pièce  de  Milord  Herbert,  que  je  tiendray  à  sin- 
gulière faveur  et  obligation  envers  M""  Deodati  aussy  bien  qu'envers 
vous.  Je  vous  doibts  bien  encore  des  remerciements  comme  à  M"^  Ri- 
gault  de  la  participation  de  son  Tertulian,  mais  je  vous  supplie  de  m'en 
faire  aciiepter  un  exemplaire  pour  le  cardinal  Barberin  qui  me  le  de- 
mande avec  grande  instance,  et  s'il  est  possible  que  ce  soit  du  plus 
beau  papier  tant  pour  l'un  que  pour  l'aultre  exemplaire,  car  pour  moy 
i'ay  grande  envie  de  relire  encore  une  foys  ce  libvre  sur  ceste  belle 


'  Rappelons,  h  ce  propos,  que  Jacques 
Diipuy  avait  publiti  un  index  des  noms  pro- 
pres qui  se  trouvent  latinisés  daiis  V llUtoire 
du  président  (le Tliou  (Genève,i6i4,  iu-d"), 
et  que  cet  index  fut  réimprimé  sous  ce  litre  : 
Resoliitio  omiiiitm  dij/icultatum ,  etc.,  h  Ratis- 
bonne  (tOgO,  in-'i"). 

*  Le  De  verilale  dont  il  a  été  question 
plus  haut  (lettre  GXXIX).  A  propos  de 
l'envoi  par  Uiodati  (qui  était  alors  en  An- 


gleterre) d'un  exemplaire  du  même  ou- 
vrage à  Gassendi,  Bougerel  analyse  (p.  i34- 
137)  les  observations  de  son  hért»s  sur  les 
idées  soutenues  par  l'ancien  ambassadeur 
d'Angleleri-een  France,  observationsque  l'on 
trouve  fji  extenso  dans  l'édition  des  Œuvres 
complètes  (Lyon,  in-fol.,  i658:  Ad  Ubrum 
D.  Eduardi  Herberti  Angli  de  veritate  epi- 
stola). 


608  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

édition  là,  et  payeray  volontiers  au  libraire  la  plus  vallue  du  papier 
lant  de  l'un  que  de  l'aultre.  Je  ne  me  suis  point  dessaisi  des  petitz  livretz 
du  P.  Malapertius  et  Hortensias,  jugeant  bien  qu'ils  auroienl  esté  tous 
enlevez  comme  ceux  de  Skikard ,  mais  j'ay  une  si  grande  mortifficalion 
de  ne  leur  pouvoir  laisser  passer  les  niontz  que  je  ne  le  vous  sçaurois 
exprimer,  et  s'il  estoit  possible  pour  ces  petites  pièces  là  de  peu  de 
coustange,  principalement  de  celle  de  mathématiques,  de  m'en  retenir 
une  couple  d'exemplaires  lorsqu'elles  arrivent ,  vous  m'obligeriez  grande- 
ment, et  m'osteriez  d'une  grande  peine.  Nous  attendrons  en  bonne 
dévotion  cet  aultre  fagot  du  douziesme  septembre  qui  ne  pourra  pas 
arriver  de  quelques  jours,  principalement  à  ceste  heure  que  les  pluyes 
et  inondations  ont  si  fort  rompu  les  chemins,  mays  j'ay  esté  infiniment 
ayse  de  voir  par  vostre  bordereau  que  vous  y  aviez  mis  le  libvre  de  Sel- 
denus,  pour  lequel  je  vous  escripvis  dernièrement,  et  seray  trez  ayse 
de  voir  ceste  belle  histoire  nouvelle  d'Angleterre  dont  vous  ne  nommez 
point  l'autheur  qui  merileroit  bien  d'estre  sceu,  puisque  la  pièce  est 
si  belle  comme  vous  dictes,  au  cas  qu'il  n'aye  mis  son  nom  en  ceste  édi- 
tion et  qu'il  se  puisse  apprendre;  j'attendray  aussy  ceste  relation  de 
M''  Hulon'  en  bonne  dévotion,  et  pour  les  deux  traittez  qu'il  a  pieu  à 
M'  Godeffroy  de  m'envoyer,  puis  que  vous  les  aviez  faict  transcripre  par 
Quentin,  je  ne  laisray  pas  de  m'en  prevalloir  et  les  envoyer  possible  au 
comte  de Marcheville  qui  est  grandement  friand  de  ceste  marchandise, 
tellement  que  tousjours  en  seray  je  bien  redevable  à  M'  Godeffroy  à 
qui  je  tascheray  de  procurer  tout  le  contentement  qui  pourra  dépendre 
de  moy,  espérant  du  coslé  de  Thoulouse  tout  ce  qui  se  trouvera  en 
eslat  sur  les  registres,  mais  pour  Rome  je  n'ose  pas  luy  promettre  grand 
chose  d'une  marchandise  si  jalouse,  les  registres  estantz  fort  mal  com- 
muniquables,  car  je  n'ay  jamais  peu  avoir  extraict  de  deux  ou  trois 
bulles,  cottées  et  dattées  par  le  P.  Bzovius  en  sa  continuation  du  Baro- 

'  Prieur  do  Cassnn  (en  Languedoc),  des  note  des  Lettres  de  Jean  Chapelain  (t.  I, 
habitués  du  cabinet  des  frères  Dupuy,  demi-  p.  196-1 96 ).  On  trouvera  beaucoup  de  dé- 
frère de  Jean -Jacques  Bouchard.  Voir  les  .  tails  sur  ia  relation  de  Hullon  dans  une  des 
Confessions  de  ce  dernier  (p.  5  à  65),  une  lettres  suivantes  (n°  CXXXV). 


[1633]  AUX  FRKRES  DL'PUY.  609 

nius  ',  et  particulièrement  de  celle  en  vertu  de  laquelle  le  Pape  entra 
en  possession  du  Comt»'^  Venaiscin,  rpii  a  esté  tonsjours  continuée  jusque» 
à  j)resoiit,  dont  je  fiiisois  la  reclierclio  pour  Ijunour  de  vous,  et  ce  fut  ce 
qui  accrocha  les  inenioires  que  j'avois  commencé  de  dresser  sur  ce  suh- 
ject,  qu'il  fauldra  neanlmoins  vous  envoyer  un  matin  telles  qu'elles  sont, 
si  nous  n'y  pouvons  joindre  ceste  pièce  et  une  aultre  que  l'on  m'avoit 
faict  espérer  des  Archives  de  Carpentras  qui  ne  se  sont  jamais  rouvertes 
depuis.  Je  vous  escriptz  au  lict,  m'estant  faict  tirer  un  peu  de  sang  pour 
un  peu  de  fiebvrotte^  que  m'avoit  causée  un  vent  marin  fort  fraiz  qui 
me  surprit  samedy  matin  l'audiance  tenant,  mais  {jraces  à  Dieu  je  suis 
sans  fiebvre,et  {jrandement  soulagé;  cela  me  servira  neantmoins  d'ex- 
cuse que  vous  ferez,  s'il  vous  plaist,  envers  cez  MM"  sy  je  diffère  de 
leur  escrire  au  prochain  ordinaire  et  particulièrement  à  M'  Godeffroy 
et  à  M"'  Rigault  et  à  M'  Lhuillier,  ensemble  à  Monsieur  du  Puy,  vostre 
frère,  qui  a  droit  de  me  commander  plus  absolument  qu'il  ne  faict, 
principalement  pour  des  personnes  de  mérite  si  relevé  comme  est 
M""  Heratilt',  qui  sera  tousjours  le  trez  bienvenu  et  servy  de  la  meilleure 
façon  qu'il  nous  sera  possible.  Je  vous  envoyé, un  verbal  du  coup  de  ton- 
nerre de  Masan  exlraict  des  registres  de  l'Evesché  *.  On  nous  dict  que 
le  tonnerre  a  bien  faict  du  desordre  à  la  Charité*,  mais  nous  n'en  sça- 
vons  pas  les  particularitez.  J'y  ay  joint  un  aultre  verbal  d'un  certain 
mal  d'oredle  bien  extraordinaire.  J'ay  receu  deux  exemplaires  du  libvre 
de  l'Altezza  Reale  du  Duc  de  Savoye,  l'un  desquels  est  pour  vous,  et  si 
ce  n'est  pas  cet  ordinaire  i\  cause  de  la  grosseur  du  pacquet,  ce  sera 
Dieu  aydantparle  prochain  et  parce  qu'il  ne  se  peult  pas  plyer  en  trop 


'  Abrahami  Btovii  eontinuatio  Annalium 
liaronit  (ab  mm  ikjS,  usquc  ad  annum 
i565),  Cologne,  i6iG-i63o,  8  vol.  in- 
folio. 

'"  Ge  dimiiiiitir  (lu  mot_^èt>re  se  reiroiivo 
dans  une  phrase  de  Molière  {Le  Malade  i'ma- 
ff inaire)  :  it  Je  dddaigne  de  m'amuscrh  ce  menu 
fatras  de  maladies  ordinaires.  .  .  h  ces Jie- 
vrottet. .  .  » 


^  Didier  Hërauld,  né  vers  1675,  mort  k 
Paris  en  juin  «  669 ,  fut  célèbre  comme  ëru- 
dil  cl  comme  jurisconsulte.  On  a  de  lui  de 
savantes  observations  sur  Arnobe,  Martial, 
Minulius  l'Vlix,  Tertullien.  Il  fut  un  des 
plus  ardents  des  nombreux  adversaire*  de 
Saumaiso. 

*  L'ëvêclié  de  Carpentras. 

*  La  Charité-sur-IiOire  (Niivre). 

77 

t«MI«BBU    II4T1««AU. 


610  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

petit  volume  sans  le  gaster;  j'y  feray  insérer  le  dessein  de  la  plante  du 
papyrus  que  j'ay  enfin  tirée  des  mains  du  peintre  qui  m'a  bien  laict 
languir  en  l'attente  d'icelluy,  tant  ceste  sorte  de  gents  tient  mal  volontiers 
parolle  en  matière  de  besongne  qui  n'est  pas  tant  de  leur  goust.  Sur 
quoy  je  finis  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  Irez  obéissant  serviteur, 
DE  Peirbsc. 
A  Aix,  ce  a6  septembre  i633. 

S'il  se  trouve  quelque  plan  de  Pignerol,  je  vous  prie  de  m'en  faire 
achepter  un  exemplaire,  pour  assortir  le  recueil  de  semblables  choses^ 


GXXXIV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DE  LOMÉNIE, 

CONSEILLER  DU  ROY  EN  S«S  CONSEILS  D'ESTAT 

ET  SECRÉTAIRE  DE  SES  COMMANDEMENTZ, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Nous  n'avons  à  cette  heure  aultres  nouvelles  du  païs  que  l'arrivée 
des  galleres  du  Pape  à  Marseille  depuis  deux  jours,  où  elles  ont  porté 
600  balles  de  soye  de  Messine;  elles  n'entrèrent  pas  toutes  dans  le  port, 
ains  tantost  l'une,  tantost  l'aultre,  parce  qu'elles  portent  l'estendard 
avec  lequel  elles  font  difficulté  de  commencer  le  sallutà  l'estendard  de 
France  des  nostres.  Le  mauvais  temps  les  a  obligées  de  refaire  quelque 
chose  et  de  spalmer^  avant  leur  retour,  ce  qu'elles  feront  à  Toulon 

'  Vol.  717,  fol.  a84.  donner  le  suif,  etc.»  Littré  donne  à  la  fois 

'  Le  Dictionnaire  de  Trévoux  définit  ainsi  espalmer  et  spalmer.  Voir  le  mot  espalmi 

ce  mot  :  «Terme  de  marine,  pour  signifier  dans  le  Glossaire  de  La  Curne  de  Sainte- 

enduire  les  navires  de  bray  ou  de  goudron.  Paiaye  et  les  mots  espalvérade  et  spalvérade 

C'est  la  même  chose  que  poisser,  goudronner,  dans  le  Lexique  ajouté  par  M.  Lud.  Lalanue  à 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  611 

comme  l'on  croid,  où  il  n'y  a  poinct  d'esteiidard  gênerai  à  saJiûei-. 
C'est  le  grand  prieur  Nary  qui  les  commande  et  qui,  en  qualité  de  Grand 
Croix,  doibt  demain  solennellement  donner  la  Grand  Croix  à  son  con- 
frère M''le  lîaillif  de  Fonrbin,  cappitaine  de  la  Galère  Royale  de  France, 
et  qui  les  commande  toutes  en  l'absance  de  M'  le  General.  Mon  frère 
y  est  allé  cejourd'huy  exprez,  pour  adsister  avec  les  consuls  à  la  céré- 
monie, dont  vous  aurez  la  relation  en  temps  et  lieti. 

Les  ravages  des  eaux  pluviales  ont  esté  fort  grands  en  tout,s  cez 
quartiers  de  deçà,  et  estime  t'on  le  daumage  seulement  dans  le  terroir 
de  Marseille,  à  deux  cents  mille  escus,tant  il  y  a  de  murailles  abbatiies 
et  de  terres  gastées.  Noz  pauvres  gents  de  Boysgency  eurent  belle  peur, 
mais  il  n'y  a  pas  eu  de  mal  grâce  à  Dieu.  M""  nostre  Archevesque  vid 
abbattre  à  la  veûe  de  son  chasteau  de  Jouques'  toutes  les  murailles 
qu'il  avoit  faict  construire  autour  de  son  jardin  et  ravager  tout  ce  qu'il 
y  avoit  faict  planter,  avec  une  mortification  nom  pareille,  qu'il  n'im- 
pute si  ce  n'est  à  l'excez  du  plaisir  qu'il  y  avoit  prins  l'esté  dernier.  La 
Durance  et  le  Rhosne  ont  desbordé  de  toutes  parts  si  furieusement 
qu'il  y  a  de  la  besoigne  pour  beaucoup  d'années  à  reparer  le  mal  qu'il 
y  a  en  des  endroicts,  et  à  recueillir  le  bien  qu'ils  ont  apporté  en 
d'aultres,  selon  la  vicissitude  des  cboses.  Il  y  a  eu  grande  contention 
de  charité*  en  Arles  entre  une  Dame  de  qualité  et  le  corps  de  la  ville, 
pour  les  aliments'  d'un  petit  enfant  que  le  Rosne  apporta  de  bien  loing 
dans  son  berceau,  accompagné  d'un  coq,  sans  qu'on  aye  peu  sçavoir 
d'où  il  est  venu,  si  ce  n'est  que  l'enfant  estoit  fort  aiïamé;  enfin  le 
corps  de  ville  d'Arles  a  eu  la  preferance- et  le  faict  norrir  aux  despens 
du  public,  sur  l'espérance  que  ce  debvroit  estre  un  jour  un  bon  cit- 
toyeu,  puis  qu'il  est  eschappé  d'un  tel  danger.  Nous  n'avons  pas  de 


son  dililion  des  Œuvres  complètes  de  Pierre  de 
Bourdeille ,  seigneur  de  Brantôme  (  t.  X ,  1 88 1  ). 
'■  Coiiimime  du  ilépartRiiieiit  des  Boiiche»- 
du-Rhdne,  arrondiBscmcnt  d'Aix,  canton 
de  PeyroUes,  à  67  kilomèlres  de  Marseille. 
On  reinar({ue  h  Jouques  les  débris  d'un 


vaste  édifice  qui  a  conservé  le  noDi  de 
lÉvêché. 

'  Ce  que  dous  appelons  un  combat  de 
générosité. 

'  C'est-à-dire  pour  subvenir  aux  frais  de 
l'alinienlalion. 

77- 


612  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

meilleur  entretien  comme  vous  pouvez  voir;  c'est  pourquoy  je  croys 
bien  que  vous  m'en  excuserez  pour  ce  coup  comme  je  vous  en  supplie 
et  de  m'advoiier  tousjours, 
Monsieur,  pour 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
j)E  Peiresc. 
A  Aix,  ce  3  octobre  i633  '.. 


GXXXV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

ADVaCAT  EN  LA  COUR  DE  PARLEMENT  DE  PARIS, 
À  PARIS. 

Monsieur, 
Avec  vostre  despesclie  du  22  septembre  j'ay  receu  le  livre  des  ob- 
servations sur  la  relation  du  m[aréch]al  de  M[ariH]ac*,  que  je  seray 
infiniment  aise  de  voir  ne  l'ayant  encores  peu,  non  sans  beaucoup  de 
mortification,  depuis  l'arrivée  de  l'ordinaire,  par  lequel  j'ay  aussi  receu 
le  pacquet  de  M'  Hulon,  avec  cette  relation  qui  est  si  gentile  et  si 
curieuse,  que  je  ne  sçaiche  rien  de  plus  digne  d'estre  sceu  pour  le 
temps  courant  par  ceux  qui  ont  eu  quelque  goust  et  quelque  cognoi- 
sçance  des  ordres  et  règlements  du  cabinet,  et  des  civilitez  plus  emi- 
nanles,  qui  fera  un  jour  l'une  des  plus  belles  pièces  du  siècle.  Estimant 
que  la  suitte  ne  seroit  pas  moins  curieuse  si  celuy  qui  a  commancé  de 
rédiger  par  escript  de  si  belles  particularitez  se  donnoit  la  peine  de  conti- 
nuer, aux  occasions  qui  se  présenteront  principalement  en  cas  qu  il  se  fist 

'  Vol.  717,  foi.  986.  leur  auteur,  la  notice  consacrée  par  M.  Rem- 

'  Observations  [de  Paul  Hay,  sieur  du  Ker^AM.A&nsLaBrelagne  h  l'Académie fran- 

ÇAuaidei]  sur  la  vie  el  condamnatiwdu  Mor  çaise  (a'  édition,  1879),  à  Paul  Hay  du 

réchal  de  Marillac,  et  sur  le  libelle  intitulé  :  Chastekt  {p.  1-6 4).  L'excellent  critique  s'oc- 

Relation  de  ce  qui  s'est  passé  au  jugement  de  cupe,  dans  un  chapitre  spécial ,  le  troisième , 

son  procès,  en  i633  (Paris,   i633,  in-A"  àa  Procès  du  maréchal  de  Marillac. 
et  in-8°).  Voir,  sur  ces  Observations  et  sur 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  613 

([uelque  solemnisation  '  (le  ralHaiicodoiit  il  s'agist,  aultreque  celle  qu'on 
(lict  avoir  esté  faicle  à  liuiz  cloz,  dont  le  destail  se  sçanra  aussy  quel(jue 
jour  et  méritera  bien  d'estre  sceu,  car  on  asseure  que  les  articles 
eussent  este  signez  par  les  Roys  d'Espagne  et  d'Angleterre,  et  d'aultres 
adjoustent  par  l'Empereur.  J'ay  eu  bien  de  l'obligation  à  Messieurs  du 
Cliastelet  et  Hulon  de  cez  deux  rares  pièces,  mais  vous  ne  pouvez  pas 
desnier  aussy  que  ce  ne  soit  pour  l'amour  de  vous  principalement, 
puis  que  je  n'ay  pas  seulement  l'honneur  d'estre  cognfeu  de  l'un  ne  de 
l'auitre,  et  que  ce  ne  peult  estre  que  par  voz  bons  oQices  qu'ils  ont 
apprins  de  moy,  plus  tost  ce  que  vous  vouldriez  que  je  fusse,  que  le 
peu  que  je  puis  estre,  ([ui  seroit  trop  indigne  de  la  bonne  volonté  qu'il 
leur  plaict  avoir  pour  moy.  C'est  pourquoy  c'est  à  vous.  Monsieur,  que 
j'en  doibs  les  principaulx  ren>erciments  et  à  qui  il  me  fault  avoir  re- 
cours pour  faire  admetti-e  à  cez  Messieurs  mes  compliments  et  actions 
de  grâces,  en  attendant  les  moyens  de  leur  rendre  quelque  service 
trez  liumble  en  revanche,  comme  je  feray  trez  volontiers,  et  vous  su|)- 
plie  les  en  vouloir  asseurer.  Les  galères  du  Pape  sont  arrivées  à 
Marseille  depuis  deux  jours  commandées  par  le  grand  prieur  Nary, 
qui  doibt  l'aire  demain  la  cérémonie  de  bailler  la  Grand  Croix  au  Baillif 
de  Fourbin,  qui  commande  les  galères  du  Roy  en  absance  de  M'  le 
General  des  galères.  Elles  n'entrèrent  pas  toutes  dans  le  port,  à  cause 
qu'elles  portent  leur  estendard,  et  qu'il  leur  fauldroit  conimancer  de 
salliier  l'Estendard  de  France,  ce  qu'ils  prétendent  ne  debvoir  faire  à 
cause  de  la  prérogative  ecclésiastique.  Mais  il  y  en  entre  lantost  l'une, 
tantost  l'auitre.  Et  y  doivent  sesjourner  encor  deux  jours.  Vous  pensez 
en  quelle  peine  j'ay  esté  de  voz  livres  pour  Rome  que  je  n'ay  poincl 
encores,  mais  on  me  vient  dadvertir  qu'il  arrive  des  balles  des  Moreaux 
où  j'espère  qu'ils  seront  venus  assez  à  temps  pour  aller  par  une  si  op- 
portune commodité,  ayant  desja  receu  un  libvre  que  M""  Gailhard  avoit 
baillé  au  sieur  Perrin  seulement  le  a  septejiibre  qui  est  arrivé  à  l'ad- 


'  Le  Dictionnaire  de  LiUré  ne  cite  sous  ce  mot  que  deux  «>cnv«iDS,  un  du  xv'  siècle. 
Gerson,  l'autre  du  xvi*,  Robert  Estienne. 


614  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

vance  avant  les  balles  du  20  aoust.  Comme  j'en  estois  icy,  l'on  m'est 
venu  faire  une  bien  agréable  interruption,  pour  voir  les  deux  fagots 
de  la  fin  d'aoust,  qu'on  venoit  de  tirer  tout  présentement  des  balles, 
que  Ton  a  ouvertes  tout  de  suicte  pour  l'amour  de  moy.  Car  on  eust 
attendu  à  demain.  J'y  ay  trouvé  en  l'un  l'OEcumenius,  avec  tout  ce  dont 
vous  l'aviez  accompagné  suy  vant  le  rooUe  cotté  sur  l'enveloppe  de  vostre 
main,  mesmes  l'exemplaire  du  libvre  de  veritate  du  Milord  Herbert, 
dont  je  remerciray  comme  je  doibs  M""  Deodati,  et  l'aultre  enveloppé, 
et  adressé  au  P.  Campanella,  à  qui  je  l'adresseray  par  mesme  voye. 
Dans  l'aultre  fagot,  qui  estoit  encerpillé  ^  à  part  hors  des  balles,  et  cotté 
de  mon  nom ,  il  ne  s'est  trouvé  que  les  quattre  volumes  de  l'Histoire 
de  feu  M""  de  Thou,  fort  simplement  attachez  avec  un  peu  de  fisselle, 
sans  aulcune  enveloppe  ne  adresse  à  Rome,  tellement  que  j'y  en  feray 
faire  une  en  bonne  forme,  et  l'adresseray  à  M' l'abbé  de  Thou,  et  au 
R.  P.  Dom  du  Puy,  pour  ensuyvre  voz  ordres,  et  mettray  le  tout  dans 
une  cassette  que  j'adresseray  au  cardinal  Barberin  pour  esviter  les 
difticultez  des  censeurs.  Je  luy  envoyé  troiz  aultres  volumes  in-fol°  et 
une  coupple  au  cardinal  Bagny,  qui  s'en  iront  touts  soubs  la  mesme 
faveur  du  cardinal  Barbenn.  Si  cette  commodité  m'eust  failly,  j'eusse 
esté  bien  empesché  à  trouver  de  la  seurté  pour  cez  volumes  de 
M''  de  Thou,  mais  ell'  est  venue  du  ciel  tout  à  soubaict,  dont  je  suis  bien 
aise  pour  l'amour  de  vous  et  de  cez  Messieurs  qui  se  sont  voulus  servir 
de  mon  addresse. 

Il  me  reste  à  vous  remercier,  comme  je  faicts  trez  humblement,  du 
souvenir  que  vous  daignez  avoir  de  l'édition  du  Theopiiile  de  M""  Fabrot, 
et  encores  plus  de  la  continuation  de  voz  bons  ofiices  auprez  de  Mon- 
sieur nostre  Premier  Président  et  Madame  la  Première  Présidante,  dont 
je  vous  doibs  toutes  les  grâces  et  bienfaicts  que  j'en  ay  receus,  n'ayant 
rien  faict  qui  les  peust  mériter.  J'escripts  à  mon  dict  sieur,  en  responce 
d'une  trez  honneste  lettre  dont  il  m'a  voulu  honorer,  et  vous  supplie  de 

'  Je  ne  trouve  ce  mot  dans  aucun  de  nos  vieux  dictionnaires.  Etre  encerpillé ,  c'est  être 
enveloppé  de  cette  toile  grosse  et  claire  qui  sert  à  emballer  les  marcbandises  et  que  Ton  ap- 
pelle serpillière. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  615 

ra'adsister  à  l'aire  excuser  le  pecbé  originel  de  nostre  chetif  païs  et  mon 
desinerite  particulier. 

Je  vouldroys  bien  sçavoir  l'autheur  de  ce  petit  livret  de  l' Estai  et  Cou- 
ronne de  Suéde  8»  chez  Augustin  Courbé'  et  vous  prie  de  m'en  envoyer 
un  aultre  exemplaire  quand  la  commodité  s'en  présentera.  Car  celuy-là 
m'est  eschappé  des  mains.  J'avoys  un  exemplaire  double  de  l'Histoire 
de  Chastillon  de  M'  du  Chesne  ^  que  j'eusse  envoyée  au  Cardinal  par 
celle  commodité,  sans  qu'il  s'y  est  trouvé  une  feuille  double,  et  par 
conseqiiarit  une  de  manf[uc  qui  cstoit  la  seconde  du  cahier  b  g  aux 
preuves  laquelle  debvoil  estre  collée  Gg  2  et  la  page  2  35.  Si  elle  se 
peult  recouvrer,  vous  m'obligerez  de  me  la  faire  avoir;  c'est  de  l'édition 
de  l'an  1621  fol°  Cramoisy.  Je  vous  envoyé  la  feuille  double  pour  la 
luy  rendre  au  cas  qu'elle  luy  serve. 

Monsieur  nostre  Archevesque  m'a  voulu  faire  presaat  du  premier 
volume  de  Pelrus  Aurelius  in  à"  fort  gros,  et  en  grand  et  beau  papier, 
lequel  je  n'avoys  pas  ',  et  d'une  aultre  deffence  de  la  Hierarcliie  ecclé- 
siastique in  /i°  par  Franciscus  Hallier'',  où  il  manque  un  feuillet,  qui 
n'est  qu'uu  demy  carton,  cotté  Aiiij ,  pag.  7,  chez  Morel,  i632.  Au  se- 
cond volume  d'Aurelius,  il  n'y  a  poiucl  d'aultre  comniaucement  que  la 
première l'euille  A.  Asserlio  Epislolae  Antistitumetc.  ;  toutes  les  epistreeet 
préfaces  y  desfaillent;  s'il  y  eu  a  esté  faict  aulcunes,  encores  fauldrai'il 
voir  de  les  perfectiouuer,  si  faire  se  peult,  puis  que  cela  faict  uu  si 
grand  article  de  ce  qui  a  tenu  le  tapis  ^  depuis  quelques  années. 


'  Nous  avons  vu  plus  haut  que  ce  livret  a 
pour  auteur  le  P.  Gault. 

'  Histoire  fféiiéatoffique  de  la  maison  de 
Chastillon- sur-M ame ,  jastifiée  par  titres  et 
bonnes  preuves ,  etc. ,  par  Amlrd  du  Ghesne 
(Paris,  Cramoisy,  iCai,  in-fol.). 

'  Vindicia  censitrmfacultatis  theologiœ  Pa- 
risieiisis,  etc.,  Paris,  iCSa,  in-4°.  Cet  ou- 
vrage de  Jean  du  Vergier  de  Uanranne, 
ablx!  (le  Saiut-Cyran ,  fut  rëimpriind  en  1 635, 
en  i64i,  en  1696. 

*  François  Hallier,  né  à  Chartres  vers 


1  SgS ,  fut  docteur  et  professeur  en  Sorbonne, 
syndic  de  la  faculté  de  tliëologie,  fut  nommé 
en  i656  dvâquc  de  Cavaillon,  et  mourut  le 
93  juillet  1689.  Voici  le  titre  complet  de 
l'ouvrage  cité  pur  Peiresc  :  Défense  de  la 
hiérarchie  ecclésiastique  et  de  la  censure  de  la 
faculté  de  théologie  de  Pari»  contre  l'éponge 
d'Hennan  Loêinelius. 

'  Mous  avons  trouvé  dons  le  toaie  I  les 
expressions  durer  sur  le  tapis  (p.  aSa)  et 
tenir  le  tapis  (p.  36a). 


616  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

Quant  au  prioré  '  de  Roumette  [sic)  ■^,  asseurez  vous  qu'en  Avignon  il 
ne  s'en  est  expédié  aultre  cliose  que  ce  que  vous  avez  veu  du  3o  juillet 
per  obitum  en  faveur  du  sieur  Ponat,  dont  M'  le  sacristain  Valbelle 
nie  fit  voir  le  mémoire  de  la  date,  qu'il  envoya  à  M"'  de  Thou  ensemble 
d'une  aultre  date,  qu'un  aultre  avoit  prinse  pour  un  aultre  prioré  de 
S'  Laurens  dépendant  de  Cluny,  vacant  par  le  decez  de  la  mesme  per- 
sone  qui  avoit  le  prioré  de  Romette.  Jay  veu  un  mémoire  de  toultes 
les  dates  prinses  en  Avignon  dans  les  moys  de  juin  et  de  juillet,  où 
il  n'y  avoit  rien  de  plus  sur  cela.  C'estoit  à  Rome  qu'on  avoit  envoyé 
la  résignation  de  Romette  en  faveur  d'un  neveu  du  dernier  titulaire 
qui  n'avoit  pas  l'aage,  afin  d'en  obtenir  par  mesme  moyen  la  dispence, 
comme  vous  aurez  veu  par  mes  despesches  du  précédant  ordinaire, 
pour  raison  de  quoy  j'escrivis  à  Rome  afin  de  prendre  acte  de  tout 
ce  qui  se  trouveroit  refusé  ou  accordé  pour  fortifier  vostre  droict  que 
je  tiens  indubitable,  et  dont  je  vous  félicite  de  rechef  comme  d'une 
pièce  digne  de  vous  et  dont  j'admire  de  voir  la  contestation  d'honnes- 
teté  non  seulement  entre  l'Eminentissime  cardinal  de  la  Valette  et 
M''  de  Thou,  mais  encores  entre  M'  de  Thou  et  vous,  puis  qu'ils  s'y 
sont  touts  portez  de  si  bonne  grâce.  Je  prie  à  Dieu  que  vous  en  puis- 
siez jouir  aussy  longuement  et  heureusement  que  le  vous  peuvent 
souhaicter  voz  plus  fidèles  serviteurs,  entre  lesquels  si  je  suis  des 
moindres  en  pouvoir,  je  vous  puis  bien  jurer  que  je  ne  le  suis  pas  en 
dévotion  toute  entière  envers  vous  et  tous  les  vostres,  estant  du  meil- 
leur de  mon  cœur. 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc.   . 

A  Aix,  ce  3  octobre  i633. 


'  Littré  a  retrouv»*  la  forme  pnoré  Jans  '  Romette  est  une  commune  des  Hautes- 

des  textes  du  iii°  et  du  xv"  siècle.  Il  ne  cite,  Alpes,  canton  de  Gap,  à  4  kilomètres  de 

pour  le  XVI*  siècle ,  que  cette  phrase  d'Au-  cette  ville.  On  y  signale  les  vestiges  du 

bignë  :   tria  chambre  priorelley   (au  mot  prieuré  dont  parle  Peiresc. 


prieural). 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  617 

J'oublioys  de  vous  dire  que  la  lettre  d'Espagne  imprimée  sur  le 
subject  du  voyage  de  l'Infatit  Cardinal  monstre  bien  la  foiblesse,  puis 
(ju'il  n'a  osé  passer  au  lieu  oi!i  il  est  destiné,  et  que  cette  aultre  vieille 
pièce  de  la  Rochelle  meriloit  bien  d'estre  veiie  et  conservée. 

Vous  aurez  enfin  le  dessein  du  Papyrus,  avec  le  libvre  de  l'Altezza 
real  de  Savoye,  et  si  le  paquet  n'est  trop  gros,  encor  un  aultre  contre 
le  pauvre  Galilœi  de  Claudio  Ben'gardo'. 

Vous  aurez  du  Papyrus  le  bourgeon  comme  il  paroit  en  sa  naisçance 
avant  que  s'esclorre  ou  espannouyr,  et  puis  le  mesme  tout  esclos,  et  à 
part  un  des  fiUets  de  la  liouppe  ou  du  Scapus'',  tout  verd,  et  un  de 
ceux  qui  sont  secs  etfannis'  tels  que  l'on  employoit  à  faire  les  feuilles 
à  escrire.  Vous  en  aurez  aussy  de  ceulx  que  j'ay  faict  arracher  de  la 
plante,  afin  que  les  puissiez  mieux  comparer  sur  les  feuilles  de  vostre 
m[anu]s[crit]  des  epistres  d'Avitus*. 

Quand  vous  le  trouverez  bon,  vous  m'obligerez  d'agréer  que  M'Gail- 
hard  l'aille  faire  voir  à  M' Robin  *,  à  frère  André  '^,  et  à  M'  Gault  ^  et  en 
un  besoing  à  M"'  des  Nœuds  *.  Le  bon  P.  Mercene  le  voulloit  voir  aUssy,  et 
je  pense  qu'en  son  temps  M""  de  Saulmaise  ne  sera  pas  marry  de  le  voir. 

Tandis  que  le  Roy  a  la  Lorraine  et  le  Barroys,  il  fauldroit  bien  avoir 
faict  diligence  pour  trouver  le  contract  de  mariage  du  bon  roy  René 

'  Dubilationes  in  diahgum  Galthi  Lynen ,  vers  de  Racan  (  Iraduclion  du  psaume  ixiv)  : 
traité  déjh  nientionnt?  plus  haut  (p.  458).  Le  Yoil  s'épanouir. /anir,  tomber  à  l»rre. 
Lauleur  de  ce  trait»?,  Claude  Guillerraet,  *  Il  s'agit  des  fragments  des  Œuvres  d  A  vi- 
seigneur  de  Bdrigard  ou  Bcauregard,  iia-  lus  suipapyrus  qui  sont  à  la  Bibliolhèque  na- 
quit à  Moulins  à  une  date  qui  est  controversée  tionale,  ms.  lai.  8913.  Voir  1. 1,  p.  63. 
(1578,  selon  les  Mémoires  de  Niceron,  *  Sur  les  botanistes  Robin  père  et  fils, 
t.  XXXI,  1 591  selon  rinscription  de  son  por-  \oir  l.  I ,  p.  55o. 

trait  mis  en  tête  du  Circulus  Pisanus,  i643);  *  On  ne  conserve  dans  les  Minutes  de  la 

il  étudia  h  l'université  d'Aix  en  Provence,  bibliothèquedeCarpentrasqu'une  seule  lettre 

s'établit  à  Paris,  alla  en  1698  professer  la  de  PeirescauR.  P.  André(reg.  IV,  fol.  3io). 

philosophie  hPise  et  en  i64oh  Padoue,  où  '  Nous  avons  déjà  trouvé  plus  haut  le 

il  occupa  sa  chaire  justpi'à  sa  mort  (tG63).  nom  de  cet  amateur  (p.  39a). 

'  Dans  Pline  le  naturaliste,  le  mot  scapus  '  M.  des  Nœuds  était  un  autre  amateur 

a  le  sens  de  tige  d'une  plante.  parisien  auquel  Peiresc  a  écrit  quelquefois. 

'  Liltré  remarque  que  l'on  a  dit  yàniV  notamment  le  10  décembre  1 639  (Minutes 

au  .wii"  siècle,  comme  au  xvi*.  et  il  cite  ce  de  llnguimbertine,  registre  I,  fol.  53a). 


618  LETTRES  DE  PEIRESG  |1G33] 

d'Anjou  avec  la  nièce  du  cardinal  duc  de  Bar,  héritière  de  Lorraine, 
oii  estoit  la  substitution  du  Barroys  en  faveur  de  la  France.  Ensemble 
l'Erection  de  la  Duché  de  Bar'. 


CXXXVI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

À  PARIS. 

Monsieur, 

Je  n'ay  jamais  rien  faict  pour  vostre  service,  et  particulièrement  en 
laflaire  de  cette  vacance,  que  je  ne  vous  en  deusse  au  centuple,  et  que 
je  ne  fisse  d'aussy  bon  coeur,  si  j'en  avois  assez  de  moyens.  J'escrivis 
en  mesme  temps  au  sacristain  de  Valbeile  à  Marseille,  et  luy  demanday 
s'il  y  avoit  aulcuns  graduez  nommés  sur  S'  Victor,  le  priant  en  cas  qu'il 
y  en  eust  de  faire  un  tiltre  au  religieux  tenant  l'induit  de  M'  de  Thou, 
et  d'y  exprimer  l'annexe  de  Briault  sans  attendre  aultre  advis.  Je  n'ay 
pas  encores  eu  de  responce  de  luy,  mais  je  croys  bien  qu'il  vous  aura 
respondu  de  Marseille  par  le  mesme  ordinaire.  Vostre  aultre  lettre  fut 
Ivier  rendiie  icy  à  M"^  le  lieutenant  Valbeile,  de  qui  vous  aurez  comme 
je  pense  la  responce,  mais  je  me  doubte  que  vous  aviez  faict  equivocque 
et  que  vous  aviez  prins  pour  sienne  une  lettre  du  conseiller  son  frère 
qui  se  trouva  présent  icy  et  qui  avoit  escript  à  M""  de  Thou  lors  de  la 
despesche  du  ig"""  du  passé  dont  vous  m'accusez  la  réception.  Je  ne 
pense  pas. qu'il  y  ayt  aulcun  gradué  nommé  sur  S' Victor,  parce  que 
l'usage  n'en  est  pas  encor  introduict  en  cette  province,  où  la  proximité 
de  la  légation  d'Avignon  faict  admettre  les  résignations  ordinairement 
assez  à  temps  pour  exclure  quasi  toute  la  fonction  des  ordinaires.  C'est 
pourquoy  on  ne  se  veult  pas  amuser  icy  à  attendre  des  grâces  expec- 
tatives si  casuelles  et  de  si  longue  attente  que  pour  le  joyeux  advene- 
ment  du  Roy,  et  choses  semblables ,  il  y  en  a  qui  ont  esté  des  2  0  années 
sans  pouvoir  estre  remplyes  et  davantage. 

'  Vol.  717,  fol.  487.  ' 


[1633]  AUX  FHKUKS  DUFl'Y.  611) 

Je  inc  lioiive  si  pressé  à  ce  coup,  (|iio  je  ne  sçauray  vous  entretenir 
qu'à  la  (lesrobée  à  mon  grand  regret,  et  me  fauldra  finir  en  vous  re- 
merciant comme  je  faicts  de  tout  mon  coeur  de  tant  de  belles  pièces 
sur  le  subject  de  l'acquisition  de  Nancy,  que  j'ay  trouvées  toutes  escriptes 
de  vostre  main,  et  l'excez  est  neanlmoings  si  grand  en  vostre  lionnes- 
teté  qu'aprez  tant  de  feuilles  de  vostre  escripture,  vous  me  faictes  en- 
core des  excuses  de  ce  qu'il  vous  en  eschappe  quelque  chose,  e»  quoy 
vous  me  faictes  grande  honte,  et  si  en  cez  occasions  vous  vouliez  en- 
voyer quérir  Quentin,  il  pourroit  bien  vous  soulager  d'une  bonne 
partie,  et  escrire  chez  vous  ce  qui  se  pourroit  confier  à  ses  yeulx,  car 
je  ne  seroys  pas  d'avis  que  vous  luy  laissassiez  emporter  hors  de  chez 
vous  ces  curiositez  si  rares  et  si  jalouses.  Au  reste  je  viens  de  recevoir 
de  Toulon  la  responce  du  grand  prieur  Nari,  gênerai  des  galères  du 
Pape,  sur  la  réception  de  ma  caisse  de  livres  puis  le  7""^  et  m'a  t'ou  as- 
seuré  qu'elles  firent  voilie  dez  hier,  tellement  que  M' l'abbé  de  Thou 
et  le  1'.  Campanella  ne  larderont  guieres  d'avoir  leurs  livres  aussy  bien 
que  le  cardinal  ceux  que  je  luy  envoyé  par  mesme  moyen,  le  gênerai 
m'asseurant  qu'il  aura  seing  de  cette  caisse  comme  de  ses  propres  yeulx 
puisqu'elle  porte  l'adresse  del  Cardinal  Patron.  Elle  estoit  arrivée  trop 
tard  à  Marseille  pour  y  estre  embarquée,  car  le  gênerai  n'y  vint 
que  mardy  à  l'heure  de  la  messe  pour  la  cérémonie  de  la  Grande  Croix 
qu'il  donna  au  Baillif  do  Fourbin  chez  qui  il  disna  et  puis  se  retira 
aux  islcs  d'où  il  partit  la  nuict  mesme  pour  Tollon,  de  sorte  que  le 
lendemain  ma  caisse  le  suyvoit  par  terre  à  Tollon.  On  attend  icy  me- 
credy  Madame  la  Mareschale  qui  debvoit  estre  à  ce  soir  à  Tarascoa 
avec  M'  le  Mareschal  de  Victry.  Son  fils  M''  le  Marquis  de  Narmoustier 
y  va  demain  au  devant  et  mon  frère  (qui  vous  salue  tous  trez  humble- 
ment) l'accompagne,  sur  quoy  je  demeure. 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 

A  Aix,  ce  10  octobre  i633. 

M'  Petit  ne  voulut  pas  estre  icy  plus  de  dix  ou  douze  jours  pour 

78.  • 


620  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

s'en  aller  à  Montpellier  avant  l'ouverture  du  collège.  C'est  véritable- 
ment un  trez  lionueste  homme  digne  d'eslre  aymé  et  servy. 

J'ay  prins  un  merveilleux  plaisir  de  voir  ces  epistres  escriptes  au 
roy  Louys  VII  et  attendray  en  extren)e  impatiance  l'édition  des  res- 
tantes s'il  n'y  a  moyen  de  les  voir  à  l'advance. 

Les  lettres  de  M'  Rigault  viendront  tousjours  à  temps  par  la  ))oste 
quand  il  trouvera  du  temps  d'escripre,  dont  je  doubte  un  peu.  Cepen- 
dant vous  avez  trez  bien  jugé  qu'il  valloit  mieulx  laisser  gaigner  temps 
aux  balles  des  sieurs  Moreaux  qui  vont  si  lentement. 

Je  ne  sçauray  escrire  à  ce  coup  h  M'  Deodati  comme  j'esperois  pour 
le  remercier  de  son  livre  de  Milord  Herbert,  ni  à  Mess" de  Saulmaise  et 
Godefroy  et  le  P.  Mercene,  tant  le  temps  nous  est  court.  Je  n'ay  aussy 
peu  trouver  une  pièce  que  je  vous  avois  apprestée,  et  que  je  vouloys 
joindre  au  livre  contre  Galilei,  pour  la  conserver,  qui  me  fera  différer 
jusques  au  prochain  ordinaire.  Dieu  aydant,  sous  vostre  bon  plaisir. 

Je  vous  remercie  des  Gazettes  d'Amsterdam  qui  font  une  bonne 
partie  de  celles  de  ce  Renaudot,  et  sont  aultant  et  possible  plus 
fidèles.   Il    a    encore    continué    le    dernier  ordinaire,  je  ne  sçay  s'il 


CXXXVII 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Un  compliment  qu'il  m'a  fallu  rendre  à  ce  soir  à  un  Prélat  qui  m'es- 
toit  venu  voir  et  qu'il  a  fallu  reconduire  à  l'heure  du  serain^m'a  tellement 
enrumé  tout  d'un  coup',  et  attiré  sur  les  yeulx  trop  de  deflluxion  pour 

'   Vol.  717,  fol.  988.  '  Le  poète  Philippe  Desportes,  dans  ses 

'  C'est  ^occasion  de  rappeler  que,  dans  spirituelles  imprécations  contre  une  nuit  trop 

les  textes  anciens,  serein  n'a  que  le  sens  de  claire,  a  dit: 

sotr,  ■  0^z-vou5  du  serein,  craigneî-vouspointdurheume? 


[1633]  AUX   FRKRKS  DL'PUY.  621 

pouvoir  supporter  des  lunettes,  sans  losf[Hclles  je  ne  sçaurois  escrire 
de  ma  main,  lors  que  je  m'y  trouvois  le  plus  oblifjé  par  la  réception  de 
vostre  despesche  du  7'  octobre  contenant  [dus  de  huict  ou  dix  feuilielz 
de  minutte  tout  de  vostre  main,  dont  je  suis  si  honteux  et  si  surcliargé 
d'obligation  que  je  ne  sçaurois  jamais  vous  en  rendre  d'assez  digne  re- 
vanche, ne  pas  niesme  des  remercimentz  qui  ayent  aulcune  proportion 
à  ma  deble,  mais  vous  le  voulez  ainsy  et  je  me  contenleray  de  vous 
dire  que  c'est  du  meilleur  de  mon  coeur  que  je  vous  en  rends  mes  trez 
humbles  actions  de  grâces,  attendant  si  j'y  pourrois  adjouster  aulcuns 
effetz  de  ma  dévotion  qui  peussent  mériter  une  partie  de  la  bonne  opi- 
nion qu'il  vous  plaist  avoir  de  moy.  Nous  estions  fort  afl'amez  de  nou- 
velles sur  les  occurances  présentes,  mais  vous  nous  en  avez  tellement 
rassasié  et  de  celles  du  plus  hault  goust  que  nous  debvrions  en  avoir 
faict  un  repas  pour  long  temps.  J'en  useray  selon  qu'il  vous  plaict  me 
l'ordonner,  principalement  de  celles  du  costé  de  Metz.  J'ay  bien  pris 
plaisir  de  voir  les  vers  du  sieur  Colletet',  et  bien  que  M' Gaulmin^  ayt 
mieux  faict  aultrefoys,  je  n'ay  pas  laissé  de  trouver  ses  conceptions 
aussy  extraordinaires  que  libres  et  bien  respondantes  à  son  humeur  et 
à  son  style.  C'est  tousjours  une  des  pièces  du  temps  qui  debvra  tenir 
rang  entre  les  plus  curieuses.  J'ay  prins  grand  plaisir  à  la  naifveté 
du  style  de  ce  commencement  de  version  Françoise  de  l'Histoire  de 
M'  de  Thou,  et  ne  nianqueray  pas  de  le  vous  renvoyer  aprez  l'avoir 
fait  voir  à  quelqu'un  de  noz  amis,  si  ce  n'est  que  vous  trouvassiez  bon 
que  je  le  fisse  voir  à  nostre  Daulphinois',  à  cette  lin  qu'il  se  laisse  plus 

'  Sur  Guillaume  Colletet,  né  h  Paris  le  '  Ce  Daulpkinoù  était  un  sieur  Boulle, 

la  mars  1898,  mort  en  la  même  ville  le  dont  il  sera  souvent  question  dans  la  suite 

to  {é\rm-  i&bç),\oir\esLettrcii  de  Jean  Cha-  de  cette  correspondance.  Uaprès  des  notes 

pelain,  t.  I  et  II ,  surtout  t.  1,  p.  56,  t.  II,  manuscrites  du  P.  Bougerel  qui  mont  été 

p.  17-26.  FjCs  vers  de  Colletet  devaient  être  communiquées  par  M.  le  marquis  de  Cla- 

dc8  vers  de  circonstance ,  des  vers  faits  à  l'oc-  piers ,  Gabriel  Boulle  naquit  h  Marseille  vers 

casion  del'enln'ede  I.ouisXIll  à  Nancy.  j58o  et  mourut  en  i6.to.  On  \oit  dans  la 

'  Les  vers  de  Gilbert  (înulniin  devaient  seconde  «'dilion  de  Id  France  protestante 
aussi  cëb'brcr  les  beureux  événements  de  (t.  II,  1880,  |>.  998)  qu'il  était  ministre 
Lorraine  (prise  de  Lunéville,  deMireconrt,  en  1630  à  Baix  et  de  i6q5  h  1637  à  Vin- 
cession  de  Nancy).  sobres  en  Daupbiné.  G" est  poui-i]uoi  Peii-esc 


f)-2-2  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633J 

tost  vaincre  à  laschei"  le  pied,  voyant  la  Lesongne  desja  si  advancée 
et  d'une  main  qu'il  ne  sçauroit  esgalier;  mais  je  ne  le  feray  pas  sans 
vostre  ordre  expresse.  Bien  feray  je  ponctuellement  tout  le  reste  qu'il 
vous  plaist  me  prescripre  par  vostre  lettre,  et  attendray  fort  impatiem- 
ment ce  beau  glossaire  que  vous  nous  faictes  espérer  sur  ce  subject. 
J'escripray  à  Rome  par  le  prochain  ordinaire  de  jeudy  avec  l'ayde  de 
Dieu  pour  faire  lever  un  perquiratur  s'il  n'a  desja  esté  faict,  de- toutes 
les  expéditions  concernant  le  prioré  de  Roumette,  et  aultres  bénéfices 
du  dernier  titulaire  d'icelluy,  pour  y  apprendre  le  nom  du  Banquier 
chargé  de  cette  poursuitte,  et  pour  tascher  de  voir  sur  son  registre  ce 
qu'il  y  pourroit  avoir  cotté  du  reffus  de  la  dispense  dont  est  question. 
Il  me  tardera  de  voir  que  vous  en  soyez  paisible  possesseur,  comme 
je  l'espère,  vous  remerciant  trez  humblement  de  tant  de  soing  que 
vous  continuez  à  me  procurer  de  toutes  parts  des  libvres  et  aultres 
pièces  curieuses,  dont  je  vous  rendray  quelque  change  quand  il  plairra 
à  Dieu.  Il  est  vray  que  j'avois  entreprins  de  ranger  mes  papiers  lors  du 
despart  de  Monsieur  le  Premier  Président,  mais  les  chaleurs  survin- 
drent  si  violentes  tout  d'un  coup  qu'elles  m'en  osterent  le  moyen  tout 
à  faict  et  me  contraignirent  de  quitter  la  place  qui  n'estoit  plus  tenable 
et  de  me  retirer  à  une  estage  plus  bas  de  la  maison  et  un  peu  plus 
fraische  ',  laquelle  je  ne  sceus  abbandonner  que  jusques  à  la  S' Remy, 
depuis  lequel  temps  il  n'a  pas  esté  en  mon  pouvoir  de  m'y  remettre; 
mais  je  suis  bien  résolu  de  le  faire  si  je  puis  avant  que  l'auUre  exrle- 
mité  contraire  du  froid  nous  surprenne,  et  en  ce  cas  je  pourrois  donner 
plus  de  satisfaction  à  M''  vostre  frère,  sur  le  subject  tant  du  comté  Ve- 
naiscin  que  d'aultres  terres  adjacentes.  Au  reste  je  suis  honteux  de  la 
peine  que  vous  avez  voulu  prendre  pour  ce  vénérable  gazetier,  de  qui 

appelle  Daulphinois  ce  Marseillais.  On  cile,  A.  Vitré.  i6i5,  in-8°),  il  rappelle  {/Vé/*ace) 

dans  la  France  protestante ,  d"après  Gui  Al-  qu'il  a  collaboré  pendanl  quelques  années  à 

lard  et  d'après  Rochas,  de  nombreux  ou-  la  traduction  de  ir cette  grande  et  excellente 

vrages  de  Boulle.  Dalis  un  de  ces  ouvrages  Histoire  de  M.  le  Président  de  Tliour. 
où  l'ancien  ministre  converti  prend  le  titre  '  Je'ne  trouve  nulle  autre  part  le  mot  étage 

(le  conseiller  et  historiographe  du  Roy  [Essay  employé  au  féminin. 
de  l'histoire  (féitérale  des  protestants,  Paris, 


[16:W|  AUX  FHKRKS  DUPUY.  623 

je  n'ay  point  eu  de  pacquet  par  le  dernier  ordinaire  bien  qu'il  l'eusl 
faict  faire  en  vostro  présence,  ne  sachant  à  quoy  imputer  cela  si  ce 
n'est  à  quelque  bizarie  (sic) ,  puis  qu'il  estoit  demeuré  d'accord  avec  vous 
de  ce  qu'il  avoit  à  faire,  mais  quoy  qu'il  vous  aye  dict,  je  ne  crois  pas 
comme  il  n'y  a  aulcune  apparence  qu'il  reçoive  aulcune  correspondance 
de  nouvelles  de  la  part  de  M'  le  mareschal  de  Vitry  ne  de  M"^  de  la 
Poterie,-  auxquels  il  ne  manque  point  d'envoyer  sa  gazette  tous  les 
ordinaires  comme  il  l'envoyé  pareillement  à  un  certain  advocat  nomnné 
Roux,  sou  correspondant,  de  (jui  je  ne  pense  pas  certainement  ([u'il 
|)uisse  apprendre  des  nouvelles  qui  vaillent  quand  il  Iny  en  voudroit 
escripre.  H  se  contente  de  partager  avec  l'imprimeur  quand  il  peut 
trouver  quelqu'un  qui  la  veuille  entreprendre,  ce  qui  arrive  rarement 
parce  (ju'ilz  n'y  trouvent  pas  leur  compte.  Il  en  usera  comme  bon  luy 
semblera,  et  nous  ne  laisrons  pas  de  voir  sa  gazette  et  ses  relations 
d'ailleurs  comme  nous  avons  faict  à  ce  coup  cy.  Vous  verrez  les  nou- 
velles que  nous  avons  eiies  du  costé  d'Italie  par  le  dernier  ordinaire 
et  je  liniray  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  XVII  octobre  iC33. 

J'eusse  bien  voulu  escripre  à  M'  L'IIuillier,  puis  que  je  n'ay  poinct 
de  lettres  de  M'  Gassend  à  luy  envoyer,  pour  satisfaire  à  mes  conven- 
tions et  accuser  la  réception  de  sa  despesclie  que  j'ay  fiiict  tenir  au  dict 
sieur  Gassend,  mais  l'heure  est  desja  un  peu  tarde,  et  mon  homme 
s'endormant  sur  le  papier,  je  suis  contraint  de  vous  supplier  de  faire 
mes  excuses  pour  ce  coup,  ensemble  à  M"'  Gailhard  et  aux  aultres  qui 
se  pou  voient  attendre  à  voir  présentement  de  mes  lettres,  les  suppliant 
de  patienter  jusques  au  prochain  ordinaire,  «et  de  ne  me  tenir  pas 
moins  leur  serviteur  pour  cela  '. 

'  Vol.  717,  fol.  990. 


624  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 


GXXXVIII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
J'ay  eu  des  mortifications  bien  sensibles  à  l'ouverture  de  vostre  der- 
nière despesche  du  lù"''.  En  premier  lieu  de  ce  que  j'y  trouvav  une 
lettre  pour  Rome  si  importante  comme  est  celle  de  Monseigneur  le  car- 
dinal de  la  Valette,  et  que  l'ordinaire  de  Rome  n'estoit  passé  que  du 
jour  précédant,  tellement  qu'il  y  aura  i5  jours  à  perdre  icy  en  l'at- 
tente du  prochain,  comme  vous  aviez  appréhendé  à  Paris.  Si  vous  vous 
lussiez  advisé  d'advertir  M'  du  Lieu  en  luy  faisant  l'advance  de  mon 
pacquet,  qu'il  y  avoit  des  lettres  pour  Rome,  et  de  le  prier  de  me 
l'envoyer  à  l'advance  s'il  pouvoit  (comme  il  a  faict  aultres  foys  par  le 
courrier  mesraes  de  Rome,  lequel  part  de  Lyon  le  mardy),  il  me  l'eust 
peu  envoyer  à  temps  et  l'eust  faict  je  m'asseure  volontiers,  comme  il 
le  practique  tousjours  pour  le  pacquet  de  M'  le  Mareschal  qui  arrive 
de  1 5  en  1 5  jours,  la  semaine  de  l'ordinaire  de  Rome,  par  le  courrier 
de  Rome,  un  jour  ou  deux  avant  l'arrivée  de  nostre  ordinaire  qui  ne 
part  de  Lyon  que  le  mercredy  à  midy,  ou  à  4  heures  du  soir.  S'il 
passoit  quelque  extraordinaire  comme  il  y  en  a  quelque  foys,  je  le  ha- 
zarderois,  pour  ne  perdre  tant  de  temps  en  affaire  si  pressante,  dont 
j'ay  meilleure  opinion  que  vous,  estimant  que  la  fortune,  qui  donne 
aprez  le  mauvais  temps  le  beau,  vouldra  commencer  à  ce  coup  de  faire 
pour  vous,  et  recompenser  le  temps  perdu  cy  devant.  J'en  feray  l'adresse 
selon  voz  ordres  à  Dom  du  Puy,  comme  la  plus  asseurée,  et  la  plus 
disposée  et  préparée  à  se  servir  de  cet  advantage  par  les  précédantes 
poursuittes  qui  auront  esté  faictes  sur  cette  occurrance.  Comme  j'en 
estois  icy,  l'on  m'est  venu  interrompre  avec  un  pacquet  de  Rome  venu 
à  Marseille  sur  une  galère  de  Gènes,  où  j'ay  trouvé  une  lettre  de 
M''  l'abbé  de  Ronneval,  dont  la  signature  m'avoit  grandement  resjouy 
d'abbord,  croyant  que  ce  fust  en  response  de  ce  que  je  luy  avoys 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  625 

cscript  pour  l'affaire  de  Roumettcs,  mais  quand  j'ay  jelté  les  yeulx  sur 
la  datte  que  j'ay  trouvée  du  1 1  septembre,  j'ay  bien  veu  qu'il  ne  pou- 
voit  pas  avoir  lors  receu  mes  despcsclics,  et  de  faict  ce  ne  sont  que  com- 
pliments, mais  les  plus  obligeants  et  les  plus  cordiaux  qui  se  puissent 
mettre  par  escript,  quoy  que  ce  ne  soit  que  sur  l'addressc  de  cez  petits 
livres  et  boittes  que  vous  aviez  faict  passer  par  mes  mains,  dont  je 
luy  suis  mille  foys  plus  redevable  que  tout  ce  qu'il  vouldroit  estre 
à  moy,  et  feray  bien  tout  ce  que  je  pourray  pour  luy  en  bailler  des 
tesmoignages  et  à  touts  les  siens,  du  nombre  desquels  je  vous  tiens, 
vous  ayant  d'ailleurs  tant  d'aultres  obligations  de  vostre  chef  particulier, 
que  je  ne  vous  en  sçaurois  exprimer  les  justes  sentiments  nom  plus  que 
l'estime  que  je  faicts  de  vostre  vertu  et  de  l'eminence  de  voz  mérites 
par  dessus  la  plus  part  des  personnes  tenues  pour  les  plus  méritantes 
du  siècle  ;  c'est  pourquoy  vous  ne  debvez  pas  soubs  correction  trouver 
estrange  qi/il  m'en  soit  eschappé  quelque  petit  mot  en  escrivant  à 
Monsieur  de  Thou  par  une  occasion  si  plausible,  et  en  laquelle  je  ne 
m'en  fusse  peu  taisre  sans  crime,  et  sans  grande  charge  de  consciance, 
vous  estant  desvoué  comme  je  suys,  et  sçaichant  l'affection  qu'il  vous 
porte,  estant  bien  asseuré  que  je  ne  luy  pouvoys  desplaire  en  luy  par- 
lant d'une  personne  si  chérie.  Par  une  lettre  de  M'  de  Bonnaire 
du  2  2*  septembre  veniie  avec  celle  de  M' l'abbé  de  Thou,  j'ay  apprins 
le  partement  du  sieur  Chartres  puis  le  1 9"*,  et  qu'il  s'estoit  chargé  de 
quelques  fagots  pour  moy,  entre  lesquels  il  y  en  a  un  de  Dom  du  Puy, 
avec  un  livre  de  plantes,  ce  dict-il,  que  je  croys  estre  celuy  del  Padre 
Ferrario  jésuite  S  dont  le  Cardinal  m'envoya  un  exemplaire  par  le 
courrier  ordinaire  qui  partit  de  Rome  de  mesme  datte  du  2  2"*  du  passé. 
J'auray  soing  de  vous  faire  tenir  celuy  de  Dom  du  Puy  le  plus  tost  que 
je  pourray  aprez  l'avoir  receu,  espérant  que  le  dict  Chartres  debvra 
arriver  à  Marseille  par  la  première  barque  de  Gènes,  où  il  ne  voulloit 


'  Jean-Baptiste  Ferrari,  né  à  Sienne  où  il  mourut  en  i655,  après  avoir  occupe  pondant 
vinjjt-lluit  ans  la  chaire  d'iidhreu  au  Collège  Romain ,  venait  de  publier  :  De  Florum  cultur» 
libri  IV{ï\ome,  lôaS.b-i"). 


79 


mrtivtmit  ■ATteiAii. 


626  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633J 

pas  s'arrester  plus  de  8  ou  i  o  jours.  Et  cela  m'a  faict  dispenser  d'en- 
voyer mon  exemplaire  qui  vous  estoit  destiné  du  mesnie  libvre  au  boa 
M'  Robert,  parce  que  c'est  proprement  de  sa  vacation,  et  pour  cet  effect 
j'en  chargeray  M''  de  la  Fayette  ou  un  aultre  gentilhomme  qui  va  avec 
luy,  lesquels  doivent  partir  dans  deux  ou  troys  jours,  car  M""  de  la 
Fayette  ira  en  Toui'aine  avant  que  prendre  la  routte  de  Paris.  Et  j'en 
attendray  d'aultres  exemplaires  que  j'ay  envoyé  quérir  à  Rome  pour 
moy  et  mes  amys.  Cependant  si  le  mien  arrive  plus  tost  à  Paris,  je 
mettray  ordre  que  M""  Gaillard  l'aille  prendre  chez  le  sieur  Robin 
pour  le  vous  faire  voir  des  premiers  en  attendant  le  vostre,  qui  ne 
peult  meshuy  gueres  tarder  de  venir,  et  les  Moreaux  me  promettent 
de  faire  partir  bien  tost  des  balles  pour  Paris,  oultre  que  le  retour  du 
Roy  fera  mettre  en  chemin  afforce  monde  comme  je  pense  de  jour  à 
aultre. 

L'aultre  mortification-  que  j'eus,  et  dont  je  ne  sçauroys- parler  sans 
que  mon  poulx  en  soit  agité  quasi  aultant  que  si  j'avoys  la  fiebvre  bien 
forte  (tant  j'ay  de  honte  d'avoir  esté  cause  que  vous  ayez  prins  tant 
de  peine  pour  chose  si  mal  digne  de  vous,  et  des  sérieuses  occupations 
qui  vous  debliennent  d'ordinaire),  fut  de  voir  la  patiance  que  vous  aviez 
prinse  d'escrire  de  vostre  main  jusques  à  dix  ou  douze  feuillets  de  mi- 
nutie à  doubles  colonnes  en  chasque  page,  et  que  vous  eussiez  voulu 
tenir  compterroUe  de  tant  de  meuiies  et  importunes  fournitures  contre 
l'expresse  supplication  que  je  vous  avoys  si  solennellement  faicte  et  si 
souvent  réitérée ,  de  vouloir  seulement  tenir  en  un  coing  de  vostre  ca- 
binet ua  petit  sac  de  mon  argent,  pour  y  prendre  journellement  ce  qu'il 
fauldroit  payer  pour  moy  sans  aultre  compterroUe  que  de  tenir  mémoire 
de  ce  que  vous  auriez  mis.  Encores  n'estoit  il  pas  nécessaire  que  de 
sçâvoir  quand  le  sac  commenceroit  à  s'alléger,  afin  d'y  remplacer  des 
fonds  pour  les  pièces  courantes.  Estant  du  tout  impossible  que  vous 
n'en  ayiez  oublié  une  infinité  d'articles,  car  il  fauldroit  un  homme  qui 
n'eust  aultre  chose  à  faire  que  de  se  tenir  au  contoir  avec  son  libvre 
devant  soy,  comme  les  commis  des  banquiers,  pour  y  escrire  à  toutes 
heures  tant  de  menue  despence,  qui  me  faict  rougir  et  trezsuer  sang 


[1633]  AUX  FRERES  DUPUY.  627 

et  eau  '  quand  j'y  songe,  et  que  je  considère  mon  indiscrétion  de  vous 
avoir  fourny  de  la  matière  d'une  si  importune  et  onéreuse  occupation, 
où  il  se  trouveroit  tousjours  h  perdre  pour  vous  80  ou  1  00  pour  cent, 
oultre  le  temps  qui  vous  est  si  précieux  et  si  utile  au  public  et  à  voz 
amys,  aussy  bien  qu'à  vous  et  aux  vostres.  Ce  qui  me  constraindra, 
puis  que  vous  ne  voulez  user  avec  moy  de  la  liberté  que  je  vous  de- 
mandois  en  cela,  de  chercher  quelque  aultre  adresse  à  quelqu'un  à 
qui  le  temps  ne  soit  pas  si  cher,  et  si  M'  Gailhard  faict  du  sesjour  de 
pardelà,  je  luy  endosseray  cette  courvée  et  de  porter,  toutes  les  foys 
qu'il  ira  à  l'Académie,  une  petite  bourse  de  mon  argent  à  part  pour 
payer  en  passant  ce  que  vous  luy  direz  de  prendre  pour  moy  en  matière 
de  livres  ou  aultre,  vous  suppliant  trez  humblement  de  l'agréer  ainsin, 
et  de  luy  donner  les  advis  aux  occurrances  de  ce  que  vous  trouverez  à 
propos  de  me  faire  achepter  ou  transcrire,  m'asseurant  que  quand  je 
l'en  auray  une  foys  prié,  il  ne  fera  pas  de  difficulté  de  practiquer  ce 
que  vous  n'avez  pas  voulu  faire,  et  de  se  contenter  de  tenir  mémoire 
seulement  du  prix  de  quelques  livres  plus  rares  et  plus  considérables, 
et  pour  le  surplus  prendre  de  l'argent  dans  mon  sac  quand  il  en  fauldra, 
et  m'advertir  quand  il  commencera  à  faillir.  Car  sans  mentir,  hors  de 
laisser  ce  soing  ù  quelque  facteur  pu  commis  de  libraire ,  je  ne  sçauroys 
souffrir  cette  peine  au  moindre  de  mes  amys,  et  à  plus  forte  raison  à 
vous,  Monsieur,  de  qui  les  moments  me  doivent  estre  si  chers  que  le 
regret  et  desplaisir  ne  fust  cappable  de  me  donner  la  fiebvre  à  bon 
essiant,  aprez  les  inquiestudes  d'esprit  que  j'en  ay  desja  esprouvées 
plusieurs  foys,  et  principalement  à  ce  coup,  rien  n'ayant  peu  y  ap- 
porter du  tempérament  que  l'espérance  et  l'occasion  de  vous  en  des- 
charger présentement  sur  le  dict  sieur  Gailhard  en  attendant  le  retour 
du  sieur  Prieur  de  Roumoulos. 

La  troisiesme  mortification  a  esté  de  me  trouver  trop  pressé  mainte- 
nant, à  mon  grand  regret,  pour  revoir  et  considérer  les  passages  de 

'  Littré,  nu  sujet  de  la  locution  suer  sang  et  eau,  ne  cite  que  le*  Plaideurs  de  Racine  et 
un  roman  de  Licsnge. 

79- 


628  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

Pline  sur  le  papyrus  ^  et  ce  que  tant  de  grands  hommes  y  ont  voulu 
discourir ^  afin  de  vous  pouvoir  parler  plus  particulièrement,  en  vous 
faisant  la  relation  de  ce  que  j'ay  esprouvé  sur  ma  plante ,  dont  j'ay  es- 
sayé de  séparer  la  substance  de  la  tige  à  peu  prez  comme  veult  dire  le 
Pline,  et  ay  trouvé  qu'elle  se  divise  assez  facilement  tout  de  son  long 
et  retient  assez  de  fermette,  par  le  moyen  de  certaine  espèce  de  menus 
filaments  qui  y  régnent  de  hault  en  bas,  pour  faire  quasi  le  mesme 
effect  que  l'on  void  en  la  tisseure  ou  fabrique  du  papier  de  vostre 
Avitus,  et  neantraoings  retenir  une  faculté  naturelle  d'adherance  les 
uns  aux  aultres,  quasi  comme  s'il  y  avoit  je  ne  sçay  quoy  de  gluti- 
neux^  en  l'humidité  de  la  plante,  quand  elle  a  esté  cueillye  quelques 
jours.  Car  quand  elle  est  fraische,  l'humidité  y  est  trop  abondante 
pour  cela.  11  fauldra  y  mieux  penser  à  loisir,  Dieu  aydant,  et  y  appliquer 
l'experiance  qui  s'en  pourra  tirer.  Cependant,  pour  la  forme  de  la 
plante,  je  suis  marry  que  je  ne  la  fis  portraire  dans  le  temps  qu'elle  se 
commançoit  à  espanoûyr,  car  vous  l'eussiez  veiie  avec  ses  filaments  bien 
adjustez  et  bien  roides  en  bault,  ainsin  que  des  vergettes,  mais  cela  ne 
dure  qu'un  jour  ou  deux,  car  à  mesure  qu'elle  s'espanouyt,  cez  fila- 
ments commancent  à  s'abbattre  çà  et  là,  jusques  à  tant  qu'ils  sont  en  la 
forme  que  vous  les  avez  veus,  oij  ils  4emeurent  aprez  jusques  à  ce  qu'ils 
seichent  et  perdent  leur  naturelle  couleur  verte.  Je  tascheray  de  vous 
en  envoyer  des  houppes  entières  que  j'ay  faict  coupper  exprez  pour  cet 
effect  pour  vostre  satisfaction  et  de  M''  Hullon,  à  qui  je  vous  supplie  de 
faire  mes  excuses  en  attendant  un  peu  plus  de  commodité,  pour  une  plus 
exacte  disquisition.  Et  possible  auray  je  le  moyen  d'en  envoyer  quelque 
filleule  vivante  au  printemps  prochain ,  ayant  cependant  envoyé  à  Boys- 
gency  mon  vase  pour  y  passer  l'hyver  avec  raoings  de  regret  qu'icy. 


'  Livre  XIII,  chap.  XXI,  xiti  et  Xiiii.  in  triaC.  Pliniide  Papyrocapilalibri  XIII), 

'  Je  suppose  que   parmi    ces    grands  dans  les  Opuscula  varia  (Francfort,  1612, 

hommes  Peiresc  n'oubliait  pas  son  ancien  1-66). 

correspondant  Joseph  Scaliger,  qui  a  ëcril  '  Glutineux  est  déjà   dans   les    œuvres 

de  si  savantes  pages  K  ce  sujet  {Anmadver-  d'Ambroise  Paré,  ainsi  queglutinosité. 

sion$s  in  Melchioris  Guilandini  Commentarium 


[1633]  AUX  FRERES  DUPUY.  629 

Mais  j'ay  une  aultre  relation  à  vous  faire  concernant  des  caméléons 
vivants  que  j'ay  recouvrez  depuis  peu,  sur  lesquels  j'ay  observé  de 
bien  jolies  particularitez  que  les  autlieurs  anciens  et  modernes  n'ont 
pas  touchées.  11  y  en  avoit  quatre,  et  en  est  mort  deux  par  les  chemins, 
dont  l'un  fust  esventré  en  débarquant  à  Toullon,  et  y  furent  trouvez 
i5  oeufe  gros  comme  des  noyeaulx  d'ollive.  Des  deux  qui  me  sont  de- 
meurez vivants  l'un  est  de  naturelle  couleur  gris  pasle  parsemé  de  pe- 
tites tasches  noires,  l'aullrc  naturellement  de  couleur  verte  tachette  de 
plus  grosses  plaques  jaulnes;  mais  quand  on  les  expose  au  grand  air,  à 
l'aspect  du  ciel  et  principalement  au  soleil,  ils  deviennent  noirs  l'un  et 
l'aultre,  et  leur  void  on  comniancer  par  le  costé  du  corps  qui  regarde 
le  ciel,  l'aultre  costé  retenant  encores  sa  couleur  naturelle.  Le  verd  a 
le  ventre  plus  enflé  que  l'aultre  et  je  juge  que  ce  soit  une  femelle  pleine 
d'oeufs  comme  l'aultre.  Ils  font  de  la  fiante  noire  et  jaulne,  en  forme 
de  crottes  comme  des  noyeaulx  d'ollive,  et  la  verde  prend  souvent  des 
mouches,  à  mesure  qu'elles  voilent  ù  l'entour  d'elle,  avec  une  vitesse 
conq)arable  à  celle  d'un  esclair  en  dardant  sa  langue  de  la  longueur 
de  3  ou  4  doigts,  bien  que  leur  desmarche  soit  plus  tardive  que  celle 
des  tortues.  Mais  leur  forme  de  dormir  est  admirable,  car  ils  grimpent 
et  s'agraffent  contre  les  montants  des  branches  de  la  cage,  avec  leurs 
quatlre  pattes  et  leur  quefie,  de  sorte  qu'ils  sont  comme  pendus  en  l'air; 
et  ne  se  destournent  pas  de  leur  repos  et  de  leur  posture  pour  peu  de 
bruict.  Si  je  les  eusse  eus  devant  l'esté,  je  pense  que  nous  aurions  faict 
de  bien  curieuses  remarques,  mais  h  ceste  heure  que  Ihyver  approche, 
je  crains  fort  de  ne  les  pouvoir  saulver  jusques  au  bon  temps,  attendu 
que  les  mouches  manqueront  au  premier  froid,  et  je  ne  sçay  où  les 
tenir  en  lieu  qui  leur  soit  propice,  car  ils  viennent  d'Alfrique  où  il  faict 
bien  chauld  et  où  ils  se  cachent,  dict-on,  l'hyver  dans  les  cavernes, 
où  c'est  que  je  veux  bien  croire  qu'ils  ne  mangent  pas  beaucoup  nom 
plus  que  les  tortues  et  aultres  animaulx  qui  jeûnent  et  vivent  l'hyver 
de  leurs  chairs,  comme  l'on  dict.  Mais  Dieu  sçait  si  dans  la  terre  ils  ne 
trouvent  pas  quelque  aliment  qui  nous  est  incogneu,  et  quand  ce  ne 
seroit  que  l'air  soubstcrrain  avec  son  huinidilé  et  challeur  naturelle  en 


630  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

ce  temps  ià,  c'est  chose  que  je  ne  luy  sçauroys  fournir  que  bien  diffici- 
lement, craignant  que  d'aultres  animauk  ne  les  vinssent  persécuter 
dans  les  caves  si  nous  les  y  tenions,  et  que  l'odeur  du  vin  ne  fust  cap- 
pable  de  leur  nuyre.  J'ay  envoyé  demander  à  Marseille  si  quelqu'un 
de  ceux  qui  ont  faict  du  sesjour  en  Affrique  n'auroit  point  observé 
comment  on  les  entretient  durant  l'hyver,  car  pour  l'esté  je  n'en  se- 
roys  pas  en  peine.  Je  ne  pensois  pas  vous  en  dire  tant,  mais  cela  m'est 
escliappé  insensiblement.  Vous  excuserez  ce  desordre  et  la  naifveté  avec 
laquelle  je  vous  entretiens  possible  trop  librement  de  mes  occupations 
chettives  d'un  cogne-festii ^  sur  la  confiance  que  j'ay  en  vostre  bonté, 
et  de  cez  Messieurs  de  chez  vous  qui  me  pardonnent  de  si  bon  coeur 
et  de  si  bonne  grâce  mes  petites  infirmitez  et  maladies  d'esprit  et  sur 
tout  mes  lentitudes^  à  vous  obeyr  et  servir,  spécialement  en  cez  mé- 
moires du  Venaiscin,  pour  l'assortiment  desquels  il  me  falloit  ranger 
mes  papiers  oii  je  suis  bien  asseuré  de  trouver  de  bon  secours,  de  quoy 
je  n'ay  encores  sceu  prendre  le  temps.  Mais  il  faull  que  je  m'abstienne 
du  Palais  quelques  jours  pour  en  venir  à  bout  et  me  deslivrer  de  cette 
promesse  envers  M'  du  Puy,  vostre  frère,  et  de  tout  plain  d'aultres 
dont  j'espère  avoir  moyen  de  m'acquiter  envers  divers  amys  par  cette 
recherche.  Au  reste  j'ay  tousjours  de  nouvelles  obligations  à  Monsieur 
de  Thou  du  souvenir  qu'il  veult  avoir  d'Autun,  et  à  vous.  Monsieur, 
du  soing  que  vous  prenez  de  l'entretenir  en  cette  bonne  disposition.  Si 
son  chemin  s'adonnoit  de  ce  costé  là,  sa  venue  nous  esclairciroit  de 
toutes  choses.  Pour  le  P.  Raynaud',  je  pense  qu'en  vain  on  s'y  atten- 
droit,  aprez  avoir  esprouvé  combien  sa  mémoire  est  courte,  de  ce  qu'il 
se  charge  de  faire. 

'  La  Curne  de  Sainte-Palaye ,  dans  son  gne/estu,  qui  se  tue  en  ne  faisant  rien.» 

Glossaire,   mentionne,   au  sujet   de   cette  '  Nous  avons  déjà  trouvé  ce  mot  employé 

expression    proverbiale,   les    Commentaires  au  singulier  (f.  I,  p.  -Bj!). 

de    Monluc    et    les    C^uriositez  françaises  '  Ce  P.  Raynaud,  qui  était  Minime  ,  ne 

d'Oudin.  Voir  encore  Le  Roux  de  Lincy,  doit  pas  être  confon<lu  avec  le  P.  Théo- 

citant,  dans  Le  livre  des  proverbes  français'  phile   Raynaud,   Jésuite,  qui    figure  dans 

(t.  II,  p.  33),  cette  phrase  de  la  Comédie  le  tome  I  (p.  77^)  et  dans  le  présent  tome 

des  proverbes  :  ff  Aussi  chanceux  que  co-  (p.  Sgi). 


[1633]  AUX  FRKRES  DUPUY.  631 

Les  imperfections  de  mes  livres  ont  esté  fort  bien  suppléées  par  les 
deux  feuilles  qu'il  vous  a  pieu  m'envoyer.  Si  le  Tertullian  arrivoit 
bientost,  il  se  présente  dans  i5  jours  une  Irez  bonne  commodité  d'en 
envoyer  l'un  à  Rome  et  j'espère  d'en  recevoir  au  nioings  l'un  et  puis 
l'aultre  viendra  tout  à  son  aise.  Pour  le  Thcopliile  de  M'  Fabrot,  il 
fauldroit  voir  de  mettre  en  queiie  au  sieur  Cramoisy'  quelqu'un  de  cez 
Messieurs  qui  vont  souvent  en  sa  boutlique,  pour  le  faire  presser 
souvent,  car  cez  gents  là  ne  font  jamais  rien  qu'à  vive  force  de  presse; 
aultrement  il  sera  aussy  esloiyné  d'y  mettre  la  main  en  caresme  qu'à 
cette  heure,  attendu  qu'il  se  présente  lousjours  d'aultres  pièces  plus 
pressées. 

Quant  à  M'Petit,  j'ay  aujourd'huy  receu  une  sienne  lettre  sur  la  re- 
ceptiond'une  liste  que  je  luy  ay  envoyée  de  libvres  Arabes,  entr' autres 
ces  ti  volumes  de  Thésaurus  de  Milan  et  quelques  ni[anu]s[crit]s  en 
cette  lanjjue  ofi  il  estudie  présentement.  Je  luy  escriray  pour  ce  vo- 
lume de  liturgies  Cophtcs  et  ne  douple  pas  ([u'il  ne  le  renvoyé  incon- 
tinant  combien  que  je  ne  pense  pas  qu'il  y  eust  faict  tout  ce  qu'il  eust 
désiré,  nom  plus  qu'à  troys  aultres  qu'il  a  à  moy  depuis  plus  d'un  an. 
El  à  vous  dire  le  vray,  quand  il  fust  icy,  je  luy  avoys  dict  de  les  garder 
jusques  à  la  fin  de  cette  année  pour  s'y  bien  instruire,  et  lors  je  faisoys 
estât  de  les  joindre  avec  ceux  qu'on  me  promet  du  Levant  dans  ce 
temps  là,  pour  envoyer  le  tout  à  M""  de  Saulmaise,  estimant  qu'ils  en 
ont  affaire  là,  pour  la  traduction  que  l'on  faict  de  certains  libvres 
d'Histoire  et  d'Astronomye  de  ce  pais  d'/Egypte,  qui  sont  en  langue 
Arabique,  mais  vraysemblablement  entremeslez  de  paroles  et  locu- 
tions égyptiennes,  comme  estoit  le  Barachias  du  P.  Athanase,  et  qui 
ne  se  peuvent  facilement  deschiffrer  sans  fayde  de  la  langue  des 
Cophtes  dont  on  me  faict  espérer  un  dictionnaire,  comme  celuy  de 
Rome,  duquel  je  ne  perds  pas  encores  l'espérance,  et  ce  que  faict 
maintenant  M''  Petit  y  servira  comme  fit  au  P.  Morin  l'eschantillon  du 
^'enlateuque  Samaritain  pour  obtenir  la  communication  de  cet  exeni- 


'  L'expression ,  qui  est  des  plus  pidoresques ,  n'a  pas  ëlë  recueillie  par  nos  lexicographes. 


632  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

plaire  m[anu]s[crit]  du  sieur  Pietro  délia  Valle  dont  on  estoit  si  ja- 
loux. Sur  quoy  je  finiray  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peibesc. 

A  Aix,  ce  ai  octobre  i633. 

Je  viens  de  recevoir  d'Avignon  un  vieil  pacquet  de  M'  Hérault  du 
h  octobre,  qu'il  avoil  laissé  en  si  mauvaises  mains,  que  je  ne  l'ay  eu 
qu'aujourdhuy  2  5"%  oh  il  s'excuse  sur  le  desbordement  de  la  Durance 
qui  l'avoit  arresté  deux  jours  dans  Avignon,  et  qu'il  estoit  constraint 
de  passer  oultre  en  Languedoc,  dont  j'ay  esté  merveilleusement  desplai- 
sant, car  il  ne  me  donne  aulcune  espérance  de  retour  de  par  deçà.  Je 
suis  trop  malheureux  puis  que  les  rivières  s'enflent  pour  empescher  les 
honnestes  gens  qui  vouldroient  venir  en  ce  cbelif  païs  pour  y  exercer 
leurs  actes  de  charité.  De  sorte  que  me  voila  frustré  de  l'espérance  que 
j'avois  conceûe  de  servir  en  sa  persone  quant  et  luy  M"'  du  Puy  vostre 
frère  suyvant  les  commandements  qu'il  m'en  avoit  faicts  par  la  lettre 
dont  il  m'avoit  honnoré  pour  ce  subject.  Il  m'a  envoyé  une  bien  obli- 
geante lettre  de  Monsieur  l'advocat  gênerai  Bignon  du  i^"'  septembre'.. 


CXXXIX 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Vostre  despesche  et  provisions  adressées  à  M'  de  Valbelle  furent 
portées  sammedy  par  un  de  noz  laquays,  lequel  ne  trouva  pas  là  M' le 
sacristain,  mais  il  l'a  cejourd'huy  rencontré  à  my  chemin  d'icy  à  Mar- 
seille, regrettant  bien  que  je  n'aye  sceu  qu'il  fust  en  cetle  ville.  Il 

'  Vol.  717,  fol.  aga.^ 


^1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  633 

trouvera  encores  à  ce  soir  voz  lettres  chez  luy  à  temps  pour  vous  en 
accuser  la  réception  par  l'ordinaire,  et  mon  frère  qui  est  à  Marseille  ne 
manquera  pas  d'y  tenir  la  main  comme  il  fault,  ayant  escript  un  mol 
à  Monsieur  de  Thou  qui  sera  cy  joinct,  où  c'est  que  possible  luy  ren- 
dra t'il  compte  de  vostre  affaire.  Ne  voyant  l'heure  que  la  responcc  de 
mes  lettres  de  Home  soit  veniie,  et  que  le  dict  sieur  sacristain  soit  allé 
faire  faire  vostre  mise  de  possession  sur  les  lieux  puis  qu'il  s'en  est 
voulu  charger,  pour  voir  s'il  y  apprendra  rien  de  plus  sur  les  actes 
possessoircs  des  impetrans. 

Quant  à  vostre  commande,  vous  pouvez  penser  si  j'en  escriray  et  si 
j'y  feray  sunmium  de  potentia,  ne  doublant  nullement  que  vous  n'en 
ayez  toute  sorte  de  contentement,  sinon  du  Gratis,  à  quoy  l'on  ne  s'y 
cognoit  guieres,  au  moings  pour  la  favorable  expédition.  C'est  pour- 
quoy  j'estime  qu'il  sera  bon  de  ne  pas  presser  l'affaire  que  l'on  n'ayt 
quelque  asseurance  du  refus  ou  retardement  de  la  dispence  de  ce  jeune 
garçon,  à  cause  que  les  fraicz  sont  grands  de  ces  sortes  de  grâces. 
Pour  le  surplus,  j'ay  escript  à  M'' Holslenius  touchant  cez  deux  livres  de 
S' Cyrille  sur  S' Jean,  pour  M'  Aubert'  que  je  scroys  trez  aise  de  pou- 
voir servir,  et  pour  son  mérite  et  pour  l'amour  de  vous,  Monsieur,  et 
de  M'  Rigault.  Je  n'en  ay  poinct  encores  de  responce  et  suis  en  quelque 
espérance  de  l'avoir  par  un  de  mes  amys  nommé  Chartres,  parly  de 
Rome  dez  le  19""*  septembre,  qui  scroit  arrivé  longtemps  y  a,  mais  je 
ne  sçay  sur  quoy  Messieurs  de  Gènes  luy  font  faire  quarantaine  à  ce 


'  Jean  Aubei-t,  Jocleur  en  lliéoiofjie  de 
la  facultd  (le  Paris,  principal  du  collège 
d'Harcourt,  chanoine  de  Laon,  succdda  en 
i^liS  à  Pierre  de  Montrnaur  dans  la  chaire 
de  grec  du  Collège  royal  de  France.  Il  ne  la 
posstîda  que  depuis  le  20  fe'vrier  de  celle 
année  jusqu'au  1"  novembre,  qui  fui  le  jour 
de  sa  mort.  Celait,  dit  Goujel  {Mémoire 
hist.  et  bibl.  sur  le  Colliuie  royal  de  France , 
t.  I,  p.  569)  (fun  homme  trè^  savant  dans 
les  langues,  dans  les  humaiiilés  et  même 
dans  la  théologie.  Guy-Micliel  LeJay  avoue. 


dans  la  Prifaee  de  la  Bible  polyglotte,  qu'il 
lui  était  redevable  des  soins  qu'il  avait  bien 
voulu  se  donner  pour  revoir  le  texte  grec 
de  cette  polyglotte.  Tout  le  monde  connaît 
aussi  son  édition  grecque  et  latine  des  0£"i«- 
vres  de  saint  Cyrille,  patriarche  d'Alexan- 
drie, la  seule  que  nous  ayons  en  grec  el  en 
latin  (i()38,  Paris,  6  vol.  in-fol.).  Voir  sur 
cette  édition  l'Histoire  des  auteurs  sacrés  ot 
ecclésiastiques ,  de  Dom  Rémi  Cellier,  t.  XIU, 
p.  4oG,  ioy.  .  .  1 


80 

ivriivilil    HKXi- 


634  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

qu'on  m'a  escript  de  Marseille.  Bien  vous  diray-je  que  M'  Aubert  auroit 
bien  peu  nie  confier  un  peu  plus  franchement,  puisque  M'  l'Àrche- 
vesque  de  Thoulouse  en  estoit  demeuré  d'accord,  ce  m[anu]s[crit]  des 
Astronomes  Grecs  qui  m'avoit  esté  offert  et  promis  pour  le  dict  sieur 
Holstenius,  et  qui  avoit  deub  estre  transcript  depuis  le  temps  qu'on  est 
aprez,  plus  d'une  foys  si  l'on  en  avoit  envie.  Craignant  que  M'  Holste- 
nius ne  se  soit  un  peu  picqué  de  ce  retardement  et  qu'on  veuille  qu'il 
se  fie  de  la  parole  d'aultruy  sans  qu'on  se  veuille  fier  de  la  sienne. 
Possible  n'y  songe  t'il  pas,  et  vous  pouvez  croire  que  je  n'y  nuiray  pas, 
mais  voyant  que  je  n'ay  poinct  de  ses  nouvelles,  je  crains  qu'il  ne  me 
sçaiche  une  partie  du  mauvais  gré,  pour  m'en  estre  entremis  sans  avoir 
bien  mesuré  la  foiblesse  de  mon  crédit.  Je  ne  manqueray  pas  de  luy  en 
faire  une  recharge  la  plus  instante  que  je  pourray.  Cependant  je  vous 
félicite  à  l'advance  le  retour  inespéré  tant  de  M'  d'Aubray  que  de 
M""  Rigault,  et  vous  supplie  de  me  conserver  en  l'honneur  de  leurs 
bonnes  grâces.  Estant  grandement  obligé  à  M' Valois  du  soing  qu'il  prend 
de  cez  eclogues  de  Constantin  Porphyrogenete  et  ne  tiendra  pas  à  nioy 
que  je  ne  le  serve  comme  il  fault  partout  où  j'en  trouveray  des  moyens, 
.l'attends  la  responce  de  M"'  Ja[cques]  Godefroy  pour  les  harangues 
non  imprimées  de  Libanius  et  de  Rome  pour  les  Epistres  du  niesme 
autheur.  Et  vouldroys  bien  l'avoir  engagé  à  l'édition  de  son  Animian. 
Nous  avons  eu  icy  cez  jours  passez  le  sieur  de  Muinemauer  Hollandoys 

que  M''  P '  m'avoit  adressé,  qui  est  un  trez  galant  gentilhomme; 

il  est  à  Marseille  et  nous  avoit  promis  de  repasser  içy.  Je  suis  bien  rede- 
vable à  M''  du  Chesne  de  la  communication  qu'il  luy  plaict  m'octroyer 
de  cez  epistres  de  Louis  VII,  dont  je  tascheray  de  luy  rendre  un  jour 
quelque  revanche  si  je  puis.  Nous  n'avons  poinct  eu  de  gazette  par  cet 
ordinaire,  ce  qui  me  faict  croire  que  si  le  sieur  Renaudot  n'a  changé 
d'advis,  on  m'a  retenu  son  pacquet  à  la  poste,  pour  estre  clos  d'un  ca- 
chet trop  cogneu  par  les  commis  soit  de  Lyon  ou  d'icy.  Il  fauldra  le  des- 
guiser  à  l'advenir  s'il  veult  que  je  l'aye  asseurement  ou  bien  qu'il  le 

'  Déchirure  du  papier. 


[1033]  AUX  FRERES  DUPUY.  635 

vous  veuille  confier  pour  l'envoyer  soubs  vostre  enveloppe.  L'on  m'a 
faict  teste  d'un  livre  de  Cunœus  intitulé  Satyra  Menippœa';  s'il  s'en  ren- 
controit,  je  ne  seroys  pas  marry  de  le  voir.  J'avoys  aultre  foys  veu  chez 
M'Cramoisy  un  livre  in-fol"  de  l'Histoire  de  Gènes  imprimé  à  Anvers, 
dont  j'ay  oublié  le  nom;  je  pense  pourtant  que  ce  soit  le  Foglietta^. 
Si  vous  en  rencontrez  un  exemplaire  complet,  je  le  payeray  volontiers 
et  seray  ù  jamais, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obeyssant  serviteur, 

DE  Peibesc. 

A  Aix,  ce  dernier  octobre  i633. 


J'escripts  à  M'  Hnllon  sur  le  Papyrus  et  vous  faicts  la  mesme  prière 
qu'à  luy  de  vouloir  pardonner  mes  faultes  et  ignorances  inexcusables. 

J'ay  veu  une  lettre  escritte  d'auprez  de  Bar  dans  ce  moys  d'octobre, 
par  laquelle  on  mandoit  que  la  Duchesse  de  Lorraine  estoit  attendue  h 
Bar  aussy  tosl  qu'elle  se  porteroit  bien,  pour  y  rendre  les  Foy  et  Ho- 
mage  deubs  au  Roy  pour  le  Barroys,  et  qu'aprez  cela  on  debvoit  rendre  le 
Barroys  au  Duc  de  Lorraine,  par  le  moyen  de  quoy  on  s'y  promettoit 
plus  de  repos  que  devant.  Nous  n'avions  pas  sceu  cet  article  du  traiclé 
de  Charmes^. 

On  escript  de  Bordeaux  du  1 4  de  ce  moys  que  M' Le  Camus,  procu- 
reur gênerai  de  la  Cour  des  aydes  de  Paris*,  estoit  en  ce  païs  là,  pour 


'  C'était  une  réimpression  d'un  opuscule 
que  Pierre  Cunœus  avait  publié,  en  1619 
(Leyde,  in-16)  contre  des  pédants  dont  il 
avait  eu  à  se  plaindre.  Voici  le  titre  complet 
de  l'opuscule  :  Sardi  vénales  :  Sali/ra  Menip- 
pea  in  hujus  aecuti  homiiics  plerosque  inqUe 
enditos.  Petrus  Cuiueids  scripsil . . .  addita  est , 
ex  cjusdem  inlerprelntionc ,  D.  Julinui  impera- 
toris  Mlyra  in  principes  romanes. 

*  Hubert  Fogliettn  naquit  à  G^nes  en 
i5i8,  passa  une  partie  de  sa  vie  à  Rome 
et  mourut  en  1 58i ,  laissant  inachevée  Tliis- 


toire  de  sa  ville  natale  que  Paul ,  son  frère , 
publia  en  i585  [Hisloriœ  Gemteimum  li- 
bri  XII ,  ah  origine  /rentis  ad  nnnitm  iSaS. 
Gênes,  chez  Jérôme  Bartoli,  in-fol.).  Ni  Gin- 
guené  {Biographie  universelle),  ni  l'auteur 
du  Manuel  du  libraire  faii  mot  Foliela)  n'in- 
diquent une  édition  d'Anvers. 

*  Charmes  est  aujourd'hui  un  chef-Ken 
de  canton  du  département  des  Vosges,  ar- 
rondissement de  Mirecourt,  à  i5  kilomètres 
de  cette  ville,  h  oB  kilomètres  d'Épinal. 

*  Nicolas  Le  Camus,  fiU  aîné  de  Nicolas 

80. 


636  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

affaires  particulières  de  Monseigneur  le  Cardinal  Duc  de  Richelieu  et 
qu'il  y  avoit  porté  une  procuration  de  Son  Eminence  à  M''  l'Archevesque 
de  Bordeaux  '■  pour  en  son  nom  prendre  possession  de  la  Duché  de 
Fronsac^  et  que  pour  cet  effect  [ils  s'estoient]^  acheminez  sur  les  lieux 
pour  y  procéder". 


GXL 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

À  PARIS. 

Monsieur, 

J'ay  receu  avec  vostre  despesche  du  a  8°"  cez  mémoires  de  M"^  de 
Cordes^,  dont  je  vous  remercie  et  vous  supplie  luy  faire  mes  humbles 
remerciments  à  la  première  veiie,  ayant  prins  plaisir  d'apprendre  par 
son  moyen  des  particularitez  que  je  n'eusse  possible  jamais  sceiJes,  à 
faulte  de  temps  d'en  aller  chercher  des  instructions  dans  de  si  gros  vo- 
lumes. Puis  que  vous  me  donnez  la  disposition  de  ce  cahier  de  la  version 
Françoise  du  latin  de  feu  M'  de  Thou,  je  l'envoyeray  à  ce  gentilhomme 
qui  est  amy  de  l'autre  traducteur,  a6n  de  rompre  le  coup  de  l'entre-  , 
prinse  de  cet  ouvraige  qui  n'eusse  jamais  peu  reuscir  à  vostre  souhaict 
et  satisfaction, 

J'ay  esté  bien  aise  d'apprendre  l'excuse  de  M'  Gaulmin  qui  est  bonne 
à  sçavoir,  et  ne  manqueray  pas  de  renvoyer  à  M"'  du  Chesne  la  coppie 
d'epistres  •■'  incontinant  que  je  l'auray  peu  parcourir,  car  puisqu'elle 

Le  Camus  et  de  Marie  Goiberl,  mourut  en  de  Gtiitres,  p.  1 1 1,  1 14.  Il  a  été  d^jh  ques- 

iGCi.  Ce  fut  un  des  correspondants  de  Pei-  tion  de  Fronsac  et  de  Richelieu  dans  notre 

resc.  Voir  deux  des  leltres  qu'ils  échangèrent  tome  I,  p.  (jli. 

dans  l'excellente  monographie  :  Peiresc  abbé  '  Déchirure  du  papier. 

(/«  Gu '<rcs,  par  Ant.de Lantenay( Bordeaux,  '  Vol.  717,  fol.  agS. 

1 888 ,  grand  in-8°,  p.  1 1 1  et  1 1 2).  "  Le  chanoine  bibliophile  Jean  de  Cordes , 

'  Henry  de  Sourdis.  déjà  plusieurs  fois  mentionné. 

-  Voir  sur  le  cardinal  de  Richelieu,  pro-  °  Les  épîlres  du  roi  Louis  VI[  dont  il  a 

jjriélaire  de  la  terre  de  Fronsac,  Peiresc  abbé  été  déjà  question  p.  465. 


[1633] 


AUX  FRÈRES  DUPUY. 


637 


doibt  si  tost  eslre  soubs  la  presse  je  ne  m'amuscray  pas  à  en  rien  faire 
transcrire,  bien  prieray  je  M'  du  Chesne  de  m'en  faire  avoir  un  exem- 
plaire de  l'espreuve,  s'il  est  possible,  à  l'advance,  et  plus  tost  payeray 
le  decheq  de  l'imperfection  que  cela  pourroit  faire  à  un  volume  car  je 
seray  bien  aise  d'y  barbouiller  mes  conjectures  à  la  marge  de  quelques 
unes,  pour  noter  les  temps  et  qualitez  des  persones  qui  peuvent  toucher 
noz  contrées  de  deçà.  Cependant  je  suis  grandement  obligé  au  dict 
sieur  du  Chesne  de  la  courtoise  communication  qu'il  m'en  faict  dez  à 
celte  heure,  dont  je  n'abuseray  pas,  et  plus  tost  ne  le  retiendray  qu'un 
jour,  de  peur  de  faillir  au  terme  qu'il  vous  a  donné.  Que  si  j'eusse  sceu 
qu'il  se  deubst  si  tost  mettre  soubs  la  presse,  je  l'eusse  attendu  volon- 
tiers, comme  je  le  luy  avoys  escript.  Mias  il  m'a  voulu  donner  ce  tesmoi- 
gnage  de  l'excez  de  son  affection  en  mon  endroict.  C'a  esté  à  mon  grand 
regret  que  j'ay  tant  différé  d'envoyer  à  Monsieur  du  Puy  vostre  frère 
les  mémoires  du  Venaiscin,  mais  j'attendoys  le  moyen  de  remanier 
mes  papiers,  où  je  suis  asseuré  de  trouver  de  bonnes  pièces  sans  les- 
quelles ils  seront  deffeclueux,  car  je  sçay  qu'il  veult  quelque  chose  de 
plus  précis  que  le  commun,  .l'ay  veu  le  catalogue  de  la  foire  où  j'ay  veu 
promettre  un  libvre  qui  sera  bien  de  mon  goust  en  son  temps,  d'un 
canon  Paschal  escript  par  un  Victorius  Aquitarius  l'an  hh']^,  avec  des 
commentaires  d'un  yEgidius  Bucherius,  Jésuite,  à  Anvers  fol"*,  et  un 


'  Voir  dans  V Histoire  littéraire  de  la  France 
(l.  IF,  p.  /ia/i-/iQ8)  un  article  sur  Yictotius, 
autexir  d'un  cycle  pascal.  On  dit  dans  cet  ar- 
ticle que  Victorius,  appelé  Victor  par  Fré- 
dégaire,  diait  d' Aquitaine  et  que  Paul  de 
Middelbourjj,  qui  ("crivait  au  coraniencement 
du  ïvi°  siècle,  est  le  premier  qui  Tait  fait 
naître  J»  Limoges. 

'  On  lit  dans  l'article  qui  vient  d'être  cité 
(p.  437)  :  ffLe  P.  Gilles  Bouclier,  Jésuite, 
est  le  premier  qui  a  mis  au  jour  le  cycle 
pascal  de  Victorius.  Après  avoir  fait  im  fort 
long  commentaire  sur  le  texte ,  il  fit  imprimer 
l'un  et  l'autre  avec  diverses  autres  pièces  sur 


le  même  sujet  en  un  volume  in-fol. ,  h  Anvers , 
chez  Balthazar  Morel ,  qui  (enoit  la  l>outiqae 
lie  Planlin,  l'an  i634  ou  i633,  comme 
porte  la  datç  qui  est  h  la  fin  du  livre,  et  que 
le  marque  Aubert  le  Myrc.  «  Voir  dans  la 
Bibliothhque  des  écrivains  de  la  Compagnie 
de  JésM  (t,  I,  1869,  col.  799-800^  un  ar- 
ticle sur  le  P.  Gilles  Boucher,  Bouchier,  Bu- 
cherius, né  en  Artois  l'an  «677,  mort  h 
Tournay  le  8  mars  1 6C5 ,  article  où  l'on 
donne  la  date  de  1630  au  recueil  ainsi  in- 
titulé :  Mgidii  Bucherii  Atrebalis  e  Socielate 
Jesu  de  doctrina  Temporum  Commentariiu  m 
Victorium  Aquitanum,  etc.  (in-fol.). 


638  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

ThaumaturgusMathematicusavecdes  figuresen  taille  doulce,àCoiogne  S 
qui  pourroit  bien  estre  curieux  et  bon  à  donner  s'il  n'est  trop  cher. 
Vous  m'avez  cy  devant  envoyé  cez  deux  pièces  de  Fromundus  in  lx° 
tant  de  l'immobilité  de  la  terre  que  de  son  labyrinthe  ^,  de  sorte  que  cela 
osté,  tout  le  contenu  de  vostre  mémoire  est  trez  bon  à  retenir.  Comme 
du  précédant  mémoire,  le  Barlœus  contre  Machiavel,  le  Rivetus  de 
origine  Sabbathi  in  12',  cez  Monumenta  HoHandiae  Egmondana  Scri- 
verii*  li°,  le  Winsenius  Rerum  Frisicarum  h"'^,  Bclgar.  Annales  Rey- 
dani  f°®,  Meursii  Regnura  Atticura''  à".  Et  quant  à  cez  suppléments  des 
volumes  in  fol°  Rerum  Indicarum  *,  il  fault  que  j'examine  un  peu  les 


'  Cet  ouvrage,  qui  pai'ut  eu  1628  et  qui 
reparut  en  j636,  en  i65i,  en  iC58,  en 
1706,  avait  6lé  composé  par  Gaspard  Ens, 
fécond  polygraphe  qui ,  né  à  Corch,  travailla 
pendant  vingt-cinq  ans  pour  les  libraires  de 
Cologne. 

'  Fromundus  est  Libert  Froidmont  ou 
Froimont ,  docteur  en  théologie  de  l'université 
de  Louvain,  né  en  iSSy,  mort  en  i653  h. 
Louvain ,  où  il  avait  longtemps  professé  et 
où  il  était  doyen  de  Saint-Pierre.  Les  deux 
ouvrages  mentionnés  par  Peiresc  sont  :  Anti- 
Arislarchiis ,  sive  de  orbe  terrée  immobtli,  ad- 
versus  Philippum  Lwuhergium  (Anvers,  1 63 1 , 
in-4°)  et  Lahyrinlhus,  sive  de  composilione 
eontoat  (Anvers,  i63i,  in-4°). 

'  Dissertatio  de  origine  sabbati  (Leyde, 
i633,  in-ia).  L'auteur  est  le  théologien 
protestant  André  Rivet,  né  à  Saint-Maixent 
en  1673,  mort  à  Bi-eda  en  i65i.  Voir  la 
liste  complète  de  ses  œuvres  dans  la  France 
protestante. 

*  Monumenta  antiqua  et  inscriptiones  an- 
tiquis  tabulis  et  libris  mss.  Regalis  Abbatite 
Egmondanœ  (Leyde,  i633,  in-i°).  La  pre- 
mière édition  est  de  1609  (Leyde,  in-i"). 
Voir,  sur  P.  Schriver,  t.  I,  p.  856. 

''  Pierre  Winsenius ,  né  en  1 586 ,  nommé 


historiographe  de  la  Frise  en  1 6 1 6 ,  fut  pro- 
fesseur d'éloquence  et  d'histoire  à  Franecker, 
et  mourut  le  1 1  novembre  1 644  ;  son  Historia 
rerum  Frisicarum,  en  six  livres,  parut  à 
Leuwarden  (Leovardiae)  en  i6a6,  1629, 
iÙ^Ù,  i656. 

•  Reidanus  (Everhard),  néà  Devenler  en 
iSig,  fut  bourgmestre  à  Arnheim,  député 
aux  Etats  généraux  des  Pays-Bas;  il  mourut 
le  a  5  février  160  a.  Il  composa  en  hollandais 
une  histoire  des  choses  faites  en  Belgique 
de  l'année  i566  à  l'année  lOoi,  dont  Denis 
Vossius  donna  une  traduction  latine  k  Leyde 
en  i633,  in-fol.;  il  y  eut  une  édition  fla- 
mande de  la  même  année  dans  la  même 
ville. 

'  Eegnitm  Atticum,  sive  de  Regibus  Athe- 
niensium  (Amsterdam,  i633,  in-4°).  Jean 
de  Meurs  avait  publié ,  depuis  l'année  1616, 
un  grand  nombre  d'ouvrages  relatifs  à  la 
Grèce,  parmi  lesquels  on  remarquait  Athe- 
nœ  alticœ ,  sive  de  prcecipuis  Athmien- 
sium  antiquitaiibus  ftéri /// (Leyde,  162 4, 
in-h"). 

*  S'agit-il  là  du  recueil  d'un  éradit  suisse , 
Louis  Gottfried  :  Historia  Indiœ  Orientalis  ? 
Le  tome  XII  de  ce  recueil  (in-fol.)  avait 
paru  à  Francfort  en  i6a8. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  639 

miens  pour  vérifier  ce  qu'il  m'en  peult  manquer  et  tascher  de  les  rendre 
complets.  J'ay  veu  sur  le  catalofjue  mesmes  de  la  foire  la  Statera  de 
Puteanus  ti"  de  Leyderi  que  je  verray  volontiers,  et  la  satyre  Menippée 
de  Cunaeus  que  je  vous  demandoys  l'aultre  jour,  mais  il  fauldroit  par 
mesme  moyen  vérifier  si  cette  édition  cy  n'a  pas  esté  chastrée,  car 
j'entends  qu'eu  la  première  il  y  avoit  d'estranges  libertez  de  langue. 
J'ay  aussi  veu  un  Christofori  Hurteri  AlamaniaR  seu  Superioris  Suevi» 
Cliorographia  nova  Ulm.ne  apud  Jo.  Gerlerum  f°,  que  je  prendroys  vo- 
lontiers', si  c'est  rien  qui  vaille,  car  de  ce  pais  là  il  nous  fault  prendre 
des  instructions  partout  où  nous  pouvons. 

L'on  a  aultres  foys  imprimé  à  Paris  dez  l'an  15^7*  et  de  reclief 
l'an  1675  in  8°  des  Homélies  soubs  le  nom  d'Eusebius  Ëmissenus , 
qui  auront  sans  doubte  esté  refaictes  plus  proprement,  avec  la  resti- 
tution des  noms  des  vrays  autheurs.  Si  vous  en  rencontrez  quelque 
bonne  édition,  soit  frippée  ou  en  blanc,  me  ferez  plaisir  de  m'en  re- 
tenir, et  en  defl'ault  d'aultres  je  prendray  volontiers  la  première  de 
l'an  15^7  parce  que  le  cbaractère  m'en  agrée  davantage  que  de  la 
suy vante  de  l'an  1675.  Parce  qu'il  y  a  des  choses  de  nostre  Lyrins^ 
nous  avons  interest  de  voir  ce  que  l'on  en  a  tenu  en  divers  temps, 
quoy  que  l'on  ayt  lors  donné  à  cet  Eusebius  ce  qui  estoit  de  nostre 
Faustus  *  et  d'aultres. 


'  Je  ne  trouve  rien  sur  Chrisloplie  Hurler. 
Je  vois  seulement  que  VA  Uemania ,  site  Suevia 
superior  parut  aussi  à  Amsterdam  chez  Jean 
Blaeu  et  Jean  Jansson. 

'  Eurèbe ,  snrnomnié  Emesène  ou  d'Émèse 
(Emisa),  naquitàla  lin  du  ni'  siècle  et  mourut 
h  Aniioche  vers  3Go.  On  a  sous  son  nom 
plusieurs  honit^lies,  mais  on  les  regai-do  gd- 
nëralement  comme  supposées.  L'édition  de 
1547  (Paris,  in-8°,  chez  Nicolas  Le  Riche) 
a  été  faite  par  Jean  de  daigny.  Celle  de  1  .ïyS 
parut  (in-S")  chez  le  libraire  Michel  Sonnias; 
quelques  exemplaires  portent  les  noms  des 
libraires  Jérdme  de  Marnes  et  Guillaume  Ca- 


vellat.  Peiresc  n'a  pas  connu  l'édition  de 
Claude  Fremy  (Paris  i554),  ni  l'édition 
d'Anvers  (i558,"in-8"),  et,  ce  qui  est  plus 
étonnant,  il  semble  ignorer  qiie  les  homélies 
auxquelles  il  s'intéressait  tant  avaient  été  ré- 
imprimées, en  1618,  par  André  Schot  dan* 
sa  collection  des  Pères. 

'  C'est-à-dire  l'afcliipel  de  Lérins. 

*  Peiresc  dit  nostre  Faïutus,  parce  que  ce 
théologien,  né  en  Bretagne,  appartient  h  la 
Provence,  d'abord  comme  abbé  de  Lérins 
(&33  ou  &3&),  et  eosaite  {l^^i)  comme 
évêqne  de  Riez.  Plusieurs  de  ses  homélie*, 
notamment  VHomilia  de  S.  Majcimi  Laudibus, 


640  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

Il  me  fauldra  encor  un  exemplaire  de  ce  voyage  des  Hiirons  in  8°, 
m'ayant  fallu  donner  encores  celuy  que  vous  m'en  aviez  envoyé  la  se- 
conde foys.  Mais  pour  l'honneur  de  Dieu  laissez  le  soing  à  M"'  Gaillard 
de  faire  la  recherche  et  tenir  le  mémoire  de  cez  petites  choses,  si  ce  n'est 
que  le  sieur  Gramoisy  le  veuille  faire  sur  son  libvre  pour  vous  descharger 
de  cette  importunité,  et  moy  du  desplaisir;  aultrement  n'attendez  plus 
que  je  vous  donne  de  cez  courvées,  que  je  ne  puis  supporter  en  vostre 
persone,  ayant  esté  bien  aise  que  le  prieur  de  Roumoules  ayt  faict  ac- 
quitter les  ho  pisloles,  mais  je  m'estonne  que  le  consul  Farnoux  ne 
soit  encores  comparu,  car  il  y  a  plus  d'un  moys  et  demy  ce  me  semble 
qu'il  s'en  chargea,  et  commance  à  craindre  qu'il  ne  soit  tombé  malade 
quelque  part  par  les  chemins.  Je  n'ay  poinct  eu  de  gazette  par  cet  or- 
dinaire non  plus  que  par  le  précédant,  et  avoys  creu  qu'elles  me  feus- 
sent  retenues  à  Lyon  par  les  commis  de  la  poste,  sur  la  cognoisçance 
du  cachet,  mais  je  ne  sçay  plus  ce  que  j'en  doibs  croire.  Bien  est  il 
vray  que  Ion  n'a  pas  retenu  un  aultre  pacquet  venant  du  bureau 
d'adresse  à  un  certain  qui  a  baillé  les  gazettes  à  un  chetif  imprimeur, 
à  condition  toutefoys  de  ne  les  imprimer  que  8  jours  aprez  leur  datte, 
mais  il  n'a  pas  laissé  de  faire  voir  qu'il  avoit  les  gazettes  fraisches, 
comme  nous  les  avions  cy  devant,  ce  qui  me  faict  conjecturer  que  ce 
soit  quelque  nouveau  style  qu'aye  voulu  tenir  le  Gazetier,  car  M"^  du 
Lieu  m'a  aussy  escript  de  Lyon  que  le  Gazetier  ne  leur  vouloit  plus 
envoyer  la  Gazette  qu'aprez  le  sammedy.  Je  seray  bien  aise  de  sçavoir 
au  vray  si  cez  deux  ou  troys  dernières  foys  que  je  n'en  ay  poinct  eu  le 
deffault  est  procédé  du  bureau  mesmes  ou  non,  et  aprez  s'il  se  faict  tant 
tenir,  nous  nous  en  sommes  tant  passez  aultresfoys ,  nous  nous  .en  sçau- 
rons  bien  passer  encores.  Et  je  suis  bien  asseuré  que  persone  ne  l'aura 
de  deçà  qui  ne  soit  bien  aise  de  me  l'envoyer  incontinant  sans  que  nous 
ayons  plus  la  peine  de  tant  solliciter  des  gents  qui  font  tant  les  ren- 
chéris de  peu  de  chose.  Vous  verrez  maintenant  un  estrange  embra- 


ontétëalti'ibuéesàEusèbe  Emesèiic.  Voirsur        par  les  Bénédictins  à  Fausle  dans  TZ/wtoire 
ce  point  la  notice  très  considérable  consacrée        littéraire  de  la  France,  t.  II,  p.  6oo. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  641 

sèment  advenu  en  Constantinople  si  les  advis  sont  véritables  au  calcul 
comme  je  les  tiens  au  demeurant,  où  je  ne  plains  que  les  livres  m[anu]- 
s[crit]s  qui  seront  periz  avec  tant  d'aultres  richesses. 

Reste  à  vous  respondre  sur  le  faict  de  vostre  prise  de  possession 
pour  raison  de  quoy  je  dilTeroys  attendant  de  revoir  M'  le  sacristain 
Valbelle,  qui  me  dict  hier  que  le  Prieur  de  Seillans ',  l'un  des  plus 
intelligents  de  son  monastère,  entreprenoit  le  voyage  à  cause  que  luy 
se  trouve  Grand  Vicaire  de  M?'  le  Cardinal  de  la  Valette,  et  daultant 
qu'il  craignoit  de  l'obstacle  de  la  part  du  sieur  d'Aspres,  père  du  Re- 
signataire, qui  est  voisin  de  Romettes,  et  a  une  compagnie  sur  pied; 
je  luy  conseillay  de  prendre  des  lettres  de  M' le  Mareschal  et  un  de  ses 
gardes  pour  le  faire  plus  respecter,  et  luy  ay  faict  préparer  des  lettres 
pour  l'Evesque  de  Gap*;  mais  ne  l'ayant  pas  reveu  ne  trouvé  lantost 
chez  lui  où  je  l'alloys  chercher  pour  cet  effect,  je  ne  sçay  s'il  n'aura 
poinct  changé  d'advis,  ou  du  moings  faict  différer  le  partement  de  ce 
moyne,  dont  je  tascheray  de  vous  pouvoir  esclaircir  demain  Dieu  ay- 
dant  avant  le  partement  de  l'ordinaire,  combien  que  je  ne  double 
poinct  que  de  son  costé  il  ne  vous  en  escrive  et  à  M'  de  Thou,  à 
qui  je  souhaicte  bon  voyage  en  Bourgoigne,  et  heureuse  issiie  de  ses 
négociations  publiques  comme  par  cy  devant,  avec  toute  la  satisfaction 
qu'il  y  peult  désirer. 

M' le  Baillif  m'escript  du  jourdhuy  qu'il  eut  hier  seulement  le  com- 
mandement du  Roy  de  tenir  prestes  deux  galères  pour  M'  le  comte 
de  Nouailles  à  la  fin  de  ce  moys.  Ce  sera  un  beau  passage  pour  ceux 
qui  vouldront  aller  en  Italie. 

Sur  quoy  je  finis  demeurant. 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Pbiresc. 

A  Aix ,  ce  7  novembre  1 633. 

'  Seillans  est  une  commune  du  ddpaite-  *  L'ëvêque  de  Gap  éjait  alors  Charles- 

ment  du  Var,  arrondissement  de  Draguignan,  Salomon  Duserre.  qui  siégea  de   iSgS  k 

canton  de  Fayence,  à  5  kil.  de  cette  ville.  iGSy. 

II.  8i 

i«rtmt*tc   i«Tt«iail. 


642  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

J'envoyai  hier  à  M'  le  lieutenant  Valbelle  par  un  de  noz  laquaiz 
exprez  le  pacquet  que  vous  me  recommandiez  tant  de  M'  de  Bellievre, 
qui  fut  rendu  en  main  propre,  croyant  bien  qu'il  n'aura  pas  manqué 
d'en  accuser  la  réception  par  cet  ordinaire,  ayant  remis  à  m'en  escrire 
par  mon  frère  qui  vient  demain. 

J'envoye  à  M""  de  Valloys  la  responce  de  M'  Godefroy  qui  liiy  accorde 
non  seulement  cez  pièces  du  Libanius  qu'il  deraandoit,  mais  de  luy  dé- 
férer pour  l'édition  de  l'Ammian  ce  qu'il  vouidra,  soit  de  haster  la  sienne 
ou  de  la  reculer  pour  attendre  que  luy  l'aye  faicte  s'il  veult.  Sur  quoy 
je  l'ay  prins  au  mot,  et  ay  stipulé  pour  M"'  de  Valloys  toute  deferance 
réciproque.  J'attendray  sa  resolution,  et  suis  marry  de  ne  luy  pouvoir 
envoyer  à  ce  coup  un  meilleur  dessein  du  Goulfe  de  Smyrne  que  celuy 
que  je  luy  envoyé  S  mais  on  me  le  faict  espérer  entre  cy  et  le  prochain 
ordinaire  *. 


CXLI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Depuis  avoir  faict  ma  despesche  j'ay  veu  ce  matin  le  sieur  de  Val- 
belle,  sacristain,  qui  m'a  apprins  une  nouvelle  que  je  n'attendoys  pas, 
à  sçavoir  que  parlant  à  M'  le  Mareschal  de  vostre  affaire,  le  sieur 
d'Aspres  le  vint  salluer  revenant  d'Avignon  oii  il  a  mené  -son  filz  aux 
estudes',  aagé  de  i/j  à  i5  ans,  qui  neantmoings  a  faict  la  guerre,  et 
l'ayant  enquis  de  l'affaire  du  Prioré,  dict  qu'il  avoit  obtenu  toutes  les 
bulles  et  provisions  nécessaires  dez  le  28  juin,  un  moys  avant  le  decez 

'  Je  publierai  dans  un  des  fascicides  de  avoirenvoyéun<rcrayondugolfedeSrayrneii. 
la  collection  des  Correspondants  de  Peiresc  '  Vol.  717,  fol.  agS. 

(  Lettres  inédites  de  Henri  de  Valois)  une  lettre  '  Ce  synonyme  du  mot  collège  a  été  né- 

de  cet  érudit ,  du  a  2  novembre  1 633 ,  où  il  re-  g^'g^  dans  la  plupart  de  nos  recueils  lexico- 

mereie  le  grand  archéologue  provençal  de  lui  graphiques. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  6i3 

du  resifrnant,  qu'il  estoit  à  Casai  et  qu'ayant  advis  du  refus  de  la  dis- 
pance  il  print  la  poste  pour  aller  à  Kotne,  et  trouva  que  M' le  Mareschal 
de  Croqny  avoit  desja  faict  son  affaire  et  obtenu  la  dispence  tant  de 
raa(;e  ratione  studiorum  que  de  l'irrégularité  encourue  par  la  milice. 
Ce  neantmoins  il  dict  qu'il  ne  partit  de  Rome  que  le  9  septembre,  ce 
qui  m'est  un  peu  suspect,  car  quelques  autres  divertissements  qu'il 
peusse  avoir  à  Rome,  pour  sa  persone,  tousjours  estoit  il  obligé  d'en- 
voyer les  bulles  dez  qu'il  avoit  sceu  le  decez  du  resignant  pour  les  faire 
exécuter  et  faire  prendre  possession  du  bénéfice  qui  estoit  si  friand. 
C'est  pourquoy  je  tiens  asseureraent  qu'on  a  antidatté  la  dispance  au  jour 
de  la  présentation  de  la  résignation,  mais  je  prevoys  bien  de  la  peine 
à  le  vérifier.  Le  dict  sieur  sacristain  de  Valbelle  dict  qu'il  se  trouva 
de  cognoisçance  avec  le  dict  sieur  d'Aspres,  lequel  en  suitte  d'icelle  luy 
a  promis  de  luy  envoyer  les  propres  originaulx  de  toutes  les  bulles  et 
tiltres  de  son  filz  pour  faire  apparoir  qu'il  est  bien  et  deuement  pourveu 
en  temps  et  lieu.  11  fauldra  les  voir  et  les  examiner,  et  particulièrement 
la  possession  ou  datte  d'icelle  et  avoir  le  Missa  de  Rome,  estimant  que 
si  l'on  y  estoit  bien  servy  on  verifieroit  par  le  payement  des  droicts  et 
desbourcement  des  deniers  et  quittances  de  diverses  persones  qui 
les  reçoivent  la  postériorité  de  l'expédition.  A  quoy  il  fauldroit  persone 
bien  active  et  hardie  sur  les  lieux.  J'en  ay  receu  une  bastonnade  la  plus 
sensible  que  j'aye  eu  de  longtemps  '  et  ay  bien  de  la  peine  à  me  rendre 
en  si  beau  chemina  II  fault  vouloir  tout  ce  qu'd  plaict  à  Dieu,  et  tous- 
jours  suis  je  de  tout  mon  cœur, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  Irez  obéissant  serviteur, 

DE  Peirbsc. 
A  Aht ,  ce  8  novembre  1 633 ,  en  hasle  '. 

'  Le    mot    bastonunde,    pris    dans    im  seule  forme  usit^  dans  l'ancien  français. 
sens  niëtapliorique,  n'est  pas  indi(|U(5  par  '  Locution  à  rapprocher  de  cps  loculioM 

Littrd  qui,   du  reste,  ne  cite  aucun  t'cri-  de  deux  autres  contemporains:  ne  le  laisMOt 

vain  sous  le  mol  pris  dans  le  sens  propre  pas  en  »i6MucA«nin  (Balzac)  ;  ils  ne  demeu- 

el   se   contente  de  rappeler  que  Cliarles  rèrent  pas  en  «t  ieau  cA«miii  (Bossuet). 
d'Orléans   a   employé   le    mot    baslonnée,  '  Vol.  717,  fol.  3oo. 

8». 


64/i 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1633] 


CXLII 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
J'ay  receu  par  le  dernier  ordinaire  vostre  despesche  du  xi  avec  une 
lettre  de  mesme  datte  de  M''  Bignon  accompagnée  d'une  du  sieur  Gail- 
hard  dattée  du  xn  comme  la  Gazette  et  comme  si  le  courrier  n'estoit 
parly  que  le  sammedy,  dont  je  seroys  bien  aise  de  sçavoir  l'ordre  et  rè- 
glement au  vray.  J'ay  eu  par  mesme  moyen  ce  livret  de  Cunaeus  '  que  je 
faicts  relier  pour  voir  ce  que  c'est,  en  attendant  ce  beau  Panégyrique 
de  Heinsius  au  Roy  de  Suéde '^  auquel  je  feray  fort  volontiers  passer  les 
monts,  aussy  bien  qu'à  cez  feuilles  séparées  des  poèmes  de  Barlaeus^ 
que  j'estime  quasi  plus  que  les  recueils  plus  accomplys  qui  pourroient 
estre  faicts  des  œuvres  de  cet  autheur,  attendu  que  tels  recueils  ne  se 
font  qu'en  petit  volume  et  fort  chetif  cliaractere  auquel  on  ne  gouste 
nom  plus  la  délicatesse  des  vers  que  les  perdrix  sans  orange  *,  oultre 
que  ce  sont  ordinairement  les  plus  dignes  pièces  et  les  plus  recom- 
mandables  qui  s'impriment  en  si  belle  forme,  et  que  ceux  qui  ont  tant . 
soit  peu  de  divertissements  d'affaires  ont  de  la  peine  à  se  mettre  à  la 
lecture  de  tels  volumes  entiers  de  recueils,  mais  pour  des  feuilles  ou 
cahiers  séparez  il  n'est  pas  si  difficile  d'en  desrober  le  temps  et  le  loisir. 


'  Ce  livret  était  la  satire  citée  dans  la 
lettre  CXXXIX  :  Satyra  Menippea,  etc. 

^  Danielts  Heinstipatiegyricus ,  GustavoMa- 
gno , Suecorum ,  Gothorum,  Vaiidalontm  etc., 
régi  consecralus.  (Leyde,  EIzevier,  iGSa, 
in-fol.).  OEttinger  [Bihliographie  biogra- 
phique, p.  260)  n'indique  point  le  nom  de 
l'auteur  de  ce  panégyrique  et  lui  attribue 
le  format  in-/i°. 

'  Gasparis  Barlœi  poematum  editio  nova, 
priore    castigatior   et    altéra   parte  auctior 


(Leyde ,  EIzevier,  1 63 1 ,  pet.  in-i  9  ).  M.  Wil- 
lems  [Les  EIzevier,  p.  88)  dit  que  le  prin- 
cipal mérite  de  ce  recueil  consiste  dans  sa 
belle  exécution  typographique,  car  il  y  a 
diverses  réimpressions  beaucoup  plus  com- 
plètes, parmi  lesquelles  on  recherche  surtout 
celle  d'Amsterdam,  i645,  9  vol.  pet.  in-19. 
*  L'orange  dont  on  se  servait  en  Pro- 
vence pour  assaisonner  les  perdrix  était  cette 
orange  amère  que  l'on  appelle  bigarade  et 
qui  a  quelque  chose  de  l'aigreur  du  citron. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  645 

Cependant  j'ay  receu  par  les  sieurs  Moreaulx  troys  fagots  tout  d'un 
coup,  dans  l'un  desquels  estoit  un  exemplaire  du  Tertullian  accompagné 
de  deux  exemplaires  du  Seldenus  de  jure  hereditario  Hchreorum  qui 
passeront  les  monts  Dieu  aydant;  en  l'aultre  y  avoit  un  aultre  exem- 
plaire du  mesme  Tertullian  tout  seul;  au  troisiesme,  qui  estoit  soubs 
l'enveloppe  de  M'  Lhuillier,  y  avoit  le  volume  des  poètes  Grecs 
d'H.  Estienne  et  des  livres  et  papiers  dudict  sieur  Lhuillier  tant  pour 
M'  Gassendi  que  pour  moy;  sur  l'enveloppe  des  fagots  on  avoit  cotté 
qu'on  les  avoit  envoyez  le  i  et  le  ù  octobre  de  vostre  main  ou  de  celle  de 
M"'  Lhuillier,  mais  il  y  avoit  esté  adjousté  d'aullre  encre  un  tiret 
devant  le  U  pour  faire  i4,  et  en  aultre  endroict  le  16  d'octobre,  telle- 
ment qu'à  ce  compte  ils  n'auroient  pas  du  tout  tant  tardé  par  les  che- 
mins comme  nous  croyons.  Je  pensoys  y  trouver  les  figures  des  instru- 
ments de  musique  du  bon  P.  Mercene,  dont  il  avoit  accompagné  une 
lettre  que  vous  m'envoyastes  à  part  du  1  du  mesme  moys  d'octobre, 
mais  ils  auront  esté  oubliez  par  mesgarde  hors  des  dicts  fagots  quand 
on  les  a  faicts,  soit  chez  vous  ou  chez  M"'  Lhuillier. 

Je  vous  remercie  donc  trez  humblement  de  tant  de  peine  et  de 
soing  que  vous  continuez  de  prendre  pour  l'amour  de  moy.  Et  vouldroys 
bien  qu'il  vous  pleut  de  vous  en  descharger  de  tout  ce  que  pourra  faire 
soubs  voz  ordres  M"'  Gailhard,  qui  est  jeune  et  a  besoing  de  tels  diver- 
tissements en  ses  occupations,  où  il  acquerra  tousjours  quelque  notice 
des  libvres  non  inutile  à  un  homme  de  sa  profession  et  de  son  hu- 
meur. Et  comme  il  vous  va  voir  souvent,  il  vous  y  pourroit  rendre  raison 
de  voz  commissions,  et  tenir  bordereau  des  fraiz,  car  je  ne  sçauroys 
souffrir  en  façon  du  monde  que  vous  vous  donniez  cette  torture,  que 
je  sents  aussy  douloureuse  que  si  l'on  m'y  mettoit  moy  mesme.  Or, 
pour  sortir  enfin  de  cette  matière  des  libvres  avant  que  respondre 
au  restant  de  vostre  lettre,  je  vous  diray  que  le  livre  des  youlx  que 
vous  aviez  négligé  ne  sera  pas  moings  de  ma  curiosité  que  tout  aultre, 
s'il  vient  de  bonne  main,  quand  ce  ne  seroit  que  pour  le  style  ou  pour 
les  figures,  car  c'est  une  des  plus  grandes  merveilles  de  la  nature  à 
mon  gré,  et  dont  l'effect  est  si  difficile  à  comprendre  (ju'il  fault  escouller 


646  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

toute  sorte  de  preuves  et  d'observations  et  en  tirer  le  peu  de  fruict  qui 
s'en  peult  avoir,  principalement  aprez  avoir  veu  ce  que  le  P.  Scheiner 
en  a  escript  et  demonstré  dans  sa  Rosa  ursina^  où  il  semble  mener 
le  lecteur  comme  par  la  main^  se  promener  dans  son  oeuil,  pour  y 
voir  recevoir  les  images  des  objects  et  les  rayons  d'icelles  se  reunir  par 
les  effects  de  l'optique  tout  de  mesmes  que  dans  une  cbambre  obscure 
où  l'on  les  introduisit  à  travers  un  verre  convexe  (qui  faict  le  mesme 
effect  que  nostre  humeur  crystalline,  pour  grossir  plus  ou  moings  les 
objects  selon  sa  convexité  plus  ou  moings  grande)  et  y  trouver  son  se- 
cours aux  courtes  veiies  en  la  conçu rrance  d'un  concave,  pour  r'ac- 
courcir  l'assemblage  des  rayons  qui  ne  se  pourroit  faire  que  plus  loing 
que  ne  porte  le  diamètre  de  nostre  oeuil,  qui  est  la  vraye  raison  de 
l'usage  des  verres  concaves  aux  courtes  veiies,  ce  que  persone  n'avoit 
jamais  imaginé  devant  luy  que  je  sçaiche.  Et  quand  il  n'y  auroit  que 
cela  de  bon  dans  son  gros  volume,  on  ne  le  sçauroit  assez  prinser  à  mon 
gré.  J'avoys  perdu  la  souvenance  de  ce  Bizzari'us  l'rippé  de  l'Histoire  de 
Gènes  que  vous  dictes  m'avoir  envoyé  ci  devant,  et  le  feray  chercher. 
Pour  le  Foglietta,  puis  qu'il  n'est  imprimé  qu'à  Gènes,  je  tascheray 
d'y  en  envoyer  trouver  un.  Vous  avez  fort  bien  jugé  que  ce  n'estoit  pas 
trop  de  cent  francs  pour  le  coppiste  d'une  quinzaine  de  Harangues  dé 
Libanius,  qui  est  à  une  coupple  d'escus  la  pièce.  Car  celuy  mesmes 
qui  les  avoit  transcrittes  demandoit  5o  escus  pour  une  seconde  tran- 
scription. Je  pense  que  ce  soit  quelque  bon  homme  qui  ne  soit  pas  trop 
accommodé,  et  qu'il  n'est  possible  qu'un  pauvre  pédant  à  qui  le  temps 
est  bien  court  s'il  doibt  norrir  de  son  travail  quelque  grosse  famille. 
J'avoys  creu  que  les  libraires  qui  feront  l'édition  voulussent  faire  la 
despence  de  la  coppie,  mais  si  cela  n'estoit  je  la  payeray  plus  tost  moy 
mesmes  trez  volontiers,  pour  ne  pas  laisser  cela  sur  les  coffres  de  M''  de 
Valloys,  ne  de  M'  Godefroy,  nom  plus  qu'en  pure  perte  à  ce  pauvre 
Ehingerus^.   Vous  pourrez  bien  vous  en  informer  soubs  main,  discre- 

'  Sur  le  P.  Scheiner  et  sur   sa   Rosa  '  Ne  croyait-on  pas  l'expression  plus  mo- 

ursina     voir    les    notes    4    et    6    de   la        derne? 
page  aSg.  '  Élie  Ehinger,  né  en  iSyS  en  Bavière, 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  647 

tement,  sans  en  rien  faire  cognoistre  au  dict  sieur  de  Valloys,  comme 
je  vous  en  prie,  de  peur  (ju'il  ne  voulusse  faire  cérémonie  là  dessus. 
Quant  au  m[anu]8[crit]  des  Astronomes  Grecs,  vous  avez  eu  grande 
i-aison  de  dire  que  cette  affaire  doibt  avoir  esté  bien  mal  concertée, 
puis  que  je  vous  en  ay  envoyé  ce  me  semble  aultres  foys  une  lettre 
escripte  de  la  main  de  M""  de  Thoulouse  (à  qui  il  appartient),  qui  me 
mandoit  l'avoir  laissé  à  M""  Higault  pour  me  l'envoyer  si  tost  qu'on  en 
auroit  retenu  une  coppie.  Et  toutes  foys  c'estoit  à  M'  Aubert'  et  non 
à  M''  Rigault,  et  les  ordres  n'en  avoicnt  esté  gueres  formels,  puis  que, 
à  ce  que  je  puis  comprendre  par  voz  lettres,  l'on  n'a  pas  encores  com- 
njancé  de  le  transcrire,  et  ne  sçait  on  pas  si  l'on  le  fera  ou  non.  Ce- 
pendant, puis  qu'on  avoit  faict  entendre  à  M"  Holstcnius  qu'on  le  luy 


fut  ministre  prolestant ,  conservateur  de  la 
Bibliothèque  pui)lique  d'Augsbourg  et  mou- 
rut à  Ratisbunni-  le  a8  novembre  i653. 
Voir  la  biographie  de  ce  savant  par  Jacques 
Brucker(Aug8bourg,  i7a4,in-8',en  latin). 
Weiss,  qui  indique  ses  principaux  ouvrages, 
notamment  le  Catalogue  de  la  iibliotkèqae 
d'Augsbottrg  (|633,  in-fol.),  dit:  rOn  a 
conserva  des  lettres  qui  lui  étaient  adressées 
par  Andri!  Schott  et  Peiresc,  par  lesquelles 
on  voit  que  Ehinger  avait  fourni  au  premier 
des  copies  plus  con-ectes  de  différenls  ma- 
nuscrits, et  au  second  des  recherches  sur  les 
poids  et  mesures  en  usage  parmi  les  Hë- 
hreux.ji  Deux  lettres  do  Peiresc  à  Ehinger 
(du  3  janvier  i633  et  du  5  septembre  de  la 
raâme  annde)  ont  paru  dans  les  Ammnilales 
liUerariœ  (  1. 111 ,  Francfort  et  Leipsick ,  1 7  a  5 , 
p.  266-974).  On  a  conservé  à  la  Mëjaues 
d'Aù(m8.  ioa9,fol.  1 17-1  a 0)  trois  lettres 
latines  d'Ehingerus  à  Peiresc,  deux  de 
l'aimëe  i633,  une  du  36  avril  i636.  Lrfi 
première  de  ces  lettres  accompagnait  l'eovoi 
de  vers  latins  et  du  calalogue  de  hi  biblio- 
thèque d'Augsbourg.  Ehinger  donne  h  son 
correspondant,  dans  ses  trois  lettres,  les 


titres   de   Reverendissiine  prœiul,  Reveren- 
dissime  in  Chrislo  pater. 

'  Comme  on  chercherait  en  vain  le  nom 
de  cet  érudit  dans  nos  recueils  biographiques 
anciens  et  modernes  (Morëri,  Micbaud, 
L.  Lalanne,  etc.),  je  vais  reproduire  le  pas- 
sage de  la  Vie  de  Peirete  dans  letpiel  Gas- 
sendi nous  fait  connaître  les  travaux  de 
Jean  Aubert(p.  3g s),  ce  qui  complétera  ma 
note  de  la  lettre  CXXXIX  :  ^-Addo  quod 
exscribi  curavit,  ex  Bibiiotheca  Auguslana, 
opéra  quœdam  B.  Gyrilli ,  docto  ni-o  Joaimi 
Aubcrto  ad  complendum  editiouem  sacri 
auctoris  neces8aria:obqu8m  etiam  caussam, 
evolvi  curavit  Bibliothecas  varias  lam  His- 
panas  quam  Siculas,  ac  prae  onniibus  Vati- 
canam,  e  qua  nonnulla  adeptus  est,  quas  ut 
Uolstenius  percenseret  corrigeret(|ue  lubeu- 
tius, procuravit  ut  Aubertus  Parisiis  vicissim 
censcret  et  corrigeret  ahquot  Graecos  astro- 
nomos,  quos  expetitos  Hol.ttenio  ipse  Peires- 
kius  ex  Bibiiotheca  optinii  Archiepisoopi 
Tolosaiii  curarat  exscribi.»  Je  n'ai  trouvé  ni 
à  Paris,  ni  en  Provence,  aucune  lettre  de 
Peiresc  à  Aubert,  aucune  lettre  d'Aubert  à 
Peiresc. 


6/i8  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

livreroit,  sinon  en  original,  au  moings  en  coppie,  moyennant  les  livres 
de  S'  Cyrille  qu'il  avoit  offert  aultres  foys,  il  ne  fault  pas  trouver  es- 
trange,  ce  me  semble,  s'il  a  creu  qu'on  luy  pouvoit  bien  confier  l'un 
comme  luy  l'aultre.  Ce  n'est  pas  que  j'en  aye  depuis  eu  de  nouvelles 
de  sa  part,  mais  c'est  de  crainte  que  l'on  ne  luy  aye  donné  subject  de 
prendre  cet  ombrage  puis  qu'on  ne  s'est  fié  de  luy  ne  d'un  tiers.  Car 
pour  ce  qui  me  pouvoit  concerner,  je  ne  double  pas  que  ce  que  vous 
en  a  dict  M"'  Aubert  ne  soit  trez  véritable,  et  M'  de  Thoulouse  me  l'a 
confirmé  avec  promesse  de  m'envoyer  le  volume  où  est  ce  que  je  de- 
mandoys,  lorsqu'il  sera  de  retour  de  la  cour  où  il  faisoit  estât  de 
s'acheminer  de  son  Abbaye  (d'où  il  m'escript)  avant  qu'aller  à  Thou- 
louse, mais  tout  cela  est  aisé  à  rajuster  et  y  a  de  beaux  remèdes, 
car  je  pense  que  si  j'avoys  mandé  à  M'  Holstenius  que  j'ay  les  Astro- 
nomes, il  envoyeroit  bien  tost  son  m[anu]s[crit]  de  S' Cyrille  et  romproit 
bien  tost  son  silence,  s'il  ne  tient  qu'à  cela. 

J'oublioys  de  vous  dire  que  par  cet  ordinaire  j'ay  receu  deux  pac- 
quets  de  la  part  du  sieur  Renaudot,  l'un  soubs  le  cachet  ordinaire  de 
son  enseigne,  que  j'ay  jugé  avoir  esté  envoyé  par  l'ordinaire  du  mardy, 
comme  le  commun,  où  il  n'y  avoit  que  l'assortiment  complet  de  la 
Gazette  de  la  semaine  précédente  avec  la  relation  du  moys,  l'aultre 
soubs  le  cachet  d'un  3£  contenant  un  sien  billet  du  xi,  la  Gazette  et 
nouvelles  du  xn  que  je  n'ay  faict  voir  à  aulcun  aultre  que  ceulx  de 
nostre  maison,  et  pour  mieulx  le  faire  croire,  j'ay  envoyé  demander  à 
l'imprimeur  Roise'  la  coppie  qu'il  en  avoit  de  sa  part  pareille  à  la 
mienne,  luy  renvoyant  touts  ceux  qui  me  la  faisoient  demander.  Le 
dict  sieur  Renaudot  vouldroit  que  je  luy  escrivisse  d'ordinaire.  Je  vous 
prie  de  luy  dire  ou  faire  dire  que  j'ay  trop  peu  de  santé  pour  m'as- 
sujettir  à  cela,  et  que  je  me  priveroys  de  beaucoup  plus  grande  com- 
modité que  ne  peult  estre  celle  de  voir  la  Gazette,  pour  esviter  de  me 
soubsmettre  à  telle  subjection.  Quand  je  vous  envoyeray  des  nouvelles 
que  vous  jugerez  de  son  goust  et  dont  la  publication  soit  indifférante, 

'  Voir  plus  loin  (p.  670,  noie)  une  notice  sur  l'imprimeur  Roize. 


[1633]  AUX  KUKIIES  DUPUY.  6W 

je  ne  trouveray  pas  mauvais  que  vous  les  luy  laissiez  voir,  comme  vous 
pourrez  faire  à  cette  iieure  de  celles  de  Gonstantinople,  où  il  trouvera 
pcull  csire  des  pariicularitez  qu'il  n'a  pas  vciies,  mais  que  je  me  puisse 
captiver  de  luy  escrire  ne  de  luy  en  envoyer  re{;lement,  c'est  ce  que  je 
ne  sçauroys  faire,  pour  rien  du  monde.  Au  reste  il  ne  m'a  poinct  faict 
de  responce  cathejjorique,  si  les  pacquets  que  j'ay  receus  de  sa  part, 
soubs  le  cachet  d'un  double  Tournoys,  et  puis  d'un  chiffre  du  38  sont 
ainsin  partis  de  son  bureau  ou  non.  Car  j'avoys  interest  de  .sçavoir  si 
on  me  les  ouvroit  à  Lyon,  à  son  desceu,  ou  bien  s'il  les  y  adresse  à 
quelqu'un,  qui  aye  de  luy  permission  de  les  voir,  et  cachetter  d'aullre 
cachet  que  le  sien  propre. 

Je  vouz  supplie  de  faire  mes  excuses  pour  ce  coup  à  M'  L'Huillier 
et  à  M''  Gailhard,  estant  trop  pressé  pour  leur  pouvoir  escrire.  Ce  sera 
Dieu  aydant  par  le  prochain'. 


CXLIII 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Après  vous  avoir  accusé  la  réception  et  rendu  mes  humbles  remer- 
ciments  de  vostre  despesche  du  /»"*  de  ce  moys,  je  seray  contrainct  d'en 
remettre  la  responce  à  l'ordinaire  prochain  Dieu  aydant,  et  par  con- 
sequant  i\  touts  les  aultres  aniys  auxquels  je  vous  supplie  trez  humble- 
ment d'en  faire  mes  excuses  sans  oublier  de  les  accepter  vous  mesmes, 
attendu  que  ce  que  je  vous  reservoys  de  temps  aprez  avoir  escript  à 
M''  de  Sauhnaise  m'a  esté  heureusement  desrobé  par  M'  de  Vosberg  qui 
m'a  apporté  une  lettre  vostre  du  i5  octobre,  et  tenu  en  trez  doulce 
conversation  une  bonne  partie  de  la  journée,  non  sans  quelque  morti- 

'  Vol.  717,  fol.  3o3.  Cette  lettre  ne  porte  parfailement  conservé.  Jacques  Dupuy  a  mis 

ni  date  ni  signature.  Elle  est  tout  entière  au  dos:  Du  aa  novepabre  i633.  M' de  Pei- 

dc  la  main  de  Peiresc  et  le  cachet  en  est  i-esc.  Aiv. 

II.  81 


650  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

fication  de  ce  qu'il  disoit  ne  pouvoir  différer  à  demain  tant  ii  estoit 
pressé  de  partir,  et  pour  m'achever  de  peindre,  dez  qu'il  m'a  quitté  j'ay 
eu  mille  autres  persones  qualifiées  sur  les  bras,  et  des  dames  parmy 
lesquelles  je  ne  suis  pas  si  volontiers  que  d'aultresS  et  enfin  on  m'a 
apporté  de  Rome  des  fagots  de  livres  et  cassettes  de  vases  et  despesches 
du  1  7  septembre  tant  de  M"^  vostre  frère  le  rev[erend]  P.  Dom  du  Puy, 
qui  vous  envoyé  le  P.  Ferrarius^  et  un  aultre  livre  de  Sclioppius, 
ce  dict  il,  que  de  l'eminentissime  Cardinal  et  aultres,  entre  lesquels 
il  y  a  un  vase  de  crystal  de  roche  antique  duquel  j'ay  bonne  opinion , 
mais  il  fault  clorre  cette  despesche  veuille  je  ou  non,  avant  que  d'en 
pouvoir  faire  l'examen  et  mezurage.  Pour  toute  revanche  de  voz  nou- 
velles ne  vous  pouvant  envoyer  qu'une  relation  de  cet  embrasement 
de  Constantinople  que  vous  avez  desja  sceu,  et  qui  seroit  bon  à  M'  Re- 
naudot  s'il  n'a  voit  esté  prévenu.  J'ay  à  ce  coup  receu  de  sa  part,  soubs 
aultre  cachet  que  le  sien,  à  sçavoir  d'un  chiffre  d'un  double  3S,  une 
sienne  lettre  du  ti  avec  la  relation  du  moys,  la  feuille  séparée  de  la 
Gazette  sans  celle  des  nouvelles  et  une  aultre  petite  relation  de  Turin. 
Vous  priant  de  le  faire  asseurer  que  persone  que  moy  n'en  a  rien  veu , 
et  que  pour  mieux  exclurre  toute  curiosité  d'aultruy,  puis  que  j'avois 
desjà  passé  deux  ordinaires  sans  gazette,  et  que  je  m'estoys  contenté 
de  voir  celle  du  libraire  qui  en  imprime  parfoys  des  fragments,  je  l'en- 
voyay  demander  publiquement  et  ne  la  voulus  avoir  veiie  que  de  sa 
main,  de  sorte  qu'il  n'a  rien  à  appréhender  de  ce  costé  là.  Et  vous 
supplie  de  m'aymer  tousjours  comme. 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DK  Peiresc. 
A  Aix,  ce  i4  novembre  i633. 

Je  vous  supplie  que  ma  lettre  à  M'  Saulmaise  n'aille  pas  hors  de  voz 

Peiresc  avoue  donc  qu'il  ne  se  plaisait  pas  dans  la  société  des  dames ,  ou  du  moins 
qu'il  s'y  plaisait  moins  que  d'autres.  —  *  C'est-à-dire  le  De  florum  cullura  du  jésuite 
J.-B.  Ferrari. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  651 

mains,  et  de  m'ayder  à  en  faire  excuser  le  desordre  et  les  deffectuositez. 
Mais  pour  la  feuille  à  part  qui  est  imprimée,  je  vous  prie  que  pcrsone 
ne  sçaiche  que  je  la  vous  aye  faict  voir  et  au  dict  sieur  Saulmaise, 
pour  garder  crédit.  Nous  envoyons  des  Remonstrances  au  Hoy  par  cet 
ordinaire  que  M"'  le  Premier  Présidant  vous  pourra  faire  voir;  vous  les 
trouverez  dignes  de  vostre  curiosité,  je  m'asseure. 

M'  L'Huillier,  M'  du  Mesnil  Aubery,  le  R.  P.  Mercene,  M'  Gailhard 
et  aultres  me  pardonneront,  s'il  leur  plaict,  pour  ce  coup  si  je  diffère 
mes  dcbvoirs  en  leur  endroict. 

Je  viens  de  recevoir  le  m[anu]s[crit]  Copte  de  la  part  de  M'  Petit 
avec  une  sienne  lettre  tout  à  poinct  pour  le  joindre  à  cette  despesche 
et  pour  en  faire  la  comparaison  avec  l'espreuve  imprimée,  dont  j'ay 
esté  infiniment  aise. 

Je  ne  pense  pas  que  le  pauvre  M'' Petit  s'en  soit  gueres  servy,  attendu 
qu'il  tomba  malade  quasi  incontinant  après  son  retour  de  Paris  et  qu'il 
n'en  estoit  pas  trop  bien  guary  à  ce  moys  de  septembre  quand  il  nous 
vint  voir  icy,  ayant  esté  depuis  contraint  de  faire  un  voyage  à  Monl^ 
pelicr  pour  procez,  tellement  que  si  lors  que  M' Saulmaise  en  aura  faict 
il  trouve  bon  de  le  vous  renvoyer  et  vous  à  M'  Petit,  je  pense  que 
vous  lu  y  ferez  grande  faveur;  il  ne  m'en  dict  rien  par  sa  lettre  à  moy, 
mais  je  le  juge  ainsin.  Et  crois  ([u'il  en  fera  fort  bien  son  proffit. 
Du  i5""  novembre. 

Le  sieur  de  Vosberg  m'avoit  dict  qu'il  vous  escriroit,  mais  l'ayant  en- 
voyé semondre  à  ce  matin,  mon  liomme  l'a  trouvé  qu'il  montoit  à 
clieval  pour  Marseille,  s'estant  excusé  sur  la  compagnie  qui  l'en  avoit 
empescbé  et  sur  la  presse  de  partir'. 

'  Vol.  717,  fol.  3oa.  Le  foHo  de  la  pnkédente  leUre  est  marque'  3o3. 


Ba. 


652  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 


GXLIV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DE  THOU, 

CONSEILLER    DU     ROY    E»     SES     CONSEILS    D'ESTAT, 

MAISTRE    DES    HEQUESTES    ORDINAIRE    DE    SON    HOSTEL 

ET    INTENDANT    DE    LA    JUSTICE    EN    BOURGONGNE, 

À  DIJON. 

Monsieur, 
Vous  apprendrez  par  le  donneur  de  la  présente  le  desastre  arrivé  en 
la  maison  d'un  mien  proche  parent  et  ancien  amy  trez  intime,  et  le 
piteux  estât  où  il  est  réduit,  si  vostre  induit  ne  trouve  son  ouverture  en 
la  vacance  d'un  Prieuré  conventuel  du  pais  de  Rouergue,  qui  avoit  esté 
longues  années  en  sa  maison,  et  pour  la  conservation  duquel  il  avoit 
laict  de  grandes  despences  et  desvoué  son  filz  aisné  à  la  vie  ecclésiastique 
et  relligieuse,  dont  j'ay  grande  compassion,  et  voudrois  bien  que  le  sort 
fust  tombé  sur  quelque  aultre.  11  vous  déduira  les  fondementz  sur  les- 
quelz  on  luy  a  voulu  faire  à  croire  que  le  bénéfice  dont  est  question  ne 
soit  pas  de  la  mesme  nature  des  aultres  qui  sont  subjectz  à  induit,  mais 
si  vous  ne  les  trouvez  suffîsantz,  je  ne  pense  pas  qu'il  s'y  veuille  arrester, 
et  croys  bien  qu'il  tiendroit  plus  volontiers  la  pièce  de  vostre  main,  si 
tant  est  que  vous  en  veuillez  traicter  par  les  voyes  d'honneur,  et  qu'elle 
ne  puisse  pas  estre  commodément  tenue  par  quelqu'un  de  voz  parentz , 
auquel  cas  il  n'oseroit  y  aspirer,  et  moy  encoi-es  moins  vous  en  faire  la 
supplication  qui  ne  pourroit  estre  qu'inciville;  mais  comme  je  suis 
obligé  de  la  vous  faire  en  tous  les  cas  qu'elle  me  peult  estre  loysible  et 
admissible,  je  la  vous  faicts  la  plus  humble,  la  plus  instante  et  la  plus 
affectueuse  que  je  puis,  bien  marry  de  ne  m'en  estre  peu  excuser  dans 
la  notoriété  de  l'honneur  que  vous  me  daignez  faire  en  m'advouant 
pour  vostre  serviteur,  et  dans  les  liens  oii  je  me  trouve  attaché  par 
droict  de  sang  et  d'inclination  aux  interestz  de  ceste  maison.  Mais  je  me 
prometz  que  vous  ne  laisrez  pas  de  me  pardonner  comme  je  vous  en 


[1C33]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  653 

supplift  et  conjure  trcz  humblement,  et  de  croire  que  je  tiendray  à 
siii{juliere  faveur  toute  la  grâce  que  vous  luy  voudrez  faire  et  que  je 
seray  h  jamais, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  Irez  obéissant  serviteur, 
DE  Pkiresc. 
A  Aix,  ce  Qs  novembre  i633. 

Monsieur  Gras  mon  cousin  s'est  depuis  résolu  de  faire  luy  mesujcs 
le  voyage  pour  l'amour  de  son  filz,  et  vous  pourra  faire  de  meilleure 
grâce  les  ofl'res  qui  y  esclierront'. 


CXLV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
J'ay  receu  vostre  gros  pacquet  du  iS"""  avec  ce  beau  panégyrique  de 
M'IIeinsius  au  Roy  de  Suéde,  et  sa  lettre  originale,  que  je  n'ay  pas  veu 
moings  volontiers,  pour  une  infinité  de  bonnes  choses  que  j'y  ay  ap- 
prinses,  entre  lesquelles  j'estime  bien  ce  qu'il  vous  mande  sur  son  tra- 
vail au  Testament  nouveau*,  d'où  il  se  peult  attendre  des  choses  bien 
dignes  de  luy,  mais  principalement  cette  ingénuité  avec  quoy  il  se  jus- 
tifie des  jalousies  qu'on  luy  avoit  imposé  contre  M'  Saulmaise,  à  qui  il 
rend  un  éloge  bien  honnorable  à  mon  gré  dans  la  conjoncture  où  ils 
ont  esté  et  dont  je  ne  pouvoys  m'imaginer  le  progrez  tel  qu'on  nous  le 
figuroit.  Je  pourray  bien  faire  passer  les  monts  à  ce  Panégyrique,  c'est 
pourquoy  il  fauldra  songer  d'en  remplacer  un  aultre  tost  ou  tard.  J'ay 
par  mesme  moyen  receu  la  despesche  de  M'  Kigault,  qui  n'a  |)a8  voulu 


'  Vol.  717,  fol.  3o6. —  '  Les  Exercitatlonex  saciw  ad  Novum  Testamenlum  parurent  en 
1639  (Leyde,  in-fol.). 


654  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

que  je  luy  desrobasse  l'honneur  de  présenter  son  TertuHian  à  M'^l'Emi- 
nentissime  Cardinal  Barberin  pour  qui  il  m'a  envoyé  une  lettre  que  je 
feray  tenir  par  le  prochain  ordinaire,  attendant  que  le  livre  la  suyve, 
par  un  religieux  de  ma  cognoissance  fort  cappable  de  se  bien  acquitter 
de  cette  commission.  Et  suis  fort  tenté  d'envoyer  par  luy  mesmes  l'aultre 
exemplaire  à  l'Eminentissime  Cardinal  de  Bagni ,  puis  que  M"^  Rigault  me 
mande  qu'il  luy  en  a  destiné  un.  Mais  je  seroys  bien  mortifié  par  aprez 
s'il  ne  s'en  trouvoit  plus  pour  moy  du  grand  papier  pour  remplacer 
celuy  que  m'aviez  envoyé  de  sa  part.  Les  ayant  desja  faict  relier  touts 
deux  en  marroquin  de  Levant  incarnat'  assez  proprement  pour  le  pais 
oiîi  nous  sommes.  Il  s'est  trouvé,  ce  me  semble,  dans  vostre  pacquet 
un  cahier  des  Harmoniques  du  R.  P.  Mercene  in  fol°  ^,  mais  je  crains 
que  mon  libraire  ne  l'ayt  prins  parmy  les  enveloppes  des  dicts  volumes 
du  TertuHian,  et  que  ce  ne  soit  possible  une  partie  de  ce  qu'il  me  pro- 
mettoit  dez  le  i  octobre.  M"'  Moreau  m'a  adverty  qu'on  luy  mandoit  de 
Lyon  l'arrivée  de  quelques  autres  balles  de  Paris,  où  il  y  avoit  d'autres 
fagots  pour  moy,  espérant  d'y  trouver  les  figures  du  dict  P.  Mercene 
et  ce  manuscrit  des  epistres  de  Louys  VII  dont  je  commensois  desjà 
d'estre  en  grande  peine,  crainte  de  manquer  à  une  si  courte  assignation 
que  l'on  nous  en  donnoit  du  commancement,  ayant  prins  grand  plaisir 
d'entendre  qu'on  le  remette  à  la  fin  du  volume  et  que  nous  le  puissions 
tenir  un  peu  plus  de  temps  sans  regret.  Mais  je  m'estonne  bien  que  voz 
libraires  ne  sçaichent  rien  de  cez  livres  de  Hollande  que  j'avoys  mar- 
quez sur  le  catalogue  de  la  Foire;  si  faudra  t'il  avoir  cette  Statera  de 
Puteanus  pour  laquelle  on  dict  qu'il  a  failly  d'estre  ruiné  tout  à  faict  et 
qu'il  est  bien  empesché  à  interpréter  son  dire.  Ce  n'est  pas  livre  de 
deux  ou  troys  feuilles,  mais  je  pense  que  voz  libraires  ayment  mieux 

'  On  voit  que  Peiresc  reste  toujours  fidèle  différentes  parties  séparées  dont  on  peut  voir 

à  SOS  goûts  exclusifs  pour  le  maroqiïin  rouge  l'énumération  dans  le  Manuel  du  libraire 

de  première  qualité.  (t.  III,  col.  1661-1G69).  Une  de  ces  parties 

^  On  sait  que  Y  Harmonie  universelle  de  ou  pièces  (  Traité  des  consonances)  est  dé- 
Marin  Mersenne,  qui  parut  à  Paris  en  deux  diée  à  Peiresc. 
tomes in-fol.  (lôSô-iôSy),  est  composée  de 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  655 

attendre  les  voyafjes  d'Elzevir  à  Paris  que  de  se  prouvoir  de  ses  livres 
à  la  Foire  de  Francfort,  et  pense  qu'ils  y  trouvent  mieux  leur  compte. 
N'ayez  pas  de  regret  au  Fromondus  double,  quehjue  amy  sera  bien 
ayse  de  s'en  accommoder  de  pardcça,  et  peult  estre  M'  Gassendi 
mesmes,  s'il  ne  l'avoit  desjà.  Mais  je  ne  trouve  pas  que  vous  ayez  tant 
de  raison  d'insister  j\  exclurre  le  pauvre  M"'  Gaillard  de  ce  petit  em- 
ploy  '  dont  il  a  aullant  d'envie  de  se  mesler  que  raoy  de  luy  en  endosser 
tout  ce  qu'il  en  pourra  prendre,  de  quoy  je  ne  prétends  pas  neant- 
moings  rien  diminuer  de  mon  obligation  en  vostre  endroict  tout  aussy 
grande  que  si  persone  aultre  ne  s'en  mesloit  que  vous.  Car  je  ne  re- 
fuse pas  puis  qu'il  vous  plaict  que  vous  marquiez,  sur  les  factures  des 
libraires  qui  vous  sont  portées,  ce  que  vous  vouldrez  prendre  pour 
raoy.  Mais  quand  il  iroit  luy  mesmes  dans  les  bouttiques  pour  les  faire 
mettre  à  part,  et  collationner  devant  luy,  et  puis  les  porter  cbez  vous  et 
en  dresser  luy  mesmes  les  roolles  et  mémoires,  sur  le  prix  que  luy  aurez 
conseillé  d'en  accorder,  je  ne  vois  pas  que  vous  ayez  tant  de  subject 
de  vous  plaindre  de  sa  persécution  nom  plus  que  de  la  mienne,  attend» 
que  vous  aurez  tousjours  la  peine  du  choix  et  d'en  ordonner,  et  luy.  y 
gagnera  tousjours  quelque  routtine  bien  utile  pour  la  cognoisçance 
et  prinsée'^  des  bons  livres.  Et  je  ne  plaindray  pas  tant  sa  plume  que 
la  vostre,  à  dresser  touts  cez  roolles,  dont  je  ne  me  puis  souvenir,  sans 
que  cela  mette  ma  cervelle  en  challeur  et  altération  cappable  de  m'enK 
pescher  de  dormir,  tant  j'ay  de  honte  de  voir  que  vous  vous  don- 
niez de  telles  tortures,  pour  si  peu  de  chose.  Encores  si  vous  vouliez 
vous  contenter  de  tenir  un  sachet  à  part  suyvant  mes  précédantes  re- 
questes  et  y  prendre  de  l'argent  à  mesure  qu'il  en  faict  de  besoing, 
sans  aultre  conterolle  que  d'en  remplacer  le  fonds  quand  il  commence 
à  manquer,  je  me  consolerays  aucunement,  mais  puis  que  ne  le  vouiez 
ainsin,  il  faultbien  que  vous  souffriez  qu'un  aultre  s'endosse  celte  peine, 
si  vous  m'en  voulez  tirer  moy.  Aultrement  je  vous  dicls  à  bon  esciant 

'  La  charge  d'assister  les  frères  Dupuy        ment  de  copies  ])oiir  l'iusatiablc  bibliophile, 
dans  leurs  coininissions  pour  Peiresc  et  de  '  Priiisée  est  là  pour  apprëcintion,  pour 

tenir  les  comptes  d'achat  de  livres  et  paye-        prisée,  mot  déjà  employé  par  Aniyot. 


656  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

que  je  n'oseray  plus  vous  prier  de  telles  commissions  et  importunitez. 
Je  suis  bien  aise  que  l'édition  des  eclogues  de  M""  de  Valloys  aille  tout 
à  bon  \  car  de  cez  MM"  les  libraires  il  ne  fault  croire  gueres  plus  que 
ce  qu'ils  font  voir  en  matière  de  leurs  promesses.  Je  vous  renvoyé  la 
lettre  de  M'"  Heinsius,  et  s'il  estoit  loisible  de  voir  vostre  responce,  et 
sa  réplique  sur  ce  subject  s'il  en  faict,  je  vous  en  auroys  grande  obliga- 
tion, comme  aussy  s'il  estoit  loisible  de  voir  celle  de  M""  de  Saulmaise 
sur  ses  infirmitez.  Bien  marry  de  n'avoir  encore  peu  trouver  le  temps 
de  dresser  la  relation  des  caméléons,  qu'il  fault  en  toute  façon  luy  en- 
voyer Dieu  aydant^.  Je  ne  laisray  point  escliapper  le  traicté  de  Nancy, 
qui  est  une  trez  digne  pièce  pour  le  temps.  On  m'a  dict  qu'on  a  veu 
ceux  que  M'  de  Lorraine  avoit  faicts,  tant  avec  l'Empereur  qu'avec  les 
Espagnols,  où  il  y  avoit  article  pour  le  voyage  et  expédition  du  Duc 
de  Feria,  mais  le  temps  fera  sortir  un  jour  tout  cela  des  lieux  où  il  est 
tenu  pour  encores  trop  secret  pour  venir  jusqu'à  nous.  Il  me  reste  don- 
ques  pour  respondre  à  voz  dernières  de  vous  satisfaire  sur  le  point  par 
où  je  debvois  avoir  commancé,  à  sçavoir  que  par  l'ordinaire  de  Rome  de 
jeudy  prochain  Dieu  aydant  je  ne  manqueray  poinct  d'escrire  au  Car- 
dinal Barberin  (puis  que  vous  le  desirez,  quoy  que  je  l'estime  bien 
superflu  et  supererogatoire  veu  que  vous  luy  en  avez  escript)  sur  l'expé- 
dition du  Prioré  conventuel  de  S'  Saulveur  à  vostre  proflit,  où  je  ne 
pense  pas  qu'il  puisse  escheoir  aulcune  difficulté,  ne  pouvant  assez  louer 
la  magnanimité  de  M' l'abbé  de  Thou ,  à  vous  faire  ce  petit  presant  de 
si  bonne  grâce  comme  vous  le  dictes,  désirant  que  ce  vous  soit  une 
planche  pour  arriver  à  quelque  meilleure  et  plus  digne  pièce.  Bien 
marry  que  ce  ne  soit  en  attendant  mieux  celle  de  Romette,  pour  raison 
de  quoy  je  vous  advoûe  que  je  me  laissoys  emporter  à  croire  que  vous 
aviez  plus  de  droict  et  d'advantage  que  l'on  ne  vous  l'accorde  par  delà. 
Car  pour  les  simples  provisions  de  droict  en  la  forme  ordinaire  nous 

'  Nous  disons  aujourd'hui  tout  de  bon.  la  correspondance  avec  Claude  de  Saumaise. 

'  On  trouvera  ce  que  Peiresc  appelle  la  Du  roste,  c'est  un  sujet  sur  lequel  Peiresc 
relation  des  caméléons  dans  le  volume  qui ,  est  revenu  souvent  et  qu'il  a  traite  avec  pré- 
consacré aux  lettres   à  divers,  contiendra  dileclion. 


[1633]  AUX  FRKRES  DliPUY.  657 

tenons  bien  sans  difficulté  que  le  Pape  ne  les  pouvant  refuser,  la  seule 
réquisition  (quoique  refus  qu'il  y  ait)  sert  de  liltre.  Voire  l'acte  de  l'ar- 
rivée du  courrier  en  un  besoing.  Mais  quand  il  s'agist  d'une  dispence 
contre  le  droict  commun,  qui  est  chose  volontaire  et  arbitraire,  nous 
ne  l'avons  pas  encores  veu  practiquer  de  par  deçà ,  quand  il  y  a  un 
droict  acquis  à  un  tiers  dans  l'entrctomps.  Mais  comme  la  cognoisçance 
de  cette  affaire  appartiendroit  absolument  à  MM" du  Grand  Conseil,  il 
en  fault  demeurer  à  leurs  maximes  qui  vous  sont  mieux  cogneùes  sans 
double  qu'à  nous.  Nous  n'avons  eu  icy  qu'un  arrest  pour  la  Prevosté  de 
la  Métropole  de  cette  ville,  où  l'on  avoit  voulu  induire  une  nécessité 
au  Vice  légat  de  dispenser  en  pourvoyant,  dont  on  avoit  faict  tant  de 
bruict  par  de  la,  que  c'a  esté  une  des  choses  plus  mal  interprétées 
et  imputées  h  aussy  grand  crime  quasi  que  touts  les  desordres  derniers 
des  sonnettes ,  pendant  lesquelles  cet  arrest  fut  donné  contre  M' Marchier 
que  vous  cognoissez  qui  avoit  un  acte  d'élection  capitulaire'.  Mais  en 
s'accommodant  par  aprez  avec  le  resignalaire,  il  a  laissé  confirmer  cet 
arrest  non  sans  de  grands  reproches  encourus,  et  bien  généralement. 
Je  pense  vous  en  avoir  envoyé  aultres  foys  la  coppie;  si  non,  je  le  feray, 
ou  peult  estre  luy  mesmes,  qui  est  encores  de  par  delà,  sera  bien  aise 
de  vous  en  fournir  toutes  les  pièces.  Tant  est  que  vous  aurez  veu  ce 
qui  vous  est  escheu  du  costé  de  Roùergues,  vous  avez  beau  fouyr  et 
croire  que  vous  cognoissez  tant  de  malheur  en  vous,  car  voicy  trop  de 
concurrances  en  un  coup  qui  vous  appellent  à  la  vacation  ecclésiastique 
veuilliez  vous  ou  non  meshuy.  Donc  je  vous  félicite  et  demeure, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
,  DE  Pkiresc. 
A  Aix,  ce  a8  novembre  i633. 

Par  un  secrétaire  de  M' le  présidant  Segueran  mon  beau  frère,  party 
à  ce  matin  à  ses  journées,  je  vous  ay  envoyé  le  volume  in  d"  de  la  Flora 

'  Voir  sur  l'abbë  Marchier,  prëvftt  de  l'dglise  cathédrale  de  Saint-Sauveur  d'Aix ,  t.  I , 
p.  95,  note  6. 

Il-  83 


6S8  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633] 

du  P.  Ferrarius,  que  le  R.  P.  Dom  du  Puy  m'avoit  adressé  avec  celuy 
de  Schioppius  que  je  vous  envoyay  par  l'ordinaire  passé.  H  m'a  promis 
de  le  vous  rendre  incontinant  qu'il  arrivera.  J'avoys  faict  garnir  une 
petite  caisse,  pensant  la  faire  tenir  par  mesme  voye,  des  m[anu]s[crit]s 
que  me  demanda  le  R.  P.  Mercene,  mais  les  Moreaux  me  promettent 
de  la  faire  partir  au  premier  jour.  J'y  avoys  mis  le  Pentateuque  Arabe 
des  Samaritains  pour  le  R.  P.  Morin  et  le  petit  volume  m[anu]s[crit] 
de  l'Orphée,  et  des  Hymnes  d'Homère  et  de  Proclus  que  vous  m'aviez 
cy  devant  demandé,  ce  me  semble,  et  vouldroys  bien  en  avoir  qui 
fussent  plus  à  vostre  goust^ 


GXLVI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
L'ordinaire  dernier  qui  nous  apporta  vostre  despesche  du  21°^  du 
passé  arriva  presque  en  mesme  temps  que  celuy  qui  alloit  à  Rome,  de 
sorte  que  si  je  me  fusse  trouvé  hors  du  palais  quand  il  fut  apporté  aii 
logis,  c'eust  esté  encor  à  temps  pour  envoyer  le  pacquet  de  M'  de  Bon- 
neval^  par  l'ordinaire  de  Rome,  lequel  ne  se  trouva  despesche  de 
IVP  le  Mareschal  qu'une  demy  heure  auparavant  que  je  fusse  retiré  chez 
nous,  dont  je  fus  bien  marry;  il  fauldra  attendre  l'aultre  à  t5  jours 
d'icy,  et  je  ne  manqueray  pas  de  la  recommander  au  mieux  qu'il  me 
sera  possible ,  n'estant  besoing  de  vous  mettre  en  peine  du  port,  attendu 
que  vous  sçavez  comme  nous  vivons  maintenant  avec  M'  du  Lieu  et  les 
Moreaux  pour  ce  regard,  et  d'icy  à  Rome  je  sçay  que  bailler  aux  cour- 
riers de  marché  faict,  aultant  quand  ils  ne  me  porteroient  qu'une  seule 
lettre  comme  quand  il  y  a  quelque  libvre  ou  quelque  boitte.  Seulement 
suis  je  à  délibérer  si  je  l'envoyeray  par  la  poste  soubs  l'enveloppe  du 

'  Vol.  717,  fol.  307.  —  '  L'abbé  de  Thou. 


[1633]  AUX  FRKRES  DUPUY.  659 

cardinal  Barberin,  ou  non,  puis  que  vous  dictes  que  les  courriers 
l'ont  cy  devant  voilé.  Car  je  ne  vouldroys  pas  que  cela  advint  à  celuy 
cy.  Je  cherche  quelque  libvre  qui  s'y  jjuisse  joindre  commodément, 
pour  demeurer  ;\  Son  Eminence  en  compensation  délia  brigga',  comme 
ils  disent.  Au  reste  j'ay  prins  grand  plaisir  de  voir  toutes  les  parti- 
cularitez  de  l'affaire  de  Bourdeaux  qu'il  vous  a  pieu  nous  despartir,  et 
seray  infiniment  aise  d'en  voir  les  aultres,  et  les  suittes  en  son  temps. 
Cependant  je  vous  renvoya  ce  que  j'avoys  cy  devant  receu  sur  ce  sub- 
ject,  avec  ce  que  vous  nous  en  aviez  envoyé  cette  foys,  et  vous  en  re- 
mercie le  plus  affectueusement  que  je  puis,  ensemble  du  soing  que  voas 
avez  daigné  prendre  de  faire  tenir  à  M''  Saulmaise  mes  lettres,  oii  je 
vouldroys  bien  que  vous  eussiez  trouvé  chose  plus  digne  de  vostre 
curiosité,  mais  nostre  foiblesse  ne  peult  lien  faire  de  mieux,  et  vous 
estes  si  bontif  que  vous  vous  payez  aultant  de  la  bonne  volonté  que  de 
l'effect.  J'ay  receu  une  lettre  de  M' Huilon  qui  meriteroit  bien  de  l'estude 
pour  y  dignement  respondre,  et  un  morceau  de  vostre  m[anu]8[crit] 
d'Avitus  un  peu  différant,  ce  semble,  en  la  substance  et  construction 
du  Papyrus  de  celuy  que  j'en  pensois  avoir,  qui  sera  vraysemblablement 
venu  de  quelque  aultre  part,  mais  M"'  Huilon  disoit  y  avoir  escript  quel- 
ques mots  de  sa  main  que  je  n'y  ay  pas  trouvez,  ce  qui  me  faict  craindre 
qu'il  n'ayt  mis  dans  sa  lettre  un  morceau  pour  aultre.  Vray  est  (ju'on 
ne  laisse  pas  de  bien  voir  son  intention,  au  morceau  qu'il  ma  envoyé, 
et  que  je  me  resouls  de  r'envoyer  par  le  prochain  ordinaire  Dieu  ay- 
daut  et  l'accompagner  du  mien,  avec  quelque  fragment  de  cet  ancien 
livre  trouvé  avec  la  mommye.  Bien  marry  de  ne  l'avoir  j)eu  faire  à 
présent,  mais  on  me  destourna  tout  hier  et  tout  dimanche  et  ay  bien 
eu  de  la  peine  ce  matin  de  desrober  ce  peu  de  temps  pour  ne  laisser 
eschapper  la  commodité  de  vous  cscrire  par  celuy  cy. 

J'ay  eu  des  lettres  de  M''  vostre  frei-e  le  R.  P.  Dom  du  Puy  du  5  no- 
vembre où  il  m'accuse  enfin  la  réception  de  mes  despesches  à  M' l'abbé 
de  Thou,  sur  l'affaire  de  Romette,  mais  il  n'entre  poinct  au  destail  de 


'  Chagrin,  souci. 


83. 


660  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

ce  qui  s'y  estoit  faict.  Il  dict  que  la  bibliothèque  du  cardinal  Bar- 
berin  est  demeurée  à  la  disposition  d'un  advocat  Vénitien  de  bien  peu 
d'érudition  et  mal  versé  aux  livres,  ce  qui  tire  en  consequance  une 
plus  grande  jalousie  et  discourtoisie  '  que  de  raison.  Ce  sont  d'estranges 
fatalitez  que  ceux  qui  ont  de  quoy  avoir  les  livres  n'en  puissent  user 
ne  faire  user  ceux  qui  le  pourroient,  si  ce  n'est  parmy  cez  peuples  sep- 
tentrionaulx  dont  l'air  est  si  rude  et  si  mal  supportable  à  nostre  nation. 
On  escript  que  le  Galilei  est  sorty  du  monastère  de  Sienne  où  il  avoit 
esté  jusques  à  présent,  pour  se  retirer  chez  l'archevesque  qui  est  de 
ses  amys,  et  qu'on  esperoit  qu'enfin  il  luy  seroit  permis  de  se  retirer 
à  une  sienne  maison  des  champs.  Mais  que  cependant  le  Grand  Duc  de 
Toscane  ne  laissoit  pas  de  faire  imprimer  ses  mechaniques^.  Sur  quoy 
je  finis  demeurant. 
Monsieur, 

vostre  irez  humble  et  Irez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  6  décembre  i633. 

En  pensant  clore  le  pacquet  j'ay  trouvé  que  par  mesgarde  mon 
homme  avoit  envoyé  à  mon  frère  qui  est  à  Boysgency  l'original  de  la- 
lettre  du  Prieur  de  Roumoules  et  de  l'ordinaire  de  M'  d'Espernon, 
mais  l'aultre  ordinaire  vous  suppléerons  Dieu  aydant'. 

'  Littré,  sous  le  mot  rfi«co«r<owi'e,  necite  col.  tiôa)  eldans/-e«£'/ie»ierdeM.  A.Wil- 

que  deux  écrivains  du  xvi'  siècle ,  Montaigne  lems  (p.  1 1 6  ).  L'ouvrage  est  dédié  au  comte 

et  d'Aubigné.  de  Noailles  qui ,  pendant  son  ambassade  à 

'  Discorsi e dimostrazionimatematiche, etc.  Rome,  fut  un  des  plus  dévoués  protecteurs 

(Leyde,  Elzevier,  i638,  in-4°).  Voir  le  titre  de  Galilée, 
complet  dans  le  Manuel  du  libraire  (t.  II,  '  Vol.  717,  fol.  3 10. 


[1633] 


AUX  FRERES  DUPUY. 


661 


CXLVII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Je  receus  par  le  dernier  ordinaire  vostre  despesche  du  2  de  ce  moys, 
avec  les  feuilles  du  premier  cahier  de  l'édition  de  M'  du  Ghesne,  et  à 
ce  soir  j'ay  receu  son  ni[anu]9[crit]  des  episires  du  temps  du  roy  Louys 
le  jeune  fort  bien  conditionnées,  ensemble  un  bréviaire  de  M'L'Huillier 
pour  M"'  Gassend ,  n'estant  arrivé  que  deux  balles  aux  sieurs  Moreaux 
qui  en  ont  d'aultres  en  arrière  parties  de  plus  vieille  datte.  Mais  je  ne 
suis  pas  marry  que  celle  où  estoit  ce  m[anu]s[cril]  ayt  esté  anticipée 
afin  de  le  pouvoir  plus  lost  renvoyer.  Et  vouidroys  bien  que  les  exem- 
plaires de  TertuHian  que  M'  Rigault  a  destinez  à  Rome  peussent  ar- 
river à  temps  pour  la  commodité  des  galères  puisque  M''  deNouailles 
ne  donne  poinct  encores  de  ses  nouvelles  guercs  pressées.  J'ay  cepen- 
dant faict  relier  les  deux  exemplaires  que  j'en  avoys,  pour  suyvre  les 
deux  lettres  qu'il  a  escrittes  aux  cardinaux  Barberin  et  Bagny,  touts 
deux  en  marroquin  de  Levant  rouge,  le  plus  proprement  que  l'a  sceu 
faire  mon  relieur'  et  un  peu  mieux  qu'on  ne  faict  communément  à 
Rome  pour  ces  Mess[ieu]rs  à  ce  que  j'ay  peu  voir  de  la  relieure  d'un 
exemplaire  en  grand  papier  de  ce  livre  du  P.  Ferrarius  que  le  cardinal 
Barberin  m'a  voulu  envoyer  relié  en  marroquin  rouge  par  son  relieur-, 
mais  il  faict  pitié,  tant  il  est  savetté^,  ce  qui  me  faict  bien  regretter  de 
ne  l'avoir  eu  en  blanc,  caria  beaulté  et  la  blancheur  du  papier  est  telle 


'  Il  s'agit  là  probablement  de  Corberan , 
déjh  mentionné  et  qui  paraît  avoir  été  de  pins 
en  plus ,  dans  les  dernières  années  de  la  vie 
de  son  maître,  le  relieur  favori  de  ce  dernier. 

'  Le  cardinal,  connaissant  les  doubles 
préférences  de  son  correspondant,  avait 
voulu,  par  une  exquise  attention,  donner 


aux  livres  qu'il  lui  oËnil  la  parure  que 

l'éminent  bibliophile  aimait  h  donner  à  se» 
propres  livres. 

'  Littré  n'allègue  aucun  écrivain  au  sujet 
de  l'emploi  de  ce  mot  et  se  contente  de  rap- 
peler que  l'on  dit  d'un  ouvrage  gâté  :  irC'ett 
de  l'ouvrage  saveté.» 


662  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

qu'il  meritoit  de  passer  par  les  mains  d'un  meilleur  ouvrier.  C'est  grand 
daumage  que  le  papier  du  Tertullian  ne  soit  de  pareille  blancheur,  y 
ayant  tant  d'aultres  singularitez  qui  rendent  cette  édition  Irez  excellante 
et  irez  élégante ,  n'estimant  pas  que  le  siècle  oii  nous  sommes  en  ayt  faict 
aulcune  si  digne  que  celle  là  \  Ce  sera  un  peu  de  reproche  h  cez  MM"  de 
Rome  de  n'avoir  communiqué  les  diverses  leçons  de  leurs  m[anu]s[crit]s 
puisque  les  aultres  qui  sont  passez  par  les  mainz  de  M"  Rigault  ont  esté 
si  bien  employez,  ne  doublant  pas  qu'il  ne  s'y  feusse  rencontré  quel- 
que chose  de  bon  en  plusieurs  lieux  difliciles,  combien  que  j'estime  que 
Fulvius  Ursinus  en  avoit  veu  quelques  uns^.  Il  fauldra  Dieu  aydant 
relire  cet  autheur  de  bout  à  aultre  pour  y  gouster  le  génie  et  le  grand 
zelle  et  naifveté  de  ce  grand  personnage  en  son  vray  lustre,  à  cette 
heure  qu'il  y  a  esté  restably  de  si  bonne  grâce. 

Je  vous  remercie  trez  humblement  du  livre  de  Schioppius  qu'il  vous 
plaict  me  despartir,  estant  curieux  de  no  rien  laisser  eschapper,  parti- 
culièrement sur  le  subjet  de  la  Généalogie  de  cette  maison  d'Austriche, 
pour  voir  le  progrez  de  la  flatterie  plus  ou  moings  grande  de  ceux  qui 
s'en  sont  meslez,  et  si  par  hazard,  quand  il  se  vend  des  bibliothèques, 
il  s'en  rencontroit  quelque  pièce  rare,  comme  celle  de  Roo,  et  celle  de 
certain  carme  imprimée  en  Allemagne  in  U",  je  les  payeroys  volontiers 
quelque  chose  de  plus  qu'elles  ne  valent  communément.  Je  suis  marry 
que  le  bon  homme  de  M'  de  Lone  ayt  laissé  eschapper  de  ses  mains  la 
relation  de  Constantinople  avant  que  vous  l'eussiez  veiie;  une  aulti-e 
foys ,  je  vous  en  feray  les  adresses.  Mais  je  suis  bien  plus  marry  de  n'avoir 
plus  tost  sceu  que  M''  Aubert  ne  prétendisse  pas  d'interest  particulier  au 
m[anu]s[crit]  des  Astronomes  Grecs,  car  j'en  eusse  pressé  M"^  de  Thou- 
louse  un  peu  plus  vivement,  ne  l'ayant  osé  faire  pour  ne  heurter  les 
desseins  de  ce  personnage  dont  j'avoys  la  vertu  en  singulière  vénération. 
Et  fault  que  cez  empeschements  viennent  de  quelque  aultre  costé  dont 
nous  ne  nous  doublons  possible  pas.  Mais  puisque  nous  les  ignorons,  il 

'  Éloge  qui  mérite  d'être  cité  partout  où        Terlullien,  voir  la  Bibliothèque  de  Fuhio  Or- 
il  sera  question  du  beau  travail  de  Rigault.        «ni,  j)ar  M.  Pierre  de  Noihac  (Paris.  1887, 
^  Sur  les  travaux  de  ce  savailt  relatifs  à        p.  49,  187,  270,  389). 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  663 

nous  sera  permis  de  parler  tant  plus  librement  de  cette  affaire  pour  la- 
quelle il  semble  qu'on  ne  sçauroit  faillir  de  suyvre  les  ordres  contenus 
en  la  lettre  que  m'avoit  escritte  M''dc  Thoulouse.sçavoir  est  que  si  tost 
qu'on  l'auroit  transcript,  l'original  me  seroit  envoyé, pour  le  faire  tenir 
à  M'  Holstenius.  Que  s'il  se  trouve  là  un  coppiste  Grec,  qui  en  veuille 
prendre  la  peine,  j'en  feray  volontiers  la  despence  et  feray  laisser  la 
coppie  h  M""  Aubcrt,  pour  en  suyvre  les  ordres  du  dict  sieur  Arche- 
vesque.  Ne  doubtant  point  que  M""  Holstenius  ne  m'abandonne  les  livres 
qu'il  a  de  S*^  Cyrille,  qu'il  avoit  desja  offerts,  et  dont  il  m'a  engagé  sa 
parole,  n'estimant  pas  qu'il  me  les  voulust  avoir  refusez  quand  mesmet* 
il  ne  se  trouveroit  pas  engaigé  de  parole  à  ce  marché  comme  il  est.  Il 
fauldra  seulement  voir  d'y  faire  le  meilleur  mesnage  que  faire  se  pourra . 
car  je  me  double  que  M""  l'Archevesque  sera  bien  aise  de  remettre  cette 
coppie  possible  au  P.  Petau,  ou  aultre  de  sa  compagnie.  Quant  à  M"^  de 
Valloys,  je  ne  luy  escriray  pas  de  ce  coup ,  attendant  si  la  responce  de 
M"^  Godefroy  pourroit  arriver.  Mais  pour  esviter  qu'ils  ne  se  brouil- 
lent ou  desgoustent  l'un  de  l'autre,  je  seray  trez  aise  de  payer  les 
100  francs  dont  est  question,  que  je  ne  plaindray  nullement,  pour  fa- 
ciliter l'édition.  N'estimant  pas  que  M'  de  Valloys  ayt  subject  de  se  tant 
plaindre  de  M''  Godefroy  pour  cela,  attendu  que  le  mal  est  venu  de  cet 
Elie  Ehinger  \  qui  doibt  estre  quelque  pauvre  pédant,  bien  nécessiteux 
et  bien  sordide '\  et  de  faict  lorsque  je  demanday  une  pareille  tran- 


'  Élie  EhinjjiT,  né  en  iSyS,  mourut  en 
i653.  Il  fut  d'abord  pnstcur,  puis  profes- 
seur; en  i6i3  il  devint  recteur  et  biblio- 
tbécairo  h  Augsbourjj.  De  i635  à  iGig  il 
dirigea  le  gymnase  de  Ratisbonne.  Voir  la 
liste  de  ses  publications  dans  le  Morcri,  dans 
la  Biographie  Michaiid,  dans  la  Biographie 
Didot,  etc.  On  n  insdrt!  dans  les  Aiiupiii- 
tates  litlerariœ  de Sciielborn (t.  VIII) une  no- 
tice biographique  sur  Kliinger  par  Jacques 
Brucker.  On  trouve  dans  le  môme  recueil 
(t.  III,  p.  a6i-a65)  deux  lettres  de  Peircsc 


du  3  janvier  1 633  et  du  5  septembre  do  la 
môme  année ,  adressa  irA  Monsieur.  Mon- 
siear  le  très  docte  professeur  Elias  Ehiii- 
gerus.  Bibliothécaire  de  l'Eminenlissinic  Ité- 
publique  d'Auspourg». 

'  Dans  la  liste  des  exemples  de  l'emploi 
de  ce  mot  donnt's  par  Littré,  aucun  (sauf  un 
terme  de  médecine  tiré  d'Anibroise  Paré) 
n'est  antérieur  à  la  date  de  celle  lettre.  Los 
citations  qui  s'en  rapprochent  le  plu»  sont 
empruntées  ii  la  Mothe-le-Vayer  et  à 
Patru. 


66i  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

scription,  un  gentilhomme  d'honneur  de  mes  amys,  qui  se  tient  à  Aus- 
pourg,  m'escrivit  que  Ehinger  en  vouloit  5o  escus  pour  la  peine,  qu'est 
un  tiers  de  plus  qu'il  n'en  a  prins  de  M'  Godefroy,  lequel  il  est  raiso- 
nable  de  faire  indemniser,  soit  qu'il  y  ayt  desbourcé  son  argent,  ou  que 
son  credict  soit  demeuré  engaigé.  C'estoit  proprement  aux  libraires  qui 
entreprennent  l'édition  à  faire  cette  advance,  mais  je  sçay  qu'ils  sont 
assez  desgoutez  pour  vouloir  le  morceau  tout  cuict  et  tout  masché; 
c'est  pourquoy  je  ne  suis  pas  d'advis  qu'il  tienne  à  cela  que  la  chose  ne 
s'achève.  Et  avant  que  sortir  de  la  matière  des  livres,  M""  Gassendi ,  ayant 
veu  le  catalogue  de  la  Foire,  m'a  conseillé  de  faire  venir  deux  libvres 
in  fol.  imprimés  à  Francfort,  que  je  seroys  bien  aise  d'avoir  quand  ce 
He  seroit  que  pour  l'en  accommoder  s'il  venoit  icy,  ou  s'ils  estoient  à  son 
usage  les  luy  envoyer  chez  luy.  Les  tillres  sont  Henrici  Briggii^  Trigo- 
nometria  britannica  etc.  lib.  11  apud  Clementem  Schleich.  Et  de  l'aultre 
Trigonometria  Artificialis,  sive  Magnus  cano  etc.  Adriano  Vlacio  etc. 
ibid. *.  Mais  il  fault  que  ce  soit  de  cette  dernière  édition,  qui  est  me- 
liorée  de  beaucoup  par  dessus  les  précédentes  à  ce  qu'on  présuppose. 
Quant  au  Gazetier,  je  n'ay  poinct  eu  de  ses  nouvelles  par  cet  ordinaire, 
et  celles  que  j'en  eus  par  le  précèdent  vindrent  soubs  son  ordinaire 
cachet  de  l'esperon,  ce  que  je  trouvay  quasi  aussy  estrange  que  de  n'en 
avoir  poinct  à  ce  coup  cy.  Mais  son  imprimeur  ne  laissa  pas  de  me  les 
apporter  le  soir  mesmes,  tellement  que  si  il  faict  tant  le  renchery,  il 
fauldra  se  rediraer  de  cette  vexation  en  se  passant  de  sa  despesche  puis 
qu'il  y  veult  plus  de  façon  que  je  n'en  puis  fournir,  regrettant  infini- 
ment l'importunité  qu'il  y  a  pour  vous.  Il  me  reste  à  remercier  comme 
je  faicts  trez  humblement  M'  du  Puy  vostre  frère  de  ce  qu'il  vous  plaict 
me  faire  espérer  de  sa  part  concernant  le  testament  de  nostre  roy  René 
et  son  premier  mariage,  dont  je  vous  suis  grandement  redevable  à  tous 
deux.  Mais  vous  m'avez  bien  descontenancé  en  m'escrivant  ce  qu'il  vous 

'  Henri  Briggs  était  mort  trois  ans  au-  ^  Le   mathématicien   hollandais   Adrien 

paravant(26janvier  i63o),  âgé  de  soixante-  Viacq  fit  aussi  paraître,  en  1698,  à  Gouda, 

dix  ans,  à  Oxford  où  il  occupait  la  chaire  de  une  édition  de  ï' Arithmelica  logarkhmica  du 

géométrie.  mathématicien  H.  Briggs. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  666 

plaict  me  mander  concernant  le  prioré  de  S'  Leons ,  car  ce  n'a  jamais 
esté  mon  intention  que  M"'  de  Thou  ne  vous.  Monsieur,  deussiez  consi- 
dérer mon  intercession  au  cas  que  la  pièce  fust  de  la  qualité  requise  ou 
compatible  à  vostre  induit,  de  manière  que  puisque  vous  dictes  que  le 
prioré  S'  Martin  a  aultres  foys  passé  par  là,  il  n'y  a  rmlle  apparance  que 
celuy  cy  aye  de  plus  grand  privilège.  C'est  pourquoy  je  vous  déclare 
formellement  que  je  révoque  toutes  les  instances  que  vous  pourriez 
prétendre  vous  y  avoir  esté  faictes  àfi  ma  part,  et  ne  consentiray  jamais 
que  vous  vous  despartiez  de  vostre  droict,  vous  asseurant  que  je  ne  le 
souffriroys  pas  pour  raoy  mesmes  ne  pour  mes  plus  proches,  et  beau- 
coup moings  pour  cez  Messieurs  là  dont  la  parenté  n'est  pas  plus  proche 
que  de  remué  de  germain,  et  avec  lesquels  nous  n'avons  aulcune  sorte 
de  meslange  d'intérêts  que  d'une  affection  de  sang  telle  que  la  nature 
nous  peult  obliger  en  cas  pareil.  Estimant  au  centuple  la  moindre  des 
obligations  que  je  vous  ay  et  à  M'  de  Thou.  N'estant  plus  de  besoing  de 
songer  à  aultre  chose  qu'à  vous  faire  remettre  le  droict  du  religieux 
nommé  pour  en  poursuyvre  vostre  provision  en  commande  à  Rome  où 
je  vous  serviray  du  bon  du  coeur  si  je  le  puis  comme, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  xii  décembre  i633. 


[Au  bas  de  la  page:)  S'il  vous  plaict  de  tourner. 

11  est  arrivé  à  Marseille  une  occasion  de  procez  bien  plaisante  pour 
raison  d'un  anneau  auquel  estoit  enchâssé  un  diamant  de  bon  prix,  que 
le  sieur  d'Agostin  avoit  laissé  tomber  dans  la  mer,  lequel  s'est  trouvé 
depuis  dans  le  ventre  d'un  poisson  mis  en  pasté.  Diverses  persones  pré- 
tendant participation  à  cette  bonne  advanture,  tant  entre  le  cuisinier, 
le  pâtissier  et  l'hoste  qu'entre  les  pescheurs,  et  celuy  qui  a  voulu  ven- 
diquer  sa  bague,  encores  qu'il  l'eusse  perdue  en  bonne  compagnie  assez 
longtemps  auparavant.  J'ay  envoyé  demander  extraict  des  pièces  prin- 
cipales du  procez  pour  le  vous  envoyer,  afin  de  ne  rien  advouer  qui  ne 


•84 


666  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633] 

soit  bien  vérifié,  attendu  qne  cescontesisontsi.subjects  à  complications. 
C'est  p&upquoy  je  n'encroys  encores  rien  moy  mesmes  que  par  bénéfice 
d'inventaire  jusques  à  ce  que  j'aye  veu  la  procédure ,  et  ne  vous  con- 
seille pas  d'en  croire  plus  que  moy. 

•lî  Ayant  veu  une  relation  venue  de  la  part  d'un  serviteur  de  M' d'Es- 
pernon,  qui  a  semblé  fort  judicieusement  dressée,  j'ay  creu  la  vous 
dfibvoir  envoyer  ^  ' 


GXLVni 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PUY, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Avec  la  vostre  du  9"""  j'ay  receu  par  l'ordinaire  de  Lyon  le  livre 
qu'il  vous  a  pieu  m'envoyer  de  la  Statera  d'Erycius  Puteanus,  et  les 
vers  du  sieur  de  Porchères  Arbault*,  et  beaucoup  plus  des  aultres 
vers  latins  que  m'aviez  auparavant  envoyez  et  qui  s'estoient  par  mes- 
garde  meslez  entre  les  papiers  de  ma  table  à  l'ouverture  du  pacqiiet, 
ce  qui  m'avoit  faict  obmettre  de  vous  en  rendre  les  trez  humbles  re- 
merciments  que  je  doibs,  comme  d'une  trez  belle  pièce  et  que  j'ay 
trouvée  grandement  à  mon  goust,  ce  qui  me  faict  désirer  d'en  ap- 
prendre l'aultheur  quelque  jour  s'il  est  loisible.  J'ay  par  mesme  moyen 
receu  la  lettre  de  M'  Saulmaise  que  je  vous  renvoyé  avec  mille 
mercys  trez  affectueux,  ayant  prhis  grand  plaisir  de  la  voir,  bien  que 
ce  n'ayt  pas  esté  sans  grande  mortification  de  voir  les  incomuioditez  de 
sa  santé,  dont  j'ay  grande  compassion  aussy  bien  que  de  l'affliction  que 
luy  apporteroit  la  perte  de  sa  femme,  que  vous  dictes  estre  attainte 
d'une  si  dangeureuse  maladie  principalement  en  si  mauvaise  saison, 
que  la  piccotte  est  tenue  beaucoup  plus  dangeureuse,  surtout  à  des 
«personnes  de  son  aage.  Mais  si  Dieu  en  avoit  ainsin  disposé,  je  ne  sçay  si 

'  '  'Vol.  717,  fol.  3n.  ^  '  Paraphrase  des  Psaumes  Graduels,  et  Poésies  sur  divers  sujets 
(Paris,  i633,in-8'). 


[1633J  AUX  FRÈRES  DUPUY.  667 

ce  ne  seroit  poinct  pour  quelque  plus  grand  bien.  Car  certainement  je 
n'estime  pas  qu'une  f'eniiue  d'Iiumeur  si  diflicile'  ne  soit  d'un  grand 
enibarraz  et  cinpesclienient  à  un  si  grand  humnie  de  lettres^,  reduict 
en  de  si  grandes  iufirniitez  du  corps.  C'est  pourquoy  il  fault  estre 
résolu  A  tout  et  laisser  faire  à  Dieu,  en  telles  occurrances.  Ce  que 
vous  me  mandez  de  l'exemplaire  du  Tertuliian  en  grand  papier 
que  M'  Rigault  a  faict  tenir,  ce  dictes  vous,  à  l'Kminentissime  car- 
dinal de  Bagni,  me  fera  retenir  le  mien,  qui  estoit  tout  prect  à  em- 
baller demain  avec  celny  du  cardinal  Barberin,  et  pour  l'envoyer  par  un 
amy  qui  s'embarque  api-ez  demain  à  Marseille,  ladvis  m'en  estant  ar- 
rivé tout  à  temps,  car  si  M'  Kigault  a  envoyé  le  sien  par  aultre  adresse 
que  la  mienne,  comme  il  semble,  le  mien  eust  esté  supernumeraire, 
en  quoy  j'apprends  qu'il  est  bon  de  n'aller  pas  si  viste,  comme  vostre 
bon  zelie  vous  vouldroit  faire  aller  quelquefoys,  pour  observer  ponc- 
tuellement les  ordinaires  à  la  mode  d'Italie.  Je  suis  bien  aise  qu'ayez 
trouvé  moyen  d'avoir  un  autre  exemplaire  du  Panegyriquede  Hein- 
sius^  et  le  livre  de  Skikareus  de  Jure  Hebraeorum  '  que  nous  attendrons 
en  son  temps  avec  les  aultres  de  la  Foire  qu'il  vous  a  pieu  me  retenir. 
Sur  quoy  il  fault  que  je  vous  die  que  si  vous  vouliez  vous  resouldre  à 
la  proposition  et  prière  trez  humble  que  je  vous  avois  si  souvent  faicte 
de  ne  pas  tenir  couteroolle,  que  celuy  des  parties  des  libraires  que  vous 
endosseriez,  en  les  acquittant,  d'un  seul  mot  de  la  somme  accordée  h 
cbascun  libraire,  et  pour  ceux  qu'on  achepte  en  desfail,  ensemble  pour 
toute  aultre  meniie  despence,  tenir  seulement  un  sac  ;\  part,  pour  v 
prendre  de  l'argent  à  mesure  que  vous  feriez  payer  quelque  chose  pour 
moy,  sans  aultre  couteroolle,  je  consentiroys  facilement  à  vous  laisser 
continuer  ce  soing  de  retenir  des  livres  pour  moy  à  mesure  que  vous 


'  On  sait  que  le  caractère  acariâtre  de  la 
femme  de  Saumaise  <*tait  proverbial. 

^  Rappelons  que  celle  heureuse  expres- 
sion, (jui  a  dl*i  peut-être  trouvée  par  Pei- 
resc,  car  je  ne  la  rencontre  pas  dans  les  écrits 
antérieurs,  a  été  aussi  appliquée  par  lui  aux 
frères  Dupuy. 


'  Le  panégyrique  de  Gustave- Adolphe. 

'  Cet  onvra{^  avait  [>aru  déjà  depuis 
plneienrs  années.  En  voici  le  titre  exact  : 
yi*s  rtgium  Hebrœoruin  e  tenebrit  rabbi- 
nicis  erulum  (Strasboui-g,  t695,  in- à*). 
Il  y  eut  une  réimpression  k  I^ipsick  en 
1674,  iu-4°. 

8«. 


668  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

en  prendriez  pour  vous  ou  pour  M'  de  Tliou.  Mais  de  vous  laisser 
prendre  la  peine  que  vous  y  avez  mise  jusques  à  présent,  oullre  qu'il 
est  impossible  qu'il  ne  vous  en  eschappe  une  infinité  d'articles,  qui  de- 
meure aprez  sur  vos  coffres,  il  est  impossible  que  j'y  puisse  condes- 
cendre ,  d'aultant  que  pour  rien  du  monde  je  ne  vouldroys  me  charger 
d'une  semblable  courvée  qui  n'a  point  de  fin,  et  qui  seroit  cappable 
de  vous  oster  de  trop  bonnes  heures  une  fois  de  l'an.  Gela  ne  pou- 
vant estre  compatible  qu'à  des  commis  de  marchands  ou  boutiquiers 
qui  de  cela  font  le  capital  de  leurs  occupations,  et  qui  ne  tirent  de  leur 
caisse  aulcun  argent  qui  ne  soit  incontinant  mis  en  ligne  de  compte. 
J'en  faicts  quasi  aultant  pour  moy  mesmes,  afin  de  voir  ce  que  me 
coustent  mes  petites  curiositez  une  foys  de  l'an,  prenant  pour  cet  effect 
de  l'argent  dans  une  petite  layette  oïl  je  ne  touche  poinct  pour  aultre 
chose  et  où  je  ne  marque  si  ce  n'est  ce  que  j'y  mets,  et  aultant  de 
l'an,  je  recognoys,  par  ce  qui  y  reste,  ce  qui  s'y  est  despendu,  sans 
aultre  conterolle  qui  me  cousteroit  quasi  plus  à  mon  humeur  que  l'ar- 
gent. Pour  l'honneur  de  Dieu  essayez  d'en  user  ainsin  et  me  traictez  à 
mon  aulne  et  à  ma  mode  si  vous  voulez  que  j'aye  recours  à  vostre 
bonté  pour  cela,  aultrement  je  vous  supplie  et  conjure  de  tout  mon 
cœur  de  ne  pas  avoir  dezagreable  que  je  tasche  de  vous  faire  descharger 
sur  quelque  aultre.  Aussy  bien  je  pense  que  M' le  Prieur  de  Roumoules 
ne  tardera  gueres  de  retourner  à  Paris  s'il  trouve  commodité  soit  du 
carrosse  de  M'  de  Bordeaux',  de  M'  d'Agen^  ou  d' aultre.  Au  reste 
il  me  tardera  grandement  d'apprendre  de  M'  de  Thou  s'il  aura  jugé 
les  pièces  de  M'  de  Montaigu^  véritablement  antiques,  sur  les  indices 
que  je  luy  en  avoys  donnez,  dont  je  luy  seray  grandement  redevable, 
et  d'avoir  employé  son  crédit  envers  luy  pour  faire  qu'il  les  apporte 
quant  et  luy  au  voyage  qu'il  veult  faire  icy,  lequel  j'attendray  en  bonne 
dévotion  pour  en  pouvoir  faire  l'examen  sur  les  originaulx,  aprez  quoy 
il  ne  m'importera  pas  tant  de  les  laisser  à  un  homme  qui  tesmoigne  en 


'  Henri  de  Sourdis.  —  '  Gaspard  de  Daillon,  qui  siégea  de  i63i  à  i635.  —  '  Le  ma- 
gistrat d'Autun  dont  il  a  éli  déjà  question  dans  la  lettre  CIL 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  669 

estre  si  jaloux.  Mais  je  suis  bien  en  plus  grande  peine  de  ce  que  le 
sieur  Gras*  a  escript  icy  à  un  sien  parent  qui  s'en  alloit  vous  trouver 
à  Paris,  et  crains  fort  que  vostre  lionnestelé  ne  vous  fasse  relascher  à 
toute  aultre  chose  que  ce  que  je  puis  prétendre,  soubs  prétexte  de  sa 
parenté  avec  moy,  laquelle  je  vous  supplie  trez  humblement  de  ne 
pas  vouloir  considérer,  puisque  ce  n'est  pas  mon  intention,  au  cas  que 
je  voys  que  les  choses  sont  reduictes,  la  pièce  n'estant  poinct  incompa- 
tible en  vostre  personc.  Voire  quand  elle  le  seroit,  puis  qu'elle  n'est  pour- 
tant pas  incompatible  avec  l'induit,  non  plus  que  le  Prioré  S'  Martin 
des  Champs,  quelque  obhjjation  qu'il  y  ayt  au  monachaf-'.  Vous  trou- 
veriez assez  de  moynes  quand  il  en  fauldroit  venir  à  cetle  condition, 
qui  seroientbien  aises  de  permuter  cette  pièce  pour  quelque  aultre  qui 
se  peusse  plus  facilement  mettre  de  commande.  C'est  pourquoy  vous 
ne  devez  de  façon  quelconque  prejudicier  à  vostre  induit  et  au  droict 
qui  vous  est  irrévocablement  acquis  en  ce  bénéfice.  Car  quand  ce  se- 
roit pour  moy  mesmes,  ne  pour  de  mes  enfants,  si  j'en  avoys,  je  ne  le 
soulFriroys  pas,  et  beaucoup  moings  le  doibs  je  faire  pour  des  parents 
si  esloignez  pour  lesquels  je  n'ay  poinct  entendu  rien  demander  à 
M'  de  Thou  ne  à  vous,  au  cas  que  vostre  induit  eust  bien  eu  cette  va- 
cance. Cez  gents  là  n'ayant  pas  d'aultre  bénéfice  à  vous  bailler  en 
eschange  qui  puisse  estre  de  la  qualité  et  valeur  requise  pour  entrer 
en  permutation  comme  vous  en  trouveriez  d'aullres,  s'il  en  falloit  venir 
là,  mais  je  ne  pense  pas  et  tiens  indubitablement  que  vous  le  forez 
mettre  en  commande  pour  le  tenir  vous  mesmes,  et  c'est  ce  que  je 
vous  conseille  d'y  faire  en  toute  façon,  vous  remerciant  Irez  humble- 
ment de  voz  nouvelles  et  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  ly  décembre  i633. 

'  Le  concurrent  dt^à  inentionni'  de  Diipuy.  —  '  Je  ne  trou>e  le  mol  monachal  ni  dnii? 
les  Dictionnaires  de  Ilichelel  et  de  Trt'vonx.  ni  dans  le  Glossaire  de  La  Ctlnie  de  Sninlp- 
Palaye. 


670;  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

Mon  frère  n'est  pas  encore  de  retour  de  Boysgency.  H  verra  l'hon- 
neur que  vous  luy  faictes  de  vous  souvenir  de  iuy  et  vous  en  sera  bien 
redevable. 

Je  n'ay  point  eu  de  Gazette  par  cet  ordinaire  dernier  nom  plus  que 
par  le, précédant,  et  toutefoys  non  seulement  M''  le  Mareschal  et  le  petit 
imprimeur  Roise^  l'ont  eue  comme  de  coustume,  mais  aussy  les  sieurs 
Moreaux  qui  ont  le  bui'eau  des  lettres  de  l'ordinaire,  tellement  qu'elles 
sont  bien  tost  respendues  par  toute  la  ville.  Et  semble  que  le  sieur  Re- 
naudot  faict  bien  le  renchery  en  son  endroit  soubs  sa  correction ,  car 
je  ne  pense  plus  qu'elles  soient  retenues  à  Lyon  puis  que  tant  de  gents 
en  reçoivent  icy  mesmes,  règlement  et  sans  faillir.  Et  de  s'imaginer 


'  Je  dois  à  un  de  mes  meilleurs  collabo- 
rateurs provençaux ,  M.  Léon  de  Berluc-Pe- 
russis,  la  note  que  l'on  va  lire  sur  cet  impri- 
meur, et  aussi  la  note  que  l'on  trouvera  un 
peu  plus  loin  surle  Panégyrique  de  Louis  Xlll 
par  le  jeune  fds  du  maréchal  de  Vitry  : 

trLff  ville  d'Aix  possédait,  h  cette  date  de 
i633,  deux  imprimeurs,  Etienne  David  et 
Jean  noize.  Une  rivalité  marquée  régnait  entre 
les  deux  ateliers,  depuis  qu'en  iSgS  Jean 
Tholozan ,  beau-père  de  David ,  avait  enlevé 
à  Jean  Gourran,  prédécesseur  de  Roize,  le 
titre  envié  d'imprimeur  de  la  ville.  David  était 
le  protégé,  ou  plutôt  le  collaborateur  et  l'ami 
de  Peiresc,  témoin  deux  lettres,  des  7  mars 
et  8  septembre  1 63o ,  qui  figiirent  parmi  les 
Lettres  inédites  de  Peiresc,  publiées  par  le 
président  de  Saint-Vincens.  C'est  sans  doute 
à  celte  prédilection  pour  David  que  nous 
devons  attribuer  le  mot  quelque  peu  dédai- 
gneux de  notre  grand  bibliophile  à  l'endroit 
de  Jean  Roize.  Roize  méritait  mieux  que  cela. 
11  avait  été  d'abord  libraire  à  Aix,  avant  d'ac- 
quérir, en  i6a4,  l'imprimerie  de  la  veuve 
Coignat,  fille  de  Jean  Courran  (Henricy, 
Notice  sur  l'origine  de  l'imprimerie  en  Pro- 
vence, p.  i4).  Dès  1629,  je  le  trouve  qua- 


lifié imprimeur  ordinaire  de  l'Université, 
dans  une  plaquette,  sortie  de  ses  presses, 
sur  la  prise  de  la  Rochelle.  Cette  même  année 
il  publie  le  Pontifcium  Arelatense,  en  atten- 
dant d'imprimer,  en  i655,  V Histoire  des 
comtes  de  Provence,  de  Rufli. 

i-La  dynastie  des  Roize  se  continua,  pa- 
rallèlement h  celle  des  David,  jusqu'à  la  fin 
du  xvu'  siècle  :  à  Jean  succéda  Jean-Baptiste , 
et  à  celui-ci  Etienne.  Leur  nom  s'est  éteint 
de  nos  jours  en  la  personne  de  M.  Roize, 
ancien  professeur  de  rhétorique  au  collège 
Bourbon  d'Aix,  qui  a  laissé  un  renom  de 
science  et  d'originalité.  Quant  à  leur  ate- 
lier, il  avait  passé,  au  siècle  dernier,  aux 
Adibert.  Ceux-ci ,  après  la  Révolution ,  ont  eu 
pour  continuateurs  successifs  M.  Tavernier, 
M.  Marins  Illy,  M.  J.  Brun,  son  neveu,  et 
aujourd'hui  MM.  Garcin  et  Didier,  impri- 
meurs de  l'Académie. 

«Notons,  comme  un  rare  exemple  de  sta- 
bilité industrielle,  que  les  successeurs  de 
David  et  de  Roize  occupent  encore,  en  1889, 
les  locaux  primitifs  de  leurs  devanciers ,  dans 
la  rue  Thiers  et  dans  la  rue  Manuel.  Le  nom 
seul  des  rues  est  changé,  n 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  671 

que  pour  l'avoir  je  me  doive  obliger  à  luy  escrire,  et  des  nouvelles, 
il  auroit  tort,  et  me  prendroit  pour  une  ame  bien  lasche  et  bien  foible. 
Vous  aurez  des  nouvelles  du  Levant  qui  n'iront  plus  soubs  d'aoltres 
enveloppes  que  la  vostre. 

Je  viens  de  recevoir  un  grand  pacquet  d'Auspourg  où  il  y  a  dés 
lettres  du  sieur  Ehingerus  que  j'envoyeray  par  le  prochain  ordinaire  à 
M'  Valoys,  où  il  verra  les  plaintes  qu'il  faict  de  n'estre  pas  payé  de 
i&o  talleres'  qu'il  attendoit  du  sieur  Godefroy  et  de  sa  recompense 
pour  la  transcription  des  Dialogues  de  S'  Cyrille  que  le  sieur  Lumaga 
de  Paris  luy  a  faict  extraire  pour  M'  Aubert,  me  demandant  par  cha- 
rité de  luy  faire  remettre  l'une  et  l'aultre  partie,  et  que  je  playde  sa 
cause  envers  M'  Godefroy  et  envers  M'  Lumaga,  se  plaignant  que  la 
grande  antiquité  , de  l'exemplaire  de  Libanius  luy  a  grandement  usé 
la  veue.  Tellement  que  je  n'ayois  pas  tant  de  tort  d,e  dire  qu'il  ne 
falloit  pas  imputer  à  M""  Godefroy  ce  qu'il  y  avoit  de  messeant  en  la 
demande  de  cez  fraiz  de  transcription.  On  me  promet  pour  la  Foire 
d'Argentine  *  un  nouveau  catalogue  fort  exacte  de  la  Bibliothèque  Au- 
gustane  '. 

Nous  avons  icy  gouverné  tout  le  jour  d'hier  le  sieur  de  S'  Amand* 
de  retour  de  Rome  avec  un  grand  playsir  d'ouyr  le  récit  de  sez 
poèmes*  et  de  ses  pérégrinations  jusques  aux  Indes,  ensemble  de 
celles  d'un  sien  frère  qui  y  est  allé  bien  plus   avant   que  luy*   et 


'  Oti  a  reconnu  Ik  le  ihaler,  monnaie 
(l'Allemagne,  d'une  valeur  de  près  de 
({uatre  francs. 

"  C.'cst-b-dire  la  foire  de  Strasbourg  {Ar- 
gentoratum). 

'  De  la  bibliothèque  d'Augsbourg  {Au- 
gusla  Vindelicorum).  Ilap[)elons  (|ue  Ehinger 
fit  paraître  eu  i63()  le  catalogue  annoncé  ici 
par  Peiresc  :  Cataloifits  Bibliolhecœ  Augus- 
tnnœ  (Augsbourg,  in-fol.). 

'  Marc-Antoine  Gérard  de  Saint-Amant, 
mentionné  dans  le  tome  I,  p.  812.  Voir,  sur 
le  séjour  chez  Peiresc  du  futur  académicien , 


Gassendi,  livre  V,  p.  897.  Le  récit  du  bio- 
graphe semble  calqué  sur  le  propiw  récit  de 
Peiresc ,  comme  on  le  verra  par  les  citations 
qui  vont  suivre. 

'  irDesiuente  anno  suavissimum  (labuit 
detinere  domi  per  aliquot  dies  celebrem 
poetam  Sanlaniantium,  cum  Duce  Crequio 
Roma  redeuntem.  Guni  fuerit  vero  mirifice 
illius  lepore,  ac  venustissimorum  poëmalam 
recitatione  deleclatus. . .  1 

"  TLajtitiam  tamen  prœcipue  duxit  ex 
recitatis  prseclaris  rébus,  quas  partim  ipse, 
partim  frater  in  suis  ia  Indiam  aliasque  re- 


672 


LETTRES  DE  PEIRESG 


[1633J 


qu'il  dict  avoir  veu  en  la  Jave  majeure \  en  la  province  de  Batas^ 
plusieurs  de  ces  animaulx  qui  font  un  troisiesme  genre  entre  l'homme 
et  le  singe  ^  lesquels  ne  sont  poinct  malfaisants  et  servent  dans  les 
maisons  à  ballayer  la  chambre,  allumer  le  feu  et  à  aultres  ministères 
domestiques  dont  ils  s'acquittent  fort  ponctuellement  et  avec  une 
grande  mansuétude,  faictes  vous  en  entretenir.  Il  a  veu  des  forests 
d'orangers  et  cittroniers  saulvages  si  grandes  que  c'estoit  à  perte  de 
veûe*  vers  le  Tagris^  en  la  coste  occidentale  d'Afrique,  ce  qui  n'est 


giones  peregrinationibus  observassent.  »  Sur 
ce  frère  de  Marc-Antoine ,  voir  la  notice  de 
M.  Gh.-L.  Livet  en  tête  des  Œuvres  com- 
plètes de  Saint-Amant  (t.  I,  i855,  p.  vi). 

'  L'île  de  Java ,  dans  la  raer  de  ia  Sonde. 
Peiresc  l'appelle  majeure,  pour  la  distinguer 
de  la  petite  île  de  Java  ou  île  Bali ,  à  sept  ki- 
lomètres de  l'autre. 

'  D'après  le  Nouveau  dictionnaire  de  géo- 
graphie universelle,  par  Vivien  de  Saint- 
Martin,  au  mot  Battas,  on  désigne  aujour- 
d'hui sous  le  nom  de  Pays  des  Battas  une 
partie  de  l'île  de  Sumatra . 

'  (fRelulit,  inter  caetera,  fuisse  sibi  visa 
in  lava  majore  animalia  quaedara,  quae  fo- 
rent naturœ  homines  inter  et  Simias  me- 
diœ.  1  Gassendi  ajoute  (p.  397-899)  diverses 
particularilës  curieuses  sur  les  singes  de 
l'Afrique  d'après  les  récits  faits  à  Peiresc 
par  le  médecin  Noël  et  par  d'Arcos.  (J'ai 
oublié  de  citer  ce  passage  dans  \ Avertisse- 
ment des  Lettres  inédites  de  Thomas  d'Arcos 
à  Peiresc,  Alger,  1889.) 

'  Les  détails  fournis  par  Peiresc  sur  les 
lointains  voyages  de  Saint-Amant  sont  d'au- 
tant plus  curieux,  que  Pellisson  se  contente 
de  dire  que  rrdans  sa  jeunesse  il  avait  vu 
l'Afrique  et  l'Amérique  1.  M.  Livet  ne  men- 
tionne même  pas,  dans  la  notice  spéciale 
déjà  citée,  le  peu  que  l'historien  de  l'Aca- 


démie française  nous  avait  appris  des  aven- 
tureuses expéditions  du  futur  auteur  du 
Moyse  sauvé.  Puisque  le  nom  de  Saint- 
Amant  se  présente  devant  nous,  j'avouerai, 
profitant  de  deux  charitables  et  simultanés 
avertissements,  venus  l'un  de  Belgique, 
l'autre  de  Montpellier,  donnés  le  premier 
par  un  savant  membre  de  la  Gompagnie 
de  Jésus,  le  R.  P.  Ghérot  (communication 
manuscrite),  le  second  par  un  membre 
très  distingué  de  notre  université,  M.  le 
professeur  Gharles  Revillout  (article  sur  le 
premier  tome  des  Lettres  de  Peiresc  aux 
frères  Dupuy,  dans  la  Bévue  des  langues 
romanes,  de  novembre -décembre  1888), 
que  je  me  suis  trompé  (t.  I,  p.  i4i 
et  819)  en  disant  qu'il  avait  été  question 
du  poète  pour  l'archevêché  de  Toulouse. 
J'étais  ainsi  allé  chercher  bien  loin  une 
mauvaise  explication,  quand  j'en  avais  tout 
près  une  qui  était  parfaite.  Le  candidat  de 
janvier  1637  était  simplement  Gharles  de 
Montchal ,  lequel  s'appelait  M.  de  S'-Amand 
du  nom  de  son  abbaye  et  qui  devint  arche- 
vêque de  Toulouse  en  cette  même  année 
1697. 

'  Peiresc  veut  parler  probablement  du 
royaume  de  Tigré,  dans  l'Abyssinie,  entre 
la  Nubie,  l'Amhara,  le  pays  des  Gallas  et 
celui  des  Changallas. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  673 

pas  esloigné  des  lieux  où  Schouten'  dict  en  avoir  veu  dans  ces 
eaulx  'K 

On  me  demande  un  exemplaire  dell'  Historia  del  concilie  Triden- 
tino  di  Pietro  Soave  ''  de  la  première  édition  de  Londres  in  fol"*  encores 
((u'elle  soit  reliée  et  frippée,  pourveu  qu'elle  ne  soit  trop  deschir^-e. 
Je  vous  prie  de  faire  chercher  s'il  s'en  trouveroit  quelque  exem- 
plaire. On  ne  veult  poinct  les  aultres  subséquentes  éditions. 

M'  de  la  Fayette  escript  à  mon  frère  du  2/1  novembre  qu'il  partiroit 
de  Tours  le  3o  pour  aller  à  Paris  où  je  pense  qu'il  sera  et  que  vous  luv 
pourrez  rendre  ma  lettre  cy  joincle,  et  s'il  y  est  il  se  chargera  volon- 
tiers, je  m'asseure,  du  pacquet  de  ce  bon  P.  Gilles  de  Losches  Cap- 
pucin  ;  si  non,  vous  trouverez  bien  quelque  bonne  adresse  d'amy  à 
Tours  pour  le  luy  faire  tenir  s'il  est  possible  franc  de  port. 

J'oublioys  de  vous  dire  que  vendrcdy  dernier  nous  ouysmes  dans 
l'Eglise  des  Jesuistes  un  grand  et  noble  Panégyrique  au  Roy  pour  la 
prise  et  réduction  de  Nancy,  prononcé  trez  dignement  en  latin  durant 
une  bonne  heure  par  le  petit  Marquiz  de  Victry  en  trez  bonne  com- 
pagnie, où  il  nionstra  la  grandeur  de  son  courage,  de  sa  mémoire  et 
de  sa  gentilesse  nom  pareille.  On  l'imprime*  et  je  ne  manqueray  pas 

'  Guillaume  Cornelisseii  Schmiten,  navi-  *  Ici  une  petite  phrase  incidente  :  S'«7 pok» 

gateur  liollaudnis,  inourui  à  Madagascar  en  plaîl  de  tourner. 

1 C-25.  Voir  le  Journal  ou  description  du  mer-  '  Nous  avons  i\éjh  vu  que  c'est  le  pseudo- 

veilleux  voyage  fait  par  G.  C.  Schouten,  natif  nyme  de  Pietro  Sarpi,  en  religion /ro  Paolo 

de I{orn,dansles  années i6i5 ,  t6i6, 161J,  (t.  I,  p.  a8). 

comme  il  a  découvert,  au  sud  du  détroit  de  *  Cette  édition  est  de  l'année  i6ai. 

Magellan ,  un  nouveau  passage  jusque  dans  '  I/impression  du  morceau  oratoire  du 

la  grande  mer  du  Sud ,  ensemble  des  aventures  jeune  François  de  Vitry  faillit  brouiller  les 

admirables  qui  lui  sont  arrivées  en  découvrant  puissances.  On  le  craignit  du  moins  ;  Rome 

plusieurs  îles  et  peuples  sauvages  {Xmslcrdam ,  s'en  émut,  et  les  Jésuites  d'Aix,  lanw's  par 

1617,  in-4").  Ce  Schouten  a  été  confondu  leur  général,  durent  se  retrancher  derrière 

(p.  337,  noie  a)  avec  un  deses  homonymes  la  crainte  révérencielle  que  leur  inspirait  le 

ptcompalrioles,  voyageur  comme  lui,  mais  père  de  leur  élève.  Voici  en  quels  termes  ce 

qui   appartient   à    la   seconde    moitié   du  piquant  épisode  est  raconté  dans  les  Annales 

xvii*  siècle.  On  est  prié  de  remplacer,  dans  du  Collège  Royal-Bourbon  d'Aix ,  manuscrit 

ladite  note ,  le  nom  de  Gautier  Schouten  par  inédit  appartenant  au  comte  de  Montrabon , 

relui  (le  Guillaume  Schouten.  et  dont  la  publiciition ,  que  l'abbé  Edouard 

u.  85 


678  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633] 

de  le  vous  envoyer  au  prochain  ordinaire,  s'il  n'est  faict  à  temps  pour 
celuy  cy  '. 


GXLIX 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DU  PU  Y, 

À  PARIS. 

Monsieur, 

Vous  m'avez  osté  d'une  grande  peine  par  vostre  despesche  du  1 6 

d'appréhension  que  vous  ne  vous  tinsiez  trop  fortement  aux  termes 

d'honnesteté  de  la  précédante.  Et  ne  voys  pas  que  M'  Gras  mon  cousin 

puisse  prétendre  aulcun  subject  de  se  plaindre  de  vous,  nom  plus  que 


Méchin  nous  prépare,  sera  un  précieux  ser- 
vice rendu  h  l'histoire  de  l'enseigfnement  en 
Provence  : 

rrSur  le  commencement  de  cette  année 
(i63i)  fut  imprimé  le  Panegirique  de  Louis 
Troiziesme  touchant  la  prinse  de  Nancy,  que 
Mons'  le  maivjuis  de  Vitry,  escolier  de  rhé- 
torique, avoit  récité  en  l'égUse  de  céans,  sur 
le  mitan  du  mois  de  décembre  de  l'armée 
passée.  Mons'  le  Gouverneur  son  père  avoit 
ainsy  voulu  qu'il  feut  imprimé,  quoyque 
céans  on  y  eust  quelque  diflïculté  pour  di- 
verses raisons,  et  entre  autres  de  peur  que 
cesle  impression  n'offenceast  la  maison  de 
Lorraine.  Lcdict  panegirique,  recité  et  im- 
primé en  latin ,  feut  traduict  et  imprimé  encor 
en  françois  ;  et  du  despuis  envoyé  de  tous 
costés  par  Mons'  le  Gouverneur.  Le  P.  Rec- 
teur mesme  en  envoya  à  Rome,  où  l'on  avoit 
faict  de  pleintes  à  nostre  P.  General  touchant 
ladicte  impression,  comme  ayant  esté  faicle 
sans  le  congé  du  R.  P.  Provincial.  Mais  ré- 
ponse feut  tosi  donnée,  que  la  volonté  de 
Mons'  le  Gouverneur  ayant  esté  telle,  on  ne 
pouvoit  faire  autrement  que  le  laisser  faire. 


autrement  on  l'eust  offensé  h  outrence.  D'ail- 
lieurs,  il  n'y  avoit  rien  dans  ledit  panegi- 
ri(jue  qui  peust  offenser  la  maison  de  Lor- 
raine, ainsy  que  le  tesmoigna  mesme  le 
R.  P.  Estienne  Charles ,  lors  assistant  à  Rome 
pour  la  France,  par  une  letti-e  sur  ce  sub- 
ject, qu'il  en  escrivit  au  P.  Recteur.» 

Les  deux  éditions  du  Panégyrique  sont 
également  rarissimes.  Je  ne  connais  à  Aix 
aucun  exemplaire  de  la  traduction  française. 
Quant  à  l'édition  princeps,  l'exemplaire 
qu'en  possède  la  Méjanes  est  le  seul  que  j'aie 
pu  rencontrer.  En  voici  le  titre  et  la  descrip- 
tion, empruntés  à  une  note  du  très  obligeant 
bibliothécaire  adjoint,  M.  F.  Vidal  : 

rrBibl.  Méjanes,  aSSya;  au  dos:  Recueil 
de  diverses  pièces  (  a5  )  :  Ludovici  Justi ,  Régis 
Christianissimi ,  Nancœi  expngnaloris ,  Pane- 
gtjriciis  hahitus  a  Francisco  de  l'Hospilal, 
marchionede  Vitry,  Suadœ  alumno ,  anno  œlcUis 
duodecimo,  in  œde  Collegii  Régit  Rorbonii 
Aqueiuiis  Societatis  Jesu,  die  16  decemhris, 
anno  1 633.  —  Aquis  Sextiis,  apud  S.  David, 
t63i.  (90  p.  in-4°).  1 

'  Vol.  717,  fol.  3i4. 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  675 

de  droict  sur  la  piesse,  puis  qu'elle  vous  est  si  bien  acquise  et  à  si  juste 
tiltre,  et  que  vous  l'aviez  méritée  et  au  centuple  si  longtemps  aupara- 
vant. Ne  doublant  pas  que  vous  ne  soyez  marry  que  le  sort  soit  tombé 
sur  luy  plus  tost  que  sur  un  aultre,  puisqu'il  vous  jette  en  un  si  estrange 
pais.  Mais  aprez  cela  il  auroit  tort  de  prétendre  aultre  chose  de  vous 
s'il  ne  se  met  en  son  debvoir  et  en  estât  de  se  pouvoir  faire  entendre 
et  escoutter  s'il  a  aulcun  raisonable  party  à  proposer.  Pour  ce  qui  est 
du  litige,  et  des  fidèles  instructions  de  la  valeur  de  la  pièce,  vous 
pourrez  voir  la  lettre  que  je  luy  en  escripts,  et  la  luy  faire  rendre  par 
M'  Gailhard  ou  par  quelqu'un  des  vostres  s'il  n'est  desja  party  |)Our 
s'en  revenir.  Vous  advoûant  ingeniiement  que  ce  pais  là  est  si  eslogné 
de  tout  mon  petit  commerce,  quoy  que  j'en  aye  eu  quelque  peu  pai' 
delà  du  costé  de  Bordeaux,  que  je  me  trouveray  bien  empesché  à 
vous  en  rien  promettre  qui  vaille,  si  ce  pauvre  homme  ne  se  desabuse 
et  ne  se  resoult  de  vous  y  servir  comme  il  doibt  de  tout  son  pouvoir, 
et  avec  toute  sorte  de  confiance  et  de  fidélité.  Nous  avons  bien  icy 
quelques  procez  evocquez  du  pais  de  Rouergues,  où  M'  l'Evesque  de 
Rhodez'  et  Mess"  de  son  chappitre  sont  parties  intervenantes  avec 
beaucoup  d'aultres.  Mais  les  parties  ne  sont  poinct  encor  icy,  et 
n'estime  pas  qu'ils  se  hastent  de  venir  qu'ils  ne  voyent  r'approcher 
Monsieur  nostre  Premier  Présidant,  de  sorte  que  le  secours  de  ce  costé 
là  n'est  pas  besoigne  si  preste,  quoy  que  j'estime  que  diflicilement  se 
pourra  t'il  faire  que  les  uns  ou  les  aultres  ne  puissent  avoir  des  amys 
sur  les  lieux  cappables  d'en  donner  de  bonnes  instructions.  Mais  il  y 
auroit  trop  de  temps  à  attendre  et  à  perdre,  à  mon  gré.  Et  fauldra 
voir  si  du  costé  de  Thoulouse  il  ne  se  pourroit  poinct  practiquer 
d'aultres  habitudes  plus  presantes,  au  cas  que  M'  Gras  ne  se  range 
à  son  debvoir.  A  quoy  je  pense  qu'il  pensera;  mais  comme  il  est 
malaisé  de  penser  un  blessé  ne  de  manier  sa  playe  sans  douleur,  il  ne 
fault  pas  trouver  estrange  s'il  s'y  trouvoit  quelque  répugnance  ou 
sentiment  à  l'abbord  et  fault  en  laisser  faire  une  partie  au  temps,  el 


'  Bernard  de  Comeillan ,  déjà  raeulioDaé  plus  haut. 

85. 


676  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

le  laisser  dormir  dessus  et  ronger  son  frain,  car  je  n'estime  pas  qu'il 
n'y  revienne  eniin  com'  il  doibt.  Si  vous  jugez  que  je  puisse  ou 
doibve  faire  aultre  chose,  vous  n'avez  qu'à  commander  absolument  et 
attendre  de  mon  obéissance  tout  ce  que  pourra  fournir  ma  foiblesse 
avec  tout  le  supplément  de  bonne  volonté  qui  y  pourra  escheoir. 
Cependant  il  me  debvra  bien  estre  permis  de  me  conjouyr  avec  vous 
de  ce  que  cette  pièce  debvant  sortir  des  mains  d'un  mien  parant  ne 
pouvoit  tomber  en  meilleures  que  les  vostres,  ne  plus  compatibles  à 
mes  souhaicts  et  à  mes  interests.  Vous  suppliant  trez  humblement  de 
croire,  et  sans  cajollerie,  que  les  miens  propres  ne  me  sont  poinct  plus 
chers  que  les  vostres,  et  que  quand  il  sera  question  de  travailler  à 
Rome  pour  cette  commande  je  m'y  employeray  de  meilleur  coeur  (si 
m'y  jugez  cappable)  que  si  c'estoit  pour  moy  mesmes.  Il  ne  fauldra  que 
commander  combien  que  je  ne  l'estime  pas  nécessaire  si  cez  cardinaux 
tant  de  la  Valette  que  Bischi  '  s'en  veullent  mesler,  au  moindre  mot 
desquels  vostre  affaire  passera  sans  contredict.  Principalement  si  vous 
ne  vous  aheurtez  pas  tant  au  Gratis  qui  seul  pourroit  y  apporter  du 
retardement,  et  plus  de  façon  que  si  c'estoit  chose  grandement  impor- 
tante. Auquel  cas  je  vous  conseille  d'y  faire  intervenir  une  petite  lettre 
de  cachet,  de  celles  qu'on  appelle  de  la  main  du  Roy  à  Sa  Sainteté  et 
s'il  est  possible  au  cardinal  Barberin  comme  vice  chancellier,  car  cez 
petits  honneurs  font  passer  aulcunes  foys  ce  monde  là  par  des  lieux 
qu'on  ne  s'oseroit  promettre,  et  comm'  on  dict  par  le  trou  d'une 
esguille*.  Principalement  si  M' de  Nouailles,  s'en  allant  de  par  delà^, 
avoit  à  mettre  entre  ses  premières  suppliques  et  demandes  celle  la  bien 
qu'hors  des  termes  de  ses  instructions  et  affaires  d'Estat.  Cela  vous 
servira  d'advis,  si  le  trouvez  bon,  et  je  demeureray, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obeyssant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  a6  décembre  i633. 

'  Peiresc  a ,  par  inadvertance ,  écrit  Biaiii.        n'indique  aucun  écrivain  qui  s'en  soit  servi. 
'  Littré,  qui  cite  l'expression  proverbiale,  '  Le  comte  François  de  Noailles  allait 


[1633]  AUX  FRÈRES  DUPUY.  677 

J'ay  envoyé  vostre  lettre  à  M""  le  Sacristain  '  à  temps  pour  vous  res- 
pondre  par  cet  ordinaire. 

11  s'est  rencontré  des  navires  à  faire  voille  par  ensemble  ou  par  con- 
serve, comme  ils  disent*,  pour  aller  en  divers  ports  et  havres  du 
Levant  oi!i  il  m'a  fallu  escrire,  ce  qui  m'a  consumé  le  temps  que  je 
pensoys  employer  à  escrire  à  M'  Rigault  et  à  cez  aultres  Messieurs 
auxquels  je  vous  supplie  de  faire  mes  excuses  et  particulièrement  à 
M'  L'Huillier.  Cependant  je  vous  doibs  accuser  la  réception  de  deux 
fagots  par  Messieurs  les  Moreaulx,  l'un  du  tome  de  M'  de  Thou,  l'aultre 
des  livres  de  la  foire  dont  je  vous  envoyé  le  bordereau  avec  mille 
remerciments  trez  humbles,  et  à  M'  L'Huillier  de  celuy  des  Tables  de 
Lansbergius  qu'il  y  a  voulu  mettre  sur  son  compte,  ayant  ja  faict 
tenir  ce  matin  à  M'  Gassendy  les  3  pièces  qu'il  m'a  ordonnées'. 


prendre  possession  de  son  ambassade  de 
Rome. 

'  Le  sacristain  de  Valbelie,  dëjà  tant  de 
fois  mentionné. 

*  L'expression  était  déjà  usitée  au 
xvi'  siècle.  Rabelais  a  dit:  iren  conserve  de 


trirèmes,  de  ramberges. . .  »  ,4myol,  à  son 
tour,  a  ainsi  traduit  une  phrase  du  Timoléon 
de  Plular(|ue  :  n  allèrent  tous  ensemble  de 
conserve  prendre  terre .  .  .  i 
'  Vol.  717,  foi.  3i6. 


APPENDICE. 


PREMIÈRE  PARTIE. 


LETTRE  DE  PEIRESC  À  CHRISTOPHE  DUPIJY. 

Monsieur  mon  R.  P., 
La  perte  a  esté  si  grande  en  la  personne  de  feu  M'  Aleandro  et  pour  le  pu- 
blic et  pour  ses  amys,  que  je  ne  m'estonne  nullement  qu'elle  ne  vous  ayt  laissé 
(lu  regret  au  cœur  encores  plus  que  vous  ne  dites,  ayant  la  part  que  vous  aviei 
en  ses  bonnes  grâces,  et  cognoissant  comme  vous  faisiez  l'eminence  de  sa  vertu, 
et  rareté  de  son  érudition ,  avec  la  bonté  de  son  naturel  et  surabondance  de 
son  honnesteté,  qui  luy  avoit  acquis  tant  d'amys,  d'honneur  et  de  réputation 
dans  le  mondée  Et  croys  bien  que  l'une  des  plus  grandes  consolations  que 
vous  puissiez  avoir  en  une  telle  occurrence,  fut  de  pouvoir  joindre  vos  premières 
larmes  et  condoléances  avec  celles  de  M'  de  Bonnaire,  qui  ne  l'aymoit  pas 
moins  tendrement  que  vous^.  Car  ce  sont  de  ces  pertes  qui  ne  sont  pas  répa- 
rables. N'y  ayant  personne  de jna  cognoissance  parmi  ceux  de  cette  nation ,  qui 
puisse  faire  ce  qu'il  eust  faict ,  ne  de  qui  on  se  puisse  promettre  ce  qu'on  pou- 
voit  hardiment  promettre  de  luy  et  de  sa  franchise  et  sincérité.  Les  siècles  n'en 
produisent  pas  tant  à  la  foys.  Et  Dieu  sçait  quand  il  en  naistra  un  aultre,  qui 
puisse  estre  comparable  h  luy  au  moings  en  quelque  chose.  Et  loiisjours  pou- 
vons-nous bien  nous  assurer  que  difficilement  aurons-nous  jamais  le  bien  de 
le  voir,  au  moings,  d'en  pouvoir  jouyr,  quand  bien  Dieu  en  auroit  déjà  faict 
naistre  quelque  aultre,  attendu  que  nous  ne  pouvons  espérer  d'y  acquérir  des 

'  De    ce    bel    clogo    on    pourra    rapprocher  volumes    de    la     correspondance     d""     Peirew. 
un    autre    éloge    d'Aleandro,    consigné    dans  '  Le  beau-frère,  déjà  souvent  mentionné,  du 

une  lettre  écrite   le  mémo  jour  à  Holslonius,  poète  Barclay. 
lettre    qui     fera    partie    d'un     des    prochains 


680  APPENDICE.  [1629] 

habitudes  telles  que  nous  avions  avec  luy  depuis  une  trentaine  d'années'.  La 
plus  grande  consolation  que  je  me  puisse  figurer  est  en  ce  que  je  recognois 
que  pour  mon  regard,  je  n'estois  pas  digne  de  jouyr  d'une  telle  amitié  et  cor- 
respondance que  la  sienne.  Et  possible  que  le  siècle  ne  le  meritoit  gueres  non 
plus,  veu  qu'il  a  «i  mal  recogneu  sa  vertu  et  sa  suffisance;  c'est  pourquoy  ce 
n'est  pas  à  tort  que  Dieu  le  nous  a  osté,  eu  esgard  à  nous;  il  fault  vouloir  ce 
qu'il  luy  plail  veuillions-nous  ou  non,  et  luy  laisser  disposer  de  nous  et  des 
nostres  à  son  bon  plaisir  et  volonté ,  sans  en  murmurer,  afin  que  souffrant  avec 
patience  telles  mortifications,  nous  appaisions  son  ire  et  la  destournions  de 
dessus  nous,  et  de  dessus  les  aultres  amys  qu'il  nous  laisse,  et  qu'il  les  nous 
conserve  tant  plus  longuement.  C'est  à  quoy  aboutissent  maintenant  mes 
vœux,  et  particulièrement  à  ce  que  Dieu  vous  préserve  et  M''  de  Bonnaire,  plus 
quemoy-mesmes,  ensemble  M'  Holstenius  que  je  ne  puis  assez  plaindre  et  dé- 
plorer en  telle  perte  pour  les  intérêts  particuliers  qu'il  y  avoit.  Et  vous  supplie 
et  conjure  de  tout  mon  cœur  de  prévenir  en  son  endroict  toute  sorte  d'offices 
de  charité  Chrestienne  sur  cette  occurrance,  et  lascher  de  vous  rendre  média- 
teur envers  ces  Mess"  de  vostre  cognoissance  en  cette  Cour  là,  pour  luy  pro- 
curer la  subrogation  de  quelque  fidèle  amy  au  lieu  du  pauvre  deffunct.  Et 
puisque  M'  Aubery^  se  retire  en  France,  moyenner  un  peu  d'amitié  plus 
etroicte  que  devant  entre  M'  de  Bonnaire  et  luy,  afin  de  trouver  quelqu'un  en 
qui  il  puisse  se  confier,  aux  occasions  qui  se  peuvent  présenter,  et  de  qui  il  se 
puisse  promettre  quelque  bonne  adsistance.  En  quoy  vous  ferez,  je  m'assure,  " 
plaisir  aud[ict]  s[ieur]  de  Bonnaire,  et  obligerez  grandement  non  seulement 
led.  s'^  Holstenius,  qui  le  mérite  assez,  mais  encores  moy-mesmes,  qui  rece- 
vray  comme  si  c'estoit  en  ma  propre  personne  toutes  les  faveurs,  caresses  et 
bons  offices  qu'il  recevra  de  vous  et  dud[ict]  s[ieur]  de  Bonnaire. 

Le  s'  Doni  est  certainement  trez  galant  Gentilhomme,  et  qui  respondra,  je 
m'assure,  en  quelque  chose  à  ce  que  nous  desirons.  Je  suis  bien  aise  qu'il  ayt 
esté  employé  plus  tost  qu'un  aultre  de  la  nation  en  la  charge  du  deffunct'.  Mais 
entre  vous  et  moy,  je  crois  bien  que  M"  Holstenius  y  auroil  bien  autrement 
paru.  Ces  Mess"  ont  des  considérations  humaines,  dont  il  n'est  pas  loisible  de 

'  Cela  fait  remonter   les   relations  des  deux  nominare  primtim  debiii,  Hieronymo  Aleandre 

érudits  jusqu'à  l'année  1600,  époque  du  séjour  juniore,  vcro  Musarum  delicio.» 

de  Peiresc  à  Rome.  Nous  savions  déjà  par  Gas-  '  Sur  Louis  d'Aubery,  voir  t.  I,  p.  33a. 

sendi  (livre  I,  p.  Ù6)  que,  dès  1600,  Aleandro  '  On  sait  qn'Aleandro  était  secrétaire  du  car- 

étaitundesmeilleureamisduvoyageur:t:...quem  dinal  Fr.  Barberiii, 


[1629]  APPENDICE.  681 

discourir,  tant  s'en  faull  qu'on  y  puisse  trouver  à  redire.  El  pour  led[ict]  8[ieur] 
Holsteniiis,  j'estime  qu'il  est  beaucoup  meilleur  pour  le  public  et  pour  son  par- 
ticulier contentement  qu'il  demeure  en  liberté  de  ce  costë  là,  non  que  je  pense 
que  cette  charge  luy  eust  peu  apporter  de  divertissement  considérable,  à  ne 
considérer  que  la  simple  fonction  d'icelle,  qu'il  auroit  faicte  en  se  jouant,  mais 
à  cause  delà  subjection,  et  perte  de  temps  qu'elle  traisne  quasi  inévitablement, 
ayant  à  respondre  à  des  personnes  de  cette  condition  là. 

Vostre  lettre  m'a  grandement  resjoui  sur  la  fin,  avec  les  bonnes  nouvelles 
de  M'  de  Thou,  qui  nous  ont  este  confirmées  par  les  lettres  d'Alexandrie  du 
9  5  feb[vrier],  estimant  qu'il  ne  soit  pas  meshuy  loing  de  Rome,  s'il  n'y  est 
desja.  Nous  l'attendrons  en  bonne  dévotion  avec  M'  Aubery.  Et  ce  ne  sera  pas 
sans  nous  souvenir  de  vous  Dieu  aydant,  et  de  nos  aultres  bons  seigneurs  et 
amys  de  par  do  là.  Il  me  tardera  d'avoir  ce  bien  et  d'avoir  quelque  bon  moyen 
de  vous  servir  un  jour  comme. 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 

D'Aix,  ce  27  avril  1639. 

Je  vous  remercie  trez  humblement  de  l'inscription  TRITVRIS  que  M*'  le 
Gard*'  m'a  faict  envoyer  en  mesme  temps  que  le  s'  Suarez,  à  qui  j'en  escripts 
un  peu  pliis  au  long  mon  sentiment.  Et  vouidrois  croire  que  ce  fust  le  nom  ou 
le  soubriqiiet  sous  lequel  se  faisoit  designer  le  sculpteur  qui  pouvoit  avoir  tra- 
vaillé à  la  statue  mise  sur  cette  base,  si  ce  n'est  que  ce  fust  la  jiatrie  ou  origine 
de  ce  Magistrat  M.  NVMMIVS,  ce  qui  avoit  de  besoing  d'un  peu  de  disquisition 
plus  exacte  que  je  n'en  ay  maintenant  du  loisir,  et  que  M' Holstenius  la  voulust 
examiner  luy-mesmes,  ensemble  les  autres  pareilles  dans  Grutlerus.  où  se 
voyent  non  seulement  de  semblables  noms  gentils ,  PODULONII ,  PHOSPHORII , 
LEVCADIl,  PELACINII,  AEGIPPI,  ASTERII,  DRAGONTH,  HONORH,  mais 
aussi  certaines  répétitions  de  noms  propres,  de  ceux  mesmes  à  l'honneur  des- 
quels elles  estoient  faictes'. 

'  Copie  tirée  de  la  bibliothèque  Barberiai  et  communiquëe  par  M.  Eugène  Munti,  ancien  membn^ 
de  l'École  française  de  Rome,  conservateur  des  archives  et  de  la  bibliothèque  de  l'École  nationale  des 
beaux-aris. 


8«" 


682  APPENDICE.  [1629] 

SECONDE  PARTIE. 


LETTRES  DES  FRÈRES  DUPUY. 


I 
LETTRE  DE  JACQUES  DUPUY 

««À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DE  PEIRESC,  CONSEIlLER  DU  BOY 
EN  SA  COUR  DE  PARLEMENT  DE  PROVENCE,  À  AIX». 

Monsieur, 
Il  me  semble  que  nous  tardons  bien  cette  fois  à  recevoir  de  vos  lettres,  les 
dernières  estant  du  xi  du  passé.  Je  m'en  estonne  veu  que  vostre  province  sait 
produire  maintenant  quantité  de  nouvelles  et  d'importance  à  cause  de  l'arme- 
ment qui  se  fait  que  l'on  nous  asseure  estre  pressé  pour  faire  impression  dans 
ce  Montferrat.  Nous  n'avons  encore  rien  de  certain  du  passage  du  Roi  de  là  les 
monts,  les  derniers  advis  estoieat  d'Ambrun  du  27  du  passé',  dont  il  faisoit 
estât  de  partir  de  là  le  lendemain  et  estre  le  3°  du  courant  dans  le  Piedmont, 
ayant  au  paravant  envoie  deux  coquins^  (il  nomme  ainsi  dans  sa  lettre  à  la 
Reine  Mère  les  Mareschaux  de  Crequi  et  de  Bassompierre^)  pour  s'asseurer 
des  passages.  Le  bruict  le  plus  constant  est  que  nostre  avant-garde  composée 
de  dix  mil  hommes  de  pieds  et  de  quinze  cens  chevaux  est  maintenant  passée, 
mais  cela  n'est  que  par  conjecture.  Il  y  a  maintenant  ici  une  affaire  sur  le  tapis 
qui  fera  bien  des  intrigues  et  brouillera  grandement  le  cabinet,  et  Dieu  veuille 
que  cela  n'aille  plus  avant.  Je  vous  mandois  par  mes  dernières  comme  Monsieur 
estoit  rebroussé  tout  brusquement  vers  ces  quartiers  sans  avoir  veu  le  Roi ,  avec 

'  Louis  XIII  était  arrivé  à  Embran  le  lundi  '  Bassompieire  ne  mentionne  pas  l'aimable  et 

26  mars  1699;  il  y  tint  un  conseil  auquel  assista  familière  injure  qui  lui  fut  appliquée  par  le  roi, 

le  cardinal  de  Richelieu  et  où,  dit  Bassompierre  en  un  moment  de  gaieté.  Il  nous  apprend  que,  le 

(MAnoires,  t.  IV,  p.  65),  trse  résolut  que  M'  de  27  février,  itmardy  jour  de  caresme  prenant, s  il 

Creqny  et  moy  nous  irons  saysir  des  passages  du  partit  d'Embrun  avec  le  cardinal  et  le  maréchal 

Piémont».  de  Créqui  et  que,  le  jour  des  cendres,  a8,  il 

'  C'est-à-dire  deux  vaillants,  deux  déterminés  gravit  le  mont  Genèvre. 
apitaines. 


[1639]  APPENDICE.  68S 

intention,  disoit-on,  d'empescter  le  parlement  de  la  PrineesM  Marie'  qui  es- 
toit  assifjnë  au  i  a  de  ce  mois,  y  ayant  gentilhomme  envoie  eipi4s  par  M' de  Man- 
tone  pour  la  conduire.  La  Uoine  Mère,  craignant  c|ue  mou  dit  sieur  ne  la  fist 
enlever  par  les  chemins,  et  qu'il  ne  l'epousast  par  force  et  contre  le  consente- 
ment d'elle  qui  deaire  l'alliance  de  Florence,  feit  tenir  samedi  lo  un  conseil 
au  Louvre  on  estoient  M"  le  Cardinal  de  BeruUe,  le  surintendant,  Marillac,  le 
maistre  de  cam|),  et  fut  résolu  d'envoier  quérir  à  Colommiers'^  (Maison  de 
Madame  de  Longueville  la  douaricre)la  dite  princesse  et  l'emmener  au  Louvre; 
et  un  nommcî  Quensac,  fort  déterminé  et  qui  est  employé  en  la  marine  par 
M' le  Cardinal*,  eust  charge  de  faire  cette  conduite  avec  tout  ce  que  l'on  peut 
ramasser  de  cavaliers  volontaires  en  cette  ville,  qui  [)ouvoit  monter  à  cent  che- 
vaux, et  la  l^oyne  Mère  bailla  ses  carosses  pour  faire  la  plus  grande  diligence 
qu'il  se  pouvoit.  ToHt  cet  equippage  partit  à  minuit  du  samedi  au  dintaoche, 
et  estant  arrivez  à  Coiommiers  sur  les  8  heures ,  Quensac  feit  entendre  à  la 
princesse  ces  ordres  qu'il  avoit  de  la  Royne  Mère  qui  estoient  que  sa  Majesté 
desiroit  parler  à  elle  auparavant  son  parlement  et  pour  ce  subject  lui  avoit 
fait  préparer  son  logement  au  Louvre.  La  princesse  respondit  qu'elle  esloil 
toute  preste  d'obéir  et  n'avoit  autre  volonté  que  la  sienne,  de  sorte  qu'elle  partit 
incontinent  cstre  habillée,  auivie  et  environnée  de  toute  cette  cavalerie  qui  ne 
trouva  aucune  rencontre  par  le  chemin;  et  estant  passés  au  delà  du  bois  de 
Vincennes  environ  un  quart  de  lieûe,  un  exempt  vint  apporter  un  nouveau 
commandement  à  Quensac  qui  est  que  pour  certaines  considérations  la  Roine 
Mère  avoit  changé  d'advis  et  lui  commandoit  de  mener  la  dite  Princesse  au  Bois 
de  Vincennes  et  la  loger  dans  l'appartement  du  Roi.  Quensac  feit  entendre  ce 
nouvel  ordre  à  la  Princesse  qui  lui  fict  response  qu'elle  obeiroit  à  tout  ce  que 
la  Royne  Mère  desireroit,  et  ainsi  fut  conduite  au  dict  bois  de  Vincennes  où 
Madame  de  Longueville  sa  tante  lui  tient  compagnie,  et  dit-on  que  dans  3  ou 
Il  jours  la  Roine  Mère  Tira  visiter  et  l'emmènera  avec  elle  au  Louvre.  La  dite 
princesse,  Quensac  prenant  congé  d'elle,  le  pria  de  dire  à  la  Roine  Mère 
qu'elle  lui  fist  entendre  ce  qu'elle  desiroit  qu'elle  escrivit  à  son  |)ere ,  parce  qu'elle 
avoit  ordre  de  lui  de  partir  le  i  a  et  qu'elle  ne  voioil  que  les  choses  se  dispo- 


'  Marie-Louise  de  Gonia({U6-Clè»e« ,  fille  du 
duc  de  Maiitoue. 

*  Gaulominiere,  Seine-et-Marne,  à  47  kilo- 
mètres de  Mfliuii.  Voir  le  récit  de  l'am-stalion  de 
la  princesse  Marie  dans  les  Uénuitrt»  de  BaMom- 
pierre  (t.  IV,  p.  35). 


'  Quensac  n'est  pas  raenlioaaé  «M  seule  fois 
dans  les  huit  volumes  du  RtemS  À»tm$L  Je  ne 
retrouve  son  nom  daus  lutuB  das  recueils  le- 
lalib  au  rèfpie  de  Louis  XIU  que  j'ai  sooi  la 
main. 

86. 


68à  APPENDICE.  [1629] 

sassent  à  exécuter  ce  commandement.  M'  de  Marillac  a  fait  un  voiage  vers  Mon- 
sieur qui  est  à  Montargis^  pour  i'advertir  de  ce  procéder,  et  est,  dit  on,  re- 
tourné et  après  avoir  esté  tenu  conseil  chez  la  Royne  Mère  est  encores  reparti. 
Plusieurs  jugent  que  M"  de  Bellegarde  et  le  Cogneux''  sont  bien  embarrassés 
et  auront  bien  de  la  peine  à  dévider  cette  fusée,  et  principalement  ce  dernier 
auquel  la  Royne  Mère  ne  veult  pas  de  bien  et  qu'elle  croit  pouvoir  plus  que 
personne  sur  l'esprit  de  son  fils.  Il  y  a  commandement  à  la  poste  de  ne  bailler 
aucuns  chevaux  jusques  à  ce  que  la  Royne  Mère  eust  depesché  son  courrier 
vers  le  Roy.  Voila  l'affaire  qui  entretient  maintenant  nostre  «ourt  et  toutes  les 
compagnies.  Dieu  veuille  que  tout  reucisse  au  bien  de  l'Estat  et  au  contente- 
ment de  ceux  qui  y  ont  le  principal  interest. 

L'on  parle  maintenant  avec  incertitude  de  la  surprise  d'Orange  quoy  que 
plusieurs  croient  que  le  Gouverneur  soit  d'accord  avec  le  Roy,  mais  qu'il  ne  se 
veult  encore  déclarer''.  Je  vous  envoie  copie  d'une  lettre  qui  mérite  d'estre 
gardée  pour  cette  histoire  et  semble  qu'il  prépare  des  excuses  pour  prétexter  la 
défection.  J'y  ai  joint  l'arrest  donné  par  M'  le  Garde  des  Seaux*  touchant 
l'ordre  des  Finances.  Il  s'est  réimprimé  ici  depuis  peu  les  arrests  en  Robe  rouge 
colligés  par  M"^  Bouguier  conseiller,  qui  est  une  collection  dont  on  fait  cas;  je 
vous  en  ay  pris  un  exemplaire.  Il  y  a  au  devant  un  poème  de  M'  Borbonius* 
fort  beau ,  où  il  parle  de  la  prise  de  la  Rochelle  et  des  Anglois  *'.  C'est  en  la 


'  Chef-lieu  d'arrondissement  du  Loiret,  à 
69  kilomètres  d'Orléans. 

^  Grands  amis,  comme  on  sait,  du  frère  de 
Louis  XIIL 

'  Voir,  au  sujet  de  cet  incident  de  Phistoire 
d'Orange  et  au  sujet  du  gouverneur  de  cette 
ville,  le  sieur  de  Valkembourg,  une  note  du  fasci- 
cule VIII  des  Correspondants  de  Peiresc  (Le  car- 
dinal Bichi,  évéqne  de  Carpenlras,  i88.ï,  p.  38). 
Conférez  le  tome  I  des  Lettres  de  Peiresc  aux 
frères  Dupuy,  p.  890.  J'ajoute  à  ces  indica- 
tions cette  citation  de  l'^lrt  de  vérifier  tes  dates 
{Chronologie  historique  des  comtes  de  Hollande, 
I.  XIV,  1819,  p.  478)  :  ttMaurice  de  Nassau, 
successeur  de  Philippe-Guillaume,  son  frère, 
dans  ses  droits  sur  la  principauté  d'Orange, 
avait  donné,  l'an  1619,  le  gouvernement 
de  ce  pays  au  prince  Emmanuel  de  Portu- 
gal, avec   charge  d'y   établir,    pour  comman- 


dant des  troupes,  Jean  de  Hertoge,  sieur  de 
Valkembourg.  Emmanuel  ayant  été  rappelé 
l'an  i6a3,  ce  capitaine  prit  le  gouvernement 
d'Oiange.  Mais  bientôt  ses  ennemis  le  rendirent 
suspect.  On  l'accusa  de  traiter  avec  Riche- 
lieu de  la  souveraineté,  à  condition  de  rendre 
sa  place  héréditaire.  Sur  cette  accusation,  le 
prince  rappela  Valkembourg.  Celui-ci,  refu- 
sant de  donner  sa  démission,  se  fit  tuer  en 
se  défendant  contre  ceux  qui  avaient  l'ordre  de 
l'arrêter.  » 

*  MicM  de  Marillac. 

^  Nicolas  Bourbon ,  déjà  mentionné. 

•  Le  ftrt  beau  poème  du  futur  académicien 
n'est  mentionné  ni  dans  les  recueils  bibliogra- 
phiques (Lelong-Fontette,  Manuel  du  libraire. 
Catalogue  de  ta  Bibliothèque  nationale.  Essai 
de  bibliographie  oratorienne,  du  P.  Ingold,  Bi- 
bliographie Rochelaise,  de  Léopold  Délayant),  ni 


fl629] 


APPENDICE. 


«M 


façon  des  Sermoncs  de  M'  de  l'Hospital  '.  Je  suis  bien  marri  que  cette  pièce 
n'est  en  meilleur  endroit.  Je  tascherai  d'en  avoir  copie  destachée  du  livre,  car 
vous  seriez  bien  aise  de  la  (aire  passer  de  là  les  monts.  Un  de  nos  poètes  nao- 
dernes  dont  on  fait  grand  cas  en  court,  nommé  S' Amande  a  fait  imprimer  ses 
vers  in-li"  où  il  y  a  un  cahier  de  railleries  où  sont  force  bons  mots ,  et  un  peu 
de  sales,  que  l'on  ne  donne  pourtant  qu'aux  amis^.  J'en  ay  pris  un.  Le  1 9  tome 
du  Mercure  est  aussi  publié  où  il  y  a  plusieurs  bonnes  pièces  insérées.  Je  suis 
marri  qu'il  ne  se  présente  occasion  de  vous  faire  tenir  toutes  ces  pièces  dont  jf 
vous  envoie  le  catalogue  alfin  qu'au  moins  vous  voiez  en  quoi  s'emploie  vostre 
argent  et  me  mandiez  librement  en  quoi  j'excède  mon  pouvoir,  ne  voulant  rien 
faire  que  ce  que  me  prescrirez.  Les  finances  me  manquent,  y  a  desja  quelque 
temps,  mais  j'espère  qu'aurez  donné  ordre  au  recouvrement.  J'ai  parlé  ù 
M'  Lussou  touchant  le  Registre  (entre  deux  ais);  il  s'estonne  de  vostre  curio- 
sité qu'il  n'a  point  eue,  encore  qu'il  soit  du  mestier.  Il  dit  que  ce  livre  est  tenu 
fort  chèrement  et  ne  se  communique.  Il  croit  en  avoir  quelques  extraits  et  m'a 
promis  de  bailler  ce  qu'il  en  aura.  M'  Haultin  aussi  fera  le  mcsme,  mais  il  est 
lent  et  noslre  Quentin  nous  échappe  au  premier  jour.  Je  vous  baise  les  mains 
et  suis, 
Monsieur, 

vostre  très  humble  et  affectionné  serviteur, 
J.  DU  Pdy. 

De  Paris,  ce  13  mars  16-19. 

Les  Bonvisi  ont  fait  banqueroute  à  Lion  de  grandes  sommes*. 


dans  les  recueils  biographiques  (Moréri,  Mi- 
chaud,  Didot,  etc.),  ni  dans  une  élude  spéciale 
de  M.  R.  Kerviler  {La  Champagne  à  l'Académie 
Jraneaae.  Nicola»  Bourbon ,  élude  »ur  ta  vie  et  tet 
travaux,  Paris,  1878). 

'  Mich.  Hotpitalii  epitlolarum  et  $ermomim 
libri  VI  (editi  a  Guido  Fabro,  J.  Aug.  Thuano 
et  Scev.  Sammartano).  Paris,  cbet  Mamerl  Pâ- 
tisson, i585,  petit  in-fol. 


'  Marc-Antoine  de  Gérard,  sienr  de  Saint- 
Amand. 

'  Cette  première  partie  des  QEuvret  de  Saint- 
Amand  parut  à  Paris,  de  l'imprimerie  de  Rob. 
Estienne ,  pour  Fr.  Pomeray  et  Toussaint  Quinel, 
163g,  in-&°  de  l)  feuillets  préliminaires  et  de 
355  pages. 

*  Bibliothèque  nationale,  fonds  fnnfais, 
vol.  gitilt,  fol.  85.  Autographe. 


686  APPENDICE.  [1629] 


II 
LETTRE  I>E  JACQUES  DUPOY 

R  À  MONSIEUR  ,  MONSIEUR  DE  PEIRESC ,  CONSEILLER  DU  ROY 
EN  SA  COUR  DE  PARLEMENT  DE  PROVENCE,  i  AIX  ». 

Monsieur, 
Comme  j'estois  sur  le  point  de  vous  escrire  et  me  plaindre  du  peu  de  nou- 
velles que  recevons  de  vostre  part,  vostre  despescbe  du  second  de  ce  mois  m'a 
esté  rendue  fort  bien  conditionnée  avec  tous  les  pacquets  et  autres  imprimés 
qui  y  estoient  joints,  de  sorte  que  me  voila  payé  et  avec  usure,  vous  asseurant 
que  le  temps  le  mieux  passé  et  avec  plus  de  contentement  est  celui  que  nous 
emploions  à  la  lecture  de  vos  lettres  dont  les  plus  longues  sont  les  meilleures. 
M.  de  la  Motte  s'est  trouvé  à  l'ouverture  du  pacquet  et  luy  ay  délivré  celuy  de 
M'  Gassendi  dont  il  m'a  monstre  des  lettres  d'Aix  la  Chapelle  assez  fraisches, 
où  il  y  avoit  des  recommandations  pour  vous^  Je  suis  fort  aise  que  mes  pac- 
quets vous  ayent  esté  délivrez ,  en  estant  en  peine  et  de  sçavoir  d'où  pouvoit  pro- 
venir un  si  grand  retardement.  Il  y  a  si  peu  de  temps  entre  la  réception  de 
vostre  ditte  despesche  et  le  parlement  de  l'ordinaire  que  je  ne  pourrai  pas  sa- 
tisfaire à  la  plus  part  des  choses  que  desirez,  me  reservant  de  le  faire  par  le 
prochain,  auquel  je  ne  manquerai  de  vous  envoier  une  partie  des  livres  que 
me  demandez.  Si  vous  n'avez  fait  renouveler  les  ordres  du  costé  de  Marseille  à 
Mad"'  Lignage,  je  vous  prie  de  le  faire,  car  il  y  a  de  plus  de  trois  semaines 
que  l'argent  manque,  Quentin  ne  laissant  pour  cela  d'escrire,  et  M'  Haullin  doit 
mettre  son  registre  des  monoies  entre  les  mains  de  M' Rigault ,  de  sorte  que  ce  lui 
sera  encore  de  l'emploi  et  craignons  bien  que  son  maistre  ne  parte  auparavant. 
Devant  que  de  venir  aux  nouvelles  du  monde ,  je  respondrai  à  vostre  despescbe, 
et  commencerai  par  le  remerciment  des  vers  du  sieur  Remmius  ^  que  je  n'ay 
encore  en  loisir  de  veoir  ni  de  faire  veoîr  aux  amis.  Mon  frère  fera  ce  qu'il 
pourra  auprès  de  M'  de  Lomenie  pour  l'expédition  que  desirez  de  luy  pour  ce 
sieur  Nostradamus '.  Il  nous  a  communiqué  celle  que  luy  escrivez  des  nou- 

'  Gassendi  faisait  alors,  en   compagnie  de  '  Abraham  Ravaud,  dit  Remy,  déjà  souvent 

Luillier,  ce  voyage  dans  les  Pays-Bas  sur  lequel  mentionné. 

Bougerel  a  donné  tant  de  détails  (  Vie  de  Gai-  '  César  de  Nostredame. 
tendi,  p.  37-66). 


[1629]  APPENDICE.  NV 

velles  de  vostre  province  dont  on  est  ici  mal  informée,  sedisMit  scuiement  en 
gênerai  que  M''  de  Guise  est  eatr»'!  daas  le  Piodmont  sans  trouver  résistance. 
L'ordonnance  de  M' le  Garde  des  Seiiax  a  esté  ri'îimiirimëe ,  mais  sans  change- 
ments de  la  première  édition  ^uc  me  njarquez  [cjui]  n'ont  point  <'st(5  publiés. 
Ces  Messieurs  du  Parlement  se  sont  assemblez  rieux  ou  trois  fois  »nr  ce  sul^ 
et  n'ont  examiné  que  quatre  ou  cinqiavticlos,  de  sorte  que  s'ils  continuent  de  la 
façon ,  ils  en  auront  pour  dix  ans  encore.  J'ay  toujours  doubté  de  ta  vérité  de 
la  nouvelle  d'Orange  sur  ce  que  vous  ne  nous  en  mandiez  rien.  Mon  frère  a 
ce  mémoire  qu'en  avez  aultres  fois  fait  et  vous  en  fera  1res  volontiers  faire  une 
copie'.  Nous  avions  desja  seeu  ce  que  [>orte  l'extraict  de  lettres  touchant 
M'  de  Thou  et  pense  vous  l'avoir  mcndé,  mais  les  lettres  de  M'  Aubri  du  8  février 
révoquent  en  doute  cet  advis,  ce  qui  a  aussi  esté  confirmé  par  d'autres  lettre» 
de  niesme  datte ,  de  sorte  que  cela  nous  tient  en  flus{)ens  et  ne  sçavons  qu'en 
croire.  Pour  moy  je  trouve  le  temps  bien  court,  estant  parti  de  Sayette  lei  no- 
vembre i6a8  pour  aller  en  Jérusalem  ef  de  là  en  Egypte,  tfestre  de  retour 
au  commencement  de  janvier  à  Raguse'^,  d'où  l'advis  en  esloit  venu  à  Rome,  et 
M'  Lumague ,  dont  Poulailloii  est  gendre ,  n  dit  à  un  de  nos  amis  que  le  dit  sieur 
Poulaillon  estoit  à  Venise  et  y  avoit  plus  de  trois  mois  qu'il  n'avoit  esté  à  Ra- 
gusc.  Je  ne  sçai  commentaccorder  tout  cela.  Je  crois  facilement  la  mort  du  valet. 
Monsieur  de  Thou  par  ses  lettres  de  Sayette  mandant  le  piteax  estât  auquel  il 
estoit  languissant  de  fiebvreil  y  avoit  plus  de  trois  mois.  Le  sieur  Léger  (?),  com- 
pagnon de  voyage  de  M"^  le  Tanneur,  s'est  marié  à  ce  carnaval  dernier  h  la  fille 
d'un  procureur  nommé  Mangeot  qui  a  cinquante  mil  livres  de  bien.  Je  ne  l'ai 
veu  qu'une  lois  en  tout.  Si  par  rencontre  je  le  puis  veoir,  je  lui  parlerai  de  ce 
que  me  mandez  touchant  le  Roi  de  Perse  d'aujourd'hui.  Je  serois  bien  aise  de 
recouvrer  ce  livre  imprimé  à  Venise  de  Pietro  délia  Valle  dont  me  parlez.  O 
Tarich  Regum  Persiae  est  fort  estimé  et  est  traduit  sur  un  livre  en  langue  Ara- 
bique fort  authentique.  Il  se  peut  onvoier  par  paccpiets  et  k  deux  fois  pour  ne 
trop  charger  l'ordinaire,  (ie  livre  intitulé  Lingua  Samaritana  ne  se  trouve  plus 
et  croy  qu'il  n'y  en  avoit  que  /i  ou  5  exemplaires.  Il  ne  contient  que  deux  feuilles 
et  vous  le  pourrez  avoir  dans  ce  pacquet.  M'  Grolius  fera  ce  qu'il  pourra  pour 
promouvoir  l'édition  des  inscriptions ,  mais  on  n'a  dessein  que  de  l'Auctuarinm. 

'  Ce  mémoire  se  retrouve,  comme  je  roi  déji  de  piècp<i  rehlives  à  la  principtiilé  d'Onage. 
constaté,   dans   un   des  registres  de   la   collée-  '  En  Dalniatic,  sur  la  rive  orientale  de  TAdria- 

tion    l'eircsc,   à    la    hitiliothèqiic    de   Garpon-  tique,  à  3 5o  kilomètres  de  Zara. 
iras,  portant  le  numéro   LXXVIII,   et  rempli 


688  APPENDICE.  [1629] 

Je  luy  lirai  ce  que  m'en  escrivez,  et  si  M'  Doni  tient  parolle,  je  croi  que  cela 
réussira.  Je  vous  exhorte  de  tenir  prestes  vos  inscriptions  et  seroit  facile  de  vous 
les  faire  imprimer  séparément  des  autres.  Pour  M"^  de  Toulouse  ',  il  partit  d'ici 
le  i"de  ce  mois,  et  l'exemplaire  de  son  factum  donné  à  M'  Marchier  estoit 
j)our  vous  estre  délivré,  croiant  cette  voie  plus  seure  et  prompte,  et  nous  en  don- 
nant un  pour  nous,  prevoiant  bien  la  demande  que  je  lui  allois  faire  pour  vous, 
il  me  dit  qu'il  vous  en  avoit  envoie  un  exemplaire  par  mon  dit  sieur  Marchier 
qui  s'en  sera  voulu  approprier.  Il  l'a  tenu  secret,  craignant  que  ces  Messieurs 
des  Parlements  s'en  formalisassent,  encore  qu'il  soit  fort  dans  la  retenue  et  ne 
sextravague  point  de  son  fait.  Il  est  fort  bien  imprimé  et  mérite  d' estre  gardé. 
Je  m'informerai  touchant  ce  qui  se  pratique  ici  par  nos  prescheurs  en  présence 
de  l'Archevesque  de  leurs  sermons.  J'ai  ouï  dire  et  asseurer  que  l'Archevesque 
estant  présent  et  ne  se  trouvant  point  plus  grande  puissance  comme  du  Roi  ou 
des  Reines,  et  de  Monsieur,  l'on  adresse  la  parole  à  l'Archevesque.  Je  vous  re- 
mercie de  la  perquisition  qu'avez  faitte  pour  le  faict  de  ce  moine  qui  ne  pou- 
voit  parestre  plus  exacte.  Je  ferai  voir  vostre  lettre  à  celuy  qui  m'en  a  parlé  et 
vous  en  ferai  sçavoir  la  response.  Voila  pour  response  à  vostre  lettre,  me  reser- 
vant de  vous  envoler  par  le  premier  ordinaire  les  livrets  que  desirez.  Devant 
que  de  venir  au  public,  j'ai  à  vous  faire  souvenir  d'une  prière  que  vous  a  fait 
autres  fois  M.  Bergeron  et  dont  il  vous  a  escrit  sans  avoir  receu,  dit  il,  au- 
cune responce  ;  c'est  pour  les  volages  d'un  nommé  Le  Blanc  de  vos  quartiers^ 
sur  lequel  il  croit  qu'ayez  grand  pouvoir,  et  M' le  président  Lussou,  qui  affec- 
tionne fort  ce  dessein,  m'adict  en  riant  qu'il  avoit  l'extrait  du  registre  des  mo- 
noies  entre  deux  aix,  mais  qu'il  ne  s'en  desaisiroit  point  que  vous  ne  lui  eussiez 
fait  raison  de  ces  voiages  de  Le  Blanc.  Je  vous  supplie  de  mander  par  le  pre- 
mier à  quoy  cette  affaire  tient,  car  je  ne  doute  nullement  que  de  vostre  costé 
vous  n'y  ayez  apporté  toute  la  diligence  requise. 

Pour  ce  qui  est  des  nouvelles  de  l'armée,  encore  qu'en  soiez  plus  proche  que 
nous,  je  crois  neantmoins  que  les  courriers  en  sont  plus  tost  despeschez  de 
deçà;  c'est  pourquoy  je  vous  envoie  copie  de  deux  lettres  dont  la  première  est 
de  M'  Lucas,  et  l'autre  d'un  Gentilhomme  dont  je  ne  sçai  le  nom.  Il  y  a  eu 
quelque  advis  du  depuis,  que  M' de  Sennetaire,  estant  allé  trouver  le  Duc  de  la 
part  du  Roi,  estoit  entré  en  quelque  conférence  et  traicté  d'accommodement  et 
depuis  retourné  devers  le  Roi,  mais  je  n'en  ai  rien  veu  par  escript  de  bien  au- 

'  Cliaiies  de  Montchal.  —  *  Nous  avons  vu  que  Vincent  Leblanc  étail  né  à  Marseille. 


[1629]  APPENDICE.  689 

thentique.  On  adjouste  que  le  Hoi  doit  cstre  bien  losl  de  retour  à  Grenoble,  ce 
que  j'ay  peitu;  h  croire.  Pour  ce  qui  est  do  la  Princesse  Marie,  elle  est  toujours 
au  Bois  de  Vinccnnes  au  lofjemcnt  du  Roi  où  les  Princesses  ses  parentes  la 
visitent,  mais  fault  avoir  des  billets  de  la  lioine  Mère,  et  fait  on  démasquer  les 
femmes  de  leur  suitte  creinte  que  quelqu'un  y  entre  déguisé.  Monsieur  a  sup- 
porté cet  arrest  fort  impatiemment  et  a  dit  tout  ce  qu'un  homme  en  colère  et 
amoureux  peut  dire  :  il  a  mandé  tous  ses  domestiques  pour  l'aller  trouver  à 
Orléans  et  faisoit  estât  d'aller  à  Champifjny',  maison  de  sa  feue  femme  en 
Touraine.  Il  a  dit<pi'il  ne  verroit  la  Roine  sa  mère  qu'en  peinture.  Messieurs 
de  Beilegarde  et  le  président  le  Cogneux  sont  auprès  de  lui  pour  l'adoucir. 
11  avoit  envoie  visiter  sa  maistresse  par  un  nommé  Briançon*,  frère  du  comte  de 
Lude^,  mais  Lousteinau,  qui  commande  au  Bois  de  Vincennes,  lui  a  refusé 
de  parler  à  la  Princesse.  Madame  la  comtesse  de  Soissons  a  eu  de  rudes  propos 
avec  le  cardinal  de  Berulle,  que  l'on  tient  avoir  esté  un  des  principaux  aulhcurs 
de  ce  conseil*;  l'on  fait  mettre  des  barreaux  à  plusieurs  fenestres  du  logement 
de  la  Princesse,  crainte  de  quelque  enlèvement.  On  n'a  pas  encore  eu  advis 
de  la  cour  comme  cette  action  aura  esté  receûc;  je  ne  doubte  point  que  la  Roine 
Mcre  ne  soit  bien  advouéo,  car  s'agissant  de  son  fdz.  c'est  elle  qui  y  a  le  prin- 
cipal interest.  Je  vous  avois  envoie  cop[)ie  de  la  Jussion  envolée  au  Parlement 
sur  le  fait  de  M'  de  Vandosme;  mais  le  Procureur  gênerai,  prevoiant  le  reffâs 
qu'elle  trouveroit  de  la  compagnie,  ne  l'a  présentée,  et  a  fait  en  sorte  que 
sans  faire  mention  do  cette  dilTicullé  sur  la  nomination  des  commissaires,  ces 
Messieurs  nommés  tant  par  le  Roi  que  par  la  court  se  sont  transportés  au  Bois 
de  Vincennes,  où  Lousteinau  les  rcceutavec  toute  la  garnison  en  ordre  et  les  feit 
monter  en  la  chambre  du  Duc  qu'ils  trouvèrent  d'une  façon  fort  posée  et  sé- 
rieuse; ils  s'asseirent  à  l'entour  de  la  table,  dedans  des  chaises,  et  lui  se  mil 
au  bout  et  se  tenant  nue  teste  et  debout  ;  ils  le  feirent  asseoir  et,  le  Greffier 

'  Aujourd'hui  commune  dTndre-et-Loire,  ar-  comte  de  Nauteuil,  et  de  Jeanne  de  Chasteigner 

rondisscmeul  de  Chinon,  canton  de  Richelieu,  à  de  la  Rocheposay. 
55  kilomètres  de  Tours.  '  Timolcon  de  Daillon,  comte  de  Lude,  éUit 

*  Érasme,  comte  de  Brian^on,  mort  sans  pos-  le  fils  aine  de  François  de  Daillon. 
tenté  de  Marguerite  Hurault,   tille  de  Henri,  '  Connaissait-on  la  querelle  de  la  comteM*  de 

comte  de  Chivemi,  (gouverneur  du  pay^  Char-  Soissons  et  du  cardinal  de  BérulleT  Les  anecdo- 

Irain ,  était  le  troisième  fils  de  François  de  Daillon ,  tiques  réciU  de  Jacques  Dupuy,  dans  cette  lettre 

comte  de  Lude,  marquis  d'Illicrs,  seigneur  de  et  dans  la  précédente,  sont  pout-étro  ce  qui  a 

Pontgibaud  cl  de   Briançon ,  sénéchal  d'Anjou ,  été  écrit  de  plus  intéressant  sur  l'arrestation  de 

gouverneur  de  Gaston  de  France,  duc  d'Orléans,  Marie  de  Goniague  et  sur  les  suites  de  cetla 

et  de  Françoise  de  Schomherg,  fille  de  Gaspard,  arrestation, 

H.  87 


690  APPENDICE.  [1629] 

ayant  faict  lecture  tant  de  l'abolition  que  de  sa  confession  y  attachée,  ils  lui 
demandèrent  si  cette  pièce  estoit  de  lui  et  s'il  n'avoit  rien  à  y  adjouster  davan- 
tage. Il  leur  fit  response  que  non  et  qu'il  avoit  accusé  jusques  à  ses  pensées. 
Cela  fait,  ils  se  retirèrent  sans  parler  d'autre  chose.  L'on  croit  qu'il  sera  bientost 
mis  en  liberté,  la  Roine  Mère  en  ayant  dit  quelque  chose,  et  c'est  elle  mesme 
qu'a  fait  solliciter  ces  Messieurs  de  se  transporter  au  Bois  de  Vincennes  sans 
plus  user  de  remises.  Nous  avons  perdu  un  des  anciens  conseillers  d'Estat  qui 
est  le  bonhomme  M'  de  Chateauneuf.  M' l'Evesque  d'Orléans  son  fils  est  ici 
auquel  je  ferai  bailler  vostre  lettre.  Mon  frère  vous  baise  les  mains  comme  je 
fais  de  mon  costé,  vous  priant  de  croire  que  je  serai  à  jamais, 
Monsieur, 

vostre  très  humble  et  affectionné  serviteur, 

J.  DU  PuY 
A  Paris,  ce  ao  mars  1699. 

M' le  Grand ,  maistre  des  Requestes,  et  M'  d'Aubrai  partent  ce  jourdhui  pour 
aller  servir  leur  quartier.  Le  premier  fera  ce  qu'il  pourra  pour  donner  jusques 
en  vostre  province.  Il  est  de  mes  intimes  amis  et  fort  cogneu  de  M'  vostre 
frère. 

Le  sieur  Vris^  m'a  mis  entre  les  mains  un  pacquet  que  je  crois  estre  la  Gé- 
néalogie^. 


III 

LETTRE  DE  PIERRE  DUPUY  À  PEIRESC. 

Monsieur, 
J'ay  respondu  à  vos  deux  depesches  du  a  8  avril  et  5""  may  arrivées  à  trois 
jours  l'une  de  l'autre  fort  bien  conditionnées  avec  tous  les  pacquets  et  lettres  qui 
y  estoient  jointes  qui  ont  esté  envolées  à  leur  addresse.  Je  vous  rends  grâces 


'  Guillaume  de  l'Aubespiae,  baron  de  Châ-  Châtcauneuf,    garde    des    sceaux    de    France, 

teauneuf,  né  en  1547,  avait  été  ambassadeur  '  Sur  le  peintre  Adrien  de  Vries,  voir  t.  I, 

en  Angleterre  et  chancelier  des  ordres  du  roi.  p.  5i,  733-786. 

Il  avait  eu  de  sa  femme,  Marie  de  la  Chastre,  '  là  une  ligne  perdue  dans  la  reliure.  — 

neuf    enfants    dont    les    plus    célèbres   furent  Vol.  717,  foi.  89.  Autographe. 
l'évéque    d'Orléans    et    Charles,    marquis   de 


[1629] 


APPENDICE. 


691 


des  curiositcz  et  livres  qui  les  accoinpagnoient.  Celte  relation  espagnole  ton- 
chant  la  prise  de  la  Rochelle  est  bien  remarquable;  un  Gentilhomnr)e  Alleman 
qui  nous  bailla  ce  mémoire  de  livres  Espa{;nols  que  je  vous  ai  envoyé  nous  dit 
en  avoir  une  qu'il  achepta  sur  les  lieux  et  s'estonnoit  des  louantes  qu'on  donnoit 
à  nostre  roi  et  en  un  temps  que  l'intelligence  n'estoit  pas  tant  grande  entre  les 
deux  courones  à  cause  des  affaires  d'Italie; mais  je  crains  (|ue  vostre courtoisie 
ordinaire  vous  face  priver  de  cette  pièce  pour  nous  en  faire  part  si  libéralement 
comme  avez  desja  faict  de  la  relation  de  Perse  qui  est  grandement  estimée  de 
par  deçà.  Ce  seigneur  Pietro  délia  Valle'  fait  mention  de  deux  relations,  l'une 
de  ses  voiages  et  l'autre  de  la  Géorgie.  Si  avez  quelque  accez  auprès  de  loi,  il 
seroit  bon  de  pénétrer  en  quel  dessein  il  est  touchant  la  publication  de  ces 
deux  pièces  (jui  seroient  grandement  bien  reçues.  M' le  Card.  Barberin  y  pour- 
rait beaucoup,  car  cet  impriiné  lui  est  dédié. 

Avant  que  de  venir  à  ce  qu'il  y  a  de  public,  je  respondrai  à  vos  dites  des- 
pesches  :  je  me  doubtois  bien  que  le  s'  Rémi  s'excuseroit  sur  la  liberté  que 
quelques  uns  se  sont  voulu  donner  de  faire  brefves  ou  longues  les  syllabes  des 
noms  propres.  Ces  Mess"  me  feircnt  bien  des  lors  cette  response,  mais  qu'elle 
n'estoit  suffisante,  et  qu'il  falloiten  ces  choses  là  suivre  les  anciens  qu'en  avoient 
usé  de  la  façon,  et  que  le  long  usage  doit  prévaloir  à  tout  ce  qu'on  pourroil 
alléguer  au  contraire  et  duquel  on  ne  peut  rendre  raison ,  comme  par  exemple 
pourquoi  la  première  de  amo  est  brefve  et  celle  de  hamus  longue^  et  ainsi 
tous  les  autres.  A  la  première  rencontre  je  communiquerai  à  M'  Grotius  ce 
que  m'escrivez  de  ces  origines  des  noms  propres  et  de  diverses  façons  auxquelles 
ils  ont  esté  changez,  et  ne  manquerai  de  vous  escrire  ce  que  j'en  pourrai  re- 
tenir, et  vostre  disgression  est  très  à  propos  et  pleine  d'érudition  et  grande 
recherche,  et  pleust  à  Dieu  que  toutes  celles  de  M' Sauhnaise  sur  son  Solin 
n'eussent  point  esté  tirées  plus  loing'.  Il  travaille  maintenant  sur  un  troisième 
volume  qui  est  purement  sur  Pline  et  dont  il  fait  plus  de  cas  que  des  deux 
autres.  Il  veut  l'achever  devant  que  d'aller  en  Bourgogne  où  il  fait  estât  de 
s'acheminer  dans  six  semaines  avec  toute  sa  famille  et  ne  sçait  quel  temps  il  y 
séjournera.  Je  l'ai  enfin  mené  chez  nostre  peintre;  il  est  fort  bien  commencé 
et  il  n'y  a  persone  qui  ne  le  recogneust.  M'  Grotius  est  tout  à  fait  achevé  et 
fort  ressemblant.  M"  le  Beauclerc  et  la  Ville  aux  Clercs  se  transporteront  bien- 


'  Voir  I.  I,  p.  545. 

^  Qui  temel  est  lœtut  fallaci  pitcit  ab  hamo 
(Ofide). 


■"  Trop  juste  critique  dos  conjecturales  clv- 
iiiologics  d'un  philologue  dont  l'érudition  était 
plus  vaste  que  sûre. 

87. 


692  APPENDICE.  [1629] 

tost  chez  lui  pour  se  faire  tirer.  Mon  frère  les  a  veus  depuis  deux  jours  et  les 
en  a  sollicitez  en  vostre  nom  pour  vous  donner  celte  satisfaction.  Maintenant 
(|ue  la  Roine  M[ere]  est  à  Luxembourg  ',  ce  leur  sera  pourmenade  de  s'arrester 
chez  lui.  Pendant  le  peu  de  séjour  que  fait  ici  M'  Rubens,  je  rendis  un  petit 
service  à  M'  Vris  qui  lui  fut  assez  agréable,  car  l'ayant  adverti  de  son  arri- 
vée, nous  nous  trouvasmes  chez  lui  et  le  recommandois  fort  à  mon  dit  s'  Ru- 
bens et  le  priai  de  faire  de  bons  oflices  pour  lui  auprès  de  M'  deS-Ambroise, 
ce  qu'il  me  promit  de  faire  par  lettre,  ayant  desja  prins  congé  de  lui.  Le  dit 
s"^  Rubens  voulut  voir  ses  derniers  ouvrages  que  le  s"^  Vris  apporta  et  feurent 
grandement  estimez.  M"^  l'Ambassadeur  de  Flandres,  au  logis  du({uel  il  demeu- 
roit,  les  veit  aussi,  qui  en  ayant  fait  récit  à  celui  d'Espagne,  il  l'est  venu  visiter 
chez  lui.  Je  voi  qu'il  commence  à  estre  fort  connu  et  n'a  que  faire  de  chercher 
des  protecteurs ,  car  ses  ouvrages  le  recommandent  assez.  Je  veux  mal  à  M"^  Mons- 
tier^  qui  continue  tousjours  à  lui  faire  de  mauvais  offices;  c'est  un  marault 
indigne  de  la  cognoissance  de  gens  d'honneur.  Nous  ne  lairrons  pas  cela  sans 
reproche  à  la  première  rencontre.  Le  dit  s"^  Rubens  veit  le  palais  de  la  Roine 
M[ere]  avec  tout  son  ameublement  et  me  dit  n'avoir  rien  veu  de  si  magnifique 
en  la  Court  d'Espagne.  La  chambre  où  est  son  lict  qui  est  renfermée  dans  un 
grand  pavillon  ressemble  à  cez  lieux  enchantez  descrits  dans  les  Amadis;  il  n'y 
a  que  iM'  de  Ralzac  avec  ses  hyperboles  capable  d'en  faire  la  description. 

Pour  ce  qui  est  de  la  Rible  Hébraïque ,  il  n'y  en  a  qu'une  in  1 6°  de  Rob. 
Steph.',  et  l'année  qui  est  de  1 56.5  est  seulement  marquée  à  la  fin  desPseaumes. 
Je  ne  vous  conseille  point  de  faire  cet  achapt.  Vostre  ami  se  pourra  bien  passer 
de  l'exemplaire  qu'il  a.  M'  Rigaull  vous  doit  remercier  des  lettres  de  recom- 
mandation qu'il  a  receues  de  vous  par  ce  dernier  ordinaire.  Le  nom  de  son 
Rapporteur  est  Chômas,  qui  est  en  assez  mauvaise  réputation  comme  d'homme 
corrompu.  Toutesfois  c'est  le  hazard  qui  le  leur  a  donné  et  non  la  faveur  de  leurs 
parties.  Il  n'y  a  encore  eu  moyen  de  faire  faire  un  espreuve  du  Theo])hile  de 
M'  Fabrot  et  ai  esté  moi  mesme  trouver  Vitré  qui  le  doit  imprimer  pour  l'en 
solliciter,  mais  outre  qu'il  est  syndic  aussi  bien  que  Cramoisy,  c'est  lui  qui  a 
entrepris  l'édition  de  la  Grande  Bible*,  de  sorte  qu'il  ne  manque  pas  d'occu- 

'  C'est-à-dire  au  palais  du  Luxembourg.  kment  réditlon  do  Robert  Estienne  de  i5i4- 

'  Le'  peintre  Daniel  du  Monstier  dont  le  ca-  i546,  in-i6. 

ractèrc,  s'il  faut  en  croire  les  lignes  qui  vont  *  La  Bible  polyglotte  de  Le  ia)  (lèsS-iGlib), 

suivre,  était  loin  de  valoir  le  talent.  en  lo  vol.  in-fol. 

'  Dans  le  Manuel  du  libraire  on  indique  seu- 


[1629]  APPENDICE.     •  693 

pation  ;  mais  je  crois  que  la  longueur  sera  reconipens(?e  par  la  beauté  de  l'im- 
pression, car  il  entend  assez  bien  son  mestier.  Toutesfois  je  ne  me  fie  point  à 
ces  gens  là,  sachant  leur  ivrognerie,  ce  que  n'ignorez  non  plus,  ayant  passé 
par  leurs  mains. 

Nostre  ami,  qui  entreprend  les  Œuvres  de  M'  de  Malherbe,  s'a[)pclle  Gra- 
nier ',  qui  a  l'honneur  d'estre  cogneu  de  vous  et  de  M'  vostre  frère,  vous  prend 
au  mot  pour  les  lettres  de  M'  de  Malherbe,  qui  serviront  de  grand  ornement 
h  son  édition;  que  si  n'avez  le  loisir  d'en  faire  le  choix  et  retrancher  ce  qui 
seroit  inutile,  il  vous  donne  sa  parole  que  les  envolant  ici,  il  les  renverra  trez 
exactement  et  suivra  l'ordre  que  vous  luy  prescrirez.  Je  vous  prie,  s'il  y  a 
moyen,  de  le  favoriser  en  cela  ;  la  mémoire  de  M'  de  Malherbe  semble  vous 
y  convier  et  puisqu'il  les  avoit  voulu  examiner  pour  les  polir,  cela  fait  croire 
qu'il  les  jugeoit  dignes  de  voir  le  jour.  Mon  dit  s'  Granier  m'avoit  il  y  a  quelque 
temps  fait  cette  prière  que  j'avois  esconduitte  crainte  de  vous  faire  unerequeste 
incivile.  Mais  puisque  de  vous  mesme  vous  vous  y  estes  comme  engagé,  je  n'ai 
fait  aucune  dilficulté  de  faire  cet  office.  Vous  en  userez  neantmoins  comme  le 
trouverez  plus  à  propos^. 

M'  Rigault  se  resoult  bien,  (|uand  M'  le  Nonce'  sera  de  retour  ici,  de  lui 
faire  présent  de  son  Tertullien  entier,  ce  qui  sera  plus  à  propos  que  d'envoier 
la  préface  détachée.  Mon  dit  s''  Rigault  a  vu  ce  qu'escrivez  à  mon  frère  tou- 
chant ces  inscriptions  antiques  et  ce  mot  TRITVRRII  et  croy  qu'il  vous  en 
touchera  quelque  mot.  J'en  parlerai  aussi  à  M"  Grotius  et  Saulmaise.  Ce  dernier 
a  maintenant  entre  les  mains  les  Marmora  Arundeliana  et  à  l'ouverture  du  livre 
il  me  marqua  quelque  faute  assez  grossière  faute  d'avoir  bien  leu  le  marbre. 
Cela  fait  croire  qu'il  en  trouvera  beaucoup  d'autres.  Il  a  plusieurs  anciennes 
Inscriptions  Grecques  qu'il  voudroit  fere  imprimer  et  illustrer  de  notes  et  y 
joindroit  volontiers  celles  ci.  Je  tascherai  à  l'y  faire  resouldre.  Le  sravoir  de 
cet  homme  en  ce  genre  de  lettres  est  prodigieux,  et  M'  Grotius,  qui  a  leu  son 
dernier  ouvrage  ",  ne  se  peut  lasser  de  l'admirer  et  priser.  Il  trouvera  peu  de 
lecteurs  de  cette  sorte. 

Pour  ce  qui  est  du  registre  de  Lauthier,  je  vous  ay  mandé  comme  Quentin 
l'a  transcrit.  Mon  frère  en  a  fait  faire  une  copie  pour  lui  et  avoit  dessein  d'v 


'  Augcr  de  Matilôoa ,  sieur  do  Granier.  Voir  bibliographique  du  tome  I  des  CEurriM  i 

t.  I,  p. '117.  (/«  .Wa/A«ri«  (p.  icit). 

•  Ce  paragraphe,  depuis  les  mots:  A'o>(reami,  '  Le  r^rdinal  Bagni. 

a  été  insérd  par  M.  Lud.  L,alanno  dans  la  Notici  •   f'linianeeexercitalione${i6ag,  *  »ol. io-fol. ). 


694  APPENDICE.  [1629] 

faire  coller  les  monoies  que  nous  avons  de  M'  Haultin ,  mais  il  y  a  rencontré 
tant  de  difficulté  à  en  faire  le  rapport  qu'il  a  tout  laissé  là  et  s'est  contenté  du 
simple  discours ,  aussi  que  le  registre  de  Lauihier  contient  plusieurs  monnoies 
eslrangeres  qui  ne  sont  dans  les  planches  de  M'  Haultin,  et  fault  qu'il  les  ait 
eues  d'autre  jpart  pour  les  appliquer  à  son  livre.  Le  registre  entre  deux  ais  a 
bien  des  figures  de  monoies  en  marge,  mais  elles  sont  comme  imprimées  sur 
le  papier  mesme  et  non  collées.  Il  sera  bientost  transcrit  par  Quentin.  Je 
m'enquerrai  chez  nos  libraires  si  ce  livre  de  figures  ne  se  trouveroit  point, 
et  quand  il  se  rencontreroit  il  faudroit  qu'une  personne  intelligente  les 
collast  crainte  de  besveùe. 

Avant  que  de  venir  à  ce  peu  de  nouvelles,  il  faut  que  je  vous  remercie  du 
pacquet  de  M"^  de  Thou  du  Caire,  joint  à  vostre  depesche  du  98  avril,  en- 
semble de  la  communication  de  vostre  lettre  que  je  vous  renvoie.  Je  ne  vous 
fais  part  de  celles  qu'il  nous  escrit  pour  ce  qu'elles  ne  contiennent  que  les 
mesmes  choses  et  non  du  tout  si  particulières.  Vos  advis  de  Suze  sont  assez 
notables  pour  ce  qui  regarde  la  trefve  de  Savoie.  Au  reste  ils  sont  remplis  de 
putides  flatteries.  Il  n'est  pas  vrai  que  M'  le  Mareschal  de  S'-Luc^  ait  esté  à 
Venise ,  il  n'a  pas  passé  Nancy,  où  il  tomba  malade  d'une  maladie  que  les  me- 
disans  baptizent  du  nom  de  veroUe  ;  et  de  fait  à  son  arrivée  ici  il  s'est  retiré 
avec  sa  femme  ^  à  Ruel  où  tous  deux  s'en  font  penser,  car  on  prétend  qu'elle 
lui  a  faict  ce  beau  don  de  nopce  '.  Nous  avons  eu  quelques  advis  de  Vallence 
que  je  vous  envoie  ;  ils  sont  de  M' Ferrant.  W  le  Cardinal  doit  avoir  maintenant 
joint  le  Roy  avec  l'armée  :  les  députez  des  deux  Ducs  n'ont  peu  convenir  pour 
l'appretiation  des  terres  et  le  Roi  y  doit  envoler  des  commissaires.  Ceux  de 
Gènes  aussi  n'ont  peu  demeurer  d'accord  avec  M'  de  Savoie  pour  leurs  diffé- 
rents, sont  partis  neantmoins  fort  satisfaits  du  Roi.  On  asseure  que  M"^  le  Car- 
dinal est  parti  de  Suse  assez  content  du  Duc  et  croit-on  que  tout  se  terminera 
à  l'amiable.  Mais  vous  devez  mieux  sçavoir  ces  nouvelles  que  nous,  en  estant 
plus  proches. 

'  Timoléon  d'Espinay,  chevalier  des  ordres  1697,  avec  Gabrielle  de  la  Guiclie,  veuve  de 

du  roi,  gouverneur  de  Brouagc,  lieulenanl  gé-  Gabriel,  seigneur  de  Chazeron,   et  fille  aînée 

néral  au  gouvernement  de  Guyenne,  vice-amiral  de    Jean-François,   seigneur   de    Saint-Géran, 

de  France,  maréchal  de  France  en  i6a8,  mort  maréchal  de  France,  mort   à  Paris  le  19  jan- 

à  Bordeaux  le  la  septembre  1 646.  vier  1682. 

^  Le  maréchal  de  Saint- Luc,  qui  avait  épousé  '  Voir  à  ce  sujet  dans  Tallemant  des  Réaux 

en  premières  noces  Henriette  de  Bassompierre,  l'historiette  intitulée  :  Le  maréchal  de  Saint-Luc 

sœur   du   maréchal,   se    remaria,    le   la   juin  et  le  comte  d'Etlan,  ton  fitê  {l.  l\,  f.  a4G). 


[1629]  APPENDICE.  695 

Pour  ce  qui  est  de  deçà ,  la  Princesse  Marie  a  salué  la  Reine  Merequi  lui  a  fait 
assez  maigre  accueil;  elle  se  baissa  pour  baiser  la  Robbe,  la  Reine  la  retira  et 
l'embrassa  sans  la  baiser,  et  puis  se  tournant  tint  quei({ues  propos  légers  à  Ma- 
dame de  Longueville  sa  tante.  Il  n'y  a  rien  de  bien  résolu  pour  son  parlement. 
Monsieur  ne  vient  point,  comme  il  s'estoit  dit.  Il  est  toujours  à  Orléans  :  la  paix 
d'Angleterre  est  conclue  et  le  commerce  restabli;  M' de  Cbasteauneuf  est  attendu 
ici  pour  y  aller  Ambassadeur  extraordinaire'.  Ils  doivent  envoyer  de  leur  costé 
pour  extraordinaire  un  comte  de  Dembi,  non  pas  celui  qui  est  beau-frere  de 
feu  le  Duc  de  Buckingham,  mais  un  autre,  pour  ordinaire  un  nommé  Wachi 
emploie  autresfois  par  le  Duc  vers  les  Suisses.  On  ne  dit  point  qui  y  résidera 
de  nostre  costé,  non  plus  qu'en  Espagne  et  en  Bruxelles.  Le  siège  de  Bos  le 
Duc  2  continue  tousjours.  Je  n'ai  peu  voir  les  derniers  advis.  Si  ceux  qu'on  m'a 
dit  sont  véritables^,  les  HoUandois  en  seront  bientost  les  maistrcs,  car  ils  as- 
seurent  que  le  prince  est  desja  logé  dans  le  mares,  duquel  costé  la  ville  est 
moins  fortifiée  et  qu'il  se  dessèche  par  quantité  de  moulins  à  eaùe  faits  pour 
cet  effet.  Il  faut  savoir  ce  que  nous  mandera  M'  Rubens  qui  désire  fort  que  le 
commerce  de  nos  lettres  se  restabiisse.  Le  Marquis  de  Spinola  est  tousjours 
en  Espagne  et  bien  à  propos  pour  sa  réputation.  M'  le  Garde  des  Sceaux  a  eu 
d'assez  rudes  paroUes  k  Valence  avec  M' le  Surintendant  sur  le  subjectde  quel- 
ques Arrêts  qu'on  luy  veult  faire  sceller  encore  qu'il  n'y  ait  point  esté  ouï.  Et 
ce  différent  se  termina  de  la  sorte  que  chacun  dit  qu'il  en  feroit  sa  plainte  au 
Roi.  On  dit  pourtant  (jue  le  dit  s"^  Garde  des  Sceaux  a  esté  fort  caressé  du  Roi 
à  son  arrivée.  Pour  la  charge  de  M'  d'Herbault,  on  ne  sçait  point  qui  en  sera 
pourveu.  M'  de  l'Avrilliere  y  a  de  grandes  pretensions  et  la  voix  commune  l'y 
appelle. 

Je  suis  et  serai  toute  ma  vie,  Monsieur,  vostre  très  humble 
et  affectionné  serviteur, 

P.  DU  Puï. 

r    Je  vous  envoie  un  Ovide  qui,  je  croi,  vous  agréera  grandement  pour  la 


'  Ce  fut  deux  jours  après  la  date  de  cette  lo  juillet  1619.  La  dernière  rat  du   11  tvri! 

lettre    que    furent    liguées    Â    Privas    les    in-  i63o. 

structions  données  à   Charles  de   l'Aubespiue,  *  Voir  ioc  le  si^  de  Bois-le-Doc  une  note 

maniuis  de  CliAteauncuf,    lo   Tiilur  garde   des  de  la  page  169. 

sceaux.  La   première  dépêche  dn  l'ainbassadeiir  '  Par-dessus  ces  mots,  du  Piiy  a  ëcrit  :  Si  lai 

nu  cardinal  de  Richelieu  est  datée  de  liondres,  advis  qui  sont  venus. 


696  APPENDICE.  [1630] 

beauté  de  l'édition  et  l'elegance'.  Vous  aurez  l'Horace^  l'ordinaire  prochain. 
Je  ne  vous  conseille  pas  de  vous  en  desaisir  qu'il  n'y  en  ait  d'autres  de  deçà. 
J'y  ay  joint  deux  plans  du  combat  de  Suse  et  les  petites  heures  Grecques. 

La  petite  lettre  au  s"^  Berger  a  esté  receue  et  vous  en  remercie. 

Mes  recommandations  à  M'  vostre  frère.  Mon  frère  vous  salue. 

De  Paris,  ce  18  may  1699'. 


IV 
LETTRE  DE  CHRISTOPHE  DUPUY  À  PEIRESC. 

Monsieur, 

Je  suis  en  peine  par  quel  discours  commencer  pour  m'excuser  d'avoir  esté  si 
longtemps  sans  vous  escrire.  Je  pourrois  bien  alléguer  les  incommoditez  que 
j'av  eues  pendant  cet  esté  à  cause  des  maladies  que  nous  avons  ressenti  en 
cette  maison,  desquelles  j'ay  ma  part  aussy  bien  que  les  autres;  mais  j'ayme 
mieux  reconnoistre  ingenûement  ma  faute  et  vous  prier  de  me  pardonner,  que 
d'entrer  en  toutes  ces  excuses.  Nous  avons  esté  trez  fort  en  peine  de  sçavoir  de 
vos  nouvelles ,  ce  qui  n'a  point  esté  sans  appréhension  pour  mon  particulier  à 
cause  des  divers  advis  que  nous  avons  receus  en  divers  tems,  que  la  peste  avoit 
pénétré  en  plusieurs  lieux  de  vos  quartiers.  J'ay  opinion  que  vous  avez  main- 
tenant par  delà  M"^  de  Thou ,  s'il  n'est  passé  plus  outre.  M"  de  Meslay  ",  son 
frère,  arriva  icy  trois  jours  aprez  qu'il  en  fust  party,  ce  qui  me  faict  porter 
plus  patiemment  son  absence. 

Vous  avez  sçeu  comment  M'  Holstenius  a  esté  despesché  en  Pologne 
pour  porter  le  bonnet  à  Monseigneur  le  cardinal  S.  Croix;  il  s'est  mis  en 
quelque  équipage  parce  qu'il  est  allé  avec  le  titre  de  Camérier  d'honneur  de 
Sa  Sainteté.  Devant  son  partement,  il  me  mit  entre  les  mains  un  pacquet 
de  livres  lequel  je  n'ay  voulu  ouvrir,  encore  qu'il  m'ayt  donné  la  permission, 
affin  que  je  le  luy  gardasse  pendant  son  absence.  C'est  ce  qu'il  avoit  de  plus 
exquis  entre  les  choses  qu'il  avoit  acquises  depuis  qu'il  est  en  ce  païs,  et  au 

'  C'est  l'édition  elzévirienne  de  Daniel  Hein-  ^  Bibliothèque  d'Inguimbert,  collection  Pei- 
sius  en  3  volumes  in-16,  que  M.  A.  Willems  dé-  resc,   registre   XLI,   tome  II,   fol.  ga.  Auto- 
signe ainsi  (Les  Elzevier,f.  83)  :  rédition  jolie  et  graphe. 
assez  rare. n                                                                    '  Jacques-Auguste  de  Thou ,  baron  de  Meslay, 

'  VHorace  de  Daniel  Heinsiusen  1  vol.  in-16.  déjà  mentionné  plus  haut  (p.  266). 


[1630]  APPENDICE.  697 

casque  Dieu  disposast  de  luy,  il  entend  ef  désire  que  je  l'envoyé  à  Paris,  à  mon 
frère,  pour  en  faire  ainsy  que  bon  luy  semblera,  estimant  que  s'il  a  quelque 
chose  qui  soit  digne  d'estrc  mis  au  jour,  on  ne  d(5tiendra  par  delà  ensevély 
comme  on  fait  icy  ce  qu'il  a  de  bon.  Il  se  plaignit  à  moy  sur  ce  propos  qu'il 
n'y  avoit  eu  moyen  de  voir  aucune  chose  de  ce  que  le  signor  Aleandro  avoit 
laissé,  et  f|ui  estoyent  tombées  entre  les  mains  de  quelques  personnes  qui  ne 
leur  laissèrent  voir  le  soleil  ;  que  pour  ce  sujet  il  me  consignoit  ce  peu  de  livres, 
adin  qu'ils  ne  courussent  pareille  fortune.  J'ay  bien  voulu  vous  donner  advis  de 
tout  ce  que  dessus  affin  ([ue  vous  fussiez  témoin  de  ce  depost,  ce  que  pourtant 
je  n'ay  voulu  déclarer  à  personne ,  n'estimant  pas  qu'il  en  soit  besoin  ;  seulement 
en  ay  donné  advis  à  mon  frère  et  non  à  autre, car  il  n'est  pas  expédient  que 
par  deçà  on  en  soit  adverti. 

Je  pensois  qu'il  me  laisseroit  les  auteurs  de  Venatione,  mais  ne  se  trouvant 
du  tout  achevez,  il  me  dit  qu'il  les  portoit  avec  luy,  et  par  le  chemia  il  leur 
(lonneroit  la  dernière  main,  pour  les  laisser  en  Allemagne,  s'il  y  trouvoit  en 
passant  quelqu'un  qui  les  voulut  im[)rimer.  Je  vous  envoyé  une  lettre  qu'il  vous 
escrit  et  vous  rend  conte  de  son  voyage.  Je  n'ay  encore  osé  ouvrir  le  pacquet, 
qui  n'est  nullement  cacheté,  pour  le  luy  restituer  à  son  retour  en  la  mesme 
façon  qu'il  me  l'a  consigné.  Si  toutefois  vous  desirez  avoir  mémoire  de  ce  qu'il 
contient,  je  le  feray  pour  l'amour  de  vous.  Je  sçay  qu'entre  autres,  les  quatre 
livres  de  S'  Cyrille  sur  S'  Jean  y  sont  ainsi  qu'il  m'a  dit,  et  peut  estre  tout 
son  travail  sur  le  Stephanus  de  Urbibus  ',  où  il  y  a  de  belles  choses. 

Je  n'ay  autre  chose  pour  le  présent.  C'est  pourquoy,  aprez  vous  avoir  baisé 
trez  humblement  les  mains  et  à  M'  vostre  frère,  finiray  par  vous  assurer  que 
je  sais  et  seray  toute  ma  vie , 

Monsieur,    " 

vostre,  etc. 

Fr.  Christophe  dd  Poy. 
De  Rome,  ce  i  janvier  »63o. 

M'  Rigault  m'a  adressé  une  fort  longue  lettre  latine  pour  Monseigneur  le 
Cardinal  sur  le  fait  du  différent  ([u'il  a  avec  M'  l'Evesque  d'Orléans-. 

'  Élienne  de  Byzanco,  le  géographe  du  »i*  siècle,  auteur  de  Iltpi  vô>.etn>.  —  '  BiblioUièqué  Mé- 
janes,  à  Aix.  Collection  Peiresc,  vol.  X,  fol.  871.  Copie. 

88 


698  APPENDICE.  [1630] 


LETTRE  DE  JACQUES  DUPUY  A  PEIRESC. 

Monsieur, 
Je  commence  à  mieux  espérer  de  la  seureté  de  nos  depesches,  la  vostre  du 
2  0  du  passé  m'ayant  esté  rendue  le  1 5  du  courant  et  outre  ce  me  donnant 
advis  de  l'arrivée  des  miennes  entre  vos  mains.  Je  desirerois  pourtant  qu'à 
vostre  loisir  il  vous  pleust  m'en  marquer  les  dates  pour  estre  encore  en  plus 
grande  seureté.  Pour  ce  qu'est  des  vostres ,  je  n'en  ai  point  receu  d'autres  que 
celles  que  je  vous  ai  marquées  par  mes  précédentes.  Les  courriers  pour  Rome 
passant  par  vos  quartiers ,  M'  Jacquet  aura  plus  de  moien  de  vous  faire  tenir 
promptement  mes  pacquets,  dans  lesquels  neantmoins  je  n'ose  rien  mettre  de 
conséquence  jusques  à  ce  que  je  voie  le  commerce  mieux  restabli.  Pour  response 
à  vostre  lettre ,  je  vous  dirai  qu'elle  nous  a  esté  très  agréable  pour  le  long  temps 
qu'avions  esté  privés  de  cet  entretien  que  je  repute  une  des  plus  grandes  dou- 
ceurs de  ma  vie.  Les  amis  aussi  n'en  ont  point  receu  moindre  contentement. 
Vous  aurez  appris  par  mes  dernières  l'arrivée  du  coffre  de  M'  de  Thou  en  cette 
ville  et  croi  qu'il  vous  escrit  et  remercie  de  tant  d'obligations  qu'il  a  receùes 
et  reçoit  journellement  de  vous.  Nous  n'avons  rien  appris  de  M'  Holstenius  de- 
puis son  passage  à  Vienne.  Les  lettres  de  Rome  du  i  o  avril  ne  nous  en  disent 
rien.  Je  n'ai  pas  moins  d'impatience  que  vous  d'apprendre  le  succez  de  son 
voiage  et  de  ses  rencontres  en  matière  de  livres.  Son  Porphyrius  est  imprimé 
à  Rome',  et  mon  frère  le  chartreux  nous  en  envoie  par  le  retour  de  M'  de  Be- 
thune^.  Par  les  dernières  de  M'  d'Aubray  de  Lion  il  estoit  sur  son  parlement 
pour  vostre  Province ,  et  ne  manquera  de  vous  consigner  fidèlement  les  pa- 
quets dont  il  s'est  voulu  charger.  Je  lui  souhaite  bon  succès  de  sa  commission 
qui  n'est  pas  petite,  ayant  aflEaire  à  des  compagnies  de  bien  différentes  humeurs 
et  un  peu  rudes.  Vous  m'obligerez,  s'il  est  au  lieu  de  communication,  de  lui 
faire  mes  humbles  baisemains.  Pour  ce  qui  est  de  vos  livres ,  Monsieur  de  Val- 
belle,  lieutenant  de  l'amirauté  du  Levant,  qui  est  ici  et  fort  de  vos  serviteurs 
et  de  M'  de  Thou,  s'en  est  voulu  charger,  et  de  faict  aujourd'hui  je  les  ai  fait 

'   Poi-phyrius  de  vita  Pythagorœ;  ejuidem  sen-  ob$ervaUonet  adjecit  (Rome,  imprimerie  du  Va- 

tenliœ  ad  iiitellijfihilta  ducentes ;  de  antro  nym-  tican,  i  63o  ,  in-8°). 

pharam.  Luc.  Holstenius  lai.  verlit ,  dissertationem  '  L'ambassadeur  de  France  à  la  cour  de  Rome, 

de  vita  et  tcriptis  Porphyrii  et  ad  vitam  Pythagorœ  déjà  souvent  mentionné  en  ce  volume. 


[1630]  APPENDICE.  699 

emballer  et  couvrir  de  toile  cirée  divisés  en  deux  balles,  et  envoie  chez  le  dit 
sieur  de  Valbcllc  qui ,  faisant  ses  balles  pour  Lion ,  les  y  joindra  et  les  conduira 
lui  mesme  de  Lion  h  Tarascon  dans  son  batteau,  et  m'a  promis  de  les  vous 
faire  rendre  en  main  propre  très  heureusement.  J'ai  creu ,  estant  très  honcste 
homme  et  vostre  ami ,  ne  pouvoir  consigner  en  meilleure  main.  Il  est  fort  oblige 
à  M^  de  Thou,  qui  l'assiste  grandement  à  la  poursuite  de  son  procez,  el  sa  re- 
commandation n'y  nuira  point.  Il  en  attend  l'événement'  incontinant  après 
ceste  fcste.  Gela  fait,  il  partira  pour  s'en  retourner  chez  lui.  Que  si  son  procez 
le  retenoit  ici  [)lus  long  temps,  je  sçaurai  l'addrcsse  qu'il  a  tenue  pour  Lion 
et  vous  la  manderai  affin  que  de  vostre  costé  vous  peussiez  faire  venir  vo8 
dicts  deux  ballots,  mais  je  croi  qu'il  sera  bien  plus  seur  d'en  laisser  faire  le 
dit  de  Valbello.  Je  lui  ai  aussi  baillé  un  exemplaire  relié  à  la  Flamande  de  la 
petite  Bible  Hébraïque  de  Rapbelenge*  que  me  demandez,  n'en  ayant  peu 
trouver  en  blanc,  nos  libraires  ne  s'en  chargeant  gueres  autrement  que  reliés, 
à  cause  des  imperfections  qui  s'y  rencontrent.  Drouart  en  a  encore  deui  autres 
pareils  que  je  n'ai  voulu  retenir,  craignant  qu'elle  ne  vous  feut  agréable  de  la 
façon  ;  elle  est  fort  rare  et  n'en  vient  plus  du  pays.  Vous  me  ferez  sçavoir  vostre 
volonté.  M'  de  Valbelle  vous  envoiera  cest  exemplaire  par  voie  seure.  M'  Ay- 
card  n'est  point  venu  jusques  ici,  ayant  rencontré  la  court  à  Lion.  S'il  y  vient, 
M'  de  Thou  et  nous  lui  ferons  offres  de  nostre  service  et  assisterons  en  ce  qui 
dépendra  de  nous.  Monsieur  Rigault  est  en  termes  d'accommodement  avec  ses 
parties  qui  se  mettent  à  la  raison  depuis  l'arrest;  il  n'y  a  que  M'  Haultin  qui 
se  fait  tenir,  mais  il  se  rendra  à  la  prière  des  amis  communs.  Je  ne  sçai  si 
M'  Petit  de  Nismes  vous  aura  point  fait  tenir  son  livre*.  Nos  critiques  de  deçà 
en  font  un  jugement  très  desadvantageux.  Il  avoit  fait  veoir  quelques  pièces 
assez  passables,  mais  elles  ont  esté  suivies  de  tant  d'autres  que  cela  a  tout  ruiné 
l'ouvrage.  Ils  disent  qu'il  n'a  aucun  jugement  à  ses  corrections,  qu'il  fait  de  sa 
teste  sans  aucun  manuscript  et  aux  poètes  contre  la  règle  de  quantité.  Il  faut 
bien  prendre  garde  devant  que  de  se  commettre  au  jugement  des  hommes. 
M' de  Saulmaise,  quoi  que  l'autheur  m'ait  esté  recommandé,  m'a  escrit  de  deçà 
très  librement  son  sentiment,  mais  comme  à  un  ami  qui  en  use  avec  discrétion. 
Vous  tiendrez  ce  l'ait  secret,  s'il  vous  plaist.  Pour  les  médailles  de  M'  Aubery, 
M'  d'Aubray  vous  rendra  un  petit  pacquet  où  elles  sont  contenues.  Quant  aux 

'  L'issue,  ce  qui  advient,  d'evtnirt.  niana  RapkeUngii),  une  de  1699,  rtnlre  de» 

*  Le  Manuel  du  libraire  cite  (t.  I,  col.  867)         niinëes  i6io-i6t3. 
deux  éditions  in-8°  de  Leyde  {ex  officina  planli-  '  MùetUanea  (Paris,  i63o,  in-4*). 

88. 


7W  APPENDICE.  [1630] 

nouvelles  du  monde ,  elles  sont  maintenant  en  vos  quartiers  ;  on  nous  dit  que 
le  Roi  doit  maintenant  estre  caché  dans  la  Savoie;  les  Reines  et  le  conseil  de- 
meurent à  Lion,  ce  qui  ne  plaist  gueres  à  M' le  Garde  des  Sceaux.  M'  du  Chas- 
telet  esl  intendant  de  la  justice  en  l'armée  du  Roi  ',  qui  est  un  bel  emploi  pour 
lui  et  fort  contre  le  goust  du  Garde  des  Sceaux  qui  ne  le  tient  nullement  pour 
ami  :  mais  Monsieur  le  Cardinal  l'a  voulu  ainsi;  vous  jugez  par  là  le  peu  d'in- 
telligence qu'il  y  a  entre  ces  Messieurs. 

Monsieur  est  ici  en  qualité  de  Gouverneur  de  Paris  et  Isle  de  France;  outre 
ce  il  a  un  autre  pouvoir  pour  commander  l'armée  de  Champagne  :  tous  deux 
ont  esté  verifiiés  au  Parlement,  ce  qui  a  reveillé  la  querelle  entre  la  Grand 
Chambre  et  Enquestes.  Ces  derniers  ayant  esté  tumultuairement  dans  la 
Grand  Chambre  prendre  leur  place  et  demander  communication  de  cet  affaire, 
qui  leur  fut  respondu  avoir  desja  esté  délibéré  et  verififié  et  qu'il  ne  rcstoit  plus 
qu'à  le  publier  à  l'audience ,  ce  qui  se  feroit  cette  mesme  matinée  quand  ils  se 
seroient  retirés,  estant  jour  d'audience,  Messieurs  des  Enquestes  demeurèrent 
en  leur  place  jusques  après  dix  heures  à  s'entrcregarder  et  ainsi  le  pouvoir  ne 
fut  publié  ni  l'audience  tenue.  Il  n'a  laissé  neantmoins  d'ostre  envoie  à  Mon- 
sieur avec  l'arrest  de  veriffication.  Pour  ce  qui  est  du  Parlement,  ils  ont  remis 
leur  différent  après  la  Trinité.  Monsieur  Frère  du  Roi  a  un  conseil  ici  establi 
composé  du  Cardinal  de  la  Rochefoucaul,  Monsieur  Bafort(?),  Président  le 
Jay,  Président  le  Cogneux,  de  Roissy,  OUier,  Fouquet,  Bruisseaux,  de  Chevry, 
Prévost  des  Marchands-,  Procureur  gênerai,  Chevalier  du  Guet,  etc.  et  mesme 
je  veois  desja  quelque  arrest  donné  en  ce  conseil  de  matière  dont  le  Parlement 
devroit  cognoistre,  qui  est  d'un  enlèvement  d'une  femme  mariée  qui  est  en 
mauvois  mesnage  avec  son  mari.  L'arrest  est  signé  de  M"^  Leblanche.  Le  bon 
homme  M"^  de  Lomenie  n'est  de  ce  conseil,  dont  il  se  formalise  fort  peu.  Je 
vous  ai  desja  mandé  la  mort  de  nostre  Premier  Président';  sa  place  ne  se  rem- 
plira pas  si  tost,  v  ayant  à  pourveoir  à  affaires  bien  plus  pressées.  Quand  ces 
pouvoirs  de  Monsieur  se  verront,  je  vous  en  ferai  faire  copie.  Le  bon  homme 
M'  Des  Landes  est  sur  le  point  de  prendre  congé  de  la  compagnie.  M'  Bouchet 
Bouville  montera  à  sa  place  de  Doyen ,  et  personne  des  Requestes  n'ira  à  la 


'  Paul  Hay,  sieur  du  Ghastelet,  le  futur  aca-  des  Réaux,  los  Mémoires  de  Mathieu  Mole.  etc. 

démicien.  '  Jean  Bochart,  seigneur  de  Champigni.  Voir 

^  La  plupart  de  ces  personnages  ont  été  déjà  sur  ce  magistrat  l'article  du  Mwériàe  1769  con- 

mciilionnés  dans  le  tome  I  ou  dans  ce  tome-ci.  sacré  à  la  famille  Bochart  (t.  II,  seconde  partie, 


Voir  pour  les  autres  les  lUslorieUet  de  Tallemant         p.  i). 


[1630]  APPENDICBL  TM 

Grande  chambre,  y  ayant  uno  place  Buperniimeraire.  Vous  Irouviirez  ici  un  livret 
(lu  bun.'au  des  rencontres  (jui  de  prime  abl)ord  vous  seftiblcra  ridicule  et 
n'aurez  pas  esté  seul  de  vostre  advis  ;  mais  j(;  vous  puis  asseurer  qu'on  eo  est 
maintenant  destrompé  et  plusieurs  recognoissent  l'utilité  qu'on  en  peut  tirer 
pour  le  public,  cognoissant  plusieurs  personnes  qui  y  ont  trouvé  condition.  Je 
croi  qu'après  l'avoir  considéré  vous  n'improuverez  ce  dessein.  J'ai  fait  un  mé- 
moire de  tout  ce  (|ui  est  contenu  dans  vos  deux  ballots,  (pie  je  vous  envolerai 
au  prochain  ordinaire.  Monsieur  Ferrand  est  à  Lion  pour  ses  affaires;  It  est  en 
très  bonne  intelligence  avec  M'  de  Baunes,  General  des  postes,  et  fait  la  charge 
du  bureau  de  Paris  soubs  lui  absolument.  M'  Jac(|uet  y  est  très  mai  et  venu  k 
rupture  ouverte  contre  le  dit  sieur  de  Baunes.  Je  crains  bien  qu'il  lui  en  suc- 
cède mal,  dont  je  serois  très  marri.  Peut  estre  qu'à  Lion  ils  .se  raccommoderont. 
Je  vous  baise  les  mains  et  suis, 

Monsieur, 

vostre  très  humble  et  obéissant  serviteur, 

J.  DU  PcY. 
De  Paris,  ce  so  may  i63o. 

Mes  humbles  recommandations  à  Monsieur  vostre  frère  '. 


VI 
LETTRE  DE  DUPUY  À  VALAVEZ. 


Monsieur, 
Je  ne  doute  point  maintenant  que  toutes  mes  lettres  ne  vous  ayenl  esté 
rendues  puisque  M'  Ferrand,  auquel  en  partie  elles  estoient  addressées,  est  à 
Lion.  J'ai  receu  vostre  dernière  du  18  avec  une  relation  si  particulière  de  ce 
qui  se  passe  que  je  n'ai  point  de  parolies  suffisantes  pour  vous  en  remercier. 
Aussi  que  la  saison  est  si  stérile  de  deçà  que  je  ne  vous  en  puis  rien  mander 
que  ne  sachiez  desja  d'ailleurs.  Vostre  postscript  du  1 8  avec  l'arrest  du  conseil 
touchant  le  fait  d'Hulins  nous  a  aussi  esté  rendu ,  avec  l'extrait  des  lettres  des 
Indes  qu'avions  desja  veu  ici.  La  nouvelle  d'Orenge  est  de  très  grande  impor- 
tance et  nous  ferez  faveur  d'en  mander  la  continuation.  Il  estoit  malaisé  que 
ce  gouverneur,  après  avoir  joué  le  personage  qu'il  avoit  fait,  esperast  autre 

'   Bililiotlièque  nationale,  fonds  français,  vol.  gSAA,  fol.  79.  Autognjtke. 


702  APPENDICE.  [1630] 

fin.  Il  eust  deub  songer  à  sa  retraitte  de  meilleure  heure.  Pour  ce  qui  est  de 
nostre  correspondance  pour  l'advenir,  Monsieur  Ferrand  m'escrit  qu'il  a  fait 
l'oflice  envers  M'  du  Lieu,  successeur  de  M"' Jacquet,  et  que  je  lui  peus  ad- 
dresser  seurement  tout  ce  que  je  voudrai  pour  Monsieur  vostre  frère.  Je  lui 
escris  pour  cet  effet  et  le  remercie  de  sa  courtoisie.  Je  ne  doubte  nullement 
que  de  vostre  costé  vous  n'y  apportiez  toutes  les  précautions  nécessaires.  Je 
suis  très  marri  de  ce  changement  et  vous  prie  quand  verrez  M'  Jacquet  de  lui 
tesmoigner  le  ressentiment  que  nous  en  avons  et  que  nous  n'en  serons  pas 
moins  ses  très  humbles  serviteurs.  Enfin  M' le  lieutenant  Valbelle  est  parti  ven- 
dredi dernier  en  compagnie  de  M' d'Orléans  ^  et  d'autres  députez  du  clergé  qui 
vont  en  court  pour  faire  leurs  remonstrances  touchant  les  treize  cent  mil  livres 
que  le  Roi  leur  demande.  Ils  ne  se  plaignent  pas  tant  de  la  somme  que  du  pro- 
céder pour  la  lever,  car  le  Roi  entend  que  ceux  qui  font  la  levée  pour  les  de- 
cimes  la  facent  pour  cette  somme  sans  aucune  assemblée  pour  éviter  les  lon- 
gueurs, et  vous  voiez  là  le  notable  interest  de  M""  d'Orléans,  et  aussi  qu'ils 
s'estimeroient  taillables  comme  les  paysans  et  subjets  à  la  crue  de  la  taille 
comme  il  plairoit  à  Messieurs  du  Conseil  d'en  ordonner.  J'ai  donné  quelques 
pacquets  à  M'  de  Valbelle  qu'il  vous  délivrera.  Je  pense  qu'il  sera  assez  à  temps 
à  Lion  pour  faire  conduire  les  deux  ballots.  Pour  ce  manifeste  qui  respond  à 
celui  de  M'  de  Savoie ,  je  vous  en  ai  envoie  un  exemplaire  de  façon  que  n'avez 
que  faire  de  vous  en  mettre  en  peine  davantage.  Le  feu  de  la  S' Jean  s'est  fait 
ici  sans  aucune  assemblée  ni  solemnité  ^  à  cause  de  l'absence  du  Roi  qui  est 
exposé  tous  les  jours  aux  hazards.  L'on  a  fait  ici  des  prières  de  4o  heures  par 
les  églises  pour  la  prospérité  de  ses  affaires  et  de  sa  santé.  Je  m'estonne  aussi 
bien  que  vous  que  tardions  tant  à  recevoir  des  lettres  de  M'  vostre  frère.  Je 
vous  prie  luy  escrivant  de  l'asseurer  de  mon  très  humble  service.  Je  vous  baise 
les  mains  et  suis. 

Monsieur, 

vostre  très  humble  et  affectionné  serviteur, 

DU  PuY. 

De  Paris,  ce  aB  juin  i63o. 

Je  me  resjouis  de  l'asseurance  que  vous  donnez  d'un  voiage,  cet  automne, 
en  nos  quartiers. 

'  Gabriel  de  l'Aubespine.  —  'On  sait  qu'à  l'occasion  du  feu  de  la  Saint-Jean  on  célébrait  de  temp 
immémorial  à  Paris  une  fête  très  populaire,  très  joyeuse,  très  brillante  qui  a  été  souvent  décrite. 


[1630]  APPENDICE.  703 

Monsieur  de  Thou  m*a  chargé  de  vous  faire  ses  humbles  recommandations 
comme  font.aussi  tous  ces  autres  Messieurs  '. 


VU 
LETTRE  DE  JACQUES  DUPUY  X  PEIRESC. 

Monsieur, 
Je  ne  vois  point  que  la  diminution  de  la  peste  en  vos  quartiers  nous  facilite 
davantage  le  commerce  de  vos  lettres,  n'en  ayant  point  receu  depuis  celle  du 
a 8  juillet.  M' le  Prieur  de  Roumoule  en  est  en  grande  inquiétude,  ne  désirant 
point  partir  de  cette  ville  sans  avoir  auparavant  receu  responsc  à  celle  (ju'il 
vous  a  escrit.  Il  doibt  acquitter  les  parties^  de  Cramoisy  qui  pourront  monter 
à  quelques  cents  livres.  Il  a  vu  Madame  de  Buon  par  rencontre  qui  lui  a  fort  parlé 
des  parties  que  deviez  à  fu  son  mari  et  qu'elle  dit  monter  à  mil  livres.  Si  le 
dit  Prieur  en  avoit  ordre  de  vous,  il  |)Ourroit  sortir  de  cette  affaire  et  s'en  ac- 
corder à  l'amiable,  mais  je  luy  ay  dit  que  son  mari  metloit  plusieurs  livres  en 
conte  dont  ne  demeuriez  pas  d'accord ,  et  outre  ce  plusieurs  imperfections  qui 
s'y  rencontrent,  mais  de  cela  vous  en  ordonnerez  comme  il  vous  plairra.  Les 
belles  offres  de  M'  de  Marcheville  à  M'  Gassendi  l'ont  comme  vaincu  et  crois 
asseurement  qu'il  fera  le  voyage  de  Levant  avec  luy^.  M'  Lhuiliier  le  consent, 
ne  pouvant  pour  luy  présentement  le  faire  à  cause  de  la  caducité  de  son  père, 
et  do  l'incertitude  oh  les  officiers  sont  touchant  le  droit  annuel ,  mais  ces  deux 
obstacles  ostez,  je  vous  assure  qu'il  fera  ce  voyage  pour  contenter  son  esprit, 
et  cette  absence  ne  diminuera  en  rien  l'affection  qu'il  porte  au  dit  sieur  Gas- 
sendi. M'  Marchier,  prevost  de  vostre  Eglise,  est  en  cette  ville,  qui  nous  a  fait 
la  faveur  de  nous  venir  visiter.  Il  est  ici  pour  les  affaires  de  son  cardinal* 
auxquelles  il  doit  trouver  toute  facilité,  chacun  cherchant  l'occasion  d'obliger 
des  gens  constituez  en  si  haut  degré  de  faveur  et  de  mérite.  Nous  avons  icy 
publié  de  nouveau  ce  livre  du  sieur  Petau  in-folio  qui  est  un  3*  tome  en  suite 
de  ses  deux  premiers^,  traittans  de  chronologie;  la  première  partie  contient 

■  Bibliothèque     nationale,    fonds     français,  '  Le  cardinal  Alphonse  de  Richelieu,  arche- 
vol.  g54i,  fol.  8a.  Autographe,  véque  d'Aix,  puis  de  Lyon. 

*  Notes,  comptes,  factures.  »  Nous  avons  vu  que  le  P.  Petau  a«ai(  publie 

'  On  sait  que  ce  voyage  ne  se  fit  pas.  VOpui  â»  doctrina  («mpvmnt  ta  (6*7  (Piri*^ 


704  APPENDICE.  [1630] 

plusieurs  auteurs  anciens',  comme  le  Geminus  et  Hiparchus  déjà  trop  rares 
et  auxquelz  il  a  ajouté  la  version.  H  y  a  aussy  quelques  calendriers  anciens. 
La  seconde  partie  sont  observations  contre  un  Caranza  Espagnol,  qui  l'a  at- 
taqué assez  rudement  dans  un  livre  imprimé  à  Genève^,  et  M'  de  Saulmaise 
qu'il  traitte  assez  injurieusement  et  indignement.  Et  certes  ces  Messieurs  se 
seroyent  bien  passez  d'en  venir  à  cez  extremitez,  mais  leurs  amis  n'ont  peu 
rien  gagner  sur  leurs  esprits  tant  ils  sont  aigris.  Je  feray  en  sorte  que  vous  en 
ayez  un  exemplaire  de  fin  papier  et  que  M'  de  Roumoule  s'en  charge. 

Pour  les  nouvelles,  je  ne  puis  rien  mander,  estant  moins  prez  que  vous  des 
lieux  où  elles  se  passent.  La  paix  est  généralement  souhaitée  de  tous,  mais  je 
ne  vois  point  d'acheminement  à  un  si  grand  bien.  Quantité  de  provinces  de 
deçà  sont  menacées  de  famine,  la  récolte  des  blés  ayant  esté  trez  mauvaise  en 
plusieurs  lieux.  La  sédition  d'Orléans  a  esté  sévèrement  chastiée,  y  en  ayant  eu 
sept  ou  huit  de  pendus.  Nous  n'avons  rien  de  bien  particulier  d'Allemagne.  Le  roi 
de  Suède  continue  toujours  ses  progrez  et  s'est  rendu  maislre  de  Stetin,  capitale 
de  Pomeranie.  Il  y  a  quelques  advis  de  la  translation  de  la  Diète  de  Ratis- 
bonne,  mais  je  ne  la  tiens  pas  bien  asseurée.  Vous  verrez  par  celte  proposition 
de  l'Ambassadeur  d'Angleterre^  comme  le  Roy  se  laissa  piper  et  ne  se  conten- 
tant de  faire  des  lachetez,  veut  y  engager  les  autres  avec  luy  ;  mais  je  ne  pense 
pas  qu'on  aye  grand  égard  à  cette  offre.  Ces  Messieurs  ne  se  mettront  point  cette 
année  en  campagne,  et  se  contenteront  d'estre  spectateurs  de  nostre  guerre 
d'Italie ,  les  bras  croisez  ;  mais  ils  auront  leur  tour  aussy  bien  que  nous.  J'oubliois 
à  vous  mander  que  M'  Ferrand,  nostre  amy,  est  tout  à  fait  hors  de  la  poste,  n'y 
avant  peu  entrer  aux  conditions  que  M'  de  Bauve  demandoit.  Un  nommé  Soi- 
gnée de  Bordeaux,  son  associé  en  cette  charge  du  temps  d'Almeras,  et  qui, 
oultre  ce,  tient  la  poste  de  Bordeaux,  y  est  entré  avec  quelques  autres  associez; 
ils  ne  la  prennent  que  pour  sept  ans  à  ferme  et  en  rendent  trente  mil  livres 
par  an^  et V  oultre  ciB,  prestent  cent  mil  francs  sans  inlerest  à  M'  de  Bauve, 

Séb.  Çrampisy).  Le  supplément  parut  sous  le  titre  *  Le  jurisconsulte  Alphonse  Caraïua  mit  à  la 

à'Uramhgion  sive  lystema  variorum  aulhorum,  smleie  son  Irailé:  De  Partu  naturah  et  legittmo, 

qui  de sphœra  ac  tideribus eorumque motibui grœce  réimpression  de  Genève,  j63o,  in-i°,  une  dia- 

commentaù  tuht',e{c.  (Paris.S.  Craraoisy,  i63o,  Iribe  contre  VOpiu  de  doclrina  temporum. 
in-fol.).  '  La  présente  lettre  est  suivie,  dans  le  ma- 

'  Voir  la  liste  de  tous  ces  auteurs  dans  le  nuscrit  de  la  Méjanes,  d'un  document  intitulé: 

titre  complet  de  V  Vranologion  tel  que  le  repro-  Proposition  de  l'Anibaisadear  du  Roi  de  la  Grande- 

duit  la  Bibliothèque  de»  éa-ivain»  de  la  Compagnie  Bretagne,  document  qui  a  été  plusieurs  fois  im- 

de  Jésus  (  t.  II,  col.  1 898).  primé. 


[1630]  APl•E^DlCI•:.  705 

le([uel  restituera  celle  somme  au  bout  de  sept  ans.  Considérez  comment  un 
homme  de  bien  se  peut  sauver  à  ce  pri\  et  r|uelie  rourloisie  on  peut  attendre 
de  ces  Messieurs.  Je  suis  marri  de  ce  ciiangemenl,  car  M'  Ferrand  recherchoit 
loutes  les  occasions  d'oblifjer  les  honnestes  yens,  desquels  il  est  universellement 
reyrcttiî.  Il  se  retire  de  nostre  voisinage  pour  aller  au  quartier  du  Louvre .  .  .  '  qui 
est  gentil  personage,  ce  que  reconoitrez  à  l'inspection  de  l'ouvrage;  il  est 
à  M'  le  prësident  de  Mesmes.  Tous  les  ann's  se  portent  bien  de  deçà  et  vous 
saluent,  et  moy  en  mon  particulier  qui  désire  plus  que  personne  d'eslre 
conservé  en  l'honneur  de  vos  bonnes  grâces  que  je  chéris  plus  que  chose 
du  monde,  vous  priant  de  croire  que  je  suis  et  seray  toute  ma  vie, 
Monsieur, 

vostre,  etc. 

J.   DU  PtJY. 
De  Paris,  le  3  septembre  iC3o. 

Le  peintre  a  tiré  les  figures  du  manuscrit  de  la  Bibliothèque  du  Rov  et 
M'  de  Roumoules  en  est  chargé  qui  vous  les  portera.  Avec  vostre  permission 
M'  vostre  frère  trouvera  icy  mes  humbles  recommandations.  M'  de  Thou  et 
mon  frère  vous  en  disent  autant*. 


Vin 

LETTRE  l)K  JACQLES  DIJPIY   À  PEIRESC. 

Monsieur, 
Si  je  ne  voyois  quantité  de  lettres  de  vos  quartiers  et  d'assez  fraische  date 
qui  asseurent  de  vostre  bonne  disposition ,  j'aurois  sujet  d'en  mal  |)enser.  n'avant 
receu  aucunes  lettres  de  vous  depuis  celles  du  a6  juillet  apportées  par  M'  île 
Marcheville.  M'  le  Prieur  de  Roumoules  fait  estai  de  partir  au  commencement 
delà  semaine  prochaine,  bien  en  peine  de  vostre  silence,  et  ne  voyant  que  son 
séjour  en  cette  ville  vous  puisse  estre  utile,  il  s'est  chargé  de  quelques  livres 
et  papiers  que  j'avois  pour  vous,  comme  aussy  du  pacquet  de  Nicolas  Da- 
mascenus  de  M'"  Grotius-',  que  je  n'ay  pas  creu  pouvoir  estre  mis  en  meilleures 

'  Il  y  a  évidemment  ici  une  lorime  dans  le             '  Le  peu  que  l'on  posséd.iit  alors  des  oiivraf^ 

texic.  historiques  de  Nicolas  de  Damas  avait  Hé  traduit 

'  Bibliothèque   Méjanes.  Collection    Peiresc,         en  latin  par  N.  Cragius  (Genève.  iSg^,  io-i*). 

vol.  X,  fol.  873.  Copie.  Le  texte  grec,  accompagné  d'une  traduction  la^ 

II.  H9 


706  APPENDICE.  [1630] 

mains.  Cela  meriteroit  bien  d'eslre  imprimé,  et  la  lettre  qu'il  vous  escrit  ser- 
viroit  de  préface.  Vous  en  ferez  comme  il  vous  plaira ,  car  ce  n'est  pas  chose 
qu'il  affecte,  ne  nous  en  ayant  tesmoigné  aulcune  envie,  et  crois  mesme  qu'il 
n'en  a  retenu  copie.  Mon  dit  sieur  de  RoumouleS  a  acquitté  les  parties  de 
Cramoisy  et  Drouard  qui  montent  à  i34  livres,  ainsy  que  verrez  par  leurs 
quittances  qu'il  a  retirées,  de  façon  que  vous  estes  quitte  envers  nos  libraires. 
Je  vous  envoyé  le  livre  intitulé  Uranologium  du  P.  Petau ,  qui  vous  contentera 
plus  à  cause  des  auteurs  anciens  qu'il  y  met,  que  pour  les  invectives  contre 
M'  de  Saulmaise  et  autres.  Encore  que  M'  Petit  aye  demandé  à  vous  faire  pré- 
sent de  son  livre,  neantmoins  cette  voye  estant  fort  longue  et  mal  assurée,  j'ay 
creu  qu'il  valloit  mieux  en  charger  M'  de  Roumoules.  Nos  libraires  ont  reim- 
primé l'CUcumenius  qui  estoit  si  rare  auparavant,  le  grec  et  le  latin  en  deux  vo- 
lumes in  folio  ^.  Je  n'ay  voulu  vous  en  retenir  un  sans  vostre  advis ,  ne  sçachant 
s'il  sera  de  vostre  goust,  et  si  la  première  édition  vous  suffit,  vous  me  ferez 
sçavoir  vostre  volonté  là  dessus.  Il  y  en  a  de  grand  papier.  Le  P.  Sirmond  en- 
treprend l'édition  de  Théodoret^.  Nos  libraires,  nonobstant  le  mauvais  tems, 
ont  envoyé  à  la  foire  ;  nous  verrons  ce  qu'ils  en  apporteront.  Je  ne  vous  mande 
point  de  nouvelles  publiques,  en  ayant  connoissance  aussy  tost  que  nous.  Dieu 
veuille  que  cette  trefve  de  six  semaines  soit  suyvie  de  l'effet  qu'on  s'en  promet. 
Cette  restitution  actuelle  de  Casai,  ville  et  chasteau,  fait  bien  mal  au  cœur,  et 
Dieu  veuille  que  celle  de  la  citadelle  ne  s'en  ensuyve,  ainsy  qu'il  est  stipulé 
par  la  capitulation,  au  cas  qu'elle  ne  soit  secourue  quinze  jours  aprez  la  trefve 
expirée.  Le  marquis  Spinola,  par  les  derniers  advis  de  Lion,  estoit  tenu  mort, 
mais  on  en  attendoit  la  confirmation -^  Le  Valestein  a  esté  désapointé  par  l'Em- 
pereur à  l'instante  prière  des  Electeurs  qui  refusoient  absolument  de  luy  ac- 
corder aucune  grâce,  s'il  ne  leur  donnoit  cette  satisfaction.  Le  duc  de  Bavière 
est  fait  général  de  la  Ligue  catholique  et  le  conte  da  Tilly  son  lieutenant,  le- 


(ine,  l'ut  publié  pour  ia  première  fois  par  Henri  paru  dans  l'auloinnc  de  i6.3o  et  que,  par  coiisé- 

de  Valois ,  dans  les  Excerpta  Polybii,  Diodori,  etc.  quent ,  c'est  à  tort  que  ia  Nouvelle  biographie  gé- 

(Paris,  i634,  in-4°).  On  sait  que  les  Fragments  nérale  attribue  à  cette  édition  la  date  de  i63i. 

de  Nicolas  de  Damas  ont  reparu  avec  additions  -  Le  Théodoret  du  P.  Sirmond  ne  parut  que 

par  les  soins  d'Orclli  (Leipsick,  180  4  et  1811)  douze  ans   plus   tard  :  Beali    Theodoreti  Epiic. 

fit   avec   nouvelles  additions   par   les    soins    de  Cyri  opéra    omnia  in   quatuor  tomo$  distributa 

G.  Millier  (tome  m  des  Fragmenta  historicorum  (Paris,  Sébastien  et  Gabriel   Cramoisy,  1663, 

grœevmm  de  la  Bibliothèque  grecque  de  Didot).  in-fol.). 

'  On  voit  par  là  que  les  Commentaires  sur  les  '  .^rabroise  Spinola  mourut  cinq  jours  après 

livres  saints  de  cet  écrivain  byzantin  avaient  déjà  que  cette  lettre  fut  écrite. 


^ 


[1630]  APPKNDICK,  707 

quel  s'achemine  en  Poméranie  contre  le  Roy  de  Suède  qui  y  continue  ses  pro- 
grcz.  Valestein  preste  cinq  cent  mil  escjiz  à  l'Empereur  qui  le  fait  son  lieutenant 
en  Bohême  et  Hongrie,  provinces  (|ui  ne  dépendent  de  l'Kmpirc  et  sur  lesqiieli» 
les  Electeurs,  aux  Diètes  d'Allemagne,  n'ont  que  voir.  On  dit  qu'il  luy  demeure 
des  restes  de  la  guerre,  tant  en  fonds  qu'en  argent,  plus  de  neuf  millions  d'or, 
(lellc  que  nous  faisons  en  Piémont  ne  nous  vaudra  pas  tant.  Vous  allez  voir  un 
nouveau  gouverneur  en  Orange,  qui  est  le  baron  de  Dona.  qui  a  époust^  la 
sœur  de  la  princesse  d'Orange  et  par  conséquent  beau-frère  du  Prince'.  Il  a 
passé  par  icy  et  doit  saluer  le  Roy  à  Lion  devant  que  de  prendre  possession  de 
son  gouvernement.  On  dit  qu'il  est  brave  gentilhomme  et  d'esprit  modéré. 
Une  partie  du  train  de  Madame  de  Valkembourg,  veuve  du  Gouverneur,  est 
en  cette  ville  et  elle  doibt  bientost  suyvre,  faisant  estât  de  passer  icy  l'année  de 
son  deuil,  devant  que  de  se  retirer  en  Hollande.  M'  de  Thou  se  porte  fort  bien 
et  m'a  commandé  de  vous  faire  ses  humbles  baise-mains ,  comme  aussy  M'  Aubri. 
Tout  le  reste  des  amis  est  en  bonne  santé  et  vous  salue,  comme  je  fais  de  mon 
costé,  désirant  demeurer  à  jamais, 
Monsieur, 

rostre,  etc. 

J.  DU  PtY. 

De  Paris,  ce  ao  scptembi'e  i63o. 

J'oublibis  à  vous  dire  que  M'  de  Roumoules  m'a  baillé  huit  pistoles  d'Es- 
pagne pour  cstre  employées  selon  les  occurrences  aux  livres  et  transcriptions  et 
autres  choses  que  désirerez.  11  me  reste,  outre  cela,  quelque  chose  de  quatre 
cent  francs  que  je  receus  au  mois  d'avril  iG-jg.  Que  M'  de  Valavez  trouve  icy, 
s'il  vousplaist,  mes  humbles  recommandations.  Nostre  nouveau  fermier  de  la 
poste,  qui  est  un  Gascon,  Loignac,  auparavant  maistre  de  la  poste  de  Bour- 
deaux,  fait  telle  exaction  sur  les  pacquets  qu'il  en  a  excité  une  plainte  gene- 
ralle;  mais  je  ne  vois  pas  encore  ([u'elle  soit  pour  produire  aulrun  règlement. 
Il  menace  de  faire  payer  le  bon  homme  de  Lomenie  et  M'  Le  Pelletier.  Nostre 
amy  nous  dit  qu'au  dernier  ordinaire,  on  vouloit  exiger  de  luy  le  port,  mais 
qu'il  parla  de  si  bonne  sorte  au  valet,  qu'on  ne  luy  donnera  plus  cette  com- 
mission. Je  ne  vous  conseille  pas  d'envoyer  d'hors  en  avant  des  pacquets  excé- 

'  Heiil'i-Frédôric  de  Nassau  avail  épousé  Emilie  de  Solms,  fille  de  Jeau-Albert,  comte  de  Solrns- 
Bruasfclds. 

89. 


708  APPENDICE.  [1033] 

dants  la  grosseur  ordinaire,  sans  qu'on  sache  ce  que  tout  cecy  deviendra. 
M' Ferrand  part  demain  pour  aller  à  Lion ,  mais  je  le  vois  tout  résolu  de  ne  pen- 
ser plus  à  cette  afFaire.  Néantnioins  il  est  un  peu  vindicatif  et  aura  de  la  peine  à 
digérer  l'attront  que  lui  a  fait  M'  de  Bauve  et  il  ne  manque  pas  d'amis.  M"^  Du 
Lieu  par  sa  dernière  du  i  3  me  tesmoigne  force  courtoisie  et  désir  d'aider  nostre 
correspondance'. 


IX 
LETTRE  DE  JACQUES  DUPUY  À  PEIRESC. 

Monsieur, 

Nous  n'avons  pas  esté  moins  mortifiés  à  l'ouverture  de  vostre  lettre  du 
i3  juing  que  vous  le  fustes  à  celle  de  vos  quaisses,  nous  imaginant  tous 
qu'il  se  trouveroit  dans  ce  grand  amas  quelque  pièce  d'importance  pour  recom- 
penser le  travail  de  vostre  ami  qui  avoit  tant  peiné  pour  les  recouvrer  et 
satisfaire  vostre  curiosité,  mais  il  se  faut  consoler  sur  l'espérance  qu'il  se 
pourra  rencontrer  quelque  chose  de  meilleur.  Peut  estre  qu'avec  ces  poésies 
d'Orphée  U  y  pourra  avoir  quelque  pièce  qui  n'a  point  encore  esté  veue,  mais 
ces  choses  ont,  comme  vous  dites,  besoin  d'un  peu  de  temps  pour  les  exa- 
miner à  loisir. 

Pour  venir  au  particulier  de  vostre  despesche,  vous  aviez  bien  jugé  que 
M'  de  Roumoules  seroit  party  quand  elle  arriveroyt.  J'ay  receu  une  de  ses 
lettres  d'Orléans  avec  une  qui  \  estoit  joincte  pour  M'^  de  Valavez  que  vous  trou- 
verez icy.  M' Gaillard  a  distribué  toutes  vos  lettres  et  n'a  pas  eu  peu  d'affaires; 
il  est  tout  plein  de  bonne  volonté  pour  vous  servir  pendant  son  séjour  en  cette 
ville.  J'ay  fait  tenir  à  mon  dit  sieur  de  Roumoules  ce  qui  s'addressoit  à  luy  et 
tout  ce  que  je  recevray  ou  pour  luy  ou  de  sa  part,  je  ne  manquerav  pas  d'en 
avoir  soin.  Vous  m'estonnez  de  dire  que  n'eussiez  point  encore  veu  cette  édition 
de  l'Anthologie  en  lettres  majuscules,  y  ayant  fort  long  temps  que  nous  en  avons^. 
Ce  livre  mérite  d'estre  gardé  par  curiosité  des  premières  éditions,  car  pour 
l'usage  il  n'est  pas  tant  commode.  Nous  avons  receu  aussv  une  lettre  de  vostre 
part  par  les  mains  de  M"^  de  Berulles  qui  est  fort  honneste  homme  et  qui  nous 

'  Bibliothèque  Méjanes.  Colleclion  Peirosc,  édition  de  VAnthohgie  de  Planude,  donnée  par 
vol.  X,fol.  377.  Copie.  J.  Lascaris  à  Florence  en  iltQli  (in-4°)  el  qui 

'  Jacques  Dupuy  veut-il  parler  do  ia  première         fut  exécutée  en  lettres  capitales? 


[1033]  APPlîNDICn:.  709 

faira  singulière  faveur  de  nous  visiter.  Nous  sommes  dans  un  mesme  voisinage, 
ce  qui  doil  encore  faciliter  l'amitié.  Je  n'ay  point  veu  d'autre  volume  Cophte 
parmy  les  livres  de  M'  de  Thon  venus  du  L'avant  que  celuy  des  Fjiturgies, 
(|ui  est  maintenant  entre  les  mains  de  M'  Petit,  tout  le  reste  estant  Arabiques. 

Mons'  Diodati  est  icy  de  retour  qui  vous  faira  venir  de  Genève  sa  copie  de 
la  lettre  du  seigneur  Galilei  que  vous  demandez.  Nostre  Epistre  de  S'  Clément 
ne  s'imprime  point  encore,  et  ne  sçay  ce  qui  en  succédera.  J'ay  escrit  en  An- 
gleterre pour  en  faire  venir  demy-douzaine  d'exemplaires,  car  tou.sjours  cette 
édition,  quoyqu'on  la  refasse,  sera  meilleure  et  plus  authentique.  Quand  nous 
donnasmes  à  M'  de  Roumoules  la  peau  de  chagrin  verd ,  ce  n'estoit  pas  à  des- 
sein d'en  avoir  une  autre  et  avec  telle  usure  que  de  doubler  nostre  capital  en 
si  peu  de  temps;  mais  vous  accablez  vos  amis  de  courtoisie  qui  sont  bien  marris 
de  ne  s'en  pouvoir  rovencher. 

Quand  iVr  Viaz  sera  icy,  je  luy  rendray  vostre  pacquet,  comme  aussy  celu\ 
pour  M'  Bordier  qui  n'est  pas  encore  arrivé. 

J'ay  fait  rendre  vostre  lettre  à  Mons'  de  Bellièvre  et  M'  de  Thou  Fa  appuyée 
de  sa  recomniandalion  qui  n'estoit  pas  grandement  nécessaire,  estant  fort  in- 
formé de  voslre  mérite  et  qualité,  estant  fort  assuré  qu'il  fera  tout  ce  qu'il 
pourra  en  vostre  recommandation. 

Pour  ce  qui  est  des  nouvelles,  je  crois  que  la  Gazette  vous  en  apprendra  plus 
que  je  ne  vous  en  sçaurois  mander.  Le  Roy  est  à  Forges'  où  il  boit  des  eaux  : 
M'  le  Garde  des  Sceaux*  ne  suwra  point  ;i  cause  de  l'incommodité  des  loge- 
înens  et  du  peu  de  séjour  que  la  Cour  y  fera.  M' le  Comte  fost  mercredy  à  la 
chambre  des  Comptes,  oii  il  fit  vérifier  99  Edits  de  créations  d'offices,  vente 
de  domaines  et  autres  semblables.  M'  de  Lorraine  crie  au  meurtre  et  à  l'ayde 
sur  ce  que  les  Suédois  sont  entrez  dans  ses  terres,  ont  ravagé  quantité  de  vil- 
lages et  le  menacent  de  prez.  Je  ne  sçay  si  ceux  auxquels  il  s'adresse  pour  faire 
ces  plaintes  luy  en  feront  grande  raison,  car  l'orage  luy  pmirroit  bien  venir 
de  ce  costé  là  pour  se  venger  de  tant  do  contreventions  de  sa  part  au  der- 
nier traitté  de  paix  avec  luy,  l'année  dernière. 

L'Ode  d'AlcJ|)pe  que  je  vous  envoyé  est  faite  par  un  de  mes  amis  nommé 
M'  Pcllans  et  m'assure  que  vous  trouverez  la  pièce  bien  polie.  Quebpi'un  l'a 
nonmiée  assez  à  propos  l'adieu  sans  adieu,  couune  vous  jugerez  mieux  ayant 
leu  la  dernière  stance. 

'  Forges-les-Eaux ,  clicf-licii  do  canlon  de  la  .Seinp-lnfi-ripiiro,  arr.  de  Neiifcliilel ,  i  45  kiloatirc* 
de  Roupn.  —  '  Pierre  Sogiiier  élail  garde  des  sceaux  depuis  le  mois  de  fé>rier  iGS.S. 


710  APPENDICE.  [1633] 

Je  vous  envoyé  la  copie  de  la  Prophétie  du  Roy  de  Suède  que  vous  nous 
feites  tenir  longtemps  avant  sa  mort.  On  m'a  prié  de  sçavoir  de  vous  d'oii  cela 
est  tiré  et  s'il  y  a  moyen  d'en  avoir  quelque  preuve  authentique,  car  la  plus  part 
du  monde  croyent  et  bien  souvent  avec  raison  que  ces  choses  se  font  aprez  coup. 
Je  vous  envoyé  les  titres  de  deux  livres  de  Dausquius,  que  Cranioisy  a  receuz 
de  Flandres,  qui  semblent  mériter  et  donner  dans  vostre  goust.  Néantmoins 
je  ne  les  ay  voulu  mettre  par  les  chemins  sans  avoir  auparavant  vostre  advis. 

11  a  couru  un  bruit  fort  gênerai  que  nostre  bonne  ville  debvoit  abimer  cette 
nuit  dernière  et  cela  fondé  sur  une  prétendue  révélation  de  Capucins.  Plusieurs 
ont  esté  si  sots  que  de  quitter  la  ville  ;  mais  Dieu  mercy  tout  est  en  mesme 
estât  que  devant.  Mes  humbles  recommandations  à  M'  de  Valavez  vostre  frère. 
Je  vous  baise  les  mains  et  suis  de  tout  mon  cœur. 

Monsieur, 

vostre,  etc. 

J.  DU  Pur. 
De  Paris,  ce  96  juia  i6,33  '. 


LETTRE  DE  CHRISTOPHE  DUPUY   A  MONSIEUR  DE  PEIRESC, 

CONSEILLER   DL   ROY  EN   S\  COUR   DE   PARLEMENT,   À    MX. 

Monsieur, 
J'ai  deux  de  vos  lettres  depuis  huicl  jours  du  a  et  17  du  passé.  La  1'"  je  l'ai 
receu  par  les  mains  de  M' le  chevalier  del  Pozzo  à  qui  vous  l'aviez  recommandée 
caldamente  ^,  estant  toute  sur  l'affaire  du  procès  du  s'  Pierre ,  de  laquelle  vous 
devez  estre  à  présent  plainenient  informé  par  celles  de  M""  de  Bonneval  qui  à  mon 
avis  a  usé  de  toute  diligence  pour  en  descouvrir  le  secret,  ayant  suivi  pour  cela 
les  avis  et  les  adresses  que  vous  avez  pris  la  peine  de  nous  donner  avec  un  soin 
et  une  affection  nompareilie ,  si  bien  que  je  ne  reprendrai  point  ici  ce  qu'il  m'a 
asseuré  vous  avoir  mandé  par  plusieurs  fois ,  et  puisque  c'est  une  affaire  à  la- 
quelle il  ne  faut  plus  penser,  je  crois  n'avoir  plus  rien  à  dire  en  cela,  sinon  à 
vous  remercier  non  autant  que  je  dois,  mais  autant  qu'il  m'est  possible,  de 
l'affection  qu'il  vous  a  pieu  nous  tesmoigner  en  cette  occasion  qui  a  esté  telle 

'  Bibliothèque  Méjanes.  Collection  Peiresc,  vol.  X,  fol.  38o.  —  -  Chaudement,  vivement. 


[1633]  APPENDICE.  711 

(jue  elle  ne  se  pouvoit  faire  pnroistre  davantage  envers  des  personnes  à  qui 
vous  auriez  de  frez  grandes  obligations,  de  sorte  que  estant  très  certain  que 
jamais  aucun  de  nous  n'a  esté  si  heureux  que  de  vous  pouvoir  rendre  le  moindre 
service  du  monde,  il  faut  advoûer  que  il  n'y  a  parole  qui  puisse  exprimer  les 
ressentiments  que  nous  en  avons  non  plus  que  le  désir  qu'il  se  présente  un 
jour  occasion  pour  nous  pouvoir  rovancher.  J'cscris  à  mon  jeune  frère  '  en  quels 
termes  vous  escrivez  ih  lui  à  M'^  le  cardinal  Barberin  et  en  quelle  opinion  vous 
l'avez  mis  en  l'esprit  de  son  Eminence,  aflin  (|ue  de  son  costé  il  essaye  de  faire 
plus  que  moi  qui  ne  vous  puis  dire  autre  chose  sinon  moriar  ingratus. 

Je  n'ai  point  ouï  dire  qu'on  ayo  imprimé  deux  registres  des  cérémonies  de 
Rome  du  temps  de  Burchard'^,  nom  plus  que  celles  de  Paris  de  Grassis-*.  Je 
vous  dirai  pourtant  que  j'ai  eu  en  mon  pouvoir  le  Diarium  Pontificale  Inno- 
centii  VIII  de  Burchard  et  celui  de  Jules  II  et  de  Léon  X  de  Paris  de  Grassis 
qui  m'ont  esté  prestes  pour  les  faire  vendre.  J'en  ai  ...  *  volumes  par  devers 
moi  assez  bien  escrits  in-i"  gros  .  .  .  doits.  Le  quatriesme,  qui  est  la  q*  partie 
de  Jules  II ,  ne  m'a  esté  mis  entre  les  mains  ...  je  pourrois  avoir  pour  dix  cscus 
la  j)iece,  qui  est  un  assez  bon  prix  eu  égard  à  ce  que  je  paye  aujourd'hui, 
car  choque  volume  ne  se  peut  pas  copier  pour  qo.  J'ai  encore  deux  vo- 
lumes de  pareille  gro.sseur  de  Onuphrius  Panvinius*  lesquels  seront  à  vendre 
à  la  mesme  condition  et  sont  aussi  fort  bien  escrits,  et  celui  qui  s'en  veut  dé- 
faire, qui  est  personne  de  lettres,  m'a  assuré  que  ils  ne  sont  imprimez,  ce  que 
je  peus  vérifier  aisément  par  <|ui  peut  avoir  toutes  les  œuvres  de  .  .  .  escri- 
vain  comme  .  .  .  que  vous  les  avez  tous.  Le  premier  de  ces  deux  volumes 
d'Onuphrius  contient  De  prestantia  Basilicœ  Sancti  Pétri  libri  septem  con 
un  trattato  in  fine  délia  forma  ch'  era  la  confessione  di  S.  Pietro  anticamente 


'  Jacques  Diipuy.  On  sait  qiio  Cliristoplin 
éUiit  l'ainé  de  la  faniitle. 

'  Voir,  sur  le  Journal  de  Jean  Burcliard, 
l.  I,p.  46o. 

'>  Paris  de  Grassis,  coiume  écrivent  les  uns, 
de  (irassi,  conmiu  écrivent  les  aiilrt-s,  était  un 
frère  du  savant  canonistc  le  cardinal  Acliillc.  Il 
naquit  à  Bologne,  comme  son  frère,  et  mourut  i 
Romo  le  10  juin  i5a8.  Il  fut  le  successeur  de 
J.  Buixlinrd  dans  la  chaire  do  premier  maître 
des  cérémonies  de  la  Chapelle  papale  ot  devint 
évoque  de  Pesaro  en  i  Tu  5.  Il  a  laissé  un  journal 
de  tout  ce  qui  s'est  passé  A  la  cour  de  Rome  de- 


puis i5o/i  jusqu'à  la  mort  de  I.éon  \.  De  con- 
sidérables extraits  en  ont  été  donnés  par  Oderic 
Rainaldi  dans  ses  Annata  ecclniattiqtin  et  par 
F.  de  Bréquigny  dans  le  tome  II  des  Notict$  dm 
manutcrilt  d»  ta  liiblioth^ut  du  Roi.  Voir  le 
Diclioimairf  de  Moréri,  le  DicHonnatrt  de  Bajie, 
la  Biographie  iiniverteUe  (article  de  Wciss),  U 
SourelU  biografhi»  gMraU  (article  d'EmMt 
Grégoire),  etc. 

*  C^e  vide  et  les  vides  suivants  sont  caiMé*  par 
des  déchirures  du  papier. 

'  Sur  0.  Panvinio  voir  le  tome  I,  p.  «i8, 
ai  g. 


712  APPENDICE.  [1633] 

fatto  dal  Signore  Michel  Lango.  Le  II  tome  contient  lib.  III!  Onupbrii  Pan- 
vinii  :  De  Basilica,  baptisterio  et  Palriarrhio  Latemncnsi  Riluales  vetusti,  vulgo 
ceremoniaies  appellati,  ex  antiquis  patribus  et  bibliotheca  Vaticana,  labore  et 
industria  Onupbrii  Panvinii ,  tom.  I^  . .  Micrologiis  Onupbrio  interprète  vocuni 
ecclesiasticarum.  Geremoniale  Cincii  cardinalis  ante  CCCCannos...  erutis  ex 
bibbolheca  Vaticana  ab  Onupbrio.  Onupbrii  librorum  decem  De  varia  crealione 
Pontificii  Romani  epitonie.  J'ait  fait  voir  tous  ces  susdits  livres  à  M"^  Débon- 
naire qui  pourra  vous  en  escrire,  et  si  vous  les  desirçz  vous  nous  en  ferez  savoir 
s'il  vous  plaist  vostre  volonté.  M'  Débonnaire  croit  avoir  veu  quelque  commen- 
cement de  ce  livre  des  animaux  des  Indes  fait  par  un  médecin  Flaraen  babitué 
en  cette  ville  appelé  Faber^,  qui  est  mort  depuis  peu  d'années^.  Je  ne  failiiray 
de  parler  à  M'  Holstenius  pour  les  deux  livres  de  S'  Cyrille  d'Alexandrie  et 
vous  en  rendrai  response.  Je  suis  bien  aise  que  les  livres  de  M'  Naudé  soient 
arrivés  seurement.  L'on  m'a  dit  que  la  bible  Arabique  se  feroit  entièrement. 
Neantmoins  j'en  fais  difficulté,  sachant  les  longueurs  dont  on  a  de  coustume 
d'entretenir  les  hommes  en  ce  pays*.  Cet  ouvrage  est  une  entreprise  de  la  con- 


'  Cet  ouvrage  et  lessuivcints  ne  sont  pas  men- 
tionnés dans  les  recueils  biograpliiques  et  t)il)lio- 
grapliiques.  Niceron,  qui  énumèr"  97  piiWi- 
cations  de  Panvini  (I.  XVI,  p.  SSi-SSg),  ajoute 
que  cet  érudit  «a  fait  encore  un  grand  nombre 
d'ouvrages  qui  sont  restez  en  manuscrits^.  Parmi 
les  ouvrages  inédits  du  très  fécond  écrivain,  on 
cite  son  grand  traité  De  cœremonm  curiœ  romnnœ , 
en  1 1  volumes  in-fol.,  qui  se  conserve  en  la  hi- 
bliothèque  royale  de  Munich.  Sait-on  dans  quelle 
collection  d'Allemagne  ou  d'Italie  on  garde  les 
manuscrits  indiqués  par  le  P.  Cti.  Dupiiy? 

-  Jean  Faber,  analomisie  et  botaniste,  naquit 
vers  1  570  à  Bamberg,  fut  reçu  docteur  en  mé- 
decine à  Rome,  occupa  avec  distinction  la  chaire 
de  médecine  à  l'Académie  romaine,  commenta 
les  lUustrium  imagines  de  Fuivio  Or^inl  (  Anvers , 
1606),  attaqua  violemraenlJoseph  Scahger  [De 
nardo  et  epilhymo  adcei-êus  Jos.  ScaUgentm  ditpu- 
tatio,  Rome,  1607,  in-i°);  il  fut  l'ami  de  César 
Césalpin,  du  jésuite  Clavius,  de  Fabio  Columna  , 
de  Galilée,  etc.  Voici  comment  Weiss(fiiogT«pAic 
universelle)  parle  du  livre  mentionné  par  le 
P.  Chr.  Dupuy  :  "Kn  fondant  l'Académie  des 
Lincei,  le   prince  Cési    s'était  particulièrement 


proposé  de  favoriser  la  publication  de  l'ouvrage 
composé  par  Recchi  sur  l'histoire  nalnrelle  du 
-Mexique,  d'après  les  manuscrits  laisses  par 
Fr.  Hemanilès,  médecin  du  roi  d'Es'pagne  Phi- 
lippe il.  Aucun  des  lincei  ne  remplit  plus  promp- 
tement  que  Faber  les  intentions  de  l'illustre 
fondateur.  Son  travail  sur  la  zoologie  du  Mexique 
fut  imprimé  à  Rome,  en  1C28,  in-fol.,  sons  ce 
liti-e  :  De  animalibus  ituiicis  apud  Mexicmn,  mais 
la  publication  en  fut  retardée  jusqu'en  i65i,  où 
parut  la  première  édition  de  l'ouvrage  de  Recchi 
ou  plutôt  d'Hernandès.  Les  additions  de  Faber 
ne  se  rattachent,  pour  la  plupart,  qu'indirecte- 
ment a  l'ouvrage  qu'il  était  chargé  d'éclaircir  et 
de  commenter;  mais  elles  n'en  sont  pas  moins 
tiès  intéressantes.  1  • 

'  Co,  qui  montre  combien  est  fausse  la  conjec- 
ture ainsi  rapportée  par  Weiss  :  (tOn  croit  qu'il 
mourut  à  Rome  vers  1  Gfto ,  dans  un  âge  très 
avancé.)!  La  Nouvelle  biographie  générale  dit  qu'il 
mourut  vers  le  milieu  du  ivii'  siècle.  On  saura 
désormais  que  Fah.^r  était  déjà  mort  sept  ans 
avant  i64o. 

'  L'événement  ne  justifia  que  trop  les  craintes 
du  P.  C.  Dupny  au  sujet  de  la  lenteur  que  l'on 


[1633]  APPENDICE.  713 

grégalion  de  la  Propagande  où  il  fault  délibérer  sur  la  moindre  difficulté  et 
proposer  h  la  congrégation  :  anssi  n'en  a-t-on  veu  sortir  que  de  petits  livres  de 
trois  ou  fi  feuilles,  et  puis  chacun  sait  de  quelle  estime.  Je  n'ai  point  encor 
apris  quel  jugement  on  faisoit  icy  de  l'epistre  de  S'  Clément.  Le  lieu  d'où  elle 
sort  la  rend  fort  douteuse' ...  et  au  bout  du  conte  je  ne  sçay  s'il  y  a  icy  au- 
cun de  ceux  à  qui  il  appartient  d'en  juger  qui  soit  capable  d'en  bien  parler, 
ce  qui  est  déplorable.  Ce  seroit  une  belle  chose  que  l'édition  grecque  de  cette 
bible  à  laquelle  est  attachée  cette  epistre .  .  .  l'entreprise.  Excusez  si  je  vous 
ennuyé  par  cette  misérable  lettre  que  je  finirai  par  la  prière  que  je  vous  fais 
de  me  tenir  tousjours  pour 

vostre  ires  humble  et  très  obéissant  serviteur, 

Fr.  Ch.  i)U  Puï. 
Rome,  ce  17  décembre  i633'. 


niollail  î'i  imprimer  la  liible  arabique,  cnr  l'édilion 
projcléi^  ne  fut  achevée  que  trente-huit  ans  plus 
liird:  Biblia  arabica  (Home,  typi$  Congregnl.  ih 
propag.  fde ,  1671,  3  vol.  in-fol.). 

'  G'cst-à-dire ,  si  je  comprends  bien  le  texte 


incomplet,  snnpecte  i  cause  de  son  origine  an- 
glaise, Rome  se  méfiant  de  ce  qui  venait  d'un 
pays  héi-cîlique. 

'  Bibliothèque     nationale,     fonds     français, 
vol.  g56/i ,  fol.  97. 


FIN  DU  TOME  DEUXIÈME. 


CP 


90 


0 


BINDING  SECT.  JAN15 


DC 
36 

.98 
P33U 
1888 
t. 2 


Pelresc,  Nicholas  Claude 
Fabri  de 

Lettres  de  Peireac  aux 
Frères  Dupuy 


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